Numéro 300 du Cardiologue : plusieurs décennies de publication et de combat syndical

300 – Les textes officiels qui régissent notre activité professionnelle ne sont pas toujours ce que nous aurions souhaité et nous en dénonçons régulièrement les incohérences. Il faut savoir, néanmoins, que nous n’avons cessé de contribuer à les améliorer en fixant, dans ces documents, la jurisprudence favorable que nous avons acquise devant les tribunaux.

Quelques exemples

Cumul du C2 et de la cotation de l’ECG

La cotation C2 a des limites que nous essayons d’élargir.

Certains cardiologues parlent à tort de recul avec l’actuelle réglementation. C’est en effet mal connaître l’historique de la nomenclature. Le cumul du C2 avec la cotation de l’ECG a été acquis par le Syndicat des Cardiologues devant les tribunaux il y a un peu plus de dix ans et a été confirmé récemment dans un document signé par les Caisses.

Que l’on se souvienne : – première manche, début des années 1990 : le Syndicat des Cardiologues constate que la cotation de l’ECG est cumulable avec celle de la consultation et que la consultation du consultant est cotée C2. Il en déduit qu’un consultant peut donc cumuler la cotation de sa consultation, c’est à dire C2, avec celle de l’ECG ; – deuxième manche : partant de leur principe habituel, « ce n’est pas écrit qu’on peut, donc on ne peut pas », les Caisses réclament aux cardiologues concernés le reversement des C2 + K6,5 qu’elles estiment indus ; – troisième manche : à partir de 1994, les Caisses perdent tous leurs procès sur ce thème, pour aboutir à sept arrêts du 14 novembre 1996 de la Cour de Cassation qui précise : « Il s’ensuit qu’est conforme aux dispositions de la nomenclature le cumul des honoraires de l’électrocardiogramme coté K6,5 et des honoraires d’une consultation cotée C2 en application de l’article 18 de la première partie de la nomenclature ».

Epilogue : « Mode d’emploi du C2 » rédigé en 2006 par un groupe de travail issu de la Commission de hiérarchisation des actes professionnels, qui précise explicitement que l’ECG peut être associé au C2.

Ce que nous avions acquis par la jurisprudence sous le régime de la N.G.A.P. se trouve donc confirmé en C.C.A.M. dans un document accepté par les Caisses.

L’acte global

Le concept d’acte global était défini par l’article 8 des dispositions générales de la nomenclature.

à partir d’une interprétation erronée du texte, les Caisses estimaient que les cardiologues qui intervenaient en période pré- ou postopératoire étaient concernés par cet article et que leur acte était inclus dans la cotation de l’acte principal, en d’autres termes, qu’ils devaient travailler gratuitement !

Ce litige a duré plus de vingt ans puisque le premier arrêt favorable de la Cour de Cassation remonte à 1993 et que le dernier date du 26 septembre 2002. Il aura fallu 44 condamnations des Caisses, dont 13 en Cassation, mais les cardiologues ont tenu bon !

C’est en tenant compte de notre expérience que la notion d’acte global a été mieux cernée dans l’article 1-6 des D.G. de la C.C.A.M. qui précise que les dispositions tarifaires qui en découlent ne concernent que le médecin qui réalise cet acte qualifié de global.

L’acte global lui-même est mieux défini et il est précisé qu’il « comprend l’ensemble des gestes nécessaires à sa réalisation dans le même temps d’intervention ou d’examen, conformément aux données acquises de la science et au descriptif de l’acte dans la liste (NDLR : des actes médicaux de la C.C.A.M.) ».

C’est ainsi que la cotation d’un ECG postopératoire ne pourra plus être remise en cause sous prétexte qu’un acte chirurgical a été coté précédemment, ou que le forfait de cardiologie du cardiologue de garde ne pourra pas être contesté en raison de la réalisation d’une angioplastie primaire lors de l’arrivée du malade aux soins intensifs.

Actes dans une même journée

Là aussi, il a fallu plusieurs années de procès pour faire admettre que des actes pratiqués dans une même journée ne l’avaient pas forcément été dans « une même séance » et pouvaient donc bénéficier de leur cotation propre.

Le Syndicat des Cardiologues avait dû même faire appel à un expert prestigieux mais inattendu, à savoir Maurice Druon, secrétaire perpétuel de l’Académie Française, qui nous avait répondu que la Commission du dictionnaire s’était penchée sur notre question à laquelle nous avions obtenu une réponse très précise, à savoir : « … il est clair que séance désignera un acte ou une action dont les limites temporelles sont déterminées. La durée d’une séance sera donc, comme vous le pensez vous-même, équivalente à la durée de l’acte médical pratiqué ».

Ceci nous avait permis d’obtenir gain de cause en justice, avec en particulier des arrêts favorables de la Cour de Cassation.

En fonction de cette jurisprudence, nous avons pu faire inscrire dans les D.G. de la C.C.A.M. (Art. III-3-B-2-h) la possibilité de coter deux actes à taux plein dans la même journée, la seule contrainte (demandée par les caisses) étant une justification dans le dossier médical : « Si, pour des raisons médicales ou dans l’intérêt du patient, un médecin réalise des actes à des moments différents et discontinus de la même journée, à l’exclusion de ceux effectués dans une unité de réanimation ou dans une unité de soins intensifs en cardiologie, en application des articles D. 712-104 et D. 712-115 du code de santé publique, sur un même patient et qu’il facture ces actes à taux plein, il doit le justifier dans le dossier médical ».

Groupe de travail issu de la commission de hiérarchisation des actes professionnels

Ce groupe comporte des représentants des Caisses et des organisations médicales représentatives. Il est chargé de procéder à « l’exégèse » des textes qui peuvent faire l’objet de plusieurs interprétations. C’est ce groupe qui a rédigé le « mode d’emploi » du C2.

C’est une initiative intelligente, qui découle de la prise de conscience de part et d’autre de la stérilité des situations évoquées précédemment et qui permettra, espérons-le, de limiter le recours aux juges, avec des conflits qui, on l’a vu, peuvent s’étaler sur des années, voire des décennies.

Rassurons quand même nos adhérents : le Syndicat des Cardiologues a la capacité de travailler sur le long terme, mais il sait également agir vite quand il le faut et c’est dès maintenant que nous avons exigé l’application du deuxième tiers de remise à niveau des « actes gagnants » de la C.C.A.M. et une revalorisation de la CSC.

Vincent Guillot