Morgon « Vieilles Vignes » 2006 – Domaine du Petit Pérou – Thévenet 69910 Villie-Morgon

Je considère qu’il s’agit d’un simple jus de raisin fermenté, auquel des levures apportent certaines nuances artificielles : banane, poire, etc.

On peut donc regretter cette médiatisation outrancière du vin primeur qui minimise la qualité des autres appellations et, en particulier, des dix crus du Beaujolais exubérants dans leur jeunesse, conjuguant tous un fruité éclatant, franc, frais.

Les Beaujolais rouges sont produits par le seul cépage autorisé : le Gamay, dont la promotion n’a pas été, pour le moins, favorisée dans l’histoire : Philippe le Hardi en 1354 ordonna « d’arracher en Bourgogne tous les plants du très mauvais et déloyal Gamay, car il procure des vins jaunes, gras et tels qu’aucune créature humaine n’en pourrait convenablement user, sans péril de sa personne ». Heureusement, le Gamay trouvera terre d’élection en Beaujolais, où il fait des merveilles sur les terrains schisteux et granitiques.

On oppose un peu artificiellement les crus produisant des vins fins, veloutés, délicats, tels le Fleurie, le Regnié et le bien nommé Saint-Amour que préfèreront nos charmantes compagnes, à ceux plus nerveux, puissants et charpentés comme le Julienas, le Moulinà- Vent (permettant une longue garde) et le Morgon vers lequel va indéniablement mon inclination.

Nombre d’oenologues élitistes des grands Bordeaux et Bourgognes, contempteurs des autres vignobles, gardent néanmoins discrètement leur « petite adresse » en Beaujolais. Je n’aurai en contre-pied aucune hésitation à vous révéler la mienne, à laquelle je reste fidèle depuis plus de 25 ans.

Roger Thévenet, maintenant associé à son fils Laurent, gère une exploitation de treize hectares produisant, avec des rendements faibles pour la région, 600 hectolitres de vins.

La vigne est, bien-entendu, l’objet de soins méticuleux avec ébourgeonnage, limitation drastique de tous adjuvants artificiels.

Le Morgon « Vielles Vignes » 2006 est récolté sur des vignes de plus de 70 ans avec une bonne proportion de raisins du terrain vedette de Morgon : la Côte de Py. La macération en cuves closes est courte, d’une quinzaine de jours. L’élevage est réalisé pendant 2 ans, d’abord en cuve, puis en fûts de chêne.

Ce vin à la belle robe violacée brillante exhale d’emblée les parfums typiques du Beaujolais : cerise craquante, framboise, groseille et, en rétrolfaction, quelques composantes florales de violette.

Il se révèle, en bouche, friand et charnu, sans aucune agressivité boisée de type vanille.

La bouteille de Morgon a la particularité, chaque année au moment des vendanges, de « morgonner » avec une petite note de pétillant. J’ai rarement observé ce phénomène qui, à mon avis, vient d’une malo-lactique incomplète avec les vins de Roger Thévenet.

Ce Morgon, comme tous les bons Beaujolais, est l’ami des charcuteries, cochonnailles, jambons persillés ou autres têtes de veau gribiche.

Roger Thévenet le propose volontiers avec une belle grillade, ce qui ne m’agrée guère. Je préfère, surtout si la viande saignante est accompagnée de frites, lui opposer des vins beaucoup plus puissants : Côtes du Rhône méridionaux, Languedoc bien vinifiés.

Des mariages remarquables seront obtenus, comme le propose Philippe Bourguignon, avec les pieds de porcs à la Sainte Menehould ou le tablier de sapeur de Alain Chapel. Buvez-le frais et dans les 3 ou 4 ans.

Mais si vous avez oublié dans votre cave ce Morgon depuis plus de 10 ans, utilisez-le pour la sauce d’un coq au vin, vous m’en direz des nouvelles !…

|Je vous avais vanté, dans mon premier article en janvier 2008, les mérites du Vacqueras Château des Tours de Emmanuel Reynaud . Celui-ci vient de se voir décerner, par le guide Bettane et Desseauve 2009, le titre de meilleur vigneron de France, en fait pour sa cuvée mythique de Rayas. Amateurs, précipitez-vous pour, si cela est encore possible, acquérir quelques bouteilles d’une quelconque de ses cuvées (Rayas : probablement impossible, Pignan, Fonsalette, Château des Tours) en vous recommandant de votre revue « Le Cardiologue » !|