Les disparités départementales de la mortalité prématurée par MCV

Le Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire (BEH) du 29 septembre dernier est consacré aux maladies cardiovasculaires et notamment aux « disparités départementales d’années potentielles de vies perdues prématurément par maladies cardiovasculaires en France » entre 2013 et 2015. Les départements les plus touchés se situent dans le nord et le nord-est ainsi que dans les départements et régions d’Outre-Mer (DROM).

Un peu de méthodologie. L’étude menée par Félicia Santos, de Santé publique France, et ses collègues étudie les « disparités départementales de mortalité prématurée (avant 65 ans) pour l’ensemble des maladies cardiovasculaires (MCV), et plus spécifiquement pour l’Accident Vasculaire Cérébral (AVC) et l’Infarctus du Myocarde (IdM), en France en prenant compte de l’âge au décès ». Elle s’appuie sur les données de la base nationale des causes médicales de décès (CépiDC) de l’INSERM et sur différents indicateurs de mortalité à l’échelle nationale. 

En 2015, la mortalité prématurée représentait 8,9 % des décès par MCV (à l’âge moyen de 55,1 ans), 8,2 % pour l’AVC (54,7 ans en moyenne) et 19,8 % pour l’IdM (55,6 ans en moyenne). Cette même année, le nombre moyen d’Années Potentielles de Vie Perdues prématurément (APVPp) était de 10,4 ans par personne et il était le même pour les MCV, les AVC et les IdM. 

Pour étudier la distribution de la mortalité prématurée par MCV, AVC ou IdM en tenant compte de l’âge au décès, les auteurs de l’étude ont calculé les taux standardisés d’APVPp à l’échelle nationale et départementale. Ils ont ainsi pu observer des disparités territoriales importantes de mortalité prématurée par MCV. Ce sont les départements situés dans « le croissant nord-est de la France métropolitaine » ainsi que les DROM qui présentent des taux d’APVPp plus importants que le niveau national moyen (voir carte). 

Plus précisément, entre 2013 et 2015 les DROM ont enregistré un taux d’APVPp d’au moins 45 % supérieur au niveau national. Dans plusieurs départements des Hauts-de-France, ce taux était supérieur d’au moins 30 %, tandis que, pour l’ouest de la région Grand Est, il était augmenté d’au moins 25 %. D’autres département étaient également concernés, parfois hors du croissant nord-est, par exemple la Seine-Maritime (+ 36,1 %), la Lozère (+ 48 %) ou encore la Nièvre (+ 68 %).

A l’inverse, des départements de l’Ile-de-France, d’Auvergne-Rhône-Alpes, de Haute-Garonne ou les Hautes-Alpes, présentaient un taux d’APVPp plus bas que le niveau national.

Des disparités plus hétérogènes pour l’IDM

Globalement, entre 2013 et 2015, l’excès de mortalité prématurée par AVC touchait les mêmes zones, le taux d’APVPp étant plus élevé dans plusieurs départements des Hauts-de-France, de l’ouest de la région Grand Est, de la Normandie, la Nièvre et les DROM : au moins + 30 % et jusqu’à + 186 % en Guyane. Mais pour l’IDM, les auteurs de l’étude estiment qu’il existe « des disparités plus hétérogènes ». Les départements des régions Hauts-de-France, Normandie, Bourgogne-Franche-Comté, l’ouest de la région Grand Est et la Corse sont en particulier touchés par un excès de mortalité prématurée par IDM. 

On trouve également des taux d’APVPp beaucoup plus élevés que les valeurs nationales dans le Cantal (+ 71 %), la Lozère (+ 122 %) et les Pyrénées-Orientales (+ 55 %) notamment, alors que dans les DROM, seule la Réunion (+ 57 %) présente une situation défavorable.

Pour expliquer cette hétérogénéité, les auteurs mettent en avant une répartition inégale des facteurs de risque cardiovasculaire – concordante avec celle des décès prématurés par MCV – mais aussi des différences locales dans l’offre, l’accès et la qualité des soins.




Négociations conventionnelles sous haute tension

L’absence de « grain à moudre » du projet d’avenant conventionnel 9, seuls 300 millions d’euros prévus par le PLFSS 2021 pour l’ensemble des professionnels de santé libéraux et la perspective de l’actuelle convention médicale prorogée jusqu’au 31 mars 2023 : la coupe est pleine pour les médecins libéraux et les chances d’une signature de l’avenant 9 fortement compromises.

Inutile de rappeler l’amertume des médecins libéraux à l’issue du Ségur de la santé. Si l’intuition qu’ils ont eu dès le départ que ce serait surtout un « Ségur de l’hôpital » n’a pas été démentie, elle a même dépassé leurs prévisions : 28 milliards d’euros sur 5 ans pour l’hôpital, pas un kopeck pour la médecine de ville ! Le ministre de la Santé ayant demandé au directeur de la CNAM, Thomas Fatome, d’ouvrir des négociations conventionnelles « dès la fin de l’été », du moins pouvaient-ils espérer qu’elles constitueraient en quelque sorte une session de rattrapage à leur endroit. Les libéraux ont commencé à déchanter dès qu’ils ont pris connaissance de la lettre de cadrage adressée par Olivier Véran à Thomas Fatome (voir notre article). Le SML demandait au ministre de « revoir sa copie », regrettant de ne pas y trouver une ambition pour les libéraux similaire à celle manifestée à l’égard de l’hôpital. 

Quant à Jean-Paul Ortiz, il avait indiqué à Olivier Véran, lors de l’université d’été de la CSMF, que le futur avenant conventionnel 9 en négociation devrait être « significatif en matière d’avancée tarifaire, en particulier pour la valorisation de l’acte médical, contrairement à ce qui est écrit dans la lettre de cadrage que vous avez adressée au nouveau directeur de la CNAM et qui nous inquiète ». Le président de la confédération avait prévenu le ministre : « Si la négociation qui va s’ouvrir ne s’élargit pas, il ne pourra pas y avoir d’accord conventionnel ».

Les deux premières réunions de négociation des 30 septembre et 14 octobre derniers n’ont pas vu poindre le moindre élargissement de l’avenant dont les objectifs restent les mêmes : 

  • définir les modalités de participation et de financement des médecins au Service d’Accès aux Soins, 
  • le futur SAS, 
  • développer la télésanté, 
  • prévoir les conditions de l’essor du numérique en santé, 
  • et prévoir divers aménagements tarifaires à la convention médicale, notamment par des incitations aux visites gériatriques à domicile et la revalorisation d’actes de consultation de certaines spécialités ayant un faible recours aux actes techniques, essentiellement la psychiatrie, la pédiatrie et la gynécologie médicale. 
  • Peu de grain à moudre dans tout cela pour les libéraux qui ont appris par ailleurs au détour d’un entretien d’Olivier Véran à notre confrère Le Quotidien du Médecin, que le ministre de la Santé n’était pas favorable à une revalorisation tarifaire de la consultation (C, 23 euros). 

Des négociations dans l’expectative

C’est donc dans la plus grande expectative que les médecins libéraux ont entamé les négociations. Et ce ne sont pas les pistes d’évolution présentées par la CNAM pour la téléconsultation et la téléexpertise qui les a rassérénés. S’ils approuvent la suppression de la condition d’une consultation physique dans les 12 mois précédents une téléconsultation, ils contestent la perspective d’un assouplissement pour l’exigence du cadre territorial de la téléconsultation, y voyant la porte ouverte à l’essor de plateformes dédiées délocalisées. « Promouvoir une téléconsultation en médecine spécialisée  faite à l’autre bout de la France n’est pas la vision de la CSMF : nous disons non à l’ubérisation des médecins ! », réplique Jean-Paul Ortiz. 

Concernant la téléexpertise, les propositions de l’Assurance-maladie ne satisfont pas davantage les médecins, c’est peu de le dire. Constatant son peu de succès – seulement 8  630 actes facturés au 1er semestre 2020, après 2 785 en 2019 – la CNAM propose de remplacer le forfait annuel (500 euros maximum par an à raison de 5 euros par TLE de niveau 1 et 10 euros par TLE de niveau 2) en une rémunération à l’acte mais… sans changer les montants actuels de rémunération par type de TLE ! Inutile de dire que pour les médecins libéraux le compte n’y est pas là non plus. La CSMF monte à nouveau aux créneaux. Si elle « réaffirme son attachement à la téléexpertise comme un outil facilitant l’accès aux spécialistes, l’accès à un avis expertal, comme un outil de coordination entre médecins », elle déplore que « la CNAM continue à vouloir rémunérer la demande de cet avis (5 euros et 10 euros) et l’avis expertal lui-même (12 euros et 20 euros selon la complexité) à des tarifs tellement ridicules qu’ils sont vécus comme une insulte par la profession ! ». Le président de MG France, Jacques Battistoni, estime lui aussi que si la téléexpertise ne marche pas actuellement, c’est qu’elle est réservée au zones sous-denses et qu’elle est insuffisamment honorée. Et la nouvelle présidente de la FMF, Corinne Le Sauder, est sur la même ligne et regrette que l’Assurance-maladie ne soit pas prête à investir dans la revalorisation de ces actes pour accompagner l’essor du dispositif. 

Dans ce contexte morose est arrivée la cerise sur le gâteau quand les médecins libéraux ont appris qu’une des dispositions du PLFSS 2021 prévoyait de proroger jusqu’au 31 mars 2023 l’actuelle convention médicale qui arrivait normalement à échéance le 24 octobre 2021. L’exécutif justifie cette mesure par l’inadaptation du calendrier conventionnel, qui se heurte aux négociations conventionnelles en cours pour décliner les mesures du Ségur de la santé mais aussi à la campagne des élections aux Unions Régionales des Professionnels de Santé (URPS) pour les médecins qui se dérouleront du 31 mars au 7 avril 2021. « Il convient donc de proroger la convention actuelle afin de permettre que la négociation de la prochaine convention médicale puisse se dérouler à l’issue de ce processus électoral », explique le gouvernement dans l’exposé des motifs du PLFSS 2021. 

Aucune revalorisation aujourd’hui

Outre que les médecins libéraux ont été informés de cette mesure par voie de presse, ils comprennent surtout qu’aucune revalorisation tarifaire potentielle n’est donc envisageable avant 2023 ! Et considèrent également qu’il leur est difficile de signer un avenant 9 en pleine campagne électorale, surtout un avenant qui traite « énormément de sujets organisationnels et très peu de revalorisations », comme le souligne Jacques
Battistoni. Même interrogation chez Corinne Le Sauder : « Qui va pouvoir signer un tel avenant en pleine campagne ? », soulignant l’absence d’enveloppe à la hauteur des attentes des médecins. 

« Ça suffit ! La coupe est pleine », pour la CSMF qui a claqué la porte et décidé « de ne plus participer aux négociations actuelles pour un avenant conventionnel car elles sont devenues inutiles et marginales ». 

Pas sûr qu’un accord sur l’avenant 9 soit trouvé pour le 25 novembre prochain comme initialement prévu… D’autant que la lecture du PLFSS 2021 n’est pas de nature à faire renaître un semblant d’optimisme chez eux, comme le souligne la confédération : « L’hôpital va bénéficier de 28 milliards d’euros sur 5 ans, et d’ores et déjà en 2021 de 4,6 milliards d’euros uniquement pour les revalorisations salariales. Quasiment rien pour les soins de ville : seuls 300 millions d’euros sont prévus dans le cadre de la “hausse des professionnels de santé libéraux”. Ceci pour l’ensemble des professionnels de santé de ville ! »