Les faits marquants 2011

348 – Convention : la « révolution » du P4P _ Grande première dans la vie conventionnelle : pour la première fois, les trois principaux syndicats, la CSMF, le SML et MG France ont signé en juillet une nouvelle convention. La FMF l’ayant signé en décembre, jamais convention n’aura réuni autant de signataires ! Convention de rigueur, les revalorisations y sont rares : pour la première fois depuis que le système conventionnel existe, le texte ne prévoit aucune revalorisation du C des généralistes, et les spécialités cliniques, à quelques exceptions près, devront encore attendre. La vraie nouveauté du texte, c’est l’instauration de la rémunération à la performance inspirée du P4P anglo-saxon – une généralisation du CAPI en quelque sorte – qui concerne pleinement, dans un premier temps, les seuls généralistes. Mais les spécialistes entreront progressivement dans le dispositif, et les cardiologues devraient être les premiers à inaugurer ce nouveau mode de rémunération, dont le principe est d’inciter financièrement les médecins à respecter les recommandations et bonnes pratiques en vigueur.

ASV : ça va faire mal ! _ Les syndicats signataires de la dernière convention en avaient fait un préalable aux négociations. Ils ont obtenu gain de cause et la réforme de l’ASV est entrée en vigueur le 1er janvier dernier. Mais le sauvetage va coûter chers aux médecins. Egale pour tous, et d’un montant actuel de 4 140 euros, la cotisation forfaitaire va augmenter de 17 % à partir du 1er juillet 2012 et sur quatre ans. Ainsi, un médecin de secteur 1 qui paie actuellement 1 380 euros (un tiers de la cotisation) en paiera 1 617 en 2017, et un praticien de secteur 2 qui paie aujourd’hui 4 140 euros en paiera 4 850 à cette date. En 2017, la cotisation forfaitaire sera revalorisée en fonction du revenu moyen des médecins libéraux. La cotisation proportionnelle « d’ajustement » est proportionnelle aux revenus, et son assiette est limitée à cinq fois le plafond annuel de la Sécurité Sociale (176 760 euros). Elle passera de 0,25 % des revenus l’année prochaine 2,80 % en 2017. Le nombre des points de retraite obtenus au titre de l’ASV reste fixé à 27 points, mais la valeur du point va diminuer progressivement les trois prochaines années, passant de 15,55 euros en 2012 à 14 euros en 2015. Sa revalorisation n’est prévue qu’à partir de 2020. Opposée à cette réforme, la CARMF a demandé à être déchargée de la gestion de l’ASV.

RCP : une réforme satisfaisante, mais il faudra payer… _ Fin décembre, les députés ont adopté dans sa version définitive la création d’un fonds de garantie pour les sinistres élevés des professionnels de santé opérationnel depuis le 1er janvier 2012. Le fonds de garantie, alimenté par une cotisation de tous les professionnels et auxiliaires médicaux libéraux, prendra en charge les indemnités supérieures à 8 millions d’euros accordées aux victimes de dommages consécutifs à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins dispensés par des professionnels de santé libéraux et relevant de l’aléa thérapeutique ou de la responsabilité sans faute. Le seuil de 8 millions d’euros qui ne figure pas dans la loi sera précisé par décret. Il correspond à la garantie la plus élevée actuellement proposée par les assurances en Responsabilité Civile Professionnelle (RCP).

La cotisation de chaque professionnel sera de 15 à 25 euros en fonction de sa rémunération et de son niveau de risque. Cette contribution sera perçue par les organismes d’assurance et sera reversée au fonds dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat.

La pose de valves aortiques percutanées confirmée par la HAS _ Des arrêtés de 2009 autorisaient la pratique de cette intervention dans 33 centres habilités et son remboursement dans le cadre du GHS 1522 pour une période de deux ans, jusqu’au 31 décembre dernier. Au total, 3 400 patients ont été implantés conformément aux bonnes pratiques, les centres ont rempli leurs missions et 96 % des patients ont été suivis. Après évaluation de cette expérimentation, la Haute Autorité de Santé, qui a félicité la profession pour la qualité du registre France II, a donné son feu vert pour la poursuite de cette activité. Martine Gilard, professeur de cardiologie à l’hôpital de Brest et coresponsable, avec le Dr Lascar, du registre France II, juge l’évaluation de la HAS sur l’implantation de valves aortiques transcutanées « plutôt positive ». Le Dr Thierry Lefèvre, cardiologue interventionnel à l’hôpital privé Jacques Cartier de Massy-Palaiseau, et président du Groupe Athérome coronaire et Cardiologie Interventionnelle (GACI) de la Société Française de Cardiologie (SFC) se montre plus réservé quant aux conditions édictées par la HAS pour la pose des valves aortiques percutanées (Le Cardiologue n°346).

L’affaire Médiator _ Depuis le très sombre épisode du sang contaminé, la France n’avait plus connu une affaire provoquant une telle onde de choc et mettant les pouvoirs publics en demeure de légiférer pour restaurer la confiance des Français dans un système de sécurité sanitaire mis à mal. Etats généraux du médicament, rapports d’experts et missions parlementaires ont débouché sur un projet de loi renforçant la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé. Le texte définitif a été adopté par l’Assemblée nationale, qui a eu le dernier mot après l’échec de la Commission mixte paritaire pour cause de Sénat passé à gauche l’année dernière… En instaurant la transparence à tous les étages, la nouvelle loi instaure un Sunshine Act à la française.

Lent démarrage du DMP _ En janvier, le DMP devient en théorie accessible dans toute la France pour les professionnels de santé munis d’une carte CPS et d’un logiciel métier « DMP compatible », via le portail national dmp.gouv.fr. L’objectif affiché était la création de 2 millions de DMP en 2011. Mais compte tenu des « incertitudes » sur le déploiement et, en particulier, sur le rythme auquel les éditeurs seront en mesure d’équiper les médecins avec des logiciels DMP compatibles, Jean-Yves Robin, le directeur général de l’Asip-Santé, faisait montre de réalisme lors du lancement : « Nous préférons de loin 500 000 DMP qui remplissent pleinement leur fonction que 2 millions de DMP pour l’affichage ». Reste que le site @ du DMP n’affiche aucun nombre à ce jour…

Le ratage du secteur optionnel _ Faute d’un accord entre les syndicats médicaux, l’UNCAM et l’UNOCAM, le ministre du Travail, de l’Emploi et de la Santé, Xavier Bertrand, a opté pour le passage en force en introduisant dans le PLFSS l’obligation pour les organismes complémentaires de prendre en charge le secteur optionnel dans les contrats responsables pour les seuls spécialistes en chirurgie, anesthésie-réanimation et obstétrique de secteur 2. Un passage en force qui ne satisfait ni les complémentaires santé, ni les médecins libéraux. Dans ces conditions, le nouveau secteur ne risque pas d’attirer beaucoup de praticiens, et le problème des dépassements d’honoraires et d’accès aux soins qu’ils suscitent de rester un problème à résoudre…

Un Nobel français _ Le prix Nobel de physiologie et médecine 2011 a été décerné à trois spécialistes de l’immunologie, l’américain Bruce Beutler, le canadien Ralph Steinman et le français Jules Hoffmann. Agé de 70 ans, luxembourgeois de naissance, Jules Hoffmann a étudié et fait toute sa carrière en France où il a dirigé l’institut de biologie moléculaire et cellulaire à l’université de Strasbourg. « Les lauréats ont révolutionné notre compréhension du système immunitaire en découvrant des principes clés de son activation », a indiqué la Fondation Nobel.

La loi Fourcade raccourcie par les Sages _ En août, les Sages du Palais Royal censurent partiellement 4 articles et 36 totalement des 65 articles de la loi Fourcade modifiant la loi HPST adoptée par le Parlement en juillet. Disparaissent ainsi les dispositions concernant la RCP, mais qui seront reprises dans le PLFSS (voir ci-dessus). Restent quelques motifs de satisfaction dans la loi Fourcade pour les médecins libéraux. Ainsi l’obligation de déclaration de congés à l’Ordre disparaît, comme disparaissent les pénalités prévues par le contrat santé solidarité, et qui menaçaient les médecins des zones dites surdotées refusant d’aller aider ponctuellement leurs confrères des zones déficitaires. Et l’un des articles relatifs aux ARS inscrit dans la loi sur la non-opposabilité des Sros ambulatoires aux médecins libéraux, comme ils le souhaitaient.

Retrait de deux recommandations par la HAS _ Après la requête en annulation déposée devant le Conseil d’Etat par l’association Formindep au motif de conflit d’intérêts de certains experts ayant participé à leur élaboration, la HAS retire la recommandation sur le diabète de type 2 et celle sur la maladie d’Alzheimer. C’est parce que les recommandations de la HAS s’intègrent à l’obligation déontologique du médecin qu’elles constituent nécessairement une norme réglementaire qui « fait grief », selon le Conseil d’Etat, dont l’avis rend les recommandations juridiquement opposables.

Crise économique _ La France a commencé l’année au chevet d’une Grèce anéantie et acculée à un régime de rigueur dont on ne sait si elle s’en remettra, et dans le club de plus en plus fermé des pays « 4 étoiles ». Sous la menace d’en sortir, et sur fond de croissance en berne (1 %), le Gouvernement a élaboré un premier plan de rigueur budgétaire, puis un second, encore plus strict. Dans la foulée, le PLFSS 2012 a mis le monde de la santé à la diète : établi à 2,8 % dans première mouture, l’Ondam a été ramené à 2,5 % et pour les cinq ans à venir. « Compte tenu d’une évolution tendancielle, en l’absence de toute mesure, légèrement supérieure à 4 %, cela signifie un effort d’économie de plus de 2,5 milliards d’euros chaque année », précise le rapport annexé au PLFSS adopté par les députés. Des économies qui seront « justement réparties entre efforts de maîtrise médicalisée des dépenses de soins de ville, baisse des coûts des médicaments par le développement des génériques et l’action sur les prix des produits, amélioration de l’efficience hospitalière et convergence tarifaire : les mesures viseront prioritairement à renforcer l’efficacité et la performance du système de soins. » Les recettes sont connues, qui sont appliquées depuis des années pour contenir le déficit croissant de l’Assurance Maladie. Mais suffiront-elles si crise, s’installe durablement ? L’économiste Claude Le Pen avance des hypothèses pour une équation à une inconnue, mais de taille : combien de temps durera la crise et à quand la reprise ? ■

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