Alain Cribier, un cardiologue visionnaire 

Les membres du Syndicat national des cardiologues sont profondément attristés par le décès du Pr Alain Cribier, cardiologue, humaniste, chercheur et innovateur de réputation internationale. Ils souhaitent particulièrement saluer la mémoire d’un pionnier à travers quelques éléments clefs de son parcours.
L’innovation majeure

À Alain Cribier, on doit la mise en pratique d’un concept « il est possible d’implanter une prothèse valvulaire cardiaque par voie percutanée ». Pour valider opérationnellement ce concept, il a fallu une trentaine d’années, une obsession et surmonter quelques échecs et de nombreuses déconvenues.

L’obsession

Traiter le rétrécissement valvulaire aortique par voie percutanée et consacrer la majeure partie de sa réflexion et de ses recherches à ce sujet. En un mot, ne pas s’éparpiller, ne pas publier des milliers d’articles, juste ceux qui font avancer son objectif scientifique.

L’échec

Après avoir mis au point la dilatation au ballon de la valve aortique par voie percutanée dont le premier cas fut effectué en 1985, devoir constater que ce ne pouvait pas être la bonne solution du fait de la récidive précoce de la sténose valvulaire atteignant 80 % à 1 an.

Ne pas renoncer et analyser les causes de l’échec

C’est l’immense mérite d’Alain Cribier. Et ainsi, envisager une approche innovante développée en parallèle et de façon embryonnaire par de rares équipes mais pas pour le rétrécissement valvulaire aortique. Puisque la valvuloplastie percutanée a démontré qu’il est possible d’élargir le chenal d’une valve aortique rétrécie et calcifiée, pourquoi ne pas parfaire le résultat en implantant une prothèse valvulaire qui tiendrait à la paroi grâce à un système équivalent au stent ?

On imagine l’ébullition intellectuelle à chaque nouvelle réflexion qui semblait apporter la réponse attendue.

On imagine aussi le parcours du combattant comme le fait de pouvoir trouver les partenaires industriels volontaires alors que beaucoup considéraient que l’échec de la dilatation sonnait le glas des interventions percutanées sur la valve aortique et que l’implantation d’un stent valvulaire était « la chose la plus stupide jamais entendue » tant les obstacles paraissaient insurmontables.

Mais quand même, créer l’outil, l’améliorer, faire en sorte qu’il respecte les ostia coronaires, le septum, la valve mitrale…, comprendre ce qui devait marcher et ce qui ne marchait pas, expérimenter sur le cadavre et chez l’animal.

Puis enfin, passer à l’application humaine le 16 avril 2002 dans un cas de choc cardiogénique et apporter la preuve que cela est faisable et bénéfique.

Poursuivre encore et toujours

Participer à l’évaluation, à l’amélioration, à la formation et voir son enfant grandir et le concept s’appliquer à d’autres valves cardiaques. Voir la technique utilisée chez des millions de patients dans le monde, évitant la chirurgie et avec un bénéfice équivalent, modifiant la pratique et les indications. Voilà ce qui s’appelle un parcours de médecin et d’humaniste.

A Alain Cribier qui a créé une voie pour le présent et le futur de la cardiologie, les membres du SNC rendent un hommage sincère.

Pour le SNC, François Diévart

© CHU-Hopitaux de Rouen

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