Cannabis et cœur : plus d’inconvénients que de bénéfices, selon l’AHA

Actualités Medscape © 2020 WebMD – Dans un avis, l’American Heart Association (AHA) fait un point sur les connaissances sur les liens entre cannabis et pathologies cardiovasculaires [1]. L’AHA fait savoir qu’autant le cannabis peut apporter un soulager dans des pathologies de la spasticité que sont la sclérose en plaques ou d’autres, autant il n’existe pas de données bien établies sur un éventuel bénéfice dans le domaine cardiovasculaire. Au contraire, à en croire les études observationnelles, son utilisation semble augmenter le risque d’infarctus, d’insuffisance cardiaque et de fibrillation atriale. Des études sont nécessaires urgemment pour apporter des réponses précises. La question s’avère d’autant plus cruciale que de nombreux états américains ont légalisé cette substance à des buts récréatifs et médicaux et que l’utilisation du cannabis est grandissante dans le pays.

THC et CBD

Selon une étude récente citée dans l’avis, l’utilisation de cannabis est présente chez 6% des infarctus chez les patients de moins de 50 ans. Une autre étude a, elle, montré que les utilisateurs de cannabis âgés de 18 à 44 ans ont un risque d’accident vasculaire cérébral augmenté comparé à ceux qui n’en prennent pas.

« Malheureusement, la plupart des données disponibles portent sur du court terme, sont observationnelles et rétrospectives, ce qui permet d’identifier des tendances mais ne prouve pas le lien de cause à effet », explique Robert L. Page, principal rédacteur de l’avis et pharmacologue (Aurora, Colorado), dans un communiqué [2].

Petit rappel de chimie, les deux principales substances contenues dans le cannabis sont le THC (tétrahydrocannabinol), le composant qui induit le sentiment de « planer » et le cannabidiol (CBD), qui est disponible OTC aux Etats-Unis, même si à ce jour la FDA a autorisé un seul produit dérivé du CBD, écrivent les auteurs.

Des effets physiologiques

Des études ont montré que lorsque l’on fume du cannabis, dans l’heure qui suit, le THC peut entrainer des anomalies du rythme cardiaque, comme la tachycardie, des contractions ventriculaires prématurées, de la fibrillation atriale et des arythmies ventriculaires. De façon plus précise, le THC semble aussi stimuler le système nerveux sympathique, responsable de la réponse de type ‘flight or fight’, qui résulte en une élévation du rythme cardiaque, une demande plus forte en oxygène de la part du cœur, une élévation de la pression artérielle en position allongée et une dysfonction des parois endothéliales.

En revanche, les études sur le CBD, qui, lui, ne fait pas planer, ni n’entraine d’intoxication, ont montré un lien avec une réduction du rythme cardiaque, une pression artérielle diminuée, une vasodilatation accrue, une pression artérielle abaissée et une inflammation potentiellement réduite.

Fumer et inhaler du cannabis, indépendamment du contenu en THC, est associé au cardiomyopathie, l’angine de poitrine, l’infarctus, des anomalies du rythme cardiaque, des morts subites et d’autres pathologies cardiovasculaires graves. Dans les états qui ont légalisé le cannabis, une augmentation des hospitalisations et des visites aux urgences a été observée [2].

Composés similaires à la fumée de tabac  

La façon dont le cannabis est consommé peut influencer la façon dont il affecte le cœur et les vaisseaux. « De nombreux consommateurs et professionnels de santé ne réalisent pas que la fumée du cannabis contient des composés similaires à la fumée de tabac » explique Robert L. Page.

Fumer et inhaler du cannabis, indépendamment du contenu en THC, est associé à une multiplication par cinq de la concentration en carboxyhémoglobine, et à une production trois fois plus élevée de goudron, semblable à ce qui se passe quand on inhale le tabac d’une cigarette.

L’AHA met aussi en garde contre le fait de vapoter du cannabis, notamment en cas de mélange avec de l’acétate de vitamine E, une huile retrouvée dans les cartouches de cannabis de contrebande, qui avait entrainé ces fameuses lésions pulmonaires et des décès chez les vapoteurs l’année passée.

Ne fumer ou vapoter aucune substance

Pour ce qui est des personnes âgées – les moins à même d’utiliser ces substances et/ou les plus susceptibles de les prendre pour des motifs thérapeutiques –, des études sur l’utilisation de cannabis ont pu montrer une relative sécurité de ces produits, écrivent les auteurs qui alertent néanmoins sur le risque potentiel d’interactions avec d’autres médicaments comme les fluidifiants du sang, les antidépresseurs, les antipsychotiques, les antiarythmiques et les statines.

Quant aux personnes ayant une maladie du cœur connue, le cannabis ne doit être utilisé qu’avec d’extrêmes précautions, prévient l’AHA, en raison des effets physiopathologiques décrits plus hauts.

Néanmoins, pour résumer, « la recommandation de l’AHA est donc de ne fumer ou vapoter aucune substance, y compris le cannabis, du fait du danger potentiel pour le cœur, les poumons et les vaisseaux », insiste le Dr Rose Marie Robertson, de l’American Heart Association.

Retirer le cannabis de la Liste 1 des substances contrôlées pour pouvoir l’étudier

Enfin, l’avis suggère que la Drug Enforcement Administration (DEA), l’agence fédérale américaine chargée de lutter contre le trafic et la distribution de drogues aux États-Unis retire le cannabis de la Liste 1 des substances contrôlées de façon à pouvoir être étudiée plus facilement et plus largement par les chercheurs.

« Alors qu’il devient de plus en plus disponible et largement utilisé, nous avons besoin de toute urgence d’études prospectives à court et à long terme, soigneusement protocolisées s’intéressant à la sécurité cardiovasculaire de la consommation de cannabis » assure Robert Page. L’avis appelle aussi les gouvernements fédéraux à créer un étiquetage standardisé des quantités de THC et de CBD et d’exiger qu’il soit présent sur tous les produits légaux. Il faut en effet se rappeler que 47 états américains, la région de Columbia et 4 des 5 territoires américains autorisent l’utilisation de cannabis sous une forme ou une autre et que sa consommation a fortement augmenté, en particulier chez les 18-25 ans.

  1. Medical Marijuana, Recreational Cannabis, and Cardiovascular Health: A Scientific Statement From the American Heart Association, Circulation 5 Aug 2020 https://doi.org/10.1161/CIR.0000000000000883
  2. Cannabis use shows substantial risks, no benefits for cardiovascular health; more research is critical, Communiqué AHA du 5 août 2020.

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