Les cardiologues et les administrations : des mondes bien différents

334 – Le monde des médecins: des horaires de travail très lourds

Ce n’est pas un scoop, mais ceci a été confi rmé officiellement par une enquête récente de la DREES. _ Cette enquête confirme le constat que le temps médical est précieux, et doit être optimisé. C’est l’une des données qui rend souvent difficilement supportable certaines contraintes administratives. _ Voici quelques scènes de la vie ordinaire des cardiologues recueillies dans le courrier reçu au Syndicat en moins d’un mois.

Les horaires de l’administration et ceux des médecins

En juillet dans une autre région, une réunion a été prévue à l’ARS, à propos du SROS, avec des responsables de l’hospitalisation privée. Ceux-ci proposent à des représentants du Syndicat Régional des Cardiologues de les accompagner, et il faut s’en féliciter. La réunion est prévue un mercredi à 14h30, ce qui paraît naturel aux autres participants, sauf que : – Cela impliquerait pour le ou les cardiologues présents d’annuler toute une après-midi de consultations, au dernier moment, puisque la date de la réunion n’a été connue que quelques jours auparavant, alors qu’il s’agit de rendez-vous pris il y a au moins un mois, ce qui, décemment, est difficilement envisageable. – En fait, ce serait pour ces cardiologues, une bonne partie de leur journée qui serait neutralisée, car il faut tenir compte du temps de trajet vers la métropole régionale, à une heure où son accès en voiture est très difficile. – Il s’agit de bénévoles très motivés, mais qui doivent quand même penser au manque à gagner occasionné par une telle journée, alors que les frais fixes du cabinet restent les mêmes. Par la force des choses, il n’y aura donc pas eu de cardiologues à cette réunion qui se sera déroulée entre administratifs. _ Nous avions prévu cette situation regrettable qui est inscrite dans la loi HPST. En effet, la déclinaison régionale de la politique de santé va nécessiter mécaniquement une multiplication des réunions entre médecins et administration. Celle-ci impose ses horaires qui ne sont pas les nôtres. Cela n’a pas toujours été ainsi, et les plus anciens d’entre nous se souviennent des commissions conventionnelles paritaires locales qui avaient lieu à 20h30, après les consultations. Peut-on revenir en arrière ? Cela paraît peu probable avec l’état d’esprit actuel. _ Pourtant, il faudra se rendre compte que la mise en oeuvre d’une politique de santé sans possibilité de participation active des médecins ne peut pas bien fonctionner.

Méconnaissance par des caisses de règles basiques de cotation

Refus du cumul de la cotation de l’ECG avec une consultation _ La directrice d’une CPAM de l’Est de la France a adressé à plusieurs cardiologues un courrier par lequel elle leur réclame sur un ton comminatoire, le remboursement dans un délai d’un mois, avec pénalités en cas de retard, des honoraires d’ECG pratiqués dans le même temps qu’une consultation. Ce cumul, affirme-t-elle, est interdit par les dispositions générales de la CCAM. Or, c’est exactement le contraire, puisque l’article III-3-A-3 des DG de la CCAM précise explicitement que ce cumul est autorisé. _ Cette disposition existe en fait depuis 25 ans, puisqu’elle a été établie en 1985 lors de la réforme de la cotation de l’ECG, et la CCAM a repris le texte de la NGAP.

Refus du cumul de cotation du C2 avec l’ECG _ C’est une caisse de l’Ile-de-France, qui réclame également le remboursement d’honoraires qu’elle estime indus, en affirmant que ce cumul est interdit, et qu’il aurait fallu selon elle coder CSC ou CS+DEQP003. _ Les sommes exigées sont assez importantes car le recouvrement porte sur une période de 18 mois. _ Or, ce cumul est autorisé depuis les sept arrêts du 14 novembre 1996 de la Cour de Cassation. _ De plus, afin d’éviter tout litige, un groupe de travail issu de la Commission de hiérarchisation des actes professionnels a rédigé en 2006 un mode d’emploi consensuel entre l’Assurance Maladie et les médecins libéraux, confirmant la possibilité de cumul du C2 avec la cotation de l’ECG. _ On se demande donc quelles mouches ont piqué ces responsables de caisses pour qu’ils remettent en question de leur propre chef des règles qui existent depuis des lustres. _ Nous espérons que ces affaires n’iront pas très loin, et qu’il ne sera pas nécessaire, une fois de plus, d’aller en justice, mais quel temps perdu inutilement.

Dialogue impossible avec une caisse

Un cardiologue reçoit le vendredi 2 juillet un courrier de sa caisse lui réclamant 22 000 euros d’honoraires indus. Il doit répondre dans le mois. _ Il reconnaît son erreur. Il exerce dans une région montagneuse, avec des communications difficiles, et, depuis trois ans, pour éviter la répétition des déplacements pour ses patients, il pratiquait régulièrement l’association d’échocardiogrammes et d’échographies vasculaires. _ Il n’avait jamais eu le temps de lire et comprendre les subtilités de l’article art. III-3-B-2-d des D.G. de la CCAM qui interdit, pour des raisons inexpliquées, le cumul d’actes d’échographie, hormis pour des zones anatomiques qu’il n’avait jamais eu l’occasion d’explorer, comme pour l’échographie testiculaire. _ Tout l’incitait à continuer de la sorte, car son logiciel de télétransmission ne lui signalait pas d’incompatibilité, et, surtout, sa caisse l’a laissé coder ainsi sans la moindre remarque pendant trois ans et, bien plus, lui réglait sans sourciller ces cumuls d’actes en tiers payant. _ Il est prêt à régulariser, mais, compte tenu de l’importance de la somme, souhaite bénéfi cier d’un étalement. Il lui faut donc expliquer sa bonne foi. L’ultimatum d’un mois qu’il a reçu le 2 juillet est trop court, car, comme la moitié des Français, il part en vacances ce soir là. Sur les conseils du Syndicat des Cardiologues, il essaye de demander un report. _ Il aura téléphoné à sa caisse toute l’après-midi de ce vendredi sans jamais pouvoir joindre un responsable.

L’incommunicabilité organisée par une caisse

Alors que l’on nous affirme régulièrement que l’on va diminuer le poids de la paperasse pour les médecins, une CPAM du Nord de la France vient de créer un nouveau formulaire en double exemplaire qui devra être rempli systématiquement pour appuyer une réclamation, faute de quoi celle-ci serait rejetée. Pourtant, le meilleur outil de communication nous semble être la langue française, et nous savons, depuis Boileau, que ce qui se conçoit bien s’énonce clairement, et que les mots pour le dire arrivent aisément. _ Le cardiologue qui sait manier l’art de la concision a la capacité d’exprimer clairement et aisément une réclamation en une seule phrase sur son papier à en-tête. _ Exemple : « L’acte DZQM006 pratiqué en tiers payant-CMU le date chez M nom, prénom, n° SS, m’a été réglé 77,66 €, soit une erreur de 18 € à mes dépens. » Ce motif de réclamation étant récurrent, il est même possible d’en faire un modèle réutilisable. Ce serait tellement simple. _ On aurait pu imaginer également que la caisse, qui accuse d’archaïsme les médecins qui refusent de prendre le temps de télétransmettre et va les mettre à l’amende, nous communique une adresse internet où l’on aurait pu lui écrire par courriel en français « normal ». Elle n’a rien trouvé de mieux que créer un nouveau formulaire, fastidieux et long à remplir. _ Que se passera-t-il si une case du document est estimée mal renseignée ? Nous nous abstiendrons de suggérer une réponse pour ne pas être taxés de mauvais esprit. _ Ce sont quelques faits tirés de la pratique quotidienne. Ils sont d’importance inégale, mais on pourrait en trouver mille. Chacun les vit avec une ironie distante, ou avec exaspération, suivant son tempérament ou l’humeur du jour. Leur répétition devient parfois usante. Heureusement (voir enquête du dernier Livre Blanc), les cardiologues aiment leur métier et il en faudrait davantage pour les faire sombrer dans le burn out. Néanmoins, comme l’ensemble des médecins, ils aspirent à plus de considération de la part des administrations avec lesquelles ils doivent travailler. ■

|Mort annoncée d’un important réseau de l’Ouest de la France par décision de l’ARS.| |L’ARS de Bretagne menace de fermer Rivarance (voir page 12). Ce réseau est coordonné depuis 2006 par Patrick Denolle.

Les réalisations, rappelées dans le rapport même de l’ARS, sont impressionnantes – Adhésion au réseau de l’ensemble des cardiologues libéraux ou hospitaliers du secteur, ainsi que de la majorité des médecins généralistes. – Dossier médical partagé, incluant actuellement 13 000 patients et avec montée en charge constante, auquel ont accès par internet tous les professionnels de santé appartenant au réseau. – Prestations multiples et gratuites pour les patients pris en charge: consultations de tabacologie, séances d’éducation thérapeutique et diététique, stages ambulatoires de rééducation en centre, et rééducation au long cours en phase 3 avec le club «coeur et santé». – Depuis 2007, prise en charge éducative, diététique et physique des diabétiques et des enfants obèses. Formation des professionnels médicaux et paramédicaux et du grand public – Etc.

Le rapport ajoute en outre que les promoteurs ont toujours respecté la limite des dépenses fi xée par les décisions annuelles. _ On imagine la charge de travail « bénévole » qu’impliquent, pour les médecins adhérents du réseau, toutes ces initiatives, qui s’ajoutent aux longues journées évoquées précédemment. Pourtant, l’ARS a émis un avis réservé sur la poursuite du financement, sous prétexte que des améliorations sont possibles: – les pathologies vasculaires au sens large, prises en charge depuis 2007, ne le sont pas encore suffisamment; – le réseau ne mesure pas la satisfaction des patients; – aucune enquête de satisfaction des professionnels de santé n’a été menée depuis 2004. – la coordination avec les néphrologues débute seulement.

Commentaires: Les cardiologues connaissent bien les règles de l’évaluation car, dans ce domaine, ils ont été des pionniers afin d’améliorer la qualité de leur pratique. _ Dans cette évaluation de l’ARS, plusieurs remarques: – les critères de qualité choisis sont-ils pertinents, faisables et acceptables? – par qui ont-ils été déterminés? – enfin et surtout, le principe d’une évaluation est de ne pas être sanctionnant, mais de rechercher des pistes d’amélioration. _ On a l’impression ici que tout ce qui a été fait n’a plus aucune valeur pour l’administration en raison des améliorations toujours possibles. Les décisions défi nitives seront suivies avec attention par les cardiologues. Si l’avis de l’ARS était confi rmé, il faudrait vraiment être très motivé pour s’engager dans un réseau dont le mode de fonctionnement est habituellement très chronophage.|




Une convention charnière

344 – La rémunération à la performance, principale innovation de la nouvelle convention, est un véritable coup d’accélérateur à la modernisation du système de soins français. Assortie de quelques autres ébauches de réformes, elle a emportée l’adhésion de la CSMF, du SML et de MG-France : une signature historique ! 

Grande première dans la vie conventionnelle : pour la première fois les trois principaux syndicats, la CSMF, le SML et MG-France ont signé ensemble la nouvelle convention. Cela suppose que chacune des centrales a retrouvé dans le texte final suffisamment de ses « fondamentaux » pour apposer son paraphe. « Nous avons signé cette convention, parce que, sur bien des points, elle répond à notre projet confédéral », explique Michel Chassang, président de la CSMF. Même discours du côté du SML, qui reconnaît dans l’introduction du paiement à la performance, les mesures en faveur de certaines spécialités cliniques et des praticiens à Mode d’Exercice Particulier (MEP) des propositions de son projet conventionnel. Rien d’étonnant dès lors à ce que Michel Chassang et Christian Jeambrun aient acquiessé à un texte comportant en outre, le maintien de l’ASV et le secteur optionnel, dont ils avaient fait deux préalables à leur signature. Mais qu’a trouvé dans ce texte MG-France, l’opposant de toujours à ces deux syndicats, qui lui ai fait apposé sa signature à côté de la leur ? Outre le maintien de l’ASV, « Le fonctionnement médecin traitant est confirmé, la santé publique devient un élément important dans les objectifs de la rémunération à la performance et, pour la première fois, les problèmes d’accès au soins et d’inégalité sont abordés dans la convention par l’élargissement du tiers payant aux patients bénéficiaires de l’aide à l’Acquisition d’un Complémentaire Santé (ACS), et l’appréciation laissée au médecin traitant de l’appliquer à certains patients », explique son président, Claude Leicher.

Le P4P à la française

La diversification des modes de rémunération des médecins, évoquée depuis des années, tardait à venir. En instaurant il y a deux ans – sans concertation – le Contrat d’amélioration des pratiques individuelles, l’Assurance Maladie s’était, certes, attiré les foudres des syndicats médicaux, mais elle avait aussi entrouvert une porte qui s’ouvre plus franchement aujourd’hui. L’innovation majeure est sans conteste l’introduction du paiement à la performance, version 2011 – et surtout conventionnelle – du CAPI. Largement inspiré du « pay for performance » anglais, communément appelé « P4P », le principe en est d’inciter financièrement les médecins à respecter les recommandations en vigueur, l’objectif étant l’amélioration de la qualité des soins et, accessoirement, une meilleure efficience du système. Le nouveau dispositif prévoit une rémunération calculée sur la base de 29 indicateurs dotés de 1 300 points au total, pour une clientèle de 800 patients (un pondération intervient au-delà selon le volume de la clientèle réelle). Chaque point valant 7 euros, un médecin traitant qui réaliserait le « grand chelem » en atteignant 100 % des objectifs définis pour tous les indicateurs percevrait ainsi une prime de 9 100 euros pour un an, soit 11,40 euros par patients. Une hypothèse maximale que n’envisage guère le directeur de l’UNCAM, Frédéric van Roekeghem, qui estime que la rémunération moyenne devrait se situer aux alentours de 5 000 euros par médecin généraliste. Les indicateurs concernent l’organisation du cabinet et la qualité du service d’une part, et d’autre part la qualité de la pratique médicale. Cette partie comprend des « indicateurs de suivi des pathologies chroniques » (250 points), des « indicateurs de prévention et de santé publique et prévention » (250 points), et des « indicateurs d’efficience » (400 points) dont bon nombre concernent la prescription de génériques dans certaines classes thérapeutiques (statines, IPP, IEC, antidépresseurs, antihypertenseurs, aspirine, antibiotiques). Les indicateurs « organisation du cabinet et qualité de service » concernent d’emblée tous les médecins libéraux, généralistes et spécialistes. En revanche, les indicateurs relatifs à la qualité de la pratique médicale ne concernent pour l’instant que les médecins traitant. Cette option conventionnelle « a cependant vocation à s’étendre à toutes les spécialités par avenants afin de prendre en compte la spécificité de pratique des différentes spécialités cliniques et techniques et d’adapter les indicateurs susceptibles d’être retenus ainsi que les modalités de calcul », précise le texte de la convention. Dans cette perspective, les cardiologues travaillent d’ores et déjà à l’élaboration d’indicateurs pertinents pour leur spécialité.

Le compte n’y est pas

« Cette convention très légitime consacre l’engagement des praticiens à favoriser la qualité de la pratique et à moderniser leur rémunération », s’est félicité Frédéric van Roekeghem. Si la modernisation est bien au rendez-vous, du côté de son l’augmentation, c’est autre chose… Hormis le bonus que peut apporter l’option « P4P », la nouvelle convention n’est guère généreuse du côté revalorisation tarifaire. Après l’obtention au 1er janvier dernier du C à 23 euros – attendu depuis 2007 ! – les généralistes ne devaient pas espérer une nouvelle hausse de leur lettre-clé. La convention leur octroie cependant la possibilité de coter à 50 % les frottis comme un acte technique en plus de la consultation, et 2 V la nouvelle « Visite Longue et complexe » (VL) chez le patient Alzheimer. Trois spécialités cliniques bénéficient de revalorisations : les dermatologues, avec une consultation de dépistage des cancers cutanés à 46 euros, les pédiatres, avec une revalorisation à 38 euros des consultations obligatoires longues et complexes, et la création de la consultation du nouveau-né entre la sortie de la maternité et la 28e semaine (38 euros), et les psychiatres, qui voient leur lettre-clé (Cnpsy) passer de 34,30 euros à 37 euros. Ces derniers pourront en outre coter 1,5 euros une consultation effectuée dans les 48 h à la demande du médecin traitant. On peut ajouter encore la revalorisation du forfait de surveillance thermale, qui passe de 64,03 euros à 70 euros, et celle de la séance d’acupuncture (18 euros au lieu de 12,5 euros), et c’est tout pour ce qui est des revalorisations tarifaires.

Du côté des moyens, le compte n’y est pas, même pour les signataires.

« Nous déplorons que les masses financières engagées ne soient pas à la hauteur, et que pour la première, fois une convention ne comporte aucune revalorisation du C des généralistes. Ce sera notre combat pour les cinq ans à venir ; il n’est dans l’intérêt de personne que les actes médicaux ne soient pas rémunérés à leur juste valeur », déclare Michel Chassang. « La rémunération forfaitaire – dont la part est très en-dessous de ce que nous souhaitons – n’est pas au niveau du travail demandé aux médecins, renchérit Claude Leicher. Quant à la FMF, c’est essentiellement ce manque de moyens qui a motivé son refus de signer. « Il aurait fallut aller chercher les marges financières là où elles sont, tonne son président, Jean-Paul Hamon, c’est-à-dire à l’hôpital, en en régulant l’accès une bonne fois pour toutes, et sur les prescriptions pharmaceutiques. Pour exercer une médecine libérale de qualité, il faut un vrai forfait secrétariat et un vrai forfait communication. On ne peut pas livrer la médecine libérale comme cela, en signant une convention sans conditions ! Et il n’y a rien pour infléchir la courbe démographique. Ce n’est pas avec ce texte qu’on va inciter les jeunes à s’installer. »

Une incitation aux déserts médicaux

A cet égard, le chapitre démographie de la convention 2011 ne brille pas, il est vrai, par excès d’inventivité. Pour tenter d’améliorer les conditions d’exercice des médecins et favoriser l’installation dans les déserts médicaux, une « option démographie » est créée, mais qui ne fait guère qu’apporter quelques modifications à l’avenant 20 de la convention précédente, qui n’a pas remporté un succès fracassant. La nouvelle option s’adresse donc aux médecins exerçant les deux tiers de leur activité en zone médicalement sous-dotée. En la prenant, ils s’engagent à exercer au même endroit pendant trois ans. En contrepartie, ils peuvent bénéficier d’une aide forfaitaire d’investissement – c’est la nouveauté – de 5 000 euros par an s’ils exercent en groupe, et de 2 500 euros annuels s’ils exercent en pôle de santé. En revanche, le bonus prévu par l’avenant 20 pour les médecins des zones sous-médicalisées baisse : il ne sera plus de 20 % des honoraires annuels, mais de 10 % pour les médecins exerçant en groupe (plafonné à 20 000 euros par an), et de 5 % pour ceux qui exercent en pôle (plafonné à 10 000 euros). Par ailleurs, une une « option santé solidarité » incite les médecins installés en zones surdotées à aller exercer en zone sous-médicalisée au moins trente jours par an, moyennant le remboursement de leurs frais de transport et une rémunération supplémentaire équivalant à 10 % de leur activité clinique, dans la limite de 20 000 euros par an. L’avenir dira si ces nouvelles mesures incitatives repeupleront les déserts médicaux. On peut en douter…

 

La convention ne dit pas tout sur…

L’ASV

Au chapitre de la « pérennisation du régime d’allocations supplémentaires de vieillesse », il est dit notamment que sera instaurée une cotisation proportionnelle aux revenus et non plus forfaitaire. Il est confirmé que l’Assurance Maladie continuera de prendre en charge les deux tiers des cotisations des médecins du secteur 1. Mais l’essentiel de la réforme de l’ASV – dont dépend sa survie – ressort de décrets à paraître, élaborés à partir des négociations qui se sont tenues au début de l’été entre le ministère de la Santé, les syndicats médicaux, la CARMF et l’Assurance Maladie. Ce décrets sont espérés prochainement, pour une application de la réforme de l’ASV dès l’année prochaine.

Le secteur optionnel

Signé fin 2009 par l’Assurance Maladie, la CSMF et le SML, puis enterré par Roselyne Bachelot, le protocole d’accord sur le futur secteur optionnel est inscrit dans la convention 2011. Mais sa mise en œuvre fera l’objet d’un avenant spécifique, qui en détaillera les modalités d’accès et de fonctionnement, après négociations avec les parties prenantes. Mais ces nogociations s’annoncent difficiles, voire impossibles, en l’absence d’un partenaire de toute première importance dans ce dossier, l’UNOCAM, qui regroupe les différents organismes de l’assurance complémentaires santé (mutuelle, assureurs privés, institutions de prévoyance). Or, l’UNOCAM a quitté les négociations conventionnelles le 23 juin dernier, pour protester contre la suppression par le Sénat de l’article 22 de la proposition de loi Fourcade, qui autorisait les mutuelles à pratiquer des remboursements différenciés selon que leurs adhérents se font soigner ou pas dans un réseau mutualiste. Sa réintroduction dans le texte de loi, assortie de restrictions à cette autorisation, n’a pas fait revenir l’UNOCAM à la table des négociations conventionnelles, qui n’est peut-être pas près d’y revenir : le fameux article fait partie de ceux que le Conseil Constitutionnel a censurés cet été, et depuis, les députés ont voté l’augmentation de la taxe sur les contrats responsables…

 

 

Entretien Claude Le Pen

« Un tournant à petits pas »

Pour l’économiste de la Santé, la nouvelle convention est une étape de plus vers la disparition du traditionnel modèle de la médecine libérale, inadapté aux évolutions médicale, professionnels et sociétales.

 

Que pensez-vous de la convention qui a été signée par les trois principaux syndicats médicaux ?

Claude Le Pen : Sa nouveauté réside dans l’introduction d’une pluralité de mode de rémunération et celle de plusieurs options proposées au médecin rendant possibles un certain nombre de choix individuels. Cela ajouté à la fin du seul paiement à l’acte en fait une convention assez historique, qui enterre quelque peu la médecine libérale dans son modèle traditionnel. Ce n’est pas une rupture radicale, c’est une étape supplémentaire dans l’érosion de ce modèle de médecine libérale que l’on observe depuis quelques années. Et le fait que pour la première fois la CSMF, le SML et MG-France aient apposé leur signature à ce texte signifie, au fond, que la plupart des médecins adhèrent, bon gré, mal gré, à cette idée que la médecine libérale n’est pas l’avenir. On n’est plus dans la traditionnelle scission entre la médecine libérale et l’hôpital. Ce texte introduit une scission entre la médecine libérale et la médecine ambulatoire : les soins de premier recours peuvent être pratiqués selon différents modes d’exercice : à l’acte, salarié, exercice en groupe, en pôle, etc. Et cette diversification correspond à des évolutions économiques, professionnelles, médicales, sociétales.

Pensez-vous que ces nouvelles règles du jeu sont de nature à apporter plus d’efficience à notre système de santé ?

C. LP. : Il faut toujours faire en sorte d’optimiser le système. Mais cette notion d’efficience ne va pas sans une certaine ambiguïté. Via l’optimisation des moyens, il ne s’agit pas de faire moins bien avec les moyens à disposition, mais mieux avec ces moyens. En clair, il ne s’agit pas d’écarter de certains soins telle ou telle catégorie de population – comme c’est le cas en Grande-Bretagne, par exemple – au prétexte de l’efficience. La recherche de l’efficience doit être bornée par une philosophie éthique. A cet égard, il ne faut pas perdre de vue qu’au-delà des objectifs qualitatifs, il y a derrière le paiement à la performance des visées qui diffèrent selon les acteurs : les médecins y voient le moyen d’améliorer leur revenu, et l’Assurance Maladie en attend quelques économies. D’ailleurs, un bon nombre des indicateurs retenus concernent la prescription en génériques, et l’on est toujours dans le deal classique : un peu d’argent contre un peu moins de prescription. De ce point de vue, le « P4P », c’est la maîtrise médicalisée new look ! Par ailleurs, on brandit toujours le mot « efficience », avec celui de « prévention » comme une baguette magique. Mais on sous-estime le fait que ces stratégies ont un coût matériel, organisationnel et humain, et supposent donc des moyens, qui manifestement ne sont pas au rendez-vous. Mais on y arrivera ! Ce qui est important avec cette nouvelle convention, c’est qu’on va au-delà de l’incantation. Mais il faut aller plus loin dans l’exercice regroupé, les délégations de tâches, etc.

Vous estimez donc que cette convention marque un tournant ?

C. LP. : Oui, on prend un tournant, mais lentement, dans une stratégie de petits pas comme Kissinger pour la paix au Vietnam ! Mais lorsqu’on additionne les petits pas effectués depuis vingt ans, on constate un grand changement. A cet égard, la signature de la convention 2011 par MG-France et la CSMF est emblématique : le premier a combattu le système des recommandations soutenu par la confédération, laquelle applaudit au dispositif du médecin traitant après avoir pourfendu celui du médecin référent…