Communauté hospitalière de territoire : la Normandie ouvre la voie

348 – CardioNews – Créée par la loi HPST, la communauté hospitalière de territoire (CHT) a pour objectif de favoriser les complémentarités entre les établissements publics de santé, en dépassant les cloisonnements et en développant une stratégie de groupe. Les différentes parties d’une CHT peuvent ainsi un projet médical commun, déléguer et transférer entre elles des compétences, des activités, et des cessions d’équipements lourds, de biens meubles ou immeubles nécessaires au projet médical. Ne disposant pas de la personnalité morale, la CHT peut organiser le transfert de moyens (y compris de personnels) et d’activités, mais elle ne peut pas les mutualiser.

A la fin de l’année, une convention constitutive de la première CHT de Basse-Normandie a été signée entre l’ARS et les centres hospitaliers de Saint-Lô, Coutances et Carentan, trois villes du département de la Manche. Par avenant à cette convention, les centres hospitaliers spécialisés (CHS) de Saint-Lô et de Picauville en sont « membres partenaires », et parmi les membres associés figureront essentiellement des établissements d’hébergement pour personnes âgées. « C’est donc l’ensemble des établissements publics de santé et médico-sociaux du Centre Manche qui sont concernés », soulignent les trois centres hospitaliers réunis dans la CHT, qui annoncent la rédaction prochaine du projet médical commun, dont les bases sont déjà jetées.




Les actes techniques des cardiologues libéraux en 2010

348 – CardioNews – En 2910, 94,6 millions d’actes techniques ont été réalisés en libéral, soit une augmentation en volume de 3,2 %, inférieure à leur taux d’évolution de 4,6 % en 2009. Cela représente une croissance de 1,9 % en honoraires remboursables (contre 4,3 % en 2009) y compris les forfaits techniques d’imagerie (1,1 % hors forfaits techniques). Ce frein dans la croissance des honoraires remboursables s’explique par la modification de la règle de facturation des associations d’actes de radiologie conventionnelle entre eux et de mammographie et échographie du sein (abattement de 50 % de l’acte le plus bas). Il s’explique aussi par la suppression des suppléments pour archivage des images numériques.

Quatre spécialités génèrent à elles seules 59 % des honoraires remboursables facturés en CCAM : la radiologie, la chirurgie, les cardiologues et l’anesthésie-réanimation. En 2010, les cardiologues du secteur privé ont effectué 8 291 actes techniques – soit une évolution de 2,1 % par rapport à 2009. Ces actes ont généré 526 732 milliers d’euros d’honoraires remboursables, soit une augmentation de 2,7 % par rapport à l’année précédente. Comme les années précédentes, la contribution la plus forte à la croissance des honoraires remboursables issus des actes techniques est le fait des ophtalmologues (0,5 point). Les cardiologues arrivent derrière les oncologues et radiothérapeutes (0,3 point), avec une contribution de 0,2 point à la croissance des honoraires, à égalité avec les omnipraticiens et les gynécologues.




« Sommes nous prêts à accepter les événements indésirables » : un débat toujours nécessaire

348 – D’Alembert et Diderot ont eu sur la variolisation un vif débat. Le premier se méfiait beaucoup de cette nouvelle technique. Invoquant l’ « affreux reproche » ([D’Alembert, Opuscules mathématiques, T.II, Réflexions sur l’inoculation (1761), cité dans C. Doron, « Le principe de précaution : de l’environnement à la santé », in Cahiers du Centre Georges Canguilhem, n°3, La santé face au principe de précaution, dir. Dominique Lecourt, PUF, Paris, 2009)] que le père aurait à se faire d’avoir provoqué la mort de son fils en l’inoculant, il soutenait qu’il valait peut-être mieux s’exonérer de la responsabilité de tuer des milliers d’hommes, quitte à ce qu’au total moins fussent sauvés. Face à ce qu’il considérait déjà comme des peurs irrationnelles, Diderot voyait au contraire dans la variolisation un moyen sûr et efficace de contribuer au bien public et rejetait avec force l’argument de D’Alembert, en intégrant l’inaction dans l’ordre de la responsabilité humaine. Ne pas intervenir, c’était pour lui déjà agir.

Mais dans un monde où l’homme se targue d’avoir triomphé de la nature, où il maîtrise de mieux en mieux les conditions de son existence, de sa naissance et de sa mort, les événements indésirables, qu’ils soient le fait de l’inaction ou d’une intervention malheureuse, paraissent de toute façon insupportables. Voire immoraux lorsque, pense-t-on, ils auraient pu être évités et que la responsabilité peut en être imputée à un agent moral : l’Etat, le patient, l’industrie pharmaceutique, etc. Que le malheur provienne d’un acte (crise de la vache folle) ou d’une inaction (crise de la canicule), l’homme est tout autant responsable. Diderot, en ce sens, l’a emporté sur D’Alembert.

Malgré ce point de consensus, c’est peu de dire que la gestion des événements indésirables continue aujourd’hui de faire débat. Ce n’est cependant plus la causalité de l’événement indésirable, mais le critère de la décision à l’origine de l’intervention ou de l’absence de l’intervention qui est devenu l’objet d’un affrontement continuel. La décision était-elle la plus raisonnable possible compte tenu des circonstances ? Pour répondre à cette question, deux rationalités sont tour à tour mobilisées dans les débats actuels : – une rationalité objective fondée sur la probabilité d’occurrence de l’événement indésirable. Elle suppose de rapporter les bénéfices d’une intervention ou d’une absence d’intervention aux risques qui lui sont associés pour évaluer la décision. Celle-ci est jugée pertinente lorsqu’elle maximise le nombre d’années de vie. C’est le raisonnement traditionnel de la santé publique. – Une rationalité subjective, que l’on pourrait aussi appeler rationalité de précaution ([Précaution est ici employée au sens large puisqu’à proprement parler, la précaution porte plutôt sur des risques seulement possibles, et non pas certains ou avérés. Il est ici question d’une rationalité qui anticiperait des risques aussi bien certains que possibles.)] . Elle repose, quant à elle, sur le degré de l’indésirabilité de l’événement indésirable. Peu importent les bénéfices de l’intervention, peu importent la probabilité et l’évitabilité des risques : seule compte la possibilité de l’événement, fût-elle infime.

Bien souvent, les défenseurs du calcul bénéfices/risques prétendent avoir le monopole de la raison, laissant à ceux qui invoquent le caractère inacceptable de l’événement indésirable le monopole de l’affect. Mais ces deux rationalités se mettent au service de fi ns qui n’ont rien de rationnel : vouloir vivre longtemps ne l’est pas davantage que vouloir éviter à tout prix un événement indésirable. Elles ne sont donc qu’instrumentales, elles ne visent qu’à agencer au mieux les moyens dont elles disposent pour atteindre ces fins préalablement données.

La limite morale de la liberté individuelle _ C’est pourquoi aucune des deux n’a toujours raison mais chacun s’adaptent plus ou moins aux situations rencontrées, selon les fins poursuivies. Le recours systématique à la première supposerait que nous puissions définir objectivement le bien-fondé d’une stratégie sanitaire dans une population en fonction du nombre d’années sauvées et ce, sans nous soucier aucunement des circonstances des morts ou des événements indésirables provoqués par l’intervention. On perçoit bien l’argument censément raisonnable qui en est l’origine : l’application du calcul bénéfices/risque est favorable à tous, et donc à chacun. Mais si l’on poussait le raisonnement jusqu’à l’absurde, et même jusqu’à l’horreur, prendre la vie d’une personne choisie au hasard pour donner deux de ses organes vitaux à deux autres qui en ont impérativement besoin nous apparaîtrait comme une intervention hautement morale puisque nous obtiendrions alors, en soustrayant le nombre de victimes ([D’Alembert, Opuscules mathématiques, T.II, Réflexions sur l’inoculation (1761), cité dans C. Doron, « Le principe de précaution : de l’environnement à la santé », in Cahiers du Centre Georges Canguilhem, n°3, La santé face au principe de précaution, dir. Dominique Lecourt, PUF, Paris, 2009)] au nombre de vies sauvées ([Précaution est ici employée au sens large puisqu’à proprement parler, la précaution porte plutôt sur des risques seulement possibles, et non pas certains ou avérés. Il est ici question d’une rationalité qui anticiperait des risques aussi bien certains que possibles.)], un solde positif ([D’Alembert, Opuscules mathématiques, T.II, Réflexions sur l’inoculation (1761), cité dans C. Doron, « Le principe de précaution : de l’environnement à la santé », in Cahiers du Centre Georges Canguilhem, n°3, La santé face au principe de précaution, dir. Dominique Lecourt, PUF, Paris, 2009)]. La limite morale du calcul bénéfices/ risques se situe précisément là où commence la liberté individuelle : nous ne pouvons pas exiger d’un individu qu’il accepte de sacrifier sa vie pour que d’autres vivent à sa place. Chacun doit être en mesure de refuser ou de contester la mise en oeuvre d’une stratégie sanitaire si ses effets possibles lui paraissent insupportables, aussi peu probables soient-ils.

Il est tout aussi insensé d’adopter en toutes circonstances une rationalité subjective, et de faire reposer nos décisions sur le seul sentiment de l’inacceptable. La rationalité subjective confi ne au déni lorsqu’elle ignore qu’on ne peut vivre, même respirer, sans prendre des risques qui engagent notre vie même. Quand nous traversons la rue, quand nous mangeons, nous choisissons plus ou moins inconsciemment de prendre le risque minime de mourir sur la base d’un calcul bénéfices/risques : le bénéfice de la vie suppose la prise de risques. Du reste, il est des cas de traitement où le fonctionnement même de la société ne peut se passer du consentement de chacun à un risque collectif. La plupart des vaccins en font partie. Le recours systématique à une rationalité subjective nous laisserait presque penser que nous sommes seuls au monde.

Ni la rationalité objective ni la rationalité subjective ne peuvent donc prétendre incarner un modèle de décision universel en matière de santé publique. Il faut se résoudre à ce que, selon les cas, l’une ou l’autre soit plus raisonnable. De toute évidence, le risque présenté par un médicament de donner des maux de tête passagers ne peut suffire à justifier son retrait du marché si bien que dans ce cas, le calcul bénéfices/risques joue à plein. Mais sitôt que l’événement indésirable envisagé dépasse un certain seuil d’acceptabilité, sitôt qu’il devient un risque létal aisément évitable, par exemple, la rationalité subjective règne en maîtresse.

Quant à déterminer un seuil d’acceptabilité qui soit rationnel, c’est là un projet bien déraisonnable, tant ce seuil dépend de la manière toujours particulière et fluctuante dont les individus appréhendent les risques qu’ils encourent et de la nature des événements indésirables considérés. L’acceptabilité du risque constitue donc pour les individus et les sociétés un point d’interrogation permanent.

A l’incertitude sur la dangerosité de l’événement indésirable, que l’on met parfois trop tard au jour, s’ajoute ainsi l’incertitude sur son acceptabilité future : pourrons-nous le tolérer ? C’est cette double incertitude qui fait naître et renaître les crises dans ce théâtre de l’affect qu’est le champ de la santé publique. Mais c’est surtout à combler la première, et peut-être d’autant plus qu’elle ne peut pas combler la seconde, que s’attèle la loi récente sur le médicament, en rendant plus transparent le processus de mise sur le marché des médicaments, par la lutte contre les conflits d’intérêt notamment.

Une part des crises sanitaires que nous vivons s’explique pourtant aussi par cette incertitude radicale, inéliminable, qui réside précisément dans l’acceptabilité des événements indésirables et qui appelle des capacités d’anticipation et de concertation. Nous ne devons pas seulement nous interroger sur les conséquences de l’événement indésirable mais sur nous-mêmes et notre aptitude à le supporter. A fuir ce questionnement pour se réfugier dans la recherche de la vérité, à ne pas l’assumer ni l’institutionnaliser comme l’objet d’un choix démocratique et serein, nous nous réservons sans doute de belles crises à venir.




Une hydrie cinéraire macédonienne

348 – Christian Ziccarelli – Un chef d’oeuvre hellénistique _ Cette hydrie cinéraire, du dernier quart du IVe siècle avant Jésus Christ, à vernis noir et décor polychrome avec couvercle en plomb, représente un combat avec les amazones. La nuance des tons, le sens du volume, un équilibre savant de lignes entrecroisées obliques et le rendu du mouvement font de ce vase un chef d’oeuvre de la peinture hellénistique. Elle provient d’une tombe d’Amphipolis, creusée à même le sol, un remarquable exemple montrant l’importance de la polychromie en Macédoine. Depuis une vingtaine d’années, cette région fait l’objet de découvertes surprenantes sur le plan artistique. Elles ont bousculé notre approche historique de ces royaumes du nord de la Grèce. Des fresques multicolores décorent les murs des sépultures royales, où l’on a découvert multiples accessoires en or rivalisant de beauté (couronnes, bijoux, masques, etc.).

Un peu d’histoire… _ Nous sommes à la fi n du Ve siècle, les Téménides, descendants du roi d’Argos Téménos, conquièrent au fil des années la Macédoine. Pour le Grec du Sud, cette région, au-delà de l’Olympe, ne peut être qu’une contrée peuplée de barbares. Grande erreur, au cours du siècle suivant, sa suprématie devient considérable, notamment grâce à Philippe le Grand. En otage à Thèbes, il apprend l’art militaire et la rhétorique. Démosthène, avec une clairvoyance acérée, annonce dans « Les philippiques » l’ambition de Philippe, montrant en lui le liquidateur du monde des cités, le futur maître de la Grèce. Son fi ls, Alexandre instruit par Aristote « a créé pour ses successeurs une nouvelle façon de rassembler les hommes et de gouverner les communautés : c’est l’état moderne avec son prince » (4). Vainqueur de l’armée perse commandée par Darius en personne, Alexandre gagne l’Égypte en 332, franchit l’Indus et meurt en pleine jeunesse, à Babylone, d’un accès de fièvre. Ses généraux le firent embaumer, se disputèrent son corps, finalement dérobé par Ptolémée. Un sarcophage en marbre, connu comme la « tombe d’Alexandre » se trouve au musée archéologique d’Istanbul. Mais à ce jour le lieu de sa sépulture reste une grande énigme de l’histoire.

Le mythe des Amazones _ Les Amazones étaient les filles d’Arès par la Naïade Harmonie. Pour d’autres récits, Aphrodite où encore la fille d’Arès, Otréré, serait leur mère. Elles vivaient au bord du fleuve Amazone, portant aujourd’hui le nom du fils de Lysippe, Tanaïs. En déclarant son amour de la guerre et son mépris du mariage Lysippe offensa Aphrodite, celle-ci, pour se venger, fi t que Tanaïs tombât amoureux de sa mère. Pour éviter une passion incestueuse, il se jeta dans le fleuve qui porte son nom et se noya. Lysippe quitta le pays et conduisit ses filles non loin des côtes de la mer noire, dans une plaine proche du fleuve Thermodon. Elles fondèrent trois cités, gouvernées par Hippolyte, Antiope et Mélanippe. Les Amazones ne reconnaissaient de filiation que par la mère, les hommes étaient astreints aux tâches domestiques tandis que les femmes combattaient. On brisait les bras et les jambes des enfants mâles afin de les rendre inaptes à la guerre. Elles ne respectaient ni la justice, ni la pudeur, elles étaient célèbres pour leur nature guerrière. Armées d’arcs de bronze, de boucliers en forme de demi-lune, de haches, elles furent les premières à utiliser la cavalerie. En fait, elles symbolisent les femmes tueuses d’hommes, voulant se substituer et rivaliser avec eux en les combattant. A l’extrême elles expriment le refus de la féminité.

Plusieurs héros grecs eurent à affronter leurs reines _ Bellérophon combattît les belliqueux Solymes et leurs alliées, les Amazones, il vainquit les uns et les autres en volant au-dessus d’eux, hors de la portée de leurs flèches ou en leur lançant sur la tête de grosses pierres. Le neuvième des travaux d’Héraclès fut d’apporter à la fille d’Eurysthée, Admété, la ceinture d’Or d’Arès, que portait Hippolyte. Thésée prit part à une expédition victorieuse contre les Amazones et reçut comme part du butin Antiope. Sa soeur, Orithe jura de se venger de Thésée. Elle s’allia aux Scythes et marcha sur Athènes. Après 4 mois de durs combats les Amazones firent des propositions de paix, chassées d’Attique, elles se fi xèrent en Scythie. Après leur défaite, après avoir traversé la Thrace, les Amazones fondèrent le sanctuaire d’Artémis (déesse de la chasse, aussi associée à la lune) à Ephèse. Selon un autre récit elles s’y réfugièrent une première fois en fuyant Dionysos et une seconde fois après qu’Héraclès eut défait la reine Hippolyte. Achille, lors de la guerre de Troie, transperça d’un coup de lance le corps de Penthésilée, une reine des Amazones, tomba amoureux de son cadavre, saisi de nécrophilie, il s’unit à elle morte. Thalestris, la reine des Amazones d’Albanie, était d’une beauté et en même temps d’une force de corps surprenante, son ambition était d’avoir un enfant d’Alexandre le Grand. Le roi aisément gagné par cette proposition donna treize jours à Thalestris, après lesquels il la renvoya chargée de magnifiques présents.

Quand le mythe approche la réalité historique _ La légende des Amazones, se retrouve dans toute la littérature antique, depuis Homère, jusqu’à la fi n de l’Empire Romain, soit près de 13 siècles. « Amazones » pourrait venir de a-mazon, « sans seins » parce qu’on croyait qu’elles se desséchaient un sein, afin de mieux tirer à l’arc. En fait, il s’agit plutôt d’un mot arménien, signifiant « femme de la lune ». Sur les rives orientales de la mer Noire, les prêtresses d’un culte voué à la déesse-Lune, portaient des armes. Il y aurait eu aussi, des prêtresses armées à Ephèse et dans toutes les cités où existaient des tombes d’Amazones. Le Bosphore Cimmérien – la Crimée – aurait été le siège du culte barbare d’Artémis pratiqués par les Tauriens où la prêtresse tuait des victimes mâles. Une première approche historique revient à Jeannine Davis-Kimball, lorsqu’en fouillant en 1994 des Kurgans ou tumulus, à la frontière entre la Russie et le Kazakhstan, elle a découvert des tombes de femmes guerrières, enterrées avec leurs armes entre 600 et 200 avant J.-C.. Or c’est précisément dans cette région barbare, au Nord du Pont Euxin et du lac Méotide (l’actuelle mer d’Azov) que les Grecs situaient le territoire de ces femmes guerrières. L’énigme reste entière. ■

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Philippe Lamoureux : « Une stigmatisation de l’industrie sans précédent »

348 – Le Cardiologue : Quelle réflexion générale vous inspire la loi sur le renforcement de la sécurité sanitaire adoptée par le Parlement en fin d’année ?

Philippe Lamoureux : Le Leem a toujours soutenu tous les aspects de la loi qui concernent la sécurité des patients et le renforcement de la transparence. Nous avons donc partagé les objectifs de ce texte, en regrettant néanmoins que les débats aient été l’occasion d’une stigmatisation sans précédent de l’industrie pharmaceutique.

Le Cardiologue : D’une façon générale, la loi accroît les contraintes vis-à-vis de l’industrie pharmaceutique. Les conséquences de ces exigences accrues vont-elles entraîner pour les industriels de la santé ?

Ph. L. : Nous souhaitions une réforme euro-compatible, lisible et prévisible. Le renforcement de la transparence représente un énorme travail à effectuer dans des délais exigeants, même si beaucoup d’industriels travaillant aux Etats-Unis sont déjà largement familiarisés avec ce dispositif à travers le Sunshine Act. Certes, les règles d’évaluation évoluent et le cadre juridique change, mais dans la pratique, une partie de ces nouvelles règles est déjà une réalité pour beaucoup d’industriels.

Le Cardiologue : L’instauration par la loi d’un Sunshine Act à la française va-t-elle poser des problèmes aux industriels du médicament pour réunir des experts ?

Ph. L. : Je ne le pense pas. Le texte fait un distinguo très clair entre le conflit d’intérêts et le lien d’intérêt. Un débat a eu lieu pour savoir si devaient être écartés de l’expertise tous les experts liés à l’industrie d’une façon ou d’une autre, et la réponse apportée est plutôt négative. Fort heureusement, on a reconnu que dans certains domaines très complexes, il serait compliqué d’évaluer des produits de haute technicité sans faire appel à des experts très « pointus », qui ont forcément un lien avec l’industrie, puisqu’ils participent à leur développement. Ces liens ne sont pas prohibés. En revanche, il est essentiel qu’ils soient déclarés et connus.

Le Cardiologue : Avez-vous des regrets concernant ce texte de loi ?

Ph. L. : Nous avons deux regrets et un point qui cristallise toute notre vigilance. Nous déplorons, autour de ce texte, une stigmatisation du secteur qui a atteint un degré jamais vu, et qui nous préoccupe. De même, dans la continuité de la loi, nous regrettons un niveau de taxation de l’industrie pharmaceutique jamais atteint lui aussi. Enfin, nous restons très vigilants à ce que le déploiement du texte permette à la France de maintenir une position forte en Europe. Il faut que les patients puissent continuer d’accéder aux produits innovants. Pour cela, la formule « Le doute doit profiter aux patients » ne doit pas s’ériger comme une barrière à ces innovations, mais signifier qu’elles doivent être mises à leur disposition le plus rapidement possible, et dans les meilleures conditions possibles de qualité et de sécurité.




Loi relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé : conséquences sur les prescriptions hors AMM des cardiologues

La prescription hors AMM y figure _ Des mesures à cet égard existaient déjà depuis 1996 dans le Code de la Santé Publique. Elles sont néanmoins renforcées, et surtout, le discours général laisse entendre qu’elles seront appliquées de façon plus stricte, ce qui risque de compliquer notre pratique. On a l’impression en effet que l’on met sur le même plan certaines prescriptions hors AMM, non validées et hasardeuses, qu’il convient effectivement de dissuader, et celles, comme en cardiologie, qui s’appuient sur des arguments scientifiques solides, et notamment des recommandations.

Le nombre des prescriptions hors AMM n’est pas négligeable. Le rapport de synthèse des Assises du Médicament, daté du 23 juin 2011, l’estime à 15 à 20 % de l’ensemble des prescriptions, voire davantage dans des domaines comme la pédiatrie, la gastro-entérologie, la cardiologie, la cancérologie.

La prescription hors AMM n’est pas illégale (cf Le Cardiologue n° 343). Dans certains cas, il serait d’ailleurs fautif de ne pas y faire appel. Néanmoins, le prescripteur engage plus fortement encore sa responsabilité médico-légale, et il doit s’entourer d’un certain nombre de précautions : – Absence d’autre molécule disposant d’une AMM et permettant une prise en charge aussi pertinente. – Prescription s’appuyant sur des données scientifiques validées (recommandations, études avec haut niveau de preuves, etc.), afin de justifier la validité de la prescription et l’absence de risque disproportionné pour le malade, ce raisonnement devant être noté dans le dossier. – Intérêt du patient avec rapport bénéfice/risque favorable. – Vis-à-vis du patient, il y a deux conséquences qui pourront entraîner des difficultés certaines au quotidien.

1. Il doit être informé de l’absence d’AMM. Malgré les explications, qu’il faut lui donner loyalement et de façon compréhensible, cela risque d’induire chez lui un doute préjudiciable à l’adhésion au traitement, ceci d’autant plus que, dans la presse grand public ces derniers mois, le hors AMM a été critiqué sans nuances et présenté le plus souvent comme une mauvaise pratique.

Cette obligation d’information, qui a été renforcée par la loi du 4 mars 2002 sur les droits des malades, se montre par ailleurs particulièrement chronophage. En cas de conflit médico-légal, le médecin est tenu d’apporter la preuve qu’il a délivré cette information.

2. Un médicament prescrit hors AMM n’est pas remboursable, et l’ordonnance doit comporter la mention «NR» (Article L 162-4 du code de la Sécurité Sociale).

En cas de non-respect de cette disposition, le médecin peut s’exposer à des sanctions ordinales et être condamné à rembourser à la caisse le coût de sa prescription. Il s’agit, dans la récente classification de l’Assurance Maladie (circulaire du 2 janvier 2012), d’une « activité fautive ».

Le projet de loi prévoit que désormais, la mention « hors AMM » soit spécifiquement notée sur l’ordonnance.

Là aussi, l’absence de remboursement risque de provoquer une baisse de l’adhésion au traitement, mais également un conflit avec le prescripteur.

Utilisation hors AMM du clopidogrel Indication hors AMM : la prévention des thromboses de stent hors SCA.

Cette indication ne figure pas au libellé rappelé dans le Vidal. Elle est pourtant solidement documentée.

Elle a fait d’ailleurs l’objet en 2007 d’un AcBus (Accord de bon usage des soins) paru au J.O. du 19 décembre 2007), qui, en quelque sorte, l’officialise.

La mauvaise observation de cette indication hors AMM peut avoir des conséquences vitales, et les rapports des sociétés d’assurance en responsabilité civile professionnelle nous informent que la gestion des antiagrégants plaquettaires est maintenant un motif de plainte fréquent à l’encontre des cardiologues

Posologie non conforme à l’AMM.

Certains centres, s’appuyant sur la littérature, doublent la dose conseillée par l’AMM, soit pendant les premiers jours qui suivent l’implantation de stent, soit en fonction du poids du patient.

L’application stricte de la loi supprimera le remboursement du clopidogrel prescrit dans ces conditions. Est-ce vraiment ce qu’a souhaité le législateur ?

HBPM dans la fibrillation auriculaire _ Les héparines de bas poids moléculaires sont utilisées couramment en relais des antivitaminiques K dans la prévention des complications des fi brillations auriculaires à haut risque thromboembolique. Cette indication est confirmée dans les recommandations ESC de 2006 et de 2010. Elle est hors AMM. Il en est de même de l’héparinate de calcium en sous-cutanée.

La seule héparine ayant l’AMM dans cette situation est la vieille héparine sodique intra-veineuse qui a l’AMM pour la « prévention des accidents thromboemboliques artériels en cas de cardiopathie emboligène ». Comme chacun le sait, elle doit être administrée à la seringue autopulsée, ce qui nécessite une hospitalisation, là où les HPBM permettent un traitement ambulatoire. Là aussi, est-ce vraiment l’intention du législateur ?

Aspirine dans l’artérite oblitérante des membres inférieurs _ L’acBus de 2007 évoqué précédemment préconise, dans l’artériopathie des membres inférieurs symptomatique, l’aspirine, de préférence, ou le clopidogrel. _ Or l’aspirine, moins coûteuse, n’a pas l’AMM dans cette indication, quelle que soit sa forme de commercialisation.

Inhibiteurs de la pompe à protons associés à titre préventif aux antiagrégants plaquettaires. _ C’est une prescription hospitalière fréquente, chez les patients bénéfi ciant d’un double traitement antiagrégant plaquettaire. _ Là aussi, il s’agit souvent d’une prescription hors AMM .

Statines Toutes les statines n’ont pas l’AMM en prévention secondaire. _ En prévention primaire, l’indication d’emblée d’une statine, sans mesures diététiques préalables, serait hors AMM mais là, ce serait sanctionner une pratique non conforme.

Bétabloqueurs _ Une même molécule peut être disponible avec des noms commerciaux différents pouvant avoir des AMM différentes. Exemple : le Bisoprolol. _ Le plus simple est de prescrire en DCI.

Discussion _ Le renforcement de la réglementation va obliger les médecins à réfléchir davantage encore sur leurs indications thérapeutiques, ce qui en soi ne peut être que bénéfique.

Cependant, la réflexion doit être abordée sous deux angles différents : _ Sur le plan purement médical, les prescriptions hors AMM des cardiologues ne devraient pas poser de problème, car elles reposent sur des arguments scientifi ques solides, et notamment sur des recommandations.

Par contre, sur le plan juridique, l’application plus rigoureuse qu’auparavant de la réglementation pourra parfois mettre le prescripteur en position difficile et notamment les indications de clopidogrel et d’HBPM évoquées précédemment.

Il y aura deux attitudes possibles : – Soit respecter strictement la loi, ce que recommandent tous les juristes, et le malade ne sera pas remboursé. Le paradoxe est qu’il sera la première victime de textes censés le protéger. – Soit être plus nuancé et, il faut le dire, ne pas appliquer la loi quand elle paraît difficilement applicable. C’est ce qui a prévalu depuis 1996. Jusqu’à présent, aucun cardiologue n’a été inquiété pour ne pas avoir indiqué le caractère hors AMM de prescriptions bien ciblées. On ne peut plus toutefois, dans le contexte actuel, ignorer désormais le double risque d’un tel comportement : _ 1. Une demande de remboursement des caisses et une sanction ordinale, prévues par les textes. De telles décisions, pour des prescriptions bien argumentées, concernant des maladies graves, entraîneraient un énorme tollé dans la profession et la population, et elles seraient certainement difficiles à prendre par les différents responsables. _ 2. En cas de complication iatrogène, le patient pourrait se retourner contre le prescripteur en lui demandant d’apporter la preuve qu’il l’a bien informé qu’il s’agissait d’une indication hors AMM. _ Certes, les cardiologues ont rarement l’occasion de faire des ordonnances, car nous exerçons comme consultants, et ce sont nos correspondants qui les rédigent, mais sur nos conseils, et nous avons vis-à-vis d’eux un devoir d’information afin de ne pas les mettre dans des situations difficiles auxquelles nous serions de toutes façons associés.

La cardiologie n’est pas la seule spécialité dans laquelle l’encadrement plus strict de la prescription hors AMM va poser problème. _ Il est souhaitable que les différentes parties concernées se concertent. _ L’exercice de la médecine doit évidemment être encadré, mais il faut prendre garde à ce que l’application de la loi ne crée pas plus de problèmes qu’elle n’en règle. ■




Une loi qui porte bien son nom…

348 – Permettez-moi tout d’abord de vous souhaiter, ainsi qu’à vos proches, une excellente année 2012.

Plusieurs articles de la loi relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé doivent attirer notre attention.

Un nom devenu difficile à porter, l’AFSSAPS devient l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé (ANSM) et est placée sous la tutelle du ministre.

L’évaluation des bénéfices et des risques des produits de santé est renforcée avec une surveillance accrue : essais contre comparateurs actifs et non plus contre seuls placebos, réévaluations régulières des bénéfices et des risques après délivrance de l’AMM. Elle peut, lorsqu’un médicament retiré du marché est susceptible de provoquer un effet indésirable grave, exiger des études de sécurité et un suivi spécifique au travers d’un registre.

Un encadrement législatif strict des prescriptions hors AMM, elles doivent être conformes aux données acquises de la science et mentionnées sur l’ordonnance. Le praticien informe le patient sur le fait que c’est une prescription hors AMM, sur les risques potentiels et les modalités de prise en charge par l’Assurance Maladie. Il n’est pas obligatoire de prescrire en DCI.

Le renforcement de la pharmacovigilance, les patients et les associations de patients ont désormais la possibilité de déclarer les effets indésirables des médicaments. Pour les médecins c’est une obligation légale. Les lanceurs d’alerte seront protégés et aucune discrimination ne pourra être faite à leur encontre.

Une publicité sous contrôle, toute publicité sur un médicament devra faire l’objet d’un « visa de publicité » délivré par l’ANSM, assortie de sanctions financières pour l’entreprise ne respectant pas la procédure. La presse médicale a été épargnée, c’était une question de survie. Une expérimentation pendant deux ans étudiera si la visite médicale collective en milieu hospitalier est réalisable.

Il faudra tenir régulièrement à jour vos déclarations de lien d’intérêt (directs ou par personnes interposées, personnels comme ceux des conjoints, ascendants ou descendants) en remontant sur les cinq dernières années, sous peine de lourdes pénalités financières. Elles concernent non seulement les experts intervenant dans une dizaine d’agences et organismes sanitaires, tous les personnels de ces agences, mais également tous les professionnels de santé. Le contrôle interne sera effectué par une commission éthique créée spécialement, au sein de chaque structure. Pour les agences, sont prévus l’enregistrement des débats et l’établissement de procès-verbaux comprenant les détails et explications de votes, y compris les opinions minoritaires. Ils sont rendus publics sur les sites internet des ministères et des autorités concernées. Une charte de l’expertise sanitaire prévoit les modalités de choix des experts, les processus d’expertises et les modalités de gestion d’éventuels conflits d’intérêts.

Le « sunshine act » à la française devient une réalité et sera sévèrement puni en cas de manquement. Les entreprises produisant ou commercialisant des produits de santé sont tenues de rendre publique l’existence des conventions (avantages en nature, espèces) qu’elles concluent avec les professionnels de santé, les étudiants se destinant aux professions de santé (hospitalité offerte lors des réunions scientifiques), les associations d’usagers du système de santé, les entreprises éditrices de presse, les éditeurs de services de radio ou de télévision et les éditeurs de services de communication au public en ligne, les personnes morales assurant la formation initiale des professionnels de santé mentionnés ou participant à cette formation. Le seuil de déclenchement de cette procédure sera fixé par décret (dès le premier centime, ce n’est pas exclu ?). L’avis du CDO ou du CNO reste une obligation.

Omettre sciemment d’établir ou de modifier une déclaration d’intérêts afin d’actualiser les données qui y figurent ou de fournir une information mensongère qui porte atteinte à la sincérité de la déclaration est puni de 30 000 € d’amende, chiffre qui atteint 45 000 € s’il concerne une entreprise, assorti pour les personnes physiques d’une diffusion publique et d’une interdiction de droits civiques.




Le DPC sur les rails

348 – On n’osait plus y croire, mais les ultimes jours de l’année 2011 ont enfin vu la parution au Journal Officiel de six décrets relatifs au  dispositif de Développement Professionnel Continu et à l’organisme gestionnaire du DPC. En outre, une nouvelle salve de cinq décrets est parue les tout premiers jours de janvier qui vont permettre la mise en place des Commissions Scientifiques Indépendantes (CSI). Ainsi, le dispositif se dessine plus clairement aujourd’hui. Il ne manque plus que les arrêtés de nominations des membres des CSI et de constitution de l’OG-DPC pour qu’il puisse être pleinement opérationnel au 1er janvier 2013.  

L’architecture du dispositif

Qu’ils soient libéraux, salariés ou hospitaliers, tous les médecins devront donc désormais satisfaire à l’obligation du DPC. «  Le DPC comporte l’analyse par les médecins de leurs pratiques professionnelles ainsi que l’acquisition ou l’approfondissement de connaissances ou de compétences », disent les textes. Pour satisfaire à cette obligation, les médecins devront participer au cours de chaque année civile « à un programme de développement professionnel continu collectif annuel ou pluriannuel ». Ce programme devra être conforme « à une orientation nationale ou à une orientation régionale de DPC », comporter « une des méthodes et des modalités validées par la Haute Autorité de Santé après avis de la commission scientifique indépendante des médecins ». Ces méthodes et modalités « précisent les conditions qui permettent d’apprécier la participation effective, en tant que participant ou en tant que formateur, à un programme de DPC. La liste des méthodes et modalités est élaborée avec le concours d’un organisme composé des Conseils Nationaux Professionnels (CNP), et est fixée par la HAS après avis de la CSI (voir entretien avec Jean-François Thébaut). Le programme doit également être mis en œuvre par un organisme de DPC enregistré auprès de l’organisme de gestion du DPC (OG-DPC). A noter que l’obtention au cours de l’année civile d’un DU évalué favorablement par le CSI en tant que programme de DPC peut permettre à un médecin de remplir son obligation.
Les orientations nationales du DPC sont annuelles ou pluriannuelles. C’est le Ministre de la Santé qui en arrête la liste chaque année, après avis de la CSI des médecins. Au sein du conseil de surveillance de l’OG-DPC, le groupe des professionnels de santé peut soumettre des propositions d’orientations à la CSI. Les ARS peuvent également compléter ces orientations nationales par des orientations régionales élaborées en fonction de leur projet régional de santé, et soumises à l’avis de la CSI.
Pour effectuer son programme, le médecin peut choisir en toute liberté l’organisme de DPC de son choix parmi. Mais attention ! L’enregistrement de cet organisme auprès de l’OG PDC ne suffit pas, et le médecin devra être attentif à savoir, lors de son inscription, s’il a obtenu une évaluation favorable du CSI, car dans le cas contraire, « l’obligation de DPC est réputée non satisfaite ».

Le contrôle

L’Organisme de DPC délivre au médecin une attestation justifiant de sa participation à un programme de DPC au cours de l’année civile, et la transmet dans le même temps au conseil départemental de l’Ordre dont il relève. Ledit conseil départemental doit vérifier au moins une fois tous les cinq ans, et sur la base des attestations de participation transmises par les organismes de DPC, que le praticien s’est acquitté de son obligation annuelle de DPC. Si tel n’est pas le cas, le conseil départemental lui en demande les raisons. Au vu de ses réponses, l’Ordre « apprécie la nécessité de mettre en place un plan annuel personnalisé de DPC et notifie à l’intéressé qu’il devra suivre ce plan ». La non-réalisation de ce plan peut constituer un cas d’insuffisance professionnelle pour lequel le médecin peut être sanctionné par une mesure disciplinaire relevant du Conseil Régional de l’Ordre.

Le financement 

Ce n’est pas, comme l’on peut s’en douter, la partie la plus claire du nouveau dispositif, et les décrets parus disent bien qui délivre les fonds et sous quelle forme, mais pas d’où viennent les fonds ni, bien sûr, à combien ils se monteront. Tout au plus sait-on que l’OG-DPC sera financé par des fonds conventionnels dont le montant sera déterminé par les partenaires conventionnels ou à défaut le directeur général de l’UNCAM, (dotation conventionnelle pour les médecins libéraux = 80 millions d’euros en 2011 et 2012, ndlr) et par  une partie de la nouvelle contribution de l’industrie pharmaceutique créée par la loi de renforcement de la sécurité sanitaire (le chiffre de 150 millions d’euros a souvent été évoqué). Tous les espoirs comme toutes les craintes sont permis…
C’est l’OG-DPC qui finance le DPC des médecins libéraux « dans la limite d’un forfait ». « Sont pris en charge dans la limite de ce forfait les frais facturés aux professionnels de santé par les organismes de DPC, les pertes de ressources des professionnels libéraux ainsi que les frais divers induits par leur participation à ces programmes ».

Le tout-puissant OG-DPC

Il fait à lui seul l’objet d’un volumineux décret ! C’est qu’il détient à peu près tous les pouvoirs au centre du dispositif de DPC. Il est composé d’un conseil de gestion, d’un conseil paritaire et d’un conseil de surveillance, composés à égalité de représentants de l’Etat et de l’Assurance maladie d’un côté, et de représentants des professionnels de l’autre. Le conseil de gestion a un rôle administratif et publiera sur un site dédié la liste des programmes de DPC, celles des opérateurs de DPC enregistrés et les résultats de leur évaluation par le CSI.
Pour les professionnels libéraux, le comité paritaire est organisé en section (une par profession). Chacune détermine pour les professionnels concernés les montants des forfaits de DPC en fonction du coût des programmes. Quant au conseil de surveillance, c’est lui qui dresse chaque année le bilan de la mise en œuvre du DPC et qui contrôle l’utilisation des fonds du DPC par les professionnels de santé.

Les commissions scientifiques indépendantes

Pour chaque profession, c’est au CSI qu’il revient d’évaluer les organismes de DPC au moment de leur enregistrement par l’OG-DPC, ainsi que d’émettre des avis sur les orientations nationales et régionales du développement professionnel continu. Les CSI établiront également la liste des DU qui seront considérés comme équivalents à un programme de DPC, et ils édicteront les conditions dans lesquelles les associations peuvent soumettre un nouveau dossier. A la demande de l’OG-DPC, un CSI pourra effectuer une expertise.
Les membres des CSI sont nommés pour trois ans. Le CSI des médecins sera composé de 28 membres, dont 22 représentants des CNP, dont 5 pour la médecine générale. Nouvelles règles de transparence obligent, les membres des CSI devront remplir une déclaration d’intérêts et seront soumis au devoir de confidentialité. Ils ne pourront siéger également à l’OG-DPC et ne pourront être administrateurs ni salariés d’un organisme de DPC.

 

Les cardiologues ont pris de l’avance

Les cardiologues peuvent être fiers ! Le troisième Livre blanc de la cardiologie paru en 2008 déclinait dix propositions pour l’avenir de la cardiologie libérale, dont la première était : « Créer un conseil national de professionnel de cardiologie » ! Dès l’année précédente, un Conseil national professionnel avait vu le jour dont l’objectif initial était de « coordonner l’action des diverses composantes de la profession sur la double thématique de la FMC et de l’EPP ». 

Aujourd’hui encore, à la veille de l’avènement du DPC, la profession est sur la ligne de départ. « Nous avons pris un peu d’avance, commente Christian Zicharelli, le président du SNSMCV. Dès 2010, l’UFCV a mis en place des programmes de DPC  accepté par l’organisme de gestion de la FPC, et qui associent le perfectionnement des connaissances et l’évaluation des pratiques avec un système d’indicateurs étudiés avant et après la formation. »

Pour Jean-Marc Davy, rsponsable de la commission FMC/EPP de la SFC et secrétaire général du Conseil National Professionnel de Cardiologie, « il est important que le CNPC saisisse l’occasion du démarrage du DPC pour montrer comment la cardiologie entre de façon unitaire dans le dispositif en établissant des procédures indépendantes et en suivant les orientations nationales ». Il souligne que la cardiologie avait trois structures agréées par le CNFMC pour la FMC et deux agréées par la HAS pour l’EPP, auxquelles s’ajoute l’agrément de Cardiorisq porté par le CNPC pour l’accréditation des médecins. « Dans ce contexte, il existe sûrement une dynamique pour un DPC porté par la profession tout entière, déclare Jean-Marc Davy. Pour autant, de nombreux cardiologues suivent des formations d’excellentes qualité, mais qui ne rentrent pas tout à fait dans le cadre du DPC, et je crois qu’il faudra que se poursuive cet aspect vivant de la formation. La cardiologie est une discipline responsable et qui se forme en permanence. »

 

Entretien Bernard Ortolan

« Toutes les craintes ne sont pas encore dissipées »

Si Bernard Ortolan, ex-président du CNFMC des médecins libéraux, se félicite de la parution des décrets du le DPC, il souligne néanmoins que d’autres textes sont encore à venir pour que le dispositif soit opérationnel.

L’expert en FMC que vous êtes doit se réjouir de voir le DPC enfin sortir des limbes ?

Bernard Ortolan : « Enfin » est le mot, car depuis l’obligation de formation instaurée par les ordonnances Juppé en 1996, nous avons vécu quinze ans de faux départs. Enfin, le dispositif du DPC va pouvoir s’appliquer. Néanmoins toutes les craintes ne sont pas encore dissipées, car des textes manquent encore pour qu’il soit tout à fait opérationnel. Il manque en particulier la convention constitutive du GIP entre l’Etat et l’UNCAM  permettant la création et le fonctionnement de l’OG-DPC, et fixant la représentation des différentes composantes : organisme de gestion, conseil des commissions paritaires par branche et par profession de santé, et comité de surveillance. Les règles de composition sont encore assez floues. Sans convention constitutive, le dispositif de DPC ne peut pas fonctionner. Or, le texte est attendu pour la fin avril, ce qui est à la fois un peu trop loin, mais aussi un peu trop proche de certaines élections présidentielles ! La crainte d’un dispositif inachevé risquant d’être inappliqué n’est pas tout à fait écartée, nous en avons vu d’autres durant quinze ans, et « chat échaudé »…

Soyons optimistes, et parions sur la sortie de tous les textes. Reste le problème du financement ?

B. O. : Là encore, rien n’est sûr et tout est à craindre, y compris la disparition de l’enveloppe conventionnelle. Si elle est maintenue à son niveau actuel de 70 millions d’euros, ajoutée à la contribution de 150 millions de l’industrie qui ira pour moitié à l’hôpital et pour moitié aux médecins libéraux, soit 75 millions pour chacun, la mise serait doublée. Ce qui ne serait pas si mal, même si c’est encore insuffisant pour financer le DPC de tous les médecins. Avec un forfait de 500 euros par an et par médecin, nous n’irons pas très loin, et les opérateurs risquent d’être très mal. D’autant que dans le système DPC, le forfait comprend tout. Aujourd’hui, l’opérateur touche son forfait, et le médecin son indemnité pour perte de ressources et ses frais. Mais le forfait DPC englobe tout.

 

Entretien Jean-François Thébaut

« Il revient à la HAS de définir ce qu’est un programme de DPC »

Membre du Collège de la HAS et président de la Commission amélioration des pratiques et sécurité des patients, Jean-François Thébaut précise le rôle de la Haute Autorité de Santé dans le dispositif de DPC. 

Pouvez-vous nous préciser quel va être le rôle exact de la Haute Autorité de Santé dans le nouveau dispositif de DPC ?

Jean-François Thébaut : Le rôle de la HAS est très précis. Les professionnels de santé sont donc désormais tenus de suivre un programme annuel associant une phase d’évaluation et une phase de la formation. Dans ce cadre, la HAS devra valider toutes les méthodes de FMC et d’EPP pour toutes les professions de santé et tous les types d’exercice. Une liste sera établie regroupant par famille les différentes méthodes : formation cognitive, formation réflexive, analyse des pratiques (registres, groupes de pairs..), gestions des risques ( accréditation, RMM…), simulation en santé, etc.
Pour les médecins,un premier travail a déjà été réalisé,  notamment avec la FSM, qui servira de base à l’établissement du cahier des charges de l’OG DPC, et qui sera élargi aux méthodes cognitives. Mais pour les autres professions de santé, ce travail est en cours. Pour les médecins, Il sera réalisé avec le concours de la FSM et après avis des CSI. A la HAS, des groupes de travail vont se constituer pour écouter toutes les parties prenantes. Un gros travail est donc à faire cette année pour établir une liste exhaustive qui concerne chaque profession et chaque type d’exercice. Cette liste sera ensuite soumise à un groupe de travail interface FSM/CSI, et sera examinée par le Collège de la HAS avant validation et publication.  D’autre part, nous allons déterminer avec les conseils nationaux professionnels des programmes types comportant plusieurs méthodes et adaptés à chaque type d’exercice. Chaque CNP proposera à ses membres de choisir des types de programme correspondant à leur exercice.

Selon les textes, chaque professionnel doit s’acquitter annuellement d’un « programme de DPC ». Mais que doit-on entendre exactement par « programme de DPC » ? Que doit-il comprendre, de quelle durée doit-il être ?

J.-F. T. : Ce qui est certain, c’est que le système de points ou de crédits cumulables est abandonné. Il revient à la HAS de préciser ce qu’est un programme de DPC. A cet égard l’accréditation des spécialités à risque peut servir de prototype au DPC. Tous les programmes comportent quatre volets et tous les items doivent être remplis.

La HAS n’a plus la fonction d’agrément des organismes d’évaluation qu’elle avait auparavant ?

J.-F. T. : La mise en conformité avec la directive européenne sur les services fait que les organismes de formation ne peuvent être « agréés » mais qu’ils doivent être seulement « enregistrés ». Les opérateurs de DPC seront donc enregistrés auprès de l’OG-DPC, et évalués par les CSI. Si cette évaluation s’avère négative, ils ne seront pas subventionnés, leurs actions ne seront donc pas validées, et les médecins qui les auront suivis ne pourront donc pas s’en prévaloir pour justifier de leur obligation de DPC.
Les seuls organismes que la HAS et habilitée à agréer le sont au titre de l’accréditation des spécialités à risque, dans le cadre de la sécurité des soins qui échappe à la directive européenne au titre de la subsidiarité.




Formation : le compagnonnage en cardiologie de ville

348 – Un regard sur les derniers atlas de la démographie médicale établis par l’Ordre confirme ce que les praticiens installés constatent amèrement : les jeunes médecins désertent la pratique de ville au profit de l’exercice hospitalier. Paris n’est pas la France, mais enfin, l’année dernière, aucun jeune cardiologue ne s’est installé en ville dans la Capitale, et partout ailleurs le pourcentage de ceux qui optent pour ce mode d’exercice ne dépasse guère 5 %. Les responsables de la profession s’émeuvent de ce que demain, la population risque de ne plus avoir accès à un cardiologue de ville. Ils estiment que cette désertion s’explique, notamment, par une méconnaissance des jeunes praticiens de la réalité de cet exercice, qui ne font quasiment plus de remplacements, tout juste un peu en dernière année d’internat. Pour tenter de corriger cela, l’idée à germer, il y a quatre ou cinq ans, d’organiser des stages de sensibilisation en cabinet pour les internes de cardiologie. « A l’époque, l’idée n’a pas été plus loin, mais elle est reprise aujourd’hui », commente Jean-Claude Daubert. Cardiologue au CHU de Rennes et président du Collège national des enseignants de cardiologie, il est l’un des initiateurs d’une première expérience qui va démarrer au cours du premier semestre de cette année dans le Grand Ouest dans trois universités volontaires, Nantes, Poitiers et Rennes.

Concrètement, comment cela vat- il se passer ? « Ce stage vise les étudiants de 3e année d’internat, et se déroulera au cours du 5e semestre, si possible, précise Jean- Claude Daubert. Les internes volontaires partiront en stage trois à cinq jours durant dans un cabinet libéral indépendant – pas un établissement – ayant un exercice diversifié, pour y vivre la vie du cabinet et se familiariser avec la cardiologue clinique, les explorations de base, ainsi qu’avec les diverses tâches administratives. » En fin de stage, le cardiologue volontaire pour l’accueil d’un stagiaire rédigera un rapport sous forme de questionnaire, ainsi que le stagiaire qui indiquera en quelques lignes la façon dont il a perçu le stage en précisant si ce contact avec la cardiologie libérale générale lui a permis d’entrevoir une possibilité de carrière autre qu’hospitalière.

« Ce stage n’est pas destiné à devenir autre chose qu’une sensibilisation, souligne Jean-Claude Daubert. Si cela marche et si l’évaluation par les praticiens et les internes se révèle positive, l’expérience pourrait se généraliser en 2013. Etant entendu que ce stage repose sur le volontariat de tous : libre aux universités, cardiologues libéraux et aux internes d’y participer . » Accueillie un peu froidement au départ par les universités, l’expérience les séduit davantage aujourd’hui. Quant aux internes, ils y sont plutôt favorables. L’expérience bretonne démarre en ce début d’année avec une douzaine de cardiologues libéraux qui se sont portés volontaires pour y participer, et initier une semaine durant un interne à la réalité de la cardiologie en cabinet de ville. ■

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Sécurité sanitaire : le Sunshine Act à la française entre en vigueur

348 – L’année 2011 qui s’est ouverte avec l’affaire du Mediator s’est clos avec l’adoption par l’Assemblée Nationale de la loi sur le renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé, dans la version initialement votée par les députés le 23 novembre, sans aucune modification.

 « Cette réforme est capable de redonner aux Français davantage confiance dans le système du médicament », s’est félicité le Ministre de la Santé, Xavier Bertrand. Exit l’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé (AFSSAPS), place à l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé (ANSM), avec des missions élargies et des pouvoirs de sanction renforcés en cas de non-respect de ses demandes par les acteurs du système, les industriels notamment. La loi instaure un Sunshine Act à la française, qui oblige les experts et personnels des agences sanitaires à déclarer leurs liens d’intérêt sur cinq ans. Par ailleurs, devront être rendus publics tous les avantages consentis par l’industrie pharmaceutique aux différents acteurs de la santé, au sens très large, puisque cela englobe les professionnels de santé, bien sûr, mais aussi les étudiants en médecine, les associations d’usagers de la santé, les éditeurs de logiciels d’aide à la prescription et l’ensemble des médias (presse écrite, radio, télévision…).  Les travaux des agences sanitaires seront enregistrés et leurs comptes-rendus publiés. 

Un Groupement d’Intérêt Public (GIP) « Etudes et santé » est créé pour la réalisation d’études de vigilance et d’épidémiologie sur les produits de santé. Les Autorisations Temporaires d’Utilisation (ATU) et les prescriptions hors AMM font l’objet d’un nouvel encadrement, et le suivi post-AMM est renforcé. Quant à l’obtention du remboursement pour un médicament, elle dépendra désormais du résultat de la confrontation d’essais cliniques avec les stratégies thérapeutiques déjà sur le marché.

La communication sur le médicament fait, elle aussi, l’objet d’un sérieux encadrement par la nouvelle loi, notamment par l’instauration du contrôle – a priori – de la publicité sur les produits. Quant à la visite médicale hospitalière, elle devient collective, à titre expérimental et pour trois ans. Cette visite collective ne concernera cependant pas les médicaments de réserve hospitalière, de prescription hospitalière et de prescription initiale hospitalière, ainsi que les dispositifs médicaux. Des restrictions qui ne satisfont pas Xavier Bertrand, qui l’a dit aux députés. « Ce que je veux, c’est que, lorsqu’un délégué médical hospitalier vient présenter son portefeuille de médicaments et de dispositifs médicaux, il le fasse devant plusieurs professionnels de santé », a indiqué le ministre, qui s’est également engagé à revenir devant l’Assemblée en début d’année pour faire un point sur les décrets d’application et la mise en place de l’ANSM, notamment. Comme le diable est toujours dans les détails et qu’on jamais vu que la rédaction des dits décrets se fasse sans débat, nous aurons sans doute l’occasion de reparler de la nouvelle loi.




Deux hommes, deux exils, deux humanismes

348 – « Coeur ouvert », Elie Wiesel (Flammarion)

Elie Wiesel est né en 1928, en Roumanie. Il y a passé une enfance simple et heureuse. Ã 15 ans, il est déporté avec sa famille par les nazis à Auschwitz- Birkenau. Il y perdra d’abord sa mère et sa soeur, puis restera en captivité aux côtés de son père qui décédera dans ses bras lors de l’enfer du dernier transfert de Buna à Buchenwald. Il a décrit ce drame avec la puissance poignante « d’une expérience qui dépasse l’entendement » dans son premier ouvrage « La Nuit » (1958). Il y est revenu ensuite dans le premier tome de ses mémoires « Tous les fleuves vont à la mer » (1994). Arrivé en France en 1945, faute de comprendre le français, il se joindra à la file des « apatrides » au lieu de celle des demandeurs de nationalité française. Il restera donc en France une dizaine d’années sans nationalité avant de devenir en 1963, citoyen américain. Son oeuvre littéraire, philosophique et théologique extraordinaire lui vaudra le prix Nobel en 1986. A 82 ans, il est victime d’un syndrome coronarien aigu nécessitant des pontages en urgence. Le choc de cette annonce brutale l’amène à refaire le bilan d’une existence et d’une mission qu’il retrace après un heureux dénouement dans ce court ouvrage d’une richesse philosophique et humaniste exceptionnelle. ■

_ ■ Élie Wiesel _ Parution : novembre 2011 _ Prix : 10,00 €

« Trois passeports pour un seul homme », _ Armand Bénacerraf (l’Harmattan)

Armand Bénacerraf est né à Casablanca en 1932. Fils d’une famille aisée qui avait fait fortune au Venezuela, il sera frappé, lui aussi, dans son enfance par le décès de son père. Puis il fera des études médicales et cardiologiques en France auprès des plus grands maîtres de l’époque comme le professeur Pierre Soulié. Titulaire de deux passeports, marocain et vénézuélien, c’est au Maroc qu’il choisira tout naturellement de s’installer. Par idéalisme, il se plaisait avec humour à rappeler qu’il était « un juif ayant épousé une chrétienne et allant vivre dans un pays musulman ». Il deviendra chef de service et professeur de cardiologie à l’hôpital Averroès. Ses qualités professionnelles et pédagogiques en feront rapidement la notoriété cardiologique du Maroc.

Mais les répercussions antisionistes de la guerre des Six Jours le contraindront à quitter son pays natal et à rejoindre la France dont il obtint la nationalité en 1969.

Après quelques années d’installation à Sarcelles, son enthousiasme et son énergie lui permirent de créer le centre cardiologique du Nord à Saint-Denis avec deux complices, pourtant tellement différents, Bernard Morin et Paul Charlier. Ils fondent ainsi le premier établissement cardiologique privé, d’un niveau rivalisant avec les plus grands services de CHU, qui a formé plusieurs générations de jeunes cardiologues aux techniques cardiologiques innovantes, tout en alliant rigueur scientifique et éthique.

Tous ceux qui ont pu bénéficier de l’enseignement d’Armand B. (Fernand pour son beau-père et Ahmed lors de son bref passage sous les drapeaux marocains !) conserveront toute leur vie professionnelle un esprit critique et une manière d’aligner les éléments de la discussion rigoureuse qu’il avait lui-même hérité de son maitre Marcel Legrain ; tout comme ils ont appris de lui « que l’appartenance ne s’exprime pas dans le communautarisme, mais comme un élément d’une entité où les racines peuvent s’épanouir sans s’exclure dans l’identité de chacun ».

■ Armand Bénacerraf _ Parution : octobre 2011 _ Format : 204 pages – 18,05 €(gallery)




Sécurité sanitaire : le Sunshine Act à la française entre en vigueur

348 – «Cette réforme est capable de redonner aux Français davantage confi ance dans le système du médicament », s’est félicité le Ministre de la Santé, Xavier Bertrand. Exit l’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé (AFSSAPS), place à l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé (ANSM), avec des missions élargies et des pouvoirs de sanction renforcés en cas de non-respect de ses demandes par les acteurs du système, les industriels notamment. La loi instaure un Sunshine Act à la française, qui oblige les experts et personnels des agences sanitaires à déclarer leurs liens d’intérêt sur cinq ans. Par ailleurs, devront être rendus publics tous les avantages consentis par l’industrie pharmaceutique aux différents acteurs de la santé, au sens très large, puisque cela englobe les professionnels de santé, bien sûr, mais aussi les étudiants en médecine, les associations d’usagers de la santé, les éditeurs de logiciels d’aide à la prescription et l’ensemble des médias (presse écrite, radio, télévision…). Les travaux des agences sanitaires seront enregistrés et leurs comptes rendus publiés.

Un Groupement d’Intérêt Public (GIP) « Etudes et santé » est créé pour la réalisation d’études de vigilance et d’épidémiologie sur les produits de santé. Les Autorisations Temporaires d’Utilisation (ATU) et les prescriptions hors AMM font l’objet d’un nouvel encadrement, et le suivi post-AMM est renforcé. Quant à l’obtention du remboursement pour un médicament, elle dépendra désormais du résultat de la confrontation d’essais cliniques avec les stratégies thérapeutiques déjà sur le marché.

La communication sur le médicament fait, elle aussi, l’objet d’un sérieux encadrement par la nouvelle loi, notamment par l’instauration du contrôle – a priori – de la publicité sur les produits. Quant à la visite médicale hospitalière, elle devient collective, à titre expérimental et pour trois ans. Cette visite collective ne concernera cependant pas les médicaments de réserve hospitalière, de prescription hospitalière et de prescription initiale hospitalière, ainsi que les dispositifs médicaux. Des restrictions qui ne satisfont pas Xavier Bertrand, qui l’a dit aux députés. « Ce que je veux, c’est que, lorsqu’un délégué médical hospitalier vient présenter son portefeuille de médicaments et de dispositifs médicaux, il le fasse devant plusieurs professionnels de santé », a indiqué le ministre, qui s’est également engagé à revenir devant l’Assemblée en début d’année pour faire un point sur les décrets d’application et la mise en place de l’ANSM, notamment. Comme le diable est toujours dans les détails et qu’on jamais vu que la rédaction des dits décrets se fasse sans débat, nous aurons sans doute l’occasion de reparler de la nouvelle loi. ■




Claude Le Pen : « L’avènement d’une médecine sociale n’est pas à exclure »

348 – Le Cardiologue : Selon vous, la crise économique que nous traversons aura-t-elle des répercussions sur la santé ? _ Claude Le Pen : Sans doute, elles prendront différents aspects. Y a-t-il une pathologie de la crise ? Nous n’avons pas de certitude à ce sujet, seulement des présomptions. On peut légitimement penser que l’incertitude quant à l’avenir, la croissance du chômage, les difficultés matérielles engendrées par la crise, peuvent avoir des conséquences somatiques. Cela est difficile à cerner précisément, mais sans doute réel. Les autres conséquences concernent le financement de la santé.

Le Cardiologue : A quoi peut-on s’attendre à ce sujet ? _ C. L P : Il faut s’attendre à une crise du financement public pendant les deux ou trois ans qui viennent. Après, tout dépend de la durée de la crise. Si nous entrons dans une période de crise économique grave ; les répercussions seront fortes. Dans l’hypothèse d’une croissance économique inférieure à 1 %, même avec une inflation à 1 % ou 1,5 %, nous aurons du mal à rester dans le cadre actuel des dépenses de santé fixé par l’Ondam. Avec une croissance du PIB à 3 % en valeur, un Ondam à 3 %, c’est jouable à condition de dégager annuellement une économie de 2,5 à 3 milliards d’euros. Le problème est : où les trouver ? Cette année, plus de la moitié des économies proviennent du médicament, l’on a « grappillé » sur plusieurs autres postes. Mais ce sont des sources de financement qui ne sont pas renouvelables tous les ans.

Le Cardiologue : Dans ce cas, à quoi doit-on s’attendre ? _ C. L P : Un modèle plus strict n’est pas inenvisageable, dans lequel l’Assurance Maladie se replie, par exemple, sur les pathologies lourdes et les personnes les plus défavorisées. C’est un modèle de médecine sociale que l’on a refusé jusqu’à présent, mais c’est un scénario dans lequel on est déjà entré, doucement, avec le système des ALD, avec des économies à faire là aussi d’ailleurs. C’est un scénario très attentatoire aux valeurs traditionnelles de solidarité sur lequel est fondé le système français.

Le Cardiologue : Quelles conséquences aurait ce scénario pour les médecins ? _ C. L P : Pour les médecins, cela signifierait un système de rémunération par les assurances privées via une politique de réseaux agréés et de contrats, avec un contrôle renforcé de leur activité et un changement notable de leur rapport avec le patient. Un peu sur le modèle américain de protection sociale, redistributif et sélectif. Cela changerait fondamentalement les bases de notre système, qui a déjà amorcé un changement dans ce sens, même si les valeurs de solidarité restent. Si nous allons vers un tel modèle, ce sera un choc, avec l’apparition d’une médecine à deux vitesses clairement instaurée.

Le Cardiologue : Selon vous, la crise économique sera-t-elle longue ? _ C. L P : En 1974, la crise pétrolière a eu pour conséquence la diminution de moitié du taux de croissance économique. Les politiques – à de rares exceptions – disaient : « Ce n’est pas grave ». Mais en fait, nous ne sommes jamais revenus au taux de croissance antérieur à la crise. Si nous vivons un phénomène similaire, il est possible que nous soyons entrés dans une période de ce type. Combien de temps les choses mettront-elles à se restructurer ? Nul ne le sait. Ce qui est certain, c’est qu’on ne voit pas les années 2012 et 2013 meilleures que 2011. Le système de santé va s’ajuster sous la pression de la rareté de l’argent, et il changera par la force des choses, sans que personne ne l’ait véritablement décidé. ■

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Les faits marquants 2011

348 – Convention : la « révolution » du P4P _ Grande première dans la vie conventionnelle : pour la première fois, les trois principaux syndicats, la CSMF, le SML et MG France ont signé en juillet une nouvelle convention. La FMF l’ayant signé en décembre, jamais convention n’aura réuni autant de signataires ! Convention de rigueur, les revalorisations y sont rares : pour la première fois depuis que le système conventionnel existe, le texte ne prévoit aucune revalorisation du C des généralistes, et les spécialités cliniques, à quelques exceptions près, devront encore attendre. La vraie nouveauté du texte, c’est l’instauration de la rémunération à la performance inspirée du P4P anglo-saxon – une généralisation du CAPI en quelque sorte – qui concerne pleinement, dans un premier temps, les seuls généralistes. Mais les spécialistes entreront progressivement dans le dispositif, et les cardiologues devraient être les premiers à inaugurer ce nouveau mode de rémunération, dont le principe est d’inciter financièrement les médecins à respecter les recommandations et bonnes pratiques en vigueur.

ASV : ça va faire mal ! _ Les syndicats signataires de la dernière convention en avaient fait un préalable aux négociations. Ils ont obtenu gain de cause et la réforme de l’ASV est entrée en vigueur le 1er janvier dernier. Mais le sauvetage va coûter chers aux médecins. Egale pour tous, et d’un montant actuel de 4 140 euros, la cotisation forfaitaire va augmenter de 17 % à partir du 1er juillet 2012 et sur quatre ans. Ainsi, un médecin de secteur 1 qui paie actuellement 1 380 euros (un tiers de la cotisation) en paiera 1 617 en 2017, et un praticien de secteur 2 qui paie aujourd’hui 4 140 euros en paiera 4 850 à cette date. En 2017, la cotisation forfaitaire sera revalorisée en fonction du revenu moyen des médecins libéraux. La cotisation proportionnelle « d’ajustement » est proportionnelle aux revenus, et son assiette est limitée à cinq fois le plafond annuel de la Sécurité Sociale (176 760 euros). Elle passera de 0,25 % des revenus l’année prochaine 2,80 % en 2017. Le nombre des points de retraite obtenus au titre de l’ASV reste fixé à 27 points, mais la valeur du point va diminuer progressivement les trois prochaines années, passant de 15,55 euros en 2012 à 14 euros en 2015. Sa revalorisation n’est prévue qu’à partir de 2020. Opposée à cette réforme, la CARMF a demandé à être déchargée de la gestion de l’ASV.

RCP : une réforme satisfaisante, mais il faudra payer… _ Fin décembre, les députés ont adopté dans sa version définitive la création d’un fonds de garantie pour les sinistres élevés des professionnels de santé opérationnel depuis le 1er janvier 2012. Le fonds de garantie, alimenté par une cotisation de tous les professionnels et auxiliaires médicaux libéraux, prendra en charge les indemnités supérieures à 8 millions d’euros accordées aux victimes de dommages consécutifs à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins dispensés par des professionnels de santé libéraux et relevant de l’aléa thérapeutique ou de la responsabilité sans faute. Le seuil de 8 millions d’euros qui ne figure pas dans la loi sera précisé par décret. Il correspond à la garantie la plus élevée actuellement proposée par les assurances en Responsabilité Civile Professionnelle (RCP).

La cotisation de chaque professionnel sera de 15 à 25 euros en fonction de sa rémunération et de son niveau de risque. Cette contribution sera perçue par les organismes d’assurance et sera reversée au fonds dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat.

La pose de valves aortiques percutanées confirmée par la HAS _ Des arrêtés de 2009 autorisaient la pratique de cette intervention dans 33 centres habilités et son remboursement dans le cadre du GHS 1522 pour une période de deux ans, jusqu’au 31 décembre dernier. Au total, 3 400 patients ont été implantés conformément aux bonnes pratiques, les centres ont rempli leurs missions et 96 % des patients ont été suivis. Après évaluation de cette expérimentation, la Haute Autorité de Santé, qui a félicité la profession pour la qualité du registre France II, a donné son feu vert pour la poursuite de cette activité. Martine Gilard, professeur de cardiologie à l’hôpital de Brest et coresponsable, avec le Dr Lascar, du registre France II, juge l’évaluation de la HAS sur l’implantation de valves aortiques transcutanées « plutôt positive ». Le Dr Thierry Lefèvre, cardiologue interventionnel à l’hôpital privé Jacques Cartier de Massy-Palaiseau, et président du Groupe Athérome coronaire et Cardiologie Interventionnelle (GACI) de la Société Française de Cardiologie (SFC) se montre plus réservé quant aux conditions édictées par la HAS pour la pose des valves aortiques percutanées (Le Cardiologue n°346).

L’affaire Médiator _ Depuis le très sombre épisode du sang contaminé, la France n’avait plus connu une affaire provoquant une telle onde de choc et mettant les pouvoirs publics en demeure de légiférer pour restaurer la confiance des Français dans un système de sécurité sanitaire mis à mal. Etats généraux du médicament, rapports d’experts et missions parlementaires ont débouché sur un projet de loi renforçant la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé. Le texte définitif a été adopté par l’Assemblée nationale, qui a eu le dernier mot après l’échec de la Commission mixte paritaire pour cause de Sénat passé à gauche l’année dernière… En instaurant la transparence à tous les étages, la nouvelle loi instaure un Sunshine Act à la française.

Lent démarrage du DMP _ En janvier, le DMP devient en théorie accessible dans toute la France pour les professionnels de santé munis d’une carte CPS et d’un logiciel métier « DMP compatible », via le portail national dmp.gouv.fr. L’objectif affiché était la création de 2 millions de DMP en 2011. Mais compte tenu des « incertitudes » sur le déploiement et, en particulier, sur le rythme auquel les éditeurs seront en mesure d’équiper les médecins avec des logiciels DMP compatibles, Jean-Yves Robin, le directeur général de l’Asip-Santé, faisait montre de réalisme lors du lancement : « Nous préférons de loin 500 000 DMP qui remplissent pleinement leur fonction que 2 millions de DMP pour l’affichage ». Reste que le site @ du DMP n’affiche aucun nombre à ce jour…

Le ratage du secteur optionnel _ Faute d’un accord entre les syndicats médicaux, l’UNCAM et l’UNOCAM, le ministre du Travail, de l’Emploi et de la Santé, Xavier Bertrand, a opté pour le passage en force en introduisant dans le PLFSS l’obligation pour les organismes complémentaires de prendre en charge le secteur optionnel dans les contrats responsables pour les seuls spécialistes en chirurgie, anesthésie-réanimation et obstétrique de secteur 2. Un passage en force qui ne satisfait ni les complémentaires santé, ni les médecins libéraux. Dans ces conditions, le nouveau secteur ne risque pas d’attirer beaucoup de praticiens, et le problème des dépassements d’honoraires et d’accès aux soins qu’ils suscitent de rester un problème à résoudre…

Un Nobel français _ Le prix Nobel de physiologie et médecine 2011 a été décerné à trois spécialistes de l’immunologie, l’américain Bruce Beutler, le canadien Ralph Steinman et le français Jules Hoffmann. Agé de 70 ans, luxembourgeois de naissance, Jules Hoffmann a étudié et fait toute sa carrière en France où il a dirigé l’institut de biologie moléculaire et cellulaire à l’université de Strasbourg. « Les lauréats ont révolutionné notre compréhension du système immunitaire en découvrant des principes clés de son activation », a indiqué la Fondation Nobel.

La loi Fourcade raccourcie par les Sages _ En août, les Sages du Palais Royal censurent partiellement 4 articles et 36 totalement des 65 articles de la loi Fourcade modifiant la loi HPST adoptée par le Parlement en juillet. Disparaissent ainsi les dispositions concernant la RCP, mais qui seront reprises dans le PLFSS (voir ci-dessus). Restent quelques motifs de satisfaction dans la loi Fourcade pour les médecins libéraux. Ainsi l’obligation de déclaration de congés à l’Ordre disparaît, comme disparaissent les pénalités prévues par le contrat santé solidarité, et qui menaçaient les médecins des zones dites surdotées refusant d’aller aider ponctuellement leurs confrères des zones déficitaires. Et l’un des articles relatifs aux ARS inscrit dans la loi sur la non-opposabilité des Sros ambulatoires aux médecins libéraux, comme ils le souhaitaient.

Retrait de deux recommandations par la HAS _ Après la requête en annulation déposée devant le Conseil d’Etat par l’association Formindep au motif de conflit d’intérêts de certains experts ayant participé à leur élaboration, la HAS retire la recommandation sur le diabète de type 2 et celle sur la maladie d’Alzheimer. C’est parce que les recommandations de la HAS s’intègrent à l’obligation déontologique du médecin qu’elles constituent nécessairement une norme réglementaire qui « fait grief », selon le Conseil d’Etat, dont l’avis rend les recommandations juridiquement opposables.

Crise économique _ La France a commencé l’année au chevet d’une Grèce anéantie et acculée à un régime de rigueur dont on ne sait si elle s’en remettra, et dans le club de plus en plus fermé des pays « 4 étoiles ». Sous la menace d’en sortir, et sur fond de croissance en berne (1 %), le Gouvernement a élaboré un premier plan de rigueur budgétaire, puis un second, encore plus strict. Dans la foulée, le PLFSS 2012 a mis le monde de la santé à la diète : établi à 2,8 % dans première mouture, l’Ondam a été ramené à 2,5 % et pour les cinq ans à venir. « Compte tenu d’une évolution tendancielle, en l’absence de toute mesure, légèrement supérieure à 4 %, cela signifie un effort d’économie de plus de 2,5 milliards d’euros chaque année », précise le rapport annexé au PLFSS adopté par les députés. Des économies qui seront « justement réparties entre efforts de maîtrise médicalisée des dépenses de soins de ville, baisse des coûts des médicaments par le développement des génériques et l’action sur les prix des produits, amélioration de l’efficience hospitalière et convergence tarifaire : les mesures viseront prioritairement à renforcer l’efficacité et la performance du système de soins. » Les recettes sont connues, qui sont appliquées depuis des années pour contenir le déficit croissant de l’Assurance Maladie. Mais suffiront-elles si crise, s’installe durablement ? L’économiste Claude Le Pen avance des hypothèses pour une équation à une inconnue, mais de taille : combien de temps durera la crise et à quand la reprise ? ■




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Best of des grandes études – 2e partie

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