Chambolle-Musigny 1er Cru Les Baudes 2000 – Sérafin Père et Fils, 21220 Gevrey-Chambertin

Mais ma conversion définitive vient de ma rencontre avec Henri Jayer, « le pape du Pinot noir », dont la disparition récente a été déplorée par tous les oenologues : j’eus l’honneur, grâce à lui, de déguster et d’apprécier la sublimité que peuvent atteindre les vins des Côtes de Nuits.

Les Bourgogne rouges, monocépages de Pinot noir, sont cependant des vins d’une complexité et d’une variabilité déroutantes. D’un climat(Climat en Bourgogne désigne une petite zone géographique déterminée par le sous-sol, l’exposition et le microclimat.) l’autre, parfois distants de quelques dizaines de mètres, d’un producteur à son voisin, d’un millésime raté ou réussi, vous pouvez déguster des bouteilles sublimes, correctes ou franchement médiocres.

Le classement en appellations communales (Vosne-Romanée, Gevrey-Chambertin, Nuits-saint-Georges, etc.), en premier cru ou en grand cru (Chambertin, Clos Vougeot, etc.) n’est, en aucune façon, une garantie, car tout dépend de la qualité du viticulteur et de celle du millésime. Le Pinot noir, « bête à chagrin », disait Henri Jayer, réserve continuellement des surprises, parfois agréables, mais souvent très décevantes.

Ainsi, je considère que, parmi les multiples producteurs (près de 300 en Côtes de Nuits), 25 % sont dignes d’intérêt et moins de 15 % élaborent avec régularité de bons, voire d’excellents vins. Il faut enfin souligner que les grands ou les très grands viticulteurs, au nombre d’une quarantaine en Côtes de Nuits, sont quasiment inaccessibles pour le particulier, soit par leurs tarifs prohibitifs (Romanée-Conti, Clos de Tart), soit par la rareté de leur production (E. Rouget, Domaine D. Mortet).

C’est pourquoi je tiens à vous recommander une des vedettes des Côtes de Nuits, encore, je crois, relativement accessible.

Christian Sérafin est un personnage singulier, d’abord difficile : bourru, « taiseux », il ne se découvre pas au premier venu. Ce n’est qu’à ma troisième visite que j’ai pu commencer à appréhender sa riche et, au demeurant, très sympathique personnalité. J’ai compris qu’il est assez timide, mais aussi étonnamment modeste ; ne vous confie-t-il pas au détour de la conversation que « certes son Gevrey, Les Cazetiers, était arrivé en tête d’une dégustation à l’aveugle à New-York, parmi toutes les autres bouteilles de Côtes de Nuits, mais que plusieurs de ses collègues méritaient tout autant que lui cette distinction ».

Il dédaigne et refuse la publicité des grands guides oenologiques français, en partie du fait de la limitation des disponibilités sur un petit domaine de 5,5 hectares et d’une demande massive de l’étranger où part près de 80 % de sa production. En définitive, la vente au particulier en France plafonne à 10 %…

Christian Sérafin soigne méticuleusement ses vignes de la façon la plus naturelle possible. La vinification de ses premiers crus se fait, pour 80 %, en fûts neufs. Ses vins ne sont, ni filtrés, ni collés.

Tous les crus qu’il produit et que j’ai eu l’honneur de déguster, sont remarquables et son habileté lui permet de gommer les difficultés de certains millésimes et de maintenir un niveau qualitatif quasi-constant. J’apprécie toute sa gamme de Gevrey-Chambertin : Villages, premiers crus : Corbeaux, Fonteny et le quasiintrouvable Cazetiers, mais mon coup de coeur actuel est décerné à son Chambolle-Musigny 1er Cru Les Baudes 2000.

Le Chambolle-Musigny est considéré comme le vin le plus fin des Côtes de Nuits : vin de dentelle, vin de « femme ». Peut-être, mais pas pour la production de Christian Sérafin : puissance, ampleur, mais aussi élégance le caractérisent. La robe rubis aux reflets lumineux est inhabituelle pour un Pinot noir, nez de petits fruits rouges : cerise griotte, framboise et également pruneau et violette, on retrouve en bouche de copieuses saveurs de mûres, d’épices et de truffes.

Sa délicatesse charnue ne l’empêche pas de conserver une structure solide et durable, promesse d’un long vieillissement.

Ce vin, associant puissance et subtilité, épousera avec plaisir des viandes goûteuses et sophistiquées : petits gibiers à plumes, un simple perdreau rôti, un colvert au céleri et aux truffes, un faisan vigneronne. Le chapon de Bresse farci aux truffes de Régis Marcon, le jarret de veau caramélisé de Alain Ducasse seront délicatement enrobés par les tanins soyeux de ce Chambolle.

Des fromages très crémeux, type Brillat- Savarin, Chaource l’encadreront gaillardement en fin de repas. Christian Sérafin(gallery)