Riesling Hugel : « Hommage à Jean Hugel » 1997 (68340 Riquewihr)

Les Alsace : vins blancs du XXIe siècle ? C’est ce que nombre de connaisseurs prophétisent, tant la qualité du vignoble et le savoirfaire de très nombreux viticulteurs ont progressé durant ces vingt dernières années, alors que les prix sont restés très raisonnables, sans commune mesure, avec ceux des grands Bourgognes blancs. Certains experts pensent que le réchauffement climatique va également jouer en leur faveur.

Les vins d’Alsace sont des vins de cépages : Muscat, Gewurztraminer, Pinot blanc et gris, mis à part certains assemblages comme l’Edelzwicker, où certains vignerons atypiques, tel Marcel Deiss qui s’obstine à produire des vins de terroir. Mais le cépage roi est incontestablement le Riesling qui se caractérise par une complexité et une variété d’arômes étonnantes : vif et nerveux jeune, soit fin et raffiné, soit charpenté et opulent, tantôt sec et minéral, tantôt fruité ou floral. Cette diversité extrême s’explique évidemment par la nature géologique des sols, les microclimats qui déterminent une palette de terroirs très différents et aboutit au classement en grands crus. Mais il faut se garder d’oublier le rôle majeur du viticulteur qui imprime souvent son style et sa signature.

Le Riesling Hugel, « Hommage à Jean Hugel », 1997 m’a enthousiasmé. Cette cuvée a été élaborée par ses neveux Marc et Etienne, pour célébrer la 50e vendange consécutive de Jean Hugel, figure emblématique du vignoble alsacien, concepteur et rédacteur des textes régissant les appellations vendange tardive et sélection de grains nobles, et probablement également pour montrer que les « jeunes » pouvaient égaler le maître.

La robe très éclatante malgré l’âge fait miroiter une intense dominante jaune paille avec de beaux reflets verts.

Au premier abord : important nez pétrolé avec des arômes d’agrumes caractéristiques des grands Riesling, mais on est très vite désorienté et émerveillé par la complexité olfactive : beaucoup de fruits exotiques : mangue, fruit de la passion, nuances d’herbes sauvages : sauge, menthe, flaveurs de verveine et mélisse, si bien qu’on en vient à douter : s’agit-il bien d’un Riesling, ne serait-ce pas un vin méditerranéen, un grand blanc des Côtes de Provence ? un Pinot Gricio italien ? un Albarino espagnol ?

Revenons sur terre : l’étiquette fait foi, mais sa sobriété nous cache comment cet étonnant Riesling a été élaboré. Ã l’évidence avec des grands crus provenant principalement ou exclusivement du terroir vedette de Riquewihr : le Schoenenbourg, il s’apparente, du fait d’une relative richesse en sucres résiduels, à une vendange tardive, mais n’en a pas toutes les caractéristiques. Enfin, il faut souligner qu’il est issu d’un très grand millésime, le 1997, qui, en Alsace, a atteint des maturités records.

Avec quoi, avec qui déguster un tel nectar ? Avec de bons amis, répond malicieusement Jean Hugel… Personnellement, je lui ai présenté des langoustines au safran et coriandre qu’il a entourées avec délectation, mais un tronçon de turbot, un homard sauce aigre doux, le saumon à l’argile de Senderens, la mousseline de grenouille de Paul Haeberlin, le bar en écailles grillées aux épices douces de Guy Savoy l’épouseraient tout aussi voluptueusement.

Cette cuvée spéciale n’a été, à ma connaissance, élaborée qu’en 1997 et 1998 ; 1998 est encore disponible dans les caves éponymes. Par contre, le 1997, certainement le plus réussi, est quasi-introuvable. Ã moins que vous n’ayez de bons amis alsaciens !

à consommer avec modération. (gallery)