Avons-nous sabordé les URPS ?

Début avril 2021, nous avons élu nos représentants aux Unions Régionales des Professionnels de Santé (URPS). L’abstention a été d’environ 77 % versus 56 % en 2015.

Pour certains, cette abstention record s’explique par le mode de scrutin électronique durant une période difficile liée à la Covid.  Mais alors, comment expliquer que l’abstention était deux fois moins importante pour les mêmes élections chez les pharmaciens ? Soyons pragmatiques, si les médecins n’ont pas pris cinq minutes pour voter, c’est qu’ils ne voient pas l’intérêt, ni des URPS médecins, ni des syndicats dits représentatifs.

Pourquoi ce désamour de l’URPS ? Malgré l’implication réelle des médecins élus depuis plus de dix ans, nous ne voyons que très peu d’actions concrètes sur le terrain de cette structure qui ne joue pas son rôle de contre-pouvoir face aux Agences Régionales de Santé (ARS) et n’est pas un interlocuteur efficient pour améliorer l’offre de soin libérale.

Pourquoi ne pas donner des voix aux syndicats ? Le problème n’est pas tant le nombre de syndicats qui augmente mais leur faiblesse, adossée à des programmes quasi identiques, et des revendications souvent en décalage avec la réalité du terrain. Comment encore s’opposer frontalement à la délégation de tâches, alors que nous sommes tous noyés par le travail, avec des délais de rendez-vous qui s’allongent dans toutes les spécialités et qu’il y a 5,5 millions de français qui n’ont pas de médecin traitant ? Il ne s’agit pas de dire oui à toutes les délégations de tâches mais de co-construire avec les infirmiers, les pharmaciens, les kinésithérapeutes et autres professionnels pour améliorer la prise en charge des patients. Devant l’absence de débat entre médecins et de concertation avec les autres professionnels, le gouvernement en profite déjà pour imposer seul les tâches médicales délégables et détricoter le métier de médecin.

Quelles sont les conséquences de cette abstention ?

– Sur le plan local, les médecins ne légitimant plus les URPS, les ARS risquent de se tourner vers de nouveaux acteurs locaux comme les Communautés Professionnelles Territoriales de Santé (CPTS), qui sont des structures complexes, technocratiques et non politiques, dont l’adhésion deviendra quasi obligatoire pour le médecin libéral sous peine de ne plus avoir de revalorisation tarifaire.

– Sur le plan national, le rôle des Conseils Nationaux Professionnels (CNP) sera renforcé, dont le celui du Conseil National Professionnel CardioVasculaire (représentant toutes les composantes de la cardiologie libérale et hospitalière), au sein duquel le syndicat occupe une place importante puisque nous en avons la présidence une année sur deux.

Devant cette faible représentativité et ce manque de poids du monde libéral, la CNAM et les ARS pourraient facilement prendre les décisions seules et, pire, les établissements privés pourraient être tentés de défendre les intérêts des libéraux à leur place.

La vie conventionnelle risque d’être déséquilibrée entre la CNAM et les syndicats. Pour préparer le système de soins de demain avec une médecine de ville à sa juste place, nous allons avoir besoin de nous appuyer sur des syndicats unis et forts. Pour cela, il faut remplacer les syndicats « de posture » par des structures qui réfléchissent, proposent et créent le débat, des véritables laboratoires d’idées, et qui se projettent vers l’avenir au lieu de rester tournées vers le passé : bref être créatives, imaginatives, ambitieuses, audacieuses… Le syndicat de cardiologie suit cette voie depuis des années. À quand la mutation des centrales syndicales ?

Si la vie des URPS est en sursis, les centrales syndicales doivent se réinventer maintenant, car comme le dit Paul Fort « La vie nous donne toujours une autre chance. Elle s’appelle demain ».

Marc Villacèque. Président du Syndicat National des Cardiologues

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