Le PLFSS-2008 (Projet de Loi de Financement de la Sécu) porte atteinte aux fondements du contrat conventionnel

Arnaque à Bercy : un ONDAM en trompe-l’œil

Aujourd’hui, il n’y a plus de doute : le véritable « patron » de l’Assurance Maladie est bien son comptable en chef, M. Éric Woerth, Ministre du Budget et des Comptes Publics. C’est dans ses locaux de Bercy que s’est tenue, pour la première fois de l’histoire de cette noble institution, la dernière « Commission des Comptes de la Sécu ». Avec une annonce en rupture totale avec… les promesses antérieures. L’été dernier le Ministre du Budget avait donc annoncé « + 2 % en volumes en moyenne pendant cinq ans » (voir numéro 304 du Cardiologue). Laissant Roselyne Bachelot, Ministre de la Santé, promettre de son côté que cet ONDAM serait « réaliste et équilibré » entre la ville et l’hôpital.

Réaliste, il l’est sans doute et en matière d’équilibre, le résultat fait penser à une « arnaque ». Quelques chiffres : l’ONDAM qui est, rappelons- le, le budget prévisionnel 2008 de l’Assurance Maladie est donc amputé des recettes (ou plutôt des « non-remboursements ») de futures franchises qui pèseront exclusivement sur les dépenses de ville, médicaments (0,50€ non remboursable par boîte) et ambulances (2 € laissés à charge du malade) ; ils profiteront – parce que Nicolas l’a promis – à l’hôpital pour une part majeure : cancers, maladie d’Alzheimer, soins palliatifs…

Au final l’ONDAM-ville sera plus près de 2,4 % et celui de l’hôpital de 3, 8%, soit un différentiel qui rompt l’équilibre promis. On demande une nouvelle fois au secteur ambulatoire de subventionner le système hospitalier.

Le contrat conventionnel en péril

Depuis 1971, la Convention Médicale est un édifice souvent ébranlé mais jamais exposé encore à une menace telle que celle qui est inscrite dans le PLFSS 2008. De quoi s’agit-il ? Deux dispositions majeures font craindre pour sa pérennité. D’une part ce que le vocabulaire administratif recouvre sous le terme générique de « stabilisateurs économiques ». C’est-à-dire que tout avenant tarifaire signé devrait désormais attendre six mois après sa publication au J.O. pour devenir opérationnel. Sachant que si un avis de dérive comptable du « Comité d’Alerte » survient dans la période de six mois, il a pour effet de reporter l’augmentation… jusqu’au 1er janvier consécutif, sauf conclusion d’un nouveau revu « à la baisse ». Voilà un sérieux coup de canif à la mécanique tarifaire.

Mais le deuxième dispositif est une véritable entaille, tenue pour une provocation par tous les syndicats médicaux. Il prévoit des « contrats d’objectifs individualisés » passés entre les Caisses et les praticiens. Au terme desquels les médecins seraient liés par des objectifs, de prévention comme dans le cas prévu à l’avenant 23 mais également de prescriptions… Ces objectifs ne seraient pas opposables mais leurs atteintes donneraient lieu à versement d’une « rémunération supplémentaire », une prime en quelque sorte ! Dans ces conditions, la Convention perdrait, soyons clairs, son sens originel de contrat collectif et le SNMSCV n’entend pas déroger à ce principe. En revanche son président se prononce sans détours pour « des objectifs collectifs négociés avec, éventuellement, retour d’information personnalisée ».

La liberté d’installation menacée Depuis 1927, soit 80 ans cette année, la liberté d’installation figure au rang des « piliers » doctrinaux du libéralisme. Les premières luttes syndicales ont contribué à la faire inscrire dans la loi, où elle figure toujours à l’article L.162.2 du Code de la Santé. Les aléas du numerus clausus aux études et le « yoyo » de la démographie médicale ont abouti à ce paradoxe qu’il n’y a jamais eu autant de médecins en exercice en France et autant de… déserts médicaux en gestation. Jusqu’à présent, il existait un consensus social fort pour traiter du sort de ces zones fragiles et un avenant, le n° 20 de la Convention de 2005, a même prévu d’y porter remède par une surcote de 20 % des honoraires sur des territoires « en péril » de démédicalisation absolue. Cette incitation n’a jamais été vraiment mise en oeuvre et déjà les pouvoirs publics prétendent inverser le paradigme et… interdire les installations dans les zones réputées excédentaires. Ce sont les infirmières qui, dans une convention signée en juin dernier, ont introduit cette jurisprudence, ensuite encouragée par Philippe Seguin pour la Cour des Comptes, et surtout Nicolas Sarkozy en personne. Le tollé n’a pas tardé, des internes aux médecins installés, toutes tendances syndicales confondues à l’exception du SML qui ne veut pas précipiter la discussion dans une impasse idéologique.

Commentaire, également pondéré, de Jean- François Thébaut : « Il faut évidemment faire quelque chose pour ces zones fragiles mais ce type de coercition risque d’aggraver encore les déficits en détournant encore plus les jeunes de… toute installation libérale. Mais aucune autre mesure qu’incitative n’est envisageable : ce combat des jeunes et un bon combat qui concerne aussi leurs aînés ».

Nomenclature (s) des actes techniques et cliniques : l’oeil du cyclone

Dotés de leur lettre clef spécifique, la CSC, les cardiologues sont à la fois protégés et particulièrement exposés par le chantier de la CCAM des actes cliniques. Comme le faisait remarquer Jean-François Thébaut lors de son arrivée, l’an dernier, au poste de président (le dossier n’a pas avancé d’un iota depuis) « les masses budgétaires mobilisées par la revalorisation des généralistes vont être gigantesques » et la tentation peut exister du côté des caisses de passer à la trappe la valorisation actuelle de la CSC.

Également dans le collimateur de l’UNCAM, les actes réputés « fréquents » – « trop » au gré des Caisses – et dont le sort a été soumis par la CNAM à l’avis de la Haute Autorité de Santé (HAS) : ils sont au nombre de cinq dont l’échographie cardiaque. Selon que la HAS décidera ou non d’une révision du référentiel de pratique, le syndicat craint… une chasse au gaspi ou une décote autoritaire. Laquelle constituerait une entorse sévère au processus de « hiérarchisation » des actes qui avait requis 10 ans de travail d’experts. Le SNSMCV est, ces jours-ci, attelé à un travail de recensement et d’évaluation de la pratique de cet acte.

Enfin, toujours au chapitre de la nomenclature, on a pu lire récemment que la CHAP, commission consultative en charge de donner un avis réglementaire sur les actes et prestations, avait donné son « feu vert » à la possibilité de cumuler un CS « de synthèse » à distance (avant le délai de six mois) d’un C2 de consultant. En tout cas pour ceux des spécialistes en mesure d’attester 90 % de leur activité en actes cliniques. Clause rédhibitoire pour une majorité de cardiologues dont on imagine mal qu’ils ne cotent jamais de DEQP003. •

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