Les sénateurs souhaitent plus d’autonomie pour les ARS

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L’exercice des missions des ARS doit être simplifiée, notamment en termes de procédures.

La Mission d’Evaluation et de Contrôle de la Sécurité Sociale (MECSS) du Sénat a diffusé il y a peu son rapport complet sur les ARS dans lequel elle émet des recommandations pour en améliorer le fonctionnement.  

Tout d’abord, la mission d’évaluation estime que l’exercice des missions des ARS doit être simplifiée, notamment en termes de procédures, avec « une logique forte de subsidiarité et d’opérationnalité ». La MECSS considère que les ARS doivent disposer « de plus de moyens d’action sur les soins de ville, en particulier en termes financiers et qu’en vue de la future loi de santé », une réflexion doit donc être menée sur « la dichotomie persistante entre l’Etat et l’Assurance Maladie ». Elle propose de renforcer les moyens d’action des agences sur l’organisation des soins de ville. Pour ce faire, on pourrait évaluer, par exemple, la possibilité de dégager des enveloppes financières (hors tarifs et honoraires) à la disposition des ARS au sein des conventions entre l’Assurance Maladie et les professionnels de santé.

La MECSS préconise de consolider le Fonds d’Intervention Régional (FIR), en stabilisant son champ, en transférant la gestion des crédits de l’Assurance Maladie vers les agences et en lui donnant un cadre pluriannuel. Ce renforcement du pouvoir des ARS sur l’organisation des soins devrait s’accompagner d’une révision des modalités d’exercice de leurs missions « dans une logique d’accompagnement des acteurs plus que de contrôle ».

Un meilleur équilibre des pouvoirs doit être recherché

Ayant constaté lors de ses auditions que l’appréciation portée sur l’action de l’ARS dépend grandement de la personnalité de son directeur, la MECSS estime, pour s’extraire de cette logique, qu’ « un meilleur équilibre des pouvoirs doit être recherché » et que les décisions prises par l’agence doivent l’être de manière plus collégiale et apparaître comme telles.

Enfin, la MECSS sénatoriale pense qu’il faut tirer les conséquences de la création des ARS en réformant l’administration centrale, d’autant que les auditions ont mis en évidence des dysfonctionnements dans le pilotage national des politiques sanitaires et médico-sociales. Elle recommande de donner toute sa place à la subsidiarité en passant d’une logique de prescription et d’instruction à la fixation d’orientations stratégiques. Dans cet esprit, la MECSS estime que le Conseil National de Pilotage des ARS (CNP) « de filtre, doit aujourd’hui se transformer en catalyseur ».




Pour une refonte radicale de l’Assurance Maladie

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Le taux de couverture du patient n’a aucune influence sur la consommation de soins hospitaliers, mais il est particulièrement sensible à la couverture des soins ambulatoires. © Remzi

« Financé par une Assurance Maladie universelle offrant des remboursements partiels complétés par des assurances complémentaires, le système français est à la fois source d’inégalités et d’inefficacité. La politique menée actuellement vise à améliorer la couverture des citoyens par une extension de la couverture complémentaire, sans remettre en cause les acteurs de l’Assurance Maladie, ni leur périmètre d’intervention. Le design de l’Assurance Maladie est pensé indépendamment de la question du pilotage de l’offre de soins. » En gros, c’est le constat que dressent les trois économistes.

Des coûts de gestion élevés

De la mixité de notre système d’Assurance Maladie – Sécurité Sociale et complémentaires – découlent tous les maux.

En premier lieu, elle entraîne des coûts de gestions élevés : 7,2 milliards d’euros de frais de gestion pour les organismes relevant de la Sécurité Sociale, 6,2 milliards pour les organismes complémentaires « pour traiter deux fois les feuilles de soins ».

En second lieu, « les complémentaires couvrent les tickets modérateurs et beaucoup d’entre elles couvrent les dépassements d’honoraires, ce qui contribuent à alimenter l’augmentation de la dépense et des prix des soins ».

En outre, s’ajoute à cela « une dépense fiscale en faveur des contrats collectifs qui mutualisent les risques au niveau de l’entreprise ou de la branche, au détriment des jeunes, des chômeurs et des personnes âgées qui doivent payer une prime plus élevée pour accéder à une assurance complémentaire individuelle ».

Bref, bien que large, la couverture ne protège pas les individus contre le risque de restes à charge très élevés qui ne sont pas proportionnés à leurs moyens financiers.

Pour sortir des ravaudages inutiles du système, les trois économistes avancent donc quatre propositions. La première consiste à couvrir à 100 % les soins hospitaliers, à l’exception d’un forfait journalier ramené des 18 euros actuels à 8 euros. Les auteurs justifient cette mesure par le fait que les expériences américaines ont montré que le taux de couverture du patient n’a aucune influence sur la consommation de soins hospitaliers, « de ce fait, la maîtrise des dépenses de soins hospitaliers ne peut être obtenue par une participation des patients ». En revanche, « la dépense de soins ambulatoire est sensible à la couverture », et les économistes proposent donc de remplacer les tickets modérateurs et les participations par une franchise annuelle et un copaiement qui peuvent être fonction du revenu des patients, qui ne doivent pas être couverts par des assurances mais plafonnées.

La suppression du ticket modérateur à l’hôpital doit cependant s’accompagner de « mécanismes pour limiter la demande induite à l’hôpital : le dispositif doit être maîtrisé du côté de l’offre ». De même, en ambulatoire, « les offreurs doivent être responsabilisés sur le niveau de soins consommés et les dépassements d’honoraires ». Les auteurs recommandent donc que les financeurs de soins (ARS décentralisées ou assurances) puissent contractualiser avec les offreurs de soins. Du côté des assurances complémentaires, qui sont l’objet de la troisième proposition, les auteurs préconisent de « créer les conditions d’une véritable concurrence en définissant un contrat homogène que tout assureur devra offrir et en supprimant les distorsions liées aux exonérations sociales ». Et pour rompre avec la situation actuelle, dans laquelle les complémentaires « se voient présenter a posteriori une facture sur laquelle elles manquent d’information », il est proposé de les associer à la contractualisation en leur donnant accès aux informations nécessaires.

Mais à plus long terme, pour les trois économistes il faudrait « en finir avec un système mixte d’Assurance Maladie, en organisant un financement des soins unifié sur un mode public décentralisé ou sous la forme d’une concurrence régulée entre Caisses d’assurance ». « Sortir de la mixité de la couverture maladie est un objectif difficile à atteindre car il bouscule le paysage actuel où sont présents des acteurs publics et privés à l’assise historique importante. Cependant, le coût du statu quo nous semble suffisamment élevé pur inviter le décideur public à s’engager dans cette direction », concluent les économistes.

(*) Brigitte Dormont, université Paris Dauphine, membre du CAE ; Pierre-Yves Geoffard, Ecole d’économie de Paris, CNRS, EHESS ; Jean Tirole, Toulouse School of Economics, membre du CAE. Placé auprès du Premier ministre, le Conseil d’Analyse Economique a pour mission « d’éclairer par la confrontation des points de vue et des analyses, le choix du Gouvernement en matière économique ».



10 milliards d’économie – L’addition coup de bambou

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Les libéraux ont sous-réalisé pour la troisième année consécutive l’objectif qui leur était fixé. © JPC-PROD

Depuis qu’ils ont appris que la santé participerait à hauteur de 20 % au plan d’économies de 50 milliards d’euros annoncé par le Gouvernement, les professionnels de santé savent qu’ils ne vont pas vers des lendemains qui chantent… Ils tendent le dos, d’autant qu’on ne connaît toujours pas dans le détail l’ordonnance qui va être prescrite au monde de la santé pour réaliser 10 milliards d’euros d’économie d’ici à 2017. Les gouvernements successifs de ces dernières décennies ne nous ayant pas habitués à de grandes originalités en la matière, les quelques précisions données par la ministre de la Santé, Marisol Touraine, n’ont pas surpris.

Comme l’on pouvait s’y attendre, l’ONDAM fixé cette année à 2,4 %, baissera à 2,1 % l’année prochaine puis à 2 % en 2016 pour s’établir à 1,9 % en 2017. « Un effort sans précédent », commente la ministre. Les libéraux, qui pour la troisième année consécutive, ont sous-réalisé l’objectif qui leur était fixé, vont bientôt crier « grâce », d’autant qu’ils ne voient pour l’instant aucun « retour sur investissement ». « Il n’y a plus de marge d’économie possible sur la médecine de ville, il n’y a plus de gras, on attaque l’os », déclare le président de la CSMF, Jean-Paul Ortiz (voir entretien ci-contre).

L’hôpital sera mis à contribution à hauteur de 2 milliards d’euros. Selon Marisol Touraine, cela devrait être possible grâce à une meilleure gestion et à la mutualisation des achats ainsi qu’à la résorbsion du recours excessif aux médecins intérimaires, les « médecins mercenaires » dont le surcoût annuel représenterait 500 millions d’euros pour les hôpitaux.

La chasse aux « actes inutiles ou redondants » et à « la consommation de médicaments inadaptés » devrait rapporter 2,5 milliards d’euros. « Des mesures seront prises pour y remédier » a précisé la ministre, sans plus de détail. Par contre, Marisol Touraine a précisé que, pour « faciliter la qualité de la prescription », des listes de médicaments recommandés pour chaque spécialité seront instituées, reprenant ainsi une recommandation du rapport du Commissariat Général à la Stratégie et à la Prospective (CGSP).

Une réaction immédiate des syndicats

Inutile de dire que les syndicats ont réagi immédiatement à ce qu’ils considèrent comme une atteinte à leur liberté de prescription. Plus généralement d’ailleurs, ils n’apprécient guère le plan tel qu’il se dessine. La CSMF a fait ses comptes et « constate que la médecine de ville devra supporter 2,5 milliards d’euros pour la maîtrise via l’encadrement des prescriptions et l’hôpital public seulement 2 milliards d’euros ». On peut objecter qu’il est aussi demandé à l’hôpital de développer les interventions en ambulatoire de façon à économiser 1,5 milliard d’euros sur trois ans, dont près de 1 milliard pour la chirurgie ambulatoire, ce qui signifie qu’en 2016, une opération sur deux devrait avoir lieu en ambulatoire. D’accord, répondent les libéraux, qui se demandent cependant, à l’instar de la CSMF « où sont les moyens donnés à la médecine libérale pour assumer ce transfert d’activité des hôpitaux publics ».

Sans trop de surprise non plus, l’industrie pharmaceutique se voit mis à contribution : 3,5 milliards d’euros devront être économisés en trois ans «  en baissant le prix des médicaments et en favorisant les génériques », puisque « nous consommons trop de médicaments, trop de médicaments de marque et trop de médicaments chers », selon Marisol Touraine, qui cite dans le texte le rapport du CGSP (voir Le Cardiologue 371).

Sur les seuls génériques, le Gouvernement attend 1 milliard d’euros d’économies, ce qui sera possible à condition qu’ils représentent un quart du marché français en 2017. L’industrie pharmaceutique s’étrangle et dénonce « un plan de facilité, profondément inadapté aux enjeux, qui fait encore une fois porter tout l’effort sur le médicament » qui ne représente que 15 % des dépenses d’Assurance Maladie. Pour le Leem , ce plan est « un désaveu cinglant de la stratégie industrielle soutenue au plus haut niveau de l’Etat » et le Gouvernement « prend le risque d’assécher définitivement les considérables effets d’entraînement économique de ce secteur sur l’ensemble de l’économie du pays ».

Enfin, pour parvenir aux 10 milliards d’euros attendus, « le Gouvernement prendra des mesures de lutte contre la fraude » qu’il évalue apparemment à 1 milliard d’euros. Réfutant l’idée d’un système de santé « low cost », Marisol Touraine affirme que « les patients ne seront ni moins bien soignés ni moins bien remboursés ». Ce sont donc les professionnels seuls qui paieront la facture.




Lutte contre les refus de soins : les recommandations du Défenseur des droits

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Les situations de refus de soins sont nombreuses mais les signalements demeurent rares. © Remzi

En mars 2013, l’ex-Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, avait commandé au Défenseur des droits un rapport sur « les refus de soins opposés aux bénéficiaires de la Couverture  Maladie Universelle Complémentaire (CMU-C), de l’Aide à l’Acquisition d’une Complémentaire Santé (ACS) et de l’Aide Médicale de l’Etat (AME). » Dans sa demande d’avis, il affirmait vouloir « relancer une politique efficace en faveur de l’accès aux soins des personnes en situation de pauvreté et de précarité ». On ne sait s’il aura eu le temps d’en prendre connaissance, mais son successeur à Matignon pourra toujours faire bon usage des 12 propositions du Défenseur des droits pour améliorer l’accès au droit à la santé des personnes en situation de précarité ou vulnérables dont il estime qu’il « n’est pas encore acquis ». 

Certaines de ces propositions répondent à la nécessité de « mieux piloter et de restructurer le dispositif juridique de lutte contre les refus de soins illégaux ». Pour un meilleur pilotage, le défenseur des droits propose notamment  de compléter le code de la santé publique par « une typologie des principales situations caractérisant les refus de soins fondés sur le type de protection sociale ». Constatant que les procédures de signalement sont « complexes et inefficaces » et que « les situations de refus de soins sont nombreuses » mais que « les signalements demeurent rares », le Défenseur des droits demande que la Caisse Nationale d’Assurance Maladie des Travailleurs Salariés (CNAMTS) devrait mettre en place un dispositif de recensement des pratiques illégales de professionnels de santé (dépassements d’honoraires et refus de tiers payant) « afin qu’ils puissent faire l’objet d’une sanction prononcée par le directeur de l’organisme local d’Assurance Maladie ». Et pour aider la CNAMTS et les CPAM dans leurs tâches, des indicateurs sur la lutte contre le refus de soins pourraient être définis dans la Convention d’Objectifs et de Gestion (COG) pour la période 2014-2017.

Une campagne d’information sur les droits et devoirs

Concernant les victimes présumées de refus de soins, le Défenseur des droits estime qu’il faut les aider à faire valoir leurs droits. Cela suppose qu’ils les connaissent et le rapport préconise que le ministère de la Santé organise une campagne d’information sur les droits et devoirs des bénéficiaires, en partenariat avec l’Assurance Maladie, les ordres professionnels et les associations, afin de susciter une prise de conscience sur l’illégalité des refus de soins. Dans le même esprit, il est aussi recommandé que les victimes présumées puissent se faire accompagner et/ou représenter par une association dans les procédures de conciliation ou les recours en justice.

Pour garantir un traitement « effectif »  des plaintes, le Défenseur des droits propose de créer un « guichet unique » permettant de « mettre fin à l’absence de communication des signalements entre l’Assurance Maladie et les ordres ». Les ARS se verraient confié ce guichet unique et recueillerait les plaintes, les transmettraient aux caisses et aux ordres et suivraient leur instruction. Chaque année, le Conseil National de Pilotage des ARS remettrait un rapport au ministère de la Santé et au Défenseur des droits.

Une méconnaissance des dispositifs chez certains professionnels de santé

Le rapport insiste également sur le non-recours des personnes concernées aux divers dispositifs qui s’interdisent ainsi un accès aux droits auxquels ils sont pourtant éligibles. Ce taux de non-recours est de 20 % pour la CMU-C, de plus de 28 % pour le RSA et de 70 % pour les bénéficiaires potentiels de l’ACS. Pour remédier à cette situation, le Défenseur des droits préconise notamment d’ouvrir aux bénéficiaires du RSA  socle un accès automatique à la CMU-C et aux bénéficiaires de l’ASPA (l’ancien Minimum Vieillesse) l’accès automatique à l’ACS.

Constatant la méconnaissance de ces divers dispositifs chez certains professionnels de santé, le rapport propose la création de modules de formation et de sensibilisation sur les problématiques d’accès aux soins, de renoncement aux soins et de lutte contre les refus de soins. Enfin, il recommande l’implication des ordres professionnels de santé et de la CNAMTS, en partenariat avec le Défenseur des droits, dans la mise en œuvre de « testings » scientifiques réalisés par les prestataires indépendants.




Des outils pour vos patients – Le pilulier connecté

Un américain – AdhereTech – et un français – Medissimo – ont investi le créneau du pilulier connecté. Le concept est simple, si le patient ne prend pas sa pilule du jour, il sera rappelé à son bon souvenir et vos patients distraits vous en sauront gré.

AdhereTec1AdhereTech, la santé connectée

AdhereTech a imaginé une « smart pill bottle », autrement dit un petit flacon en plastique pour médicaments équipé de capteurs qui surveillent si le patient prend bien ses médicaments. Ce flacon vérifie le nombre de médicaments qu’il comporte et envoie les données en temps réel dans le cloud. Si le patient oublie de prendre sa dose de médicaments, un appel automatique ou un SMS lui rappelle de prendre leur dose prescrite habituelle.

L’intérêt principal est la configuration proche de zéro : pas de synchronisation ou de programmation. Cette petite machine se connecte comme un téléphone cellulaire. Les informations sont cryptées et les serveurs configurés pour des enregistrement anonymes, ce qui est le moins que l’on puisse faire…

 

Medissimo1Medissimo, le pilulier communiquant

Medissimo, a investit le même créneau qu’AdhereTech avec son pilulier communiquant. La start-up française a été récompensée en janvier dernier au CES de Las Vegas (1) pour son pilulier communiquant. Imedipac, c’est son nom, se présente sous la forme d’un semainier, avec des cases matin/midi/soir/coucher. Si l’utilisateur ne perce pas l’alvéole du lundi matin, Medissimo en est informé, et reçoit dans tous les cas l’heure de prise. Si une personne prend son traitement plus tard qu’elle ne le devrait, son médecin le saura à la fin du mois.

Imedipac se connecte à la plate-forme e-santé sécurisée de Medissimo. Le boîtier connecté est doté du GPRS, ce qui évite toute étape fastidieuse de configuration en wifi ou bluetooth (un bon point pour les allergiques à ces systèmes). Des signaux lumineux interpellent le patient lorsqu’il doit prendre un médicament. Imedipac permet aussi d’accompagner les patients lors de leurs voyages en se synchronisant automatiquement sur les fuseaux horaires. Lors d’une erreur de prise, plusieurs alvéoles se mettent à clignoter en association avec une alerte sonore. La plate-forme Medissimo en est informée, et si le patient l’a configuré sur l’espace web dédié, une alerte sera envoyée par email, SMS, et application mobile. Elle peut également déclencher une alerte téléphonique au patient, puis une alerte en cascade auprès du réseau d’aidants.

Imedipac devrait être commercialisé en fin d’année

 




Impéritie

Le rapport de l’IGAS sur la gestion du DPC a été enfin rendu public la semaine dernière. On peut comprendre le retard à sa divulgation quand on en analyse ses conclusions : la gouvernance du projet a été « désastreuse » en partie en raison de l’intrusion maladroite dans celle-ci du ministère. Le rapport pointe du doigt une évidence : il est impossible que l’obligation réglementaire de chaque professionnel de santé à un programme de DPC annuel soit respectée avec le budget alloué par les pouvoirs publics. Pour l’IGAS il manque au minimum 400 millions €. Cette évidence, affirmée dès les premières réunions des commissions de l’OGDPC, avait, semble-t-il, échappé à notre ministre. Le rapport note un autre  point d’achoppement : le refus de certains syndicats d’adhérer à la nouvelle architecture pour des raisons évidentes de perte de financement de leur activité syndicale. Le rapport précise clairement que tant que la vie syndicale  sera assurée, au moins en partie, par les fonds de la formation continue il n’y aura pas de solution satisfaisante à celle-ci. Il est malheureusement probable  que, une fois de plus, nous allons assister à un rafistolage pour maintenir le système en l’état. Une des pistes avancées est que l’obligation de formation devienne trisannuelle. Un seul programme de DPC tous les trois ans suffirait donc à assurer la mise à niveau des connaissances nécessaires pour la pratique médicale…

Pendant ce temps le ministère a présenté le calendrier des réunions sur  la coordination des soins dans le cadre de la stratégie nationale de santé. Quelle place sera réservée aux médecins spécialistes de proximité dans cette organisation où leur position est défendue par des syndicats polycatégoriels à la liberté de manœuvre limitée par ce caractère polyvalent ?

Les cardiologues vont devoir faire preuve d’une grande vigilance car ils sont directement concernés par la prise en charge des pathologies chroniques  les plus coûteuses pour la collectivité. Le poids de notre syndicat ne relève, outre la pugnacité de ses responsables, que de son niveau de syndicalisation. J’en appelle donc à chacun d’entre vous, vous avez déjà reçu (et vous recevrez des rappels prochainement) l’appel à cotisation 2014 de vos syndicats régionaux. Ce geste solidaire est indispensable à la défense de notre spécialité. Il est, de plus, à ce jour notre seule source pérenne de revenus pour assurer la défense et la place  de la cardiologie libérale, de même que l’abonnement à notre journal Le Cardiologue est aujourd’hui indispensable à sa survie. Seuls les combats que nous ne mènerons pas sont perdus d’avance.

Eric Perchicot




Interview – Jean-Paul Ortiz : « Il faut mettre l’hôpital à la maîtrise médicalisée »

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« Il n’y a plus de marge d’économie possible sur la médecine libérale. » © Pascal Wolff

Quel commentaire vous inspire la participation à hauteur de 10 milliards d’euros demandée par le Gouvernement à la santé ?

Jean-Paul Ortiz : A la CSMF, nous considérons que ce qui est fondamental c’est de « déshospitaliser » le pays en développant la chirurgie ambulatoire, en diminuant les durées de séjour, en évitant les hospitalisations inutiles, etc. L’objectif de Marisol Touraine, nous le partageons et nous sommes d’accord pour participer à cette évolution. Mais aujourd’hui, la médecine de ville a très largement accompli sa part de maîtrise des dépenses de santé : la médecine de ville a fait plus que respecter les ONDAM qui lui ont été fixés puisqu’elle les a même sous-exécutés ces trois dernières années. En 2013, la sous-exécution de l’ONDAM en ville s’élève à 800 millions d’euros.

Dans ces conditions, on ne peut plus envisager de demander encore plus d’efforts de maîtrise à la médecine de ville : il n’y a plus de marge d’économie possible sur la médecine libérale, il n’y a plus de gras, on attaque l’os ! En revanche, il y a des marges organisationnelles qui concernent l’hôpital. Mais pour participer à la diminution des recours à l’hôpital, la médecine de ville doit avoir les moyens de le faire.

Entre les intentions gouvernementales et les détails financiers, il y a des contradictions, il faut être cohérent dans la répartition des efforts d’économie demandés. Prenez l’exemple des génériques. C’est encore la médecine de ville qui en prescrit le plus ! Pourquoi si peu d’ordonnances de génériques sortent de l’hôpital ? Il faut identifier les prescripteurs hospitaliers et qu’ils participent à la maîtrise médicalisée au même titre que les médecins libéraux.

La CSMF revendique un C à 25 euros. Dans le contexte économique actuel, est-ce bien raisonnable ?

J.-P. O. : L’enjeu actuel et de renforcer la médecine de ville pour éviter les recours inutiles à l’hôpital. Or, nous constatons qu’en médecine générale, comme en médecine spécialisée d’ailleurs, nous avons de moins en moins de consultations « simples » et de plus en plus de consultations complexes, avec des polypathologies, les personnes âgées, des problèmes-médico-sociaux, etc. Tout cela requiert un temps médical et donc une revalorisation de l’acte de base, ridiculement tarifé à l’heure actuelle et une  hiérarchisation des consultations. Cette hiérarchisation a commencé avec des majorations pour certaines consultations, cela va dans le bon sens, mais il faut poursuivre. Elaborons des stratégies gagnant-gagnant.

Qu’envisagez-vous s’agissant de la revalorisation tarifaire des spécialistes ?

J.-P. O. : La CCAM clinique et la CCAM technique doivent être révisées, bien évidemment. Mais concernant plus spécifiquement les cardiologues, je pense aux actes de télémédecine que l’Assurance Maladie doit accepter de rémunérer correctement. La télésurveillance des porteurs de défibrillateurs ou de pacemakers représente des économies manifestes pour l’Assurance Maladie, alors, là encore, il faut trouver une solution qui soit gagnante pour chacun.

Par ailleurs, je suis particulièrement attentif au problème que rencontre les cardiologues en ce qui concerne les autorisations de matériels lourds et d’activités. Il y a actuellement une volonté de recentrage sur l’hôpital public qui s’appuie sur des bases strictement idéologiques. Mais nous allons nous battre !

La CSMF et – une fois n’est pas coutume – MG France s’opposent radicalement aux projets du président de la CARMF, Gérard Maudrux, concernant la retraite des médecins. Mais quel recours ont réellement les syndicats ?

J.-P. O. : Les mesures de réformes nécessaires n’ont pas été prises dans les années 90 mais les faits sont têtus et Gérard Maudrux est aujourd’hui rattrapé par la dure réalité. Il propose des modifications de la retraite complémentaire des médecins qui reviennent à décaler la retraite à taux plein au-delà de 66 ans, ce qui n’est pas acceptable. Les pouvoirs publics doivent s’impliquer dans cette affaire et prendre l’initiative de réunir autour d’une table l’ensemble des acteurs, Etat, caisses et syndicats, ce que nous réclamons depuis longtemps. Il faut réfléchir calmement au moyen de favoriser les conditions les moins défavorables pour les actifs et les retraités.

 




Controverse autour de la « retraite à la carte »

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© RG

La réforme adoptée par la CARMF concerne bien évidemment la retraite complémentaire. Rappelons que la retraite des médecins libéraux est composée de trois régime : le régime de base de la Sécurité Sociale, qui représente 20 % de la pension, le régime complémentaire (40 % de la pension) et l’ASV (36 % de la pension). Pour l’heure, l’âge légal de départ à la retraite est de 62 ans pour le régime de base, sous réserve d’avoir acquis le nombre de trimestres nécessaires. Pour la complémentaire et l’ASV, qui représentent donc 80 % de la pension, l’âge de la retraite est à 65 ans. En pratique, les médecins ne peuvent donc liquider leur retraite qu’à 65 ans, sous peine d’être pénalisé de 5 % par année anticipée dans la complémentaire et l’ASV.

La CARMF propose une retraite « à la carte » : les médecins pourraient prendre liquider leur retraite complémentaire dès 62 ans, mais minorée de 15 % par rapport à la retraite actuelle à 65 ans. En contrepartie, leur pension serait majorée de 5 % pour chaque année cotisée au-delà de 62 ans dans le régime complémentaire. Pour Gérard Maudrux, cette réforme avantage les médecins qui, pour l’instant, touchent 100 % de leur pension s’ils partent à 65 ans mais rien de plus s’ils continuent à exercer et qui ne touchent que 85 % de leur retraite s’ils la prennent à 62 ans. Avec la retraite « à la carte », un médecin touchera 85 % de l’actuel taux plein dès 62 ans, mais il touchera 5 % de plus par année travaillée au-delà, soit  + 15 % à 65 ans, + 25 % à 67 ans et + 3 % au-delà, comme dans le régime de base.

Un cache-cache arithmétique

Les syndicats ne l’entendent pas de cette oreille. La CSMF dénonce « le leurre de la retraite à la carte » et souligne que « quand on réduit de 15 % le montant de la retraite à 62 ans par rapport à 65 ans, pour l’augmenter ensuite de 5 % par année travaillée, mais sur ce montant réduit, on ne récupère pas à 65 ans les 15 % perdus ! Cette réalité arithmétique traduit bien le fait que la pension des médecins sera réduite dans tous les cas. A cela s’ajoutent le blocage jusqu’en 2023 du montant de la pension des retraités actuels et la désindexation de l’augmentation de la valeur du point de l’inflation ». MG France refuse aussi cette réforme : « A son arrivée à la tête de la CARMF, Gérard Maudrux a stoppé la réforme du régime complémentaire, initiée en 1996. Elle aurait pourtant permis d’éviter les difficultés de ce régime, qui est passé dans le rouge en 2014 et dont les réserves seront épuisées en 2031. A l’époque, la voie qu’il avait choisie était démagogique, avec un blocage beaucoup trop long du niveau des cotisations. Une nouvelle fois, les médecins vont devoir payer la note de cette démagogie ».
Si le SML a gardé le silence jusqu’à présent sur le sujet, la FMF, elle, « soutient la juste réforme du régime complémentaire proposée par nos représentants démocratiquement élus à la CARMF. Cette réforme permettra, grâce à des ajustements minimes sur les cotisations et les allocations, d’obtenir l’équilibre sur le long terme avec les seules cotisations des médecins ».

La balle est maintenant dans le camp des pouvoirs publics qui devront trancher. La CSMF « exige que la CARMF engage une vraie concertation avec l’ensemble des acteurs, en particulier les syndicats médicaux qui ont leur mot à dire, afin d’analyser la situation et d’envisager les différentes hypothèses permettant d’arrêter une solution raisonnable et préservant l’avenir de la retraite complémentaire de tous les médecins ».




DPC – Les réactions sur le rapport de l’IGAS

CSMF : « A DPC obligatoire, financement obligatoire »

La Confédération des Syndicats Médicaux Français se dit satisfaite d’un rapport qui confirme ce qu’elle « a dénoncé à de nombreuses reprises » : le « hold-up » des fonds de l’Assurance Maladie à la formation conventionnelle des médecins et « la rétention d’une partie du produit de la taxe sur l’industrie pharmaceutique, qui était pourtant intégralement dévolue à la formation des médecins » ; « l’insuffisance notoire de financement »  du DPC ; la mainmise de l’Etat sur le DPC ; et la « complexité du dispositif réglementaire issu de la loi Bachelot ». Ce constat fait, la CSMF « exige des améliorations immédiates du dispositif » et avance quatre revendications. Tout d’abord, elle réclame la restitution aux médecins de l’intégralité de la taxe sur l’industrie pharmaceutique et de leurs dotations conventionnelles. « Dès lors que le DPC est obligatoire, le financement du DPC est obligatoire ». Elle demande ensuite que les règles du jeu ne soient pas changées sans concertation et, en particulier, que « le montant actuel des forfaits permettant une formation de qualité » ne soit pas « une variable d’ajustement du sous-financement du dispositif ». La CSMF revendique « davantage de pouvoir aux professionnels de santé et à leurs organisations syndicales » dans la gouvernance du DPC et souhaite que l’accès du DPC soit « allégé » et que le dispositif d’inscription soit « considérablement simplifié ». « Sur ces bases, la CSMF appelle le Gouvernement, à réagir vite et dans le bon sens, sans brader la qualité et l’innovation des méthodes du DPC qui suscite un véritable intérêt chez les médecins libéraux ». 

SML : « Non à l’obligation de DPC sur trois ans »

Le Syndicat des Médecins Libéraux lui aussi « constate avec satisfaction » que de nombreuses remarques qu’il avait faites lors de la création du DPC sont reprises dans le rapport IGAS. Pour autant, « aucune des solutions proposées » ne satisfait le SML car elles ne prennent pas en compte « la résolution de l’ensemble des obstacles constatés depuis 2013 ». Le syndicat n’en privilégie donc aucune à ce jour « sans connaître préalablement les différentes modalités qui seront proposées ». Parmi les recommandations de l’IGAS, certaines ne vont d’ailleurs pas dans le bon sens pour le SML, notamment « l’obligation de DPC sur une période de trois ans, véritable signal fort de démobilisation pour les confrères » ou la réintégration de la formation des formateurs dans le montant du forfait de chaque médecin, « ce qui va à l’encontre de la capacité des organismes de DPC d’avoir des intervenants de qualité et bien formés ». Le SML réclame que le rapport de l’IGAS soit « suivi d’effets dans les meilleurs délais, après concertation sur les points de blocage persistants, afin de mettre un terme à l’instabilité de ce dispositif et d’en améliorer la lisibilité auprès des médecins libéraux ». 

Le SML insiste sur « le financement du dispositif totalement insuffisant » et « la simplification urgente des procédures » à mener pour ne pénaliser ni les médecins participant au DPC, ni les organismes de DPC.




DPC – Entretien Eric Perchicot

« Il faut régler le problème du financement des syndicats »

Pr Goëau-BrissonnièreLe président du SNSMCV estime que le problème du financement des syndicats pollue tout débat sur la formation professionnelle des médecins. 

Quelles réflexions vous inspire le rapport de l’IGAS ?

Eric Perchicot : C’est un rapport honnête et exhaustif, qui pointe des évidences pas inutiles à rappeler. Parmi celles-ci, le fait que le DPC obligatoire est prévu pour 200 000 médecins, mais que son budget ne permet qu’à 30 000 médecins tout au plus de satisfaire cette obligation.

A la suite de l’affaire Mediator, l’Etat a interdit à l’industrie pharmaceutique de financer des formations, mais il n’est pas allé au bout de cette logique en finançant le DPC ! De même, le rapport de l’IGAS revient sur le problème du financement des syndicats médicaux par la formation. C’est bien, mais décevant concernant la solution. Peut-être faudrait-il se pencher sérieusement sur le financement des syndicats. On sait bien qu’en l’absence de financement public, les syndicats se débrouillent pour le trouver ailleurs. Mieux vaudrait un financement clair que les manœuvres actuelles auxquelles doivent se livrer les syndicats pour leur financement.

Que pensez-vous de la proposition de rendre l’obligation de DPC trisannuelle ?

E. P. : Cela renvoie encore à l’insuffisance du budget du DPC : ou bien on étale l’obligation sur trois ans, ou on diminue les forfaits de façon à augmenter le nombre de médecins qui pourront se former, avec la même enveloppe.

 




DPC – Entretien Olivier Goëau-Brissonière

« Ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain »

Pr Goëau-BrissonnièrePour le président de la Fédération des Spécialités Médicales (FSM), si des adaptations s’imposent, une remise en cause radicale du DPC risquerait de démobiliser les professionnels de santé de plus en plus nombreux à adhérer au dispositif.

Le rapport de l’IGAS est assez sévère à l’égard du dispositif de DPC. Qu’en pensez-vous ?

Olivier Goëau-Brissonière : Je dirais qu’il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain. Le DPC est en train de se mettre en place avec une appropriation progressive par les professionnels, tant libéraux qu’hospitaliers. Ce rapport résulte d’auditions de diverses personnes, de diverses professions ayant forcément des intérêts divergents. En ce qui concerne les médecins, je soutiens que nous sommes en train de mettre en place quelque chose de satisfaisant, que nous allons faire évoluer. La CSI des médecins travaille, ayant à traiter un nombre de dossiers très important. Le rapport égratigne également des manquements dans les déclarations d’intérêt. Je tiens à préciser que tous les spécialistes ont effectué cette déclaration et qu’aucun d’entre eux n’est en situation de conflit d’intérêt. C’est un bon rapport, mais dont les conclusions sont sévères et tranchées, et politiquement peu « vendables ». Beaucoup de professionnels sont entrés dans le dispositif du DPC ; nous allons développer de nouveaux modes de formation, l’e-learning, les registres, etc. On ne peut pas réduire le DPC à la santé publique, comme le suggère l’un des scénarios proposés par l’IGAS.

Justement, parmi les quatre scénarios de réforme pour le DPC avancés par l’IGAS, laquelle a votre préférence ?

O. G-B. : La quatrième, qui consiste à supprimer l’OGDPC et l’obligation de DPC pour revenir à une obligation déontologique fait l’unanimité des professionnels contre elle. La première est la plus acceptable. Je pense en effet que l’on va s’orienter vers des ajustements nécessaires pour avoir un dispositif univoque pour les libéraux et les hospitaliers. Il faut un même système pour tous les médecins et réfléchir sur les aspects financiers. Actuellement, le système de forfait favorise l’effet d’aubaine, avec des prix qui peuvent être gonflés. Je pense qu’il faut aller vers des programmes qui ne soient plus financés par des forfaits mais à coûts réels avec des plafonds. La FSM milite pour cela.




DPC – Entretien Francis Dujarric 

« Un contrôle des programmes a posteriori s’impose »

Le président de la section des représentants de CNP de spécialité proposés par la FSM au sein de la CSI des médecins estime que l’Ordre doit organiser les sanctions pour manquement à l’obligation de DPC

Que vous inspire le rapport de l’IGAS sur le DPC ?

Francis Dujarric : Ce rapport ne devait concerner au départ que l’OGDPC et son fonctionnement. Je constate qu’il absout l’OGDPC, qui n’est en rien responsable du retard pris dans le déploiement du DPC et pointe davantage la responsabilité ministérielle en la matière. Quant au fonctionnement du dispositif de DPC, il semble évident qu’il ne soit pas encore parfait. Il faut bien voir que nous sommes passés d’une sorte d’entre soi de quelques formations agréées à un système qui doit permettre à tous les professionnels de santé de trouver une offre de programme satisfaisant son obligation annuelle. On ne peut pas appliquer les mêmes règles de surveillance pour quelques dizaines d’organismes à plusieurs milliers.

Le rapport égratigne la qualité de l’évaluation préalable des organismes par les CSI et pointe l’absence de contrôle a posteriori. Ces critiques vous semblent-elles justifiées ?

F. D. : Le contrôle a posteriori n’est toujours pas mis en place, effectivement, et nous sommes les premiers à le déplorer. C’est une nécessité évidente (voir Le Cardiologue 367). Quant à la qualité des évaluations initiales, elle doit certes être améliorée et nous nous y employons. A ce jour, nous avons refusé environ la moitié des dossiers que nous avons examinés. Certes, un dossier peut être rejeté pour des arguments administratifs, ce qui ne constitue certes pas un critère qualitatif. Mais je rappelle que cette évaluation dépend d’une grille qui nous a été fournie par le ministère. D’autres aspects doivent être améliorés. Ainsi, il n’y a aucune sanction pour le non-respect de l’obligation de DPC. On aimerait voir l’Ordre se mettre en ordre de marche pour mettre en place des sanctions. Une autre critique de l’IGAS porte sur l’absence de contenu de certaines formations, mais les textes instaurant le dispositif de DPC ne disent rien du contenu quantitatif des programmes. A la CSI, nous voyons effectivement passer des programmes très différents les uns des autres de ce point de vue et il ne faudrait pas aboutir à des différences trop flagrantes. S’il est impératif de garder une diversité des programmes, sans doute conviendrait-il déterminer un contenu quantitatif minimal pour l’ensemble des programmes.

 




Mots patients, mots passants

generisches buch 1C’est bien volontiers que nous nous faisons ici l’écho du dernier ouvrage publié par le Dr Robert Haïat.

On ne présente pas Robert Haïat à des cardiologues, tant est grande la notoriété de ses nombreux écrits sur les grandes études cliniques ou thérapeutiques et les recommandations en cardiologie.

Cardiologue, ancien chef de service de l’hôpital de Saint-Germain en Laye, Robert Haïat est aussi l’un des rédacteurs les plus éminents du Cardiologue, ses « Best of  des grands essais » sont attendus chaque année avec impatience par la population cardiologique, ils ont d’ailleurs valu à notre journal de recevoir le grand prix de la presse spécialisée en 2012.

Cette fois, l’auteur ne s’intéresse pas aux grandes innovations cliniques ou médicamenteuses  en médecine cardiovasculaire ; pour autant, on peut dire qu’il s’agit tout de même d’un livre « médical » puisqu’il concerne les patients.

En fait, Robert Haïat a réalisé ce que la plupart d’entre nous a rêvé de faire un jour ou l’autre au fil de ses consultations : il a soigneusement consigné les réflexions pertinentes ou moins pertinentes dont chacun peut être le témoin lors du « colloque singulier » qui fort heureusement permet encore au cardiologue clinicien de discuter avec son patient.

Comme il le précise très justement dans son avant-propos, « le huis clos d’un cabinet médical est souvent propice à la libération de la parole ».

Quelques exemples :

« Vous avez été soigné aux corticoïdes ? 

Non, docteur, aux Franciscaines »

Cela ne s’invente pas.

Ou encore :

« Ce jour-là, je n’avais pas la pêche pour aller à la chasse »

Et puis :

« Docteur, quand j’arrête de fumer, je grossis et quand je grossis je fume ; moi, vous le savez, c’est la graisse et le tabac ».

Et cette dernière qui a dû laisser l’auteur bien perplexe :

« Depuis que vous m’avez prescrit ce traitement, je n’ai plus eu d’arythmie ; mais, d’ailleurs, je n’en avais jamais eu auparavant ».

 

Au total, un florilège de phrases, expressions, réflexions plus cocasses les uns que les autres et parfois dépourvues de tout sens logique mais qui, ainsi que le souligne l’auteur, « n’ont pas toujours la légèreté qu’elles sembleraient avoir ».

A consommer sans modération.

 

Mots patients, mots passants

Auteur : Robert Haïat

Editeur : Editions Glyphe

Pagination : 120 pages

Prix public : 12,00 €




Château du Champ des Treilles 2011

vigneNe le celons pas, les prix des grands Bordeaux rejoignent actuellement la fantasmagorie ! Pour preuve : Angélus 2009 352 €, Cheval Blanc 2011 560 €, Lafitte 2011 572 €, Mouton 2010 791 €, Pétrus 2006 1 980 € ! Pas de méprise, ces prix hallucinants ne s’appliquent pas à une caisse de 6, mais à UNE bouteille ! Quel Français peut encore s’offrir de tels joyaux éphémères ? Certainement pas un cardiologue…

Heureusement, il est encore possible de déguster d’excellents « petits » Bordeaux aux alentours de 12 euros, tel le Champ des Treilles, beau domaine situé au sud de Sainte-Foy-la-Grande.

C’est en 1998 que, délaissant l’industrie agro-alimentaire, Corinne Comme reprend avec son époux, Jean-Michel, directeur technique du cru classé de Pauillac, Pontet-Canet, la petite exploitation familiale comptant maintenant 10 ha de vignes. La biodynamie s’est imposée à Corinne comme la meilleure solution pour le respect de la vie des sols, de la nature des cycles et de la santé des humains. C’est un retour au « bon sens » qui lui a permis de bannir tout geste inutile ou violent comme l’écimage, l’effeuillage ou les vendanges vertes. Ne cédant pas à la tentation du « tout-merlot », elle a aussi misé sur le petit verdot très à l’aise sur ses sols argilo-calcaires. Depuis 12 ans, l’accent est mis sur l’augmentation de densité de plantation, pour atteindre 10 000 pieds/ha en taille Guyot simple et double à l’instar des grands crus médocains que connaît bien Jean-Michel. Cette conduite, plus onéreuse, améliore la colonisation racinaire, la répartition des grappes et leur exposition au soleil. Le sol enherbé est labouré et décavaillonné, pour retourner la terre et éviter les herbicides.

L’agriculture biologique et biodynamique exclut évidemment tout intrant chimique. Si nécessaire, une fumure organique, des traitements à base de tisanes de plantes contribuent à améliorer la vie du sol.

Les raisins, récoltés manuellement à belle maturité en cagettes, passent sur la table de tri dès leur arrivée au chai. Les moûts fermentent spontanément en cuve inox grâce aux levures naturelles du raisin. Chaque parcelle est vinifiée séparément, les schémas de vinification étant adaptés à chaque terroir, afin d’exprimer au mieux leurs propres spécificités. Après la fin de la malo-lactique, le vin est soutiré et élevé 12 mois en fûts de chênes français. Comme à la vigne, toute action violente est bannie dans le chai, les extractions s’opérant tout en douceur. L’assemblage du Grand Vin du Champ des Treilles comporte 63 % de merlot,
20 % de cabernet franc, 9 % de cabernet sauvignon, 8 % de petit verdot.

Livré sur une robe brillante grenat sombre, paré de beaux reflets pourpres, ce Château des Treilles 2011 exhale au nez un bouquet aromatique intense très merlot de fruits noirs : cassis, mûre, griotte. Cette corbeille de fruits est soulignée par des flaveurs d’épices : cannelle, coriandre, menthe poivrée, de truffe et de réglisse qui se succèdent en une folle farandole. En bouche, la fraîcheur, la finesse, la douceur dominent avec beaucoup de suavité, de velouté grâce à une structure tannique fine, mais serrée sur un beau fil d’acidité. La finale est longue et persistante sur des notes de fruits noirs, auxquelles viennent s’ajouter des senteurs de terre chaude, de caillou frotté et de bois exotiques, en regrettant peut-être un peu de sécheresse terminale.

Ce vin encore jeune évoque les parfums d’une prairie en fin d’été, sur laquelle le crépuscule tombe doucement, qui se transforment dans un verger rempli de fruits pleins de couleurs, annonçant ainsi un beau potentiel de garde.

Avec sa finesse si particulière, ce vin de Sainte-Foy Bordeaux est un excellent compagnon pour une cuisine à son image délicate et raffinée. Un rumsteck saignant sauce Choron grosses pommes frites, une souris d’agneau confite aux épices douces, tagines de légumes, un carré de veau au soja, endives aux zestes d’orange amère lui feront fête, tout comme les classiques cèpes à la bordelaise. Je lui ai personnellement présenté une cuisse de pintade farcie qu’il a gaillardement escortée. De façon plus originale, il s’accordera avec certaines préparations marines : blanquette ou navarin de la mer, praires farcies, risotto de crevettes au curry.

N’acceptons pas la frénésie des prix des seigneurs bordelais et suivons Corinne C. qui aime ses vignes, et mieux leur fait confiance. Elles le lui rendent bien, engendrant des vins particuliers peut-être, mais sans maquillage, et qui laissent parler le terroir.

Château du Champ des Treilles 2011
Sainte-Foy Bordeaux 33220 Margueron



Votre nouvelle vie algorithmée

iPad BetteriseLa prévention est l’avenir de la médecine et du bien-être des hommes. C’est d’après ce simple constat que la start-up Betterise va prochainement lancer une application qui sera disponible sur le web et via des applications mobiles. L’un des fondateurs n’est autre que Michel Cymes, médecin et animateur de télévision.

 Notre vie quotidienne est constituée de multiples habitudes dont certaines portent atteinte à notre bien-être, sans que l’on en prenne vraiment conscience. Bettterise a pour vocation d’agir sur les petits gestes que nous reproduisons jour après jour pour réduire ceux qui pourraient être préjudiciables au bien-être, tout en sensibilisant et motivant au développement de ceux qui sont bénéfiques.

Grâce à son algorithme comportemental unique, Betterise adresse des conseils et des outils de manière ultrapersonnalisée en fonction du profil, des habitudes, des envies, des besoins…

Ce programme que nous n’avons pas encore essayé est extrêmement fourni. Hormis le classique carnet de notes pour relever toutes vos données, l’application mesure l’ensemble des données et interprète les comportements. Classiquement, un coach vous accompagne et conseille au quotidien (activité, nutrition, sommeil). L’algorithme gère également la gestion des humeurs et la prévention du stress. Il s’en prend également  à vos addictions afin de les réduire.

Enfin, un tableau de bord dédié vous permet de bien cerner ce qui va – et ne va pas – chez vous et d’y remédier.

Dans un premier temps, Betterise sera proposée aux entreprises afin de leur permettre, en améliorant la santé et le bien-être de leurs salariés, de lutter contre les phénomènes d’absentéisme et de présentéisme, d’augmenter leur productivité tout en améliorant leur image. Betterise est ainsi basée sur un modèle économique d’abonnement, pris en charge par chaque entreprise, par salarié et par an.




Un quart des PH a suivi un programme DPC en 2013, selon l’ANFH

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60 % des PH interrogés ignoraient tout du dispositif de DPC. © Endostock

L’année dernière, l’ANFH a donc recensé 18  623 programmes de DPC suivis par 11 500 médecins, 1 386 pharmaciens et 77 odontologistes, soit 24 % des personnels médicaux hospitaliers des établissements adhérents. Le coût moyen par programme s’élève à 703 euros, une moitié de cette somme rémunérant les frais pédagogiques, l’autre moitié se répartissant à parts égales entre le remboursement des frais de déplacement, d’hébergement et de remplacement des médecins. Une partie des fonds mutualisés a servi à financer 179 programmes à destination des Professionnels médicaux à Diplôme Hors Union Européenne (PADHUE) sur décision du Conseil de DPC Médical Hospitalier (CDPCMH).

Rappelons que plus de la moitié (55 %) des 920 établissements publics de santé avaient choisi de passer par l’ANFH pour gérer le financement du DPC de leurs praticiens. Ces 511 établissements adhérents représentent environ 50 000 praticiens. Les adhérents à l’ANHF, les établissements peuvent bénéficier d’une partie de la taxe imposée à l’industrie pharmaceutique pour financer le DPC en sus des cotisations historiques des établissements, soit 0,5 % de la masse salariale dans les CHU et 0,75 % dans les centres hospitaliers.

Cette année, 71 nouveaux hôpitaux, dont trois CHU, ont décidé d’adhérer à l’ANFH. Ce donc à présent 66 % des établissements publics de santé qui sont adhérents de l’ANFH pour le DPC de plus de 62 000 médecins, pharmaciens et odontologistes.

Le pourcentage relativement faible des praticiens ayant suivi un programme DPC en 2013 est peut-être à mettre en relation avec les résultats d’une enquête réalisée par la Confédération des Praticiens Hospitaliers (CPH) et Avenir hospitalier et qui montraient que 60 % des PH interrogés ignoraient tout du dispositif de DPC et que 70 % n’avaient pas été informés par leur établissement (Le Cardiologue 365).




DPC : Le sévère état des lieux de l’IGAS

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© Diego Cervo

«Au terme de ses investigations, la mission conclut à l’existence de nombreux dysfonctionnements dans la mise en œuvre du Développement Professionnel Continu. Ces ratés ne révèlent cependant pas de manquements graves, a fortiori de fautes, de la part de l’OGDPC. La conception même de la réforme est en cause ainsi que la conduite de son application. »

Selon les auteurs (1) du rapport, l’analyse de la réforme fait apparaître « plusieurs vices de conception. Ainsi, « l’obligation de formation n’a pas de contenu précis : ni le volume d’heures, ni le contenu de la formation ne font l’objet de prescription ». L’absence d’organisation de la sanction du manquement à l’obligation constitue un autre « vice ». Enfin, « les aléas budgétaires qui affectent la construction des budgets de l’OGDPC ne donnent aucune assurance qu’il sera possible de financer le coût d’un DPC généralisé à tous les effectifs de l’ensemble des professions ».

Viennent ensuite, « quelques mauvais réglages » constatés par l’IGAS. Parmi ceux-ci, la procédure d’évaluation des organismes de DPC par les Commissions Scientifiques Indépendantes (CSI) qui « n’apporte pas toute garantie de qualité » et l’absence de contrôles a posteriori des organismes.

« La conduite de projet a été défectueuse. Dans un cadre juridique contraint par des textes qui empiètent sur la marge de gestion nécessaire, les remises en cause de règles édictées après “arbitrage” politique, les délais trop serrés, le choix technique hasardeux d’un recours exclusif à l’informatique, ont mis sous une pression exclusive l’OGDPC », tranche sévèrement le rapport, qui exonère donc l’organisme gestionnaire, dont « la responsabilité apparaît limitée », pour mieux dénoncer un pilotage confus dû à l’omniprésence de l’Etat. Enfin, l’IGAS constate qu’« une carapace de scepticisme entoure cette réforme dont beaucoup considèrent qu’elle échouera ». Aussi la mission recommande-t-elle impérativement un « travail de concertation approfondie » en préalable à toute modification du dispositif. « La concertation doit s’étendre à l’élaboration des textes afin que la réforme s’élabore sans ambiguïté et recueille la meilleure adhésion des acteurs », préconise-t-elle.

Mais quelle réforme apporter au dispositif de DPC ? L’IGAS propose quatre scénarios possibles. Le premier consiste « à maintenir le système actuel en en corrigeant les dysfonctionnements ». Il faudrait notamment consolider le financement du DPC, assortir l’obligation d’un « jeu de sanctions réelles » en cas de manquement. La mission propose également « d’alléger la gouvernance et de garantir une concurrence loyale entre organismes de formation ». Dans le second scénario, les missions de l’OGDPC seraient recentrées sur la formation interprofessionnelle et les priorités de santé publique et tout ce qui a trait aux formations de DPC propre à chaque profession ou secteur d’activité relèverait des organismes gestionnaires spécifiques (ANFH, OPCA et FAF). Dans le troisième scénario proposé par l’IGAS, le DPC serait circoncis « à un socle de connaissance à actualiser que détermine le professionnel après évaluation de sa pratique », socle qui serait à acquérir auprès d’organismes ayant été évalués. Quant au quatrième scénario, il est radical, puisqu’il « consiste en l’application de droit commun de la formation continue : de légale, l’obligation redevient déontologique, l’OGDPC est supprimé et les fonds publics sont convertis en incitations, notamment dans le cadre des conventions avec l’Assurance Maladie ». Des incitations qui pourraient prendre la forme de points supplémentaires dans le cadre de la ROSP ou d’une majoration du C pour les médecins justifiant de leur engagement dans le DPC.

Il revient à présent à Marisol Touraine de trancher entre les quatre scénarios. Mais si elle dispose du rapport de l’IGAS pour éclairer sa décision, elle connaît aussi le souhait de la majorité des professionnels qui, après quinze ans d’errance de leur formation continue de réforme en réforme, vivraient très mal une nouvelle remise en cause radicale. Les syndicats médicaux ont réagi dès la sortie du rapport : ils demandent que soient apportées rapidement des modifications au dispositif de DPC allant dans le sens de sa simplification et d’une augmentation de son financement. Sur ce dernier point, toute la concertation du monde n’aboutira sans doute pas à leur complète satisfaction…

(1) Bertrand Deumie, Philippe Georges, membres de l’IGAS ; Jean-Philippe Natali, interne de santé publique, stagiaire à l’IGAS.

 




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Un tiers des cliniques MCO déficitaires en 2012

En 2012, un tiers des cliniques ayant une activité MCO était en déficit. C’est ce qui ressort d’une récente étude de la Direction de la Recherche, des Etudes, de l’Evaluation et des Statistiques (DREES). Si le pourcentage des cliniques en déficit reste « globalement stable » cette année-là, celui des cliniques MCO enregistre une légère hausse, passant de 32 % à 33 %, tandis que ce pourcentage diminue pour les cliniques de soins de suite et réadaptation (SSR) et de psychiatrie.

Concernant la rentabilité, les cliniques MCO sont également celles qui enregistrent la plus forte baisse. Dans l’ensemble, leur rentabilité nette a baissé de 0,7 point par rapport à 2011 pour représenter 1,9 % de leur chiffre d’affaires. La rentabilité nette des cliniques MCO pluridisciplinaires, qui représentent les trois quarts du chiffre d’affaires des cliniques MCO, est passée de 2,1 % en 2011 à 1,1 % en 2012. Celle des cliniques spécialisées (20 % du CA) a baissé de 1,7 % à 0,6 % dans le même temps.

De même « en deux ans, le résultat d’exploitation des cliniques MCO a baissé d’un point  et est estimé à 2,6 % » indique la DREES, précisant que ce niveau « est légèrement plus bas que celui observé en 2008 ». La capacité d’autofinancement restée « relativement stable » (environ 4 % du CA) pour l’ensemble des établissements privés, diminue également dans les cliniques MCO passant de 3,9 % à 3,7 % entre 2011 et 2012.

Enfin, si les cliniques MCO enregistre une hausse, c’est celle de leur endettement qui représente en 2012 45 % des capitaux permanents, tandis que l’endettement des cliniques SSR et de psychiatrie « continue de baisser, à respectivement 41,4 % et 25,9 % ».




Le Gattamelata

La statue équestre en bronze du Gattamelata trône sur un piédestal, sur la piazza del Santo à Padoue devant la basilique de Saint Antoine. A l’origine, ce lieu entouré d’une enceinte était un cimetière, une œuvre de Donatello réalisée entre 1446 et 1450, en fait le monument funéraire du Condottiere Erasmo da Narmi appelé le Gattamelata. 

Donatello, un sculpteur de bronze reconnu

Donato Bardi, dit Donatello, né à Florence probablement en 1386/1387, fit ses premières armes dans l’atelier de Lorenzo Ghiberti (1) en participant à la réalisation des vantaux en bronze de la porte nord du Baptistère St Jean, un pendant à celles datant de 1336 de Nicolas Pisano.

Il est remarqué dès 1406, pour la qualité de ses travaux à la Cathédrale Santa Maria Del Fiore. Les sculptures des statues en marbre pour l’église d’Orsanmichele (2) (Saint Marc 1411-1413, Saint Georges,  la plus importante de ses œuvres de jeunesse, en 1416-1417) lui permettent d’accéder aux grands chantiers de la sculpture florentine. En 1423, pour une niche extérieure d’Orsanmichele, il conçoit sa première grande sculpture en bronze doré, le Saint-Louis de Toulouse (3). Lorenzo Ghiberti avait conçu, également pour Orsanmichele un Saint Jean Baptiste monumental, en bronze, dont la hauteur atteignait 2,55 m. Le Saint Louis de Toulouse  prouve le niveau technique auquel était parvenu Donatello dans l’art de la fonte du bronze. Réalisés en plusieurs morceaux ceux-ci après dorure ont été remontés en débutant par le bas de façon à ce que chaque partie se superpose à la précédente. Reconnu comme sculpteur de bronze, il reçoit de nombreuses commandes. Citons un monument funéraire pour l’antipape Jean XXIII alliant marbre et bronze doré (Il s’allie alors avec Michelozzo, un expert florentin de fonte du bronze), pour l’opéra del Duomo de Sienne le festin d’Hérode, la foi et, en 1430, le fameux  David nu placé au départ dans la cour du palais Medici Riccardi, aujourd’hui au musée du Bargello

Pour notre sujet, il est intéressant de noter qu’il fit alors un voyage à Rome en 1432-1433 où il n’a pas manqué de voir la fameuse statue équestre en bronze de Marc Aurèle.

De 1443 à 1453, il effectue un long séjour à Padoue, où il exécute plusieurs œuvres pour la basilique de Saint-Antoine : un immense crucifix puis un ensemble appelé autel du Santo, également en bronze comptant en tout 29 sculptures et bas-reliefs dont le miracle de la mule (4). Parallèlement, il travaille à la conception de la statue équestre du Gattamelata, au moment où il est au faît de son art. Donatello meurt à Florence le 13 décembre 1466.

Gattamelata, le chat rusé, un condottiere

Erasmo da Narni dit le Gattamelata, né en 1370 à Narni en Ombrie, est mort le 16 janvier 1443 à Padoue. Il fut l’un des condottieri les plus célèbres, avec Francesco Sforza, Alfonse d’Este, Federico de Montefeltro. L’Italie, depuis 1200 environ, est un assemblage de villes-états indépendantes se faisant mutuellement la guerre pour la conquête ou la défense de leur territoire et de leurs prérogatives commerciales. Ces cités font régulièrement appel aux condottieri, chefs de soldats mercenaires, ainsi le Gattamelata a servi successivement le pape, Florence et Venise, lors de combats contre les Visconti de Milan.

Padoue, un grand lieu de pèlerinage

Padoue fut, à partir du siècle IV avant J.C., le plus important centre des Vénètes, puis l’une des villes les plus prospères de l’Empire Romain.  Entièrement détruite par les Lombards en 602, elle renaît progressivement de ses cendres et devient au XIIe siècle une libre commune.  Au cours du Moyen Age, Padoue devient un grand centre universitaire et de pèlerinage. Fondée depuis 1222, l’université de Padoue attire les étudiants de l’Europe entière. La basilique Saint-Antoine, construite entre 1232 et 1300 dans un style de transition romano-gothique, abrite le tombeau de Saint Antoine, un moine franciscain né en 1195 et mort à l’âge de 36 ans, objet d’une grande vénération.

Elle connut l’apogée de sa puissance politique grâce à la Seigneurie de la Famille Da Carrara (1338-1404), une période de grande prospérité économique et artistique. Sous  la domination de la république de Venise depuis 1405, elle reste malgré tout un grand centre artistique comme en témoigne notamment les œuvres conservées à l’intérieur de la basilique.

La Statue du Condottiere

La statue équestre du Gattamelata, une commande du fils de ce dernier, a été érigée en 1453.

Cette statue équestre colossale (H 340 x l 390) est la première œuvre en bronze de cette importance réalisée depuis celle de Marc Aurèle à Rome et le premier monument consacré à un condottiere. Une telle réalisation demande non seulement une somme d’argent considérable mais exige également une haute technicité dans l’art de la fonte.

Cette statue en ronde de bosse était située à l’origine dans un cimetière en plein air et destinée à être vue sur tous les angles. Si la hauteur du piédestal rend impossible de voir nombre de détails, le Gattamelata était visible de loin et s’imposait à tout pèlerin venant à la basilique Saint Antoine…

1/ Lorenzo Ghiberti (1378-1455) : Ghiberti remporte le concours organisé par la corporation des marchands en 1401 (sacrifice d’Isaac) pour la réalisation des vantaux  en bronze de la porte nord du baptistère Saint Jean ; cette date marque, par convention, le début de la Renaissance en Italie. Sept concurrents étaient en liste dont Brunelleschi. 
2/ Orsanmichele : l’église Orsanmichele (1337) était l’un des carrefours commerciaux religieux les plus importants de Florence, proche de la place du Palazzo Vecchio. 
3/ Saint-Louis de Toulouse (H 2,85, l 1,10, pr 0,80 m) : né en 1274 à Brignoles mort en 1297 à l’âge de 23ans, fils de Charles II d’Anjou et de Marie de Hongrie, ordonné évêque de Toulouse en 1296 et canonisé en 1317. 
4/ Le miracle de la mule montre la virtuosité de Donatello à manier la perspective mise en pratique par Brunelleschi dés 1420. La scène raconte un des miracles de Saint-Antoine de Padoue : en réponse à un hérétique l’ayant bravé en lui disant qu’il croirait en Dieu quand sa mule le ferait également, Antoine présenta à la bête une hostie qui la fait docilement s’agenouiller devant l’autel de l’église.
 
Bibliographie[1] Charles Avery. La sculpture florentine de la Renaissance. Livre de poche 1970.

[2] Marc Bormand, Béatrice Paolozzi Strozzi. Le printemps de la Renaissance, la sculpture et les arts à Florence 1400-1460 Catalogue d’exposition. Edition du Louvre 2013.

[3] Gaeta Bertela. Donatello Edition Beccoci. Firenze. 1984.

[4] Neville Rowley. Donatello. La Renaissance de la sculpture. Edition A propos. 2013.

[5] F. Bacou, F. Baratte et coll. Les Chevaux de St Marc. Le Petit Journal 1981.

[6] Richard Truner. La Renaissance à Florence. Flammarion « Tout l’art ». 1997.




Les cardiomyopathies hypertrophiques

Anomalies mitrales et cardiomyopathie hypertrophique
J.-F. Aviérinos. Marseille

L’alcoolisation septale : les indications,les contre-indications, les avantages et les limites
M.-C. Malergue. Paris

Cardiomyopathie Hypertrophique Obstructive : maladie du septum interventriculaire, de la valve mitrale ou des deux ? Chirurgie selon l’analyse physiopathologique
F. Dulguerov, C. Alexandrescu, G. Dreyfus. Monaco

 

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