Marwan Abichacra : « A 53 ans, je suis presque le dernier installé de Cannes »

336 – CardioNews – Le Cardiologue : Les élections aux URPS sont passées. Avez-vous été surpris du résultat ? Pensez-vous que la régionalisation impulsée par la loi HPST sera susceptible d’impacter votre pratique quotidienne ?

Marwan Abichacra : Le syndicat des cardiologues des Alpes Maritimes est modeste et n’a pas d’élu ; les Provençaux, beaucoup plus nombreux que nous, en ont fait élire deux qui seront donc nos représentants … Notre région se singularisait par l’abondance de listes, d’origine syndicale mais aussi de collectifs plus ou moins représentatifs. On retient du scrutin que la CSMF a gagné, c’est-à-dire un vrai syndicat campé sur une ligne de défense de l’exercice libéral. Pour autant, nous sommes en périphérie extrême du territoire national et nous sommes un peu « décalés » par rapport à l’agitation parisienne. Personnellement, je ne pense pas que la régionalisation de la santé nous affectera particulièrement. Prise à Paris, à Marseille ou à Nice, une décision se mesure d’abord à la façon dont elle est appliquée. Quand il y a des dérives, généralement marginales mais connues de tous, ceux qui sont « dans les clous » apprécient peu de recevoir une mise en garde générale Lorsqu’on nous rappelle, par exemple, l’obligation d’afficher les tarifs, une majorité d’entre nous qui exerce en secteur 1 est irritée car nos tarifs sont publics. … Le médecin libéral reste génétiquement individualiste !

La majorité des cardiologues cannois est donc en secteur 1 ?

M. A. : Absolument ! Sur 20 cardiologues dans la ville, 3 seulement sont en secteur 2. Mais Cannes n’est rien d’autre, derrière sa façade « paillettes et cocotiers » qu’une ville ordinaire de 70 000 habitants avec des cardiologues qui, comme ailleurs, font leurs 10-12 heures de travail quotidien et s’inquiètent à la perspective du prochain départ en retraite non remplacé !

On a du mal à vous croire !…

M. A. : Mais à 53 ans, je suis presque le dernier installé … Nous avons un confrère de 74 ans toujours au travail, et un autre de 71. Entre nous, ca nous arrange mais le vrai problème est sans doute là : l’exercice libéral se meurt, lentement mais sûrement ! Ma fille qui est en 2ème année de médecine m’a déjà prévenu qu’elle n’exercerait pas comme son père « qui ne l’a pas vue grandir » … Et aucun de ses compagnons d’amphi ne l’envisage non plus… Le « modèle » qui était le nôtre ne s’applique plus à la génération qui sort de fac. Mon seul espoir d’être remplacé au moment de partir en retraite réside dans un seul « profil » : le médecin du Nord, tenté de « lever le pied » à la cinquantaine et attiré par le climat ! Il s’en trouve encore quelques-uns. Mais les jeunes préservent leur qualité de vie et de travail à l’hôpital.

Tous n’y trouveront pas pour autant matière à s’employer. L’avenir de la cardio – car la spécialité reste « courue » au concours de l’internat – n’est-il pas à un exercice « mixte » conjuguant plateau technique hospitalier et pratique clinique en ville ?

M. A. : C’est déjà ce que nous pratiquons majoritairement. J’observe qu’à Cannes le secteur public a pris des parts de marché au privé qui riposte par des regroupements successifs en organisant des « pôles » généralement assez performants. C’est, chez nous, le cas à Mougins. Je ne doute pas, avec vous, de l’attractivité de la cardiologie à l’internat.

Y-a-t-il une question que j’aurais oublié de vous poser ?

M. A. : Oui, le problème de la retraite ! Je suis souvent questionné là-dessus et j’ai découvert, qu’un cardiologue retraité part avec 2 400 € en moyenne en libéral et le double pour peu qu’il ait été chef de service hospitalier public ! Il y a là, me semble-t-il, une profonde injustice dont le syndicalisme doit se saisir même si on est d’abord cardiologue par passion. J’en veux pour preuve les têtes blanches qu’on voit de plus en plus dans nos congrès, même internationaux !