Zoom sur le bilan de la délégation ministérielle au numérique en santé (DNS)

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RENFORCEMENT DE LA SÉCURITÉ ET DE L’INTEROPÉRABILITÉ


Le deuxième axe de la feuille de route du numérique en santé était consacré à l’intensification de la sécurité et de l’interopérabilité des systèmes d’information (SI) de santé. Il comprenait sept actions.


L’éthique, un prérequis

L’éthique est le prérequis de cet axe. Ce sujet est porté par Brigitte Seroussi, responsable de la cellule éthique du numérique en santé à la DNS et professeure des universités-praticienne hospitalière (PU-PH). Le Dr Seroussi pilote également la cellule éthique du CNS et, en collaboration avec la direction générale de l’offre de soins (DGOS), le « pilier éthique et développement durable » du futur référentiel Maturin-H (Maturité numérique des établissements hospitaliers) qui permettra de certifier les Systèmes d’information hospitaliers (SIH). Ce référentiel sera généralisé à partir de 2024.

Au total, ce ne sont pas moins de 46 critères éthiques qui ont été édictés pour les logiciels de santé.

La cybersécurité

Dans le cadre de l’action relative à la cybersécurité mise en œuvre depuis 2019, la cellule d’Accompagnement cybersécurité des structures de santé (ACSS) est devenue le CERT santé en avril 2021. 

Un plan de renforcement cyber des établissements de santé a été annoncé en juin 2021, 142 établissements ayant été désignés Opérateurs de services essentiels (OSE). Des exigences ont par ailleurs été formulées concernant la part du budget consacré à la sécurité dans l’enveloppe pour le numérique.

Enfin, des mesures ont été mises en place visant à renforcer la sécurité des connexions des patients, des professionnels et des structures, par exemple l’authentification systématique à deux facteurs et des services partagés d’identification électronique (FranceConnect, ApCV, Pro Santé Connect).

Des applications et des services pour les professionnels et les patients

La future application mobile carte Vitale permettra bientôt aux usagers d’assurer le remboursement de leurs frais de santé via leur téléphone au lieu de la carte physique. Elle est en cours d’expérimentation depuis 2019 dans quelques départements et sera généralisée à partir de 2023.

Le Répertoire partagé des professionnels de santé (RPPS) est désormais ouvert aux infirmiers et sera élargi aux autres professionnels. Plus d’un million de professionnels y sont inscrits. Il permettra notamment d’avoir accès à la Déclaration sociale nominative (DSN), de manière à simplifier l’enregistrement du professionnel de santé par les employeurs.

Le fichier national des établissements sanitaires et sociaux (Finess) est en cours de refonte. Celle-ci devrait aboutir d’ici fin 2023. En parallèle, le répertoire de l’offre et des ressources (ROR) en santé et dans le domaine de l’accompagnement médico-social devrait être disponible début 2023. Il recensera l’ensemble des offres des structures sanitaires et médico-sociales et intègrera un suivi dynamique de la disponibilité des lits hospitaliers.

Enfin, l’e-CPS (carte professionnelle de santé) et Pro Santé Connect sont désormais opérationnels. Nécessaires à l’identification sécurisée des professionnels de santé, ils leur permettent désormais de se connecter à 130 services numériques, contre moins de 50 début 2021.

L’ACCÉLÉRATION DU DÉPLOIEMENT DE SERVICES SOCLES

Les services socles comprenaient le dossier médical partagé (DMP), les messageries sécurisées de santé (MSSanté) pour les professionnels et les citoyens et la mise en place de l’agenda. Ils sont intégrés dans l’espace numérique de santé « Mon espace santé », généralisé en février dernier. Si plusieurs phases de développement sont encore prévues d’ici fin 2023, les services existants permettent déjà aux usagers de disposer d’un carnet de santé numérique qui peine pour l’instant à convaincre les patients et les professionnels. L’application mobile « Mon espace santé » est, par ailleurs, disponible depuis mai dernier. 

E-prescription 

Ce téléservice doit être généralisé au plus tard le 31 décembre 2024. Une expérimentation de prescription dématérialisée est en cours depuis juillet 2019 dans le Maine-et-Loire, la Saône-et-Loire et le Val-de-Marne. Près de 400 000 e-prescriptions ont été réalisées en 2021, contre 200 000 en 2020. 

e-Parcours, la coordination numérique des soins

Quant au programme d’appui à la coordination des soins e-Parcours, il a permis de financer 279 projets territoriaux représentant environ 85 millions d’euros en phase d’amorçage et un volume global de 144 M e lorsque les cibles d’usage seront atteintes. Ce sont près de 45 000 professionnels uniques qui ont eu recours aux outils de coordination courant 2021. 

LE DÉPLOIEMENT DE PLATEFORMES

Au-delà de « Mon espace santé », déployé et expérimenté par 150 établissements, la DNS prévoit le lancement d’un bouquet de services devant permettre aux professionnels de choisir des services numériques conformes à la doctrine du numérique en santé. Ce sont ainsi 500 000 professionnels inscrits à Ameli Pro qui vont passer au bouquet de services.

Autre plateforme majeure pour le système de santé, le Health data hub (HDH) dont l’hébergement chez Microsoft a suscité plusieurs polémiques. Le HDH est aujourd’hui à la tête d’un consortium candidat à la conception de l’espace européen des données de santé. 

LE SOUTIEN À L’INNOVATION, L’ÉVALUATION DES DISPOSITIFS MÉDICAUX INNOVANTS ET L’ENGAGEMENT DES ACTEURS DE L’ÉCOSYSTÈME 

Cet axe du chantier « Numérique en santé » regroupait 12 actions de la feuille de route. 

La doctrine du numérique suppose que l’ensemble des acteurs respecte son contenu. Pour éviter les fuites de données, l’incompatibilité des systèmes et les difficultés des patients à utiliser les outils numériques en santé, la DNS s’est attachée à moderniser et à imposer les règles régissant ces domaines. 

Les autres actions concernent entre autres :

  • l’évaluation de la maturité des SIH avec le référentiel Maturin-H qui sera généralisé en 2024 
  • la transformation numérique des essais cliniques et des dispositifs médicaux connectés, avec la création de lieux dédiés à la co-conception regroupant l’ensemble des parties prenantes notamment patients et professionnels de santé.
  • la création d’un guichet unique et consolidé, G_NIUS (Guichet national innovation et usage e-santé), pour faciliter la vie des porteurs de projets innovants. Ce « Guichet national de l’innovation et des usages en e-santé » est accessible en ligne via gnius.esante.gouv.fr. Il permet aux « innovateurs » (start-up, entreprises, chercheurs, professionnels de santé…) de passer par le même guichet dont le rôle serait d’identifier, de faire émerger et de diffuser de nouveaux concepts, technologies, solutions et usages en matière d’e-santé, et d’aiguiller les acteurs du marché dans l’ensemble des dispositifs existants. Depuis son lancement, G_NIUS comptabilise 55 000 visiteurs (64 % de visiteurs récurrents). 58 acteurs du numérique en santé y sont référencés 
  • l’installation des « comités citoyens » qui visent à donner la parole aux usagers du système de santé. La DNS avait publié en janvier dernier un rapport contenant 64 propositions émanant de ces comités dont le déploiement d’ambassadeurs du numérique qui accompagneront les Français les plus éloignés du numérique dans l’adoption des technologies en santé.


Acronymes

ACSS. Accompagnement cybersécurité des structures de santé – devenue CERT Santé.
CERT Santé. Système de sécurité et de veille numérique contre les cyberattaques
DGOS. Direction générale de l’offre de soins
Maturin-H. Maturité numérique des établissements hospitaliers
DMP. Dossier médical partagé
DNS. Délégation ministérielle au numérique en santé
DSN. Déclaration sociale nominative
e-CPS. Carte professionnelle de santé)
FIness. Fichier national des établissements sanitaires et sociaux
HDH. Health Data Hub
G_NIUS. Guichet national innovation et usage e-santé
MSSanté. Messageries sécurisées de santé
OSE. Opérateurs de services essentiels
RPPS. Répertoire partagé des professionnels de santé
ROR. Répertoire de l’offre et des ressources
SI. Systèmes d’information

© Everything possible/depositphotos




Numérique en santé : les 3 ans qui ont tout changé


En avril 2019, la ministre de la santé Agnès Buzyn lançait la feuille de route du numérique en santé et en confiait la mise en œuvre à Domique Pon et Laura Létourneau. Le binôme a présenté son bilan le 23 juin dernier.

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UN CONSTAT SÉVÈRE


En février 2018, le Premier ministre Edouard Philippe et le ministre des solidarités et de la santé, Agnès Buzyn, annonçait le lancement de la stratégie de transformation du système de santé. Celle-ci comprenait un chantier « Numérique en santé ».

Constatant le retard de la France dans ce domaine, le gouvernement avait défini un enjeu majeur, l’accélération du virage numérique, et trois objectifs stratégiques : l’accessibilité en ligne, pour chaque patient, de l’ensemble de ses données médicales, la dématérialisation de l’intégralité des prescriptions et la simplification effective du partage de l’information entre tous les professionnels de santé.

Les premiers travaux ont donné lieu à la publication du rapport Pon / Coury en septembre 2018. Celui-ci dressait un constat sévère sur la e-santé : faible coordination des professionnels notamment en raison de l’absence d’interopérabilité entre les services numériques, absence de participation des patients qui n’avaient pas la main sur leurs données de santé, retard d’informatisation du secteur médico-social, peu d’innovation dans le numérique en santé et non prise en compte du cadre européen par les différents acteurs.


LA FEUILLE DE ROUTE DU NUMÉRIQUE EN SANTÉ


Quelques mois après la publication de ce rapport peu engageant, Agnès Buzyn présente la feuille de route du numérique en santé et en confie la mise en œuvre au binôme Dominique Pon – directeur général de la clinique Pasteur de Toulouse – et Laura Létourneau – haut-fonctionnaire diplômée du corps des Mines. Nommés respectivement responsable et déléguée ministériels de la Délégation ministérielle du numérique en santé (DNS), Dominique Pon et Laura Létourneau définissent leur plan d’action et fixent en premier lieu le « pourquoi », le « quoi » et le « comment » de leur mission :

  • le « pourquoi » : le numérique en santé n’est pas une fin en soi, mais un moyen indispensable à la transformation du système de santé. Sa mise en œuvre doit reposer sur des valeurs et un sens, il doit être éthique, humaniste et citoyen ;
  • le « quoi » : le binôme propose le concept d’un « Etat-plateforme » concentré sur des référentiels et des services socles et illustré par l’image d’une maison ;
  • le « comment » : une méthode comprenant un changement de gouvernance avec la DNS comme chef d’orchestre garant de la vision et la mise en œuvre de la feuille de route suivant le principe des « petits pas rapides ». Le « comment » impliquait également la coordination des acteurs publics (ANS, Assurance-maladie, ARS, GRADeS…), la co-construction permanente avec les acteurs externes, y compris les citoyens, et enfin des leviers de déploiement inédits pour pouvoir agir rapidement.

Le concept d’« Etat-plateforme » pour le numérique en santé est salué par l’écosystème, ainsi que la volonté de faire travailler ensemble tous les organismes publics impliqués dans ce projet. Néanmoins, les échecs passés et les délais très contraints définis dans la feuille de route génèrent un certain scepticisme puisque les équipes ont trois ans pour réaliser les trente actions réparties dans cinq grandes orientations :

  1.  renforcer la gouvernance du numérique en santé ;
  2. intensifier la sécurité et l’interopérabilité des systèmes d’information en santé ;
  3. accélérer le déploiement des services numériques socles ;
  4. déployer au niveau national des plateformes numériques de santé ;
  5. soutenir l’innovation et favoriser l’engagement des acteurs.

Fin 2019 puis tous les six mois, des états d’avancement sont publiés montrant que les délais sont tenus. En parallèle, des actions de coconstruction sont lancées : un tour de France des régions, le Conseil du numérique en santé, des ateliers citoyens, des comités rassemblant des associations de patients, des professionnels, des établissements, des industriels…

C’est cette mobilisation de tous les acteurs internes et externes qui ont permis de rendre réels des projets lancés parfois depuis 20 ans et qui étaient devenus de véritables « serpents de mer » : l’identité nationale de santé, l’extension du RPPS aux infirmiers, l’évolution du DMP, la revalorisation salariale des ingénieurs hospitaliers ou encore le lancement d’un programme de formation des professionnels de santé au numérique.

De nouveaux projets ont également été réalisés parmi lesquels le déploiement de la carte dématérialisée des professionnels de santé (e-CPS) ou Mon espace santé, véritable incarnation de « l’Etat-plateforme ».


LA CRISE SANITAIRE, UN ACCÉLÉRATEUR

La crise sanitaire a joué un indéniable rôle d’accélérateur pour le numérique en santé. Une vingtaine de projets Covid ont été mis en place en des temps record : SI-DEP, l’application Covid, le passe sanitaire…, mais aussi le développement de la e-santé et plus particulièrement de la téléconsultation.

Ces projets ont nécessité la collaboration de tous les acteurs impliqués malgré le contexte de pandémie et ils ont largement contribué à lutter contre la propagation du virus et à maintenir autant que possible l’accès aux soins des patients.


Le bilan en image


Source : « Fait(s) – Bilan de la feuille de route du numérique en santé – 2019-2022 » – ministère de la santé et de la prévention – Juin 2022.

UN FINANCEMENT INÉDIT

Le gouvernement a débloqué des budgets importants pour répondre aux enjeux du numérique en santé.

Dans le cadre du Ségur numérique, 2 Mds d’euros ont été débloqués pour permettre le partage fluide et sécurisé des données de santé. Les éditeurs de logiciels ont notamment bénéficié de financements directs importants, ainsi que les professionnels de santé.

Dans le cadre de la stratégie d’accélération santé numérique, un programme de 670 M d’euros a été défini pour soutenir l’innovation.

AU-DELÀ DES FRONTIÈRES

En 2019, la France apparaissait comme le mauvais élève de l’Europe en matière de numérique en santé. Les réalisations de la DNS en ont fait un modèle. Le travail accompli dans le cadre du Covid, notamment le déploiement du passe-sanitaire européen a également contribué à ce résultat, notamment en raison des règles encadrant le passe. Celui-ci fut d’ailleurs adopté en quelques semaines par tous les Etats membres et même au-delà.

De plus, au cours du 1er semestre 2022 et dans le cadre de la présidence française du conseil de l’Union européenne, la France a proposé à l’Europe de définir des principes éthiques régissant le numérique en santé. Les 27 ont accepté ces propositions qui permettaient de créer une troisième voie entre la vision ultra-libérale américaine et celle ultra-sécuritaire et liberticide de la Chine.

Au-delà des exigences d’interopérabilité et de sécurité, les seize principes européens pour l’éthique du numérique en santé se veulent ainsi la base de la confiance des citoyens européens dans le numérique en santé. Ils reposent sur quatre dimensions éthiques :

1. l’inscription du numérique en santé dans un cadre de valeurs humanistes ;

2. l’accès des personnes au numérique et à leurs données de santé, sur lesquelles elles doivent avoir la main ;

3. le développement d’un numérique en santé inclusif ;

4. la mise en œuvre d’un numérique en santé écoresponsable.

Ces principes sont destinés à faciliter les futures discussions relatives au règlement européen sur l’Espace européen de données de santé.

ET MAINTENANT ?

Dominique Pon et Laura Létourneau ayant quitté leurs fonctions, Hela Ghariani et Raphaël Beaufret, tous deux directeurs de projets à la DNS, ont été nommés pour assurer la transition et poursuivre le travail engagé en 2019.

En effet, de nombreux projets restent à mener, par exemple sur la gouvernance, l’innovation ou les données. De plus, à la demande de l’ex-ministre des solidarités et de la santé, Olivier Véran, l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) a lancé une mission dont l’objectif est de mener une réflexion sur la place du numérique au sein du ministère de la santé et de la prévention. En effet, le sujet est porté à différents niveaux par une multitude d’acteurs, ce qui génère des dysfonctionnements sur le terrain.

L’Igas doit donc travailler en particulier sur la coordination en interne et la co-construction avec l’externe et « proposer les modalités d’un positionnement renforcé de la DNS dans l’organisation structurelle du ministère », afin d’aboutir à « une grande mutualisation […] et les modalités d’interactions avec les organismes publics nationaux et régionaux impliqués dans le numérique en santé, d’ici septembre 2022 ».

Acronymes

ACSS. Accompagnement cybersécurité des structures de santé – devenue CERT Santé.
CERT Santé. Système de sécurité et de veille numérique contre les cyberattaques
DGOS. Direction générale de l’offre de soins
Maturin-H. Maturité numérique des établissements hospitaliers
DMP. Dossier médical partagé
DNS. Délégation ministérielle au numérique en santé
DSN. Déclaration sociale nominative
e-CPS. Carte professionnelle de santé)
FIness. Fichier national des établissements sanitaires et sociaux
HDH. Health Data Hub
G_NIUS. Guichet national innovation et usage e-santé
MSSanté. Messageries sécurisées de santé
OSE. Opérateurs de services essentiels
RPPS. Répertoire partagé des professionnels de santé
ROR. Répertoire de l’offre et des ressources
SI. Systèmes d’information

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« La grande démission » en santé

Par Marc Villacèque.
Président du Syndicat national des cardiologues

La crise de notre système de santé s’est accélérée depuis la pandémie de Covid. Elle s’étend aujourd’hui massivement aux professionnels de santé. Entre 2019 et 2021, et malgré l’augmentation de 3 % des effectifs non médicaux des établissements de santé, la proportion de postes vacants chez les infirmiers et les aides-soignants n’a cessé d’augmenter. Ces professionnels désertent le secteur de la santé aggravant la fatigue des équipes restantes, entraînant une hausse des heures supplémentaires, une augmentation du recours à l’intérim, et in fine des fermetures de lits. 

La FHF (Fédération hospitalière française) annonce que 57 % des centres hospitaliers et 85 % des CHU ont recours à des fermetures temporaires de lits en raison de postes vacants, notamment ceux de nuit et de week-end. D’après l’association des médecins urgentistes de France, 120 services d’urgence ont dû fermer par manque de personnel. Les établissements privés ne sont pas épargnés.

Cette désaffection touche également de plus en plus de médecins qui diminuent ou arrêtent leurs activités. Une étude sur l’attractivité de la médecine hospitalière montre que les critères les plus importants sont la qualité de l’exercice professionnel, l’accès à l’innovation et la rémunération. On retrouve ce critère de qualité de travail en libéral dans une étude de la DREES sur les médecins généralistes, étude qui révèle que les médecins souhaitent travailler moins d’heures par semaine, prendre plus de vacances et avoir du temps pour d’autres activités et ainsi avoir un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle. Cette étude est à relativiser puisque le nombre d’heures passe de 55 heures à 53 heures voir 50 heures par semaine pour à peu près une semaine de vacances en plus par an.

Ce besoin de « qualité de vie au travail » se retrouve dans de nombreuses professions, dans de nombreux pays et rejoint le courant de la « grande démission » (great resignation) qui a commencé en juillet 2020 aux États-Unis avec des millions d’Américains insatisfaits de leurs conditions de travail ou de leurs salaires, qui quittent leurs emplois malgré un taux de chômage élevé. 

Il est très difficile de savoir quelles en sont les raisons, mais la conséquence est que les chefs d’entreprise et les managers commencent maintenant à s’adapter aux salariés et non plus l’inverse. Notre système de santé qui doit se moderniser et se restructurer, doit lui aussi s’adapter à ces changements sociaux qui commence à concerner toutes les générations.

Aujourd’hui, les patients et les décideurs souhaitent une continuité de soins voire une permanence de soins dans tous les territoires, cependant les médecins ne sont pas multipliables à l’infini et malgré une intensification de leur exercice médical ont aujourd’hui une présence au travail moindre. Pour répondre aux exigences des usagers tout en respectant les aspirations des soignants, nous devrons en outre inventer des systèmes de délégation gagnant-gagnant pour tout le monde. Mais ceci ne sera possible qu’en rémunérant les acteurs à leurs justes prix, pour ainsi éviter l’épidémie démissionnaire.




3e cycle : l’accueil du médecin en formation

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Majorations et urgences : quoi de neuf ?

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L’Ordre des médecins

L’Ordre des Médecins rassemble et fédère tous les praticiens.  Son rôle est à la fois moral, administratif, consultatif, juridictionnel et de conciliation. Il garantit ainsi la relation médecin-patient.

Cinq missions

La mission initiale de l’Ordre était de veiller au respect de l’éthique médicale. Il publia le premier code de déontologie en 1947. Depuis 2002, il est également chargé de veiller au maintien de la compétence des médecins. Outre ces deux missions, l’Ordre accompagne et aide les médecins, veille à la qualité des soins et conseille les pouvoirs publics.

Une présence locale et nationale 

L’Ordre des médecins est représenté aux niveaux départemental, régional et national. Les conseillers régionaux et nationaux sont élus par les conseillers départementaux. Chaque médecin est électeur et éligible. Depuis 2016, les élections sont paritaires et les candidats doivent avoir 71 ans au plus.

Des services pour les professionnels de santé

Les 1 824 conseillers départementaux sont élus pour 6 ans et renouvelés par moitié tous les 3 ans. Leurs missions sont administratives et juridiques : inscription des médecins et mise à jour du tableau, délivrance des autorisations de remplacement, organisation de la permanence des soins, examen et contrôle des contrats conclus par les médecins…

Les CDOM reçoivent les plaintes déposées contre les médecins. En cas d’échec de la conciliation, ils les transmettent aux chambres disciplinaires de première instance qui siègent de manière indépendante auprès des conseils régionaux de l’ordre (la commission nationale d’appel siègeant au niveau du CNOM).

Les CDOM sont également la porte d’entrée du service d’entraide pour les médecins en difficulté. Enfin, les conseillers départementaux jouent un rôle de représentation et d’information auprès des acteurs politiques et publics locaux.

Les conseils régionaux

Les 320 conseillers régionaux de l’Ordre sont les interlocuteurs des instances régionales du système de santé, notamment les Agences régionales de santé (ARS).

Le Conseil National

Interlocuteur des instances ministérielles et des acteurs de santé nationaux, le Conseil national émet des avis sur les textes réglementaires concernant la profession et défend les principes de la déontologie médicale dans les débats qui les engagent. Pleinement paritaire, le CNOM est organisé en 4 sections et comprend 60 membres dont 58 élus, les deux autres étant nommés par le Garde des Sceaux et le président de l’Académie de médecine.

Sa composition a été renouvelée lors des élections de juin 2022 : 27 des 58 conseillers élus l’ont été pour la première fois.

Président : Dr François Arnault

Secrétaire général : Dr Pierre Maurice

Trésorier : Dr Pierre Jouan

Vice-présidents : Dr Marie-Pierre Glaviano-Ceccaldi, Dr Jacqueline Rossant-Lumbroso, Dr Jean-Marcel Mourgues, Dr Gilles Munier

Présidents de section :

– Section « Ethique et déontologie » : Dr  Anne-Marie Trarieux

Cette section actualise les articles du code de déontologie médicale et ses commentaires. Elle informe les médecins et le grand public sur les questions éthiques et déontologiques.

–  Section « Exercice professionnel » : Dr René-Pierre Labarrière.

Cette section rend des avis de nature juridique et déontologique et conseille les médecins sur l’évolution de leur exercice professionnel.

– Section « Formation et compétences médicales » : Dr Henri Foulques.

Cette section gère les commissions de qualification et examine les questions liées à la formation initiale et continue, à l’évolution des carrières des médecins et au DPC.

– Section « Santé publique » :  Dr Claire Siret

Cette section travaille avec les pouvoirs publics sur les dossiers relevant de la veille sanitaire, de l’éducation à la santé et de la prévention.

– Délégué général aux relations internes : Dr Pascal Jallon

– Délégué général aux affaires européennes et internationales :  Dr Philippe Cathala

– Délégué général aux données de santé et au numérique : Pr Stéphane Oustric

– Secrétaires généraux adjoints : Dr Leïla Ouraci, Dr Patrick Théron, Dr Frédéric Joly.

© Rawpixel/depositphotos




Savoir analyser la littérature médicale [5]

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Prise en charge de l’insuffisance tricuspide isolée

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Hackers ou comment s’en protéger

Le piratage est devenu une industrie à part entière. Pour ce prémunir devant ces « professionnels » et éviter le pire, il faut avant tout travailler sur l’anticipation, car la sécurité se passe tout d’abord en amont afin de garder une marche d’avance sur les hackers… C’est ce que nous allons voir dans ce deuxième chapitre consacré au piratage informatique.


Voir également : Hackers, les maîtres du monde

Pascal Wolff – Le Cardiologue n° 447 – juillet-août 2022

La numérisation des données s’est considérablement développée ces dernières années, et les interconnexions entre  les différentes parties (professionnels, patients, téléconsultations, entreprises de données, etc.) ont bondi de manière exponentielle. Les attaques virtuelles ont bien évidemment suivis cette évolution qui n’en est qu’à ses débuts.

Jusqu’à présent, et sans en prendre une réelle conscience, les hackers faisaient le buzz dans le vol des données. Et ce n’est pas les grandes entreprises, mondialement connues, qui étaient les plus protégées. Facebook par exemple, s’est fait subtiliser une base de données de 533 millions d’utilisateurs en 2019. À l’époque, l’entreprise avait affirmé avoir résolu le problème. Seulement, nouvelle fuite en 2021… Les utilisateurs n’ont jamais été prévenus (voir encadré ci-dessous et visitez le site havebeenpwned.com). Les vols massifs ont également eu lieu dans de nombreux hôpitaux. Cependant, aucune attaque n’a, à ce jour, visé à la désorganiser le système de soins français, même si la moitié des incidents déclarés ont bel est bien… désorganisé les structures.

Que cherchent ces voleurs de données ? C’est tout d’abord le business avec ses profits qui ont développés cette guerilla informatique, même si l’on n’oublie pas que des équipes gouvernementales (de tout pays) ont des spécialistes très aiguisés en la matière.

Les angles d’attaque des hackers sont orientés vers les entrées que nous leurs « offrons », à savoir les failles organisationnelles, physiques techniques et humaines.

 

LES ANGLES D’ATTAQUE

 

L’hameçonnage. Le grand classique

 

L’hameçonnage, ou pishing, consiste à envoyer des e-mails dans le but d’obtenir des informations personnelles. Cette technique implique soit une pièce jointe chargeant un logiciel malveillant sur votre ordinateur dès que vous l’ouvrez, soit en utilisant un lien pointant vers un (faux) site web vous incitant à télécharger des logiciels malveillants (voir Le Cardiologue 446) ou à transmettre des renseignements personnels (numéro de carte bleue, mots de passe…).

Vérifiez tout d’abord la connexion du site qui doit être en https. Si le chiffrement des données transmises est une bonne chose grâce à ce « s » de http, cela signifie juste que les informations échangées entre votre navigateur et le site visité ne sont pas accessibles à des tiers, mais ne veut pas dire que le site est sûr, le certificat délivré ne dit rien du site lui-même. Une page d’hameçonnage peut tout à fait avoir ce certificat et chiffrer le trafic qui circule entre vous et lui.

 

L’harponnage. L’usurpateur

 

Le harponnage, ou spear phishing, est un type de hameçonnage utilisant les adresses-mails pour cibler les individus et les entreprises. C’est à partir de messages personnels et pertinents que le harponnage peut être difficile à identifier. L’un des moyens les plus utilisés est l’usurpation d’une adresse électronique d’une personne que vous connaissez. « Hello, regarde la photo jointe et dis-moi ce que tu en penses… » suffit passer du côté obscur, tout comme une soit-disante commande de 352,00 euros dont l’opérateur a perdu votre adresse, ou votre banque qui vous envoie un message pour vérifier la mise à jour de votre profil. Généralement, le courriel usurpe l’identité d’une personne morale (établissement bancaire, service public…) ou d’une personne physique (travail, famille, ami…) dans le but d’ouvrir une pièce jointe ou de cliquer sur un lien qui vous dirige vers un site malveillant. Une fois la « proie » cernée, l’attaquant prend le contrôle du système d’information. On parle ici « d’infiltration ».

Il est facile aujourd’hui de copier un site « officiel » et de le rendre ainsi utilisable à des fins d’escroquerie. Nombreux sont les sites affichant une colonne à droite « Accès client » visant à vous faire remplir vos nom d’utilisateur et mot de passe.
Si vous avez un doute, rendez-vous directement sur le site en question avec votre propre adresse. Vous pouvez également survolez les liens avec votre curseur. Si vous voyez par exemple http//l.mail.hsbc.fr pour un message reçu de la banque hsbc, vous ne pouvez que passer votre chemin et pourtant le mail est envoyé de l’adresse contact@mail.hsbc.fr qui vous paraît pourtant véritable. Il faut faire preuve d’esprit critique en déchiffrant l’URL.

 

L’ANTICIPATION, LA RÈGLE D’OR DE LA PRÉVENTION

 

Si la cybercriminalité a touché essentiellement les grands groupes, les cabinets médicaux, et donc les médecins, ne sont plus épargnés par ce phénomène. Les attaques se sont multipliées dans les petites structures car celles-ci ne sécurisent pas efficacement leurs données sensibles. Le Cnom a confirmé que les médecins sont particulèrement concernés, la protection des données s’articulant avec le secret professionnel. Un guide a d’ailleurs été rédigé entre le Cnom et la Cnil afin de vérifier la mise en conformité avec le RGPD.

La base de la prévention est tout d’abord matérielle avec la sécurisation du système informatique (serveur professionnel externe, wifi sécurisé, sauvegardes interne Raid et externe, mots de passe régulièrement renouvelé, verrouillage en système de veille, antivirus mis à jour, VPN).

Ensuite, toute personne ayant accès aux données du cabinet doit être conscient des risques et leur comportement doit être l’allier d’une extrême vigilance… n’hésitez pas à faire une formation à ce sujet. Insérer une clause dans les contrats sur le respect du secret et de la confidentialité. L’anonymisation des données, les envois sécurisés via messagerie cryptée, suppression des messageries gmail, des réceptions de fichier via Wetransfer, vérification hebdomadaire de vos adresses-mail (voir encadré)… tout ceci doit faire partie du comportement de chacun afin de limiter au maximum les attaques.

Enfin, travaillez en amont en pensant que si vous arrivez un matin et que votre informatique est bloquée à cause d’une attaque, quels sont vos angles de recours (et de secours).

Comment savoir si vos adresses mails n’ont pas été piratées

Le site haveibeenpwned.com (littéralement « je me suis fait avoir ») qui est la référence ou l’Institut Hass-Platner Institut à Berlin (HPI ). Vous pouvez ainsi voir si votre e-mail ou votre numéro de portable ont fuité ou ont été volés dans des bases de données.

 

Que faire en cas de piratage ?

 

Vous devez impérativement et sans délai modifier votre mot de passe, voire de supprimer votre compte si les attaques ont été multiples. Mais de manière générale, tous vos mots de passe doivent être changé régulièrement, et – cela va de soi –chaque compte ne doit pas avoir le même mot de passe.

LES DIX RÈGLES D’OR DE LA PRÉVENTION

LEURS APPLICATIONS SONT ESSENTIELLES !

 

Les usages informatiques à caractère personnel de ceux à caractère professionnel doivent être strictement séparés. Cela concerne les courriels, les comptes d’échange de fichiers, les clés USB ou tout support informatique (disques durs…).
Les mises à jours doivent être faits régulièrement (personnels et professionnels). Faites en sorte d’automatiser les mises à jour sur vos machines. Si elles ne peuvent pas l’être, vérifier les ponctuellement ou acceptez les immédiatement si des messages vous les propose.
Vos accès aux différents services doivent être protégés par des mots de passe complexes. Ils doivent être sans informations personnelles, uniques et bien sûr à ne divulguer en aucune manière. La règle principale : un mot de passe par support.
Si vous pouvez le faire, protégez vos accès par une authentification à double-facteur (ou vérification en deux étapes) lorsque c’est possible. Par exemple, le site sur lequel vous vous connectez vous envoie un code à usage unique sur votre smartphone.
Surveillez vos équipements lors de vos déplacements. Cette surveillance vous protégera des manipulations à votre insu.
Lorsque vous devez vous absenter, protégez votre espace de travail et donc vos données. Mettez un code de sécurité sur vos machines si c’est possible. Placez en lieu sûr tout matériel connecté (disques durs, clés usb…) et si possible coupez votre internet.
Votre identité numérique doit être divulguée avec parcimonie sur internet et les réseaux sociaux. Si vous devez par exemple donner votre adresse mail une seule fois ou si vous n’êtes pas sûr d’un site, créez une adresse fictive et temporaire sur un hébergeur dédié tel YOPmail (Your Own Protection mail) qui est un serveur de messagerie électronique temporaire et gratuite.
➐ Protégez vos messageries professionnelle et personnelle. Avant d’ouvrir une pièce jointe, soyez sûr à 100 % de votre émetteur et ne cliquez pas sur les liens qui vous semblent douteux.
Protégez-vous des réseaux extérieurs non maîtrisés pour connecter vos équipements (réseaux ou bornes de recharge USB publics, prêt d’un ordinateur…).
La visioconférence est devenu une mane pour les hackers. Passez par des sociétés reconnues. La confidentialité des conversations n’est pas assurée sur les réseaux publics.
Évitez de prendre votre smartphone lors de réunions sensibles. Il peut être très facilement utilisé pour enregistrer vos conversations, y compris à votre insu.

© Gorodenkof/depositphotos

 

Vérifiez vos adresses mails !

Il n’y a pas que votre ordinateur qui peut être piraté. Vos adresses mails on pu être subtilisées dans d’autres bases de données (Santé, Gafam, réseaux sociaux…). Pour le savoir et éviter une usurpation de votre identité, de l’hameçonnage ou autre méfait, vérifiez auprès du site  haveibeenpwned s’il y a eu violation de vos adresses. Si tel est le cas, le site vous indique sur quels sites vos données ont été volées… et changez vos mots de passe.

la CNIL et vos données

Le médecin libéral doit donc protéger ses données personnelles et médicales. Pour ce faire, il doit passer par des protocoles précis : hébergement certifié données de Santé avec demande préalable auprès de la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL). 

 

La CNIL a récemment sanctionné deux médecins libéraux pour ne pas avoir suffisamment protégé les données de leurs patients, des milliers d’images médicales hébergées sur des serveurs étaient en accès libre. Toutes ces données pouvaient donc être consultées et téléchargées, et étaient, selon les délibérations de la CNIL, « suivies notamment des nom, prénoms, date de naissance et date de consultation des patients ». Le problème venait simplement d’un mauvais paramétrage de leur box internet et du logiciel d’imagerie qui laissait en libre accès les images non chiffrées.

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LES NFT, C’EST QUOI EXACTEMENT ?

Les jetons non fongibles (NFT) sont des certificats de propriété stockés sur une blockchain. Ces jetons numériques permettent de certifier l’authenticité d’un objet qui lui est associé en achetant un code (ou un certificat)

Contrairement à la monnaie telle qu’on la connaît (ou aux cryptomonnaies), chaque NFT est unique ou non fongible, c’est-à-dire qu’il ne peut être échangé contre quelque chose de valeur égale. 

Le marché de l’art est en pleine révolution grâce aux NFT. Mike Winkelmann (Beeple) a vendu une photo numérique pour plus de 69 millions de dollars chez Christie’s. Et pourtant, cette photo est consultable et téléchargeable sur internet, contrairement à un tableau « réel ». Alors, pourquoi acheter une telle œuvre de cette manière ? Et bien tout simplement parce que celle-ci a été vendue avec son NFT qui la rend unique et traçable. Ce certificat signe bien sûr l’œuvre de l’artiste et indique qui l’a vendue, qui l’a achetée et pour quelle somme et à quelle date. Cette œuvre « numérique » peut donc être cédée en enchère… et si la valeur de la cryptomonnaie qui a permis d’acquérir le certificat NFT augmente, la valeur de cette œuvre augmentera  pour le possesseur du NFT.




La grande extension, ou comment la santé mondiale a évolué depuis 1750

« La grande extension » est un livre dont le titre souligne le fait qu’alors que, lors des siècles précédents, l’espérance de vie à la naissance avait stagné, avec une moyenne comprise entre 25 et 30 ans, depuis 1750, elle n’a cessé de croître pour quasiment tripler en 250 ans. Ce livre raconte de façon synthétique l’histoire de cette extension et surtout de ses déterminants.

UNE HISTOIRE

C’est une véritable synthèse de l’évolution mondiale de la santé depuis 270 ans que nous offre en 350 pages de lecture facile et captivante, Jean-David Zeitoun, médecin, diplômé de Sciences-Po et docteur en épidémiologie clinique. Dans ce livre, citoyens, étudiants, médecins, scientifiques ou profanes découvriront tous les grands mouvements qui ont contribué au triplement de l’espérance de vie en moins de 300 ans, et ce, alors que celle-ci n’avait pas évolué lors des 10 000 ans précédents. Vous aurez la confirmation que l’espérance de vie a commencé à progresser bien avant l’ère de la médecine, et ce, proportionnellement à l’accroissement de la fortune des Nations, puis grâce au courant hygiéniste qui raisonnait sur des bases erronées (les miasmes) mais a permis l’adoption de mesures opérationnelles finalement bénéfiques.

Vous disposerez aussi d’une synthèse sur l’histoire de l’immunisation par les vaccins, sur celle des antibiotiques, sur celle de l’époque « magique » des drogues merveilleuses débutant autour de 1950 et révolutionnant la médecine. Si l’accroissement initial de l’espérance de vie a été dû à une chute majeure de la mortalité infantile, ces progrès thérapeutiques ont permis de gagner à l’autre extrémité en diminuant l’incidence des maladies non contagieuses et en prolongeant la vie de ceux qui en sont touchés. Et si ces maladies non contagieuses sont maintenant fréquentes, c’est que l’espérance de vie a augmenté. Mais la baisse d’incidence de ces maladies reste menacée à l’échelle mondiale par quatre risques comportementaux : tabac, alcool, sédentarité et surpoids.

PASSÉ, PRÉSENT, AVENIR

Ce livre ne serait qu’une chronique s’il ne fournissait pas à chaque étape une analyse sur les points forts et apports, c’est-à-dire les trois ou quatre déterminants et implications, de chaque événement décrit. Il ne serait qu’un livre d’histoire s’il ne portait pas un regard sur l’époque actuelle et son devenir. Pour l’auteur, notre époque fait face à trois défis, le coût économique d’un gain en espérance de vie, les inégalités de santé et les maladies chroniques. Pour l’avenir, l’auteur pose la question d’une possible rétrogression, c’est-à-dire, au mieux une stagnation de l’espérance de vie, au pire une diminution, comme cela est amorcé aux Etats-Unis depuis quelques années. A ce sujet, la crise des opioïdes, relativement méconnue en France, y est clairement synthétisée. L’auteur envisage que deux événements majeurs pourraient contribuer à diminuer l’espérance de vie : les changements climatiques et les infections émergentes.

Outre la synthèse proposée, ce livre fourmille de données utiles. Ainsi, le graphique de la progression de l’espérance de vie en France depuis 1750, montre que les guerres napoléoniennes ont provoqué une chute équivalente à celle de chaque guerre mondiale, lorsque cela est rapporté à la population masculine. Ainsi, vous découvrirez les contributions majeures à la santé mondiale de personnalités hélas méconnues, comme Louis René Villermé, Edwin Chadwick, John Snow… mais aussi ce qu’a été l’importance mondiale de l’école de médecine de Paris au début du XIXe siècle et pourquoi, finalement, elle fut dépassée.

Vous découvrirez ce qu’a été la lutte entre la dégradation de la santé liée à l’industrialisation et l’urbanisation dans la deuxième moitié du XIXe siècle et l’apport majeur de l’hygiénisme. A propos de la grippe espagnole à laquelle un chapitre est consacré, vous reconnaîtrez une histoire actuelle : l’effet amplificateur d’une grande parade à Philadelphie (bilan : 10 000 morts) et la question posée, déjà, de l’utilité du confinement. Et, en conclusion, ce qu’est le destin humain « Gagner contre une maladie n’est qu’un soulagement momentané, car cela signifie surtout attendre la prochaine ».

EN SAVOIR PLUS…

La grande extension. Histoire de la santé humaine


    • Auteurs : Jean-David Zeitoun
    • Éditeur : Denoël
    • Parution : mai 2021
    • Pagination : 352 pages
    • Format broché : 21,00 euros
    • Format Kindle : 14,99 euros





Comment prévenir la prochaine pandémie : restons simples

Quand il ne crée pas et ne brevète pas un nouveau virus pour diminuer la population mondiale excédentaire parce que les tatouages quantiques n’ont pas marché, quand il ne met pas des nanoparticules dans les vaccins pour « pucer » la population mondiale et la suivre pas à pas grâce au réseau 5G et aux satellites, quand il n’impose pas le port du masque en manipulant les autorités de santé, quand il n’est pas l’homme de la fausse pandémie mais de la vraie dictature, quand il n’est pas obligé de créer rapidement un nouveau virus, celui de la variole du singe parce que celui de la Covid-19 n’a pas parfaitement réussi, au grand désespoir de l’Etat profond, Bill Gates… tout simplement, écrit des livres. Et ses livres sont nettement moins délirants que les intentions qu’on lui prête.

ECRIRE SIMPLEMENT

Ce qui marque quand on lit un livre de Bill Gates est la simplicité de l’écriture et des propos. Cela peut rebuter les esprits scientifiques ou les connaisseurs du sujet, mais cela permet d’exposer clairement divers aspects de problèmes complexes. Un exemple : « Si 100 personnes sont atteintes d’une maladie infectieuse le premier jour, et si le nombre double chaque jour, toute la population de la planète sera contaminée au… 27e jour ». Et le livre est bien articulé, exposant les contextes et la façon, étape par étape, de prévenir et endiguer les pandémies, c’est-à-dire d’agir dès la survenue d’un foyer épidémique local avant que des vaccins à large spectre ne puissent réellement prévenir les épidémies.

PRÔNER DES MESURES SIMPLES MAIS SOCIALEMENT DIFFICILES

Pour prévenir, il faut des systèmes de veille adaptés, la possibilité de recueillir rapidement des données pertinentes et une coordination mais aussi une autorité supérieure mondiale pour imposer les mesures. Dans le cas d’un virus respiratoire, porter le masque est une mesure indispensable et l’auteur s’interroge sur le fait que la pandémie aura sur ce point changé les mentalités, c’est-à-dire les normes sociales. Plus encore, tout doit être fait pour tester (notamment aux frontières) et isoler aussi rapidement que possible les personnes contaminées.

L’évaluation des traitements potentiels doit être coordonnée à l’échelle supranationale, des réseaux doivent aider à recruter des patients de différentes catégories, les étapes d’évaluation doivent se chevaucher et la production des vaccins mise en route très précocement. Enfin, dernière étape mais non la moindre, assurer la logistique pour que les traitements soient acheminés à qui de droit de façon efficace : comme pour la vente par correspondance, le dernier kilomètre, celui de la satisfaction-client, est parfois crucial. Car comme l’avait dit Bill Foege « Les décisions optimales sont fondées sur les meilleures données, mais les meilleurs résultats découlent d’une gestion optimale ».

ÊTRE PRAGMATIQUE SIMPLEMENT

Le livre est aussi un panégyrique, semble-t-il justifié, pour la fondation Gates et ses apports à la santé mondiale, notamment dans les pays les plus défavorisés. Il ne fait pas de doute que les moyens qu’elle a engagé ont permis de sauver des millions de vies humaines en 20 ans.

Et on peut s’apercevoir que l’esprit qui a présidé à sa création reste présent chez Bill Gates lorsqu’il écrit « Pire encore, des jeunes gens en bonne santé dans les pays riches, qui ne risquaient pas d’être très malades ou de décéder du Covid, ont été vaccinés avant les personnes âgées ou les travailleurs essentiels dans les pays pauvres, autant d’habitants qui étaient les plus vulnérables » et qu’il ajoute « Combien de responsables politiques oseront dire aux jeunes électeurs qu’ils ne peuvent pas être vaccinés car les doses sont envoyées dans un autre pays… ? »

EN SAVOIR PLUS…

Comment éviter la prochaine pandémie

  • Auteur : Bill Gate
  • Editeur : Flammarion
  • Parution : mai 2022
  • Pagination : 400 pages
  • Format broché : 21,90 euros
  • Format Kindle : 14,99 euros



Montaigne et La Boétie ou la quintessence de l’Amitié amoureuse – 2e partie

– Par Louis-François Garnier


Accédez à la 1ère partie

Michel de Montaigne est issu « d’une émigration et d’une double ascension sociale (…) datant de moins d’un demi-siècle » (17) avec, du côté maternel des marranes originaires d’Espagne et du côté paternel une riche famille bordelaise de négociants anoblis, les Eyquem. Le père de Michel, Pierre Eyquem de Montaigne (1495 – mort en 1568 de la gravelle) impose une éducation hors du commun dès le début puisque le nourrisson est confié à de pauvres bûcherons au lieu de faire appel à une nourrice comme il était d’usage dans l’aristocratie. (18) Le jeune garçon est ensuite éduqué selon des principes humanistes, « sans fouet et sans larmes » et « toute la maison parlait latin pour qu’il apprît sans effort cette langue » (7) à l’initiative de son père qui fit campagne en Italie et avait ainsi « vu l’Italie de la Renaissance dans sa plus belle floraison artistique » (18). Il devint maire de Bordeaux, comme le sera à son tour son fils Michel qui, « connaissant les avantages d’un nom qui sonne bien » (18), éliminera plus tard son patronyme pour ne garder que « de Montaigne », prenant ainsi ses distances avec son origine bourgeoise à laquelle il devait néanmoins sa fortune.

Ce père bienveillant, dont Montaigne loua la bonté et le dévouement à la chose publique, ira même jusqu’à faire réveiller le jeune garçon en douceur par un musicien, « un joueur d’épinette ». Rétrospectivement, le peintre bordelais Pierre Nolasque Bergeret (1782-1863) aura probablement jugé plus facile, et peut-être plus emblématique, d’y substituer un joueur de luth dans sa peinture dénommée L’enfance de Montaigne – l’éveil en musique (Musée des Beaux-Arts de Libourne) à prétention historique, anecdotique et édifiante dans le style troubadour. On y voit le jeune Montaigne, avec une curieuse morphologie d’adulte dans un style maniériste, entouré de ce qui pourrait être sa mère bienveillante, pourtant réputée « acariâtre et souvent querelleuse ». (6) En effet, les relations entre Montaigne et sa mère « passent pour avoir été mauvaises » (15) et « s’il nous parle souvent de son père, il ne nous fait pas connaître sa mère » (7), Antoinette de Louppes (1514-1603), au même titre qu’il ne nous parle pas de ses frères et sœurs. (7) (17).

Le père est absent alors qu’on sait que Pierre Eyquem de Montaigne était le « meilleur des pères qui furent oncques » (jamais) et qu’il a joué un rôle déterminant dans l’éducation de son fils qui naît l’année du Pantagruel de Rabelais (v.1494-1553), bréviaire du nouvel humanisme (8). Le petit Michel est élevé en latin, ce qui est un privilège à une époque où le peuple parle des patois divers et variés car le français n’est devenu réellement la langue officielle qu’avec l’ordonnance de Villers-Cotterêts (1539) décrétée par François 1er (1494-1547) et qui fonde les prémices de l’état civil, les curés étant dorénavant tenus de tenir les registres des naissances et des décès.

En cette même année 1539, Michel alors âgé de 6 ans ne parlait ni gascon ni français alors qu’il maîtrisait le latin parlé et écrit et « sa vie durant, il préférera presque lire en latin ». (18) Son père l’envoyât alors au collège de Guyenne, à Bordeaux puis, à l’âge de 13 ans, il rentra chez son père avant d’intégrer l’université en 1549 et il est plausible qu’il ait étudié le droit et les lettres à Paris. Toute sa vie, « Montaigne a su gré à son père de l’avoir libéré des préjugés pour ainsi dire dès le berceau ». (18)

 Si l’on excepte le Journal du voyage de Michel de Montaigne en Italie par la Suisse et l’Allemagne en 1580 et 1581 qui est une chronique initialement non destinée à être publiée, et qui le sera près de deux siècles plus tard après qu’on ait retrouvé le manuscrit en 1770, Montaigne est l’homme d’un seul livre qui est un nouveau genre d’écriture : les Essais (9). La première édition est publiée au printemps 1580 à compte d’auteur chez un imprimeur bordelais. Montaigne dira qu’il est « consubstantiel à son auteur », et il y consacra l’essentiel de son activité, bien qu’il ait été maire de Bordeaux (1581-1585), en n’ayant de cesse de le compléter durant vingt ans à partir de 1572 et jusqu’à quelques mois de sa mort. Il s’agit pour Montaigne de procéder à « une perpétuelle réécriture du moi »avec en définitive « un palimpseste de la mémoire et du jugement » qui « ne pouvait s’achever que par la disparition de l’auteur ». (15)

Entre 1557 et 1559 (16), probablement en 1558, à moins que ce ne fut au printemps 1559 (15) car la chronologie reste incertaine, « la grande affaire dans la vie de Montaigne a été la rencontre d’Etienne de la Boétie et l’amitié qui s’en suivie ». (10) Cette rencontre fut d’autant plus probable que le premier cherchait l’autre et que tous deux exerçaient des fonctions proches au Parlement de Bordeaux. En quelque sorte, ils « étaient prédestinés l’un à l’autre avant de se connaître » (9) ; « nous nous cherchions avant que d’être vus ». On assiste alors à une relation d’une rare intensité en considérant que « ambiguë est aussi la nature de leur commerce ». (6)

Cette ambiguïté se retrouve dans le texte même de Montaigne comme lorsque La Boétie lui fait « l’amoureuse offrande » de sa bibliothèque et quant il relate cette « divine liaison (…) vécue jusqu’au fond des entrailles » et où « les corps eussent part à l’alliance ». En effet, il ne s’agit pas d’amis ordinaires qui « ne sont qu’accointances et familiarités par quelque occasion ou commodités » mais bel et bien d’une fusion idéalisée où les âmes « se mêlent et confondent l’une en l’autre et ne retrouvent plus la couture qui les a jointes ». Mais nul ne peut mieux en parler que Montaigne : «Et à notre première rencontre, qui fut par hasard en une grande fête et compagnie de ville, nous nous trouvâmes si pris, si connus, si obligés entre nous, que rien dès lors ne nous fut si proche que l’un et l’autre (…) d’où la précipitation de notre intelligence si promptement parvenue à sa perfection.

Ayant si peu à durer et ayant si tard commencé, car nous étions tous deux hommes faits, (…) elle n’avait point à perdre de temps ». Etienne de la Boétie a vingt huit ans et est marié depuis 1552 à une femme plus âgée bien qu’au préalable encore « jeune veuve » (16) et mère de deux filles, et Montaigne n’a que trois ans de moins. Ils sont en effet tous les deux des « hommes faits » de telle sorte qu’il ne semble pas que leur relation ait pu être similaire à celles relatées dans la Grèce antique où le plus âgé (éraste) prodigue au plus jeune (éromène) une éducation à connotation homosexuelle ritualisée (10) et des cajoleries lors du symposion à la fin du banquet. Montaigne qui « comme son père, est d’une petitesse frappante » (18), reste un homme qui aime les femmes « qui, dit-il, l’ont très tôt et fortement attiré ». (18)

Il se laissera même « mener au mariage » bien qu’il fasse preuve d’une certaine méfiance en opposant « l’amitié plus tempérée et constante à l’amour pour les femmes, plus fiévreux et volage » (10). Montaigne nous dit, à propos des relations masculines équivoques antiques, que « cette licence grecque est justement abhorrée par nos mœurs » mais ceci « vise la pédérastie plutôt que l’homosexualité ». (5) Montaigne « ne dit rien alors, ni pour, ni contre la relation amoureuse entre deux « hommes faicts » (15) alors même qu’une telle relation, condamnée par l’Eglise, était chose courante à la Renaissance comme dans l’antiquité. (15) C’est donc un homme qui lui fait découvrir la passion (3) sans trop savoir comment, en fonction de « je ne sais quelle force inexplicable et fatale, médiatrice de cette union » ce qui lui fera dire bien plus tard, sous forme de rajouts à l’encre dans la marge d’un exemplaire des Essais « parce que c’était lui, parce que c’était moi ».

Il apparaît en outre que La Boétie, bien que viril, n’était pas particulièrement beau avec même une « laideur physique » (15) mais, comme lors de la relation entre Socrate (vers 470/469-399 av. J-C.) et Alcibiade (450-404 av. J-C) qui pratiquait « l’autre amour » (12) et qui a pu inspirer cette amitié (2), la beauté physique est supposée passer après la force attractive de l’intelligence. Entre ces deux jeunes hommes très érudits qu’étaient Michel et Etienne, férus de culture gréco-romaine, il est aussi possible que leur amitié se soit inspirée de Sénèque pour lequel « l’amour peut se définir comme la folie de l’amitié » et qui écrivit à son ami Lucilius des lettres où « il s’y épanche, s’y découvre, s’y livre en toute sincérité comme on le doit à son meilleur ami » (13) et de façon d’autant plus émouvante que ceci survint seulement quelques mois avant son suicide ordonné par Néron (37-68) dont il fut le précepteur. Sénèque (Lettre 63,5-13) nous incite à « jouir d’un ami de son vivant plutôt que de le pleurer sans mesure à sa mort ». 

Il semble que « La Boétie et Montaigne se seraient fréquentés durant six années, moins les deux ans de séparation dus à leurs déplacements respectifs, ce qui donne quatre années effectives » (15), c’est-à-dire de façon « si tragiquement brève ». (16) Montaigne parle des « quatre années qu’il lui a été donné de jouir de la douce compagnie et société du personnage » (7) et lui arrivera plus tard d’avoir une intense nostalgie de ces moments de bonheur. C’est ainsi qu’il relate être tombé «en un pensement si pénible de M. de La Boétie » aux Bains della Villa, près de Lucques en 1581, et que cela lui « fit grand mal ». (7) Il n’aura plus d’ami « au sens de l’idéal antique » (10) jusqu’à ce qu’il rencontre en 1588 une jeune femme très érudite et pétrie d’admiration à son égard. Il s’agit de Marie de Gournay (1565-1645), de plus de trente ans sa cadette, et qui aura à cœur « jusque dans ses dernières années, d’illustrer la mémoire de Montaigne et de s’en présenter comme l’héritière littéraire et spirituelle» (15) de telle sorte que c’est ainsi sa « fille d’alliance » qui publiera en 1595 la troisième édition des Essais.

Montaigne était très affecté par la gravelle et passa les deux dernières années de sa vie dans sa chambre qui se situait dans sa tour de trois étages comportant une chapelle, une chambre à coucher et « au plus haut, la bibliothèque ou, comme il dit, sa librairie ». (7) Il s’agit d’un lieu propice au loisir studieux (otium studiosum) prisé par les riches romains, à l’opposé (nec-otium) du travail et du négoce (negotium). C’est dans sa chambre, conçue pour y entendre la messe, que Montaigne meurt non pas de la gravelle mais d’une « esquinancie » ou phlegmon pharyngé à point de départ amygdalien ou lié à la complication infectieuse d’une lithiase salivaire obstructive, ce qui le rendra aphone, l’obligeant à écrire ses dernières volontés.

Le 13 septembre 1592 il fait venir auprès de lui ses plus proches voisins et, en leur présence, fait dire une ultime messe et rend le dernier soupir lors de l’élévation du Corpus Domini après s’être élancé « comme à corps perdu sur son lit, les mains jointes » (3) comme le montre (Musée d’art et d’archéologie-Périgueux) le peintre d’histoire Joseph-Robert Fleury (1797-1890). 

Nous ne saurons jamais, et pour cause, ce qu’Etienne de la Boétie aurait pu nous dire de sa relation avec Michel de Montaigne mais « force est de reconnaître que c’est en grande partie Montaigne qui a fabriqué La Boétie. Non pas le La Boétie historique (…) mais le La Boétie de papier, le seul qui compte vraiment aux yeux de la majorité des lecteurs de Montaigne et des critiques d’aujourd’hui ». (15) Montaigne survécut près de trente ans à son ami mort prématurément et consacra les vingt dernières années de sa vie à rédiger les Essais, ouvrage fondateur de la littérature française et de la philosophie occidentale et où il consacre un chapitre à cette amitié qu’il fera passer à la postérité.

Bibliographie

(1) La Boétie E. Discours de la servitude volontaire. Traduction en Français moderne et postface de Séverine Auffret. Ed. Mille et une nuits 2016
(2) Hennig J-L. De l’extrême amitié. Montaigne & La Boétie. nrf Gallimard 2015
(3) Lacouture J. Montaigne à cheval. Points Seuil 1998
(4) Gigon S.C. La Révolte de la gabelle en Guyenne (1548-1549). Paris, Champion,1906. In-8,IX-298 p. www.persee.fr
(5) Onfray M. Le luth de Montaigne (1533-1592). Le crocodile d’Aristote. Albin Michel 2019
(6) Album Montaigne. Iconographie choisie et commentée par Jean Lacouture. Bibliothèque de la Pléiade nrf Gallimard 2007
(7) Moreau P. Montaigne. Connaissance des Lettres Hatier 1967
(8) D’Ormesson J. Une autre histoire de la littérature française. Points-seuil 1999
(9) Montaigne. Les Essais. Edition établie et présentée par C. Pinganaud. Arléa 1996
(10) Compagnon A. Un été avec Montaigne. Equateurs parallèles 2013
(11) Sartre M. L’homosexualité dans la Grèce ancienne in La Grèce ancienne Ed. du Seuil Histoire 2008
(12) De Romilly J. Alcibiade  Le Livre de Poche.  Editions  de Fallois 1997
(13) Sénèque. Lettres à Lucilius. Traduction de Joseph Baillard annotée par Cyril Morana. Ed. Mille et une nuits 2017
(14) Onfray M. Sagesse. J’ai Lu Flammarion 2020
(15) Dictionnaire Montaigne. Ed. P. Desan, Honoré Champion/Classique Garnier 2007, réed. 2016
(16) Comte-Sponville A. Dictionnaire amoureux de Montaigne. Plon 2020
(17) Nakam G. montaigne et son temps. tel gallimard 1993
(18) Zweig S. Montaigne. Edition présentée par O. Philipponnat. Le Livre de Poche 2019

Remerciements au Dr Marcel Delaunay pour sa bienveillante attention et au Pr Brenton Hobart de l’American University of Paris, spécialiste de la littérature de la Renaissance, pour ses encouragements et ses conseils érudits.




Côtes d’Auxerre blanc Gondole 2018

Les Côtes d’Auxerre petit parent pauvre de la Bourgogne ? Certainement non ! Si, après avoir été au XIXe siècle l’un des principaux fournisseurs vinicoles de la capitale, le vignoble faillit disparaître après les ravages du phylloxéra et surtout les terribles gelées de 1957, puis de 1961, il renaquit grâce à une poignée de vignerons talentueux, dont Jean-Hugues Goisot fût le fer de lance, pour que le vignoble retrouve ses lettres de noblesse grâce à ses blancs de chardonnay qui possèdent une typicité et une qualité toutes particulières.

Le domaine familial Goisot, dont les premières traces datent du XIXe siècle, situé au cœur de la Bourgogne septentrionale, fut transmis en 1979 par Marie-Claude, elle-même petite-fille de vignerons, à ses enfants Jean-Hugues et Ghislaine qui très vite comprirent la nécessité de travailler différemment. En effet, quand Jean-Hugues prend les rennes du domaine, malgré le soin que ses parents prenaient de leurs vignes, les vins n’étaient pas, loin s’en faut, au niveau de ceux d’aujourd’hui, et il décide de remettre en cause beaucoup de choses.

Le travail commence par le remplacement des cépages peu qualitatifs, comme le sacy ou le gamay, par du chardonnay, du fié-gris (variété locale de sauvignon) et du pinot noir. Les nouvelles plantations auront une forte densité de 10 000 pieds/ha pour, afin de freiner leur vigueur, augmenter la concurrence entre les ceps les obligeant à chercher plus profondément leurs nutriments. Les baies sont plus petites, mais de meilleure maturité, et les vins plus minéraux. Le travail des sols et la suppression des produits phytosanitaires amènent tout naturellement le mode cultural biologique certifié en 2001.

Des ébourgeonnages sévères permettent de limiter la production de raisins, de minorer l’entassement de la végétation. L’effeuillage côté soleil levant garantit la qualité du raisin. Si un traitement s’impose, des produits naturels (poudres de roches, décoctions de plantes) sont utilisés. Pour stimuler la vie des sols, un épandage d’humus sur certaines parcelles, sans jamais d’engrais, est effectué.

UNE CULTURE EN BIODYNAMIE

En 2005, le fils Guilhem et son épouse Marie intègrent le domaine qui obtient la certification en biodynamie. Actuellement, l’exploitation de 30 ha s’étend sur les communes de Saint-Bris, Irancy et Chablis. Le vin qui nous intéresse, Gondonne, par Chardonnay est le plus structuré et épicé des cuvées parcellaires du domaine Goisot. Sur un sol du Jurassique supérieur étage kimméridgien, où alternent calcaires et marnes bleues, cette parcelle de 1,2 ha est plantée de vignes de chardonnay de plus de 40 ans. Comme l’ensemble du vignoble, elle est cultivée en biodynamie.

Fin septembre, les vendanges manuelles sont décidées en fonction de la maturité et du goût des raisins. Les grappes sont sévèrement triées, puis totalement éraflées. Le pressurage pneumatique est très lent, la fermentation alcoolique par levurage indigène est longue à une température de 25 ° dans sa première partie, pour bien garder la spécificité du terroir, suivie par la fermentation malolactique et d’un élevage sur lies fines. Vinification et élevage se déroulent en fûts de chêne de haute futaie. Le soufrage est réduit massivement.

Il faut souligner que la vinification est la plus naturelle possible avec le minimum d’interventions, les Goisot étant convaincus que le vin se fait avant tout à la vigne, afin de privilégier la typicité de chaque vin, son originalité, sa tonalité minérale.

AU NIVEAU DES GRANDS CRUS DE CHABLIS

Cette Gondonne 2018, habillée d’une robe jaune vif pailletée d’or, déploie au nez une intensité aromatique complexe de fleurs blanches : acacia, chèvrefeuille, de fruits jaunes bien mûrs : pêche, poire, ananas, d’agrumes type bergamote, des senteurs de zan, de cannelle, d’épices : muscade, poivre blanc. La richesse soyeuse de sa texture concourt à un équilibre remarquable tenu par une acidité impeccable qui jamais ne heurte mais trace le chemin à une bouche riche, ample, onctueuse qui offre des notes de grillé et de pépins de citron. Quant à sa longue finale savoureuse, elle se montre élégante et éclatante.

Ainsi, cette cuvée Gondonne, grâce à sa minéralité prégnante, se trouve, quoique différente, au niveau des grands crus de Chablis. Les chardonnays des Côtes d’Auxerre ont en commun avec les chablis voisins une acidité naturelle, si bien qu’après quelques années de garde, la Gondonne accompagne à merveille les poissons nobles de mer : filets de sole au beurre citronné, turbot sauce mousseuse, Saint-Pierre en croûte de laurier. Il est aussi judicieux de l’associer aux poissons d’eau douce comme la truite aux amandes, le filet de perche meunière et la quenelle de brochet sauce Nantua.

Les viandes blanches peuvent également être flattées par ce vin : blanquette de veau, volaille de bresse à la crème et aux champignons. Si vous êtes impatient de déguster plus jeune ce flacon, le registre bourguignon lui conviendra pleinement : jambon persillé, andouillette vin blanc, gratin de cardons, escargots au beurre aillé. Les fromages peu relevés, type Mont d’Or ou Beaufort d’été, s’harmoniseront parfaitement avec ce vin.

Ecoutons la tribu Goisot : « Depuis de nombreuses années, nous travaillons les vignes dans le respect des appellations, des consommateurs, des personnes qui travaillent pour le domaine et bien-sûr l’environnement avec un savoir-faire qui associe tradition et modernisme. Nous sommes fiers de produire un vin authentique, sain pour l’homme et la nature » et j’ajouterai… pour le porte-monnaie, car les tarifs de Gondonne (moins de 25 e) sont sans commune mesure avec ceux de Chablis

J. Helen


Domaine Guilhem et Jean-Hugues Goisot
89530 Saint-Bris-le-Vineux


L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, consommez avec modération

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