Insuffisance mitrale ischémique

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L’éducation thérapeutique du patient cardiaque

359-360 – Comme le souligne fort justement le Pr Thomas dans sa préface, si Monsieur Jourdain avait été médecin, il aurait fait de l’éducation thérapeutique sans le savoir. Comme la grande majorité des praticiens, les cardiologues ont l’impression voire la conviction de ne pas avoir attendu que soit inscrite dans la loi HPST de 2009 cette désormais fameuse « Education Thérapeutique du Patient (ETP) » pour en faire bénéficier leurs malades à chacune de leurs consultations.
Et pourtant…

Sans devenir un nouveau métier ni trop compliquer notre tâche au quotidien déjà suffisamment remplie par les obligations administratives de tous ordres, il nous faut reconnaître que cette ETP, en cardiologie comme ailleurs, nécessite d’assimiler des compétences nouvelles, voire de suivre une FMC spécifique pour acquérir le savoir-faire nécessaire à sa véritable mise en œuvre.

C’est ce que propose cet ouvrage, dirigé par Bruno Pavy, cardiologue spécialisé en réadaptation cardiovasculaire, qui s’est entouré de médecins, cardiologues pour la plupart, professionnels de santé, et même patients tel le regretté Jean-Claude Boulmer, qui dirigeait l’association « Alliance du Cœur » et ne ménageait pas sa peine pour faciliter les rapports entre médecins et malades, dans un esprit toujours constructif et serein.

L’ouvrage, très documenté, obéit à la construction la plus classique, abordant successivement les différentes situations qui nécessitent de recourir à l’ETP.

En fait, le patient cardiaque en a besoin à pratiquement tous les stades, aigu ou chronique, de ses maladies et la première situation décrite dans le livre est celle de l’éducation thérapeutique aux urgences cardiovasculaires. C’est vrai que l’identification des accès douloureux et les moyens d’y faire face rapidement font partie des tout premiers messages à transmettre pour aider le patient à acquérir ou améliorer son « savoir-faire » ou « savoir-agir ».

L’ETP du patient hospitalisé en cardiologie est un autre élément essentiel, notamment les hospitalisations pour insuffisance cardiaque, particulièrement d’actualité au moment de l’installation du programme PRADO par l’Assurance Maladie. Les auteurs préconisent au décours de la décompensation cardiaque des séances individuelles, préférables aux séances collectives pour raisons d’organisation, et recommandent de les faire pratiquer par des équipes multiprofessionnelles formées à l’ETP, cardiologue, infirmière, kiné, diététicien, attachées ou non au service hospitalier.

Mais c’est durant son séjour en centre de réadaptation que le patient bénéficiera sans doute le plus de l’ETP, car la durée du contact avec les professionnels de santé est propice à la délivrance de messages pertinents sur les situations à risque, la reconnaissance de symptômes d’alerte, le mode de vie ou le contrôle des facteurs de risque.

Naturellement, comme tout processus médical, cette ETP doit être évaluée. Le docteur Pavy propose à cet effet différents programmes, grilles d‘évaluation, voire aide ou contrôle extérieurs, gages d’indépendance et de succès.

Et bien évidemment, c’est au sein du cabinet médical, lorsque se déroule le « colloque singulier », que peut et doit se développer l’enseignement, individuel certes, mais élargi autant que possible au conjoint ou à « la personne de confiance ». Encore faut-il parvenir à dégager le temps nécessaire à la fin d’une consultation déjà chargée ; c’est pourquoi certains commencent à réfléchir à la réalisation de cette ETP au sein de séances dédiées ; mais il faudrait surmonter bien des difficultés techniques et financières. C’est là que l’implication des malades prend tout son sens et que les associations de patients ont un grand rôle à jouer.

Rappeler que la maladie chronique ne va jamais disparaître, remettre le patient au cœur du système en lui permettant d’accueillir des compétences sur sa pathologie, tels sont les principaux objectifs de cet ouvrage qui devrait intéresser médecins traitants, cardiologues et tous les professionnels de santé concernés.

L’éducation thérapeutique du patient cardiaque

Auteur : Bruno Pavy

Editeur : Frison Roche

Pagination : 248 pages

Prix public : 39,00 €




Cafouillage à grande échelle !

359-360 – Christian Ziccarelli – Il devient aujourd’hui difficile de trouver une ligne directrice en termes de politique de santé. Malgré l’annonce par le Premier Ministre, à grand renfort de médiatisation, d’une réforme du système de santé en présentant une nouvelle stratégie nationale de santé, la cacophonie règne à tous les niveaux. Le parcours de soins en est la priorité, on peut s’en réjouir. Toutefois le groupe de réflexion ne compte aucun spécialiste de proximité !

Marisol Touraine est déstabilisée par les critiques venues de toute part. La signature de l’avenant n° 8 obtenu à l’arracher est loin d’être historique. Le Syndicat National des Spécialistes des Maladies du Coeur et des Vaisseaux, en dénonçant dès le lendemain cet accord, est aujourd’hui rejoint par l’un des signataires principaux, le SML, condamnant la progression de la forfaitisation et la disparition programmée du secteur 2.

Le manque de clairvoyance des agences nationales est dénoncé. L’ANSM se réorganise avec difficultés et réagit toujours avec un temps de retard. La HAS n’arrive plus à trouver d‘experts exempts de tout lien d’intérêts. Le DMP est aux abois, le DPC est dans la tourmente. L’OGDPC peine à trouver « ses marques ». La CSI, dont la Ministre vient de modifier la composition, risque de devenir ingérable. L’Assurance Maladie a détourné les fonds conventionnels pour n’attribuer que ceux provenant de la taxe de l’industrie. Pourtant le politique de tout bord s’insurge contre le moindre centime d’euro dont pourrait bénéficier un professionnel de santé !

Les médias mettent de « l’huile sur le feu » privilégiant les effets d’annonce, à l’écoute d’individus, dont les propos provocateurs sont un déni de la science et des progrès de la médecine. Nos patients doutent de l’efficacité des médicaments, se posent des questions sur les réels progrès de la médecine. Le principe de précaution paralyse chaque jour un peu plus notre activité, la judiciarisation progresse.

Pendant ce temps-là, nos délais de rendez-vous et nos journées de travail s’allongent (en moyenne 55 h/semaine). La désertification s’installe à grands pas dans de nombreuses régions. Notre spécialité va connaître dans les toutes prochaines années de massifs départ en retraite. Le burn out s’installe, même chez nos internes : 15 % abandonnent leurs études, le double doute de son choix professionnel. Il est vrai qu’on ne leur offre pas un avenir réjouissant ! Les propositions coercitives des sénateurs ne peuvent qu’aggraver une situation de plus en plus incertaine.

La cardiologie libérale de proximité est une profession passionnante. Elle exige disponibilité, qualification et une remise à niveau quotidienne. Les pouvoirs publics doivent en tenir compte et ne pas jeter l’opprobre sur une spécialité qui a permis en 15 ans de diminuer la mortalité coronaire de plus de 50 %.

La médecine doit rester un art au service du patient, un être humain avec lequel chacun de nous a des relations privilégiées. L’enfermer dans une série d’équations et d’organigrammes n’est certainement pas la panacée, même si la qualité de notre pratique doit être l’objectif primordial.

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L’information du patient par le spécialiste : à propos d’un arrêt récent de la Cour de Cassation

359-360 – L’information du patient fait partie des devoirs déontologiques du médecin. Encadrée par la loi, l’obligation d’être compris paraît logique, mais cette notion est parfois subjective et souvent difficile à apprécier en pratique courante.

 

Cas clinique (fictif, mais rédigé à partir de faits de la pratique quotidienne)

M. X. est âgé de 70 ans. Il est traité depuis une dizaine d’années pour hypertension artérielle. Sur l’insistance de son médecin traitant, qui le lui recommande depuis très longtemps, il finit par accepter de consulter le Dr Y., cardiologue.

A l’interrogatoire, on recueille avec difficulté la notion depuis quelques semaines de vagues palpitations, peu gênantes d’après M. X. car, dit-il, il n’est pas du genre à se plaindre pour rien.

L’HTA est bien contrôlée par une trithérapie. L’ECG objective des extra-systoles auriculaires isolées, une onde P bifide et un bloc incomplet gauche.

Conformément aux recommandations (HAS mai 2012), il y a une indication d’échocardiogramme (symptôme cardiaque inexpliqué, anomalie ECG). L’examen est pratiqué ultérieurement. Pendant sa réalisation, le Dr Y. constate de très nombreuses extrasystoles supra-ventriculaires, avec des salves de quatre à cinq complexes. Un holter est donc programmé.

Lors du débranchement de l’enregistreur, le Dr Y. informe M. X. qu’il lira l’enregistrement le soir même et qu’il rédigera un compte-rendu détaillé pour son médecin traitant qu’il devra reconsulter. M. X. préfère que la lettre soit envoyée chez lui, pour qu’il la remette lui-même à son médecin en allant le consulter dès qu’il l’aura reçue.

La lecture du holter objectivera de nombreux épisodes de fibrillation auriculaire, le plus long durant 14 heures.

Le Dr Y. conseille donc dans sa lettre un traitement adapté, et notamment un anticoagulant (score CHA2DS2VASc égal à 2), et un suivi cardiologique très précis est proposé.

M. X., qui dispose d’une ordonnance renouvelable pour son HTA, et qui ne se sent pas trop gêné, ne reconsulte pas.

Trois mois plus tard, il est hospitalisé pour un accident vasculaire cérébral dont l’origine embolique est hautement probable. Cet AVC aurait évidemment pu être évité si le traitement conseillé par le Dr Y. avait été suivi.

Le cardiologue, dont la démarche diagnostique et les propositions thérapeutiques étaient tout à fait conformes aux recommandations actuelles, pourrait-il être inquiété sur le plan médico-légal ?

Probablement si l’on se réfère à la jurisprudence de la Cour de Cassation.

 

Arrêt du 16 janvier 2013 de la Cour de Cassation

Un patient avait déposé une plainte contre deux radiologues qu’il avait vus en 2003 puis 2004, les accusant de ne pas avoir diagnostiqué une fracture de matériel d’ostéosynthèse.

Un expert atteste  que « les clichés sont d’excellente qualité radiologique, correspondant aux normes habituelles des clichés numérisés. » Il ajoute que « le compte-rendu radiologique comporte les différents éléments obligatoires ayant valeur médico-légale, et l’interprétation des différents clichés ». Il précise enfin que la fracture avait été parfaitement diagnostiquée lors des deux examens radiologiques, les comptes-rendus mentionnant l’existence d’une « solution de continuité » sur le matériel d’ostéosynthèse. L’expert conclue que  « que cette interprétation, cette formulation était tout à fait correcte, exacte et correspondait aux termes utilisés tant par les radiologues que par les chirurgiens ou les médecins d’une façon générale ».

Il termine en expliquant « que ce compte-rendu parfaitement juste et précis est destiné, bien sûr au patient lui-même, mais essentiellement au médecin ou au chirurgien correspondant, et que, dans de telles situations, la transmission des informations et les explications se font plus souvent directement entre le patient et son médecin traitant ou son chirurgien, à partir des éléments apportés par le radiologue (clichés et comptes-rendus) ».

Au vu de cette expertise, la Cour d’Appel de Rouen a débouté le plaignant. Sa décision a été cassée par la Cour de Cassation. La Cour de Cassation s’appuie sur deux articles du code de la santé publique :

L’article L.1111-2 : « l’information des personnes sur leur état de santé incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables et que seules l’urgence ou l’impossibilité d’informer peuvent l’en dispenser ».

L’article R.4127-35 : « le médecin doit à la personne qu’il examine, qu’il soigne ou qu’il conseille une information loyale, claire et appropriée sur son état, les investigations et les soins qu’il lui propose, et que, tout au long de la maladie, il tient compte de la personnalité du patient dans ses explications et veille à leur compréhension »

Les arguments suivants étaient invoqués :

Les radiologues avaient utilisé le terme « solution de continuité », « bien que, comme l’a fait valoir le patient, dans ses conclusions, ce terme, pour un profane, soit confus et puisse au contraire signifier une absence de rupture, en l’espèce du matériel d’ostéosynthèse ».

« que l’intelligibilité de l’information doit s’apprécier in concreto compte tenu du niveau d’instruction du patient ; »

« qu’en retenant seulement, in abstracto, que le terme « solution de continuité », voulait dire « fracture, rupture tant dans le langage courant qu’en langage médical » sans s’interroger sur le caractère compréhensible ou non de cette expression pour un travailleur manuel, la Cour d’Appel a violé les articles 1147 du Code civil, L. 1111-2, R. 4127-34 et R. 4127-35 du Code de la santé publique ;

« qu’en effet, ayant affaire à un profane, travailleur manuel de surcroît, il incombait aux deux médecins radiologues de veiller à la compréhension de leurs informations par le patient, en employant le terme simple et intelligible de fracture, pour expliquer “la solution de continuité” ».

Remerciements à Thierry Casagrande, directeur juridique d’Analys Santé, pour sa relecture.

 

Commentaire

Vus sous l’angle médical, les arguments admis par la Cour de Cassation sont surprenants car les critiques portent sur la rédaction du compte-rendu des radiographies, le vocabulaire employé par les radiologues étant estimé incompréhensible par un travailleur manuel.

C’est la remarque que nous font d’ailleurs parfois nos patients quand ils nous reprochent qu’ils ne comprennent pas nos courriers. Il faut rappeler que l’objet d’un courrier médical est d’être lu et compris par des médecins, et que le vocabulaire employé répond à un objectif de précision et de bonne compréhension pour le confrère à qui il est adressé, et qui a la formation nécessaire pour l’interpréter correctement.

On pourrait dire d’ailleurs qu’il en est de même du langage juridique.

Néanmoins, d’une façon plus générale, cet arrêt pose la question de l’information du patient par le spécialiste consultant, dans le cadre du parcours de soins.

Information du patient par le spécialiste consultant

Dans le cas clinique évoqué plus haut, le cardiologue a rempli son rôle de médecin spécialiste correspondant tel qu’il est énoncé dans la convention : « Le médecin correspondant, sollicité pour cet avis ponctuel de consultant, adresse au médecin traitant ses conclusions et propositions thérapeutiques. Il s’engage à ne pas donner au patient de soins continus et à laisser au médecin traitant la charge de surveiller l’application de ses prescriptions ».

Néanmoins, le Code de la santé publique, sur lequel s’est appuyée la Cour de Cassation, est plus exigeant puisqu’il notifie que l’information  « incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences ».

La loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades précise que « cette information est délivrée au cours d’un entretien individuel ».

Dans les faits, le cardiologue fournit toujours une information complète au terme de ses examens. Le problème peut se poser lorsque, comme ici, il ne peut pas donner les résultats immédiatement pour des raisons pratiques, ou lorsqu’il doit prendre des décisions, communiquées par courrier au médecin traitant après réception de résultats d’examens qu’il n’a pas réalisés lui-même (exemples : IRM, scintigraphie myocardique, etc.).

Faut-il dans ce cas reconvoquer le patient pour une consultation d’annonce ?  Cela semble la solution la plus sûre, dans ce type de situation pour respecter l’obligation d’information.

Cela paraît également une démarche de bonne pratique, afin d’éviter, comme dans l’exemple cité, des dysfonctionnements dans la chaîne de soins. La consultation d’annonce d’une mauvaise nouvelle a d’ailleurs fait l’objet d’une recommandation par la HAS (février 2008). Il y est mentionné qu’il s’agit d’un processus pouvant être long et souvent partagé par plusieurs professionnels de santé, en l‘occurrence ici, le cardiologue et le médecin traitant.

L’information du patient fait partie des devoirs déontologiques du médecin. Elle est encadrée par la loi, et précisée régulièrement par la jurisprudence.

L’obligation d’être compris paraît logique, mais cette notion est parfois subjective, et souvent difficile à apprécier en pratique courante. Il est recommandé de consigner dans la lettre au médecin traitant les explications transmises au patient, ce qui favorise la cohérence de l’information, mais peut être aussi un élément de preuve, en cas de contestation.




Démarrage pas certain

359-360 – Instauré en 2009, le Développement Professionnel Continu devait être opérationnel en 2010, Marisol Touraine l’avait annoncé pour le courant 2013 et il ne démarrera sans doute vraiment qu’au début de l’année prochaine. Tout est pourtant en place pour son fonctionnement, mais son financement n’est pas à la hauteur de ses ambitions et des espérances des médecins. Le Cardiologue fait le point sur le DPC

C’est devenue une habitude : depuis les ordonnances Juppé de 1996 qui a instauré l’obligation de formation continue pour les médecins, les diverses réforme concernant la FMC d’abord, la FMC et l’EPP ensuite ont tant tardé à se mettre en place qu’elles ne l’ont jamais été tout à fait. Institué par l’article 59 de la loi HPST de juillet 2009, le Développement Professionnel Continu (DPC), qui allie formation et évaluation, devait initialement être opérationnel début 2010 ! C’était sans compter avec a mise en musique de la loi par les textes d’application : il est bien connu que c’est toujours dans les détails que se loge le Diable… 

Inutile de revenir sur le long cheminement du DPC qui, après plus de trois ans, n’est toujours pas opérationnel ! Pourtant, aujourd’hui, tous les textes sont parus et les instances – Organisme de Gestion du DPC (OGDPC), Commission Scientifique Indépendantes (CSI) – sont installées.

Enfin, la CSI ne l’est pas depuis si longtemps que cela. Sa première composition au début de 2012 ayant suscité l’opposition du Collège de médecine générale et de plusieurs syndicats, un nouveau décret pris au début de cette année l’a révisée : aux 22 représentants initiaux des conseils nationaux de spécialités d’exercice (dont cinq pour la médecine générale), ont succédé deux sections de 17 membres chacune, l’une rassemblant des représentants du Collège de médecine générale, l’autres rassemblant des représentants des Conseils Nationaux de Spécialités (CNP) des autres spécialités. La présidence du CSI sera tournante et assurée chaque année alternativement par le président de l’une des deux sections. Francis Dujarric, président de la section spécialiste, occupe la fonction cette année, avant de laisser la place l’année prochaine à Serge Gilberg, président de la section généraliste.

Méthodes et modalités selon la HAS

Dans le dispositif du DPC, c’est à la Haute Autorité de Santé que revient de tenir « le discours de la méthode » ou plutôt des méthodes auxquelles les organismes de DPC doivent  se conformer pour élaborer leurs programmes. A la fin de l’année dernière, la HAS a donc publié la liste de ces méthodes et modalités, qui précise « les exigences méthodologiques portant sur les programmes, les supports utilisés, les intervenants et la traçabilité de l’engagement des professionnels ». Les méthodes sont regroupées en six grandes approches : « à dominante pédagogique ou cognitive », « à dominante d’analyse des pratiques », « intégrée à l’exercice professionnel », « dispositifs spécifiques » (accréditation des médecins exerçant une activité à risque, notamment), « enseignement et recherche », et « simulation ». Pour chacune de ces six grandes approches, la HAS précise les types d’actions qu’elle recouvre (formation présentielle, formations à distances, groupes d’analyse des pratiques, bilan de compétences, ETP, revue bibliographique et analyse d’articles…). A chaque type d’action correspond une « fiche technique méthode » qui donne la définition de cette action, sa description détaillée et précise les éléments de « traçabilité ».

Le document consultable sur le site de la HAS (www.has-sante.fr) détaille également les conditions de « traçabilité de l’engagement des professionnels ». Ainsi les médecins devront décrire leur implication  dans un programme de DPC en renseignant, chaque année, un bilan individuel d’activité, et conserver certains documents justificatifs comme les attestations de présence, par exemple.

Du côté ministériel, la Direction de l’offre de soins a publié les six orientations nationales (voir encadré ci-contre) que devront suivre les organismes de DPC (ODPC) dans l’élaboration des programmes qu’ils proposeront aux professionnels de santé. Les cardiologues quant à eux ont constitué leur OGDPC-Cardio. « L’assemblée générale constitutive a eu lieu le 15 février dernier, explique son président, Patrick Assyag. Il s’agit d’une association loi de 1901 qui aura pour objectif de mettre en place des programmes pour les cardiologues hospitaliers et libéraux. » Le vice-président est un hospitalier, le Pr Michel Desnos, le secrétaire général également, le Pr Ariel Cohen, tandis que la trésorière, Elisabeth Pouchelon, est une libérale, comme le président.

Un financement problématique

Bref, tout est en place, et pourtant, le DPC ne rentrera certainement pas en vigueur avant l’été comme l’avait indiqué Marisol Touraine en septembre dernier. Qu’est-ce qui fait obstacle ? Le financement, bien sûr, qui n’est pas celui qu’attendaient les médecins. C’est en décembre dernier que l’annonce de la dotation globale du DPC des médecins a fait l’effet d’un coup de tonnerre : ce sera 83 millions d’euros pour 2013 au lieu des quelque 160 millions d’euros espérés. Sans doute trop naïvement, les médecins pensaient qu’aux 75 millions d’euros de la Formation Professionnelle Conventionnelle (FPC) s’ajouterait la moitié de la taxe de 160 millions exigée de l’industrie pharmaceutique pour financer la formation continue des praticiens libéraux et hospitaliers. Et bien, non ! Le financement du DPC des médecins sera intégralement assuré par l’industrie du médicament, ce qui ne manque pas d’étonner : a-t-on assez dénoncer l’influence de ladite industrie sur les prescripteurs via la formation… Les syndicats médicaux ont bien sûr crié au scandale et dénoncé ce « hold up » des fonds conventionnels. Mais pour l’heure, sans résultat : l’enveloppe globale consacrée au DPC des médecins cette année s’élève à 83,2 millions d’euros. Toujours en décembre dernier, l’OGDPC avait annoncé que le forfait par médecin pour cette année serait de 2 990 euros, ce qui ne laissait envisager que deux jours de formation annuelle par médecin. Cependant, une récente réunion de la section paritaire médecins de l’OGDPC a revu les modalités des forfaits : si le forfait maximal de prise en charge par programme reste inchangé à 2 990 euros, l’enveloppe de DPC dédiée par médecin a été fixée à 3 700 euros. « Le médecin aura ainsi la possibilité de s’inscrire à autant de programmes de DPC qu’il le souhaite dans la mesure où l’enveloppe le lui permet », estime le directeur général de l’OGDPC, Monique Weber. « Cela permettra d’augmenter le volume de formation annuel, surtout avec la possibilité qui est donnée de panacher des formations présentielles et non présentielles », indique Patrick Assyag.

Dans ces conditions, l’objectif de former près de 27 800 médecins cette année serait atteignable, ce qui correspondrait à une augmentation des effectifs formés de 45 % par rapport à 2011 selon  l’OGDPC, qui souligne la nécessité d’une montée en charge du système, l’objectif de 100 % de médecins formés ne pouvant être atteint dès la première année. Sans doute, surtout avec un budget aussi restreint ! Si l’on songe que 120 000 médecins libéraux sont concernés par l’obligation de DPC, il faudra bien alourdir l’enveloppe.

 

Six orientations nationales pour 2013

Arrêtées par le directeur général de l’offre de soins, Jean Debeaupuis, pour la ministre des Affaires sociales et de la santé, les six orientations nationales pour le DPC ont été publiées au Journal Officiel au début du mois. Pour chacune d’entre elles l’arrêté précise quels devront être les programmes de DPC proposés aux professionnels.

 

1 – CONTRIBUER À L’AMÉLIORATION DE LA PRISE EN CHARGE DES PATIENTS

Pour cette orientation, les programmes concerneront notamment « l’optimisation des stratégies diagnostiques et thérapeutiques dans les pathologies aiguës et chroniques », la « promotion du parcours de santé et de soins », la « promotion des actions de prévention et de dépistage ».

 2 – CONTRIBUER À L’AMÉLIORATION DE LA RELATION ENTRE PROFESSIONNELS DE SANTÉ ET PATIENTS

Favoriser le bon usage et l’observance des traitements, améliorer la prise en charge de la douleur et développer l’éducation thérapeutique du patient sont parmi les objectifs fixés pour les programmes afférant à cette orientation.

3 –  CONTRIBUER À L’IMPLICATION DES PROFESSIONNELS DE SANTÉ DANS LA QUALITÉ ET LA SÉCURITÉ DES SOINS AINSI QUE DANS LA GESTION DES RISQUES

Les programmes viseront à « améliorer la connaissance des enjeux de sécurité sanitaire et des procédures de déclarations d’événements indésirables » ou encore à « développer la culture de gestion des risques au sein des équipes (pluri)professionnelles, notamment à travers la démarche qualité et les procédures de certification ».

4 –  CONTRIBUER À L’AMÉLIORATION DES RELATIONS ENTRE PROFESSIONNELS DE SANTÉ ET AU TRAVAIL EN ÉQUIPES PLURIPROFESSIONNELLES

Pour cette orientations, les programmes de DPC concerneront « l’élaboration de référentiels et de coopération professionnelles », la « coordination de la prise en charge », les « coopération interprofessionnelles », la formation des maîtres de stage et tuteurs des étudiants, mais aussi le « développement des systèmes d’information et le dossier médical (DMP et dossier pharmaceutique) », la télémédecine, la « gestion économique et la maîtrise médicalisée des dépenses de santé ».

5 – CONTRIBUER À L’AMÉLIORATION DE LA SANTÉ ENVIRONNEMENTALE

Deux objectifs seulement pour les programmes de cette orientation : la « connaissance  par les professionnels de santé de données existantes sur les liens entre pathologies et facteurs environnementaux » et « les actions que peuvent mettre en place les professionnels de santé » inscrites dans le plan national de santé environnement 2009-2013 et le plan national de santé au travail 2010-2014.

6 –  CONTRIBUER À LA FORMATION PROFESSIONNELLE CONTINUE 

Les programmes se rapportant à cette orientation concernent l’univers du travail (économie et gestion de l’entreprise, bilan de compétences, validation des acquis ?…)

 

Le DPC en pratique

Le Développement Professionnel Continu comprend l’acquisition et l’approfondissement de connaissances et de compétences dans le cadre d’une formation médicale continue associée à une phase évaluative correspondant à une analyse des pratiques professionnelles. 

 

Pour être validant, un programme de DPC doit répondre aux règles suivantes :
– être conforme à une orientation nationale et/ou régionale de DPC ;
– être réalisé par un organisme DPC librement choisi par le professionnel de santé, enregistré auprès de l’organisme de gestion de DPC et validé par la Commission Scientifique Indépendante (CSI) ;
– associer deux actions, l’une cognitive de formation médicale, l’autre évaluative d’analyse des pratiques professionnelles ;
– être mis en œuvre selon une méthode et des modalités validées par la HAS après avis de la CSI ;
– satisfaire dans ce cadre, aux conditions qui permettent d’apprécier l’indépendance et la qualité du programme, d’une part, et la participation effective du professionnel de santé, d’autre part.

Les actions de formation comprennent les formations diplomantes, les réunions professionnelles et les formations à distance.

Les actions d’analyse des pratiques professionnelles peuvent prendre des formes variées, basées sur la comparaison à un référentiel tel l’audit clinique, sur la résolution des problèmes telle que l’on peut le montrer dans les revues de morbi-mortalité ou les groupes d’analyse de pratiques, sur la protocolisation des prises en charge (revue de concertation pluridisciplinaire), enfin sur le suivi d’indicateurs.

L’Union nationale de Formation et d’évaluation en médecine CardioVasculaire (UFCV), agréée pour la FPC par l’ancien CNFMC, et pour l’évaluation des pratiques professionnelles par la HAS, permet aux cardiologues de valider le DPC.

Le programme de 2013 offre aux cardiologues plusieurs possibilités :
– suivre une formation présentielle avec un audit de pratique avant et après la formation, suivie d’une conférence téléphonique de restitution des résultats ;
– valider un programme DPC en assistant à un programme non présentiel (audit suivi d’une formation non présentielle, d’un deuxième audit et d’une conférence téléphonique de restitution des résultats) ;
– réaliser son DPC en participant à un groupe d’analyse des pratiques entre pairs (GAP).

 

Arnaud Lazarus
« Des centaines d’organismes à évaluer d’ici l’été »

Membre titulaire de la Commission scientifique indépendante où il représente les cardiologues, Arnaud Lazarus estime qu’un certain retard dans le calendrier prévisionnel du DPC est inéluctable, mais il ne voit pas d’obstacle majeur à sa réalisation même si la question de son financement reste à résoudre.

La mise en œuvre du DPC vous semble-t-elle envisageable dans les délais prévus ?

Arnaud Lazarus : Tous les problèmes ne sont encore pas résolus à ce jour. Il y a eu des avancées suivies de reculs dans la constitution du dispositif, en particulier, la composition de la Commission scientifique indépendante a été modifiée, ce qui a entraîné un certain retard dans son travail. Dans les mois qui viennent, la CSI va devoir évaluer des centaines d’organismes, qui ont reçu des autorisations transitoires jusqu’à l’été. Pour les seuls médecins, ce sont quelque 500 organismes qui sont à évaluer. Cela représente un travail titanesque pour des gens qui travaillent en dehors de la CSI ! Il me semble difficile dans ces conditions de tenir le calendrier prévisionnel.

Le problème du financement du DPC n’est pas encore réglé ?

A. L. : C’est une autre grande inconnue. Beaucoup de questions persistent encore. La CSI est maintenant constitué à parité de deux sous-collèges spécialiste et généraliste. Les spécialistes sont davantage habitués à des congrès et symposiums financés par l’industrie pharmaceutique, tandis que les généralistes, qui ont fonctionné jusque là essentiellement avec la FPC, sont hostiles au financement de l’industrie dans la formation. Mais il faut un financement pour le DPC, et s’il vient de l’industrie sans que celle-ci exerce la moindre influence sur la formation – ce qui était le cas jusqu’à présent – ce peut être une excellente chose.
Je crois qu’il ne faut pas être dogmatique et s’enfermer dans le « zéro financement de l’industrie », mais être pragmatique : l’Etat est exsangue et ni de son côté, ni du côté des médecins, on ne trouvera l’argent nécessaire pour financer le DPC de tous les médecins. Les points de vue ne convergent pas encore tout à fait, mais il faudra s’entendre, et même si cela prend du temps, nous trouveront une solution.
Sans doute la mise en œuvre du DPC prendre-t-elle un peu de retard, mais en tout cas, je n’imagine absolument pas une remise en cause radicale du système, qui serait catastrophique pour les médecins.

Justement, quel est leur état d’esprit, selon vous, vis-à-vis du DPC ?

A. L. : Il ne faut pas se cacher qu’actuellement, un certain attentisme prévaut chez eux pour s’impliquer dans le DPC : ils ont été si souvent échaudés ces dernières années.
Mais depuis le temps que cette nouvelle obligation leur a été signifiée, les médecins l’ont acceptée et attendent qu’un vrai système se mette en place et fonctionne, qui ne soit pas remis en cause.