Condrieu « Coteau de Vernon » 1999 – Domaine Georges Vernay – 69420 Condrieu

Ose-t-on imaginer que le vignoble de Condrieu, en patois « Coun de Ria », le coude du fleuve, aurait disparu dans les années 1960 si Georges Vernay n’avait bataillé de toutes ses forces et convictions pour le ressusciter ?

Les obstacles étaient majeurs. Les falaises, dressées sur la rive droite du Rhône, désespéraient toute idée de culture, mais des générations les ont pourtant sculptées en d’acrobatiques escaliers rythmés par des murets de pierre sèche, les chaillées ; l’horizontalité, arrachée au vide, n’a parfois qu’un mètre de largeur, de quoi planter un seul rang de vignes qui doivent s’agripper sur des piquets et croisillons. Les ceps, poussant sur une mince couche de terre, le fameux gore, granit décomposé, ne survivent qu’en plongeant leurs racines dans les anfractuosités de la roche. Le nom d’une cuvée vedette de Vernay, les « Chaillées de l’enfer », illustre bien ces difficultés.

De plus, le viognier est un cépage difficile, peu fertile, aux rendements faibles, de 20 à 30 hl/ha, dont la vinification ne tolère pas l’approximation, oscillant entre réduction et dilution. Georges Vernay sut éviter tous ces écueils et obtenir la quintessence de cette appellation. Bénéficiant d’une célébrité largement méritée, il a su laisser, depuis 1996, les rênes de la vinifi cation à sa fille, Christine qui, abandonnant son métier d’enseignante à l’ENA, a apporté sa finesse et sa sensibilité pour, s’il était encore possible, sublimer les potentialités du domaine. La culture de la vigne et les vendanges, compte-tenu de l’escarpement des coteaux, sont obligatoirement manuelles. Les raisins arrivent à la cave en caissette, où un deuxième tri sévère est effectué. Les techniques de vinification changent constamment pour s’adapter à la matière récoltée et au millésime considéré. Les raisins peuvent être égrappés ou non, subir des macérations pelliculaires ou être comprimés directement dans des pressoirs pneumatiques. Les jus sont débourbés, puis fermentés tout en douceur dans des barriques constituées au maximum de 25 % de bois neuf pour les deux cuvées de prestige : les Chaillées de l’enfer et le Coteau de Vernon. Les vins, sur lies totales régulièrement bâtonnées, restent en élevage pendant douze mois. On trouvera des millésimes avec malo-lactique, d’autres non, c’est selon l’analyse et la dégustation.

Le Condrieu Coteau de Vernon 1999, produit par des vignes septuagénaires, issues de sélections massales, est un vin superbe, archétype de l’expression du viognier. Dans le verre, mire une vive couleur jaune or pale. D’emblée, les fl aveurs d’abricot et de pêche blanche, caractéristiques du cépage viognier, éclatent, mais se dévoilent, par paliers, une véritable explosion aromatique : fl eurs blanches (acacia, chèvrefeuille, iris), cédrat, bergamotes, fruits tropicaux, ananas, mangue. Ce vin en bouche est d’une droiture, d’une pureté et d’une finesse incomparables. Son heureuse acidité et minéralité lui confèrent belle précision et parfait équilibre. La finale est puissante, épicée, miellée avec une très longue caudalie. Certains experts soutiennent que les Condrieu vieillissent mal et qu’il vaut mieux les boire dans les deux ou trois ans. Ce fl acon, comme d’ailleurs la plupart des grandes cuvées de Vernay, apporte un démenti cinglant, et j’estime qu’on peut facilement les apprécier au bout de dix ans.

Le Condrieu, vin blanc aromatique et exotique, permet de remarquables accords culinaires. Les premières asperges vertes du printemps, arrosées d’un filet d’huile d’olive ou aiguisées par une sauce gribiche, s’accompagneront avec délectation d’un jeune Condrieu. Mais vous obtiendrez, avec ce Coteau de Vernon, des mariages sublimes avec un gratin de queues d’écrevisses, des Saint-Jacques à la crème d’épinard et aux abricots, une salade de langoustines, et surtout des quenelles de brochet, sauce Nantua. Le Condrieu, grâce à ses arômes exotiques, se déguste plaisamment avec la cuisine thaï ou de simples sushi. Il imbibe et rend harmonieux des fromages secs, tels un picodon de Drôme ou une rigotte de Condrieu.

Quel bonheur ce vin ! Grand merci à la famille Vernay d’avoir réhabilité cette appellation ! ●

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