L’obligation d’anticiper !

316 – Depuis plusieurs mois, la rédaction de chacun des éditos de notre revue a surtout été l’occasion d’attirer votre attention sur de nouvelles contraintes réglementaires ou tarifaires, de réagir à chaud sur un événement ou à une annonce de telle ou telle réforme masquant, par essence même, telle ou telle menace.

D’aucuns me trouvent de ce fait « démoralisant » tout en reconnaissant que le rôle du Syndicat est bien sûr d’anticiper et de prévenir.

Une fois n’est pas coutume, c’est avec un plaisir que je ne bouderai pas que je souhaite consacrer ces quelques lignes à vous présenter le fruit d’un travail collectif d’anticipation dont la cardiologie peut être fière.

C’est dans le contexte actuel de réelle crise des valeurs morales, financières et démographiques qu’il était de notre devoir, en tant que représentants d’une spécialité aussi importante que la cardiologie, de proposer à nos patients, à nos dirigeants et à nos partenaires des solutions originales et efficaces, élaborées et partagées par toute la profession réunie autour de groupes de réflexion d’experts dirigés par Alain Coulomb, Jean-Pol Durand et Claude Le Pen.

Ce nouveau Livre Blanc de la Cardiologie (*) s’adresse à tous les cardiologues : libéraux, hospitaliers, universitaires, aux plus anciens, proches de la retraite qu’il faudra sûrement reconsidérer active, comme aux plus jeunes internes, cardiologues de demain dont les aspirations ne sont plus les mêmes que celles de leurs ainés.

Certaines de ces propositions se sont déjà concrétisées ; ainsi du fait de l’urgence de la situation délétère de la FMC et de l’EPP, le Conseil National Professionnel de Cardiologie (**), a été créé en avril dernier. D’autres vont démarrer incessamment comme la consultation de prévention : plus d’un millier d’entre vous va y participer (***). D’autres encore sont en cours de réalisation : le volet cardiologique du DMP ou le site internet destiné à nos patients, par exemple

Mais la plus grande partie d’entre elles nécessitera votre participation pour qu’elles prennent vie et que la cardiologie reste l’une des spécialités les plus actives et les plus efficaces.

La réalisation de cet ouvrage a été rendue possible par le partenariat institutionnel exemplaire de sanofi-aventis, qui montre une fois encore comment un industriel peut s’engager aux cotés d’une profession, dans une démarche de réflexion approfondie sur l’avenir de ce qui fonde notre métier commun : la qualité des soins apportés à nos patients. ■

Docteur Jean-François Thébaut, _ le 20 novembre 2008

(*) La distribution du Livre blanc sera assurée par les représentants de notre partenaire sanofi-aventis. *(**) Voir n° 310. (***) Page 5.




Cotations chez les patients de moins de 16 ans

316 – Certaines cotations font référence au parcours de soins, avec en particulier la notion de médecin traitant.

Or, le parcours de soins, tel qu’il est défini par la convention de 2005 (art.1-1-2), concerne les assurés de plus de 16 ans. Qu’en est-il pour les jeunes de moins de 16 ans ?

C2

L’article 1-2-2 de la convention, concernant la rémunération de l’avis ponctuel de consultant (c’est-à-dire le C2), précise que « conformément à l’article 18 de la NGAP, le médecin correspondant rend un avis ponctuel de consultant lorsqu’il reçoit le patient à la demande explicite du médecin traitant ».

Peut-on donc coter un C2 chez l’assuré de moins de 16 ans, puisqu’il n’a pas de médecin traitant au sens de la convention ?

Oui, c’est possible, et la réponse est apportée par le « mode d’emploi du C2 » rédigé par un groupe de travail issu de la commission de hiérarchisation des actes qui indique clairement que « pour les patients âgés de moins de 16 ans, est considéré médecin traitant le praticien qui adresse le patient ».

Il faut évidemment que soient remplies les autres conditions d’application du C2 et notamment : – l’adressage explicite, qui rappelons-le, ne nécessite pas obligatoirement une lettre du médecin qui adresse mais peut faire appel à tout autre moyen de communication ; – la règle des six mois (ne pas avoir reçu le patient dans les 6 mois précédant la consultation et ne pas avoir à recevoir à nouveau le malade dans les 6 mois suivants) ; – adresser au médecin traitant les propositions thérapeutiques et lui laisser la charge d’en surveiller l’application.

CSC + MCC

La MCC a été créée en 2005. Son objectif était de réévaluer la CSC à sa valeur antérieure.

Plutôt que faire simple, à savoir revaloriser la lettre clef CSC elle-même, les caisses ont préférer l’affubler d’une majoration conventionnelle permettant des exceptions.

La première aura été que les cardiologues de secteur 2 ne peuvent pas bénéficier de cette MCC.

L’UNCAM avait également, initialement, décidé d’en exclure les patients jeunes, en précisant que cette majoration de coordination ne s’applique que dans le parcours de soins et donc pas aux moins de 16 ans.

La protestation syndicale a permis de lever cette restriction par l’avenant conventionnel n° 12 du 3 mars 2006 art. 4-4, qui précise après le deuxième alinéa de l’article 7.3. de la convention nationale, est ajoutée la phrase suivante : « Cette majoration (MCC) pourra être cotée dans les mêmes conditions pour les consultations réalisées auprès des patients de moins de 16 ans ». « Cette majoration est revalorisée au 31 mars 2006 à hauteur de 1 € ce qui la porte à 3,27 € ».

à ce jour, la valeur de la MCC est inchangée, ce qui porte la cotation CSC+MCC à 49 € pour les cardiologues de secteur 1, quel que soit l’âge du patient.

CS + MPC +MCS

Le lecteur devra s’accrocher pour ce paragraphe, car on arrive au summum de l’ingéniosité technocratique pour faire évoluer la nomenclature.

Tout le monde s’accordait pour estimer dérisoire le montant du CS (23 €).Là aussi, il aurait été trop simple de faire évoluer le tarif de la lettre-clef elle même. On lui a donc attribué, dans un premier temps, le coefficient de majoration MPC (actuellement de 2 €).

à l’occasion de la convention 2005 il a été créé un second coefficient, lié cette fois au parcours de soins, à savoir la MCS (actuellement de 3 €).

à ce jour, ce que chacun sait, une consultation de spécialiste se cote donc le plus souvent CS + MPC + MCS, soit 28 €, ce petit jeu de combinaison de lettres permettant néanmoins d’introduire des exceptions (cf. articles antérieurs du Cardiologue).

Il se posait un problème pour les assurés de moins de 16 ans, dont les consultations étaient éligibles à la MPC, mais pas à la MCS qui est liée au parcours de soins (rappelons pour nos lecteurs distraits que tout le dispositif « médecin traitant » ne concerne pas les moins de 16 ans).

Or, a priori, on ne voit pas ce qui pourrait justifier une différence de tarif entre la consultation d’un patient, par exemple de 15 ans, et celle d’un de 17 ans.

L’idée géniale a donc été de majorer la MPC du jeune de moins de 16 ans (art. 7-6 de la convention), en lui donnant le nom de MPJ.

Avenant conventionnel n° 12 du 3 mars 2006, art 4-1 : le montant de la MPC applicable pour les patients de moins de 16 ans (« MPJ ») est revalorisé au 31 mars 2006 à hauteur de 1 € ce qui le porte pour le médecin spécialiste à 5 €.

Le cardiologue non rompu aux négociations conventionnelles, sera émerveillé par le résultat de l’équation finale : CS + MPJ = CS + MPC + MCS = 28 € !

Majorations liées à l’âge très jeune du patient

Nous sommes parfois interrogés par des adhérents à ce sujet.

La C.C.A.M. (art. 19.03.02) prévoit effectivement, pour certains actes, des majorations pour les patients de moins de 5 ans, mais il s’agit uniquement des actes de radiographie conventionnelle ou de scannographie, à l’exclusion des actes de radiologie vasculaire et de radiologie interventionnelle.

Cela ne concerne donc pas les cardiologues.

Au total

Certains tarifs applicables aux jeunes patients font l’objet d’une réglementation particulière, se rapportant à la convention, à la C.C.A.M. et à ses dispositions générales. Ils ont du être précisés par des avenants conventionnels qui ont nécessité de longues négociations.

Mais finalement, ces tarifs sont rigoureusement les mêmes, que le patient ait moins ou plus de 16 ans !

Il est tentant d’ironiser, et nous aurions eu du mal à nous en priver, sur cette nécessité de textes lourds et complexes pour aboutir à ce qui paraît être l’évidence et le bon sens.

Il aura fallu néanmoins l’opiniâtreté et la combativité de vos responsables syndicaux pour que, lors de leur élaboration, vos intérêts soient préservés.

Qui a parlé de simplification administrative ?




Négociations conventionnelles : derniers rounds hypothéqués

316 – Après la réunion du 12 novembre et avant celle du 26 du même mois, le pessimisme était de règle des deux côtés de la table de négociation, la CNAM et M. Van Roeckeghem ayant très clairement conditionné la revalorisation du C à 23 € à des baisses d’honoraires de spécialistes… dont les cardiologues (lire, l’éditorial du Président Jean-François Thébaut). L’objectif de la CNAM, évidemment soutenue dans cette affaire par le Gouvernement en quête d’économies de toute nature pour affronter la crise économique, est très clairement de provisionner les 250 millions d’euros annuels représentés par une augmentation d’1 euro de la consultation de base. Plusieurs spécialités se retrouvent « dans l’oeil du cyclone » : en première ligne la radiologie et la biologie, spécialités techniques s’il en est et où les gains de productivité sont essentiellement assurés par la technologie. Et en seconde ligne, quelques spécialités médico-techniques, dont la cardiologie.

Pour justifier cette attitude, la CNAM a produit à la dernière réunion un tableau comparatif d’évolution des recettes conventionnelles. Cette statistique crédite la cardiologie libérale d’une masse d’honoraires de l’ordre de 238 000 € annuels, égale en secteur 1 et en secteur 2, les seconds allant en chercher 20 % dans les dépassements, quasi inexistants en secteur 1.

C’est moins ce chiffre en valeur absolue dont on leur fait grief que de son évolution : + 2,5 % par an depuis 2004 en secteur 1 et + 3,8 % en secteur 2. Alors que les généralistes, dont la revalorisation avait été d’un commun accord estimée « prioritaire », s’avère à peine supérieure dans la même période à + 3,7 % en secteur 1. Ce qui fait dire, de manière largement abusive au président de MG-France : « Les spécialités cliniques ou à actes techniques non répétitifs (chirurgie) sont les grands perdants des évolutions de revenus des médecins. La médecine générale est une spécialité en déshérence économique ».

La CSMF a aussitôt contesté la validité de ces statistiques. Il est vrai qu’en cardiologie notamment – et on le sait désormais de manière irréfutable -, les chiffres du secteur 1 sont artificiellement majorées de l’impact de la cardiologie interventionnelle. Laquelle se pratique quasi exclusivement en honoraires opposables mais selon des chiffres qui « gonflent » évidemment la masse, et donc la moyenne et son évolution, des honoraires perçus en secteur 1.

Mais ce qui est en cause – et qui contribue a ressouder le front ébréché du syndicalisme, de la CSMF à la FMF en passant par le SML – réside assurément dans la méthode du « troc » ostensiblement avancée par la CNAM et qui engagerait la médecine libérale dans une démarche comptable et, pour le coup, parfaitement boutiquière. D’autant que l’effort sollicité des spécialités est lui-même sans rapport avec le gain que peuvent escompter les généralistes si la revalorisation leur est accordé en septembre. C’est bien toute la mécanique conventionnelle qui est aujourd’hui en jeu et, avec elle, la viabilité de l’exercice libéral.




Le chantier de la FMC/EPP à nouveau embourbé !

316 – Depuis pratiquement quinze ans – et plus précisément depuis les Ordonnances-Juppé de 1995- 1996 – on parle de formation continue obligatoire. Mais aucun cadre fiable n’a jamais pu être durablement installé, pérennisé au-delà de quelques années, chaque ministre voulant laisser son empreinte… nominative sur un sujet finalement assez consensuel. On n’aura ainsi pas trop de mal à prendre le deuil du dernier cadre opérationnel qui distinguait, sans doute abusivement, l’obligation de FMC (Formation Médicale Continue) et l’obligation d’EPP (Évaluation des Pratiques Professionnelles). Leur inscription commune au « barème » individuellement opposable à chaque médecin – 150 crédits à cumuler en FMC et 100 en EPP – donnait finalement de la cohérence méthodologique au dispositif opposable et sa publication au Journal Officiel lui avait conféré une évidente lisibilité politique. Dans le même temps, les deux acteurs semblaient se partager, presqu’harmonieusement, le champ des agréments : à la HAS celui de l’EPP, au nom de la juste évaluation des changements de comportements, et aux trois Conseils Nationaux de FMC, parfaitement « synchrones », la définition des objectifs et les agréments d’acteurs de FMC. L’attelage était certes un peu baroque mais finalement équilibré entre ce qui ressort de la responsabilité de la profession organisée et de la légitimité des tutelles.

2009 : voter la loi avant d’élaborer son décret d’application

Pour des raisons qui échappent encore au commun, Mme Bachelot a donc voulu l’amender. Elle avait prévenu de ses intentions et les responsables de la profession étaient tous suspendus aux préconisations qu’elle avait demandées à une mission de l’IGAS (Inspection Générale des Affaires Sociales) pour éclairer sa stratégie. Patatras, « la crise » a tout remis en cause en bousculant le calendrier parlementaire, et le projet de loi HPST, formellement inscrit au calendrier de novembre du Parlement, se retrouve reporté au… début 2009 ! Le rapport de l’IGAS, lui-même annoncé pour la deuxième quinzaine d’octobre, n’était toujours pas (officiellement) rendu dans la première quinzaine de novembre… De toute évidence, le dossier s’embourbe. Et avec lui l’élaboration d’un cadre enfin fiable !

Dans une des premières versions du projet de loi, le Conseil national de FMC semblait ainsi promis à se pérenniser, dans une nouvelle composition et selon des missions revues et corrigées dans le sens de la… dévaluation, mais enfin il perdurait. Ce n’était plus du tout le cas dans la version adoptée en Conseil de ministre le 22 octobre dernier. Le texte, qu’on dit « bleu » dès lors que, nanti de l’avis préalable du Conseil d’État, il n’a plus vocation à changer avant transmission au Parlement, ne comporte plus aucune référence à un quelconque organisme rappelant de près ou de loin le CNFMC. Quelques éléments seulement apparaissent comme des fondations fiables du nouveau dispositif : _ 1. la double obligation perdure, même si on parle désormais de « formation évaluative », ce nouveau concept ouvrant vraisemblablement la voie à une fusion des deux obligations réglementaires de FMC et EPP ; _ 2. un organisme voit son périmètre élargi, l’établissement « gestionnaire » des ressources financières issus à la fois des fonds publics, ministère et caisses, et privés (cotisation obligatoire des médecins) ; le projet de loi reste muet quant à d’autres sources possibles ; _ 3. un autre – le Conseil national de l’Ordre – connaît une promotion avec la responsabilité totale et directe de la validation par les médecins de leur double obligation reconduite de FMC/EPP. Cet aspect du problème a largement pollué le débat antérieur puisque cette responsabilité incombait par le passé à des Conseils régionaux de FMC, adossés au Conseils régionaux de l’Ordre.

Un sujet toujours soumis à l’aléa d’une éventuel remaniement

Mais pour le reste, prière de patienter, au moins jusqu’à ce que l’IGAS produise le résultat de ses investigations et le catalogue de ses propositions dans lequel le cabinet de Mme Bachelot n’aura qu’à puiser pour écrire les clauses du futur décret d’application. Car, et c’est là que le bât blesse, le cadre législatif n’est rien tant qu’il n’est pas complété de son décret d’application. C’est de lui notamment qu’on attend la future mécanique des différentes instances en charge des différentes pièces du puzzle. L’inquiétude manifestée par les responsables du CNFMC sortant (et dont le mandat s’achève fin janvier prochain) est, très explicitement, de voir la HAS investie de la plus grande responsabilité, évidemment à son propre détriment…

Réponse sous quelques semaines sans doute. Mais l’observateur impartial a d’ores et déjà des motifs de s’inquiéter du nouveau retard pris dans la gestion de ce dossier qui l’expose à de nouveaux aléas au cas où un nouveau gouvernement devrait reprendre le dossier après un éventuel remaniement.