Quel est le pire système de santé ?

Par Marc Villacèque
Président du Syndicat national des cardiologues

– Le système de santé français est en grande difficulté avec des professionnels de plus en plus en souffrance. Sommes-nous le seul pays dans ce cas ? Est-ce pire ou mieux ailleurs ? Revue de la littérature.

Les chiffres de l’OMS montrent que 40 % des médecins ont plus de 55 ans dans un tiers des pays d’Europe et d’Asie centrale. Elle estime qu’il manquera 15 millions de professionnels de santé dans le monde d’ici 2030. Les causes sont bien connues : vieillissement de la population, augmentation des maladies chroniques et, en parallèle, un renouvellement insuffisant des professionnels avec une capacité de formation limitée et une évolution sociologique et comportementale profonde. 

Suite à la pandémie, dans certains pays, 80 % des infirmier(e)s ont fait état de troubles psychologiques et 90 % évoquent leur intention de quitter leur emploi.

En Allemagne : 35 000 postes de professionnels sont inoccupés, alors qu’un médecin sur 5 est né à l’étranger, et qu’un tiers des aide-soignant(e)s et infirmier(e)s
dans les EHPAD et maisons de retraite sont d’origine étrangère. Au-delà des effectifs, les autorités allemandes considèrent qu’il faut maintenant 1,2 médecin pour remplir les fonctions d’un seul médecin « temps plein », salarié ou libéral, suite à l’engouement pour le temps partiel. En 2021, près d’un médecin sur trois travaillait moins de 30 heures par semaine, contre 4 % seulement en 2009 ! Pour la vice-présidente de l’Ordre fédéral allemand, « le choix du temps partiel est une tendance lourde, surtout chez les jeunes, qu’il serait illusoire de chercher à inverser, d’autant que beaucoup de médecins abandonnent la profession parce qu’ils estiment ne plus avoir assez de temps pour leur vie personnelle ».

En Angleterre : il manque 12 000 médecins (diminution des effectifs de 5 % en 7 ans) et jusqu’à 50 000 infirmier(e)s malgré les 14 % de professionnels de santé étrangers. Résultat : 6,5 millions de britanniques doivent attendre  des semaines à des mois avant de pouvoir consulter un spécialiste.

En Espagne : malgré plusieurs grèves et manifestation des professionnels de santé, selon les chiffres du ministère de la santé, 700 000 espagnols sont en attente d’une opération avec un délai moyen de 123 jours.

En Grèce : la crise économique a provoqué le départ d’environ 20 000 médecins entre 2010 et 2018, le salaire d’un médecin hospitalier reste toujours bas entre 1 200 € et 1 900 € et la densité des IDE est de 4 pour 1 000 habitants versus 11,9 pour 1 000 en France

En Italie : la société de médecine d’urgence annonce qu’il manque 4 200 urgentistes avec 45 % des services d’urgences du pays en crise.

En observant notre système de santé et les autres, comme aurait dit Talleyrand, « quand je me regarde, je me désole ; quand je me compare, je me console ». Néanmoins, en ces temps troublés par une pandémie, une inflation galopante, une crise énergétique et écologique, je préfère partager avec vous cette citation de Prévert :
« il faudrait essayer d’être heureux, ne serait-ce que pour donner l’exemple ». 

Bon courage à tous.

© Katarzyna Bialasiewicz




Le rapport charges et produits

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Les honoraires des médecins libéraux – structure et évolution

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Genèse d’un acte en CCAM…

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Les syndicats

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Savoir analyser la littérature médicale [6]

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Demain, le scanner pour qui et par qui ?

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Métavers – Silence, on tourne


Nous l’avions nommé le web 3.0 du futur dans un précédent numéro, le métavers révèle sa présence et poursuit sa montée en puissance. Et ce n’est plus seulement un monde de jeux ou de blockchains qui nous attend, mais bel et bien un monde semi-virtuel, voire réel pour certains pour qui les technologies numériques se substitueront ou remplaceront la vie telle qu’on la respire aujourd’hui… et la santé n’échappera pas à cette évolution prévisible dans les dix prochaines années.

Pascal Wolff – Le Cardiologue n° 448 – septembre-octobre 2022

Par définition, le métavers est un monde virtuel que rien ne lie à notre réalité virtuelle. Présenté comme un communauté de finance et de jeux où le shopping dématérialisé bat son plein, le métavers reste pour la plupart d’entre nous un monde décalé et décadent, totalement hors de la vie telle que nous la vivons tous les jours.
Et pourtant – les technologies avançant de façon spectaculaire – ce monde virtuel est présenté par Mark Zuckerberg en 2021 comme un nouvel univers de rencontres comme jamais auparavant, en effaçant toujours plus les frontières qui séparent le monde réel du monde virtuel.
Le métavers tel que le voit le patron de Meta reproduirait un monde réel en réalité virtuelle multidimensionnelle avec des lieux de rencontres, des boutiques, des activités, des événements, des écoles et autres universités numériques ainsi que des lieux virtuels de travail. Bref, un monde tel que nous le connaissons dans le réel avec le « no-limit » du virtuel… Pour Meta, le but est d’atteindre un milliard d’utilisateurs dans une dizaine d’année. 13 milliards de dollars ont déjà été investi et 10 000 personnes devraient être recrutées… pour la création de ce nouveau monde.

 

MAIS TOUT D’ABORD… LE MONDE PERSISTANT

Entre le réel et le virtuel se trouve un autre monde : le monde persistant, un environnement virtuel qui évolue en permanence. Imaginez-vous non plus coincé dans votre deux-pièces de 25m² mais transposé dans un chalet avec vue sur un lac, grâce à votre casque de réalité virtuelle.
Vous voilà dans votre monde, avec vos avatars qui sont vos amis, votre famille, avec qui vous pouvez converser et entretenir des relations bien « réelles ». En votre absence, d’autres personnes peuvent changer la décoration d’une pièce de votre châlet, un objet de place, et le monde devient alors dynamique. Vous êtes dans le monde persistant (persistent world) qui est en sans cesse évolution, même si vous n’y êtes pas ou déconnecté.
Il vous faudra bien sûr vous créer votre avatar, ce qui est primordial pour pouvoir accéder à ce monde. Et même si les avatars tels qu’ils existent aujourd’hui sont très cartoons et font plutôt sourire la sphère des nantis, les futurs hologrammes photoréalistes auront des émotions retranscrites en temps réel. C’est l’inspiration qu’a eu Artur Sychov, fondateur du métavers Somnium Space suite au décès de son père en créant le mode Life Forever qui permet de stocker nos propres mouvements et conversations sous forme de données, puis de les reproduire sur votre propre avatar qui bouge et parle exactement comme vous-même.
Et le rêve d’Artur Sykov deviendra un jour réalité : discuter avec nos proches décédés dès qu’on en aura envie. « Littéralement, si je meurs – et que mes données ont été collectées – les gens pourront venir, ou mes enfants pourront venir et avoir une conversation avec mon avatar, qui aura ma gestuelle, ma voix », a-t-il expliqué au magazine Vice (1). « En fait, on va vraiment pouvoir rencontrer la personne. Peut-être même que pendant les dix premières minutes, on ne devinera tout simplement pas qu’il s’agit d’une IA. C’est le but. »

 

LES RÉSEAUX SOCIAUX BIENTÔT HAS BEEN ?

lnstagram, Snapchap, Snapchat, Youtube ou Twitter bientôt hors jeu ? Tels que nous connaissons les réseaux sociaux aujourd’hui, il n’est plus question d’en douter. 70 % des influenceurs pensent que le métavers les supplentera rapidement.
Et à l’heure de Roblox, le jeu vidéo free-to-play et massivement multijoueurs en ligne destiné aux enfants et adolescents, le métavers s’installe massivement chez les jeunes qui seront les concepteurs, les consommateurs et les décideurs de demain.
Actuellement, les réseaux sociaux du web 2.0 fonctionnent sur le principe d’économie de plateformes centralisées. Le web 3.0 – le métavers – introduit le concept de l’économie de la propriété. Sans parler des compagnies internationales comme Apple, Meta, Microsoft,… des entreprises comme Coinbase (plateforme d’échange de cryptomonnaies de près de 8 milliards de chiffre d’affaires) [2] montre alors des signes de réelle innovation de production et a su prendre conscience de ce marché ou la psychologie des utilisateurs est en pleine mutation.
Les réseaux sociaux ont su porter l’économie du web 2.0, mais désormais leurs codes semblent ne plus être en adéquation avec ce que propose le web 3.0 avec la technologie blockchain et les métavers, d’où la transformation de Facebook en Meta.

 

L’ENGAGEMENT DES INFLUENCEURS

Tout le monde connaît et/ou a vu un(e) influenceur(se) sur un réseau social. Dans le monde virtuel tel qu’il se dessine, les influenceurs(se) numériques existent déjà. Surtout utilisés dans le luxe, la mode, les cosmétiques, l’équipement et le tourisme, ils donnent une dimension moderne aux entreprises avec de nombreux avantages : ils parlent toutes les langues, adaptent leur style, changent de version suivant les pays, et n’ont pas de réputation à défendre puisqu’ils n’ont pas d’existence physique.
De plus, l’intelligence artificielle (IA) leur permet aujourd’hui de simuler une vie réelle, une personnalité et des interactions qui paraissent naturelles.
Le taux d’engagement des influenceurs numériques est presque trois fois plus élevé que celui des « réels », mais pour certains, tout va à l’encontre de l’authenticité. Comment peut-on faire croire qu’une influenceuse va adorer le nouveau parfum du dernier cosmétique à la mode alors qu’elle n’a pas de récepteurs olfactifs et donc aucun sens de l’odorat… et pourtant, paradoxalement, l’influenceuse numérique rendra plus authentique et sincère le message qu’elle envoie, contrairement à l’humain qui se met en scène dans un univers ou le business est devenu un véritable empire du milieu.
Le principal frein concernant les « numériques » est actuellement est d’abord sociétal : car entre l’enthousiasme consommé de cette vision futuriste pour certains et la folie péremptoire pour d’autres, terrifiés par la raréfaction des interactions humaines en chair et en os, le fossé se creuse et pourrait devenir abyssal.

 

LES TECHNOLOGIES ASSOCIÉES

Les composants essentiels qui compose le métavers sont la réalité virtuelle (VR), la réalité augmentée (AR), la réalité mixte (MR) et l’intelligence artificielle (IA). Ces technologies alimentent les logiciels,le matériel et bien sûr les applications qui en découlent.
Par exemple, les entreprises de dispositifs médicaux utilisent la réalité mixte pour assembler des outils chirurgicaux et concevoir des salles d’opération, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) utilise la réalité augmentée et des smartphones pour former les intervenants Covid-19, les psychiatres utilisent la réalité virtuelle pour traiter le stress post-traumatique (SPT) parmi les soldats de combat, et les écoles de médecine pour la formation chirurgicale.

 

ET LA SANTÉ DANS TOUT CELA ?

Pour que ce nouveau monde soit complet, c’est une évidence qu’il faut lui inclure la santé et nous en reparlerons dans un prochain numéro.
Le métavers médical passera par trois catégories qui sont la formation, les soins et le parcours patient. Ce métavers santé est vu comme un immense hôpital virtuel où tout est possible. Le groupe Thumbay (Émirats arabes unis), par exemple, a prévu de lancer d’ici fin 2022 la première phase de son projet de santé dans le métavers qui comprendra un hôpital, une université ainsi qu’un domaine de bien-être virtuel.

 

CONCLUSION

Pendant que certains songent à s’installer sur la Lune, d’autres choisiront de vivre dans un monde décentralisé et décalé sur terre ou se cacher dans une forêt…
Le métavers va bousculer le monde tel que nous le connaissons aujourd’hui. On peut même s’interroger jusqu’où ce monde numérique va-t’il nous révolutionner, voire nous changer. Il est grand temps d’y réfléchir et de savoir où nous voulons aller dans ce futur lointain et pourtant si proche.

LES BASES DU MÉTAVERS

 

La réalité virtuelle (VR). La réalité virtuelle crée un environnement avec lequel l’utilisateur peut interagir. La réalité virtuelle reproduit donc artificiellement une expérience sensorielle, qui peut inclure la vue, le toucher, l’ouïe et l’odorat (visuelle, sonore ou haptique).

La réalité augmentée (AR). La réalité augmentée est la superposition de la réalité et d’éléments insérés (sons, images 2D et 3D, vidéos, etc.). Elle incorpore de façon réaliste des objets virtuels dans une séquence d’images.

La réalité mixte (MR). La réalité mixte est la fusion des mondes réels et virtuels pour produire de nouveaux environnements et visualisations, où les objets physiques et numériques coexistent et interagissent en temps réel.

L’intelligence artificielle (IA). L’intelligence artificielle est l’ensemble des théories et des techniques mises en œuvre en vue de réaliser des machines capables de simuler l’intelligence humaine.

Le monde persistant. Le monde persistant est un environnement de réalité virtuelle qui évolue en permanence dans le métavers, comme un univers réel.

© katzeline2@gmail.com/Depositphotos
 

Vérifiez vos adresses mails !

Il n’y a pas que votre ordinateur qui peut être piraté. Vos adresses mails on pu être subtilisées dans d’autres bases de données (Santé, Gafam, réseaux sociaux…). Pour le savoir et éviter une usurpation de votre identité, de l’hameçonnage ou autre méfait, vérifiez auprès du site  haveibeenpwned s’il y a eu violation de vos adresses. Si tel est le cas, le site vous indique sur quels sites vos données ont été volées… et changez vos mots de passe.

la CNIL et vos données

Le médecin libéral doit donc protéger ses données personnelles et médicales. Pour ce faire, il doit passer par des protocoles précis : hébergement certifié données de Santé avec demande préalable auprès de la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL). 

 

La CNIL a récemment sanctionné deux médecins libéraux pour ne pas avoir suffisamment protégé les données de leurs patients, des milliers d’images médicales hébergées sur des serveurs étaient en accès libre. Toutes ces données pouvaient donc être consultées et téléchargées, et étaient, selon les délibérations de la CNIL, « suivies notamment des nom, prénoms, date de naissance et date de consultation des patients ». Le problème venait simplement d’un mauvais paramétrage de leur box internet et du logiciel d’imagerie qui laissait en libre accès les images non chiffrées.

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LES NFT, C’EST QUOI EXACTEMENT ?

Les jetons non fongibles (NFT) sont des certificats de propriété stockés sur une blockchain. Ces jetons numériques permettent de certifier l’authenticité d’un objet qui lui est associé en achetant un code (ou un certificat)

Contrairement à la monnaie telle qu’on la connaît (ou aux cryptomonnaies), chaque NFT est unique ou non fongible, c’est-à-dire qu’il ne peut être échangé contre quelque chose de valeur égale. 

Le marché de l’art est en pleine révolution grâce aux NFT. Mike Winkelmann (Beeple) a vendu une photo numérique pour plus de 69 millions de dollars chez Christie’s. Et pourtant, cette photo est consultable et téléchargeable sur internet, contrairement à un tableau « réel ». Alors, pourquoi acheter une telle œuvre de cette manière ? Et bien tout simplement parce que celle-ci a été vendue avec son NFT qui la rend unique et traçable. Ce certificat signe bien sûr l’œuvre de l’artiste et indique qui l’a vendue, qui l’a achetée et pour quelle somme et à quelle date. Cette œuvre « numérique » peut donc être cédée en enchère… et si la valeur de la cryptomonnaie qui a permis d’acquérir le certificat NFT augmente, la valeur de cette œuvre augmentera  pour le possesseur du NFT.




La science, le monde et Elon Musk

« Adviendra ce qu’il adviendra, peu importe, j’aurai exploité ma vision du monde et de son devenir, j’aurai exploité les possibilités du système, j’aurai asservi la logistique à mes idées, je serai devenu extrêmement riche et j’aurai bousculé et changé le monde » telle pourrait être la philosophie d’Elon Musk telle qu’on la comprend en lisant « Enquête sur Elon Musk. L’homme qui défie la science ». Elon Musk, vous savez, le meilleur ennemi de Jeff Bezos.

UN RAPPORT PARTICULIER À LA SCIENCE

Le livre écrit par Olivier Laskar, ingénieur et ancien journaliste de Sciences et Vie junior, décrit les principales entreprises créées, dirigées ou gérées par Elon Musk depuis qu’il a fait fortune en revendant PayPal : Tesla, Space X, Starship, Neuralink… Il en expose les défis, résolus ou en cours, les méthodes de Musk et son rapport à la science qui est très simple : avoir une vision globale, comprendre les problèmes et choisir les idées innovantes et rentables parmi celles qui lui sont proposées, exploiter les meilleurs chercheurs, essayer, jeter, recommencer, faire savoir au grand public qu’on innove, mais ne pas publier. Et pourtant, les sociétés de Musk n’arrêtent pas d’innover, de déposer des brevets, mais de publications scientifiques… point.

Il fallait donc l’œil particulier d’Olivier Laskar pour nous montrer les principales et réelles innovations qu’ont apportées les entreprises d’Elon Musk à la marche du monde : pari gagné sur ce plan.

UN RAPPORT PARTICULIER À LA MÉTHODE

La méthode essais et erreurs. L’épigramme du livre, tirée d’Herman Melville, le souligne, la méthode Musk est en partie « J’essaie tout, je réalise ce que je peux ». C’est en effet une des facettes de la méthode Musk : là où la recherche académique conceptualise, modélise et hésite, Musk fonce, casse, recommence et dépense mais en recherchant la solution la plus rentable in fine, car le retour sur investissement fait partie des objectifs majeurs de Musk. D’où, par exemple, l’idée des fusées réutilisables expérimentées jusqu’au succès.

Le chef, c’est lui. Comme le décrit Christophe Bonnal, spécialiste du CNES (centre national d’études spatiales) : « Lui-même, c’est le meilleur. Elon Musk est sans doute le plus grand ingénieur spatial depuis Wernher von Braun. Toute décision chez SpaceX sur le lanceur passe par lui. Il tranche, il fait des choix, c’est l’ingénieur en chef ».

Un art consommé de la publicité. Qui sait que Musk n’a pas créé Tesla mais l’a racheté avant de la développer ? Qui sait qu’il n’a pas été, loin s’en faut, le premier à développer des implants cérébraux ? Pourtant, pour beaucoup, c’est Musk qui crée et mène la danse. Certes, il mène la danse par ses innovations, mais pour plusieurs aspects, il sait reprendre ce que son intuition lui dicte. Et elle lui dicte souvent correctement ce qu’il faut faire et il sait alors le développer et le promouvoir.

UN RAPPORT PARTICULIER À L’ÉTHIQUE

Elon Musk est souvent décrit comme un libertarien, adepte d’une philosophie politique prônant un laissez-faire absolu en matière d’économie, une primauté de la liberté individuelle et d’expression et un rétrécissement maximal de l’État. Tout le laisse à penser et le vrai problème posé par la dynamique qu’il impose, comme pour Jeff Bezos et d’autres, est que le système capitaliste permet de mettre en œuvre des idées qui devraient rapporter gros, engendrant des sociétés et créant des individus ayant des moyens financiers supérieurs à ceux de bien des Etats et pouvant ainsi continuer à avancer jusqu’aux limites tenables, sans que les Etats n’aient parfois le temps, la possibilité ou la volonté de réagir. Ils bousculent les consensus, les modes de pouvoir, les démocraties. Mais pas que…

A ce sujet, la partie du livre consacrée à Neuralink qui développe des implants pour une interface cerveau-machine est assez édifiante. Ce qui peut être résumé en deux citations. La première de Philippe Menei : « A part tuer la mort, le transhumaniste n’a pas une vision thérapeutique au sens médical du terme. Il vise éventuellement l’immortalité, mais guérir les malades ou faire marcher des paraplégiques, cela ne l’intéresse pas vraiment ». Et la deuxième d’Eric Bruguière : « Musk a dû comprendre qu’il y avait dans ce domaine un potentiel à exploiter, de la même façon qu’il l’a senti dans d’autres disciplines, comme le spatial. C’est un bon placement qu’il fait très en avance ».

Alors, Elon Musk, génie ou escroc ?

EN SAVOIR PLUS…

Enquête sur Elon Musk. L’homme qui défie la science

    • Auteur : Olivier Lascar
    • Éditeur : Editions Alisio
    • Parution : Juin 2022
    • Pagination : 216 pages
    • Format broché : 18,00 euros
    • Format Kindle : 12,99 euros



Le système Amazon : le roman de l’Amérique contemporaine

« Le système Amazon » est un livre qui décrit comment l’Amérique, et le monde, sont en train de se transformer avec des gagnants et des perdants sous l’impulsion d’entreprises devenues « une forme de gouvernement privé… des régimes autocratiques dont la mainmise sur nos principaux canaux d’information et de consommation ne cessent de se renforcer ».

UN ROMAN

De prime abord, le titre du livre peut laisser penser que la stratégie qui a propulsé une entreprise comme Amazon au premier rang mondial, notamment en matière de capitalisation sera décrite en détail. Oui et non. Oui, car l’auteur y rappelle régulièrement quelques-uns des principes qui ont guidé les pas de son dirigeant, et non, car ce livre fait plus, il décrit en quoi Amazon est en train de modifier en profondeur la société du XXIe siècle aux Etats-Unis, mais pas seulement.

Ainsi, il est construit comme un roman choral aux multiples personnages et lieux qui ont tous un point commun : tous auront leur vie modifiée par Amazon. Avec des gagnants et des perdants et ce, tant pour les personnes que pour les villes. Avec, pour ces dernières certaines devenant des bastions de croissance aux prix inabordables, et d’autres des cités abandonnées faisant le lit d’un électorat plein de ressentiment car ayant l’impression de ne plus être pris en compte par les dirigeants des villes gagnantes qui concentrent richesses et pouvoirs.

UN SYSTÈME

Vous apprendrez pourquoi Jeff Bezos a choisi Seattle pour implanter Amazon. Puis, vous apprendrez pourquoi il a investi dans Washington et dans un système de pression de grande ampleur. D’abord en achetant une maison de 8 000 mètres carrés, 21 millions de dollars à l’achat et 13 millions de dollars de travaux : il faut savoir recevoir. Il faut aussi ne pas être critiqué par le quotidien de la capitale, donc quoi de mieux que d’acheter le Washington-Post ? Il faut savoir financer les élus et les guider pour décourager les poursuites judiciaires antitrust, pour dissuader d’appliquer des réglementations sur l’utilisation de la manne de données personnelles et savoir saper toute volonté de sévir contre les paradis fiscaux…

Vous apprendrez comment Amazon profite de larges subventions publiques, des réductions voire exonération d’impôts et de TVA… par les Etats et municipalités dans lesquels il s’implante. Tout ceci aux dépens de services publics qui de ce fait ne peuvent plus être financés, alors que finalement, l’entreprise est « subventionnée sur le dos du contribuable ». Vous y apprendrez qu’en 2014, Amazon a vendu pour 2 milliards de dollars dans l’Illinois et pour 1 milliard dans le Missouri, sans employer une seule personne dans un de ces Etats.

UN MONOPOLE

Lorsque la chambre des représentants interrogea Amazon, les questions posées étaient clairement celles qui montraient la situation monopolistique atteinte par Amazon :

  • les vendeurs tiers ont-ils réellement des solutions alternatives viables pour commercialiser leur produit en ligne ?
  • dès lors que la plateforme est devenue incontournable pour les vendeurs tiers, pourquoi augmenter leur participation financière de 42 % en 5 ans (soit un prélèvement de 27 % sur le prix de vente) réalisant une véritable taxe sur les ventes en ligne ?
  • Pourquoi désactiver les comptes et pages produits des vendeurs enfreignant certaines clauses contraignantes, ce qui consiste à les exclure du marché ?

Amazon n’utilise-t-elle pas sa gigantesque base de donnée pour faire fabriquer les produits dont elle sait qu’ils seront les plus vendus ? N’utilise-t-elle pas ses algorithmes pour mettre en première ligne ses propres produits ? Et enfin, n’utilise-t-elle pas sa force de frappe financière pour vendre initialement à perte ses produits, afin de liquider la concurrence ?

L’INVISIBILTIÉ

Amazon est entrée dans nos vies, au profit de certains, aux détriments d’autres, elle aurait ainsi contribuer à faire perdre 76 000 emplois par an aux Etats-Unis dans la vente de détail. Mais « les dégâts faits par Amazon sont presque impossibles à détecter par les consommateurs en temps réels. Amazon est d’un abord si pratique qu’on a du mal à le percevoir comme un monopole. La virtualité de cette entreprise contribue à son invisibilité, ce qui la rend difficile à combattre ».

« Le système Amazon » rend visible ce qu’est Amazon.

EN SAVOIR PLUS…

Le Système Amazon. Une histoire de notre futur

    • Auteur : Alec Mc GIllis
    • Éditeur : Seuil
    • Parution : Juin 2021
    • Pagination : 432 pages
    • Format broché : 24,00 euros
    • Format Kindle : 16,99 euros



Mater Dolorosa et la crucifixion de Jésus – 1ère partie

– Par Louis-François Garnier


Voir la partie 2


Voir la partie 3

Stabat Mater Dolorosa / Juxta crucem Lacrimosa / Dum pendebat Filius (Elle était debout, la Mère en douleur / Auprès de la croix, en pleurs / Alors qu’était pendu son Fils). Ceci est le début d’un cantique composé par le poète franciscain italien Jacopone da Todi (v.1230 -1306). Il s’agit du thème de la mère éplorée près de la croix dressée, Mater dolorosa désignant Marie (Miriam) au pied de la croix ou soutenant son fils mort. Ce fils est Jésus (Yeshua) de Nazareth (v. -5 et mort en 30) également appelé Christ du grec christós traduction du mot hébreu mashia’h dont dérive « Messie » c’est-à-dire une personne consacrée par une onction divine (1) en sachant que « le Christ dont l’historicité est incontestable, est né sous le règne d’Auguste, mort sous celui de Tibère et sur l’ordre muet du procurateur romain de Judée Pilate ». (2) 

Le thème de la douleur de Marie a fait l’objet d’une iconographie très abondante tant en peinture qu’en sculpture, avec une variabilité dans les titres tels que, entre autres, Crucifixion ou Golgotha (lieu du crâne) du nom d’une colline proche de Jérusalem. Ceci a été aussi une source d’inspiration en musique avec des œuvres majeures portant ce titre dont la célèbre version du compositeur Pergolèse (1710-1736), composée deux mois avant sa mort par tuberculose à 26 ans dans le monastère de Pouzzoles. 

Ce fut sa dernière œuvre écrite pour deux voix chantées (probablement des castrats) et un petit ensemble instrumental classique. C’est ainsi qu’on peut lire cet article tout en écoutant le Stabat Mater de Pergolèse… Le texte de Jacopone da Todi est resté célèbre par son incipit car l’art du poète y atteint d’emblée sa plénitude en décrivant Marie debout à côté de son fils pendu « en une symétrie parfaite qui accentue le pathétique de la scène ». (3) Le cantique se décline en  vingt strophes, ou plus précisément en tercets c’est-à-dire par groupes de trois vers de 7 à 8 pieds unis par une combinaison de rimes. Le second tercet  fait référence à une prophétie biblique de Siméon, faite à la Vierge durant la Présentation de Jésus au Temple, quarante jours après sa naissance : « une épée te transpercera l’âme ». Voilà Marie prévenue. (4) Le cantique comporte une première partie relatant la douleur de Marie alors que la seconde partie est une prière à la Mère de Dieu pour implorer sa bienveillance. Il convient de respecter la rime et « la sobriété de l’expression, la pure simplicité de l’écriture, d’où naît l’émouvante beauté du poème. » (3)


Le Christ à la Colonne (vers 1478).

Par Antonello de Messine (v.1430-1470).
Musée du Louvre.

Marie est très douloureusement (dolorosa) atteinte mais pas « douloureuse » stricto sensu, la traduction anglaise utilisant le terme grieving (en peine, en deuil) à rapprocher de l’expression allemande : grief-stricken (affligée de douleur) faisant état d’une mère « emplie de la plus grande douleur » (schmerzerfüllte). Marie est bel et bien debout car stabat est dérivé de sto (se tenir debout) à l’instar de ceux que Cicéron désignait comme  étant « debout et pas assis » (stand non sedant), comme cette statue qui se dressait à Delphes (statua quae Delphis stabat) toujours selon Cicéron ou comme ce roc pointu qui était debout (stabat acuta silex) d’après Virgile. (5) 

La mère du Christ est supposée être près de la croix (juxta crucem) encore que l’évangéliste Jean est le seul à rapporter que la mère de Jésus, la sœur de sa mère et Marie-Madeleine étaient « au pied » de la croix, ce qui pose question, (4) les trois autres évangélistes indiquant que les femmes se tenaient à distance sur le Golgotha. Il devait y avoir beaucoup de curieux en cette veille du Grand Shabbat de Pâque (Pessa’h en hébreu, en latin : Pascha) (6) puisque les évangiles situent la mort de Jésus en relation avec la Pâque juive (à distinguer de la Pâques chrétienne), célébrant l’Exode et le début du cycle agricole. 


Vierge de douleurs par Dirk Bouts (1415-1475).
Musée du Louvre (détail).

Dans le judaïsme, le Shabbat est le jour de repos hebdomadaire consacré à Dieu et qui va de la tombée de la nuit du vendredi à celle du samedi qui est un jour de repos mais, en l’occurrence, il est d’une importance particulière car précédant la grande fête de Pâque qui va durer une semaine avec les célébrations qui s’y rapportent.  La date, qui reste hypothétique, semble être le vendredi 7 avril 30. Parmi la poignée de fidèles, seules des femmes  semblent avoir eu le courage de le suivre, ces « femmes qui avaient accompagné Jésus depuis la Galilée » (Luc) puisque aucun des textes ne cite un seul disciple à l’exception de Jean, de « celui que Jésus aimait » (Jean l’Evangéliste). (4) Le récit de Jean aura une grande influence sur la représentation de la Crucifixion (6) avec, le plus souvent, la Vierge et Jean respectivement à droite et gauche de Jésus, le côté droit étant une place privilégiée symbolisant la miséricorde. (6) Cette symbolique du côté droit est très ancienne puisque dans l’ancienne Egypte le fait d’être flabellifère à la droite du Pharaon était l’un des postes les plus prisés. Marie est debout, c’est-à-dire que son attitude est digne comme il se doit et cette représentation s’imposa, avec sur son visage une expression de douleur (dolorosa) ou s’essuyant les larmes (lacrimosa) avec son voile. 

Ce sont là les manifestations extérieures de la poignante douleur de Marie, « les adjectifs en -osa, au rythme lent (dolorosa, lacrimosa), en accord avec les imparfaits (stabat / pendebat), traduisant un état saisi dans la durée et non une explosion passagère de l’affectivité ». (3) Cependant, à partir du XIVe siècle la Vierge a pu être représentée effondrée en pâmoison, mais ceci ne fut pas apprécié par l’Eglise qui y voyait un manque de courage. C’est ainsi que le concile de Trente (1563) recommanda aux artistes d’en revenir à la Stabat Mater et de limiter le nombre de figurants afin de « ne pas distraire l’émotion ». (6) 

La crucifixion n’est pas une invention romaine car elle remonte au VIIème siècle av. J.-C., voire plus mais « les Romains en ont poussé au paroxysme les raffinements de la souffrance » (*) et l’ont légalisée puisque ce mode d’exécution est prévu par le droit romain. La croix (crux qui signifie aussi gibet) est l’instrument de la mise à mort et Cicéron dira qu’il convient en ce sens de dresser une croix pour le supplice (figere crucem ad supplicium), (5) Jésus devenant ainsi un crucifié (cruciarus) ayant subi le supplice de la croix (cruciaria paena).(5) La croix sur laquelle fut crucifié le Christ était probablement faite en chêne ou en cèdre du Liban (6) et comportait un pieu (stipes) planté verticalement dans le sol où il reste à demeure en étant ainsi « la partie fixe du gibet, et à ce titre, il définit le lieu d’exécution » (*). Ce pieu est jointé (crux commissa) ou  plus volontiers encastr « en position stable, fixe et solide » (*), selon la technique du tenon-mortaise avec la partie mobile dénommée patibulum. Contrairement à la représentation qu’en ont faite nombre d’artistes suggérant ainsi une sorte d’ « élan vers le ciel », (6) la croix était assez basse « émergeant à peine d’une foule disparate » (4) au point même que les chiens errants pouvaient s’attaquer aux jambes des crucifiés et « cette faible hauteur de la croix est pour les bourreaux synonyme de simplicité, de rapidité d’exécution et d’efficacité dans l’application de la sentence ». (*) Ainsi, bien que dans l’iconographie traditionnelle, la croix est tout en hauteur pour « glorifier le sauveur » au point que les centurions sont représentés à cheval, le fait historique incite à « abandonner toute idée de croix haute ». (*) Les évangélistes sont muets quant au type de croix utilisée (6) mais il ne s’agissait probablement pas d’une croix en X (crux decussata)

En théorie, seule la croix qui deviendra au Ve siècle la croix latine, aurait permis de fixer au dessus de la tête de Jésus et avant sa mort, une petite pancarte (titulus) comme le voulait la coutume, et comme nous le montre Rubens (1577-1640) dans Le coup de lance (Anvers) peint en 1620. 

Cependant la croix en T ou Tau (crux commissa) n’exclut pas d’y fixer un écriteau, du moins après que le corps du crucifié se soit suffisamment affaissé car, la tête se situant alors en dessous du patibulum, il devenait ensuite facile de fixer le titulus. Celui-ci indiquait le motif de la condamnation à mort en araméen, en grec et en latin, probablement en toutes lettres pour que chacun puisse comprendre et non pas sous la forme des initiales devenus ensuite emblématiques I.N.R.I. « Iesus Nazarenus Rex Iudaeorum » (Jésus le Nazaréen Roi des Juifs) (6). 

Cette inscription figurant sur le titulus ne fut d’ailleurs pas appréciée par les Grands Prêtres qui tentèrent en vain de la faire modifier car le procurateur romain refusa en disant: « Ce qui est écrit est écrit ». (4) Cet écriteau illustre bien le fait que la crucifixion de Jésus fut un « acte politique » (7) car Jésus dut « faire face à deux procès : l’un religieux et l’autre temporel, politique et colonial » (*)

Au plan religieux, le procès est de la compétence du Sanhédrin, c’est-à-dire l’institution juive suprême comportant les Anciens représentant l’aristocratie laïque, les Grands Prêtres et les scribes, docteurs de la Loi. En réalité, cette instance est contrôlée par les Romains qui lui ont donné le pouvoir de gérer la pratique du judaïsme et du maintien de l’ordre, à la fois pour éviter une révolte et flatter les Juifs mais aussi pour les rendre responsables en cas de soulèvements populaires, obligeant alors l’armée romaine à intervenir. Les Grands Prêtres sont nommés et révoqués par le pouvoir romain bien qu’ils appartiennent à de puissantes familles sacerdotales qui s’enrichissent considérablement par l’exploitation du Temple, avec les transactions et les agréments donnés aux marchands, au point qu’ils peuvent battre une monnaie spéciale pour acheter des offrandes (*). 

C’est ainsi que Jésus gène les affairistes du Temple et c’est aussi un fauteur de troubles après qu’il ait été acclamé comme étant le Messie lors de son entrée triomphale à Jérusalem avant la Pâque juive, circonstance aggravante. Cependant, si le fait qu’il ait chassé les marchands du Temple en disant : « de cette maison de prière vous en avez fait une caverne de voleurs » (1) (8) est un facteur déterminant ayant conduit à son arrestation, c’est aussi par son enseignement, par ses miracles et parce qu’il affirme qu’il est le fils de Dieu qu’il est condamné. Ainsi, Jésus est non seulement un perturbateur des affaires et de l’ordre public mais il est, en outre et peut-être surtout, un blasphémateur, et le blasphème c’est l’horreur absolue pour le Grand Prêtre qui en déchirera son vêtement ! Et « blasphémer c’est encore pire que d’être populaire ». (*) 

Cette qualification de « blasphème » permettra au Sanhédrin « d’aller au-delà de ses espérances les plus folles » (*) puisque «  la seule condamnation pour blasphème ou profanation aurait aboutit à une condamnation sommaire » (7) par lapidation selon la coutume locale. (4) Ceci ne fut cependant pas le cas car des chefs d’accusations tels que l’insubordination ou le fait de se prétendre roi des Juifs relevaient alors du droit romain. Dès lors, « le Sanhédrin n’a pas le droit de mettre à mort et a besoin de l’occupant pour permettre d’exécuter la sentence » (*). De religieux le procès devient alors politique. Il devra s’agir d’ « une exécution à la romaine », somme toute assez banale si l’on considère qu’au siècle précédent, à la suite de la révolte de Spartacus, six mille esclaves avait été crucifiés sur la route de Capoue à Rome.

Bibliographie

(1) Renault Ch. Reconnaître les Saints et les personnages de la Bible. Ed. J.-P. Gisserot 2002.
(2  ) Schmidt J. Le Christ et César. Desclée de Brouwer 2009.
(3) Hasenohr G. Les traductions françaises du « Stabat mater dolorosa » Textes et contextes (XIVe-XVIe siècles) brepolsonline.net.
(4) Duquesne J. Jésus. Desclée de Brouwer/Flammarion 1994.
(5) Gaffiot F. Dictionnaire illustré Latin-Français Hachette 1934.
(6) De Landsberg J. L’Art en Croix le thème de la crucifixion dans l’histoire de l’art. La Renaissance du Livre 2001.
(7) Baslez M-F Jésus. Prophète ou rebelle ? Histoire & Civilisations N°23 : 22-55 décembre 2016.
(8) La Bible de Jérusalem. Cerf 2000.
(9) Baslez M-F Ponce Pilate Histoire & Civilisations N°49 : 46-59 qvril 2019.
(10) Thomas M. Trésors de l’art sacré dans les hautes vallées de Maurienne. La Fontaine de Siloé 2004.
(11) Baslez M-F. Les derniers jours du Christ. Histoire & Civilisations N°71 : 60-69 avril 2021.
(12) Boespflug F. La Crucifixion dans l’art – un sujet planétaire (Bayard 2019).
(13) Tempestini A. Giovanni Bellini. Gallimard 2000.
(14) Schmitz I. Mater dolorosa. In Michel-Ange Le Figaro hors-série 2020

Remerciements au Dr Philippe Rouesnel pour sa documentation et je suis éminemment redevable à Monsieur Tugdual de Kermoysan, Aumônier des hôpitaux de Ploërmel et de Josselin (Morbihan) pour ses remarques très érudites. (*)




Château de Monthelie – Domaine Eric de Suremain

Monthelie la discrète, telle pourrait-on la nommer tellement cette appelation est ignorée du grand public. Entre Pommard et Meursault, cette appellation de 130 hectares bien exposées sud est au même niveau géologique que ses célèbres voisins. Et pourtant, sa discrétion est due à son poids historique qu’elle porte depuis un siècle.

Dans les années 1930, les vins de Monthelie étaient vendus au négoce qui les écoulait selon le millésime en Volnay ou Pommard… ce qui a eu pour effet par la suite à une renommée quasi-inexistante malgré une qualité et un prix plutôt attractif pour la région…

C’est en 1903 qu’Albert de Suremain hérite du Château de Monthelie. Son fils, Robert, s’y installe en 1930 avec son épouse Germaine et exploite les vignobles de Monthelie et de Rully (propriété de sa femme).

En 1956, c’est au tour de Bernard, l’un des quatre enfants de Robert, de s’y installer et d’exploiter le domaine. Il est rejoint par son fils Eric en 1978 qui commence, après des études au lycée viticole de Beaune et six mois passés aux Etats-Unis, comme métayer, avant d’en prendre la gestion en 1983 avec sa femme Dominique. Et depuis 2019, C’est au tour de Gwendoline, leur fille, de les rejoindre dans cette belle aventure.

L’EXPLOITATION

De nos jours, le domaine Eric de Suremain exploite 5,7 ha sur Monthelie et 5 ha sur Rully. Les cépages sont ceux de la tradition bourguignonne avec le pinot noir qui est particulièrement adapté au climat et aux terroirs qui exprime ici toute sa dimension dans les vins rouges. Il apprécie les sols profonds, mais reste fragile et sensible au mildiou et à l’oïdium.

Quant au Chardonnay, ce cépage originaire de Bourgogne, prend ici toute sa dimension dans les vins blancs. Robuste malgré sa vulnérabilité au gel, il préfère les sols calcaires peu fertiles.

LA PHILOSOPHIE DE LA CULTURE

Depuis 1996, Eric de Suremain cultive sa vigne selon la charte de l’agriculture biologique et certifiée en 2003, une volonté farouche de ne pas utiliser de produits chimiques de synthèse et de favoriser ainsi la biodiversité et la revitalisation des sols afin de respecter des terroirs et élaborer ainsi des vins de grande qualité.

Puis la « biodynamique attitude » est apparue. Le maître des lieux la compare à un chef d’orchestre. C’est elle qui donne le ton, l’impulsion, l’harmonie entre le sol, la plante et l’homme. Elle agit en parfaite concertation dans le sens même de la nature. Pour Eric, la biodynamie est l’essence même de la terre. De par ses principes, précise-t-il, « nous avons appris à nous adapter à la plante, au terroir, au climat. Nous observons le sol et la plante pour mieux agir. »

« Chacune de nos interventions biodynamiques favorise la racine, la feuille, la fleur ou le fruit » en y apportant des préparats d’origines animales (compost de bouse et bouse de corne), végétales (ortie, valériane, camomille, pissenlit, écorce de chêne, achillée mille feuilles) et minérales (silice).

Et puis il y a l’écopâturage afin de préserver les vieux ceps de 102 ans et participer à la protection de la biodiversité.

La tonte naturelle est effectuée par dix ovins permettent d’entretenir l’enherbement de la parcelle le plus respectueusement possible, de diminuer un peu plus les passages mécanisés, et de venir à bout des mauvaises ronces tenaces.

Enfin, le calendrier lunaire donne ensuite les éléments nécessaires quant aux moments propices pour intervenir quant à la taille, les mises en bouteilles ou toutes interventions sur le vin ou les vendanges.

LES VINS 2019

Monthelie

Une belle intensité colorante avec un rubis profond. Un nez agréable, friand sur des notes de fruits mûrs. Une belle entrée de bouche, des tanins élégants et fondus. Puis une légère amertume donne à ce vin tout son équilibre et lui confère du mordant, du croquant et de la gourmandise. Une finale tout en finesse. Parfait à boire dès à présent.

LES MONTHELIE 1er CRU

Indéfiniment

La robe se profile sur un rouge pourpre, très intense. Un premier nez discret, sur des notes de groseilles, bourgeons de cassis. Après une légère aération, des notes de griottes apparaîssent révélant élégance et puissance. À la dégustation, la présence tannique est franche, agréable ce qui donne de l’ossature à ce vin. Un grand vin plein de promesse. À garder.

Le clou des chênes

Une robe magnifique, intense. Le premier nez demande une petite aération qui divulguera des arômes de fruits rouges, noyaux de cerises. En bouche, les tanins sont présents mais fondus ce qui offrent une belle longueur tout en délicatesse. La sucrosité donne une finale très agréable et un joli gras. Un vin qui demande à s’ouvrir. Très beau potentiel de garde.

Sur la Velle

Dans la continuité de la typicité de ce millésime, sa robe est soutenue, profonde. Un nez élégant, intense sur les fruits noirs. Une belle entrée en bouche et une longueur toute en délicatesse avec des tanins fondus, élégants et bien intégrés. Un volume de vin intense avec un bel équilibre. Beau potentiel de garde, très prometteur.

Pascal Wolff



Domaine Eric de Suremain – Château de Monthelie
14 grande rue 21190 Monthelie – Tél.: 03 80 21 23 32


L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, consommez avec modération
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