Le secteur optionnel, préfigurateur du système universel de 2015/2020

_ Malgré un scénario abusivement dramatisé, l’issue de la négociation était largement prévisible (voir n° 325 de la revue Le Cardiologue) et l’accord recelait trop d’enjeu pour les parties respectives pour échapper au bon sens : le directeur de la CNAM et son Conseil avaient impérativement besoin d’afficher leur maîtrise des dossiers vis-à-vis des nouveaux directeurs d’ARS (Agences Régionales de Santé) et du Gouvernement ; les représentants des complémentaires avaient l’obligation d’afficher leur identité et leur capacité à négocier et les syndicats médicaux signataires de la Convention (CSMF et SML) étaient tenus d’engranger ce succès pour embrayer sur le reste de la négociation à l’issue plus hypothétique. _ Il convient pourtant de revenir sur des clauses peu commentées de cet accord qui a trois ans pour s’imposer… Or rien n’est acquis pour au moins deux raisons : – parce qu’il n’est pas sûr que la moitié des praticiens des trois spécialités concernées (chirurgiens, anesthésistes et obstétriciens) aujourd’hui confortablement installés en secteur 2 fasse le choix du secteur optionnel. L’activisme bruyant du « lobby anti-secteur 2 » à l’Assemblée nationale est au contraire de nature à les dissuader de troquer « la proie pour l’ombre », la pérennité de la liberté contre un système finalement assez bureaucratique. Tel est en tout cas l’argument des syndicats opposés à l’accord et qui ont déjà fait connaître leur volonté de le renégocier, après que les élections aient confirmé ou non qu’ils sont majoritaires, et donc incontournables ; – parce qu’enfin, en face, la délégation de l’UNOCAM (les mutuelles et autres assureurs complémentaires) n’a pas non plus d’autorité sur les organismes qu’elle représente ni l’autorité pour leur imposer le remboursement des dépassements « encadrés » du secteur optionnel …

Double hypothèque donc qui, en ultime analyse, fait peser un vrai risque sur ce secteur optionnel. Alors même qu’il convient d’en souhaiter le succès : il consacre en effet la promesse d’une réunification du corps médical, arbitrairement séparé depuis 30 ans entre médecins « libéraux », libres (parce qu’ils l’ont choisi en une époque où c’était possible) de fixer leurs honoraires et médecins « sociaux » qui se retrouvent aujourd’hui enfermés dans un « carcan tarifaire » de plus en plus insupportable ! _ S’il marche – et pourquoi ne marcherait-il pas si chacun « joue le jeu » ? – le secteur optionnel a finalement vocation à réunifier la profession dans un secteur enfin unique, sorte de secteur « 1bis » où l’opposabilité s’appliquerait à une majorité de patients, où les dépassements seraient supportables parce que prévisibles et remboursés sans recours à l’humiliante exigence de devis… D’ailleurs, un bon « marqueur » de la capacité du secteur optionnel à s’imposer dans les trois ans réside à l’intérieur des salles d’op : des éclats de voix risquent, dans un premier temps, de s’y faire entendre lorsque le sujet viendra en discussion (on a peine à imaginer une solution autre que concertée dans le tandem chirurgien/anesthésiste) mais un consensus peut tout aussi bien s’y instaurer discrètement, plus ou moins encouragé par la direction des établissements. _ S’il s’impose à l’échéance prévue, le secteur optionnel ouvre enfin la voie à la seule issue aujourd’hui identifiée aux déficits récurrents de l’Assurance Maladie avec un partage assumé des rôles respectifs de l’Assurance Maladie obligatoire et complémentaire. Ce n’est pas nous qui le disons mais un des personnages les moins connus et pourtant les plus intéressants du paysage médico-social : Jean-Claude Seys, président du groupe Covéa (MMA, MAAF, GMF) qui vient de créer un de ces « think tanks » qui inspire habituellement la réflexion des élites politiques. Ce qu’il a à dire est passionnant : c’est parce que l’Assurance Maladie ne pourra bientôt plus s’occuper que des ALD qu’« il faudra bien que les assurés se débrouillent autrement. » _ Si ce scénario du « repli » de l’Assurance Maladie est le plus crédible dans la bouche de M. Seys, c’est parce qu’il est celui « de l’inertie ». Difficile, en effet, d’imaginer voir sous quelques années, un gouvernement, celui-là ou un autre, s’attaquer enfin au problème du financement de la solidarité !