Au terme d’un dernier round de négociation-psychodrame le C2 passera à 44 € le 1er juillet 2007

300 – Quelques remarques de forme tout d’abord : cette négociation tarifaire, la troisième de la nouvelle ère conventionnelle aura sans doute été la plus caricaturale… de tous les maux de la Convention, celle-là comme au demeurant toutes celles qui l’ont précédée. De l’avis d’un participant, l’atmosphère des négociations y a été particulièrement délétère du fait d’une posture psycho-rigide de la délégation des Caisses. Frédéric Van Roekhegem, son leader, s’y est montré particulièrement inflexible, notamment – et de manière parfaitement surprenante – par rapport à son ministre de tutelle. Contrairement à ce qu’on a pu lire ici ou là, les pressions gouvernementales sont se faites discrètes en fin de parcours, sans doute parce que le terrain de la négociation était très soigneusement balisé. Il n’empêche que la gouvernance de l’attelage conventionnel pose aujourd’hui un tel problème qu’il faut se demander s’il est armé pour affronter (voir encadré en fin d’article) la période de tempête qui s’annonce au lendemain des échéances électorales.

Signe des temps : les syndicats signataires n’ont souscrit que « du bout des lèvres » à un protocole pourtant âprement négocié… par eux. Et le bureau de l’UNCAM – les présidents des trois caisses nationales emmenés par le breton Michel Régereau (CFDT) – a pratiquement accusé son directeur d’avoir « tout cédé » aux médecins ! Au final un accord que n’assume vraiment aucune des deux parties. On a rarement connu telle désillusion.

La coronarographie dans l’oeil du cyclone

Le fond de l’accord tient en relativement peu de lignes, du moins pour ce qui concerne les cardiologues : – la lettre-clef « C » des généralistes, passera donc à 22 € le 1er juillet prochain et, théoriquement, à 23 au 1er juin 2008… Les clauses de cette ultime étape sont tellement floues que mieux vaut ne pas s’y attarder. Mécaniquement, le C2 de consultant passe respectivement à 44 et 46 € aux mêmes échéances. Ce tarif de 44 € serait difficile à remettre en cause par les nouveaux gouvernants de juin. Sur cet acte de consultant, il convient également de retenir l’engagement des parties d’instruire un « aménagement des règles de nomenclature (…) lorsque l’avis de consultant requiert un acte bilan paraclinique complémentaire ». C’est la CHAP, Commission de Hiérarchisation des Actes Professionnels, et non les négociateurs de la convention, qui aura charge de finaliser ce dossier. Les cardiologues, à l’instar d’autres spécialités, attendent avec l’impatience l’issue de cet avatar du parcours de soins lorsqu’il interdit au consultant la cotation C2 au motif qu’il doit revoir son patient avant six mois ; – la CCAM des actes techniques enfin, aurait dû connaître, selon le calendrier initial, une deuxième étape de valorisation. Petit rappel des épisodes précédents : la réforme de 2005 avait produit des actes « gagnants » et des actes « perdants ». Les actes gagnants n’avaient, dans la première étape été valorisés que du tiers de ce qu’ils devaient gagner… les actes perdants – dont le holter, l’épreuve d’effort et la coronarographie – demeurant à leur valeur initiale. La première valorisation avait été créditée d’une enveloppe de 180 M€ et tout le monde était persuadé que chaque étape allait bénéficier de la même ligne de crédit… Sauf la CNAM qui, contre toute attente, a adopté le principe inverse : gager la hausse des actes gagnants par une baisse proportionnée des actes perdants, dont le holter et l’épreuve d’effort en cardiologie. Émotion que l’on suppose au siège du SNMSCV qui s’était rapidement mobilisé et qui a obtenu gain de cause sauf pour la coronarographie. La tarification des artériographies coronaires a été actée à – 10 %, celle des dilatations à – 2,7 % en deux étapes : 1er juillet prochain et 1er janvier 2008. Pour prix de ce sacrifice, les cardiologues interventionnels obtiennent satisfaction, à l’instar des radiologues, sur une vieille revendication : c’est finalement un organisme indépendant, choisi sur décision commune des syndicats et des caisses, qui sera chargé de statuer sur le coût de leur pratique, motif récurrent de conflit avec l’ex « pôle-nomenclature » de la CNAM. _ Toujours au chapitre de la CCAM des actes techniques, les actes « gagnants » de la réforme seront donc crédités d’une hausse en deux temps ; 15 % du différentiel avec la valeur-cible au 1er juillet et 10 % au 1er janvier. Bonne nouvelle pour les rythmologues qui étaient restés sous statut- NGAP et qui franchiront, au 1er juillet, une première étape de valorisation de 11 % du gain correspondant au différentiel entre le tarif actuel et la valeur-cible ; – le tableau habituel des économies garde cette année encore toute son actualité : statines, IJ, hypnotiques/anxyolitiques, IPP, antibiotiques, transports mais aussi, et c’est une nouveauté, les anti-hypertenseurs assortis d’un objectif de baisse de CA de 2 % ! La grande nouveauté de l’année réside néanmoins dans la déclinaison « individuelle » des objectifs de maîtrise ou de prévention (voir encadré en fin d’article).

Le Disease Management piloté par les Caisses

Ultime innovation – et celle-là d’une portée encore difficile à anticiper – les caisses ont décidé du principe d’une expérience pilote de prévention du risque cardiovasculaire chez les patients diabétiques. Les médecins traitants volontaires seront nantis d’une « prime » de 10 € (s’ajoutant au forfait ALD de 40 €) pour s’impliquer plus avant. Sous quelle condition ? Mystère absolu à ce jour… On dit la CNAM très « inspirée » par les expériences de « Disease Management » récemment vantées par un rapport de l’IGAS (voir « Le Cardiologue » de décembre 2006). Les cardiologues devraient être également sollicités, comme il semble normal s’agissant de prévention du risque cardiovasculaire.

Jean-Pol Durand

|Objectifs individuels : les généralistes auront un cap « personnalisé » sur plusieurs marqueurs| |La grande nouveauté de cet avenant conventionnel réside dans la méthode avec l’introduction du principe de déclinaison individuelle des objectifs collectifs de prévention ou de maîtrise. Bien sûr, ces objectifs ne seront pas « individuellement opposables » et ils ne porteront que sur la contribution personnelle de chaque praticien à la réalisation de l’objectif commun. Mais enfin, c’est la même méthode qui a été déployée, avec le succès que l’on sait, chez les pharmaciens pour parvenir au taux de substitution générique actuel de 75 % !

Les objectifs individuels sont initialement présentés par les DAM (Délégués de l’Assurance Maladie), le discours étant ultérieurement relayé par un praticien-conseil ciblant ses « entretiens confraternels » sur les réfractaires au premier avis !

Ces objectifs « personnalisés » concerneront cette année la déclinaison des thèmes de prévention : dépistage précoce du cancer du sein dans la file active féminine de la tranche d’âge, augmentation de la vaccination anti-grippale des personnes âgées et enfin diminution de la iatrogénie chez les patients âgés polymédiqués. Les « indicateurs individuels » porteront sur deux lignes de prescriptions : les benzodiazépines et les vasodilatateurs.

Certaines rubriques de maîtrise médicalisée feront l’objet de la même technique d’individualisation, notamment le respect de l’ordonnancier bizone pour ceux des malades pris en charge au titre d’une ALD. Les premières campagnes de pédagogie ont déjà produit des effets comptables : par rapport à la dépense totale, la part des « remboursés à 100 % » a déjà décru, de 1,3 point en 2005, 1,1 en 2006. Le cap est mis sur un objectif de 2 points dès cette année.

Seuls les généralistes sont théoriquement concernés mais il faut, pour les cardiologues correspondants, savoir que toutes les ALD de cardio sont concernées : arthériopathie chroniques avec manifestations ischémiques, insuffisance cardiaque grave, troubles du rythme graves, cardiopathies valvulaires graves, cardiopathies congénitales graves, HTA sévère, maladie coronaire…

De l’entretien récemment accordé au Figaro et au Quotidien du Médecin par M. Frédéric Van Roekhegem, directeur de l’UNCAM, il faut évidemment retenir son insistance à souligner la réalité comptable de ces engagements souscrits par le corps médical dans son ensemble. Il mettait clairement dans la balance le passage du C à 23 € au 1er juin 2008 (et donc du C2 à 46 !). Et même si cette lecture est réfutée par les syndicats signataires, elle ne peut être complètement ignorée.

Un autre objectif de maîtrise concerne plus directement les spécialistes, à savoir la prescription de transports ambulanciers mais il ne semble pas devoir faire l’objet de la même déclinaison individuelle. Non plus que la mise en oeuvre de l’AcBUS « anti-agrégants plaquettaires » faisant état d’une augmentation de 5 points du nombre de patients sous aspirine seule ou en association.

Le Cardiologue consacrera une prochaine enquête à ce sujet qui a déjà provoqué beaucoup d’émotion depuis sa publication au J.O. du 5 janvier dernier.|