Chablis Village 2005 : Domaine Vincent Dauvissat – 89800 Chablis

Qui ne connaît pas le vin de Chablis ? Ce vignoble prestigieux, créé dès le Moyen-Ãge par les moines cisterciens, fût immédiatement très apprécié par la cour parisienne grâce aux transports fluviaux facilitant l’acheminement des tonneaux. Progressivement, cette renommée s’étendit au-delà de l’Hexagone, à tel point que, dans les années 50, les grands Bourgognes blancs des Côtes de Beaune : Meursault, Puligny-Montrachet, Savigny, s’exportaient aux Etats-Unis sous le nom générique de Chablis, qu’encore maintenant nombre de vins blancs aromatiques sont présentés aux Etats-Unis sous le nom de Chablis, et que j’y ai me^me découvert un vin blanc étrange et, à vrai dire, répugnant qui étiquetait fièrement la mention “Cépage Chablis” !

Les vignobles de Chablis, quoiqu’éloignés de plus de 150 km du nord de Beaune, font partie de l’appellation Bourgogne grâce à leur unité ampélographique : le Chardonnay. C’est le plus vaste terroir de Bourgogne sur près de 5 000 hectares produisant 1/3 des vins blancs de l’appellation.

L’originalité et la typicité du Chablis s’expliquent par la géologie, sol quasi unique pour l’ensemble des vignobles : le calcaire du Kimméridgien datant du Jurassique supérieur. En effet, tout bon Chablis transmet d’emblée des flaveurs de minéraux, de pierre à fusil, de craie, ce qui permet, à d’excellents vinificateurs, au moins une vingtaine, d’exprimer leurs talents. Mais il est unanimement reconnu que 2 d’entre eux, d’ailleurs parents, Francois Raveneau et Vincent Dauvissat occupent incontestablement le sommet de la hiérarchie.

Vincent Dauvissat dirige un petit domaine de 11,7 hectares, produisant seulement 75 000 bouteilles par an, fondé dans les années 1920 par Roland Dauvissat. Le vignoble est entretenu avec une méticulosité maniaque, tel un jardin d’agrément : taille rigoureuse, ébourgeonnage serré, culture du sol, amenant, depuis 2002, une reconversion en biodynamie.

Les raisins sont récoltés très mûrs, expliquant la richesse du fruité des vins, avec un rendement faible : 30 hectolitres/hectare pour le simple village qui est ci présenté. La fermentation alcoolique s’opère lentement sur 3 semaines. Tous les vins sont élevés, au minimum, 8 mois en vieilles barriques de chêne, ce qui permet, contrairement à beaucoup de vins blancs, une fermentation malo-lactique. Vincent Dauvissat est un homme réservé, peu expressif, mais chez lequel on percoit vite la vibration et la volonté du grand viticulteur et, de fait, tous ses vins sont magnifiques, du plus simple jusqu’aux deux grands crus : les Preuses et les Clos qui, dans les grandes années, tutoient le sublime.

Mais son simple Chablis Village 2005 est un vin enthousiasmant, largement au niveau des 1ers crus de nombre de ses collègues chablisiens, boosté de plus par ce grand millésime. Le verre fait mirer une robe jaune pâle, limpide à peine teintée d’or. L’impression immédiate est la pureté minérale avec des notes de poudre de sel et d’ardoise, caractéristique des grands Chablis. Les flaveurs très complexes mêlent, sans dissonance, les arômes de beurre frais, de mousseron et de poireau du Chardonnay avec des parfums de fleur blanche et des notes fruitées de pomme verte, ananas, poire. Ce vin long, gras, séveux réalise un équilibre parfait entre acidité et opulence. Classiquement, les Chablis s’accordent à merveille, du fait de leur acidité, avec les huîtres et plateaux de fruits de mer. Les spécialistes nous apprennent que la structure calcaire du Kimméridgien s’était bâtie à partir de sédiments et de coquillages, en particulier des huîtres minuscules, exoguira virgula, qui formaient le fond de la vaste mer intérieure couvrant la Bourgogne il y a 150 millions d’années : ce qui expliquerait la typicité saline, iodée, en fait marine, de certains Chablis et leur mariage quasi incestueux avec les huîtres qui retrouvent aussi leurs ancêtres fossilisés !…

En fait, ces accords fonctionnent beaucoup mieux avec les Chablis élevés en cuves inox, plus acides, moins gras et onctueux que les vins de Vincent Dauvissat bénéficiant d’une maturation en fûts.

Le Chablis Village 2005 permet, par contre, un mariage royal avec une sole meunière, un des plus beaux accords mets-vins que je connaisse. De même, ce vin épousera avec plaisir : une poêlée de Saint-Jacques à la fleur de sel, des crevettes au sésame, un gâteau de langoustines au jus de palourdes, un jambon à l’os braisé avec le vin de même provenance, bien évidemment une andouillette pommes pont-neuf, des fromages de chèvre sec apaisant la soif provoquée par leur sécheresse.

La faible production, l’énorme demande des restaurants étoilés et de l’international contraignent Vincent Dauvissat à ne plus accepter de nouveaux clients, mais peut-être qu’en insistant et en vous recommandant de votre journal Le Cardiologue ?…

L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, consommez avec modération

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