Crise de confiance

341 – CardioNews – Il y a des termes comme celui-là qui un jour apparaissent sur le devant de la scène. Ils sont sur toutes les lèvres, chez tous les médias. Aujourd’hui, c’est indéniable, le monde de la santé vit une « crise de confiance ». Les patients ont moins confiance envers leur médecin. Les praticiens découvrent avec stupéfaction les devers de l’AFSSAPS, les méandres de la pharmacovigilance. Le rapport au vitriol Even-Debré interpelle. Qui croire ? Les résultats des grandes études sont-ils orientés ? Les experts sont-ils tous corrompus ? Un discours subliminal pollue-t-il toutes nos formations ?

Attention, ne nous laissons pas abuser, gardons notre sens critique, la médecine française reste probablement l’une des meilleures du monde, l’espérance de vie est aujourd’hui à un niveau jamais atteint, la mortalité de l’insuffisance coronaire diminue de jour en jour, etc.

Xavier Bertrand le martèle, « rétablir la confiance est une priorité du Gouvernement ».

Si la perte de confiance peut être très brutale et profonde, regagner la confiance est souvent un chemin de longue haleine. Il faut raison garder.




Convention AERAS 2011 : Quelles avancées pour les droits du malade ?

341 – Année des patients oblige, la nouvelle convention AERAS (s’Assurer et Emprunter avec un Risque Aggravé de Santé) succède à celle de 2007, et s’applique depuis le 1er mars dernier. Si elle conserve l’essentiel du texte initial, elle apporte néanmoins quelques améliorations notables. La première porte sur l’information et la diffusion de la connaissance de la convention AERAS, encore insuffisante. Ainsi, d’ici à la fin de l’année, le site internet officiel de la convention (www.aeras-infos.fr) sera rénové, et davantage tourné vers l’accompagnement des futurs emprunteurs dans leur recherche d’assurance. Des partenariats d’information vont être créés, notamment avec les médecins. Sur le fond, la convention 2011 offre une meilleure couverture du risque invalidité « spécifique ». L’un des objectifs est de couvrir 60 % des assurés relevant de la deuxième catégorie d’invalidité de la Sécurité Sociale. Le montant des prêts pouvant être obtenus par le dispositif augmente, passant de 15 000 euros à 17 000 euros pour les prêts à la consommation, et de 300 000 euros à 320 000 euros pour les prêts professionnels et immobiliers. Quant au seuil de déclenchement du mécanisme d’écrêtement des surprimes, il est abaissé et ramené de 1,5 à 1,4 point du TEG.

La convention AERAS 2011 crée une commission des études et des recherches, dotée d’un budget de quatre millions d’euros sur quatre ans. Composée de médecins, d’experts de la HAS et de l’INCA, de médecins conseils de compagnies d’assurance et de représentants d’associations de patients, cette commission a pour mission d’objectiver les données sur la mortalité/morbidité des principales pathologies, et de fournir de nouvelles statistiques aux assureurs. Afin d’optimiser la réussite du dispositif, une autorité de contrôle est créée, des indicateurs de suivi seront mis en place et des objectifs indicatifs chiffrés donnés. Enfin, la convention AERAS 2011 marque une évolution vers l’harmonisation des questionnaires médicaux spécifiques par pathologie, ce qui simplifiera les démarches des futurs emprunteurs, qui devaient auparavant interroger plusieurs fois leur médecin pour remplir des questionnaires différents d’un assureur à l’autre.

La notion de droits des malades renvoie en général aux droits des patients à l’égard de leurs médecins ou à l’égard de l’Assurance Maladie. Pourtant, la qualité de malade a des implications juridiques dans de nombreux domaines de la vie sociale [1]. L’une des plus remarquables concerne certainement les droits des personnes atteintes d’un risque aggravé de santé à l’égard des prêteurs et des assureurs. La loi du 31 janvier 2007 relative à l’accès au crédit des personnes présentant un risque aggravé de santé prévoit qu’une convention nationale est conclue entre l’Etat, les associations de consommateurs et de personnes malades ou handicapés et les organisations professionnelles représentant les établissements de crédit et les assureurs. En l’absence de convention, les dispositions visées par l’article 2 de la loi doivent être réglementées par décret [2].

L’avenant à la Convention AERAS en date du 1er février 2011 renforce les droits des personnes atteintes d’un risque grave de santé. Les nouveaux droits ne bénéficient pas rétroactivement aux personnes ayant déjà profité des dispositions anciennes. Il convient de reprendre les principales avancées qu’entérine cet acte entré en vigueur le 1er mars 2011.

L’élargissement de la couverture invalidité 

En matière de prêts immobiliers et professionnels, l’avenant prévoit un engagement renforcé des assureurs qui seront tenus de proposer, à partir du 1er septembre 2011, deux types de garantie invalidité, à condition que la couverture de ce risque soit possible. Autant dire que l’efficacité du dispositif dépendra de ce qu’il faut entendre par la possibilité de couverture du risque invalidité. Si ce critère n’est pas rempli, les assureurs sont uniquement tenus de proposer une garantie Perte totale et Irréversible d’Autonomie (PTIA), laquelle ne suffit pas toujours à obtenir le prêt.

Si la couverture est possible, l’assureur doit proposer une garantie invalidité aux conditions de base du contrat standard avec, le cas échéant, exclusion(s) et/ou surprime, ou une garantie invalidité spécifique au taux de 70 %.

La garantie spécifique constitue l’avancée majeure opérée par l’avenant :

– le taux de 70 % est apprécié par référence au barème d’invalidité annexé au Code des pensions civiles et militaires ;
– la garantie ne comporte aucune exclusion de pathologie [3] ;

les établissements de crédit s’engagent à n’exiger aucune autre garantie s’agissant de la couverture du risque santé. Cependant, l’avenant prévoit une exception qui limite l’efficacité du dispositif puisque ces établissements peuvent refuser d’accorder le prêt si l’examen particulier du dossier ne leur permet pas de disposer d’une garantie raisonnable sur la capacité du candidat à l’emprunt à s’acquitter des annuités d’emprunt.

Contrairement à ce qui avait été envisagé, l’avenant n’impose aucun quota aux assureurs dans l’octroi de la garantie invalidité, ni ne fait de cette garantie une assurance obligatoire dont le tarif est fixé d’autorité par le Bureau central de tarification en cas de refus d’assurance.

Par ailleurs, l’assureur peut procéder à un ajournement en reportant sa décision d’octroyer la garantie invalidité. Au-delà de l’allongement des délais de traitement consécutif à l’ajournement, il arrive que l’assureur prévoie que le refus de garantir l’invalidité remet en cause la garantie décès [4]. L’avenant n’interdit pas cette pratique qui paraît contestable. En effet, si on admet que le candidat puisse accéder au troisième niveau (voir infra) alors même que le refus porte uniquement sur la garantie invalidité [5], le fait qu’il dispose déjà des garanties décès et PTIA pourrait faciliter l’acceptation de son risque par le Pool des risques très aggravés.

L’écrêtement des surprimes

La surprime versée par l’emprunteur est plafonnée en matière de prêts immobiliers liés à l’acquisition de la résidence principale et de prêts professionnels, dont le montant ne dépasse pas 320 000 euros (contre 300 000 auparavant) et si le candidat n’aura pas plus de 70 ans à la dernière échéance du prêt [6]. Notons que les crédits relais n’entrent pas dans le calcul du seuil des 320 000 euros lorsque l’emprunt a pour but l’acquisition d’une résidence principale. En revanche, pour les autres prêts, les encours cumulés de prêts ne doivent pas dépasser 320 000 euros.

Les conditions d’éligibilité au dispositif d’écrêtement liées aux revenus des candidats à l’emprunt ne sont pas modifiées. L’avenant consacre néanmoins deux avancées :
– la partie de la surprime qui dépasse 1,4 point du TEG (contre 1,5 auparavant) est prise en charge par les assureurs et les prêteurs. Les primes d’assurances atteignent rarement de tels montants ;
– la surprime est intégralement prise en charge par les assureurs et les prêteurs au profit des emprunteurs de moins de 35  ans bénéficiaires du prêt à taux zéro renforcé (PTZ+).

Le dispositif à trois niveaux

L’avenant maintient la distinction entre les trois niveaux d’offre d’assurance :

1. Lorsque l’analyse d’un questionnaire de santé conduit l’assureur à refuser un candidat à l’emprunt, le dossier de celui-ci est automatiquement transféré vers un deuxième niveau qui permet le réexamen individualisé de la demande d’assurance.

2. En cas de refus au deuxième niveau, le candidat peut prétendre à un examen de troisième niveau, à condition que le prêt ne dépasse pas 320 000 euros et soit d’une durée telle que l’âge de l’emprunteur en fin de prêt n’excède pas 70 ans.

3. Le troisième niveau est constitué par le « Pool des risques très aggravés » qui est une convention de co-réassurance gérée par le Bureau Commun d’Assurances Collectives (BCAC) par laquelle est déterminée la part d’indemnité prise en charge par le Pool en cas de sinistre, en vue d’alléger l’obligation de l’assureur qui conserve en général 50 % du risque ayant fait l’objet d’un refus aux premier et deuxième niveaux.

Le questionnaire médical

En matière d’assurance décès des prêts à la consommation affectés ou dédiés, l’assureur s’engage à ne pas imposer un questionnaire de santé lorsque le montant du crédit n’excède pas 17 000 euros (contre 15 000 euros auparavant), uniquement lorsque la durée du crédit est inférieure ou égale à quatre ans et que l’emprunteur n’a pas plus de 50 ans.

Le candidat à l’assurance doit alors seulement déposer une déclaration sur l’honneur de non-cumul de prêts au-delà du plafond de 17 000 euros.

Le titre II de l’avenant rappelle que les réponses au questionnaire, lorsque celui-ci peut être imposé, sont strictement confidentielles. En effet, l’analyse du questionnaire est réservée au service médical de l’assureur. Le conseiller bancaire ne doit absolument pas prendre connaissance des réponses, ce qui n’est pas toujours appliqué compte tenu du manque de publicité des règles posées par la Convention AERAS. Il faut conseiller aux emprunteurs de répondre aux questionnaires, non pas en présence du banquier, mais à leur domicile, et de les renvoyer directement au service médical de l’assureur bancaire.

Il faut noter que l’article 5 du titre II de la convention AERAS mentionne : « Un travail d’harmonisation de la formulation des questions ayant le même objet pour les questionnaires de santé de 1er niveau et pour les questionnaires détaillés par pathologie est conduit par les assureurs, en concertation avec les associations. Ce travail est présenté à la Commission de suivi et de propositions, pour avis, avant sa diffusion. »

Il s’agira de mettre en conformité, l’ensemble des questionnaires spécifiques (pour certaines pathologies) édités par les compagnies d’assurances, car ils sont présentés différemment d’une société à l’autre, et sont contestés, de la même façon, entre compagnies. Ceci évitera que le client, questionne plusieurs fois, son médecin.

La prise en compte du progrès médical

Le titre III de l’avenant prévoit la création d’un groupe de travail, rattaché à la commission des études et des recherches AERAS, chargé d’apprécier les risques en assurance des pathologies représentatives des risques aggravés de santé. Ce groupe procède à l’évaluation du progrès médical et met à jour les probabilités de décès ou de rechute pour chaque maladie. Les assureurs s’engagent à prendre en compte les résultats des travaux du groupe dans leur appréciation du risque, et sont tenus d’actualiser les questionnaires de santé au regard des évolutions de la médecine (titre II).

Les fédérations d’assureurs informent la commission de suivi et de propositions de l’impact des travaux publiés par le groupe de travail sur l’accessibilité à l’assurance emprunteur et ses modalités en termes de prix et de garanties proposés.

L’avenant permet ainsi aux commissions instituées par la Convention AERAS d’avoir un droit de regard sur la justification des tarifs d’assurance proposés aux personnes atteintes d’un risque aggravé de santé [7].

Cependant, le dispositif n’impose pas la prise en compte de l’évolution du risque après la formation du contrat. Dans les assurances de choses et de responsabilité, la tarification évolue en fonction de la réduction ou de l’augmentation du risque, ainsi qu’au regard de sa prévention. Dans les assurances de personnes, l’évolution de la prime est le plus souvent inexistante. Il ne paraît pas excessif que, dans le cadre spécifique de la convention AERAS, les assureurs s’engagent à réduire le montant des primes en fonction de l’évolution des thérapeutiques et/ou du respect par l’assuré des indications thérapeutiques, ce qui favoriserait non seulement les droits des malades, mais également la prévention des risques de santé.

[1] Aussi bien en termes de droits que de devoirs. Voir par exemple l’arrêté du 31 août 2010 modifiant l’arrêté du 21 décembre 2005 fixant la liste des affections médicales incompatibles avec l’obtention ou le maintien du permis de conduire ou pouvant donner lieu à la délivrance de permis de conduire de durée de validité limitée.
[2] C. sant. publ., art. L. 1141-2 et suivants.
[3] En 2009, la FFSA et le GEMA ont relevé que les assureurs ont refusé 24 % des demandes d’assurance comprenant une garantie supérieure (incapacité-invalidité) à la garantie PTIA. Dans les autres cas, les assureurs ont accepté de couvrir la garantie incapacité/invalidité dans 22 % des cas aux conditions standard du contrat, dans 51 % des cas sans surprime, mais avec exclusion ou limitation de garanties, et dans 3 % des cas avec une surprime. FFSA-GEMA, Conjoncture septembre 2009, Demandes d’assurance de prêts (convention AERAS), situation à fin juin 2009, p. 3. Les chiffres n’ont pas significativement évolué depuis 2009.
[4] Sur ces pratiques : Rapport d’activité 2008, Commission de médiation de la Convention AERAS, avril 2009, p. 29 et 30.
[5] En ce sens, Rapport d’activité 2008, ibid.
[6] La Commission de médiation AERAS considère que les prêts relais (in fine) et les prêts pour travaux destinés à la résidence principale (en ce sens, voir l’article L. 312-2 du Code de la consommation) sont éligibles au dispositif d’écrêtement des surprimes. 
[7] De plus, l’Autorité de contrôle prudentiel vérifie, dans le cadre de son contrôle des établissements de crédit et des organismes assureurs, le respect de leurs engagements au regard de la convention AERAS.
 

Faire réviser son contrat

Durant la durée du contrat, au bout de deux ou trois ans, on peut conseiller aux patients, par l’intermédiaire de leur cardiologue, de soumettre à nouveau leur dossier à l’assureur. Dans le meilleur des cas, leur pathologie serait reconsidérée et leur prime revue à la baisse.  Mais en aucun cas, même avec une aggravation constatée, il ne pourrait y avoir de révision de la prime à la hausse. Cette soumission médicale pourrait être faite sur le conseil du cardiologue, lui seul connaissant bien la santé de son patient. Il convient cependant de rester prudent et de ne pas donner de faux espoirs à des patients présentant « un ou plusieurs » facteurs de risques aggravés. 

Philippe Thébault Courtier spécialisé en risque emprunteur

 




Les ARS veulent-elles faire disparaître la cardiologie interventionnelle libérale ?

341 – Il est légitime de l’envisager devant les multiples attaques dont elle fait aujourd’hui l’objet.

Le directeur de l’ARS du Nord-Pas-De-Calais veut supprimer 12 lits d’USIC et veut refuser l’agrément de la pratique de la rythmologie interventionnelle dans les établissements privés de sa région, ainsi que le renouvellement d’autorisation de l’angioplastie coronaire dans une autre. Non, Monsieur Daniel Lenoir ce n’est pas « un procès en sorcellerie », vos décisions sont celles d’un antilibéralisme primaire et sans aucune objectivité.

Et ce n’est un cas isolé, ainsi dans d’autres régions : – Champagne-Ardenne : l’ARS demande sans vergogne aux cardiologues libéraux de cesser leur activité de rythmologie interventionnelle du groupe Courlancy, pour aller la faire au CHU ! – Haute-Normandie : une clinique du Havre s’est vue refuser une autorisation de rythmologie interventionnelle au profit de l’hôpital. – Basse-Normandie, à Caen : l’ARS veut regrouper la rythmologie interventionnelle au CHU alors que la clinique Saint-Martin a été reconnue comme centre de rythmologie par le précédent SROS !

Quotidiennement, le nombre de patients adressés pour syndrome coronarien aigu dans les établissements privés pratiquant l’angioplastie (alors qu’ils assurent une permanence de garde et d’astreinte 24 h/24 h) diminue de manière inquiétante, les SAMU orientant systématiquement les patients vers les centres hospitaliers publics.

Faut-il créer un centre 15 privé ?

Toutes ces décisions à sens unique, non justifiées, seront à l’origine de la disparition progressive du fer de lance libéral de notre spécialité. La qualité des soins et le respect des recommandations ne sont jamais mis en cause, mais à chaque fois il est invoqué des arguties inacceptables.

Ni le patient ni le praticien n’auront plus de libre choix, générant une inégalité d’accès aux soins. Le patient devra-t-il attendre des heures aux urgences, sur un brancard, avant que l’on daigne l’adresser dans le service compétent ? Les conséquences en termes de santé publique seront dramatiques : il est de notoriété scientifique que le passage aux urgences, porte d’un établissement, est l’une des plus mauvaises procédures pour prendre en charge un SCA. La répercussion économique y compris en termes de pertes d’emplois sera catastrophique pour des cliniques dont un élément clé de leur survie est souvent la présence de ces technologies de pointe.

Nous disons « non au dictat des ARS ».

Monsieur le Ministre vous devez réagir et ramener votre administration à plus de raison.




Frédéric Fossati, président du syndicat de la région Nord-Picardie

341 – CardioNews – Frédéric Fossati, 46 ans, est installé comme cardiologue depuis seize ans à La Madeleine, près de Lille. Outre son activité en cabinet de ville, il exerce à la clinique du Bois, à Lille, dont il est le président de la CME, et il occupe également un poste d’attaché en bloc opératoire au CHU. Entré récemment au bureau du SNSMCV, il a aussi pris la succession de Vincent Guillot comme président du syndicat des cardiologues de la région Nord-Picardie. « Cela représente une assez vaste région dans laquelle les cardiologues ont une activité chargée compte tenu du triste record que détient cette région, en tête des régions françaises, pour la mortalité cardiovasculaire », commente Frédéric Fossati. Activité d’autant plus chargée qu’ici, comme dans d’autres régions, la démographie cardiologique évolue défavorablement. « Les praticiens babyboomers partent maintenant à la retraite et ne sont pas – ou insuffisamment – remplacés par les jeunes, de plus en plus attirés par l’exercice hospitalier, au sein d’une équipe étoffée. Le risque de désertification menace certaines villes moyennes, comme Maubeuge ou Azbrouck, par exemple, où le cardiologue parti en retraite n’a pas été remplacé. Mais le problème est encore plus aigu en Picardie, en particulier dans l’Aine, où les délais de rendez-vous commencent à s’allonger de façon inquiétante. » Dans ce contexte, l’affaire du Mediator a chargé encore un peu plus l’emploi du temps des cardiologues. « Les rendez-vous se sont multipliés et nous avons dû accueillir et prendre en charge des patients déboussolés et inquiets. »

Comme tous ses confrères libéraux de la région, Frédéric Fossati est désolé des relations quelque peu conflictuelles avec l’Agence régionale de santé (voir Le Cardiologue n° 341). « Le directeur de l’ARS a signé des autorisations qui ont ravivé les tensions entre cardiologues du secteur public et cardiologues libéraux, alors même que dans beaucoup d’endroits, ils travaillent en bonne collaboration, explique Frédéric Fossati. La création des ARS et les restructurations qu’elle entraîne, obligent à communiquer des gens qui n’en avaient pas vraiment l’habitude auparavant. Alors que les responsables de l’Assurance maladie ont plutôt une bonne connaissance et une assez bonne compréhension de nos problématiques, il n’en va pas tout à fait de même pour les personnels des DASS, médecins inspecteurs, etc., qui ont une vision plus dogmatique de la situation et sont un peu enfermés dans leurs théories. C’est mon rôle de les rencontrer pour leur expliquer notre problématique, plutôt que d’aller au conflit. Les choses devraient s’arranger. Contrairement à un certain discours qui a cours, les cardiologues qui ont fait le choix d’exercer en libéral ne l’ont pas fait pour gagner de l’argent sur le dos des patients ou de l’Assurance maladie, mais pour conserver aux patients la possibilité de choisir où ils souhaitent se faire soigner. »

Ancien président de l’association de FMC du syndicat régional, Frédéric Fossati est tout particulièrement attentif au dossier formation. Il y voit le moyen de faire connaître la réalité de la cardiologie libérale aux jeunes praticiens. « L’association réunit cardiologues du public et du privé, et les programmes sont conçus pour tous. C’est une occasion de tisser des liens, et pour les jeunes, qui ont une vision un peu étriquée de l’exercice libéral, faute de pouvoir faire des remplacements plus nombreux en ville durant leur cursus, de découvrir notre exercice. A nous de leur faire appréhender ce que peut être la cardiologie libérale ! » A ce sujet, Frédéric Fossati estime qu’au niveau national, le syndicat doit faire pression pour que le futur DES de cardiologie comporte des stages et des remplacements en secteur libéral. L’autre raison pour laquelle il fait de la formation une des ses priorités, c’est le futur DPC. « Les décrets ne sont pas encore paru, mais cela sera un “chantier” important pour le syndicat. Les atermoiements autour du DPC a fortement démobilisés les confrères qui participaient plus souvent aux sessions de formation quand ils pensaient devoir totaliser un certain nombre de points, et qu’on ne voit plus depuis… Il va falloir les remobiliser. »




La SISA pour faciliter l’exercice regroupé

341 – CardioNews – La loi Fourcade, qui doit « corriger » la loi HPST, est en débat à l’Assemblée nationale. Les médecins libéraux se félicitent que les députés aient « supprimé deux des dispositions les plus inappropriées de la loi Bachelot, à savoir, l’obligation de déclarer les absences et le caractère pénalisant du contrat de solidarité santé », selon les termes de la CSMF. En revanche, annulée par la Conseil d’Etat, la taxe sur la télétransmission revient sur le devant de la scène avec un amendement du Gouvernement qui renvoie cependant les sanctions éventuelles aux discussions conventionnelles. La discussion de la loi Fourcade à l’Assemblée reprendra le 3 mai prochain. Les médecins ne sont donc pas encore tout à fait à l’abri de mesures désagréables… Certaines propositions faites par les sénateurs semblent pourtant faire consensus. C’est le cas de la Société Interprofessionnelle de Soins Ambulatoires (SISA), nouveau cadre juridique destiné à faciliter l’exercice groupé et pluridisciplinaire des professions de santé. Ainsi, des SISA pourront être « constituées entre des personnes physiques exerçant une profession de santé », qui permettront « la mise en commun de moyens pour faciliter l’exercice de l’activité de chacun des associés », et « l’exercice en commun, par ses associés, de certains activités à finalité thérapeutique relevant de leur profession respective ». L’article, tel que rédigé dans la loi Fourcade, précise que « les rémunérations versées en contrepartie de l’activité professionnelle des associés, dont le statut prévoit un exercice commun, constituent des recettes de la société et sont perçues par celle-ci ». Chacun des associés d’une SISA devra répondre sur « l’ensemble de son patrimoine, des actes professionnels qu’il accomplit dans le cadre des activités prévues par les statuts de la société », et pourra se retirer de la SISA soit en cédant ses parts sociales, soit par le remboursement de la société de la valeur de ses parts.

Parallèlement, le texte des sénateurs précise le statut des maisons de santé, qui sont dotées de la personnalité juridique. Elles pourront élaborer un projet de santé, ce qui leur permettrait notamment de participer à des actions de santé publique et à des actions sociales.

Jusqu’à présent, ces propositions sénatoriales n’ont guère provoqué de commentaires. Signe qu’elles font consensus chez les médecins libéraux ? Cela semble être le cas. Fervent défenseur de l’exercice pluridisciplinaire regroupé, Jean-François Rey, président de l’UMESPE, estime que « le dispositif est suffisamment souple pour s’adapter à toutes les situations », tout comme il acquiesce à la nouvelle définition de la maison de santé. « On a laissé ce terme au profit de celui de “maison pluridisciplinaire” qui permet d’avoir tous les statuts possibles, et c’est bien ainsi. »




Les dents trop longues de l’hospitalisation privée

341 – CardioNews – L’information est passée relativement inaperçue et pourtant elle vaut son pesant de menaces sur l’exercice libéral en France. Autant, sinon plus que les négociations de la prochaine Convention, ouverte le 7 avril dernier sans qu’on sache, depuis le départ spectaculaire des délégations CSMF-SML (voir par ailleurs) à quelle échéance elles devront désormais s’achever, avant ou après les rendez-vous électoraux de 2012.

De quoi s’agit-il ? D’une ambition affichée dans les colonnes du quotidien économique Les Échos par le nouveau patron d’un groupe industriel leader sur son marché domestique. Rien d’un scoop, en vérité, sinon que cette déclaration est signée de M. Ferruccio Luppi, nouveau président du Directoire du groupe Générale de Santé, chef de file des cliniques privées en France. Et qu’elle fait suite à une même ambition affichée il y a deux ans par le Dr Christian Le Dorze, fondateur du groupe Vitalia, concurrent du premier, devant une assemblée réunie par l’URML des Pays de la Loire.

Analyse des forces en présence. Générale de Santé est donc la doyenne des holdings opérant sur le secteur de l’hospitalisation privée ; elle a vu le jour il y a bientôt vingt ans, à l’initiative d’un cadre de la Générale des Eaux soucieux de porter la diversification de son groupe. Elle avait fait peur du temps où son flamboyant (et éphémère) président, Jean-Marie Messier s’était mis en tête d’ajouter au portefeuille la majorité de la presse médicale (dont Le Quotidien du Médecin, revendu depuis) et le RSS (Réseau Santé Social) dont il avait obtenu la concession de Martine Aubry en échange de son zèle à appliquer les 35 heures dans son groupe !

Aujourd’hui, la Générale de Santé est à la tête d’un réseau de 110 établissements hébergeant l’activité de 5 000 médecins spécialistes. La société a fait l’objet d’un de ces séismes qui émaillent régulièrement la vie des grandes entreprises internationales. L’actionnariat italien([Dans lequel on retrouve le nom de M. de Agostini, une sorte de « Bolloré italien », plus connu de la presse people en France que de la presse médicale. Et pour cause, c’est lui qui avait payé les vacances américaines de M. Sarkozy à l’été 2007.)] a littéralement débarqué – pour « divergences stratégiques » – celui qu’elle avait installé quatre ans plus tôt en la personne de M. Frédéric Constant pour installer à sa place un autre italien « pur jus » en la personne de Ferruccio Luppi, celui-là même qui s’est exprimé dans les colonnes des Echos du 25 mars.

Extraits : Soucieux d’adapter son modèle à la politique des pouvoirs publics, Générale de Santé entend donc développer son propre « parcours de soins », maisons de santé en amont des cliniques et établissements SSR en aval ! Imparable quand le chemin de la croissance externe est barré avec un prix de rachat des établissements à un tarif jugé rédhibitoire !

Le plus surprenant est que le numéro 2 du secteur, le Dr Christian Le Dorze, ancien directeur du développement de la même Générale de Santé (quittée lorsqu’il ne la trouvait plus aussi dynamique que lui-même le souhaitait) ne disait pas autre chose il y a … 2 ans devant un colloque consacré à l’économie de la Santé par l’URML (Union Régionale des Médecins Libéraux) des Pays de la Loire. Fondateur de Vitalia (48 cliniques, 10 000 salariés et 2000 médecins), ce dernier affichait rigoureusement la même stratégie…

On nous rétorquera que cette ambition est, depuis, restée lettre morte. Sauf qu’entre temps, le mouvement d’industrialisation du monde de la santé n’a pas cessé sa marche en avant. Daniel Caille, qui s’était fait « virer » de la Générale en 2007 a, depuis, créé un autre groupe, Vivalto Santé, déjà implanté dans l’Ouest (notamment la Clinique Saint-Grégoire de Rennes, une habituée des « palmarès » nationaux) et les chaînes ont, peu ou prou, pris le contrôle de la fédération nationale. Ce sont elles qui ont imposé, dans le débat parlementaire de la loi HPST, le droit pour les établissements de salarier des médecins contre l’avis unanime de la profession médicale et du SYMHOP sa composante spécialisée !

Les cardiologues sont aux premières loges de l’offensive. Parce qu’ils sont assez représentatifs de cette interface médicale nécessaire aux cliniques pour asseoir leur recrutement, ils sont les premiers dans la cible : l’établissement entend pouvoir se passer de leur réseau de correspondants en organisant deux ou trois « maisons de santé de proximité » et leur imposer, dans le même temps, le fléchage des soins de suite.

Et ceux qui regimbent verront arriver, un beau matin, le jeune confrère salarié … sur un poste que lui avait promis la clinique à sa troisième année d’internat !

Soyons clairs : les cardiologues sexagénaires n’ont pas à se préoccuper de cette évolution attendue ! Les autres, tous les autres et surtout les quinquagénaires, ont, eux, l’assurance de ne pas finir leur carrière dans les conditions où ils l’on entamée ! Et sans doute ont-ils, aux yeux des générations qui arrivent, la responsabilité historique d’organiser la riposte à l’entrisme industriel dans leur champ de légitimité.

En exhortant ses anciens mandants au regroupement depuis les actuels cabinets de groupe existants, Jean-François Thébaut leur laissait plus qu’un testament : une véritable « feuille de route » pour les 5 ans à venir !




Etienne Caniard : « Nous ne renonçons pas aux réseaux de soins »

345 – Le président de la Mutualité Française estime qu’en l’état, le secteur optionnel ne règlera pas durablement le problème des passements d’honoraires et, donc, celui de l’accès aux soins.

Quelles seront les conséquences de l’augmentation de la taxe sur les contrats solidaires et responsables pour les organismes de complémentaire santé ?

Etienne Caniard : Des difficultés importantes pour accéder aux soins pour un nombre plus important encore de nos concitoyens, nous en sommes convaincus. Le Gouvernement sait que cette taxe renchérira les cotisations. Les mutuelles sont des organismes à but non lucratif, des sociétés de personnes. Elles n’ont pas de capital, ne versent pas de dividende à des actionnaires et elles ne peuvent être déficitaires comme la Sécurité Sociale. Toute charge nouvelle pèse sur les cotisations. 38 millions de Français ont une mutuelle. Indirectement, il s’agit d’un nouvel impôt qui ne veut pas dire son nom. Socialement, c’est profondément injuste, car nous le savons, si les cotisations augmentent, les adhérents vont choisir des garanties moins protectrices, voire renoncer à leur mutuelle. Or, la mutuelle est indispensable, notamment pour accéder aux soins courants. Elle en finance presque la moitié ! Les personnes qui n’auront plus de mutuelle risquent de recourir davantage aux urgences hospitalières qui sont très coûteuses pour la collectivité. C’est incohérent ! C’est pourquoi nous venons de lancer sur le site internet de la Mutualité Française et de ses mutuelles adhérentes une pétition pour appeler nos concitoyens à exprimer leur mécontentement et à demander au Gouvernement de renoncer à cette taxe.

L’UNOCAM a récemment décidé de reprendre les négociations sur le secteur optionnel. Quelles conditions mettez-vous à la reprise de ces négociations ?

E. C. : La Mutualité Française condamne vivement, et depuis plusieurs années, l’explosion croissante du nombre et du volume des dépassements d’honoraires, car ils remettent en cause l’accès aux soins pour nombre de nos concitoyens. Leur banalisation a entraîné progressivement la modifi cation de la nature même de notre système de protection sociale. Et nous vivons aujourd’hui dans la fi ction d’un taux de remboursement du régime obligatoire qui ne correspond plus du tout à la réalité des tarifs. Il est urgent de mettre fi n à cette situation, car c’est inacceptable pour les patients ! La création d’un secteur optionnel ne doit avoir qu’un seul objectif, améliorer l’accès aux soins. Aujourd’hui, le secteur optionnel ressemble davantage à une simple « solvabilisation » de rattrapage pour les professionnels de santé sans mettre fi n à l’anarchie tarifaire, qu’à un véritable outil de maîtrise des dépassements, notamment les plus élevés.

Selon vous, ce secteur optionnel – dans les modalités actuelles inscrites dans la convention médicale récemment signée – est-il la réponse appropriée au problème des dépassements d’honoraires et des inégalités d’accès aux soins engendrées par le secteur 2 ?

E. C. : Le secteur optionnel a été conçu à partir de moyennes qui cachent de fortes disparités, qu’elles soient géographiques ou à l’intérieur même des professions. Pour les 4 000 chirurgiens libéraux en secteur 2 par exemple, si les dépassements d’honoraires sont en moyenne de 56 %, ils ne sont que de 10 % pour les 400 pratiquant les tarifs les plus bas, alors qu’à l’autre extrême, la même proportion facture en moyenne 240 % de dépassement à leurs patients. Comment imaginer que les seconds vont réduire leurs dépassements en choisissant le secteur optionnel ? C’est pourtant sur ces excès qu’il faut agir si l’on veut améliorer l’accès aux soins. Tant que l’on raisonnera à partir de moyennes, on créera un effet d’aubaine pour les praticiens facturant de faibles dépassements sans réguler les excès. Cela n’est pas satisfaisant.

D’abord amendé dans un sens restrictif à l’Assemblée, l’article de la loi Fourcade sur les réseaux de soins mutualistes a finalement été censuré par le Conseil constitutionnel cet été. Quel est l’avenir de ces réseaux et de la possibilité de mieux rembourser les assurés faisant appel à eux ?

E. C. : Nous avons pris acte de la décision du Conseil constitutionnel. Et nous ne renoncerons pas aux réseaux de soins qui permettent aux adhérents de bénéficier de soins de qualité avec un reste à charge limité. Professionnels de santé et financeurs doivent retrouver une totale liberté de contractualiser. C’est une des conditions de l’amélioration du système de soins. Il est paradoxal de demander aux mutuelles de participer à la régulation des dépenses de santé et de ne pas leur donner les moyens juridiques de le faire. ■