Crémant de Limoux Brut Résilience 2008 (Alain Cavaillès 11300 Magrie)

Dès 1531, les moines de l’abbaye de Saint- Hilaire, à quelques kilomètres de Limoux, s’aperçurent que le vin blanc qu’ils avaient mis en bouteilles bouchées de liège, formaient des bulles : la Blanquette de Limoux venait de naître et est donc considérée comme un des plus anciens vins mousseux, puisque, n’en déplaise aux Champenois, il semble démontré qu’à la suite d’un pèlerinage dans cette abbaye bénédictine, fin XVIe siècle, Dom Pérignon expérimenta à Hautvillers sur les vins de Champagne la méthode limouxine.

Le vignoble de Limoux, sub-division du vignoble languedocien, à l’ouest des Corbières, présente une combinaison de terres argilocalcaires caillouteuses, influencées par la Méditerranée et les Pyrénées, procurant un ensoleillement important et une pluviométrie suffi sante. Ce climat est résolument favorable à la production de blancs réputés. Mais ce vignoble a la particularité unique dans le Languedoc de produire des vins effervescents qui conjuguent Blanquette et Crémant de Limoux.

La Blanquette doit sa typicité au cépage mauzac (Blanquet en occitan qui illustre les petites pointes blanches sur les feuilles de la vigne) et qui constitue jusqu’à 90 % du vin. Elle est, le plus souvent, élaborée selon la méthode traditionnelle champenoise, où l’ajout d’une liqueur de tirage provoque une deuxième fermentation dans le flacon (voir Le Cardiologue n° 327) ; mais les mêmes viticulteurs proposent, en parallèle, des Blanquettes de Limoux méthode ancestrale, où la fermentation est ralentie par refroidissement dans la cuve et repart de façon naturelle dans la bouteille ; ces vins titrent péniblement 7 ° d’alcool.

De la noblesse dans les cépages _ Le Crémant, lui, privilégie les cépages nobles : Chardonnay, Chenin qui ne peuvent dépasser 90 % de l’assemblage, pour la cuvée Résilience d’Alain Cavaillès : 50 % de chardonnay, 40 % de chenin, 10 % de pinot noir. Il est élaboré selon la méthode champenoise. Son vieillissement dure au mois 15 mois, alors que la Blanquette peut être commercialisée au bout de 9 mois. A noter que la cuvée Résilience est très faiblement dosée à 4 g de sucre : ce qui la classerait en Champagne dans les extra-bruts.

Alain Cavaillès est installé depuis 1996 dans la vallée de Magrie au coeur du terroir d’Autan considéré comme l’excellence de l’appellation. Les vignes, au départ épuisées, ont été revigorées par l’agriculture biologique, avec l’obsession de conserver le sol en vie par labourage et apport de matières organiques. Les vendanges sont manuelles en caissettes de 30 kg. La dénomination de sa cuvée vedette Résilience illustre parfaitement sa philosophie : « capacité d’un écosystème à retrouver un fonctionnement normal, après avoir subi des attaques et des dommages ». Mais le vigneron outrepasse largement la nouvelle réglementation européenne sur les vins bio : « Pas d’agriculture bio sans vinification bio, réduction des doses de sulfites, pas de collages agressifs, filtration uniquement si nécessaire, pas d’utilisation systématique du froid, vinification en plein air, pour que le vin suive le cycle naturel des saisons », clame-t-il.

D’une brillante robe jaune pâle, rehaussée de reflets dorés, ce Crémant Résilience dévoile des bulles abondantes très fines, teintées d’élégance. Il exprime des arômes de fleurs blanches, aubépine, chèvrefeuille, de fruits délicats, mandarine, pêche blanche, associés à de subtiles notes de toast grillé signant le cépage chardonnay. La bouche nerveuse et minérale est bien équilibrée. Peut-être pourrait- on regretter un certain manque d’ampleur et de longueur.

Sa vivacité et sa fraîcheur, sa faible sucrosité en font typiquement un vin d’apéritif, ouvrant celui-ci, sans empâter la bouche, ni charger la digestion. Il concurrencera, ainsi, nombre de champagnes de modeste qualité. Il se dégustera avec des petits toasts salés, des réductions à base de poissons fumés, et notamment du saumon cru ou mariné. Il peut aussi accompagner, de façon originale, des poissons grillés, mais, au contraire des champagnes de gastronomie, je ne conseillerai pas de le servir pendant tout un repas.

Un vin, conclut Alain Cavaillès, est plus qu’un liquide « sympa » à consommer, il a un potentiel évocateur, il est en simultané vecteur d’émotion et de mémoire. ■

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