Vin des Palhàs Felines 2019 – Vin de pays du Comté Tolosan

Savez-vous que l’Auvergne fut l’une des premières régions viticoles de France à la fin du XIXe siècle quand les vignobles du Bordelais et du Languedoc étaient dévastés par le phylloxéra ? Las ! les cultures cantaliennes allaient être détruites vingt ans plus tard par l’insecte ravageur et ne furent quasi jamais replantées, car à cette époque (guerre de 1914), la région manquait cruellement de bras. Ainsi, le vignoble auvergnat s’effondra passant de 40 000 ha à 1 000 actuellement, limité aux petites AOC : Côtes d’Auvergne (420 ha) dans le Puy-de-Dôme et Saint-Pourçain dans l’Allier.

Depuis une vingtaine d’années, des initiatives locales tentent de ressusciter la viticulture arverne. C’est ainsi que la communauté de communes du pays de Massiac (Cantal) décida, dans les années 2000, de relancer le tourisme grâce à l’ancestrale culture de la vigne en palhàs (murets et terrasses en pierre sèche à plus de 600 m d’altitude). Le travail de réhabilitation fut entrepris : débroussaillage, dessouchage, remontage des murets et des escaliers d’accès, ce qui permit de restaurer quelque 3,5 ha sur les hauteurs de Molompize. Le spectacle est saisissant : les palhàs épousent parfaitement le relief sur des pentes particulièrement escarpées de 120 m.

Suite à l’appel d’offres de la COM-COM, Gilles Monier, géologue de formation qui avait repris la pomiculture familiale à Massiac, releva ce pari fou de faire renaître le vignoble oublié, car comme il le souligne : « Je n’avais aucune formation dans la culture et l’élevage du vin, j’ai appris en faisant… » aidé, il faut le dire, par un technicien et un œnologue de la chambre d’agriculture. Judicieusement il choisit de planter des cépages bien adaptés au terroir : gamay et pinot noir pour le rouge, chardonnay pour le blanc. Très vite rejoint dans l’aventure par Stephan Elzière, puis actuellement 2 autres producteurs, les vignerons de Massiac exploitent plus de 6 ha et sortent 10 à 14 000 bouteilles/an.

Malgré leur relief abrupt, complexifiant le travail, les palhàs de Molompize sur des coteaux ensoleillés bordant l’Alagnon, affluent de l’Allier, sont nées sous une bonne étoile, orientées plein sud, elles bénéficient d’influences montagnardes, mais aussi méditerranéennes et profitent des murets, pour capter un supplément de chaleur. Les ceps sont plantés sur des schistes et des gneiss, donnant un sol légèrement filtrant, qui apportent de la minéralité aux cuvées. La rudesse du climat entraîne une maturation lente. C’est un vin d’altitude (650 à 730 m), où les vendanges ont lieu mi ou fin octobre. Le raisin subit des écarts de température durant septembre et octobre impulsant la fraîcheur et la longueur aux arômes du vin.

Gilles Monier sur ses 2,5 ha à Molompize (plus 1,5 ha sur Massiac) travaille en viticulture raisonnée évitant les intrants chimiques en dehors du cuivre et du soufre à doses minimales. Les vignes sont taillées en guyot simple, tout produit phytosanitaire est proscrit. Les vendanges manuelles, triées sur place, sont transportées par de petites caissettes dans le vieux Massiac vers la cave héritée du grand-père, fort éloignée de la conception moderne…

VINIFIÉS À LA BOURGUIGNONNE

Les vins blancs sont vinifiés à la bourguignonne : raisins pressés, jus débourbés, fermentation après levurage dans des barriques neuves ou de 1 à 2 vins, bâtonnage pendant 6 mois pour remonter les lies, puis repos pour la malo-lactique de mai jusqu’à l’automne. Le soutirage a lieu au bout d’un an après une clarification par bentonite. La mise en bouteille sans filtration est effectuée à l’ancienne par gravité dans la petite cave vétuste.

L’administration pousse la loufoquerie jusqu’à jumeler le Cantal et la Haute-Garonne, puisque les vins de Palhàs reçoivent l’appellation « vin du pays du Comté Tolosan ».

Habillée d’une robe jaune pale limpide et brillante, cette cuvée Féline 2019 blanc des Palhàs, 100 % chardonnay exprime une typicité et des arômes singuliers associant une grande fraîcheur, une minéralité propres aux vignobles septentrionaux de montagne et des fruits mûrs plutôt méridionaux. Des senteurs de fruits à chair blanche : poire, pomme au four, écorces de pomelo, de fleurs blanches : tilleul, acacia jaillissent du verre, puis viennent la pâte d’amande, le pralin, une pointe de truffe. Gras, dense, ample, il régale le palais d’une sensation de brioche beurrée typique du chardonnay. Des amers minéraux et traçants, propulsés en vague saline sur une belle longueur, apportent la fraîcheur indispensable. Ce vin est remarquable d’équilibre et de maîtrise, mais dans la discrétion sans esbroufe.

Cette cuvé Féline 2019 se révèle remarquablement adaptée pour la grande gastronomie, mais aussi appètent vers la cuisine auvergnate. J’ai découvert ce vin au restaurant doublement étoilé de Serge Vieira à Chaudes-Aigues, et force me fut de reconnaître que les plats succulents du chef étaient magnifiquement accompagnés par cette cuvée : berlingots de gelée de tourteau à l’huile de géranium, omble chevalier comme un gravelax, filets de rouget lustré au beurre safrané, cèpes de la Margeride caramélisés au citron confit. Mais des plats plus modestes se marieront savoureusement avec cette Féline, poissons : truite aux amandes, crustacés : gambas à la diable, cassolette d’écrevisses, viandes blanches : sauté de porc aux pommes boulangères. 

Ce vin accompagnera logiquement les plats traditionnels auvergnats : chou farci, lou pounti (quiche de porc à la blette), petit salé aux lentilles, aligot truffé, gratin de crozets aux cèpes et cantal. N’omettez pas de garder un verre de ce chardonnay pour les savoureux fromages locaux : cantal et salers vieillis, saint-nectaire.

A l’image des habitants, les vins de Gilles Monier sont typiques de l’Auvergne : peu expansifs, mais chaleureux une fois apprivoisés, beaucoup plus complexes que ne le laisserait entendre ce terroir si longtemps délaissé. Il faut vraiment féliciter le viticulteur qui, avec trois autres courageux permet la renaissance des vins de Palhàs.

Vin du pays du Comte Tolosan
Gilles Monier – 15500 Massiac

L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, consommez avec modération




Joseph et la femme de Putiphar ou les infortunes de la tunique – 3e partie


Joseph a maintenant une trentaine d’année et pendant les dix premières années de sa vie dans le domaine de Putiphar, la femme de ce dernier l’a totalement ignoré et comment aurait-il pu en être autrement compte tenu de l’énorme différence de classe sociale, mais les temps ont changé ; Joseph est devenu l’homme de confiance de l’indolent Putiphar peu impliqué dans le gestion de son domaine et surtout intéressé par la chasse au gibier d’eau ou à l’hippopotame dans les marécages, (4) car, à cette époque, « la chasse occupait une place centrale dans la vie des plus aisés ». (6) Joseph était l’intendant de Putiphar, mais aussi son échanson et son lecteur attitré à la voix apaisante. 

Ainsi, ce n’est que depuis trois ans que, progressivement, l’attention de la femme de Putiphar a été attirée par ce bel homme aux yeux profonds  devenu très proche de son époux. Joseph est bien trop subtil pour ne pas se rendre compte de cette douce ambiguïté du regard qui prélude à l’attirance mutuelle, mais il reste sur une prudente réserve pour au moins trois bonnes raisons. 

En premier lieu il veut rester loyal vis-à-vis de Putiphar qui a tout pouvoir sur lui, mais il garde aussi  en mémoire le visage de son père Jacob qui abhorrait le « simiesque pays d’Egypte » et qui aurait fortement désapprouvé une telle liaison de telle sorte que « l’acte que voulait lui faire accomplir la sphinge du pays des morts, lui semblait une dénudation paternelle ». Joseph a en outre et surtout le pressentiment que Yahvé (YHWH), le Dieu des Hébreux lui réserve un destin grandiose et qu’il est « l’instrument d’une auguste prédilection » et « en aucun cas (…) il ne fallait que le Seigneur son Dieu eût le dessous » face à la puissance d’Amon. Cette « conviction ancrée dans l’âme du petit-fils d’Abraham » (10) l’incite à ne pas commettre le péché de chair : « Comment commettrais-je un si grand mal et pêcherais-je contre Dieu ? ». Cette notion du péché est totalement inconnue en Egypte à cette époque alors même qu’existent les sentiments de faute et de honte. Lorsque Joseph emploie le mot devant Putiphar, ce dernier rétorque : « Le péché ? Qu’est cela ? » et Joseph de lui répondre par la voix de Thomas Mann : (10) « C’est ce qu’on exige et qui pourtant est interdit, commandé, mais maudit. Nous sommes pour ainsi dire les seuls au monde à avoir la notion de péché » et à Putiphar qui lui demande si ceci n’est pas une « contradiction douloureuse », Joseph rétorque que « Dieu aussi souffre de nos péchés et nous souffrons avec lui. » 

Joseph, intendant des greniers du pharaon (1874) par Lawrence Alma-Tadema (1836-1912)Huile sur toile. Collection particulière.

On peut penser qu’il fut difficile à Putiphar de comprendre qu’un Dieu puisse ne pas se contenter d’être le juge suprême et qu’il puisse aussi souffrir des turpitudes de l’Homme. Quant à la femme de Putiphar, « quoique accessible au sentiment de l’honneur et de la honte (…) elle ignorait l’idée du péché, dont l’expression ne figurait même pas dans son vocabulaire ». Alors que ceci n’est nulle part relaté dans l’ancien Orient, c’est la Bible qui introduit une dimension morale inédite avec la notion de péché originel et de « Paradis perdu ». (14) 

Le monde païen restera d’ailleurs longtemps étranger à cette notion de péché à l’instar des Grecs dont la faute fondamentale était l’hybris ou le dépassement fautif de la mesure s’exposant au châtiment divin (némésis). Il en était de même avec les Romains dont l’art du loisir studieux (otium s’opposant aux affaires ou negotium) ignorait « le péché, la faute originelle, la trace infamante d’un forfait commis par le premier homme et la première femme ». (15) 

C’est ainsi que, pour la Bible, la destinée humaine est conditionnée par une faute initiale lié à une désobéissance envers la parole de Dieu alors qu’en Mésopotamie il s’agit de la conséquence naturelle d’un « fait d’origine » et en Egypte il s’agit d’une « dégradation de l’état de perfection originel sous l’effet du temps et des fautes », (14) d’où l’importance d’une conduite vertueuse et des rites incantatoires. « L’une des spécificités du péché par rapport à la faute est que la faute est réparable tandis que le péché est pardonnable, ce qui introduit l’idée de repentance » (14) et cette notion de rédemption ayant été développée par le Christianisme, il conviendrait de « préférer, dans ce contexte des civilisations du Proche-Orient ancien, l’usage du mot faute à celui de péché ». (14) 

Finalement, « il s’en fallut d’un cheveu que (Joseph) ne succombât à la tentation brûlante ». (10) Ce qui advint comporte en effet une intense connotation émotionnelle et érotique qui explique qu’elle ait pu inspirer nombre d’artistes depuis le Haut Moyen-Âge par le biais de sculptures, de fresques, de vitraux ou d’enluminures, mais aussi dans le domaine de la peinture lors d’époque plus récentes. L’épisode étant aussi décrit dans le Coran, il n’est pas surprenant  qu’il figure dans diverses miniatures persanes. 

La femme de Putiphar a fait en sorte de rencontrer Joseph alors que le personnel a déserté le domaine pour participer aux fêtes du premier jour de la crue du Nil qui correspondait au Nouvel An officiel en Egypte (3,9) et, ce jour là, la foule en liesse pouvait voir l’extraordinaire procession du Pharaon « étincelant comme le soleil levant » se diriger vers le sanctuaire du dieu Amon. La maison était donc quasi vide puisque « seuls les impotents et les moribonds restaient chez eux » ainsi que les parents très âgés du maître, car « certains vieillards vivent indéfiniment sans trouver la mort, n’ayant plus la force de mourir ». (10)

La femme de Putiphar avait réussi à se faire porter pâle et c’est lorsque Joseph revint avant les autres pour s’assurer que tout était en ordre qu’elle le saisit par son vêtement en disant « couche avec moi ! ». (1) Joseph « abandonna le vêtement entre ses mains, prit la fuite et sortit ». (1) Voyant s’éloigner l’objet de son désir insensé, la femme de Putiphar, cette femme fatale, (10) devient folle furieuse, déchire la tunique tout en la couvrant de baisers et surtout se met à crier au viol ! alors que le personnel arrive, la tunique servant de pièce à conviction ; Joseph est attrapé, jugé par le maître qui le fait mettre en prison, encore que « le concept de prison n’existait pas dans l’Egypte antique » (20) en lui disant de remercier son Dieu qui l’a empêché de « pousser les choses à l’extrême » ce qui aurait pu lui valoir au mieux une bastonnade et au pire l’ablation des oreilles et du nez (2) voire une mort atroce telle que d’être livré pieds et poings liés au crocodile du Nil. 

En réalité, la mort n’était alors que rarement appliquée avec, de façon tout à fait exceptionnelle lors de crimes d’une extrême gravité, la mort par le feu privant ainsi le condamné, jeté dans un brasier, de la vie dans l’au-delà. (20) Un nain fourbe et entremetteur aura la langue coupée et, du moins dans la version romancée de Thomas Mann (10) c’est après que Putiphar ait dit à sa femme : « Il n’y a pas de quoi me remercier, mon amie » que Mount va devoir participer, comme si de rien n’était, à la fastueuse réception prévue en l’honneur de Putiphar dont c’est « le jour de gloire » puisqu’il fait dorénavant partie des intimes du Pharaon. Le peintre napolitain orientaliste Domenico Morelli (1825-1901) nous montre que La femme de Putiphar (1861) (Pinacoteca dell’Accademia di Belle Arti – Naples) est devenue l’ombre d’elle-même en s’accrochant désespérément à la tunique de son amour perdu. (20) 

C’est ainsi que, « pour la seconde fois Joseph descendit dans la fosse et dans le puit » et « le lecteur doit à bon droit se demander comment Joseph va pouvoir sortir d’une situation apparemment sans issue », (21) mais c’est méconnaître le fait que « Yahvé assista Joseph ». (1) En effet à cette époque « Pharaon s’irrita contre ses deux eunuques, le grand échanson et le grand panetier » (1) qui furent mis en prison avec Joseph. 

Il s’avéra que tous deux eurent un songe prémonitoire que Joseph interpréta à leur demande de façon favorable pour le premier et funeste pour le second, ce qui se réalisa. Deux ans plus tard, le pharaon, qui reste tout aussi anonyme dans l’histoire de Joseph comme dans celle de Moïse, (19) eut à son tour deux songes (sept vaches grasses précédaient sept vaches maigres) que personne ne fut capable d’interpréter dans cette Egypte pourtant « pays des devins et des sages ». (21) Ayant entendu dire que Joseph interprétait fort bien les rêves prémonitoires, et en sachant que « l’importance des songes était grande en Egypte, et dans tout le Proche-Orient ancien », (21) le pharaon s’adressa à Joseph qui  lui dit que non seulement ceci laissait présager sept années d’abondance suivies de sept années de disette, mais en outre il lui indiqua les « mesure à prendre » (21) l’ incitant à prévoir des réserves par précaution. 

Ce faisant Joseph se singularisa en allant  au-delà de la seule interprétation et ceci explique que Pharaon lui ait alors dit : « Il n’y a personne d’intelligent et de sage comme toi. C’est toi qui seras mon maître du palais ». (1) C’est ainsi que Joseph sortit de prison et devint l’homme le plus puissant d’Egypte après Pharaon. Le peintre orientaliste Jean-Adrien Guignet (1816-1854) peindra en 1845 Joseph expliquant les rêves du pharaon (Musée des Beaux-Arts de Rouen). Dans sa représentation soucieuse de réalisme et de précision historique dénommée Joseph intendant des greniers du pharaon (1874 collection particulière) (18) le peintre Lawrence Alma-Tadema (1836-1912) montre Joseph assis sur un trône avec un scribe sur le sol près de lui. Joseph porte une perruque inspirée d’une vraie perruque de la XVIIIe dynastie correspondant ainsi à l’époque présumée de la scène et ceci est d’autant plus plausible que des fouilles récentes à Saqqara ont montré qu’un Sémite était parvenu au sommet de l’état sous le règne d’Amenhotep III. (19) 

Joseph fera venir sa tribu en Egypte en les sauvant ainsi de la famine, Pharaon les autorisant à habiter la terre de Goshen. Joseph reverra son père Jacob qui lui dira « Maintenant que je t’ai revu et que tu es encore vivant je peux partir » à l’instar, mais bien plus tard et dans un tout autre contexte, du grand-prêtre Siméon lorsqu’il verra l’enfant Jésus lors de la Présentation au Temple et qui dira alors « nunc dimittis » (maintenant je peux partir). Joseph épousera la fille d’un prêtre égyptien avec laquelle il aura deux fils Ephraïm et Manassé dont les descendants donneront deux des douze tribus d’Israël. 

Joseph eut la permission du Pharaon d’aller enterrer en grande pompe au pays de Canaan son père Jacob, resté dix sept ans en Egypte et mort à l’âge de cent quarante sept ans… et Joseph lui-même est mort à l’âge de cent dix ans, l’âge idéal d’après les textes égyptiens. (19) Il fut embaumé et mit dans un cercueil en Egypte, (1) mais, en toute logique, son eschatologie individuelle et son dieu unique le dispensèrent de se présenter devant le tribunal d’Osiris et de poser son cœur, c’est-à-dire son âme, sur la balance de Thot pour équilibrer la plume de Maât, la déesse de la justice, (3,4) mais, n’en doutons pas, même dans cette hypothèse et compte tenu de la légèreté de son cœur, la pesée de l’âme ou psychostasie (9) ne lui aurait pas été défavorable. 

Ainsi, Joseph n’aurait pas été englouti par le monstre hybride Ammit dont la fonction première était d’avaler les âmes impures et peut-être même que son énergie vitale (Ka) existe dans l’au-delà, dans ce lieu dénommé alors « le Champ des roseaux ». (3)

Louis-François Garnier


a) Canaan : terme apparu au XVe siècle av. J.-C. et correspondant à peu près à la zone actuelle incluant le Liban, Israël, la Palestine et le sud de la Syrie, c’est-à-dire la partie sud de ce que les Egyptiens appelaient Rétjénou ou Réténou. C’est vers 1850 av. J.-C. (?) que se situe la migration d’Abraham venant d’Our, qui était l’une des plus importantes villes de la Mésopotamie antique, dans l’actuel Irak, et alors située sur une des branches de l’Euphrate et proche du Golfe Persique.  Nous sommes de ce fait  à l’extrémité orientale du « croissant fertile » et la migration se fait vers le pays de Canaan suivie, vers 1700 av. J-C. (?), de l’installation en Egypte d’hébreux qui y resteront 430 ans d’après la tradition (22), c’est-à-dire  jusqu’à Moïse et l’Exode vers 1250 av. J.-C. sous le règne de Ramsès II. (v. 1304-v.1213 av. J.-C.) (1) (22) Ainsi, l’épisode de Joseph se situerait entre ces deux dates approximatives et ferait, en quelque sorte, le lien entre l’Exode et les patriarches qui, au sens strict, sont les trois pères fondateurs du peuple juif dans le Livre de la Genèse, à savoir Abraham, Isaac et Jacob. Les histoires de Joseph et de Moïse sont « complémentaires, deux versants d’un diptyque dans l’histoire des Hébreux, respectivement l’entrée et la sortie d’Egypte » (19) et l’histoire de Joseph est à rapprocher de l’installation d’Hébreux en Egypte selon deux modalités distinctes : « d’une part la déportation de serviteurs esclaves provenant de Canaan et d’autres part, la venue de bergers fuyant la sècheresse et la famine avec leurs troupeaux ». (22) Thomas Mann (10) relate que « Amenhotep III (régnait) dans les années où Joseph vécut sous le toit de Putiphar ». Ce pharaon dont le nom signifie « Amon est satisfait »  également dénommé en grec Aménophis III (v.1403 -. 1352 av. J.-C.) conduira l’Egypte à l’apogée de sa puissance. Joseph est supposé l’avoir vu avec la Grande Epouse royale, la reine Tiy, et le petit et futur Amenhotep IV (né entre 1371/1365 et mort vers 1338/1337 av. J.-C.). A l’époque qui nous intéresse (-1360) le jeune futur pharaon devait avoir entre 5 et 11 ans. C’est bien plus tard que la situation des Hébreux en Égypte va beaucoup se dégrader avec un nouveau Pharaon, « qui n’a pas connu Joseph » et qui réduisit  les enfants d’Israël en esclavage ;  ils n’auront pas d’autres alternative que de sortir d’Egypte d’où l’Exode du grec ex  « au-dehors » et hodos  « route ».

b) Madianites : descendants de Madian fils d’Abraham et installés à l’est du Jourdain entre Mer Morte et Sinaï et ce sont eux qui accueilleront Moïse lors de sa fuite d’Egypte. Les Ismaélites sont les descendants d’Ismaél, premier fils d’Abraham et étaient installés entre l’Euphrate et la Mer Rouge (Arabie actuelle). La gomme adragante est obtenue à partir de la sève d’arbrisseaux et était appréciée pour ses propriétés médicinales et le ladanum était une gomme-résine issue d’un ciste et utilisée en parfumerie, à ne pas confondre avec le laudanum à base d’opium.

c) Hyksôs : de heka khasout  (chefs des pays étrangers), dénomination d’un peuple venu d’Asie, au moins en partie d’origine sémitique et qui régnât sur la partie basse et moyenne de  l’Égypte à la fin de la Deuxième Période intermédiaire (1800-1500 av. J.-C.). Les dirigeants de Thèbes contribuèrent à répandre la réputation d’envahisseurs étrangers pour justifier la destruction et le pillage de la ville d’Avaris, leur capitale très prospère, victime de « la machine de guerre qui unifiera bientôt l’Egypte » (7)

d) Flabellifère : de flabellum désignant les grands éventails de cérémonie constitués de plumes d’autruches ou de paon au bout d’une longue perche afin d’éventer les hauts personnages, et en particulier le pharaon, lors de leurs déplacements, mais cette fonction a perdu de son importance au profit d’un rôle symbolique de manifestation du pouvoir, en particulier « à la droite du roi », ce qui était le cas de Putiphar.(10) 

e) Atoum Râ ou Atoum Rê est  l’antique dieu solaire qui est à la fois le soleil levant (Khépri : celui qui naît) symbolisé par le scarabée poussant le disque solaire, le soleil au zénith (Rê) puis le soleil couchant (Atoum) avec la dénomination plus générale de Rê-Horakhty (Rê comme étant Horus de l’horizon) et dont le principe visible est Aton, le disque solaire divinisé, dont le culte a été encouragé par Amenhotep III favorable au syncrétisme puis finalement imposé par son fils Amenhotep IV qui prendra le nom d’Akhénaton (Esprit vivant d’Aton) (3) qui, confronté à l’hostilité du clergé thébain devenu aussi riche que le roi (véritable état dans l’état), décidera d’abandonner le culte d’Amon le « dieu caché », dont Thèbes fut le principal lieu de culte sous le nom d’Amon-Rê le principal dieu du Nouvel Empire, (3)  au profit d’Aton, « le dieu visible » en construisant des temples à ciel ouvert, car « la place du soleil n’est pas à l’ombre » (2) dans sa nouvelle capitale Akhet-Aton ou L’horizon d’Aton (Tell el Amarna) à 300 km au nord de Thèbes. Aton était représenté sous la forme d’un disque solaire doté de long rayons terminés par des mains miniatures tenant le symbole de vie dénommé ankh. (3)  Après sa mort, Akhénaton fut considéré comme hérétique, sa ville fut détruite et ses représentations de même que celles de son épouse Néfertiti, qui lui survécut une dizaine d’années, furent mutilées. Les privilèges des prêtres d’Amon furent rétablis et Toutankhaton (l’image vivante d’Aton), le fils d’Akhénaton d’après la génétique moderne, changea son nom en Toutankhamon. (16)

Bibliographie

1) La Bible de Jérusalem cerf 2007.
2) Chedid A. Néfertiti et le rêve d’Akhénaton. Les Mémoires d’un scribe, Flammarion, 1974.
3) Tyldesley J. L’Egypte à la loupe. Larousse 2007.
4) L’Egypte et la Grèce antique. Gallimard-Larousse 1991.
5) Reboul Th. Les oculistes pharaoniques et leurs vases à collyres. L’Ophtalmologie des origines à nos jours. Tome 5 ; 5-17. Laboratoire H. Faure.
6) Tommasi M. Le régime du Nil nourrit les Egyptiens. Histoire & Civilisations N°66 : 14-19 novembre 2020.
7) Manley B. Atlas historique de l’Egypte ancienne. De Thèbes à Alexandrie : la tumultueuse épopée des pharaons. Autrement 1998.
8) Maruéjol F. L’Egypte et Canaan, les partenaires ennemis. L’Histoire de la Méditerranée. Le Monde Hors-série 2019.
9) Le musée égyptien de Turin. Federico Garolla Editore 1988.
10) Mann Th. Joseph et ses frères. Joseph en Egypte. L’Imaginaire Gallimard 1980.
11) Cevennit W. L’état pharaonique. Organisation politique de l’Egypte ancienne. Egypte ancienne N°36 2020.
12) Berlaine-Gues E. Hathor une déesse envoûtante. Egypte ancienne N°36 2020.
13) Mahfouz N. Akhénaton le Renégat. roman  Denoël 1998.
14) Agut D., Lafont B. Faute, culpabilité… en Egypte et en Mésopotamie. Qui a inventé le péché ? Le Monde de la Bible N°234 2020.
15) Onfray M. Sagesse. Ed. J’ai Lu 2020.
16) La grande histoire de l’Antiquité. Pharaons. Hors-série N°2 2020 Oracom.
17) Willaime V. Thèbes ; L’âme de l’Egypte pharaonique. Egypte ancienne N°36 2020.
18) Barrow R.J. Lawrence Alma-Tadema. Phaidon 2006.
19) Vernus P. Dictionnaire amoureux de l’Egypte pharaonique. Plon 2009.
20) Peltre Ch. Les Orientalistes. Hazan 2003.
21) Briend J. Joseph. Le monde de la Bible. foliohistoire Gallimard 1998.
22) Lemaire A. Les Hébreux en Egypte. Le monde de la Bible. foliohistoire Gallimard 1998.
23) Zivie A. Ramsès II et l’Exode : une idée reçue. Le monde de la Bible. foliohistoire Gallimard 1998.

Remerciements au Docteur Philippe Frisé, ophtalmologiste à Ploërmel pour sa documentation.




Les données numériques de santé

Dorénavant, les données de santé sont pour la plupart numérisées et stockées sur des serveurs. En d’autres termes, elles peuvent être accessibles, partagées, analysées à grande échelle, commercialisées… Ce thème et ses implications ont fait l’objet de deux livres parus à un mois d’intervalle mais construits avec des tons et une profondeur très différents, un peu comme si tous deux parlaient d’histoire et que l’un aurait été écrit par Stéphane Bern et l’autre par Fernand Braudel.

DEUX NIVEAUX DE LECTURE

D’un côté, « Ma santé, mes données » est écrit par une journaliste qui fait œuvre de journaliste : lecture facile, phrases stéréotypées du type « Alors sommes-nous en train de signer un pacte avec le diable ?… », « Il est fort possible que vous n’ayez jamais entendu parler d’IQVIA. La firme, elle, a peut-être entendu parler de vous », etc.
De l’autre, « Le business de nos données médicales » est écrit par trois auteurs, l’un consultant en stratégie éditoriale et les deux autres philosophes, est d’un abord différent : nécessité de connaître le sens de certains mots (comme nudge) voire d’avoir déjà lu certains ouvrages (notamment « L’âge du capitalisme de surveillance), lecture facile mais plus technique et engageant presque à chaque phrase à réfléchir.
Le premier peut servir de mise en bouche, le deuxième est indispensable à qui veut cerner certains des enjeux majeurs du siècle numérique qui a débuté et de ce que cela implique pour les données de santé.

UNE MISE EN BOUCHE

Dire qu’un livre est une œuvre de journaliste ne signifie pas qu’il faut dénigrer ce type d’écriture et d’ouvrage, car il fait le point – comme le fond les hebdomadaires d’actualité – sur plusieurs des questions posées par la numérisation des données de santé et des services de soins.
Pour les services de soins, notamment les hôpitaux, la nécessité de disposer en temps réel des informations produites et transmises en fait une cible privilégiée des cyberattaques à base de rançongiciel.
Pour la numérisation, les bases de données de santé sont en passe de devenir un enjeu stratégique majeur à plusieurs titres. L’un d’eux est de développer des modèles prédictifs des maladies. Un autre est de générer des profits gigantesques faisant que cette voie est devenue un terrain de chasse des GAFAM.
Et ces GAFAM avancent à grands pas, le service national de santé anglais ayant confié à Amazon le stockage de ses données, et la France, à Microsoft, celles de son Health data Hub avec de nombreuses conséquences possibles.

DES RÉFLEXIONS

Le deuxième ouvrage, dont la lecture, pour qui s’intéresse au sujet paraît indispensable, part des mêmes prémices que le livre précédent, mais plutôt que de les décrire, développe une réflexion sur les enjeux sociétaux, politiques et philosophiques de la numérisation des données de santé. Et ce livre est d’une grande richesse en informations et pistes de réflexion, au point que, moi qui signale au crayon à papier les passages importants d’un livre lorsque je le lis, ait du crayonner presque une page sur deux…
Aussi, plutôt que de citer les passages qui m’ont paru majeurs, il paraît plus simple de citer les titres des grands chapitres de ce livre. Le premier chapitre intitulé « Les origines de la e-santé » décrit un chemin qui va de l’économie politique de la santé aux forums de santé, une aubaine pour les géants du numérique, en passant par les modes de rémunérations de médecins. Le deuxième, intitulé « Une manne pour les GAFAM », rend principalement compte de la conquête des données de santé européennes par le Big tech nord-américain, avec le danger que cela représente. Certes, ces Big tech peuvent passer des contrats indiquant que leur politique de gestion des données sera conforme au RGPD, mais comme cela est écrit au chapitre suivant intitulé « La perte de la souveraineté française et européenne sur les données », ces contrats comportent une clause qui permet « le transfert de données en dehors de l’Union européenne dans le cadre du fonctionnement courant de la plateforme, notamment pour les opérations de maintenance ou de résolution d’incidents ».
Une simple phrase et le tour est joué : pour certaines opérations, les données peuvent être rapatriées aux Etats-Unis et, dès lors, soumises à la loi américaine, notamment être exigibles par les services de sécurité américains… Et cela, en toute « légalité américaine » depuis que le Cloud Act américain a été établi en réponse au RGPD, Cloud Act décrit comme tel « Ce type de législation permet un accès unilatéral de la part du gouvernement américain aux données d’un pays tiers, le tout sans avoir à fournir de précision sur la nature du contenu extirpé. Par ricochet, le Cloud Act va bien plus loin puisqu’un prestataire français ou étranger, pourvu qu’il soit affilié à une entreprise américaine et que les autorités déterminent que la société mère exerce en cela un contrôle suffisant sur le partenaire, tombera sous le coup du Cloud Act ».
Les deux derniers chapitres sont plus philosophiques, l’un sur le mode de l’analyse politique « L’Etat plateforme et la disruption du droit », l’autre sur le plan métaphysique « L’humain réduit à des données et des statistiques ».

QUAND DOCTOLIB EN PREND POUR SON GRADE

Au passage, Doctolib, la licorne française, en prend pour son grade à divers passages du livre qui montrent qu’elle reproduit le modèle financier et prédateur des Big tech américaines. Ainsi, on apprend que Doctolib a pour prestataire en matière de stockage des données, Amazon Web Service avec les risques encourus cités plus haut. On apprend que Doctolib s’est vue décerner le prix « Big Brother » par la presse allemande pour avoir vendu les données de santé de ses utilisateurs (notamment les historiques de recherche) à Facebook et Outbrain (entreprise de collecte d’informations personnelles de portée internationale) dans le but de produire du ciblage publicitaire profilé.
On apprend que Doctolib « s’est greffé à l’annuaire de l’Ordre des médecins, violant par la même occasion le RGPD. De cette façon, même les recherches portant sur des médecins n’étant pas inscrits sur la plateforme ont des chances de déboucher sur une page Doctolib, captant ainsi l’attention potentielle d’un usager pour le réorienter vers un médecin officiellement référencé sur la plateforme, en plus de ne pas systématiquement déréférencer les médecins qui se désinscrivent de Doctolib ». On apprend que Doctolib s’est posé en intermédiaire systématique vis-à-vis des hôpitaux franciliens dans l’objectif « d’imposer l’inscription sur Doctolib afin de prendre rendez-vous à l’AP-HP pour les clients et l’accès à l’agenda numérique pour les professionnels, se retrouvant ainsi en position de monopole sur le marché d’un bout à l’autre de la chaîne médicale ». Et l’avenir ? Il y a un « risque d’accès de Doctolib à davantage de données de santé sensibles avec la dématérialisation des ordonnances auxquelles ils auront un accès indirect via leur nouveau logiciel de gestion du cabinet médical qui ‘’organise’’ les dossiers des patients ».

EN SYNTHÈSE

Deux ouvrages très différents donc, dont la lecture du deuxième est essentielle et dont la philosophie peut être résumée dans cette citation de la page 116 : « […] cette désacralisation de la donnée de santé, devenue une marchandise comme une autre, n’aboutit pas tant, dans les mains des plateformes numériques, à une valorisation en termes de démocratisation ou de gain scientifique, mais en termes de valorisation marchande ».

EN SAVOIR PLUS…

Ma santé, mes données

  • Auteurs : Coralie Lemke
  • Éditeur : Premier Parallèle
  • Parution : Septembre 2021
  • Pagination : 170 pages
  • Format broché : 17,00 euros
  • Format Kindle : 12,99 euros

Le business de nos données médicales

  • Auteur : Audrey Boulard, Eugène Favier-Baron et Simon Woillet
  • Editeur : FYP éditions
  • Parution : Octobre 2021
  • Pagination : 175 pages
  • Format broché : 22,00 euros




Métavers – Le Web 3.0 du futur


En offrant une nouvelle expérience aux utilisateurs de technologies digitales, le métavers va bousculer le monde tel que nous le connaissons aujourd’hui. S’il ne laisse pas indifférent. Il interroge, décontenance, rassemble, rejette… On peut même s’interroger jusqu’où ce monde numérique va révolutionner, voire changer, le monde « réel ». Et pour quelle destinée et quelle utilité ? Un premier tour d’horizon de ce monde parallère en pleine explosion…

Pascal Wolff – Le Cardiologue n° 445 – Mars-avril 2022

Que diriez vous d’une petite ballade loin de chez vous, bien allongé dans votre lit et enveloppé dans vos draps, chargé de votre casque de réalité virtuelle et de vos oreillettes bluetooth ? Bienvenue dans le nouveau monde parallèle du métavers.
Vous ne connaissiez pas ce mot il y a quelques mois ? Normal, le métavers est arrivé aux oreilles du grand public il y a peu de temps avec la création de Meta, le nouveau nom de la maison mère de Facebook. Et depuis, ce n’est pas la ruée vers l’or, mais un intérêt très marqué des internautes pour ce nouvel espace car l’idée est d’y mettre tout l’internet que l’on connaît aujourd’hui (et bine plus !), tels les réseaux sociaux, toutes les applications internet et, bien sûr, les jeux vidéo, dans un monde en trois dimensions.

LE CONCEPT DU MÉTAVERS

Le métavers (de l’anglais metaverse, contraction de meta universe, c’est-à-dire méta-univers) est un ensemble de mondes virtuels en dehors du monde physique tel que nous le connaissons et perçus commet tel en réalité virtuelle (1) et réalité augmentée. (2) Il est décrit comme l’évolution d’internet, appelé web 3.0, en d’autres termes nous parlons de l’internet du futur où les espaces virtuels, persistants et partagés, sont accessibles via des interactions en 3D.
Il existe différents type de métavers, la majeure partie venant de la communauté du jeu où la 3D est déjà récurrente. On pourra accéder pêle-mêle aux réseaux sociaux, assister à des réunions professionnelles, participer à des soirées, acheter ou vendre tout ce qui se présente, et bien sûr jouer… Vous pourrez également construire vos propres espaces et communautés, ce qui ouvre des possibilités infinies en termes de lieux et d’activités.

LA RÉUNION DES DEUX MONDES

Ce qui frappe en premier lieu dans le métavers est la « présence » humaine, ce sentiment de présence dans l’espace lorsque l’on est en ligne dans des lieux pourtant numériques avec des avatars en guise de personnages. Et c’est bien là, étonnamment, que les mondes virtuel et réel ne font qu’un grâce à l’interaction naturelle d’un casque ou de lunettes.
Il n’y aura rien de plus facile que d’aller à un concert, faire un voyage, créer des œuvres d’art ou acheter des vêtements numériques… Le métavers pourrait également donner de nouvelles possibilités de travailler, et pas seulement dans un contexte à domicile : dans un environnement professionnel, les employés pourraient travailler dans leur bureau virtuel, des réunions pourraient se faire entre avatars ou bien des personnes présentes physiquement dans une salle de réunion pourraient être rejointes par des collègues présents virtuellement via le métavers. Les possibilités sont immenses.

LES ORIGINES DU TERME MÉTAVERS

« Méta » vient du grec qui signifie « au-delà » et de l’anglais « metaverse » qui est une contraction de meta universe (ou méta-univers).
Le terme est apparu la première fois en 1992 dans un roman de Neal Stephenson, « Le samouraï virtuel », ou l’histoire d’un magnat qui découvre le moyen de contrôler l’esprit humain en infectant un virus dans les cerveaux de la même manière que peut l’être un ordinateur afin d’accroître son pouvoir. Son ambition sera contrariée par un hacker au savoir illimité donné par le métavers, une anticipation du (futur) web sous la forme d’un univers virtuel.

LE CONCEPT

Pour pouvoir se connecter dans cet univers en ligne, il faudra bien sûr être équipé d’un casque de réalité virtuelle. Une fois à l’intérieur du métavers, l’utilisateur sera représenté par un avatar, une sorte de corps virtuel dont il sera possible de changer l’apparence.

Le métavers est divisé en deux mondes différents
1. Le premier, appelé blockchain (3), va permettre aux internautes d’acheter des parcelles de terrain virtuelles et de construire leur environnement grâce à de la cryptomonnaie et des jetons non fongibles (NFT) [voir encadré en bas de page]. (4)
2. Le second, comme celle de Facebook, peut utiliser le métavers pour créer un monde virtuel où les gens pourront se rencontrer pour leurs consultations commerciales.

LANCEZ-VOUS !

Il faudra tout d’abord vous créer un avatar qui sera votre réprésentation virtuelle. Il pourra être réaliste afin qu’il vous ressemble ou sera celui ou celle que vous aurez toujours rêvez d’être…

Comment y aller ?
Pour accéder au métavers, vous devrez choisir votre plateforme suivant vos besoins ou vos envies (social, achat ou vente sous forme de NFT, rencontres, spéculation…).
Pour explorer et vous immerger totalement dans l’expérience du métavers, vous devez envisager d’acheter un casque de réalité virtuelle ou des lunettes intelligentes de réalité augmentée. Ces dispositifs indispensables vous permettront de percevoir un véritable sentiment de présence dans cet environnement que vous ne trouverez pas si futuriste que cela.

Découvrir
Une fois votre avatar et votre équipement en place, vous pourrez explorer le monde virtuel que vous aurez choisi et vous y perdre en y découvrant des scènes, des paysages et des structures créés par d’autres membres. Vous pourrez également visiter des musées, jouer à des jeux, parier dans des casinos, faire des achats. Bref, la vraie vie quoi !

Communiquer
Il sera aussi facile de communiquer avec les membres d’une communauté par messages vocaux ou textes, comme aujourd’hui avec vos SMS ou autre WhatsApp, ce qui vous permettra de fonder de nouvelles relations ou de renforcer celles que vous avez déjà.
Pour certains, c’est « the place» où il faut être pour rassembler des communautés plus soudées et plus fidèles que dans le monde physique.

Créer
Vous pourrez créer votre propre univers dans le métavers. Vous aurez ainsi un contrôle total sur votre monde. Mais c’est également l’endroit idéal si vous êtes un artiste ou un créateur. Vous pourrez ainsi publier ou vendre vos œuvres.

Affairer
L’e-commerce sera l’une des utilisations les plus en pointe du métavers. Des entreprises importantes comme Nike – qui a récemment mis la main RTFKT et ses baskets virtuelles (oui, vous avez bien lu), qui habille les avatars dans le métavers – ou Amazon, s’y sont installés ! Mais vous pourrez plus simplement proposer vos services, développer des jeux, ouvrir un casino, organiser des concerts…
Le métavers est également le marketing du futur. Elle inventera de nouvelles stratégies publicitaires afin de promouvoir des marques.

Acheter ou vendre
De nombreux actifs digitaux attendent des acquéreurs. Ils vous permettront par exemple de personnaliser votre avatar, de meubler votre espace, etc.

Spéculer
Vous pouvez acheter et/ou louer une propriété ou un terrain ou construire une structure. L’immobilier virtuel, l’une des activités les plus populaires, est en plein essor, les terrains numériques ayant le vent en poupe (pour la création d’espaces de commerce ou d’organisation d’événements.

EN CONCLUSION

Pour certains experts, le métavers sera encore plus toxique qu’internet, allant même jusqu’à le qualifier de « Far West » numérique. Cette nouvelle expérience sera tout aussi excitante que dangereuse. Les effets négatifs tels que nous les connaissons sur l’internet d’aujourd’hui seraient amplifiés et engendreraient des problèmes d’addiction bien plus graves. Les interactions virtuelles plus réalistes et plus intenses y seront bien sûr pour beaucoup avec des pertes de patience, de concentration et de comportements toxiques… Restent à définir des lois qui, pour l’instant, n’existe pas.

LES NFT, C’EST QUOI EXACTEMENT ?

Les jetons non fongibles (NFT) sont des certificats de propriété stockés sur une blockchain. Ces jetons numériques permettent de certifier l’authenticité d’un objet qui lui est associé en achetant un code (ou un certificat)

Contrairement à la monnaie telle qu’on la connaît (ou aux cryptomonnaies), chaque NFT est unique ou non fongible, c’est-à-dire qu’il ne peut être échangé contre quelque chose de valeur égale. 

Le marché de l’art est en pleine révolution grâce aux NFT. Mike Winkelmann (Beeple) a vendu une photo numérique pour plus de 69 millions de dollars chez Christie’s. Et pourtant, cette photo est consultable et téléchargeable sur internet, contrairement à un tableau « réel ». Alors, pourquoi acheter une telle œuvre de cette manière ? Et bien tout simplement parce que celle-ci a été vendue avec son NFT qui la rend unique et traçable. Ce certificat signe bien sûr l’œuvre de l’artiste et indique qui l’a vendue, qui l’a achetée et pour quelle somme et à quelle date. Cette œuvre « numérique » peut donc être cédée en enchère… et si la valeur de la cryptomonnaie qui a permis d’acquérir le certificat NFT augmente, la valeur de cette œuvre augmentera  pour le possesseur du NFT.

(1) La réalité virtuelle permet de simuler numériquement un environnement.

(2) La réalité augmentée est la combinaison d’images de synthèses et d’ images du monde réel.

(3) Une blockchain est une technologie de stockage et de transmission d’informations qui permet à ses utilisateurs – connectés en réseau – de partager des données sans intermédiaire.

(4) Un NFT est un certificat de propriété stocké sur une blockchain  généralement associé à un actif numérique : œuvres artistiques, vidéos, objets de collection… C’est un jeton unique ou « non fongible » qui ne peut pas être retiré ou contrefait.

Vérifiez vos adresses mails !

Il n’y a pas que votre ordinateur qui peut être piraté. Vos adresses mails on pu être subtilisées dans d’autres bases de données (Santé, Gafam, réseaux sociaux…). Pour le savoir et éviter une usurpation de votre identité, de l’hameçonnage ou autre méfait, vérifiez auprès du site  haveibeenpwned s’il y a eu violation de vos adresses. Si tel est le cas, le site vous indique sur quels sites vos données ont été volées… et changez vos mots de passe.

la CNIL et vos données

Le médecin libéral doit donc protéger ses données personnelles et médicales. Pour ce faire, il doit passer par des protocoles précis : hébergement certifié données de Santé avec demande préalable auprès de la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL). 

La CNIL a récemment sanctionné deux médecins libéraux pour ne pas avoir suffisamment protégé les données de leurs patients, des milliers d’images médicales hébergées sur des serveurs étaient en accès libre. Toutes ces données pouvaient donc être consultées et téléchargées, et étaient, selon les délibérations de la CNIL, « suivies notamment des nom, prénoms, date de naissance et date de consultation des patients ». Le problème venait simplement d’un mauvais paramétrage de leur box internet et du logiciel d’imagerie qui laissait en libre accès les images non chiffrées.

A lire également



Cybersécurité – banalisation sur toile

Intelligence artificielle – la santé au cœur du futur


L’intelligence artificielle – Introduction à la Santé


Les préoccupations liées à l’intelligence artificielle


Les 50 ans d’internet


Les virus


De l’impression 3D à la bio-impression


Retour vers le futur – les prédictions médicale dans les années 1950

LES NFT, C’EST QUOI EXACTEMENT ?

Les jetons non fongibles (NFT) sont des certificats de propriété stockés sur une blockchain. Ces jetons numériques permettent de certifier l’authenticité d’un objet qui lui est associé en achetant un code (ou un certificat)

Contrairement à la monnaie telle qu’on la connaît (ou aux cryptomonnaies), chaque NFT est unique ou non fongible, c’est-à-dire qu’il ne peut être échangé contre quelque chose de valeur égale. 

Le marché de l’art est en pleine révolution grâce aux NFT. Mike Winkelmann (Beeple) a vendu une photo numérique pour plus de 69 millions de dollars chez Christie’s. Et pourtant, cette photo est consultable et téléchargeable sur internet, contrairement à un tableau « réel ». Alors, pourquoi acheter une telle œuvre de cette manière ? Et bien tout simplement parce que celle-ci a été vendue avec son NFT qui la rend unique et traçable. Ce certificat signe bien sûr l’œuvre de l’artiste et indique qui l’a vendue, qui l’a achetée et pour quelle somme et à quelle date. Cette œuvre « numérique » peut donc être cédée en enchère… et si la valeur de la cryptomonnaie qui a permis d’acquérir le certificat NFT augmente, la valeur de cette œuvre augmentera  pour le possesseur du NFT.




Du syndrome X coronaire à l’INOCA – 1ère partie

La lecture est réservée à nos abonnés.

Pour lire cet article, vous devez vous connecter




Savoir analyser la littérature médicale [3]

La lecture est réservée à nos abonnés.

Pour lire cet article, vous devez vous connecter




Les e-rencontres 2022

La lecture est réservée à nos abonnés.

Pour lire cet article, vous devez vous connecter




La Haute autorité de santé (HAS)

La lecture est réservée à nos abonnés.

Pour lire cet article, vous devez vous connecter




L’ABC de la CCAM… 2e partie

La lecture est réservée à nos abonnés.

Pour lire cet article, vous devez vous connecter




La santé, enjeu majeur de la présidentielle… mais pas seulement

La lecture est réservée à nos abonnés.

Pour lire cet article, vous devez vous connecter




Assemblée générale du SNC – 1ère partie

La lecture est réservée à nos abonnés.

Pour lire cet article, vous devez vous connecter




XXIe siècle : siècle des lumières du numérique ?

Par Marc Villacèque.
Président du Syndicat national des cardiologues.

La révolution numérique change notre monde bien plus que nous le pensons : internet et les réseaux sociaux participent à façonner indirectement notre pensée. Facebook priorise les contenus avec l’émoticône colère plutôt que « like » et la logique algorithmique de Youtube est basée sur le nombre de vues et non la pertinence des propos, favorisant par exemple les visions climatosceptiques…

L’objectif est d’attirer et de maintenir l’attention pour nous proposer de la publicité, quitte à privilégier de fausses informations uniquement pour maintenir leur rentabilité financière.

En perte d’esprit critique

Face à cette désinformation généralisée, le rapport « Les Lumières à l’ère numérique » a été rédigé par un groupe indépendant suite à la demande du président de la République. Même si les 30 propositions changeraient difficilement les choses, le constat est édifiant, limpide et argumenté : nous sommes en train de perdre notre esprit critique.

Effectivement, nous sommes aujourd’hui confrontés à un volume inédit d’informations disponibles avec une multitude de points de vue, dont le seul but est de faire de l’audience. Cette saturation d’informations, parfois cachées dans des programmes de divertissement, met à rude épreuve nos capacités de vigilance cognitive et nous rend par conséquent davantage perméables aux fausses informations.

Ces fausses nouvelles sont susceptibles d’influencer nos attitudes, nos comportements, et notre représentation du monde environnant, au risque de faire émerger des réalités parallèles et disparaître l’espace commun nécessaire à l’expression et la confrontation des opinions, pour débattre et échanger. Ce socle commun qui était essentiellement basé sur la science, l’esprit critique et la confiance au sachant est maintenant attaqué par des croyances, des pensées paresseuses synthèses de raisonnements rapides et faussement intuitifs. Tout ceci fait que même si nous appartenons tous à la même société, nous ne vivons pas tous dans le même monde.

Un exemple concernant le monde médical est celui des personnes antivax ; elles n’ont pour la plupart aucune mauvaise intention, et veulent même le bien de notre société et de leurs concitoyens, mais elles imaginent que les statistiques sont truquées, que les scientifiques sont achetés, et que les journalistes ne sont pas indépendants… Ainsi, nous n’avons plus de bases communes, ni de référentiel ou de langage commun nous permettant d’échanger ou de partager des opinions différentes.

Chacun reste figé sur sa position, refusant la controverse, croyant dur comme fer à son monde et à sa Vérité, chaque argument contraire faisant violence à son cerveau, provoquant des émotions difficilement maîtrisables et rendant le débat impossible. Heureusement, ou malheureusement, chaque « adversaire » confortera son point de vue grâce à internet.

Médecins, nous devons écouter et essayer de comprendre tous nos patients, mais nous devons aussi rester lucides et  vigilants. Comme disait l’homme politique et médecin Georges Clémenceau « La vérité d’aujourd’hui peut avoir été l’erreur d’hier et peut devenir, par l’accroissement des connaissances l’erreur de demain ».

Soyons critiques de tout, même de nous-mêmes.




Les points marquants de cette élection présidentielle

Interview de Elisa Chelle (1) 

Quelle est la place de la médecine libérale dans la campagne présidentielle ?

La médecine libérale fait l’objet de plusieurs propositions, à côté de la médecine hospitalière ou de la médecine préventive. Il est d’abord question des futurs médecins. Si le numerus clausus a été supprimé, l’augmentation de la capacité d’accueil des facultés de médecine est en discussion. Une année d’internat ou de fin d’études passée à exercer dans un désert médical est envisagée, sans préciser toutefois quel pourrait être l’encadrement de ces juniors là où il n’y a justement pas ou plus de médecins. Des primes à l’installation ou à l’exercice en zone sous-dotée ne sont pas écartées. La coopération entre ville et hôpital est encouragée sous différentes formes (coordination, exercice à temps partagé…). Cependant, ce sont surtout les généralistes qui sont évoqués. La médecine de spécialité est relativement absente du débat de cette campagne.

Que doit-on en déduire ?

Il est difficile d’être exhaustif et pédagogique dans une campagne électorale. La santé reste un domaine assez technique. C’est aussi l’effet d’une démographie médicale. En 2020, on compte 103 000 généralistes pour 128 000 spécialistes en France. Nous avons également davantage de spécialistes formés à l’étranger ou dans l’UE, alors que la quasi-totalité des généralistes exerçant en France a été formée en France. Or, les généralistes sont le point d’entrée des Français pour entrer dans un parcours de soins. Les enjeux de la médecine de spécialité sont tout aussi importants, mais ils sont plus ciblés, donc moins visibles du grand public.

Les attentes des Français ont-elles évolué par rapport à l’élection présidentielle de 2017 ?

La pandémie de Covid-19 est passée par là. L’accès aux soins, tant d’un point de vue géographique qu’économique, est une thématique plus sensible. Les conditions de travail des personnels soignants ont aussi fait l’objet d’une attention particulière. Il faut se souvenir des Français applaudissant à leur fenêtre pendant le confinement… La thématique de réduction des coûts qui a prévalu ces dernières années n’est plus audible, en tout cas pour ces élections présidentielles de 2022.

La stratégie actuelle diffère-t-elle des stratégies précédentes ou bien accélère-t-elle certaines tendances ?

Quel que soit le gouvernement, il est difficile de faire « disruptif » en matière de politique de santé, tant le système est complexe et les acteurs nombreux. Le plan « Ma Santé 2022 » accentue certaines tendances : l’accroissement des métiers « paramédicaux », la décentralisation de la définition de l’offre de soins avec une plus grande prise en compte des besoins de santé par territoire, ou encore le renforcement de la santé publique avec le développement de mesures de prévention en milieu scolaire et en médecine du travail.

Globalement, quel regard peut-on porter sur notre système de santé aujourd’hui, dans l’absolu et en le replaçant dans un contexte plus international ?

La France est un pays que l’on pourrait presque qualifier de communiste en matière de santé. Les coûts de santé sont largement socialisés. L’hôpital public occupe une place prépondérante dans le système de soins. Qu’il s’agisse des actes, des consultations ou des médicaments, les tarifs sont fortement régulés par l’État. Corrélés à une Assurance-maladie universelle, les restes à charge sont relativement faibles. Cela ne signifie pas qu’il n’y a pas d’inégalités face à la santé, mais celles-ci sont largement atténuées par le système de protection sociale, et ce malgré les injonctions du « nouveau management public » de ces vingt dernières années.

(1) Professeure des universités en science politique – Université Paris Nanterre ; chercheuse affiliée au laboratoire interdisciplinaire d’évaluation des politiques publiques de Sciences Po. Auteure de « La santé, sujet contrarié de la campagne présidentielle ? », Les Tribunes de la santé, n° 71, 2022