CAS et contrats responsables : le projet de décret fâche tout le monde !

Un projet de décret permet mais n’oblige pas le remboursement des dépassements maîtrisés des praticiens signataires du Contrat d’Accès aux Soins dans le cadre des contrats responsables. Les médecins demande au Gouvernement de revoir sa copie, la Mutualité aussi.

Les quelque 11 000 médecins qui ont signé le Contrat d’Accès aux Soins (CAS) auraient-ils passé un marché de dupe ? Pas impossible, c’est en tout cas ce que pensent les syndicats médicaux au vu du projet de décret instaurant le nouveau cahier des charges des contrats responsables. Pour les syndicats signataires de l’avenant 8 portant création du CAS, l’affaire était entendu : les contrats responsables (environ 95 % des contrats de complémentaires santé actuellement) devaient prendre en charge les compléments d’honoraires maîtrisés des signataires du CAS. 

Un « CAS » de trahison

En l’état actuel, le texte prévoit que les complémentaires ne prennent en charge que les dépassements inférieurs à 100 % du tarif de la Sécurité Sociale (125 % dans un premier temps, en 2015 et 2016) en secteur 2, cette limite ne s’appliquant pas pour les signataires du CAS. Mais dans sa rédaction actuelle, le projet de décret se limite à « permettre », mais n’impose pas le remboursement des dépassements maîtrisés des praticiens ayant opté pour le CAS. En clair, la prise en charge intégrale des dépassements ne serait pas automatique dans le cadre des contrats responsables.

A la CSMF, principal soutien du dispositif, on crie à la trahison. Pour les spécialistes confédérés de l’UMESPE, qui dénoncent « la duplicité du Gouvernement qui ne va pas au bout de son engagement dans le cadre du Contrat d’Accès aux Soins », la trahison est « double » : trahison des patients « pour qui la question du reste à charge restera entière, en dépit des promesses » et trahison des médecins signataires du CAS « dont l’effort de modération des compléments d’honoraires ne serait pas valorisé par une solvabilisation garantie des complémentaires santé, comme prévu ».

Même fureur à l’AOC-CSMF (Anesthésistes, Obstétriciens, Chirurgiens) qui considère qu’il est « inacceptable » d’octroyer aux assureurs complémentaires l’avantage fiscal dont ils bénéficient (7 % au lieu de 15 % de taxe spéciale sur les conventions d’assurance) sans les « contraindre à honorer leur signature de l’avenant 8 ». Quant à Roger Rua qui – dès son élection à la présidence du SML – avait émis les plus fortes réticences à l’égard de l’avenant 8 signé par son prédécesseur, Christian Jeambrun, déclare que son syndicat « met tout en œuvre pour combattre ce texte liberticide pour l’avenir du secteur 2 ».

Une toute petite minorité concernée

Et les complémentaires, qu’en pensent-elles ? L’UNOCAM a récemment fait savoir qu’elle demandait le report au 1er janvier 2016 de l’entrée en vigueur de ce décret sur le nouveau cahier des charges des contrats responsables et de celui sur l’aide à l’Acquisition d’une Complémentaire Santé (ACS), estimant qu’elles ne pourront pas être prêtes au 1er janvier prochain pour leur application.

Sur le fond, dans un récent entretien aux Echos, Etienne Caniard dit tout le mal qu’il pense de ce projet de décret sur les contrats responsables, jugeant en particulier « très élevé » la prise en charge des dépassements tarifaires jusqu’à 125 % du tarif opposable en 2015 et 2016. « Une toute petite minorité de médecins serait concernée par la régulation, environ 3 % d’entre eux, estime-t-il. Pire, cette règle est plus souple pour les praticiens qui n’ont pas pris l’engagement de geler leurs tarifs dans le cadre du contrat d’accès aux soins. De l’autre côté, ceux qui ont signé le contrat d’accès aux soins pratiquent des dépassements inférieurs à 100 % du tarif opposable en moyenne. Avec ce décret, on risque donc de pénaliser les médecins qui ont accepté de faire un effort sur leurs tarifs. Ce serait pour le moins paradoxal ! »

Le Gouvernement serait bien inspiré de revoir la rédaction de ce projet de décret qui, décidément, ne satisfait personne.