URPS 2021 : résultats des élections chez les médecins libéraux

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Les cotisations professionnelles du cardiologue libéral

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Comprendre la Chine [2]

Qu’on le veuille ou non, l’Europe est un terrain de bataille, ou, pour le dire autrement « nous sommes en guerre ». Mais une guerre non militaire, dans laquelle de multiples moyens sont utilisés. 

La Russie mène une guerre de déstabilisation des démocraties afin de faire croire que son modèle autoritaire est le seul à même de résoudre le désordre en oubliant de dire que son objectif est de maintenir au pouvoir un clan de cleptocrates.

La Chine est en guerre économique, une guerre reposant maintenant sur la technologie afin de devenir la première puissance mondiale et de permettre au Parti communiste chinois de perdurer. 

Le point sur ce sujet en quatre livres dont deux de références et deux très récents.

Livre 1 « La guerre hors limite » : une référence… chinoise

« Il n’existe plus de domaine qui ne puisse servir la guerre et il n’existe presque plus de domaines qui ne présentent l’aspect offensif de la guerre ».

Dans son livre « Guerres invisibles : Nos prochains défis géopolitiques », paru en janvier 2021 (éditions Tallandier), Thomas Gomart, directeur de l’Institut français des relations internationales, fait largement référence à un ouvrage expliquant les stratégies de guerres non militaires telles qu’analysées par deux colonels de l’armée de l’air chinoise après la première guerre du Golfe en 1991. 

Deux pays peuvent être en guerre l’un envers l’autre sans aucun affrontement militaire, car les guerres peuvent être économiques, financières, informationnelles, écologiques, normatives, culturelles, psychologiques… 

Ce livre, qui explique ou rappelle les nouvelles formes de guerre, s’intitule « La Guerre hors limite ». Il date de 1999 et a été traduit en français en 2004. 

Il offre une bonne entrée en matière pour comprendre la guerre menée selon des techniques non militaires en faisant comprendre en quoi certains actes doivent être qualifiés d’actes de guerre. 

Il n’hésite ainsi pas à qualifier George Soros de terroriste financier car les conséquences de ses actes sont parfois pires que celles d’une guerre non sanglante, tout comme celles de pirates informatiques. 

Il évoque les mécanismes des guerres économiques. Il indique que doivent être considérés comme des actes de guerre non conventionnelle l’exercice d’une influence sur le gouvernement ou le parlement d’un pays étranger par le biais de fonds spéciaux alimentant des groupes de pression, des méthodes consistant à racheter ou à contrôler le capital de journaux, de chaînes de télévision d’un autre pays pour en faire les outils d’une guerre médiatique contre ce pays…

  • Auteur : Qiao Liang et Wang Xiangsui 
  • Éditeur : Rivages
  • Parution : 17 mars 2004
  • Pagination : 322 pages
  • Prix (broché) : 22,21 euros
  • Prix (poche) : 9,15 euros




Traitement de l’IC par les gliflozines : le point mi-2021

Que sait-on du bénéfice des gliflozines dans le traitement de l’insuffisance cardiaque mi-2021 ? Le point à partir d’une métaanalyse

TRAITEMENT
DE L’INSUFFISANCE CARDIAQUE

PAR LES GLIFLOZINES

LE POINT MI-2021

François Diévart. 

Secrétaire scientifique du Collège National des Cardiologues Français

Deux essais thérapeutiques contrôlés (ETC), les études DAPA-HF et EMPEROR-Reduced ont eu la puissance suffisante pour démontrer que les deux molécules qu’ils évaluaient contre placebo, respectivement la dapagliflozine et l’empagliflozine, toutes les deux à 10 mg/j, améliorent le pronostic, en matière de décès cardiovasculaire (CV) et d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque (HIC), de patients ayant une insuffisance cardiaque à fraction d’éjection ventriculaire gauche réduite (IC FER). 

Ces deux molécules appartiennent à la classe des inhibiteurs de la SGLT2 – ou sodium/glucose cotransporteur 2 – protéine permettant la réabsorption du glucose par le tubule rénal proximal, classe  communément dénommée les gliflozines. L’effet sur la SGLT 2 a fait que ces médicaments ont initialement et principalement été développés pour le traitement du diabète de type 2 (DT2), un effet bénéfique dans l’insuffisance cardiaque ayant été découvert quasiment par hasard.

L’actualité de l’insuffisance cardiaque, mi-2021, est marquée par l’inclusion des gliflozines parmi les quatre traitements de première ligne de l’IC FER dans les recommandations de prise en charge de l’insuffisance cardiaque de la Société européenne de cardiologie et par l’obtention d’une AMM (autorisation de mise sur le marché) européenne pour les deux molécules évaluées, sans qu’elles ne disposent encore d’AMM et de remboursement spécifiques dans cette indication en France.

Afin de connaître les effets cliniques de ces traitements et le type de patients devant en tirer bénéfice, plusieurs métaanalyses sont parues prenant en compte les ETC ayant évalué des gliflozines dans l’insuffisance cardiaque ainsi que de nombreuses analyses en sous-groupes de ces ETC. Ces travaux permettent de répondre à plusieurs questions et cet article s’appuiera principalement sur une métaanalyse parue en juillet 2021, ayant inclus 17 ETC ayant enrôlé 20 749 patients au total, car elle aborde de très nombreuses questions (1) ainsi que sur un éditorial paru en 2021 dans la revue Circulation (2).

Que sait-on des effets cliniques des gliflozines dans l’IC FER ?

Dans l’IC FER, les gliflozines réduisent significativement (1), exprimés en valeur relative :

– de 27 % le risque de décès CV et d’HIC (HR = 0,73 ; IC95 = 0,68-0,78) ;

– de 32 % le risque d’HIC (HR = 0,68 ; IC95 = 0,62-0,74) ;

– de 18 % le risque de décès CV (HR = 0,82 ; IC95 = 0,73-0,91) ;

– et de 17 % le risque de décès toutes causes (HR = 0,83 ; IC95 = 0,75-0,91).

Des analyses complémentaires des études DAPA-HF et EMPEROR-Reduced ont montré que le bénéfice clinique des traitements en matière de réduction des décès CV et des HIC est significatif dès le premier mois de traitement.

Que sait-on du type de patients ayant une IC FER qui tirent un bénéfice clinique des gliflozines ?

En considérant le critère composé des décès CV et des HIC, l’effet des gliflozines en termes de réduction relative du risque (RRR) est homogène dans de nombreux sous-groupes de patients et paraît indépendant :

– de l’existence ou non d’un diabète : RRR = 28 % (RR = 0,72, IC95 = 0,67-0,78, p < 0,00001, I² = 0 %) en cas de diabète et RRR = 24 % (RR = 0,76 ; IC95 = 0,66-0,87, p  < 0,0001, I² = 0%, valeur de p pour la différence entre les sous-groupes = 0,60) en l’absence de diabète ;

– du type d’insuffisance cardiaque : en cas de FEVG comprise entre 40 et 50 %, la RRR est de 42 % (RR = 0,58 ; IC95 = 0,40-0,83, p = 0,003, I² = 2 %) et en cas de FEVG supérieure à 45 ou 50 % la RRR est de 27 % (RR = 0,73 ; IC95 = 0,59-0,91 ; p = 0,005 ; I² : 0 %). Il a été communiqué début juillet 2021 que, par rapport au placebo, l’empagliflozine réduit significativement le critère clinique principal chez des patients ayant une insuffisance cardiaque à fraction d’éjection préservée dans l’étude EMPEROR-Preserved ;

– de l’âge : RRR de 25 % chez les patients âgés de moins de 65 ans (RR = 0,75 ; IC95 = 0,65-0,86 ; p < 0,0001, I² = 0%) et de 28 % chez les patients âgés d’au moins 65 ans (RR = 0,72 ; IC95 = 0,65-0,81 ; p < 0,00001, I² = 0 %).

– du sexe : RRR de 30 % (RR = 0,70 ; IC95 = 0,57-0,86, p = 0,0007, I² = 13 %)  chez les femmes et de  26 % chez les hommes (RR = 0,74 ; IC95 = 0,65-0,84, p < 0,00001, I² = 25 %).

Les résultats sont de même nature pour le poids (selon que l’IMC est inférieur à 30 ou au moins égal à 30 kg/m²), la fonction rénale (selon que le DFG est compris entre 30 et 59 ou au moins égal à 60), les traitements associés (traitement ou pas par un agoniste des récepteurs aux minéralocorticoïdes ou par du sacubitril/valsartan) et selon la durée de l’étude (inférieure à 1,5 an ou au moins égale à 1,5 an).

Que sait-on des effets des gliflozines sur la fonction rénale des patients ayant une IC FER ?

En considérant l’évolution du débit de filtration glomérulaire (DFG) par rapport à ce qui est observé sous placebo, dans l’IC FER, les principaux éléments à prendre en compte sont les suivants :

– il y a une altération modique du DFG en début de traitement ;

– puis deux cas de figure se présentent en matière d’évolution de la pente du DFG à 1 an (voir figure 1) :

– soit le DFG revient à la valeur qu’il a sous placebo et évolue de la même façon, donc ni bénéfice ni altération,

– soit l’évolution du DFG se fait avec une pente nettement moins défavorable que ce qui est observé sous placebo et il y a donc une amélioration du DFG ;

– l’effet du traitement sur le DFG est indépendant de l’existence ou non d’un diabète.

Figure 1. Évolution du débit de filtration glomérulaire chez les patients ayant une insuffisance cardiaque et traités par une glifozine.

Ainsi, après une altération modérée initiale de la fonction rénale qui ne doit pas conduire à arrêter le traitement, l’effet des gliflozines sur la fonction rénale à moyen-long terme de patients ayant une IC FER est, soit neutre, soit bénéfique.

La différence entre ces deux types d’évolution constatée dans les ETC n’est pas encore comprise  et plusieurs hypothèses sont évoquées : différence entre les molécules, entre les patients pris en charge, différence de puissance des études ou hasard statistique, différences dans l’évaluation des critères selon la durée de l’étude…

Quoi qu’il en soit, il n’y a pas d’effet défavorable à long terme du traitement sur la fonction rénale.

EN SYNTHÈSE.

Dans l’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection réduite, les gliflozines exercent un bénéfice clinique significatif sur les principaux critères pertinents : décès CV, décès toute cause et hospitalisation pour insuffisance cardiaque. Concernant l’ensemble décès CV et HIC, le bénéfice clinique est précoce, constaté dès un mois de traitement et paraît être un effet classe.

Ce bénéfice clinique est homogène dans l’ensemble des sous-groupes de patients et notamment qu’il y ait ou non un diabète : les gliflozines sont donc un traitement de l’insuffisance cardiaque, qui, accessoirement, diminuent l’HbA1c des patients ayant un diabète de type 2 mais pas celle des patients n’en ayant pas.

Les données disponibles indiquent qu’un bénéfice clinique est aussi obtenu dans l’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection préservée.

Et tout cela, sans que l’on ne sache le mécanisme physiopathologique à l’origine de ce bénéfice.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

1.  Gager GM et al. Cardiovascular Outcome in Patients Treated With SGLT2 Inhibitors for Heart Failure: A Meta-Analysis. Front Cardiovasc Med. 2021 Jul 14;8:691907. https://doi.org/10.3389/fcvm.2021.691907

2.  Carnicelli AP, Mentz RJ. Sodium-Glucose Cotransporter 2 Inhibitors in Patients With Heart Failure With Reduced Ejection Fraction: The Heart and Kidney Working Better Together. Circulation. 2021 Jan 26;143(4):322-325. https://doi.org/10.1161/CIRCULATIONAHA.120.052048


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Le Cardiologue n° 441 – juillet-août 2021





e-santé

Le numérique influence fortement notre espace Santé et s’est développé de manière exponentielle. Les « e-termes » fleurissent de toute part, à tel point que les amalgames se sont faits entre les mots et les destinations : bien-être physique, santé, médecine, science, recherche… L’e-santé, la m-santé, la santé numérique sont des termes « confusants » dans ce vaste empire qui bouleverse autant la recherche médicale que l’organisation des soins.

Pascal Wolff – Le Cardiologue n° 441 – juillet-août 2021

La définition de l’e-santé (ou santé numérique)

Pour le grand public, l’e-santé évoque une santé connectée par les nouvelles technologies (healthtech) qui permettent le tracking via des applications ou des objets connectés. Mais dans les faits, sa définition serait plus exactement celle de la Commission européenne qui parle d’« application des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) à l’ensemble des activités en rapport avec la santé » qui recouvre tous les outils de production, de transmission, de gestion et de partage d’informations numérisées au bénéfice des pratiques tant médicales que médico-sociales et de bien-être. 

La santé numérique intègre plusieurs grands domaines :

Les domaines d’application de l’e-santé

Les systèmes d’information de Santé (SIS) ou hospitaliers (SIH) forment le premier segment de l’e-santé. C’est par eux que s’organisent les échanges de données et d’information entre les différents services et territoires de soins. Ils sont essentiels pour la téléconsultation, la téléexpertise…

La télémédecine utilise les Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication (NTIC) pour des pratiques et offres de soins à distance. Elle regroupe plusieurs sous-domaines (1) : 

– la téléconsultation, 

– la téléexpertise (échange des avis des médecins), 

– la télésurveillance, 

– la téléassistance, 

– la téléformation,

– la régulation médicale (centre 15).

La téléconsultation, comme son nom l’indique, permet à un patient de se mettre en relation avec un professionnel de Santé par vidéotransmission. Le patient peut être assisté par un professionnel médical (médecin, infirmier, pharmacien) au cours de cette consultation à distance. Son développement constitue un rôle majeur dans le développement de l’accessibilité aux soins, notamment dans les déserts médicaux. Elle permet une prise en charge et un suivi plus rapide et évite également les déplacements inutiles.

Le médecin doit par contre connaître le patient et avoir eu auparavant une consultation physique (excepté les symptômes Covid-19).

La téléconsultation est facturée au même tarif qu’une consultation « ordinaire ».

Il existe plusieurs applications sécurisées qui permettent aux patients de se connecter sur les différents supports informatiques (smartphone, tablette, ordinateur).

Le cas échéant, des cabines – ou bornes – existent (pharmacies, lieux de vie communale, Ehpad), peu nombreuses, mais avec des instruments connectés (thermomètre, balance, tensiomètre, stéthoscope, imprimante). Les conditions sont assez similaires à celle d’un cabinet médical. Leur usage est pour l’instant limité 6 % des téléconsultations) [2]

Dans cet élan, l’enseigne Monoprix, qui a installé des cabines dans deux de ses magasins (Paris et Troyes), s’est attiré les foudres du conseil national de l’Ordre qui a appellé le gouvernement à « réagir avec fermeté pour défendre les principes régissant l’organisation des soins en France, et pour protéger l’acte médical au service des patients ».

La téléexpertise se fait via une messagerie sécurisée de Santé ou une solution de télémédecine (avec un équipement adapté s’il y a des échanges d’images, des tracés…). Elle permet à un généraliste ou un spécialiste de demander l’avis d’un de ses confrères pour ses compétences sur la base des informations médicales liées à la prise en charge d’un patient. 

La téléexpertise concerne tout médecin, quelle que soit sa spécialité, son secteur d’exercice et son lieu d’exercice (ville ou établissement de santé) ainsi que les patients en ALD ou atteint de maladies rares, de personnes résidant dans des déserts médicaux, dans des EHPAD ou des établissements pénitentiaires.

Une fois la téléexpertise réalisée, le médecin requis rédige un compte rendu, l’archive dans son dossier patient, dans le Dossier Médical Partagé (DMP) du patient, le cas échéant, et le transmet au médecin requérant.

Il existe deux niveaux de téléexpertise :

Niveau 1. Il s’agit d’une problématique simple qui ne nécessite pas de réaliser une étude approfondie de la situation médicale du patient.

Niveau 2. Il s’agit d’un avis suivant une situation complexe.

La téléexpertise fait l’objet d’une facturation directe entre l’Assurance-maladie et les médecins libéraux avec deux niveaux d’acte : TE1 et TE2 suivant les niveaux.

La télésurveillance est un dispositif de surveillance médicale à distance installé dans l’habitation du patient. Des appareils et capteurs (électrocardiogramme, tensiomètre…) sont connectés entre eux et assurent l’enregistrement des données, le stockage et le transfert à un professionnel de la santé à des fins d’analyse afin d’adapter la prise en charge au plus tôt et de mieux suivre l’évolution de la maladie.

Ce système, particulièrement adapté aux personnes à risque ou de complication de leur maladie (pathologies chroniques, sortie d’hospitalisation…), contribue à stabiliser la maladie, voire à améliorer l’état de santé par le suivi régulier d’un professionnel médical.

Il permet également d’accéder en urgence à une plateforme d’assistance médicale.

La télésurveillance doit respecter des exigences spécifiques comme la demande du consentement du patient, le traçage de l’acte médical réalisé et l’obligation pour les outils numériques d’être conformes aux cadres juridiques applicables aux données de santé (RGPD, marquage CE).

La téléassistance médicale permet à un professionnel médical d’assister à distance un autre professionnel de santé au cours de la réalisation d’un acte. Elle peut être faite après une téléexpertise. Dans le cas d’un radiologue par exemple, celui-ci guide le manipulateur radio afin de réaliser des examens en coupe de la meilleure incidence et de la meilleure qualité possibles.

Pour le grand public, la téléassistance (ou téléalarme) est tout d’abord un dispositif d’aide à la personne qui se matérialise par un service payant. Il est relié à un centre destiné à apporter assistance aux personnes confrontées à un problème médical (chute, malaise). La Poste par exemple a créé un service en ce sens.

Ce dispositif peut se présenter sous la forme d’un médaillon ou d’une montre que la personne garde en permanence sur elle.

La téléformation. Les besoins de formation concernent tous les domaines de la Santé qui vont de la formation à distance d’étudiants en médecine afin de leur permettre d’assister à des interventions ou le spécialiste afin d’aborder des cas complexes ou connaître les pièges techniques ou simplement se mettre « à jour ».

La régulation médicale est un acte médical qui s’inscrit dans un contrat de soins. Il est pratiqué au téléphone ou par tout autre dispositif de télécommunication entre l’appelant et un médecin régulateur.

La régulation médicale a également pour mission de s’assurer de la disponibilité des moyens d’hospitalisation publics ou privés adaptés à l’état du patient, en respectant le libre choix de la personne, de préparer son accueil dans l’établissement choisi, d’organiser le cas échéant le transport en faisant appel à un service public ou une entreprise privée de transport sanitaire et de veiller à l’admission du patient.

Il faut souligner que l’acte médical, numérique soit-il, est une décision médicale qui implique la responsabilité individuelle du médecin. De même, lors d’une téléexpertise, le professionnel engage sa responsabilités dans les indications qu’il donne au professionnel qu’il guide.

La santé mobile

Si la santé mobile (mobile health) offre de nombreuses possibilités concernant la prévention, la surveillance des maladies chroniques et permettre au patient d’être acteur de sa prise en charge, elle recouvre dans l’univers grand public une large gamme de produits matériels de « bien-être » (objets connectés), d’applications mobiles d’automesure, plateforme web… Dans ce cas, on parlerait plutôt de… e-santé. Allez vous y retrouver !

Cet épiphénomène dans l’e-santé – sans réelle influence par le passé – qu’était la healthtech à ses débuts, est devenu un vaste empire pour les Gafam qui, au-delà de leur puissance financière, on su disposer d’une véritable hégémonie dans l’industrie du numérique qui leur a servi à couvrir l’ensemble des catégories du marché de la e-santé, qu’il s’agisse du secteur privé ou public, de produits ou de services. Les actions sont multiples. 

Facebook a développé Preventive Health, un outil de prévention sur les maladies cardiaques et le cancer, un calendrier vaccinal avec ses rappels… Apple avec les plateformes ResearchKit, CareKit  ou Healthkit sans oublier l’AppleWatch et son application « Health Records ». Amazon avec Amazon Care, Amazon Comprehend Care, Comprehend Medical et Amazon Pharmacy . Sans oublier Microsoft qui permet aux organismes de soins une coordination des personnes, des processus et des perspectives tirées des données de Santé. Souvenons-nous de la polémique autour du Health Data Hub (HDH) et le choix du gouvernement d’héberger les données de santé qui rassemble entre autres toutes les données de l’Assurance-maladie, des hôpitaux des 67 millions de Français.

La healthtech ne s’arrête bien évidemment pas au Gafam, les fabricants européens et français sont nombreux. Withings par exemple, leader des objets de santé connectée, avec sa division « Med Pro » et sa « ScanWatch », a engagé des études avec l’hôpital européen Georges Pompidou et le centre de cardiologie du nord et Hipoxia Lab (université de Californie) pour la détection de la FA, la mesure de l’oxygène dans le sang et l’apnée du sommeil… 

(1) Qu’est-ce que l’e-santé : fondationdelavenir.org/e-sante-definition/

(2) Cnom : conseil-national.medecin.fr/medecin/exercice/point-teleconsultation

En conclusion

Deux mondes, deux approches de l’e-Santé. La définition de la Santé dans les dispositifs médicaux doit être claire et faire référence à l’IoT médical pour les objets connectés, les services, les plateformes d’aides aux médecins et aux patients. Les géants du Web savent la frontière poreuse entre la Santé et le bien-être. Cette « Uberisation » de la médecine est un problème qui doit être pris très au sérieux par les pouvoirs publics et ce à tous les niveaux (données, cloud, études de faisabilité, réglementation des DM) afin de bien séparer les genres et les priorités des acteurs du numérique qui ne sont pas les mêmes que les professionnels de la Santé.

Vérifiez vos adresses mails !

Il n’y a pas que votre ordinateur qui peut être piraté. Vos adresses mails on pu être subtilisées dans d’autres bases de données (Santé, Gafam, réseaux sociaux…). Pour le savoir et éviter une usurpation de votre identité, de l’hameçonnage ou autre méfait, vérifiez auprès du site  haveibeenpwned s’il y a eu violation de vos adresses. Si tel est le cas, le site vous indique sur quels sites vos données ont été volées… et changez vos mots de passe.

la CNIL et vos données

Le médecin libéral doit donc protéger ses données personnelles et médicales. Pour ce faire, il doit passer par des protocoles précis : hébergement certifié données de Santé avec demande préalable auprès de la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL). 

La CNIL a récemment sanctionné deux médecins libéraux pour ne pas avoir suffisamment protégé les données de leurs patients, des milliers d’images médicales hébergées sur des serveurs étaient en accès libre. Toutes ces données pouvaient donc être consultées et téléchargées, et étaient, selon les délibérations de la CNIL, « suivies notamment des nom, prénoms, date de naissance et date de consultation des patients ». Le problème venait simplement d’un mauvais paramétrage de leur box internet et du logiciel d’imagerie qui laissait en libre accès les images non chiffrées.

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Quelle place pour le cardiologue libéral demain ?

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La guerre mondiale des ondes

La guerre économique et technologique telle qu’elle est

« […] la confrontation avec Huawei a constitué pour les États-Unis un “moment Spoutnik” […] la 5G a été pour l’Amérique un signal d’alarme, en ce qu’elle a révélé la capacité de la Chine, non plus à imiter, mais à innover sur des technologies de pointe ».

Quel meilleur titre pour clore cette rubrique que celui du livre « La guerre mondiale des ondes » ? 

« Guerre mondiale » rappelle que nous sommes au cœur d’une guerre mondiale, et « ondes » que cette guerre n’est pas militaire, mais économique et technologique. Ainsi, si vous n’êtes toujours pas persuadés que nous sommes en guerre, ce livre devrait finir de vous convaincre. 

Il relate l’histoire de l’opposition de divers groupes de pays pour le déploiement de la 5G qui est, on le comprendra vite, un enjeu majeur du monde numérique. 

Un groupe est représenté par la Chine, qui maîtrise la 5G, un autre par l’Europe  possédant deux entreprises maîtrisant aussi la 5G (Nokia en Finlande et Ericsson en Suède), un troisième par la puissance dominante (les Etats-Unis) qui ne maîtrise pas la 5G et le dernier groupe est représenté par le reste du monde. L’histoire du livre : celle du combat entre les Etats-Unis et Huawei pour faire en sorte que la 5G occidentale ne dépende en aucune sorte de la Chine et donc de Huawei. La cause est-elle économique ou idéologique ? A vous de trancher car nous entrons avec ce livre au cœur d’une guerre technologique, financière, économique, politique, normative, idéologique… sans savoir qui l’emportera. 

Ainsi, les Etats-Unis veulent empêcher Huawei d’accéder aux microprocesseurs dont il est dépendant, ce qui pourrait le ruiner, mais Reng Zhengfei, le patron de Huawei est loin de se décourager lorsqu’il fait annoncer par l’un de ses collaborateurs que « les sanctions américaines nous rendent la vie difficile, mais on y voit aussi une énorme opportunité », notamment celle de développer les outils qui lui manque et ce, de façon plus performante et avec d’autres normes, ce qui pourrait conduire à un monde numérique en silos, les divers systèmes ne devenant plus compatibles… C’est d’ailleurs un des scénarios évoqués pour l’avenir du monde dans le livre « Le monde en 2040 vu par la CIA » paru le 28 avril 2021 (éditions Equateurs). 

  • Auteur : Sébastien Dumoulin  
  • Éditeur : Tallandier
  • Parution : 18 mars 2021
  • Broché : 304 pages
  • Prix (broché) : 19,90 euros
  • Prix (broché) : 13,99 euros




Vers la guerre

Le succès planétaire

« Ce fut l’ascension d’Athènes et la peur que celle-ci instilla à Sparte qui rendirent la guerre inévitable ».

Un deuxième ouvrage d’entrée en matière pour comprendre la Chine, et qui fait référence, a été publié aux Etats-Unis en 2017 et en France en 2019 : « Vers la guerre. L’Amérique et la Chine dans le piège de Thucydide ? » de Graham Allison. 

Pourquoi une référence ? 

Parce qu’il explique que lorsqu’un pays est dominant et qu’une autre grande puissance apparaît, le plus souvent (douze fois sur seize en 500 ans), il y a compétition puis guerre militaire. Le pays dominant développerait une sorte de paranoïa pour laquelle tout acte de la puissance émergente serait jugé comme destiné à menacer sa puissance, le pays en croissance serait pris d’une sorte de vertige, d’hubris, lui faisant penser qu’il peut, et surtout – quel que soit le motif pris en compte – qu’il mérite de devenir dominant. Les deux puissances tombent ainsi dans un piège dont il est difficile d’échapper et qui les pousse au conflit.

L’ouvrage est très instructif en ce sens qu’il analyse seize conflits des 500 dernières années au prisme de ce concept et élabore ensuite des scénarios qui pourraient conduire à un conflit militaire entre la Chine et les Etats-Unis dans les prochaines années. 

  • Auteur : Graham Allison 
  • Éditeur : Odile Jacob 
  • Parution : 20 février 2019
  • Broché : 416 pages
  • Prix (broché) : 21,90 euros
  • Prix (numérique) : 21,99 euros




Création du Haut Conseil des Nomenclatures

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Poutine. La stratégie du désordre

« Le but de la propagande russe est d’inculquer une vision totalement noire du genre humain qui justifie l’instauration d’un régime autoritaire, seul capable d’empêcher les hommes de s’entre-égorger ».

Pour bien comprendre ce qu’est une guerre asymétrique, c’est-à-dire principalement non militaire, il est recommandé de lire « Poutine. La stratégie du désordre ». C’est un ouvrage passionnant qui offre une compréhension justifiée de la Russie d’aujourd’hui, celle de Poutine.

L’auteur y indique que l’Etat et ses ressources économiques sont aux mains de quelques oligarques, anciens du KGB qui ont confisqué l’économie à leur profit après la chute de l’URSS et qui, pour maintenir leur pouvoir, mènent une guerre interne et externe aux méthodes multiples car la Russie ne peux plus prétendre être une puissance militaire de premier plan.

Une guerre interne : celle « mettant en scène des éléments symboliques camouflant la situation réelle de l’État de droit, du système électif et des libertés publiques ». Une guerre très particulière car la nouvelle constitution de 2020 « consacre la primauté absolue du droit russe sur le droit international ».

Ce qui pose la question : la Russie a-t-elle encore sa place à l’ONU et dans les instances internationales ? Une guerre contre le monde entier à des fins de déstabilisation des démocraties pour que dans les esprits, seul un Etat autoritaire soit la solution aux problèmes, et qu’ainsi les méthodes du gouvernement russe soient admises comme efficaces et surtout obligatoires. 

Mais, ce faisant, le clan Poutine oublie de rappeler pourquoi de nombreux pays ont évolué vers des démocraties complexes, que l’on qualifie de polycentriques, et faites de contre-pouvoir : pour éviter que le pouvoir ne soit accaparé que par un clan.

En analysant les stratégies développées par Poutine dans les diverses parties du monde, comme en Europe, en Syrie, en Chine et en Afrique, ce livre souligne que les outils de la guerre hors limites doivent être adaptés à chaque situation et Poutine semble être passé maitre à ce jeu.

Toutefois, sa position est fragile du fait de ses ressources économiques et technologiques et de la contestation interne, même si elle est bridée et du fait que tout repose sur sa personne et non sur un Parti organisé pour sa pérennité. 

  • Auteur : Isabelle Mandraud et Julien Théron 
  • Éditeur : Tallandier
  • Parution : 18 février 2021
  • Broché : 320 pages
  • Prix (broché) : 19,90 euros
  • Numérique : 13,99 euros




Comment faire comprendre à un patient que son risque cardiovasculaire est élevé ? [2]

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Le portrait de Baudoin de Lannoy [1]

Vers l’an 407 de notre ère, les Burgundes, plus tard dénommés Bourguignons, s’avancent des bords du Rhin et les historiens nous les présentent comme ayant des mœurs  tempérés par le christianisme et de ce fait plus fréquentables que les autres peuples du nord qui envahissaient alors la Gaule en franchissant la limite (limes) de l’empire romain. 

Les Burgundes, ainsi dénommés car ils habitaient dans des bourgs, étaient surtout des charpentiers et des forgerons. [1] Ils fondèrent un royaume qui finit par faire corps avec celui des Francs de telle sorte qu’après la mort de Charlemagne (814), les rois carolingiens qui se partageaient son empire, fondèrent en 880 le duché de Bourgogne alors que parallèlement depuis Hugues Capet (v.939-996) jusqu’à son lointain descendant Louis Capet alias Louis XVI (1754-1793) s’imposa une longue dynastie royale sans interruption jusqu’à l’abolition de la Royauté et la proclamation de la République française en septembre 1792. 

La Première Maison capétienne de Bourgogne s’interrompt avec la mort prématurée (peste) de Philippe Ier de Bourgogne (1346-1361), le duché revenant alors au roi Jean II « le Bon » (1319-1364) (a) qui va secondairement le concéder à son quatrième et dernier fils sous la forme d’un apanage (b)

Ainsi commence la Seconde Maison de Bourgogne avec une alternance de morts plus ou moins violentes puisque Philippe II « le Hardi » (1342-1404) meurt dans un contexte épidémique (grippe ?) mais son fils Jean « sans Peur » (1371-1419) mourra assassiné le 10 septembre 1419 au pont de Montereau lors d’une entrevue avec le dauphin, futur roi Charles VII (1403-1461).

Philippe III de Bourgogne « le Bon » (1396-1467) qui sera victime d’une apoplexie [1] à plus de soixante dix ans, prend alors la tête du duché et aura comme successeur son fils Charles « le Téméraire » (1433-1477) dont on retrouvera le corps en partie dévoré par les loups devant Nancy, épilogue d’un conflit sans merci avec le roi Louis XI (1423-1483).

La mère de Charles le Téméraire était Isabelle de Portugal (1397-1471), fille du roi Jean Ier (1357-1433) auquel Philippe de Bourgogne, déjà veuf à deux reprises sans héritiers, avait demandé la main par l’intermédiaire d’une ambassade, en 1428-1429, dont faisait partie Baudoin de Lannoy (1388-1474) en tant que fin diplomate mais aussi Jan van Eyck (v.1395-1441) en tant que peintre de cour et émissaire secret (c) du duc. Il s’agissait de faire le portrait réaliste de l’Infante qui n’était plus toute jeune, a fortiori à cette époque, puisqu’elle avait dépassé la trentaine. Jan van Eyck en fit deux portraits, semble-t-il facilités par l’aide optique d’une camera obscura. (d) 

Les Époux Arnolfini (détail) par Jan van Eyck 1434 Huile sur panneau (National Gallery Londres).

Ces portraits, dont on peut imaginer l’exceptionnelle qualité, ont disparu, en particulier  l’exemplaire dont on a perdu la trace en 1798 lors du saccage du palais de Marguerite d’Autriche à Malines, mais leur réalité est attestée par des copies et chroniques qui furent envoyées au duc en février 1429, par précaution par deux voies distinctes, terrestre et maritime. 

Au mois de juillet suivant l’Infante est mariée au duc par procuration et c’est au mois  d’octobre de cette même année 1429 que l’Infante embarque pour les Flandres où, après quelques frayeurs dues à une violente tempête et aux incertitudes de la navigation, [2] aura lieu le mariage proprement dit. Les noces eurent lieu à Bruges le 10 janvier 1430 avec un faste exceptionnel incluant des rivalités d’élégance d’autant qu’Isabelle apportait du Portugal des modes nouvelles et inconnues à une cour pourtant réputée pour la somptuosité de ses costumes jusqu’à en faire une sorte d’allié politique des ducs de Bourgogne au risque de générer des jalousies préjudiciables mais aussi une impécuniosité ; c’est ainsi qu’à la mort de Philippe le Hardi, ses fils furent obligés de mettre son argenterie en gage pour subvenir aux dépenses de ses funérailles. [1] 

Les festivités du mariage du duc Philippe le Bon durèrent sans discontinuer pendant huit jours avec des fontaines qui déversaient ad libitum du vin du Rhin, de Beaune, de Malvoisie, de la Romanée mais aussi du muscat et de l’hypocras… [2] C’est à cette occasion que le duc créa cet « admirable code d’honneur et de vertus chevaleresques » [1] qu’est l’Ordre de la Toison d’Or dont les premiers chevaliers avaient paru au mariage dans tout leur éclat et parmi lesquels figurait Baudoin de Lannoy. 

C’est à partir de l’année suivante et du premier chapitre à Lille en 1431, le jour de la Saint-André, que les chevaliers éliront autant de nouveaux membres qu’il y aura de places vacantes (le nombre étant limité à vingt quatre chevaliers) et le port du collier deviendra obligatoire, en toutes circonstances et en particulier en public. 

Le collier d’or

Le  collier d’or comporte une alternance de  fusils en forme de B évoquant la Bourgogne et de « pierres à feu » avec en pendentif la toison d’un bélier doré. Ceci fait référence aux fusils c’est-à-dire aux « briquets » de l’époque qui étaient de petites masses d’acier servant à produire des étincelles par friction avec des silex permettant ainsi d’allumer l’amadou, à rapprocher de la devise de l›ordre : Ante Ferit Quam Flamma Micet (« Il frappe avant que la flamme ne brille »). (e) Les colliers appartenaient au trésor de l’ordre et devaient être restitués à la mort du chevalier. En cas de perte sur le champ de bataille, le souverain prenait à sa charge le remplacement des colliers. 

Les chevaliers particulièrement fortunés se faisaient également faire des décorations enrichies de pierreries à titre personnel. En raison du poids important des colliers, il fut plus tard  possible de porter le pendant de l’ordre au bout d’un lac de soie rouge ou noire. 

Collier de la Toison d’Or avec l’alternance des fusils en forme de B et des pierres à feu.

A la mort de Charles le Téméraire et en l’absence d’héritier mâle (l’ordre ne se transmettant que par les hommes), c’est son gendre Maximilien de Habsbourg (1459-1519) qui en devint le grand maître ; il était en effet l’époux de Marie de Bourgogne (1457-1482) qui meurt accidentellement des suites d’une chute de cheval lors d’une chasse au faucon.

C’est ainsi que l’Ordre arriva à l’empereur Charles Quint (1500-1558) et à la monarchie espagnole mais les Habsbourg d’Autriche l’ayant repris à leur compte, il existe ainsi deux Ordres  de la Toison d’Or dont seul l’espagnol est reconnu légitime en France. Lorsque Baudoin de Lannoy est reçu dans l’Ordre de la Toison d’or, il commande un portrait de lui-même au peintre Jan van Eyck en sachant que lui et le peintre vécurent à Lille jusqu’à la fin de 1429 [3] et ses frères Gilbert de Lannoy et Hugues de Lannoy seront également faits chevaliers de la Toison d’or.

Baudoin de Lannoy

Le portrait de Baudoin de Lannoy dit « le Bègue » seigneur de Molembaix qui fut gouverneur de la Flandre gallicane et notamment de Lille, chambellan du duc de Bourgogne et chef des ambassades à la cour du roi Henri V d’Angleterre (1386-1422) mais aussi en Espagne et au Portugal, est celui d’« un gentilhomme à l’expression sévère » et apparaît luxueusement vêtu comme le type même du haut dignitaire bourguignon. [4] 

Il s’agit d’un homme de plus  de quarante ans tenant fermement dans la main droite un bâton blanc ou doré qui est l’insigne de sa charge à la cour. Il porte un anneau d’or à l’auriculaire et est  coiffé d’un impressionnant couvre-chef en feutre. [10] (f) La figure est coupée sous la poitrine et « une bande de fond fait paraître le buste un peu étriqué » incitant à concentrer le regard sur les traits du visage et « le regard vide et lointain donne une impression de conscience en suspens » [3] avec « une physionomie tendue, austère, aussi peu « aimable » que possible mais remarquablement imposante eu égard aux dimensions réduites du panneau » (26,6 cm x 19,6 cm). [4] 

Le front est marqué, entre les yeux comportant un léger strabisme externe droit, par une petite cicatrice incluant les traces résiduelles de probables points de suture bien mis en évidence par les travaux récents de restauration qui ont permis au visage de regagner en plasticité et en finesse [4] Baudoin de Lannoy porte le lourd collier chevaleresque de la Toison d’Or dont il est membre fondateur mais il ne lui fut conféré qu’à l’issue du premier chapitre en 1431. 

Portrait de Baudoin de Lannoy (v.1435) par Jan van Eyck. Huile sur panneau (Gemäldegalerie Berlin).

On peut donc considérer [3] que soit le portrait fut exécuté à la fin de 1431 c’est à dire causa occasionalis lors de l’intronisation dans l’Ordre, soit le collier fut ajouté a posteriori au portrait – pratique fréquente dans des cas semblables – c’est-à-dire possiblement vers 1435. Ce portrait nous restitue une image exacte d’un collier de la période ducale dont ne subsiste sans doute aucun exemplaire.  [17]  

Baudoin de Lannoy est vêtu d’un somptueux manteau brodé d’or aux motifs de feuilles de chêne ou de fougères, ourlé de fourrure rousse autour du cou et des poignets, et de couleur violine dès lors que le manteau est  supposé provenir de douze aunes de « drap d’or violet-cramoisy (sic) » que lui offrit, en 1427, Philippe le Bon qui, lui-même, se distinguait par les tons violet, bleu foncé ou noir, en portant ainsi, semble-t-il, le deuil de son père Jean sans Peur assassiné par les Armagnacs. (5) En outre, la couleur foncée de ses vêtements faisait ressortir l’éclat de ses bijoux. La cour de Bourgogne était réputée pour la somptuosité des costumes, qu’il s’agisse de la variété des tissus et des broderies, plus encore chez les hommes que chez les femmes et c’est ainsi que la cour ducale de Bourgogne transmettra la mode du noir princier à la cour d’Espagne puis via la fameuse « étiquette espagnole », le noir gagnera toutes les cours européennes du XVIe au XVIIIe siècle. [6]

Louis-François Garnier

(a) Le portrait de Jean II le Bon (Louvre) est considéré comme le plus ancien portrait indépendant peint en France
(b) L’apanage est une concession faite aux frères cadets dépourvus d’héritage afin qu’ils ne se révoltent pas contre leur frère aîné devenant roi à la mort de leur père.
(c) Jan van Eyck était chargé de missions secrètes largement payées en sus d’une rente annuelle. C’est ainsi qu’est relaté un mystérieux voyage lointain en 1426, peut-être en terre sainte comme le suggère des vues précises de Jérusalem dans le tableau dénommé Les Trois Maries au Sépulcre (Musée Boijmans van Beuningen – Rotterdam)
(d) Camera obscura ou chambre noire : instrument optique permettant d’obtenir une projection de la lumière sur une surface plane.
(e) La Toison d’Or mythique provenant  d’un bélier d’or ailé était clouée sur le tronc d’un chêne et gardée par un dragon. Jason et les Argonautes s’emparèrent de cette toison apportant paix et prospérité. Les étincelles évoquent les flammes crachées par le dragon et les taureaux sauvages qui gardaient le bélier de Colchide (17) correspondant à plusieurs provinces de la Géorgie actuelle. 
(f) Au Moyen-Âge le couvre-chef désigne toute pièce de tissu léger servant à couvrir la tête. Le Chapeau bourguignon en feutre, est fabriqué probablement à partir du sous-poil du castor européen non encore décimé alors qu’à partir du XVIe siècle les peaux de castor provenaient de Sibérie mais surtout du Canada avec un coût d’environ dix fois supérieur au feutre de laine de qualité médiocre car ayant tendance à absorber la pluie (10). Ce chapeau est  similaire à celui porté par Arnolfini (Portrait de Giovanni Arnolfini et de son épouse par Jan van Eyck (1434) National Gallery Londres)  à distinguer du chaperon, très en vogue au milieu du XVe siècle en Bourgogne, qui est une sorte de capuche devenant plus tard un chapeau apprécié dans toute l’Europe occidentale médiévale. Il était initialement utilitaire avec une longue queue partiellement décorative comme, en noir, dans le Portrait d’homme « Timotheos » ou Léal souvenir (souvenir fidèle) par Jan Van Eyck (1432) National Gallery Londres et comme on peut le deviner en bleu, peut-être porté par van Eyck lui-même, dans le miroir convexe des Epoux Arnolfini à rapprocher de L’homme au chaperon bleu peint vers 1430 (Musée national Brukenthal, Sibiu Roumanie). Secondairement s’est imposé un coûteux couvre-chef complexe et multi-usage pouvant être enroulé autour de la tête « en turban » par commodité comme le montre l’Homme au turban rouge (autoportrait ?) par Jan van Eyck (1436) National Gallery Londres à rapprocher d’un personnage situé à l’arrière-plan de La Vierge du chancelier Rolin, et qui porte un chaperon rouge similaire, peut-être également un autoportrait.
(g) La détrempe consiste à « détremper », c’est-à-dire à solubiliser partiellement les colorants en poudre dans un liquide aqueux à base de colle d’origine animale ou de gomme végétale ou dans l’émulsion naturelle formée par le blanc et/ou le jaune d’œuf dénommée alors tempera de façon plus spécifique. Au Moyen-âge le  liquide pouvait aussi être de l’huile fixe (lin, noix…) mais à partir de la Renaissance le terme détrempe  stricto sensu désigne une solution aqueuse par opposition à la peinture à l’huile. (11)
(h) Théophile (vers 1070 – 1125), est un moine allemand, auteur du traité intitulé Schedula diversarum artium (Traité des divers arts) récapitulant le savoir technique dans le domaine de l’art et de l’artisanat. Ce recueil attestant de l’usage de la peinture à l’huile au Moyen-âge fut redécouvert et publié vers 1774 par l’écrivain et dramaturge allemand G.E. Lessing (1729-1781) remettant en cause les affirmations inexactes  de Vasari. (11)

BIBLIOGRAPHIE

[1] Valentin F. Les Ducs de Bourgogne. Histoire des XIVe et XVe siècles. Mame Imprimeurs-Libraires Tours 1857.
[2] De Barante M. Histoire des Ducs de Bourgogne (13 tomes). Chez Ladvocat libraire 1825.
[3] Panofsky E. Les Primitifs flamands. Hazan 2012.
[4] Dossier de l’Art. L’année Van Eyck N°276 février 2020.
[5] Pastoureau M. Noir  Histoire d’une couleur Points Histoire 2014.
[6] Pastoureau M. Une histoire symbolique du Moyen Âge occidental. Points Histoire 2014.
[7] Born A. & Martens M.P.J. Van Eyck par le détail. Hazan 2020.
[8] Van Mander C. Le livre de peinture. Miroirs de l’Art. Textes présentés et annotés par Robert  Genaille. Hermann 1965.
[9] Dictionnaire d’Histoire de l’Art du Moyen Âge occidental. Robert Laffont Bouquins 2009.
[10] Brook T. Le chapeau de Vermeer. Le XVIIe siècle à l’aube de la mondialisation. Petite biblio Payot Histoire 2012.
[11] Ziloty A. La découverte de Jean Van Eyck et l’évolution du procédé de la peinture à l’huile du Moyen-âge à nos jours. Librairie Floury Paris 1941.
[12] Vasari G. Les vies des meilleurs peintres, sculpteurs et architectes. Commentaires d’André Chastel. Acte Sud 2005.
[13] Laneyrie-Dagen N. Le métier d’artiste. Dans l’intimité des ateliers. Larousse 2012.
[14] Till-Holger Borchert. Van Eyck Taschen 2008.
[15] Genaille R. La Peinture aux Anciens Pays-Bas. De Van Eyck à Bruegel. Ed. Pierre Tisné 1954.
[16] Watin. L’Art du Peintre, Doreur, Vernisseur, 3ième édition chez Durant 1776.
[17] Prigent Ch. Splendeurs du Grand Siècle bourguignon : l’ordre de la Toison d’or. In La Toison d’Or un mythe européen. Serpenoise pour Editions d’Art Somogy 1998.

Roman historique : Baltassat J.D Le valet de peinture. Point Robert Laffont 2013

Suite dans notre prochain numéro.



L’insuffisance cardiaque est partout

Vous connaissez les chiffres : 1,5 million d’insuffisants cardiaques en France avec 70 000 décès par an : l’insuffisance cardiaque est la première cause d’hospitalisation évitable.

Vous savez que l’inertie médicamenteuse est un problème majeur. Or, après une décompensation cardiaque : 

  • seulement 45,8 % des patients inscrits dans le programme Prado-IC ont la trithérapie (diurétique, bêtabloquant, IEC ou ARA2) versus 38,1 % chez les patient témoins ;
  • 55,9 % des patients Prado-IC sont vus par un cardiologue dans les deux mois, versus 33,7 % des patients témoins.

Ce constat n’est pas nouveau, mais tout s’accélère dans l’insuffisance cardiaque en 2021 :

  • de nouvelles recommandations ESC proposent un nouveau schéma de prise en charge avec une quadrithérapie dès la sortie de l’hôpital avec bêtabloquants, sacubitil/valsartan ou IEC/Ara 2, antagonistes des récepteurs aux minéralocorticoïdes, gliflozine ;
  • l’AMM et l’indication de remboursement bientôt pour les gliflozines avec un niveau de preuve maximum de IA pour l’ESC ;
  • le colloque Optim-IC, présenté au ministère sous l’impulsion de Thibault Damy et de plusieurs structures dont le SNC, affirme la place centrale du cardiologue notamment du cardiologue de ville.
  • de nouvelles recommandations HAS sont en cours d’élaboration ;
  • la CNAM, dans son rapport charges/produits, réalise une enquête de 17 pages sur l’insuffisance cardiaque et propose d’aider les acteurs du parcours grâce à des outils de « datavisualisation » comprenant des indicateurs sur la mortalité, le taux d’hospitalisation et de ré-hospitalisation, le taux de réadaptation cardiaque pour un territoire et probablement pour la patientèle du médecin ;
  • parce qu’ils jugent insuffisante la prise en charge médicale des patients en ambulatoire, les hôpitaux publics innovent avec de nouveaux protocoles permettant aux infirmières de faire la titration des médicaments en présentiel ou en téléexpertise, des IDE de coordination, des numéros d’accès directs de prises en charge ou encore la télésurveillance. Tout ceci fragilisera à terme le rôle du cardiologue de ville dans la prise en charge de l’insuffisance cardiaque.

Si le traitement de la décompensation cardiaque aiguë est le rôle des établissements, la prise en charge de l’insuffisance cardiaque chronique reste le domaine du cardiologue libéral, notamment pour optimiser au mieux le traitement et prévenir les complications. 

A l’heure où l’accès aux soins est de plus en plus difficile pour nos concitoyens et où les réponses politiques vont toutes dans le même sens, à savoir une montée en « compétence » de l’ensemble des professionnels de santé selon la logique de l’escalier du député (et néanmoins docteur) Cyrille Isaac-Sibille, le cardiologue de ville doit se consacrer à des tâches complexes à forte plus-value, et devra probablement s’investir davantage dans l’insuffisance cardiaque que dans les  bilans préopératoires ou l’HTA sous monothérapie.

Si l’insuffisance cardiaque est partout, elle doit surtout et avant tout, être prise en charge dans nos cabinets.

Marc Villacèque. Président du Syndicat National des Cardiologues