Bandol « Château Pradeaux » 1999 – 83270 Saint-Cyr-sur Mer

Les restanques, longues terrasses de pierre sèche, édifiées depuis des siècles, protègent et bonifient le sol, pédologie mosaïque, constituée de grés, calcaire, marne sableuse. Les brises marines assurant au degré hygrométrique satisfaisant, le mistral, un environnement phyto-sanitaire favorable fournissent au cépage roi de Bandol, le mourvèdre, des conditions de maturation idéales par une parfaite adéquation entre composantes naturelles du terroir et exigences édaphiques de ce cépage fragile, à la maturation longue et tardive, très sensible à la pourriture.

Ainsi, outre ses paysages d’une beauté féerique (ne manquez pas le panorama sur la Méditerranée à partir du caveau Pibarnon), Bandol nous offre des vins rouges pleins, puissants, équilibrés grâce à la qualité du mourvèdre, mais aussi du fait d’une réglementation draconienne : vignes de 7 ans minimum, vendanges strictement manuelles, rendement maximal de 40 hl/ha, vieillissement d’au moins 18 mois en fûts ou foudre de chêne, interdiction de la chaptalisation.

Des domaines prestigieux

Bandol s’honore de plusieurs domaines prestigieux : Pibarnon, Tempier, Vannières, mais ma préférence va, sans hésitation, vers le Château Pradeaux qui produit des vins de garde magistraux.

Le Château Pradeaux est produit par des ceps cinquantenaires avec des rendements très faibles de 30 hl/ha comportant 95 % de mourvèdre et une pincée de 5 % de grenache. Le travail de la vigne est essentiellement manuel, l’excellent état sanitaire permet de limiter les interventions à l’introduction de soufre et de sulfate de cuivre. La vinification est traditionnelle : foulage léger, sans éraflage, fermentation en cuve ciment thermorégulée pendant 12 jours, séparation des jus de presse et de goutte pour la fermentation malo-lactique, élevage pendant 3 ou 4 jours en foudre de chêne patiné en conservant intégralement la rafle, pas de collage, ni de filtration. Ce parti pris de ne pas érafl er explique la longévité des cuvées, mais aussi le caractère du vin dans les premières années : ingrat avec une structure dure, austère, revêche, il ne va s’affiner qu’avec le temps, mais avec quelle puissance et harmonie !

Le Château Pradeaux 1999 est une bouteille magnifique, d’une robe carmin profond, teintée de nuances cuivrées exhalant des arômes de fruits noirs, de poivre, de havane avec des notes caractéristiques des grands mourvèdres : pruneau, olive noire, cuir. Il tapisse la bouche de ses parfums iodés et de tanins très mûrs, veloutés, puissants, mais restant d’une exquise finesse. En aveugle, j’affirmerai qu’il s’agit d’un grand Bordeaux, peut-être d’un Haut-Brion.

Les accords culinaires avec ce vin puissant aux arômes complexes sont riches. Le mariage princier se fera avec une daube provençale aux olives noires qui se fond parfaitement avec les arômes du Bandol. Un lapin aux pruneaux, un caneton aux olives ou aux raisins, un ossobucco tomaté procureront les mêmes plaisirs. La puissance du vin domptera facilement un cabri ou un sanglier. Vous pouvez, originalement, le confronter à la cuisine orientale : un canard laqué pékinois, une pastilla au pigeon. Le Bandol ne redoute pas, au contraire des Côtes de Nuits, les saveurs relevées des fromages affinés de Bourgogne : époisse, citeaux.

Certains critiques estiment que les récents millésimes de Château Pradeaux n’atteignent pas le niveau de ceux du passé, vins plus faibles, moins profonds, plus extraits qu’auparavant. Ne les ayant pas dégusté, je ne peux juger…

Mais si vous pouvez dénicher des millésimes 1990, 1995 ou 2001, n’hésitez pas, ils sont grandioses ! ●

LE DOMAINE

Le domaine fut créé en 1752 par le comte Jean-Marie-Etienne Portalis corédacteur du code civil et négociateur du Concordat. Il connut bien des vicissitudes : dévasté par la Révolution de 1789, détruit par le phylloxéra au XIXe siècle, puis, à nouveau, par les bombardements de l’Occupation, il fut réhabilité par la comtesse Arlette Portalis à la fi n de la guerre. C’est elle qui se dévoua, sans compter, dans la conduite du domaine familial lui assurant, par une vinification particulière du mourvèdre, sa typicité actuelle avant de le confier, en 1985, à son héritier Cyrille.