Anticancéreux : Comment endiguer leur coût prohibitif

On soigne de mieux en mieux les cancers mais à un prix qui commence à poser un sérieux problème qui était au centre d’une récente réunion organisé au Sénat par Unicancer R&D et ses partenaires et au cours de laquelle le président de la HAS, Jean-Luc Harousseau, a esquissé des solutions possibles.

Trouver le juste prix entre l’innovation thérapeutique, la R&D et le retour sur investissement. © Benis Arapovic
Trouver le juste prix entre l’innovation thérapeutique, la R&D et le retour sur investissement. © Benis Arapovic

Devant l’inflation observée depuis quelques années, le problème du coût des anticancéreux devient criant, surtout dans le contexte d’un Objectif National des Dépenses d’Assurance Maladie (ONDAM) qui se réduit comme peau de chagrin. Comment faire pour ne pas compromettre l’accès des malades aux anticancéreux innovants sans faire exploser l’Assurance Maladie déjà déficitaire, sans en arriver à des mesures radicales de rationnement comme au Royaume-Uni où la Cancer Drugs Fund a décidé récemment le déremboursement de 17 anticancéreux.

Les chiffres donnent effectivement le vertige. Ainsi, dans le cancer du poumon Non A Petites Cellules (NAPC), « l’impact budgétaire sera très important », a souligné Jean-Luc Harousseau, le président de la Haute Autorité de Santé (HAS), avançant le chiffre de 3 milliards d’euros pour ce cancer très fréquent. Il a été possible de respecter l’ONDAM tant qu’il était à 2 % ou 2 % grâce à des efforts de l’industrie pharmaceutique, des baisses de prix et des déremboursements, a-t-il expliqué en substance.

Mais avec un ONDAM à 1,75 % et qui va rester sous la barre 2 %, dans les années à venir, « nous ne pourrons plus faire des économies. Ce ne sera pas soutenable et il en va de la pérennité du système français. Tous les médecins, y compris les cancérologues, vont devoir faire des efforts sur les prescriptions pas efficientes, ni pertinentes », estime Jean-Luc Harousseau pour qui la solution se trouve sans doute dans un juste prix pour l’innovation thérapeutique. « Certains prix sont déraisonnables et ne sont pas expliqués. Même si l’on sait que la R&D coûte cher et que certains recherchent un retour sur investissement rapide en raison de la compétition, les prix sont trop élevés », estime le président de la HAS qui plaide pour « plus de lisibilité sur les prix décidés par l’industrie pharmaceutique ».

Plusieurs pistes à l’étude

Rappelant l’introduction en France de l’évaluation médico-économique pour les médicaments qui auront un impact significatif sur les dépenses d’Assurance Maladie, Jean-Luc Harousseau estime qu’il existe plusieurs pistes pour éviter les restrictions d’outre-Manche. Ainsi le système des prix conditionnels ou « risk sharing », pratiqués en Angleterre et en Italie, qui consiste à accorder un prix à un laboratoire qui doit ensuite démontrer que le bénéfice a bien été apporté.

Une autre piste est celle des prix au parcours de soins pour ne pas cumuler les coûts des nouveaux médicaments qui seront prescrits en association. Difficile à réaliser en France où les registres sont insuffisants, reconnaît Jean-Luc Harousseau, qui suggère cependant d’effectuer « des expérimentations pour une maladie donnée à un stade donné ».

En outre, aux critères actuels de fixation des prix des médicaments, il préconise d’ajouter le critère de durée du traitement. Il explique qu’on détermine un prix par rapport à la situation de prescription immédiate comme pour Glivec (imatinib, Novartis) qui a été comparé à une greffe de moelle osseuse « alors que les patients le prennent maintenant pendant 10 ans et cela fait boule de neige entre les nouveaux patients et ceux cumulés d’année en année, alors que le prix n’a pas beaucoup baissé ».

Enfin, prenant l’exemple de l’anti-VHC Sovaldi dont le remboursement intervient à un certain stade de la maladie (F2), Jean-Luc Harousseau propose d’entamer une réflexion pour donner un anticancéreux aux malades qui en ont vraiment besoin, ce qui suppose d’avoir des marqueurs permettant d’identifier les patients qui en tireront un réel bénéfice. « On a vraiment besoin de savoir quels sont les malades qui en auront besoin car si on les donne à tout le monde, il y aura des restrictions et on dira à un moment pas plus de 5 000 malades par an, et cela se traduira par des pertes de chances, prévient le président de la HAS. Ce qui compte, c’est de donner accès au meilleur traitement à tous ceux qui en ont besoin. »

L’entreprise n’est pas aisée mais l’enjeu est de taille, d’autant que ce qui concerne la cancérologie concerne déjà ou concernera demain d’autres spécialités.