Deux parcours

Deux biographies parues à un mois d’intervalle, relatent deux parcours de vie très différents. Le premier est celui de Nicolas Sarkozy qui après avoir voulu être et avoir été président de la République semble dorénavant avoir trois envies : être riche, continuer à briller selon les critères qu’il définit et échapper à la prison. Le deuxième est celui de Jean-Jacques Goldman qui, inversement, veut devenir le plus discret possible alors qu’il était encore en 2023, la personnalité préférée des français alors qu’il a quitté la scène il y a 20 ans et n’apparaît quasiment plus dans l’espace public.

LE PARRAIN

Etienne Girard, rédacteur en chef à l’Express et Laurent Valdiguié, grand reporter à Marianne, décrivent la vie de Nicolas Sarkozy depuis qu’il a été battu à la primaire des Républicains en 2016, mettant un terme probable à ses possibilités de redevenir président de la République. Pour ce faire, ils ont orienté leur ouvrage selon quatre axes : la vie politique, les procès, le business et enfin l’affaire libyenne pour laquelle Nicolas Sarkozy risque l’emprisonnement ferme.

Un risque judiciaire majeur

Schématiquement, il est possible de relier la vie politique actuelle de Nicolas Sarkozy à l’affaire libyenne et à son business, c’est-à-dire sa façon de vouloir « être riche » et d’échapper à la prison. Le procès relatif à l’affaire libyenne devrait durer 3 mois en début d’année 2025. Cette affaire repose sur la possibilité que la campagne présidentielle de 2007 de Nicolas Sarkozy ait pu bénéficier d’un financement en liquide, à hauteur de 50 millions d’euros, par le président libyen de l’époque, Mouammar Kadhafi. Dans cette affaire aux multiples rebondissements, Nicolas Sarkozy est mis en examen depuis mars 2018 pour corruption passive, recel de détournement de fonds publics (libyens) et financement illégal de campagne électorale,  depuis 2020, au même titre que Claude Guéant, Brice Hortefeux et Thierry Gaubert, pour association de malfaiteurs en vue de la préparation de ces délits et depuis le 6 octobre 2023, pour recel de subornation de témoin et participation à une association de malfaiteurs en vue de commettre l’infraction d’escroquerie au jugement en bande organisée.

La vie politique actuelle de Nicolas Sarkozy semble  faite de facilitation potentielle de carrières et d’entremise auprès de dirigeants, tel Emmanuel Macron, pour promouvoir à des postes-clefs, des personnalités qui lui sont favorables. L’objectif est double. Le principal est d’espérer qu’en cas de condamnation à la prison ferme, il puisse bénéficier d’une grâce par l’entremise d’un président qui lui serait favorable pour services rendus (Macron ou Darmanin). Le deuxième est de continuer à entretenir des réseaux politico-financiers lui permettant de jouer pleinement son rôle d’entremetteur pour les diverses entreprises et sociétés qui ont recours à ses services notamment de conseils rémunérés, de participations à des conseils d’administration et d’aide au développement d’affaires entrepreneuriales.

Un business simple
dans son principe, complexe dans ses réseaux

Comme le disent les auteurs « le business de Nicolas Sarkozy repose sur un principe simple. Il s’agit de monnayer ses conseils et son entregent auprès de grands patrons et de dignitaires étrangers ». Ce qui lui rapporte d’après les auteurs de l’ordre de 250 000 euros par mois. Pour ce, par exemple, il  favorise l’expansion africaine du groupe hôtelier Accor, sans oublier au passage ses affaires personnelles. Il a ainsi fait en sorte que les vignobles dont il est propriétaire avec Stéphane Courbit, produisent des vins qui seront présents dans les restaurants du groupe Bourdonde racheté par Accor dont il est administrateur. 

C’est ainsi qu’il est conseiller de Vincent Bolloré et d’Arnaud Lagardère (ce dernier l’ayant qualifié de frère) qui possèdent plusieurs médias et maisons d’édition permettant d’augmenter la surface publicitaire et les pourcentages des livres qu’il publie chez eux.

C’est ainsi qu’il a parole ouverte pour venir régulièrement fournir sa version des faits à propos des mises en examen dont il est l’objet. A ce sujet, le chapitre consacré à l’affaire Paul Bismuth est à la fois édifiant et cocasse. Cocasse quand, lors d’une perquisition chez l’avocat Thierry Herzog, celui-ci prétend n’avoir pas d’autre téléphone que celui que les policiers viennent de saisir et qu’un autre téléphone sonne dans la poche de la robe de chambre qu’il porte, téléphone qui vient d’être appelé, non pas comme le pense l’avocat par Sarkozy-Bismuth pour le prévenir, mais par un des policiers présents. Edifiant quand Nicolas Sarkozy, pour « preuve de sa bonne foi » indique que le juge bordelais au centre de l’affaire n’a pas été muté à Monaco, ce qui prouverait selon lui qu’il n’y a pas eu de trafic d’influence alors que le contenu des écoutes rapporté dans le livre ne laisse aucun doute, Nicolas Sarkozy disant à son avocat à propos de ce juge « Appelle-le aujourd’hui en disant que je m’en occuperai parce que moi, je vais à Monaco et je verrai le prince ».  Et comme le précise les auteurs, le fait que la démarche n’a pas abouti n’a aucune importante et n’a aucune valeur de preuve, car en droit « La réalité de l’influence importe peu, son intensité n’a pas à être vérifiée dès lors qu’elle pouvait être réelle ou supposée. Cette influence peut n’exister que dans l’esprit du corrupteur… Le trafic d’influence supposé, comme son nom l’indique, implique que chaque partie suppose que l’autre fera son bout de chemin ». Et la sanction à l’issue de l’appel est la suivante pour Nicolas Sarkozy : trois ans d’emprisonnement dont deux avec sursis, et trois ans de privation des droits civiques, c’est-à-dire de droit de vote et d’éligibilité.

EN SAVOIR PLUS…

LE PARRAIN.
Sarko après Sarko : l’enquête

 

• Auteurs : Etienne Girard, Laurent Valdiguié
• Editeurs : Seuil 
• Parution : septembre 2023
• Pagination : 320 pages
• Prix broché : 20,90 €
• Prix numérique : 14,99 €

 

 

GOLDMAN

Tout autre est la vie de Jean-Jacques Goldman, telle que racontée dans un essai passionnant par Ivan Jablonka, qui est aussi un enfant d’immigrés juifs et qui trace quelques parallèles entre sa vie et celle du chanteur, « hyperstar » malgré lui.

En effet, tout, chez Jean-Jacques Goldman apparait être un parcours d’humilité au point qu’il n’a pas invité ses parents lors de son premier spectacle à l’Olympia, estimant, qu’il n’y avait là rien de recommandable ou d’édifiant par rapport à ce que font d’autres personnes qui méritent nettement plus d’être reconnues que lui. A tel point qu’alors que les premiers succès arrivant tardivement, au début des années 1980, Goldman continua d’habiter son pavillon de Montrouge et à vendre des articles de sport dans le magasin familial en franchise.

Premier vendeur français de disques des années 1980, Jean-Jacques Goldman a pourtant été méprisé par la critique et les journalistes au point que ces derniers avaient appelé au boycott d’une grande série de concerts qu’il donna en 1985 à Paris. Cette série fut un succès à « guichets fermés » et comment répondit Goldman à ses critiques ? Il acheta une pleine page de publicité dans un des journaux qui le conspuait, page reprenant les critiques qui lui avaient été faites et qui avait comme titre « Merci d’être venu quand même ».

Mais une fois le succès reconnu, alors que sa personnalité semble faite d’humilité, de modestie et de simplicité, celle-ci fut encore décrite en 2001 par les mêmes journalistes comme un marketing habile fait d’un non-marketing. Une sorte d’impossibilité de croire à la sincérité. Pourtant, tout dans ses attitudes, sa tenue vestimentaire, son parcours, les paroles de ses chansons indiquent la réalité de celle-ci.

Le succès discret mais réel

Ce qui fait le succès de Goldman à l’issue de la lecture de ce livre tient en sa valeur d’exemplarité de son attitude qui peut se résumer à « voyez comme je suis, je fais comme je pense qu’il faut faire, discrètement ». Et c’est probablement pour cela qu’il a été élu personnalité préférée des français plus de 10 fois lors des 20 dernières années alors qu’il n’apparait plus qu’exceptionnellement en public et alors dans des spectacles à caractère caritatif.

Ce qui fait le succès de Goldman, c’est aussi l’emploi de mots, d’images et de schémas narratifs simples dans ces chansons. C’est d’ailleurs probablement cette simplicité qui lui est reproché, mais Charles Trenet, un monument de la chanson française avait des paroles tout aussi simples. Et au milieu d’un important répertoire, il y deux vrais perles, deux chefs d’œuvre : « Comme toi » et « Né en 17 à Leidenstadt ». Deux chansons dont les textes sont étudiés dans les écoles pour la valeur de leur message. La première véhicule une émotion très forte et le deuxième une vraie réflexion sur le devenir des hommes selon le contexte dans lequel ils évoluent. Des textes à lire et relire, des chansons à écouter et ré-écouter. 

EN SAVOIR PLUS…

GOLDMAN

 

• Auteurs : Ivan Jablonka
• Editeurs : Seuil
• Parution : août 2023
• Pagination : 400 pages
• Prix broché : 21,90 €
• Prix numérique : 15,99 €




Les démocraties libérales entrent-elles dans une période de forte turbulence ?

Deux livres dressent un portrait maussade de la situation actuelle des démocraties libérales, ces régimes politiques que l’on assimile à l’Occident. Par deux analyses différentes, ces livres semblent laisser peu d’espoir d’échapper à de futurs conflits majeurs qui pourraient remettre en cause, a minima, l’existence des démocraties…

L’ANALYSE PSYCHOLOGIQUE DES CAUSES

Koert Debeuf est un philosophe et historien belge qui a été porte-parole et rédacteur des discours du Premier ministre belge Guy Verhostadt. Cette fonction lui a offert un poste d’observation privilégié de l’évolution des régimes politiques internationaux, et, de plus, il a vécu au Caire (Egypte) de 2011 à 2016, assistant en direct à un des printemps arabes. Il s’est particulièrement intéressé aux causes des conflits, nationaux ou internationaux, et affirme que leur origine est plus psychologique qu’économique, n’en déplaise aux analystes marxistes : « Comme Oussama ben Laden, les combattants du djihad et les révolutionnaires arabes étaient mus par des raisons psychologiques plutôt qu’économiques. Je pense qu’il est donc temps de laisser Marx derrière nous et d’explorer le terrain de Freud ».

Il décrypte ainsi l’évolution de plusieurs conflits et mouvements politiques, naviguant sur des vagues populistes, et notamment sur la vague du nationalisme. Il explique par exemple la vague actuelle de tribalisation qu’il attribue aux attentats du 11 septembre 2001 : « Après une période de deuil, la solidarité fait place à une polarisation croissante. Les gens se cachent de plus en plus dans les tranchées de leur propre droit. Ils attendent des dirigeants qu’ils les sauvent de leur insécurité. Ils cherchent une ancre dans la tribu qu’ils connaissent le mieux. Cette tribu peut être le nationalisme, la religion ou l’idéologie, mais de manière de plus en plus polarisée. Ils construisent un passé mythologique pour leur tribu et considèrent ce passé glorieux comme le seul moyen de rendre la tribu “grande à nouveau”. La clé de ce processus de tribalisation est d’étiqueter tous ceux qui ne font pas partie de la tribu comme des ennemis, et ceux qui ont une voix critique au sein de la tribu comme des traîtres ».

Il prend comme modèle la crise d’identité que peut parfois traverser une personne et qui va la transformer en indiquant qu’une telle crise survient généralement après une expérience traumatisante et qu’elle entraîne une perte de confiance en soi, une baisse de l’estime de soi et peut éventuellement conduire à la tribalisation, le rattachement à une tribu (sa terre d’origine, un groupe quelconque, etc.). Ce processus peut toucher un individu isolé, mais aussi des groupes entiers. Il prend comme exemple le livre Mein Kampf d’Hitler en jugeant qu’il s’agit d’un parfait exemple de la façon dont une crise d’identité (la défaite allemande en 1918) se transforme en régression et en tribalisation. Ne comprenant pas pourquoi ses généraux avaient capitulé en 1918 et croyant en l’Allemagne, Hitler perdit tout ce en quoi il croyait. Cherchant des réponses, il a commencé à s’ancrer et son point d’ancrage était le prétendu passé glorieux de l’Allemagne : « Pour recréer un grand “Empire allemand”, elle devait revenir à son passé mythologique. Le chemin de la rédemption était le retour à l’ère de la pureté allemande. Et elle devait se débarrasser de ses ennemis, ceux qui conspiraient contre la grandeur de l’Allemagne et la rendaient impure : les Juifs ». 

De cet exemple emblématique, l’auteur poursuit son parcours vers les traumatismes psychologiques de certains Russes après la chute de l’URSS, des Arabes après la fin de la première guerre mondiale et le démantèlement de l’Empire ottoman dont ils se sont sentis comme les dindons d’une farce jouée par les Anglais et les Français, et prend l’exemple de bien d’autres groupes pour montrer que ce qui peut être vécu comme un traumatisme psychologique peut aisément servir de base à une polarisation, source de conflits futurs… voire éternels ? Car les pensées de ces tribus « ne sont pas ancrées dans des arguments rationnels, mais dans des expériences traumatisantes, où la survie de la tribu est en jeu. Cela les rend potentiellement dangereux ».

L’auteur fait toutefois assaut d’optimisme dans son dernier chapitre en proposant quelques pistes (utopiques ?) pour éviter ou tout au moins atténuer les nouveaux processus de tribalisation en cours. L’analyse psychologique, d’autant plus qu’elle est étendue aux foules est un jeu difficile et incertain, mais l’auteur rend compte d’un point majeur : les conséquences potentielles majeures que peuvent avoir ce qui pourrait être vécu comme une humiliation ou une traîtrise.

EN SAVOIR PLUS…

POURQUOI CE N’EST PAS LA DERNIÈRE GUERRE
Sur les raisons psychologiques des conflits internationaux

    • Auteur : Koert Debeuf
    • Éditeur : Racine
    • Parution : Février 2023
    • Pagination : 240 pages
    • Format broché : 24,99 euros

 

 

L’ANALYSE POLITIQUE DES CAUSES

Le deuxième ouvrage a été écrit par une journaliste, cheffe adjointe du service international du Monde et par un politiste, docteur en philosophie et enseignant. 

Alors que l’on parlait de mondialisation et de démocratisation du monde, ces auteurs tendent à montrer qu’il existe dorénavant une réelle tendance à l’autocratisation du monde. Ils font reposer celle-ci sur une sorte de pacte implicite noué par divers régime autocratiques et dictatoriaux qui semblent actuellement se préserver voire se défendre les uns les autres, et ce dans un objectif commun, abattre l’Occident, les démocraties libérales et en premier lieu, les Etats-Unis. Le soutien de Poutine au génocidaire Bachar el Assad peut en témoigner, de même que celui du dictateur nord-coréen, Kim Jon-un à Poutine et le fait que la Chine se garde bien de dénoncer l’invasion de l’Ukraine.

Comme les auteurs l’indiquent en quatrième de couverture « Ces régimes s’organisent pour se protéger mutuellement, jusqu’à former une ‘Internationale autocratique’. Ils votent de concert aux Nations unies, coopèrent sur le plan sécuritaire, mutualisant leur propagande, développent leurs échanges commerciaux, se fournissent en armes les uns auprès des autres, nouent des alliances militaires ».

Les auteurs décrivent les alliances tacites ou réelles entre ces régimes, leur mode de fonctionnement commun conduisant leurs chefs, en modifiant la constitution à se présenter indéfiniment aux fonctions suprêmes de leurs pays, à réprimer toute opposition et au passage des mouvement LGBT, leurs avancées dans plusieurs régions du monde, par des stratagèmes divers, mais poursuivant les mêmes objectifs : en chasser les pays occidentaux, que ce soit l’Amérique du Sud, l’Afrique, le Moyen-Orient ou l’Asie centrale. Et le chapitre consacré à l’Afrique est particulièrement édifiant.

En parallèle, tout est fait pour déstabiliser les démocraties libérales : soutien financier aux partis et personnalités politiques polarisants, intoxications et fausses informations, utilisation de la pression migratoire africaine et moyen-orientale… L’objectif ultime : faire s’effondrer les Etats-Unis par le biais d’une guerre civile, qui en sus de terrasser l’ennemi, laissera les mains libres pour réorganiser le monde au profit de quelques autocrates. 

Mais tout indique que si ce premier objectif était atteint un jour, le second sera source de multiples autres conflits entre autocrates, les dirigeants chinois actuels ayant l’ambition maintenant avouée de dominer le monde « En effet, en février 2023, Pékin rend publique un document conceptuel qui explicite son projet de renouveau de l’ordre international, dénommé “Initiative pour la sécurité mondiale”. Ce plan ambitieux annonce vouloir “éliminer les causes profondes des conflits internationaux” dont il rend largement responsables les Occidentaux. Pour cela, il faut, en premier adhérer à la “vision de sécurité commune, intégrée, coopérative et durable” de Xi Jinping… La sécurité mondiale est ainsi conditionnée au fait de souscrire à sa vision et de se conformer à la structure idéologique du “socialisme à la chinoise” » et les auteurs d’ajouter « les textes de droit international public existent pourtant et ne demandent qu’à être appliqués ».

Et ainsi, afin d’éviter un nouveau Munich, comme cela a probablement été le cas concernant la Syrie où l’Occident a démissionné devant la Russie, tout indique maintenant que « le conflit en Ukraine apparaît comme une guerre-pivot dont les protagonistes ont conscience de la nécessité historique de l’emporter ». Et les auteurs de conclure justement que « cette configuration internationale d’ensemble pose la question fondamentale des relations que l’Occident souhaite entretenir avec les régimes autocratiques. Et jusqu’à quel point il est prêt à défendre, en son sein comme dans le monde, la démocratie ».

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LE PACTE DES AUTOCRATES
Poutine, Xi Jinping, Erdogan, Assad, Raïssi, Maduro, Modi

 

    • Auteur(e)s : Isabelle Mandraud, Julien Théron
    • Éditeur : Robert Laffont
    • Parution : avril 2023
    • Pagination : 216 pages
    • Format broché : 19,00 euros
    • Format numérique : 12,99 euros



Remettre les pendules à l’heure

En expliquant pour l’un, les coûts environnementaux, sociétaux et politiques de l’industrie du numérique, et pour l’autre, ce qu’a été réellement la victoire de l’URSS sur l’Allemagne nazie, et qui est qualifiée de « Grande guerre patriotique » par Vladimir Poutine, deux ouvrages récents remettent en quelques sortes les pendules à l’heure face aux rêves et à la désinformation.

LE NUMÉRIQUE N’EST PAS UNE ABSTRACTION MAGIQUE

Kate Crawford, qui se qualifie de spécialiste des implications sociales et politiques de l’intelligence artificielle (IA) a intitulé son livre contre-Atlas, car, comme dans un Atlas, elle parcourt un territoire, ici celui de l’IA (IA), mais comme dans un contre-Atlas, elle souhaite en montrer la face cachée. Elle démontre que ce que l’on dénomme IA n’est ni intelligente, ni artificielle.

L’IA N’EST PAS ARTIFICIELLE

Cela commence par le coût environnemental du numérique. Si l’auteure indique que l’industrie du numérique représentera 14 % des émissions des gaz à effet de serre d’ici 2040, elle va bien au-delà de ce qui commence à être connu concernant les coûts énergétiques des grands centres de données, pour s’intéresser notamment à la consommation de matières premières. Et notamment de terres rares car, comme le dit l’auteure « le cloud est la colonne vertébrale de l’industrie de l’IA, et il est fait de pierres, de saumure de lithium et de pétrole ». Et elle rappelle que l’industrie minière actuelle d’extraction des métaux rares comme le lithium n’a rien à envier aux mines de charbon de la fin du XIXe siècle : « La Chine fournit aujourd’hui 95 % des minéraux de terres rares… La domination chinoise sur le marché doit beaucoup moins à la géologie qu’à la volonté d’un pays d’accepter les dégâts environnementaux de l’extraction ». Une petite pique en passant « on estime que Tesla utilise chaque année plus de 28 000 tonnes d’hydroxyde de lithium, soit la moitié de la consommation totale de la planète. En fait, il serait plus juste de présenter Tesla comme un fabricant de piles que comme un constructeur automobile ». Si une seule entreprise de voiture électrique consomme la moitié du lithium produit annuellement, qu’en sera-t-il quand il existera de très nombreuses entreprises de construction de voitures électriques et que tous les pays seront incités à « rouler à l’électrique » ? On y apprend aussi au passage que Google, cette entreprise qui « vous veut du bien » a installé ses locaux sur une ancienne base militaire californienne dotée de pistes d’atterrissages afin que ses cadres fortunés puissent venir au travail avec leurs avions privés.

L’IA N’EST PAS INTELLIGENTE

Le deuxième chapitre est consacré à la main-d’œuvre dévolue à l’IA, non pas les fameux cadres fortunés mais tout le sous-prolétariat mondial, sous-payé pour trier et classifier les données afin d’alimenter les logiciels de l’IA, qui n’est donc pas intelligente puisqu’elle a besoin de l’homme pour prétrier les données. S’ensuit une longue présentation de ce qu’est en réalité la collecte de données, sur tous les supports et indépendamment de la vie privée. Et vos photos personnelles mises sur le Cloud sont ainsi largement pillées pour développer les outils de reconnaissance faciale et de détection des affects ou des sentiments prétendument devinés selon l’expression de votre visage. L’auteure estime qu’il s’agit d’un pillage illégal d’un bien commun. Plus encore, les données sont analysées en fonction de classifications qui reproduisent des biais culturels, notamment en matière de simplification de données complexes, comme par exemple, le genre, qui ne peut être que binaire, la couleur de peau, qui connaît mal la nuance, etc. Et tout cela pour arriver progressivement à un scénario du type Minority Report, dans lequel d’après l’analyse de données il serait possible de prédire quand et par qui un acte illégal sera commis. Sans entrer dans cette science-fiction, l’auteure montre comment les données de reconnaissance faciale et d’estimation des affects sont déjà utilisées par divers Etats et sociétés privées, notamment pour le recrutement du personnel dans plusieurs entreprises. Et l’auteure de conclure sa démonstration par ces mots « développée et conçue sans contrôle ni évaluation, sans critères de justice ni d’éthique, l’IA renforce la toute-puissance des géants de la tech et des institutions qui l’adoptent ».

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Contre-Atlas de l’intelligence artificielle

    • Auteure : Kate Crawford
    • Éditeur : Editions Zulm
    • Parution : mars 2022
    • Pagination : 384 pages
    • Format broché : 23,50 euros
    • Format numérique : 12,99 euros

POUTINE ET SES MENSONGES

Vladimir Poutine tente d’unifier la population vivant sur le territoire qu’il administre en créant ou renforçant le mythe de la « Grande Guerre Patriotique », c’est-à-dire, celle de la victoire du peuple soviétique sur la barbarie nazie, permettant ainsi de libérer le monde et ce au prix de tels sacrifices que le monde devrait être éternellement reconnaissant de la grandeur du peuple russe. Plus encore, il justifie sa guerre contre l’Ukraine par le fait, qu’une nouvelle fois, le peuple russe doit éliminer l’ennemi nazi. Pierre Rigoulot et Florence Grandsenne sont deux historiens dont le livre démonte complètement ce mythe reposant sur une histoire tronquée et complètement falsifiée de la seconde guerre mondiale. Cela permet de comprendre un peu plus les modes de pensée et le cynisme du dirigeant russe.

L’URSS N’A ATTAQUÉ LES NAZIS QUE CONTRAINTE

Si l’URSS a fini par combattre le nazisme, ce n’est qu’après que celui-ci se fut retourné contre elle. Mais pendant des années, elle a facilité son expansion avec comme point d’orgue le pacte germano-soviétique signé en août 1939 et destiné à partager la Pologne entre l’Allemagne et l’URSS. Et les grands patriotes soviétiques n’ont pas hésité à massacrer un par un, d’une balle dans la nuque, tous les officiers polonais à Katyn. Et quand on évoque Katyn que répond Poutine : il dévie vers une autre ville, Khatyn, avec un h, une autre ville, celle-ci agressée par les nazis. Jusqu’à l’invasion de l’URSS par les troupes allemandes, en juin 1941, l’URSS aidera l’Allemagne en lui fournissant des matières premières (blé, pétrole…), des armements et des produits industriels, trop contente que l’Allemagne, menée par un dirigeant autoritaire puisse régler leur compte aux démocraties européennes menées par des pleutres. Ainsi, l’URSS n’est pas la figure de proue historique du combat contre le nazisme et le Monde ne lui doit pas cette reconnaissance revendiquée.

L’URSS A GAGNÉ CONTRE LE NAZISME AU PRIX FORT

Il lui doit d’autant moins cette reconnaissance que la victoire soviétique a eu un prix très élevé. Notamment des millions de morts russes tués par les russes eux-mêmes, d’une part par les importantes erreurs stratégiques de Staline qui s’est improvisé chef de guerre et d’autre part, car le soldat soviétique avait le choix entre mourir face aux allemands ou reculer et mourir face au NKVD. Mais il y a eu aussi les millions de viols de femmes allemandes dans les territoires « libérés », ce que Staline cautionnait parfaitement « et qui a-t-il à prendre du bon temps avec une femme après de telles horreurs ? ». Cette victoire a aussi eu un coût pour les pays occidentaux, notamment les Etats-Unis car les puissances occidentales ont très largement aidé l’URSS dans sa lutte contre les Allemands en fournissant des armes, des avions, des camions etc. Mais Poutine réécrit l’histoire et il est légalement interdit de dire le contraire Poutine a installé le mythe de la grandeur du peuple russe ayant délivré le monde du nazisme mais plus encore dans une loi signée par lui-même en avril 2012, il n’est pas permis de contester cette histoire telle qu’elle est racontée : « Selon la loi fédérale est engagée la responsabilité civile de quiconque violerait l’interdiction établie par cette même loi fédérale (…) de nier le rôle décisif du peuple soviétique dans la défaite de l’Allemagne nazie et dans la mission humanitaire de l’URSS lors de la libération des pays européens ». Et les auteurs de conclure par un chapitre intitulé « Au pays du Grand Mensonge » dont la première phrase est « la guerre que mène Poutine contre l’Ukraine est idéologiquement, historiquement et moralement monstrueuse ». Et ils démontrent pourquoi.

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    • Auteur(e)s : Pierre Rigoulot, Florence Grandsenn
    • Éditeur : Editions Buchet-Chastel
    • Parution : mai 2023
    • Pagination : 218 pages
    • Format broché : 22,99 euros
    • Format numérique : 16,99 euros



Deux livres pédagogiques

Deux ouvrages très courts et faciles à lire viennent de paraitre sur deux sujets différents mais qui méritent chacun notre attention, l’orthographe vue du côté des linguistes et non des puristes, et la guerre en Ukraine, vue par des spécialistes de l’armée.

UN MANIFESTE

Depuis que je fréquente les ouvrages de linguistes traitant de la compréhension du français, j’ai pris conscience de plusieurs éléments majeurs concernant notre langue nationale. Il en est ainsi de son caractère très évolutif, mais aussi, quoi qu’on en dise, de son absence de règles strictes ou plutôt, d’un nombre tel d’exceptions à ces règles que l’on peut se demander ce que signifie la règle. Et ces exceptions n’ont souvent pas d’explication valide, obligeant à les retenir pas cœur. 

Ainsi, j’ai progressivement pris conscience que plutôt que de critiquer ceux qui ne maitrisent pas l’orthographe, il serait plutôt utile de la simplifier avec des règles claires et simples se rapprochant de la phonétique et s’éloignant d’une analyse étymologique faite par des non-spécialistes (en l’occurrence ceux de l’Académie française), élitistes et ayant essentiellement une culture littéraire sans qu’ils ne portent de regard sur le travail des scientifiques de la langue, les linguistes. 

Je suis donc devenu assez laxiste avec les fautes d’orthographe tout en restant peu tendre avec les erreurs de sémantique. Cette dernière me paraissant plus utile pour se faire comprendre que l’orthographe elle-même. 

Un problème soulevé par les très nombreux ouvrages des puristes de l’orthographe est l’invasion des mots étrangers dans notre langue, notamment des mots anglais, surtout lorsqu’ils possèdent un équivalent en français. Ici, je rejoins les puristes quoi que l’ouvrage commenté ici me conduit à nuancer mes pensées.

LES LINGUISTES ATTÉRRÉS

Un collectif de linguistes vient, dans un ouvrage très court de faire la synthèse des arguments à opposer aux puristes de la langue française en plaidant pour une meilleure analyse de ce qu’est le français, au-delà des dogmes, et de la façon dont il se construit et évolue.

Ce livre est construit sur le mode de la déconstruction des idées reçues, telles que véhiculées par les puristes qui accèdent largement aux médias, alors que les linguistes ayant une attitude scientifique y sont beaucoup moins accueillis, car ayant une approche moins simple et plus nuancée.

Ils rappellent que ce qui est dénommé la langue de Molière est aujourd’hui très éloignée du « françois » (à prononcer franssouais) tel que parlé à l’époque de Molière. Ils rappellent que Molière lui-même était loin d’être un puriste, travers qu’il dénonçait d’ailleurs dans ses pièces.

Ils rappellent que certaines exceptions aux règles, qui si elles connaissent des explications, n’en obligent pas moins à apprendre par cœur ces exceptions. Ainsi, par exemple, le x en queue de hibou, caillou, genou… au pluriel, vient d’une erreur ou adaptation de transcription de ce qu’écrivaient les moines copistes à la fin de ces mots comme nous écririons fonct° en place de fonction par exemple.

Ils rappellent que l’introduction de mots étrangers dans une langue sert parfois à apporter des nuances que ne possède pas cette langue, que l’anglais (merci Guillaume le Conquérant) est beaucoup plus empreint de français que le français n’est empreint d’anglais etc, etc.

Ils rappellent que le français n’est pas réglementé par l’Académie française, et que ce sont ses locuteurs qui l’adaptent progressivement, que l’Académie française n’a aucun pouvoir sur la langue et que plusieurs instituts travaillent régulièrement sur celle-ci, notamment dans les divers pays de la francophonie.

Ils rappellent que l’orthographe n’est pas toujours logique ni étymologique. Ainsi, par exemple, en matière « d’étymologie », le χ (khi) grec est transcrit par c dans acariâtre, caméléon, caractère, carte, colère etc. mais par ch dans archaïsme, archange, chaos, choléra (qui a le même ancêtre que colère), chrétien, chrome… Ainsi, Aspect, respect, suspect, ont gardé de l’origine un c muet mais par objet, préfet, projet, sujet et rejet…

Ils s’élèvent contre l’usage de la dictée car il a été démontré qu’on n’apprend pas en faisant apparaître les fautes, on apprend en montrant des règles.

Ils proposent ainsi de revoir la place de l’orthographe en tant qu’outil de sélection, de régulariser davantage l’orthographe en commençant par appliquer les Rectifications de 1990 et pourquoi pas, d’autoriser les correcteurs automatiques aux examens, comme les calculatrices en maths ou en physique.

Dérangeant n’est-ce pas ?

 

EN SAVOIR PLUS…

Le français va très bien, merci

    • Auteur : Collectif
    • Éditeur : Editions Gallimard, collection Tracts
    • Parution : mai 2023
    • Pagination : 64 pages
    • Format broché : 3,90 euros
    • Format numérique : 2,99 euros

 

DES EXPLICATIONS

Depuis le début de 2022, il y a un flot d’informations sur la guerre en Ukraine, dans lequel il est parfois difficile de faire le tri et notamment de comprendre ce qui se passe réellement sur le terrain. Et cela, surtout quand les commentaires sont faits par des non-spécialistes mis sur un plateau pour meubler des temps d’antenne dévolus aux chaines d’information en continu.

Si cette guerre peut être analysée sous de très nombreux prismes, comme par exemple une approche économique, démographique, géopolitique, juridique, sanitaire etc., etc., elle peut et doit l’être aussi sur le plan militaire afin de comprendre les avancées et reculs des armées en présence. 

C’est à cette approche que nous convient deux spécialistes des armées et notamment de celles de l’Est de l’Europe, Michel Goya, ancien officier des troupes de marine et docteur en histoire contemporaine et Jean Lopez dont on rappellera qu’il est l’auteur de ce formidable ouvrage qu’est Barbarossa.

LA CHOSE MILITAIRE

Parler de la chose militaire peut paraitre abscons à beaucoup, mais, dans cet ouvrage, cela est fait de telle manière que l’on ne peut le quitter après l’avoir débuté car le plan est logique, les argumentations simples, l’éclairage pertinent et ce, alors que de nombreux aspects de cette guerre sont abordés, notamment celui de la guerre des missiles et celui de la cyberguerre. 

Le chapitre sur la cyberguerre remet par ailleurs en cause les discours des prophètes de l’apocalypse numérique et explique l’apport du réseau de satellites à basse altitude, Starlink, dans l’évolution de cette guerre.

DEUX EXEMPLES ET EXTRAITS DE MISE EN PERSPECTIVE

Le premier concerne le groupe Wagner : « Il apparait alors manifestement comme un instrument de force discret au service de Moscou. Faible signature politique, zéro coût économique puisque le groupe est financé par l’Etat hôte (souvent sous forme de concessions minières) et indifférence sociale aux pertes de mercenaires ».

Le deuxième concerne l’aide occidentale à l’Ukraine. Elle a été soumise à de nombreuses contingences pouvant expliquer que certains l’ont qualifié de tardive et faible. Mais, fournir trop d’aide initialement faisait courir le risque, en cas de défaite de l’Ukraine, d’une prise de possession par la Russie des matériels fournis. Mais, fournir de l’aide devait se faire sans appauvrir les faibles stocks de matériels des pays occidentaux. Mais, fournir de l’aide devait prendre en compte la compatibilité des divers matériels et notamment les chaines logistiques pour leur réparation éventuelle. Fournir de l’aide devait prendre en compte le fait qu’elle ne permette pas des incursions nettes sur le territoire russe sous drapeau occidental, ce qui pourrait conduire à faire dégénérer le conflit en guerre nucléaire…

Tous ces aspects et de multiples autres sont abordés dans cet ouvrage construit sous forme de questions et réponses. Il éclaire ce qu’est une guerre, tout à la fois moderne et conventionnelle, sur un territoire relativement proche de la France. 

EN SAVOIR PLUS…

L’ours et le renard

    • Auteur : Michel Goya et Jean Lopez
    • Éditeur : Editions Perrin
    • Parution : mai 2023
    • Pagination : 300 pages
    • Format broché : 21,00 euros
    • Format numérique : 11,99 euros



Urgence climatique : les scénarios

Le concept de réchauffement climatique est un prototype de pensée scientifique prenant en compte la complexité. Fruit d’hypothèses et de calculs il rend compte que l’évolution prévisible du climat pourrait avoir des conséquences humaines, sociales, politiques et économiques majeures à l’échelle de ce siècle. Deux ouvrages courts parus à deux ans d’écart permettent de le comprendre.

LES RAPPORTS DU GIEC EXPLIQUÉS

Sylvestre Huet est un journaliste scientifique qui suit depuis plusieurs décennies le débat sur le réchauffement climatique. Il propose un ouvrage de lecture facile pour comprendre les évolutions de la prise de conscience du problème posé par le réchauffement climatique. Il détaille les principaux éléments des derniers rapports du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) de 2021 et 2022.

LE GIEC : UN OUTIL D’ABORD POLITIQUE

La proposition de créer le GIEC est née lors de la réunion du G7 à Toronto (Canada) en juin 1988. La raison ? Parce que la notion d’un réchauffement climatique imputable aux énergies fossiles commençait à faire son chemin dans certains milieux et notamment au sein du programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) et parce que les chefs d’Etat réunis à Toronto avaient une opinion commune « devant la mise en cause possible de leur puissance, en particulier celle du pétrole pour les Etats-Unis, il était exclu que la conférence de Rio travaille à une Convention Climat sur la seule base du PNUE, soupçonné d’être sous la coupe d’écologistes peu favorables à l’industrie. Certains pouvaient y ajouter des intérêts immédiats comme Margareth Thatcher engagée dans une lutte à mort contre le syndicat des mineurs du charbon ». En élaborant ce qui allait devenir le GIEC, ces dirigeants ont construit une organisation hybride, politique par son origine, puisqu’il s’agit de répondre à une demande d’expertise exprimée par les gouvernements, et son mode de fonctionnement, le rapport « Résumé pour les décideurs » devant faire l’objet d’un vote selon le mode onusien où chaque pays dispose d’un vote, et scientifique par son mode de travail, puisqu’il résultera de l’analyse et de la synthèse de chaque sujet traité par des experts internationaux.

Quelle est la véritable question posée aux experts du GIEC ? « Elle n’est pas ‘’est-ce que le climat change ?’’, ni ‘’est-ce à cause de nos émissions de nos gaz à effet de serre ?’’, ni ‘’de combien pourrait monter la température ?’’, ni même ‘’est-ce dangereux ?’’. Non, la vraie question posée par les gouvernements au GIEC est celle de la décision de se priver volontairement des énergies fossiles disponibles, peu chères et formidablement efficaces. Donc de comparer le risque climatique avec ce qui est considéré comme un risque économique, social et géopolitique majeur qui résulterait de cette privation. »

LES APPORTS

A partir d’un développement et d’une amélioration des divers moyens de mesure, il a été possible d’arriver à des conclusions reconnues comme très fiables et donc les principaux apports du GIEC sont simples, multiples et concordants : l’influence humaine sur le climat est dorénavant un fait établi, la somme de la fonte des glaces et de l’expansion thermique de l’eau correspond à la hausse du niveau marin observée, depuis le début du XIXe siècle, la température planétaire moyenne de la décennie 2011-2020 est plus élevée de 1,09°c et de 1,59°c sur tous les continents que durant la période 1850-1900, l’effet de serre s’intensifie, les émissions de CO2 anthropiques sont passées d’environ 2 milliards de tonne de carbone par an en 1920 à près de 12 milliards de tonnes de carbone par an en 2020, multiplication correspondant à la combustion du charbon, du pétrole et du gaz fossile, le niveau marin mondial a augmenté de 20 cm entre 1901 et 2018 et le rythme s’accélère, la montée du niveau marin a été de 1,9 mm de 1901 à 1971, puis de 1,9 mm/an entre 1971 et 2006 et elle est passée à 3,7 mm/an entre 2006 et 2018….les chaleurs extrêmes et les canicules sont plus fréquentes et plus intenses, la proportion des cyclones plus intenses a augmenté avec un risque augmenté de combinaison d’événements extrêmes (sécheresse, incendie, inondations…).

Issus de ce constat, le rapport présente ensuite divers scénarios et les moyens à adopter pour éviter les conséquences humaines de ces divers scénarios : à lire donc.

EN SAVOIR PLUS…

Le GIEC : urgence climat

    • Auteur : Sylvestre Huet
    • Éditeur :Tallandier
    • Parution : janvier 2023
    • Pagination : 272 pages
    • Format broché : 19,90 euros
    • Format numérique : 13,90 euros

 

LA MONTÉE DU NIVEAU DE LA MER VA IMPOSER DE QUITTER LES LITTORAUX

Un livre écrit par 4 ingénieurs (dont 3 agronomes (l’un spécialisé en aquaculture, un autre étant de plus sociologue) et un des ponts, des eaux et des forêts, envisage les conséquences de la montée du niveau de la mer selon divers scénarios relatifs aux diverses hypothèses de réchauffement climatique. Il rapporte aussi les positionnements des communautés face à ces scénarios (déni, fragmentation persistante, adaptation du littoral) et les expériences de trois régions (Nouvelle-Aquitaine, Pays-Bas et Vietnam).

LE CONSTAT

Si plusieurs scénarios d’amplitude de réchauffement climatique existent, le pire faisant état d’un réchauffement moyen de plus 4°c d’ici à 2100, plusieurs données constituent des faits : la mer monte en moyenne de 3 mm par an depuis 1993, ce phénomène est en accélération, on identifie assez bien les causes et leurs importances respectives mais on ne sait pas bien ce qui se passe à l’échelle locale. Ainsi, en 2100 par rapport à 2020, l’augmentation du niveau de la mer oscillera entre 50 cm (très probable et sérieux) et 200 cm (moins probable, mais possible et extrême).

Le problème est que dans tous les pays du monde, il existe une forte densité de population sur les littoraux et plus encore une migration constante de l’intérieur des terres vers les littoraux, souvent permanente, parfois transitoire (tourisme).

LA RÉGION NOUVELLE-AQUITAINE

En partant d’un scénario plausible d’augmentation moyenne du niveau de la mer de 30 cm en 2050 et de 100 cm en 2100, il est possible de prédire que le trait de côte du littoral aquitain reculera en 2050 en moyenne de 27 mètres sur la côte rocheuse et de 50 mètres sur la côte sableuse et il pourra parfois s’y ajouter des reculs brutaux de l’ordre de 25 mètres lors de tempêtes.  Les conséquences seront aussi sensibles au-delà du trait de côtes par la réduction des débits solides et liquides des bassins versants, notamment dans la Gironde.

Outre l’inondation directe, la salinisation des terres s’accompagnera d’une diminution des surfaces agricoles (finis les vins de Bordeaux) et forestières dans l’arrière-pays, ce dernier étant soumis à un mitage et une artificialisation compromettant les capacités de résilience et d’adaptation des espaces naturels, agricoles et forestiers.

LES CONSÉQUENCES POTENTIELLES DE LA MONTÉE DE LA MER

On survivra à ce phénomène mais il aura de profondes conséquences sociales et économiques. Outre la perte d’une partie des terres agricoles et de leurs productions, il y aura une migration vers l’intérieur des terres avec des conflits potentiels. Il y a aura une perte de l’immobilier littoral dont il est difficile de prévoir comment il serait compensé. Ceci pourra en partie dépendre des qualifications juridiques de ces pertes, auquel cas, l’indemnisation pourrait venir des assurances ou de l’Etat, mais les sommes en jeu rendent peu probable la possibilité d’une telle indemnisation, sinon, cela passera par « pertes et profits » pour les propriétaires avec des risques de mouvements sociaux ajoutés.

LES SOLUTIONS

Elles sont générales et locales. La principale solution est générale et consiste à tout faire pour limiter le réchauffement climatique : c’est l’effort de tous les pays.

Aux échelles locales, certaines solutions sont illusoires, comme, par exemple, la construction de digues, car incomplètes, fragiles et surtout, car l’augmentation du niveau de la mer s’accélérant, ces digues dont la construction est longue devront être constamment réhaussées. Il faut donc réfléchir différemment, en observant notamment ce que fait un pays particulièrement menacé, les Pays-Bas, dont un quart de la superficie est situé sous le niveau de la mer et qui a commencé à s’adapter : relocalisation progressive des foyers d’habitation vers l’Est du pays, redéploiement des réseaux de digues et renforcement des dunes naturelles tout en envisageant le développement d’habitats aquatiques. Si les digues sont imparfaites, ce pays a toutefois une tradition de gestion des digues de plusieurs siècles, avec des systèmes de drainage mais aussi de gestion des conflits et une haute culture démocratique.

Les auteurs insistent sur le fait que tout responsable d’aménagement sur un littoral vulnérable doit préparer ses choix en s’appuyant sur trois dimensions : d’abord le temps long, c’est-à-dire l’échelle de plusieurs décennies afin d’anticiper, ensuite le rapport couts-bénéfices en prenant en compte les services rendus par la nature et enfin, les emboîtements des échelles d’aménagement car une commune littorale s’intègre dans plusieurs systèmes territoriaux, de la communauté de commune jusqu’au bassin versant.

Et de conclure : « un repli stratégique anticipé, donc mieux ordonné, coûte toujours moins cher qu’un abandon contraint dans l’urgence. La clef de répartition des financements des relocalisations, le rôle des services assurantiels et la coordination des décisions doivent être discutés avec tous les acteurs et suffisamment tôt pour préparer la phase de transition en minimisant les risques de crise et de catastrophe. Toutes ces dynamiques d’adaptation n’ont de sens sur le long terme que si elles sont couplées à des politiques ambitieuses d’atténuation du changement climatique. Ces politiques devront être mises en œuvre tôt ou tard, comme le montrent clairement les scénarios de cette étude »

EN SAVOIR PLUS…

La montée de la mer d’ici 2100

    • Auteur : Denis Lacroix, Olivier Mora, Nicolas de Menthière, Audrey Bethinger
    • Éditeur : Quae
    • Parution : Octobre 2021
    • Pagination : 128 pages
    • Format broché : 25,00 euros



L’horreur et la résilience

Deux livres récents, dont l’un est une deuxième édition, ont eu pour thème les années 1940 et 1941 : d’un côté la préparation d’un dessein funeste et macabre, l’opération Barbarossa et son corollaire, la Shoah par balles, de l’autre la résilience d’un homme, Churchill, qui n’avait alors que trois armes à sa disposition face à la barbarie : sa clairvoyance, une extrême ténacité et la parole.

BARBAROSSA : UN LIVRE CHEF D’ŒUVRE

Heureux choix des éditions Passés Composés d’avoir proposé une deuxième édition du livre de référence sur l’invasion de l’URSS par les troupes d’Hitler en 1941, ou opération Barbarossa. Chaque chapitre de cette bible de près de 1 000 pages peut être considéré comme un livre à part entière. 

Les opérations militaires, les forces en présence, leurs modalités de commandement tout y est décrit par le détail, notamment les buts de guerre différents entre Hitler (intérêts économiques comme le Donbass et Leningrad) et ses principaux généraux (intérêts militaires et symboliques comme Moscou). 

Mais c’est surtout la trame qui fait frissonner : l’opposition de deux régimes totalitaires, de deux barbaries dont on ne sait laquelle est la pire. Petite leçon pour rappeur milliardaire idolâtre d’un psychopathe à qui il attribue l’invention du microphone.

LE GÉNOCIDE PROGRAMMÉ

Côté allemand, ce qui pourrait advenir est connu dès 1923, date de l’écriture de Mein Kampf. Un psychopathe pense que des personnes vivants sur un territoire géographiquement déterminé constituent un peuple issu d’une civilisation ancienne et supérieure et qu’il a besoin d’un espace vital, le Lebensraum. Ce territoire permettant d’assurer la survie et la croissance de ce peuple ne peut être que la partie occidentale de l’URSS avec ses matières premières. 

Dans un délire empruntant au darwinisme social, il pense que ce peuple supérieur est menacé par des personnes pratiquant la religion juive et par ce qu’il juge être une perversion de cette religion, le bolchévisme, permettant de créer le terme fumeux de judéo-bolchévisme. Les circonstances de l’histoire ayant conduit ce sociopathe au pouvoir vont lui permettre de rendre opérationnels ses délires en conquérant les territoires censés revenir de droit au peuple supérieur tout en gardant un peu de ce qui n’est pas juif ou bolchévique en esclavage pour extraire les matières utiles mais surtout en exterminant tout le reste.

Pour ce faire, une armée moderne et rapide devra conquérir le territoire, principalement les éléments économiquement utiles, et des troupes de sécurité spécialement dévolues à cette mission, les Einsatzgruppen et le SD, devront « nettoyer les arrières » afin que l’armée puisse continuer à progresser. C’est ainsi que fut programmé le massacre par fusillade de milliers de juifs (la Shoah par balle) mais aussi des commissaires du peuple bolchéviques, puis par famine des soldats russes prisonniers ou des habitants des régions conquises, l’armée prélevant tout ce qu’elle jugeait lui être utile. Et les ordres criminels établis préalablement à l’invasion ont si bien diffusé sur le terreau fertile préparé par la propagande que même la Wehrmacht a participé au massacre des civils. Et les morts se sont comptés par millions. 

Ainsi, lors de la prise de Kiev, le rapport de son commandant indique « Les 29 et 30 septembre, les Juifs de la ville ont été liquidés, au total (selon l’équipe opérationnelle de la SS) 35 000 personnes (le chiffre est arrondi), dont une moitié de femmes. La population a pris les choses calmement, souvent avec satisfaction.

Les appartements des Juifs ont été utilisés de manière centralisée pour alléger la situation de ceux qui ont besoin d’un logement. » Ainsi, entre le 22 juin 1941 et le printemps 1942, 4 millions de Soviétiques désarmés sont morts, non du fait des combats, mais de décisions des autorités allemandes, civiles et militaires. Plus de 2 millions de prisonniers de guerre… sont morts de faim, de froid, de maladies ou de mauvais traitements. Et cela, par idéologie et par calcul économique, et, pour la Wehrmacht, par « nécessité militaire ».

L’IMPOSSIBILITÉ D’ÉCHAPPER À STALINE, MAITRE SUPRÊME

En face, côté russe, il y a une armée mal préparée, désorganisée par des purges monstrueuses en 1937-1938 qui ont conduit à la mort la plupart de ses cadres dirigeants. Il en a entre autres résulté une mauvaise connaissance des forces adverses, une absence de communication entre les divers corps d’armées, des centres de décisions multiples répartis entre l’organe supérieur, les militaires et les agents de contrôle politique dont ont été flanqués tous les militaires de haut rang.

Alors comment résister à l’invasion ? En utilisant plusieurs moyens non classiquement militaires. Comme des réserves humaines importantes qui non aguerries ont dû aller au front servant alors de chair à canon pour ralentir transitoirement la progression ennemie. En utilisant l’importante profondeur territoriale russe qui avait déjà contraint un autre envahisseur, Napoléon, à la défaite. En utilisant les conditions climatiques utiles face à une logistique allemande peinant à couvrir logistiquement la profondeur territoriale conquise et plus encore les multiples vicissitudes liées au climat. En pratiquant la politique de la terre brûlée allant jusqu’à empoisonner les puits, délocaliser les usines, brûler et détruire les villes et les infrasctructures.

Mais plus encore, en utilisant la contrainte : si un soldat soviétique, quel que soit son grade, ne défend pas jusqu’à la mort sa position ou n’obéit pas, il sera fusillé sans aucune forme de procès et souvent devant les troupes. Sur ordre direct de Staline ou parfois des militaires eux-mêmes, tel cet ordre du commandant du front, le général Joukov de la mi-octobre 1941 alors que le NKVD vient d’arrêter 23 064 militaires dont 2 164 officiers  (on reconnait la précision bureaucratique) au prétexte qu’ils ont abandonné la ligne Mojaïsk : « Le commandant du Front ordonne au Conseil militaire de la 5e armée de fusiller sans pitié tous les groupes de militaires qui ont abandonné la ligne de Mojaïsk sans permission. Il ne faut pas s’arrêter devant l’extermination jusqu’au dernier de ceux qui ont abandonné le front ».

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Barbarossa. 1941, La guerre absolue

    • Auteur : Jean Lopez, Lasha Otkhmezuri
    • Éditeur : Passés composés
    • Parution : septembre 2022
    • Pagination : 956 pages
    • Format broché : 23,77 euros
    • Format relié : 35,00 euros
    • Format numérique : 19,90 euros

 

LA SPLENDEUR ET L’INFAMIE : LE ROMAN DE L’HISTOIRE

Et face à tout cela, un homme, alcoolique et fumeur invétéré, travaillant souvent dans son lit ou sa baignoire et à des heures avancées de la nuit, un homme particulier donc, mais d’une clairvoyance, d’une volonté et d’un humour à nul autre pareil, Winston Churchill.

C’est l’histoire de cet homme, entre le jour où il devint premier ministre en mai 1940 et le 31 décembre 1941, un des points tournant de l’opération Barbarossa qui est l’objet du livre d’Erik Larson. Une histoire vraie, quasiment contée au jour le jour avec de très nombreux détails car puisés à la source des journaux intimes de nombreux protagonistes de cette histoire, tels la fille de Churchill et plusieurs de ses proches collaborateurs. Le ton est celui d’un roman, mais un roman où tout est vrai et vérifiable. Un livre qu’il est difficile de lâcher dès lors qu’on l’a commencé.

Pour la petite histoire, Erik Larson est journaliste et a déjà écrit un autre roman historique, lui aussi difficile à lâcher, « le Diable dans la ville blanche » qui décrit la mise en route de l’exposition universelle de 1893 à Chicago et l’histoire parallèle d’un tueur en série qui saura profiter de l’événement.

« La splendeur et l’infamie » est donc quasiment un livre intime sur Churchill, ses analyses, ses doutes et sa façon de conduire la politique en période de crise ultime. On y vit au jour le jour sous les bombes allemandes écrasant Londres, on y voit un certain Rudolph Hess penser qu’il pourra conduire l’Angleterre à une paix séparée avec l’Allemagne, Churchill tout tenter dans la mesure de ses possibilités pour obtenir le soutien et l’aide américaine, persuadé que seuls l’entrée en guerre des Etats-Unis permettra de gagner la guerre et donc qu’il faut attendre jusque là, la façon dont il nomme un entrepreneur ayant pouvoir au-dessus du gouvernement pour coordonner l’effort industriel de guerre avec les méthodes de l’entreprise et non les méthodes bureaucratiques ou les méthodes militaires usuelles…

Face à l’infamie allemande dont témoigne le journal de Goebbels (« Quand ce maudit Churchill se rendra-t-il enfin ?… L’Angleterre ne pourra pas tenir éternellement !… » Les raids devront se poursuivre « jusqu’à ce que l’Angleterre tombe à genoux et nous implore de faire la paix »), c’était méconnaître la splendeur de Churchill.

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La splendeur et l’infamie

    • Auteur : Erik Larson
    • Éditeur : Le Cherche Midi
    • Parution : Août 2021 – octobre 2022
    • Pagination : 688 pages
    • Format broché : 24,90 euros
    • Format poche : 9,90 euros
    • Format numérique : 17,99 euros



Russie : les faits

Au risque de perturber certaines opinions, ce qu’est la Russie actuelle et son dictateur, Poutine, ont été décrit à grands traits dans la rubrique « Lire » précédente. Ici seront donc conseillés la lecture de trois livres, l’un récent, deux plus anciens mais encore disponibles, décrivant par le menu c’est-à-dire avec les détails, ce qu’est cette Russie.

LES HOMMES DE POUTINE

Catherine Belton, journaliste, ancienne correspondante à Moscou, a mené un long travail de décryptage des réseaux financiers du clan Poutine et des services secrets d’abord soviétiques, le KGB, puis constituant l’état profond russe, le FSB. Le sous-titre de son livre est explicite : « Comment le KGB s’est emparé de la Russie avant de s’attaquer à l’Ouest ». La quatrième de couverture en synthétise parfaitement le résultat : « Belton raconte comment cette ligue d’oligarques a mené sa saisie d’entreprises privées ; siphonné des milliards ; brouillé les frontières entre le crime organisé, le système judiciaire et le pouvoir politique ; enfermé les opposants puis utilisé leurs richesses et leurs réseaux pour étendre son influence en Occident ».

Schématiquement, l’histoire est la suivante. A l’arrivée de Gorbatchev, le KGB sentant la fin possible de l’URSS décide de transférer son trésor de guerre financier à l’Ouest pour mener de futures luttes contre l’Occident honni. Pour cela, il va créer un vaste réseau de banques avec ses intermédiaires et permettre à des millions de dollars de quitter l’URSS puis la Russie. Arrive Eltsine et une espèce de chaos permettant à travers d’habiles manœuvres à divers membres de l’ex-Nomenklatura soviétique de faire main basse sur les richesses du pays et de devenir milliardaires en quelques mois. Ceux qui étaient aux premières loges étant les banquiers du système. Dans un régime ayant encore une justice efficiente, l’étau de la corruption se resserrant autour d’Eltsine, il fut décidé de placer au pouvoir ce qui était censé être un homme-paille du FSB, Poutine, afin de reprendre les rênes du pays. Mais si Poutine a agi au-delà des espérances du FSB, ce fut au profit d’un clan étroit qu’il avait formé à Saint-Petersbourg.

POUTINE

Ce qui, entre autres, frappe dans cette histoire, c’est le changement d’échelle des détournements financiers dans l’entourage de Poutine : toute la partie concernant ses fonctions d’adjoint au maire de Saint-Petersbourg est écrite en millions de dollars, parfois quelques centaines, mais, dès que Poutine accède à des fonctions de premier plan à Moscou, l’unité de compte passe aux milliards de dollars. Les chiffres donnent le vertige, les réseaux et montages sont complexes et parfois difficiles à suivre, ce d’autant que l’auteur ne peut avoir accès à toutes les sources. Mais elle a eu la chance ou la persévérance de pouvoir interroger de très nombreux membres, le plus souvent « repentis » de l’entourage de Poutine et d’Eltsine et d’avoir leurs commentaires sur les événements.

Parmi la multitude de renseignements passionnants fournis dans ce livre, vous trouverez la description des liens entre la mairie de Saint-Petersbourg, Poutine et la mafia qui tenait le port de la ville, quelques-uns des ressorts de l’exploitation de la guerre de Tchétchénie à des fins électoralistes, toute l’histoire de l’ascension et de la chute puis de la spoliation de la fortune de Mikhaïl Khodorkoski et l’aide apporté par la Russie et la mafia russe à maintenir Donald Trump financièrement à flot… 

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Les hommes de Poutine. Comment le KGB s’est emparé de la Russie avant de s’attaquer à l’ouest

    • Auteur : Catherine Belton
    • Éditeur : alent Sport
    • Parution : Juillet 2022
    • Pagination : 592 pages
    • Format broché : 23,90 euros
    • Format numérique : 14,99 euros

RUSSIE ETAT MAFIA

Encore un livre écrit par un journaliste, Luke Harding, correspondant du Gardian à Moscou durant plusieurs années de la première ère Poutine. Harding est l’auteur de plusieurs autres livres passionnants tels « Julian Assange et la face cachée de Wikileaks : la fin du secret », « Collusion : comment la Russie a fait élire Trump à la Maison-Blanche » et « Le dossier Snowden : les services secrets au cœur d’un scandale planétaire ».

Dans « Russie Etat Mafia », il décrit sous forme de chronique son parcours en Russie. Les multiples détails sordides qu’il rapporte permettent de comprendre comment la Russie de Poutine n’est pas seulement un Etat-Mafia mais aussi un Etat aux mains des services secrets, le FSB (Service fédéral de sécurité de la fédération de Russie).

Ainsi, par exemple, pour faire comprendre à ce journaliste qu’il est espionné en permanence, dans le double objectif de bien lui montrer qu’il n’a aucune liberté de manœuvre et de le faire « craquer » afin qu’il reparte dans son pays, lorsqu’après son travail, il revient à son appartement des modifications infimes de celui-ci sont destinées à lui faire comprendre qu’il a été « visité » : une fenêtre ouverte dans la chambre des enfants (menace indirecte), un cassette dans le magnétoscope (on regarde même ce que tu regardes), un livre sur la table de chevet avec un marque-page au chapitre « comment faire pour que sa femme ait du plaisir » (même ta vie sexuelle nous est connue). Voire dans ses correspondances téléphoniques des interruptions ou bruits parasites posés à dessein pour bien faire comprendre qu’il est sur écoute. Tout est anodin, improuvable mais l’intention malfaisante est bien là reposant sur les méthodes ancestrales du KGB.

Sont aussi décrits les assassinats de divers journalistes russes d’opposition et leurs circonstances et, concernant plus spécifiquement le caractère mafieux de l’Etat, le procès de Mikhaïl Khodorkoski et des éléments sur la manière dont « l’Etat » s’est accaparé la fortune de divers milliardaires qui n’étaient plus en cours comme par exemple, Sergei Magnistky. Un livre édifiant et de lecture facile.

EN SAVOIR PLUS…

Russie Etat Mafia

    • Auteur : Luke Harding
    • Éditeur : Original Découverte
    • Parution : Mars 2012
    • Pagination : 336 pages
    • Format broché : 18,50 euros, très variable selon les sites (nombreuses occasions)

WINTER IS COMING

Ce livre est pratiquement le plus terrible des trois, car il a été écrit de façon prémonitoire en 2015, peu après la première invasion d’Ukraine, et par un opposant du régime poutinien et ancien champion du monde d’échec, Garry Kasparov. Son sous-titre est « Stopper Vladimir Poutine et les ennemis du monde libre ». Et l’auteur sait de quoi il parle puisqu’il a connu le régime soviétique, le monde non soviétique puis les années Eltsine et Poutine. Il a subi la répression poutinienne dont il décrit les modalités en rappelant tous les crimes commis contre les opposants du régime.

Son analyse l’amène à comparer Obama à Chamberlain et à deviser « qu’il n’y a pas le moindre Churchill à l’horizon. La guerre est une conséquence de la faiblesse, pas de la force ».

Surtout, dès 2015, il écrit ce qui peut être considéré comme la leçon à retenir de l’évolution de la Russie des vingt dernières années « Poutine exploite chaque ouverture – et en abuse – et ne se sent aucunement contraint d’obéir aux lois ou de respecter les droits de l’homme en Russie comme à l’étranger. Poutine est une cause perdue, et la Russie en restera une aussi tant qu’il sera au pouvoir. Ce fut dès le début une erreur de le traiter comme n’importe quel chef d’Etat, mais aujourd’hui personne n’a plus d’excuses. Il ne reculera et sera chassé d’Ukraine que le jour où des menaces crédibles sur son pouvoir diviseront ses élites et ses conseillers. Pour l’heure, rien ne les incite à parier contre lui. Il les protège, ainsi que leurs biens, tandis que le monde libre, dans lequel ils aiment tant profiter de la vie, n’a pas fait le moindre geste qui les forcerait en fin de compte à choisir entre leurs richesses et lui. Modifier cette vision des choses est la seule façon autre que militaire de protéger l’Ukraine – et les autres territoires auxquels il s’attaquera afin de nourrir la propagande qui le maintient au pouvoir en Russie ». 

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Winter is coming

    • Auteur : Garry Kasparov
    • Éditeur : Michel Lafont
    • Parution : Janvier 2016
    • Pagination : 592 pages
    • Format broché : 22,12 euros, très variable selon les sites (nombreuses occasions)
    • Format numérique : 14,99 euros



Le régime de Poutine – Aussi édifiant que terrifiant

Le 24 février 2022, avec la guerre d’agression génocidaire contre l’Ukraine, une partie du monde s’est décillée quant à la nature du régime de Vladimir Poutine. Plusieurs livres existaient déjà sur ce qu’est devenue la Russie post-soviétique, mais depuis l’invasion de l’Ukraine, de nombreux sont parus, de moins en moins complaisants, de moins en moins superficiels ou « politiquement corrects » et qui permettent dorénavant de parfaitement comprendre Poutine et le système qu’il représente. Deux livres récents font en quelque sorte la synthèse de nombreux autres et sont sans concession. Ils rappellent une histoire cruelle, celles des régimes nazis et soviétiques totalitaires. A lire absolument…

LE LIVRE NOIR DE VLADIMIR POUTINE

UN NOUVEAU TOTALITARISME

Ayant pu accéder entre 1992 et 1994 aux archives du Parti Communiste russe à Moscou, Stéphane Courtois avait déjà coordonné un Livre noir, celui du communisme. Il est donc un parfait connaisseur et analyste des régimes totalitaires. Il coordonne ce nouveau Livre noir, consacré à Vladimir Poutine, avec Galia Ackerman et ne manque pas de faire le parallèle entre le système instauré par Poutine et celui créé par Lénine et Staline. Car comme le dit un des auteurs : « Le poutinisme a hérité du stalinisme son sadisme systémique ».

« Le régime poutinien est né de l’osmose des forces organisées qui ont survécu à l’effondrement de l’URSS : les services spéciaux et la pègre. Sa politique étrangère est façonnée par cette double influence… Dès la première année de sa présidence, en bon officier du KGB, Poutine chercha à mettre la Russie en position de recruter les élites occidentales, de faire chanter les pays étrangers et éventuellement de les racketter. »

Ce qui en ressort est que la Russie est actuellement aux mains d’un clan qui souhaite façonner les esprits pour anéantir toute résistance à ses projets. 

Il contrôle les médias, l’église orthodoxe russe, la justice, les services secrets et les parlements qui ne sont que des chambres d’enregistrement des décisions de Vladimir Poutine. Mais aussi les principales industries pourvoyeuses de devises comme les sociétés pétrolières et du gaz. 

Ce clan peut tout à la fois se définir comme tchékiste, impérialiste, mafieux et prédateur et son capo di tutti capi est Poutine auquel tous doivent allégeance. Dans le cas contraire, la justice aux ordres les mettra en camp de travail, s’ils ne rencontrent pas un poison radioactif ou quelques balles, y compris s’ils séjournent à l’étranger. Et peu importe que l’Etat russe soit reconnu coupable du crime par les pays tiers, il échappera à la justice et aura fait comprendre à ceux qui ne font pas allégeance au capo que « le crime est le message ».

Pourquoi échappe-t-il à la justice ? Parce qu’il est souverain, parce qu’il téléguide ses opérations et en protège les acteurs, et parce qu’il pense que les démocraties sont par définition peureuses, lâches et corrompues. Et le système Poutine sait de quoi il parle car la corruption et le racket à l’échelle internationale sont deux de ses armes de choix. 

Ainsi, par exemple, les gazoducs comme les deux Nord Stream ont été conçus comme des armes géopolitiques ayant plusieurs objectifs : créer une dépendance énergétique des pays européens et donc posséder un instrument de chantage, assurer un flux de devises pour le pays, corrompre les élites occidentales, découpler l’Union européenne en faisant de l’Allemagne un pays dépendant de l’énergie russe et donc aux intérêts séparés de ceux de la France.

UN RÉGIME CRIMINEL, UNE VISION CRIMINELLE DE LA SOCIÉTÉ

LQue ce soit sur son territoire, en Tchétchénie, en Géorgie, en Syrie ou en Ukraine, les crimes de la Russie de Poutine relèvent de quatre catégories légalement définies : crime de guerre, crime contre l’humanité, crime de génocide et crime d’agression, également connu comme crime contre la paix.

« Ce que Poutine cherche à établir en tant qu’ancien malfrat pétersbourgeois, c’est l’extension du domaine du crime. Il se moque d’établir un contrôle durable ou un “Reich de mille ans” ; sa volonté est d’abord de montrer que, au rebours des prétentions du monde civilisé de tenter d’instituer un monde autant que possible régi par le droit et le respect de la personne humaine, il peut sans opposition majeure transformer le monde en un règne du non-droit, où tout est possible et dès lors permis. Il se trouve ainsi à la tête d’un régime entièrement et essentiellement criminel qui n’est même plus soutenu par la fiction d’un monde meilleur où le prolétariat régnerait en maître. Certes, il peut se servir de la haine de l’Occident qu’entretiennent certains dictateurs qui y voient une entrave à l’accomplissement de leurs méfaits. Mais son projet va encore au-delà de celui de la destruction du monde libre. Il est celui du règne sans partage du monde du crime ». 

EN SAVOIR PLUS…

Le livre noir de Vladimir Poutine

    • Auteur : Collectif sous la direction de Galia Ackerman et Stéphane Courtois
    • Éditeur : Perrin – Robert Laffont
    • Parution : Novembre 2022
    • Pagination : 464 pages
    • Format broché : 24,90 euros
    • Format numérique : 16,99 euros

POUTINE OU L’OBSESSION DE LA PUISSANCE

UN ÉTAT MAFIEUX

Françoise Thom, historienne et agrégée de russe, a écrit quelques chapitres du Livre noir, mais dans son livre paru un mois auparavant, elle expose plus précisément l’emprise de la mafia sur la société et la culture russes, et ce, depuis l’existence de l’Union soviétique.

Dès le premier chapitre, elle rappelle que les services de sécurité soviétique (le KGB) veillaient à anéantir toute dissidence, conduisant les survivants du système à rejoindre le Goulag. Celui-ci était tellement peuplé qu’il était en fait régi par la pègre. 

Et l’interconnexion entre ces divers mondes à fait dire à l’époque par Soljénitsyne dans l’Archipel du Goulag : « Qui des tchékistes et des truands a rééduqué l’autre ? » Ce qui fait par ailleurs écrire à l’auteur « L’organisation spontanée du tissu social en clans, dans tous les domaines d’activité, du syndic d’immeubles aux groupes pétroliers, explique que dans une telle société, il est pratiquement impossible de défaire le nœud entre criminalité organisée, structures de force (police, services spéciaux, armée, Parquet) et bureaucratie ».

UNE VISION MAFIEUSE

Et Françoise Thom de poursuivre : « Poutine, qui a été formé par la pègre et le KGB, est incapable de penser en termes politiques. Il ne tient compte ni de la société, ni de l’opinion qui, à ses yeux, sont totalement manipulables par les élites. Il ne comprend pas ce qu’est un Etat, ni un empire, car le droit est absent de ses catégories mentales. Sa logique de chef de bande éclipse tout. Sa vision de la scène internationale est celle d’une jungle où s’affronte des mâles dominants. Sa vision de l’empire est celle d’un espace exclusif de pillage et de prédations. Il ne reconnaît qu’un seul crime : faire défection et passer sous le contrôle d’un mâle dominant rival ».

ALORS ?

On pourrait croire ces propos exagérés, mais en fait ils sont étayés par de nombreux exemples produits dans ces deux livres et plusieurs autres récents. Ils forment la vision qui semble la mieux adaptée à la situation russe et à une évolution du monde qui rappelle celle des années folles où une partie de l’Europe « s’amusait » pendant que deux totalitarismes s’installaient qui allaient conduire à la deuxième guerre mondiale, celle-ci étant permise par le pacte Molotov-Ribbentrop ou pacte germano-soviétique de 1939 unissant les intérêts à court terme de ces deux totalitarismes.

Aussi est-il utile de reprendre la conclusion de Françoise Thom concernant Poutine et l’époque actuelle : « Comme Hitler, il a misé sur la faiblesse des démocraties, sans comprendre que celles-ci, habituées au consensus et aux manières civilisées, mettent du temps à se rendre compte qu’elles ont un ennemi, mais que, quand elles ont réalisé le péril dans lequel elles se trouvent, elles finissent toujours par trouver les ressources et l’énergie pour faire face au danger ».

EN SAVOIR PLUS…

Poutine ou l’obsession de la puissance

    • Auteur : Françoise Thom
    • Éditeur : Editions du Rocher
    • Parution : Octobre 2022
    • Pagination : 248 pages
    • Format broché : 17,90 euros
    • Format numérique : 16,99 euros
    • Format poche : 7,90 euros



La science, le monde et Elon Musk

« Adviendra ce qu’il adviendra, peu importe, j’aurai exploité ma vision du monde et de son devenir, j’aurai exploité les possibilités du système, j’aurai asservi la logistique à mes idées, je serai devenu extrêmement riche et j’aurai bousculé et changé le monde » telle pourrait être la philosophie d’Elon Musk telle qu’on la comprend en lisant « Enquête sur Elon Musk. L’homme qui défie la science ». Elon Musk, vous savez, le meilleur ennemi de Jeff Bezos.

UN RAPPORT PARTICULIER À LA SCIENCE

Le livre écrit par Olivier Laskar, ingénieur et ancien journaliste de Sciences et Vie junior, décrit les principales entreprises créées, dirigées ou gérées par Elon Musk depuis qu’il a fait fortune en revendant PayPal : Tesla, Space X, Starship, Neuralink… Il en expose les défis, résolus ou en cours, les méthodes de Musk et son rapport à la science qui est très simple : avoir une vision globale, comprendre les problèmes et choisir les idées innovantes et rentables parmi celles qui lui sont proposées, exploiter les meilleurs chercheurs, essayer, jeter, recommencer, faire savoir au grand public qu’on innove, mais ne pas publier. Et pourtant, les sociétés de Musk n’arrêtent pas d’innover, de déposer des brevets, mais de publications scientifiques… point.

Il fallait donc l’œil particulier d’Olivier Laskar pour nous montrer les principales et réelles innovations qu’ont apportées les entreprises d’Elon Musk à la marche du monde : pari gagné sur ce plan.

UN RAPPORT PARTICULIER À LA MÉTHODE

La méthode essais et erreurs. L’épigramme du livre, tirée d’Herman Melville, le souligne, la méthode Musk est en partie « J’essaie tout, je réalise ce que je peux ». C’est en effet une des facettes de la méthode Musk : là où la recherche académique conceptualise, modélise et hésite, Musk fonce, casse, recommence et dépense mais en recherchant la solution la plus rentable in fine, car le retour sur investissement fait partie des objectifs majeurs de Musk. D’où, par exemple, l’idée des fusées réutilisables expérimentées jusqu’au succès.

Le chef, c’est lui. Comme le décrit Christophe Bonnal, spécialiste du CNES (centre national d’études spatiales) : « Lui-même, c’est le meilleur. Elon Musk est sans doute le plus grand ingénieur spatial depuis Wernher von Braun. Toute décision chez SpaceX sur le lanceur passe par lui. Il tranche, il fait des choix, c’est l’ingénieur en chef ».

Un art consommé de la publicité. Qui sait que Musk n’a pas créé Tesla mais l’a racheté avant de la développer ? Qui sait qu’il n’a pas été, loin s’en faut, le premier à développer des implants cérébraux ? Pourtant, pour beaucoup, c’est Musk qui crée et mène la danse. Certes, il mène la danse par ses innovations, mais pour plusieurs aspects, il sait reprendre ce que son intuition lui dicte. Et elle lui dicte souvent correctement ce qu’il faut faire et il sait alors le développer et le promouvoir.

UN RAPPORT PARTICULIER À L’ÉTHIQUE

Elon Musk est souvent décrit comme un libertarien, adepte d’une philosophie politique prônant un laissez-faire absolu en matière d’économie, une primauté de la liberté individuelle et d’expression et un rétrécissement maximal de l’État. Tout le laisse à penser et le vrai problème posé par la dynamique qu’il impose, comme pour Jeff Bezos et d’autres, est que le système capitaliste permet de mettre en œuvre des idées qui devraient rapporter gros, engendrant des sociétés et créant des individus ayant des moyens financiers supérieurs à ceux de bien des Etats et pouvant ainsi continuer à avancer jusqu’aux limites tenables, sans que les Etats n’aient parfois le temps, la possibilité ou la volonté de réagir. Ils bousculent les consensus, les modes de pouvoir, les démocraties. Mais pas que…

A ce sujet, la partie du livre consacrée à Neuralink qui développe des implants pour une interface cerveau-machine est assez édifiante. Ce qui peut être résumé en deux citations. La première de Philippe Menei : « A part tuer la mort, le transhumaniste n’a pas une vision thérapeutique au sens médical du terme. Il vise éventuellement l’immortalité, mais guérir les malades ou faire marcher des paraplégiques, cela ne l’intéresse pas vraiment ». Et la deuxième d’Eric Bruguière : « Musk a dû comprendre qu’il y avait dans ce domaine un potentiel à exploiter, de la même façon qu’il l’a senti dans d’autres disciplines, comme le spatial. C’est un bon placement qu’il fait très en avance ».

Alors, Elon Musk, génie ou escroc ?

EN SAVOIR PLUS…

Enquête sur Elon Musk. L’homme qui défie la science

    • Auteur : Olivier Lascar
    • Éditeur : Editions Alisio
    • Parution : Juin 2022
    • Pagination : 216 pages
    • Format broché : 18,00 euros
    • Format Kindle : 12,99 euros



Le système Amazon : le roman de l’Amérique contemporaine

« Le système Amazon » est un livre qui décrit comment l’Amérique, et le monde, sont en train de se transformer avec des gagnants et des perdants sous l’impulsion d’entreprises devenues « une forme de gouvernement privé… des régimes autocratiques dont la mainmise sur nos principaux canaux d’information et de consommation ne cessent de se renforcer ».

UN ROMAN

De prime abord, le titre du livre peut laisser penser que la stratégie qui a propulsé une entreprise comme Amazon au premier rang mondial, notamment en matière de capitalisation sera décrite en détail. Oui et non. Oui, car l’auteur y rappelle régulièrement quelques-uns des principes qui ont guidé les pas de son dirigeant, et non, car ce livre fait plus, il décrit en quoi Amazon est en train de modifier en profondeur la société du XXIe siècle aux Etats-Unis, mais pas seulement.

Ainsi, il est construit comme un roman choral aux multiples personnages et lieux qui ont tous un point commun : tous auront leur vie modifiée par Amazon. Avec des gagnants et des perdants et ce, tant pour les personnes que pour les villes. Avec, pour ces dernières certaines devenant des bastions de croissance aux prix inabordables, et d’autres des cités abandonnées faisant le lit d’un électorat plein de ressentiment car ayant l’impression de ne plus être pris en compte par les dirigeants des villes gagnantes qui concentrent richesses et pouvoirs.

UN SYSTÈME

Vous apprendrez pourquoi Jeff Bezos a choisi Seattle pour implanter Amazon. Puis, vous apprendrez pourquoi il a investi dans Washington et dans un système de pression de grande ampleur. D’abord en achetant une maison de 8 000 mètres carrés, 21 millions de dollars à l’achat et 13 millions de dollars de travaux : il faut savoir recevoir. Il faut aussi ne pas être critiqué par le quotidien de la capitale, donc quoi de mieux que d’acheter le Washington-Post ? Il faut savoir financer les élus et les guider pour décourager les poursuites judiciaires antitrust, pour dissuader d’appliquer des réglementations sur l’utilisation de la manne de données personnelles et savoir saper toute volonté de sévir contre les paradis fiscaux…

Vous apprendrez comment Amazon profite de larges subventions publiques, des réductions voire exonération d’impôts et de TVA… par les Etats et municipalités dans lesquels il s’implante. Tout ceci aux dépens de services publics qui de ce fait ne peuvent plus être financés, alors que finalement, l’entreprise est « subventionnée sur le dos du contribuable ». Vous y apprendrez qu’en 2014, Amazon a vendu pour 2 milliards de dollars dans l’Illinois et pour 1 milliard dans le Missouri, sans employer une seule personne dans un de ces Etats.

UN MONOPOLE

Lorsque la chambre des représentants interrogea Amazon, les questions posées étaient clairement celles qui montraient la situation monopolistique atteinte par Amazon :

  • les vendeurs tiers ont-ils réellement des solutions alternatives viables pour commercialiser leur produit en ligne ?
  • dès lors que la plateforme est devenue incontournable pour les vendeurs tiers, pourquoi augmenter leur participation financière de 42 % en 5 ans (soit un prélèvement de 27 % sur le prix de vente) réalisant une véritable taxe sur les ventes en ligne ?
  • Pourquoi désactiver les comptes et pages produits des vendeurs enfreignant certaines clauses contraignantes, ce qui consiste à les exclure du marché ?

Amazon n’utilise-t-elle pas sa gigantesque base de donnée pour faire fabriquer les produits dont elle sait qu’ils seront les plus vendus ? N’utilise-t-elle pas ses algorithmes pour mettre en première ligne ses propres produits ? Et enfin, n’utilise-t-elle pas sa force de frappe financière pour vendre initialement à perte ses produits, afin de liquider la concurrence ?

L’INVISIBILTIÉ

Amazon est entrée dans nos vies, au profit de certains, aux détriments d’autres, elle aurait ainsi contribuer à faire perdre 76 000 emplois par an aux Etats-Unis dans la vente de détail. Mais « les dégâts faits par Amazon sont presque impossibles à détecter par les consommateurs en temps réels. Amazon est d’un abord si pratique qu’on a du mal à le percevoir comme un monopole. La virtualité de cette entreprise contribue à son invisibilité, ce qui la rend difficile à combattre ».

« Le système Amazon » rend visible ce qu’est Amazon.

EN SAVOIR PLUS…

Le Système Amazon. Une histoire de notre futur

    • Auteur : Alec Mc GIllis
    • Éditeur : Seuil
    • Parution : Juin 2021
    • Pagination : 432 pages
    • Format broché : 24,00 euros
    • Format Kindle : 16,99 euros



La grande extension, ou comment la santé mondiale a évolué depuis 1750

« La grande extension » est un livre dont le titre souligne le fait qu’alors que, lors des siècles précédents, l’espérance de vie à la naissance avait stagné, avec une moyenne comprise entre 25 et 30 ans, depuis 1750, elle n’a cessé de croître pour quasiment tripler en 250 ans. Ce livre raconte de façon synthétique l’histoire de cette extension et surtout de ses déterminants.

UNE HISTOIRE

C’est une véritable synthèse de l’évolution mondiale de la santé depuis 270 ans que nous offre en 350 pages de lecture facile et captivante, Jean-David Zeitoun, médecin, diplômé de Sciences-Po et docteur en épidémiologie clinique. Dans ce livre, citoyens, étudiants, médecins, scientifiques ou profanes découvriront tous les grands mouvements qui ont contribué au triplement de l’espérance de vie en moins de 300 ans, et ce, alors que celle-ci n’avait pas évolué lors des 10 000 ans précédents. Vous aurez la confirmation que l’espérance de vie a commencé à progresser bien avant l’ère de la médecine, et ce, proportionnellement à l’accroissement de la fortune des Nations, puis grâce au courant hygiéniste qui raisonnait sur des bases erronées (les miasmes) mais a permis l’adoption de mesures opérationnelles finalement bénéfiques.

Vous disposerez aussi d’une synthèse sur l’histoire de l’immunisation par les vaccins, sur celle des antibiotiques, sur celle de l’époque « magique » des drogues merveilleuses débutant autour de 1950 et révolutionnant la médecine. Si l’accroissement initial de l’espérance de vie a été dû à une chute majeure de la mortalité infantile, ces progrès thérapeutiques ont permis de gagner à l’autre extrémité en diminuant l’incidence des maladies non contagieuses et en prolongeant la vie de ceux qui en sont touchés. Et si ces maladies non contagieuses sont maintenant fréquentes, c’est que l’espérance de vie a augmenté. Mais la baisse d’incidence de ces maladies reste menacée à l’échelle mondiale par quatre risques comportementaux : tabac, alcool, sédentarité et surpoids.

PASSÉ, PRÉSENT, AVENIR

Ce livre ne serait qu’une chronique s’il ne fournissait pas à chaque étape une analyse sur les points forts et apports, c’est-à-dire les trois ou quatre déterminants et implications, de chaque événement décrit. Il ne serait qu’un livre d’histoire s’il ne portait pas un regard sur l’époque actuelle et son devenir. Pour l’auteur, notre époque fait face à trois défis, le coût économique d’un gain en espérance de vie, les inégalités de santé et les maladies chroniques. Pour l’avenir, l’auteur pose la question d’une possible rétrogression, c’est-à-dire, au mieux une stagnation de l’espérance de vie, au pire une diminution, comme cela est amorcé aux Etats-Unis depuis quelques années. A ce sujet, la crise des opioïdes, relativement méconnue en France, y est clairement synthétisée. L’auteur envisage que deux événements majeurs pourraient contribuer à diminuer l’espérance de vie : les changements climatiques et les infections émergentes.

Outre la synthèse proposée, ce livre fourmille de données utiles. Ainsi, le graphique de la progression de l’espérance de vie en France depuis 1750, montre que les guerres napoléoniennes ont provoqué une chute équivalente à celle de chaque guerre mondiale, lorsque cela est rapporté à la population masculine. Ainsi, vous découvrirez les contributions majeures à la santé mondiale de personnalités hélas méconnues, comme Louis René Villermé, Edwin Chadwick, John Snow… mais aussi ce qu’a été l’importance mondiale de l’école de médecine de Paris au début du XIXe siècle et pourquoi, finalement, elle fut dépassée.

Vous découvrirez ce qu’a été la lutte entre la dégradation de la santé liée à l’industrialisation et l’urbanisation dans la deuxième moitié du XIXe siècle et l’apport majeur de l’hygiénisme. A propos de la grippe espagnole à laquelle un chapitre est consacré, vous reconnaîtrez une histoire actuelle : l’effet amplificateur d’une grande parade à Philadelphie (bilan : 10 000 morts) et la question posée, déjà, de l’utilité du confinement. Et, en conclusion, ce qu’est le destin humain « Gagner contre une maladie n’est qu’un soulagement momentané, car cela signifie surtout attendre la prochaine ».

EN SAVOIR PLUS…

La grande extension. Histoire de la santé humaine


    • Auteurs : Jean-David Zeitoun
    • Éditeur : Denoël
    • Parution : mai 2021
    • Pagination : 352 pages
    • Format broché : 21,00 euros
    • Format Kindle : 14,99 euros





Comment prévenir la prochaine pandémie : restons simples

Quand il ne crée pas et ne brevète pas un nouveau virus pour diminuer la population mondiale excédentaire parce que les tatouages quantiques n’ont pas marché, quand il ne met pas des nanoparticules dans les vaccins pour « pucer » la population mondiale et la suivre pas à pas grâce au réseau 5G et aux satellites, quand il n’impose pas le port du masque en manipulant les autorités de santé, quand il n’est pas l’homme de la fausse pandémie mais de la vraie dictature, quand il n’est pas obligé de créer rapidement un nouveau virus, celui de la variole du singe parce que celui de la Covid-19 n’a pas parfaitement réussi, au grand désespoir de l’Etat profond, Bill Gates… tout simplement, écrit des livres. Et ses livres sont nettement moins délirants que les intentions qu’on lui prête.

ECRIRE SIMPLEMENT

Ce qui marque quand on lit un livre de Bill Gates est la simplicité de l’écriture et des propos. Cela peut rebuter les esprits scientifiques ou les connaisseurs du sujet, mais cela permet d’exposer clairement divers aspects de problèmes complexes. Un exemple : « Si 100 personnes sont atteintes d’une maladie infectieuse le premier jour, et si le nombre double chaque jour, toute la population de la planète sera contaminée au… 27e jour ». Et le livre est bien articulé, exposant les contextes et la façon, étape par étape, de prévenir et endiguer les pandémies, c’est-à-dire d’agir dès la survenue d’un foyer épidémique local avant que des vaccins à large spectre ne puissent réellement prévenir les épidémies.

PRÔNER DES MESURES SIMPLES MAIS SOCIALEMENT DIFFICILES

Pour prévenir, il faut des systèmes de veille adaptés, la possibilité de recueillir rapidement des données pertinentes et une coordination mais aussi une autorité supérieure mondiale pour imposer les mesures. Dans le cas d’un virus respiratoire, porter le masque est une mesure indispensable et l’auteur s’interroge sur le fait que la pandémie aura sur ce point changé les mentalités, c’est-à-dire les normes sociales. Plus encore, tout doit être fait pour tester (notamment aux frontières) et isoler aussi rapidement que possible les personnes contaminées.

L’évaluation des traitements potentiels doit être coordonnée à l’échelle supranationale, des réseaux doivent aider à recruter des patients de différentes catégories, les étapes d’évaluation doivent se chevaucher et la production des vaccins mise en route très précocement. Enfin, dernière étape mais non la moindre, assurer la logistique pour que les traitements soient acheminés à qui de droit de façon efficace : comme pour la vente par correspondance, le dernier kilomètre, celui de la satisfaction-client, est parfois crucial. Car comme l’avait dit Bill Foege « Les décisions optimales sont fondées sur les meilleures données, mais les meilleurs résultats découlent d’une gestion optimale ».

ÊTRE PRAGMATIQUE SIMPLEMENT

Le livre est aussi un panégyrique, semble-t-il justifié, pour la fondation Gates et ses apports à la santé mondiale, notamment dans les pays les plus défavorisés. Il ne fait pas de doute que les moyens qu’elle a engagé ont permis de sauver des millions de vies humaines en 20 ans.

Et on peut s’apercevoir que l’esprit qui a présidé à sa création reste présent chez Bill Gates lorsqu’il écrit « Pire encore, des jeunes gens en bonne santé dans les pays riches, qui ne risquaient pas d’être très malades ou de décéder du Covid, ont été vaccinés avant les personnes âgées ou les travailleurs essentiels dans les pays pauvres, autant d’habitants qui étaient les plus vulnérables » et qu’il ajoute « Combien de responsables politiques oseront dire aux jeunes électeurs qu’ils ne peuvent pas être vaccinés car les doses sont envoyées dans un autre pays… ? »

EN SAVOIR PLUS…

Comment éviter la prochaine pandémie

  • Auteur : Bill Gate
  • Editeur : Flammarion
  • Parution : mai 2022
  • Pagination : 400 pages
  • Format broché : 21,90 euros
  • Format Kindle : 14,99 euros



Le monde tel qu’il est devenu et pourquoi il est devenu tel

A trois mois d’écart sont parus deux livres très différents mais très complémentaires. Le premier, qui a rapidement atteint les meilleures ventes, décrit la France telle qu’elle est aujourd’hui, mais aussi comment elle a changé en 40 ans, il s’agit de « La France sous nos yeux ».
Le deuxième décrit les causes économiques supposées de cet état des lieux, il s’agit de « Les guerres économiques sont des guerres des classes » dont le sous-titre est explicite : « Comment la montée des inégalités fausse l’économie mondiale et menace la paix internationale ». Souhaitons que cet ouvrage ne soit pas visionnaire et qu’il ne décrive pas le mécanisme à l’origine d’un futur conflit mondial.

LA FRANCE D’AUJOURD’HUI

C’est un livre d’image que l’on feuillette en lisant « La France sous nos yeux », celui de la France telle qu’elle est en 2022 et celui de la façon dont elle s’est modifiée en 40 ans. Si l’analyse est géographique et économique, elle est surtout sociologique et nous avons tous vu cette évolution.

Il y a la désertification des centres-villes, les auteurs soulignant l’arrivée relativement récente du mot centre-ville dans le langage, comme si cela n’allait plus de soi. A cet égard, pour ceux qui connaissent la ville de Tonnerre, son exemple rapporté dans l’ouvrage est saisissant.

Il y a eu la diversification de l’offre commerciale vers, soit des produits pas chers (Kebab, Tacos, Gifi, Dacia, Hard-discount…), soit une élévation du prix de certains produits de base vers des offres « premium » telles les bières de brasseur ou les campings 5 étoiles par exemple.

Il y a eu l’installation des entrepôts Amazon à proximité des grands axes autoroutiers nord-sud…, reflet du basculement des métiers du primaire en déshérence vers le tertiaire, et essentiellement vers la logistique et… le tourisme. C’est-à-dire vers la désirabilité d’un passé réinventé sur fond de fausses traditions sublimées pour le tourisme interne et externe. Et bien d’autres choses encore… dont, notamment, l’influence des modes de vie sur le vote, que ce soit celui des centre-ville « boboïsés » ou des milieux ruraux.

Le constat que font les auteurs de l’image que donne la France aujourd’hui, s’il nous touche directement car il s’agit de notre histoire quotidienne, peut aussi être fait dans de très nombreux pays occidentaux, ceux dont l’économie a dominé le monde depuis 200 à 300 ans.

LES GUERRES ÉCONOMIQUES

Disons-le d’emblée, le livre de Matthew C. Klein (journaliste économique nord-américain) et de Michael Pettis (économiste et professeur de management à Pékin) parle d’économie et il est parfois difficile à comprendre pour ceux qui ne sont pas versés dans cette science multiparamétrique qui, dès lors, peut paraître complexe dans divers paragraphes.

Pourtant, il ne faut pas s’arrêter sur quelques termes et raisonnements parfois difficiles à comprendre car ce livre a deux grands mérites. 

Le premier est de raconter l’histoire économique de la Chine, de l’Allemagne et des Etats-Unis, et d’insérer rapidement ces histoires régionales dans l’histoire économique globale. Les chapitres concernant ces trois pays sont riches d’enseignements sur les interdépendances entre histoire, mentalités, flux économiques et évolutions de leurs sociétés puis évolution des autres pays. Tant l’Allemagne – qui pour certains fait figure de modèle – que la Chine, y sont décrites sévèrement mais probablement avec une vision proche de la réalité. 

Ainsi, pour l’Allemagne, « Une fois les impôts, les avantages sociaux et l’inflation déduits, le revenu moyen des ménages en 2013 était légèrement inférieur au revenu moyen des ménages en 1999 ». Ainsi, pour la Chine, pays se disant communiste « le système financier favorisait un transfert massif et soutenu des capitaux de la population vers les grands industriels, les entreprises spécialisées dans les travaux d’infrastructures, les promoteurs immobiliers ainsi que les autorités provinciales et communales ».

Le deuxième avantage est de montrer ce qu’est l’économie mondiale ou globale faisant que les décisions économiques prises dans un pays retentissent rapidement sur l’économie et les modes de vie des autres pays et influencent de ce fait leurs évolutions. Un exemple simple parmi d’autres : la diminution des revenus en Allemagne a contribué à augmenter le prix de l’immobilier en Espagne, et vous comprendrez pourquoi en lisant ce livre. En effet, pour ses auteurs « La répartition du pouvoir d’achat au sein d’une société a un impact sur les relations économiques de cette société avec le reste du monde ».

Afin de mieux comprendre l’économie mondiale, on trouve entre autre dans ce livre l’histoire des conteneurs ou plutôt comment ce progrès logistique qui a mis quelques décennies à s’imposer a littéralement modifié le monde, permettant un transport plus sûr et moins onéreux des marchandises et ouvrant vraiment la voie à la mondialisation. On y découvre aussi comment ce progrès a complètement modifié la structure des ports et leurs organisations, notamment en matière d’emploi. On y rappelle aussi les grands mécanismes de l’évasion fiscale et les conséquences que cela a sur les dettes nationales, l’histoire du crédit, les transferts d’actifs d’un pays à l’autre… Toutes notions essentielles pour comprendre le monde d’aujourd’hui

UNE THÈSE SUR L’ÉCONOMIE MONDIALE : L’ÉCONOMIE OUVERTE ET SES CONSÉQUENCES

Mais, la thèse principale du livre est – alors que le bon sens fait envisager qu’une guerre commerciale est un conflit entre plusieurs pays qui défendent certaines de leurs industries et l’emploi – de fait un conflit qui oppose banquiers et détenteurs d’actifs financiers à des ménages de la classe moyenne, c’est-à-dire, un conflit entre les très riches et les autres. 

Pour les auteurs, l’origine des guerres commerciales est une conséquence des décisions prises par les hommes politiques et les chefs d’entreprise, principalement en Chine, Europe et Etats-Unis, et ayant pour conséquences un accroissement des inégalités au profit des 0,1 % les plus riches et aux détriments des classes populaires et moyennes : en d’autres termes, les auteurs soutiennent la thèse que les conflits commerciaux actuels sont le fait des gouvernements, y compris chinois, qui défendent les intérêts des élites aux dépens des travailleurs.

Et l’histoire est principalement le fait que les États-Unis, dans une frénésie de consommation et d’investissements rentables, ont absorbé le surplus de production et d’épargne du reste du monde avec comme corollaire, la désindustrialisation et les crises financières. L’ouverture des Etats-Unis au commerce et à la finance internationales a ainsi permis aux riches d’Europe, de Chine et des autres grandes économies excédentaires de faire pression sur leurs travailleurs et leurs retraités dans la mesure où ils sont sûrs de pouvoir toujours vendre leurs marchandises, engranger des profits et investir leur épargne dans des actifs sécurisés.

Il en a résulté une montée des inégalités, un surplus de biens manufacturés, des pertes d’emplois et un accroissement de l’endettement. Et un risque notable de conflit qui ne sera pas que commercial.

EN SYNTHÈSE

« Les prix bas ? Les pauvres en ont besoin, les riches en raffolent… » c’est de fait la synthèse de ces deux ouvrages telle que fournie par l’adage rapporté dans « La France sous nos yeux » et qui est enseigné dans des écoles de commerce américaines, et dont l’explication est contenue dans « Les guerres économiques… ». En d’autres termes, peu importe la pauvreté car un pauvre peut et aime consommer, il suffit d’adapter le prix et l’offre à son niveau de vie (magasins discounts…). L’investissement en capital sera faible, le coût de production et de transport du produit sera faible, la qualité du produit sera faible, la marge sera faible, mais les ventes tellement nombreuses que l’investissement sera rentable, notamment si la solvabilité du pauvre est favorisée par les aides publiques, et qu’il reste possible de faire transiter les profits par des paradis fiscaux permettant d’échapper à l’impôt.

EN SAVOIR PLUS…

La France sous nos yeux

  • Auteurs : Jérôme Fourquet et Jean-Laurent Cassely
  • Éditeur : Seuil
  • Parution : octobre 2021
  • Pagination : 481 pages
  • Format broché : 23,00 euros
  • Format Kindle : 17,00 euros

Les guerres commerciales sont des guerres de classes

  • Auteur : Matthew C. Klein et Michael Pettis
  • Editeur : Dunod
  • Parution :  janvier 2022
  • Pagination : 288 pages
  • Format broché : 26,00 euros
  • Format Kindle : 18,00 euros




Les données numériques de santé

Dorénavant, les données de santé sont pour la plupart numérisées et stockées sur des serveurs. En d’autres termes, elles peuvent être accessibles, partagées, analysées à grande échelle, commercialisées… Ce thème et ses implications ont fait l’objet de deux livres parus à un mois d’intervalle mais construits avec des tons et une profondeur très différents, un peu comme si tous deux parlaient d’histoire et que l’un aurait été écrit par Stéphane Bern et l’autre par Fernand Braudel.

DEUX NIVEAUX DE LECTURE

D’un côté, « Ma santé, mes données » est écrit par une journaliste qui fait œuvre de journaliste : lecture facile, phrases stéréotypées du type « Alors sommes-nous en train de signer un pacte avec le diable ?… », « Il est fort possible que vous n’ayez jamais entendu parler d’IQVIA. La firme, elle, a peut-être entendu parler de vous », etc.
De l’autre, « Le business de nos données médicales » est écrit par trois auteurs, l’un consultant en stratégie éditoriale et les deux autres philosophes, est d’un abord différent : nécessité de connaître le sens de certains mots (comme nudge) voire d’avoir déjà lu certains ouvrages (notamment « L’âge du capitalisme de surveillance), lecture facile mais plus technique et engageant presque à chaque phrase à réfléchir.
Le premier peut servir de mise en bouche, le deuxième est indispensable à qui veut cerner certains des enjeux majeurs du siècle numérique qui a débuté et de ce que cela implique pour les données de santé.

UNE MISE EN BOUCHE

Dire qu’un livre est une œuvre de journaliste ne signifie pas qu’il faut dénigrer ce type d’écriture et d’ouvrage, car il fait le point – comme le fond les hebdomadaires d’actualité – sur plusieurs des questions posées par la numérisation des données de santé et des services de soins.
Pour les services de soins, notamment les hôpitaux, la nécessité de disposer en temps réel des informations produites et transmises en fait une cible privilégiée des cyberattaques à base de rançongiciel.
Pour la numérisation, les bases de données de santé sont en passe de devenir un enjeu stratégique majeur à plusieurs titres. L’un d’eux est de développer des modèles prédictifs des maladies. Un autre est de générer des profits gigantesques faisant que cette voie est devenue un terrain de chasse des GAFAM.
Et ces GAFAM avancent à grands pas, le service national de santé anglais ayant confié à Amazon le stockage de ses données, et la France, à Microsoft, celles de son Health data Hub avec de nombreuses conséquences possibles.

DES RÉFLEXIONS

Le deuxième ouvrage, dont la lecture, pour qui s’intéresse au sujet paraît indispensable, part des mêmes prémices que le livre précédent, mais plutôt que de les décrire, développe une réflexion sur les enjeux sociétaux, politiques et philosophiques de la numérisation des données de santé. Et ce livre est d’une grande richesse en informations et pistes de réflexion, au point que, moi qui signale au crayon à papier les passages importants d’un livre lorsque je le lis, ait du crayonner presque une page sur deux…
Aussi, plutôt que de citer les passages qui m’ont paru majeurs, il paraît plus simple de citer les titres des grands chapitres de ce livre. Le premier chapitre intitulé « Les origines de la e-santé » décrit un chemin qui va de l’économie politique de la santé aux forums de santé, une aubaine pour les géants du numérique, en passant par les modes de rémunérations de médecins. Le deuxième, intitulé « Une manne pour les GAFAM », rend principalement compte de la conquête des données de santé européennes par le Big tech nord-américain, avec le danger que cela représente. Certes, ces Big tech peuvent passer des contrats indiquant que leur politique de gestion des données sera conforme au RGPD, mais comme cela est écrit au chapitre suivant intitulé « La perte de la souveraineté française et européenne sur les données », ces contrats comportent une clause qui permet « le transfert de données en dehors de l’Union européenne dans le cadre du fonctionnement courant de la plateforme, notamment pour les opérations de maintenance ou de résolution d’incidents ».
Une simple phrase et le tour est joué : pour certaines opérations, les données peuvent être rapatriées aux Etats-Unis et, dès lors, soumises à la loi américaine, notamment être exigibles par les services de sécurité américains… Et cela, en toute « légalité américaine » depuis que le Cloud Act américain a été établi en réponse au RGPD, Cloud Act décrit comme tel « Ce type de législation permet un accès unilatéral de la part du gouvernement américain aux données d’un pays tiers, le tout sans avoir à fournir de précision sur la nature du contenu extirpé. Par ricochet, le Cloud Act va bien plus loin puisqu’un prestataire français ou étranger, pourvu qu’il soit affilié à une entreprise américaine et que les autorités déterminent que la société mère exerce en cela un contrôle suffisant sur le partenaire, tombera sous le coup du Cloud Act ».
Les deux derniers chapitres sont plus philosophiques, l’un sur le mode de l’analyse politique « L’Etat plateforme et la disruption du droit », l’autre sur le plan métaphysique « L’humain réduit à des données et des statistiques ».

QUAND DOCTOLIB EN PREND POUR SON GRADE

Au passage, Doctolib, la licorne française, en prend pour son grade à divers passages du livre qui montrent qu’elle reproduit le modèle financier et prédateur des Big tech américaines. Ainsi, on apprend que Doctolib a pour prestataire en matière de stockage des données, Amazon Web Service avec les risques encourus cités plus haut. On apprend que Doctolib s’est vue décerner le prix « Big Brother » par la presse allemande pour avoir vendu les données de santé de ses utilisateurs (notamment les historiques de recherche) à Facebook et Outbrain (entreprise de collecte d’informations personnelles de portée internationale) dans le but de produire du ciblage publicitaire profilé.
On apprend que Doctolib « s’est greffé à l’annuaire de l’Ordre des médecins, violant par la même occasion le RGPD. De cette façon, même les recherches portant sur des médecins n’étant pas inscrits sur la plateforme ont des chances de déboucher sur une page Doctolib, captant ainsi l’attention potentielle d’un usager pour le réorienter vers un médecin officiellement référencé sur la plateforme, en plus de ne pas systématiquement déréférencer les médecins qui se désinscrivent de Doctolib ». On apprend que Doctolib s’est posé en intermédiaire systématique vis-à-vis des hôpitaux franciliens dans l’objectif « d’imposer l’inscription sur Doctolib afin de prendre rendez-vous à l’AP-HP pour les clients et l’accès à l’agenda numérique pour les professionnels, se retrouvant ainsi en position de monopole sur le marché d’un bout à l’autre de la chaîne médicale ». Et l’avenir ? Il y a un « risque d’accès de Doctolib à davantage de données de santé sensibles avec la dématérialisation des ordonnances auxquelles ils auront un accès indirect via leur nouveau logiciel de gestion du cabinet médical qui ‘’organise’’ les dossiers des patients ».

EN SYNTHÈSE

Deux ouvrages très différents donc, dont la lecture du deuxième est essentielle et dont la philosophie peut être résumée dans cette citation de la page 116 : « […] cette désacralisation de la donnée de santé, devenue une marchandise comme une autre, n’aboutit pas tant, dans les mains des plateformes numériques, à une valorisation en termes de démocratisation ou de gain scientifique, mais en termes de valorisation marchande ».

EN SAVOIR PLUS…

Ma santé, mes données

  • Auteurs : Coralie Lemke
  • Éditeur : Premier Parallèle
  • Parution : Septembre 2021
  • Pagination : 170 pages
  • Format broché : 17,00 euros
  • Format Kindle : 12,99 euros

Le business de nos données médicales

  • Auteur : Audrey Boulard, Eugène Favier-Baron et Simon Woillet
  • Editeur : FYP éditions
  • Parution : Octobre 2021
  • Pagination : 175 pages
  • Format broché : 22,00 euros




L’argent, la mort et les systèmes politiques

A un mois d’intervalle sont parus deux livres aux histoires très différentes mais aux thèmes principaux identiques : l’argent, la mort et les systèmes politiques. Et pour cause, le premier traite de la prise du pouvoir en Arabie Saoudite par Mohamed ben Salmane, alors que son père est roi et qu’il était le deuxième sur la liste des héritiers, et l’autre traite de la crise des opioïdes aux Etats-Unis et de la démarche d’un journaliste ayant contribué à la mettre en lumière et à faire en sorte que quelques-uns de ses responsables puissent passer en justice. 

Ces deux livres contrastent cependant car le premier est d’une lecture facile et prenante et l’histoire est assez binaire – sa simplicité soutient le regard que l’on pourrait avoir sur les dictatures – et le second est plus complexe puisqu’il relate les nombreuses procédures de plaignants mais aussi de journalistes, les conflits d’intérêts de procureurs qui, aux Etats-Unis, sont élus avec des soutiens financiers, l’utilisation des subtilités de la Loi par les cabinets d’avocats… et rend de ce fait bien compte que l’exercice de l’Etat de Droit est chose complexe.

DE LA SIMPLICITÉ DE LA DICTATURE…

Pour ceux qui regardent les parutions de l’éditeur «  Jardin des livres », il peut paraitre surprenant qu’il fasse côtoyer dans son catalogue des livres soutenant des thèses complotistes sur la Covid-19 ou sur l’origine des religions et un livre qui décrit sans concession l’ascension de Mohammed Ben Salmane, surnommé MBS, vers le pouvoir suprême en Arabie Saoudite et ce, alors que son père Salmane Ben Abdelaziz, fils d’Ibn Saoud, est encore roi. Toutefois, à rebours de la littérature complotiste, de dernier livre, écrit par deux journalistes du Wall Street Journal, est un condensé de géopolitique et l’illustration parfaite de ce qu’est une autocratie car, progressivement, MBS a su se mettre en position de prendre les décisions essentielles concernant la politique du royaume et écarter tant le prétendant au trône le devançant, Mohammed Ben Nayef, que l’essentiel de l’opposition. 

Côté clair, MBS affiche une volonté de transformer l’économie de rente pétrolière de son pays en une économie moderne, tournée vers les nouvelles technologies et le tourisme et pour cela, il crée de novo une zone urbaine dite intelligente (projet NEOM), tente de favoriser les investissements étrangers à grande échelle, fait acheter pour 450 millions de dollars le Salvador Mundi attribué à Léonard de Vinci, tente de créer pour 15 milliards de dollars une immense zone culturelle (projet AlUla)…

Côté gris, alors qu’il pense attirer les investissements, c’est son argent qui est recherché par les multiples sociétés et agents troubles qui gravitent dans son entourage au point de se rendre compte que la relation qu’il entretient avec les Etats-Unis n’est que transactionnelle, il ne peut faire entrer en bourse à New York, mais uniquement à Ryad, Aramco la compagnie pétrolière du royaume, car cela justifierait une tenue de ses comptes conforme aux règles internationales…

Côté obscur, sans concertation ou considération sur les équilibres régionaux, il décide des premiers bombardements sur le Yémen et séquestre pour le faire démissionner le premier ministre du Liban, Saad Hariri, libano-saoudien dont la famille a fait fortune en Arabie Saoudite. Il élimine ses principaux opposants en les emprisonnant en une nuit dans un hôtel de luxe afin qu’ils rendent l’argent prétendument issu de la corruption. Alors qu’il va prendre la décision de permettre aux femmes de conduire une voiture, il fait emprisonner une opposante dont c’était une revendication au prétexte qu’une telle décision doit venir d’en haut, du prince bienveillant vers ses sujets et non pas donner l’impression qu’elle est une réponse du prince à une protestation du peuple. Pour sa suite rapprochée de 10 personnes, il finance des vacances de luxe d’un mois à 50 millions de dollars en privatisant une île des Maldives et en faisant venir 150 « mannequins » dont on vérifie à l’arrivée qu’elles n’ont pas de maladies vénériennes, etc., sans oublier tous les détails sordides concernant l’assassinat à l’Ambassade d’Arabie Saoudite à Istanbul, du journaliste d’opposition Jamal Kashoggi qui finira découpé à la scie à os sur place… et bien d’autres choses encore.

Il est prince et avoue lui-même que son modèle est Machiavel et son livre « Le Prince ». Suite à l’assassinat de Kashoggi, certains ont modifié le sens de son acronyme MBS en Mister Bone Saw (Monsieur tronçonneuse) : est-ce à dire qu’il a su imposer l’image de son maître ?

… À LA COMPLEXITÉ DE LA DÉMOCRATIE

De façon un peu surprenante, la crise des opioïdes qui sévit aux Etats-Unis est assez mal connue en France. Pourtant, en dix ans, elle a été responsable de plus de 500 000 décès par surdose et a contribué à faire reculer l’espérance de vie. Sa raison ? La surconsommation de comprimés d’oxycodone et d’hydrocodone destinés à soulager les douleurs mais entrainant rapidement une dépendance telle qu’elle provoque une addiction majeure et ce, alors que le principal laboratoire commercialisant ces produits, Purdue Pharma, en a fait une promotion inverse, indiquant qu’il n’y avait pas de dépendance.

Outre les décès, des milliers de familles ont été brisées quand un de leurs membres est devenu dépendant, pour ne pas dire drogué, et notamment des familles des classes moyennes, car ce sont celles qui ont pu avoir accès à ces médicaments avant que la dépendance n’entraine chômage et délinquance.

Outre Purdue, au cœur du problème, il y a un réseau de médecins prescripteurs voire sur-prescripteurs, voire corrompus, délivrant des ordonnances contre argent liquide ou faveurs sexuelles, des pharmaciens peu regardants sur l’origine des prescriptions de même que ne l’étaient pas les grossistes-répartiteurs sur les quantités astronomiques de comprimés approvisionnant les pharmacies (780 millions de comprimés en 6 ans dans un Etat de 1,8 millions d’habitants par exemple), ou l’ordre des pharmaciens ou l’agence de régulation des produits pharmaceutiques.

En face, outre les familles touchées il y a la mise  mal des finances des Etats chargés de réparer les dégâts : traitement de la dépendance, soins médicaux, placements en famille d’accueil, administration pénitentiaire, enquêtes, poursuites pénales, transfert des corps suite aux surdoses, autopsies.

Progressivement se mettront en route les procédures de l’Etat de Droit, de la Justice, de le Presse qui dénoncera le scandale sanitaire et ses acteurs, les procès intentés par les familles ou les procureurs des Etats au nom de leurs populations et ce, contre les divers maillons de cette chaine que certains ont qualifié de cartel légal de la drogue aux Etats-Unis. Le livre du journaliste Eric Eyre nous fait découvrir les premières démarches – gagnantes mais au prix de quelles complexités juridiques – celles impliquant l’Etat de Virginie contre les grossistes-répartiteurs. Le livre fait toutefois l’impasse sur d’autres poursuites gagnantes, celles menées contre Purdue Pharma qui ont abouti à de nombreuses et phénoménales amendes et ont déclaré trois de ses dirigeants criminellement coupables, tout en permettant à la compagnie de continuer à commercialiser ses produits en en ayant adapté l’étiquetage.

Par contraste, lorsque les responsables de l’assassinant de Jamal Kashoggi seront connus et que MBS aura été envisagé comme étant son commanditaire, ce dernier après maints versions finira par reconnaître que des saoudiens aient pu faillir, puis il sera communiqué que ces saoudiens ont été jugé dans leur pays, sans qu’aucune donnée relative à ces procès et aux sanctions effectives ne soient connus. C’est simple, il suffit d’affirmer que cela a eu lieu pour que ceci apparaisse vrai.

EN SAVOIR PLUS…

Mohammed Ben Salmanedu pétrole et du sang

  • Auteurs : Bradley Hope et Justin Scheck
  • Éditeur : Jardin des Livres
  • Parution : Novembre 2021
  • Pagination : 408 pages
  • Format broché : 24,00 euros

Mort à Mud Lick

  • Auteur : Eric Eyre
  • Editeur : Globe
  • Parution : Octobre 2021
  • Pagination : 320 pages
  • Format broché : 22,00 euros




Monde numérique – deux visions complémentaires

A un an d’écart, deux livres ont fourni deux visions complémentaires, mais proches sur de nombreux aspects du monde numérique dans lequel nous vivons. La première, développée dans « Junk Tech », est celle de deux personnalités du monde des affaires et de la communication, la deuxième, développée dans « L’enfer numérique », est celle d’un journaliste d’investigation.

Deux types d’auteurs 

Junk Tech

Junk Tech est écrit Jean-Marc Bally, président d’une société internationale de capital-investissement, dont la fonction est d’évaluer la valeur potentielle de sociétés non cotées dans l’objectif d’y prendre une participation en capital pour financer leur démarrage, leur développement ou leur cession ou transmission. Il a pour co-auteur, Xavier Desmaison, président d’un groupe de conseil en stratégie de communication à forte dominante numérique et d’une association de dans la lutte contre les fausses nouvelles et théories du complot sur internet. C’est dire que l’association des deux auteurs permet une analyse de la communication des entreprises du numérique relativement à leur valeur de production effective.

Et ils commencent fort leur ouvrage en prenant comme modèle l’apport des entreprises du numérique à la gestion de la pandémie : « D’un côté des plateformes technologiques comme Amazon, Netflix ou Zoom ont vu leur modèle validé et leurs performances boostées dans la mesure où elles ont semblé répondre efficacement à un certain nombre d’attentes des individus connectés du XXIe siècle. Mais, d’un autre côté, on a pu observer à quel point les champions de la Silicon Valley et de l’économie 2.0 s’étaient révélés inopérants pour traiter des difficultés plus concrètes relatives à la sécurité, à la santé ou à la production industrielle de nos sociétés ». 

On aura compris par ces propos que si certaines entreprises numériques sont devenues des vedettes des marchés financiers c’est par une communication habile tendant à faire croire à beaucoup qu’elles apportent une solution technologique aux problèmes du monde. Ce livre décrypte le caractère fictif de ce discours.

L’enfer numérique

L’enfer numérique est écrit par Guillaume Piton, journaliste et réalisateur de documentaires dans les domaines économiques, politiques et environnementaux et à qui l’on doit déjà un livre de référence « La Guerre des métaux rares. La face cachée de la transition énergétique et numérique ». 

Dans L’enfer numérique, il fait œuvre de journaliste : il enquête sur le terrain, interroge et narre avec une vision typique de journaliste c’est-à-dire qu’il commence souvent par la description du lieu de l’enquête (la plupart des régions du monde), puis rend compte des divers points de vue des personnes interrogées. 

Son discours est simple : à l’heure où la défense de l’écologie et du climat est devenue une valeur dominante orientant les comportements et les pratiques, il est une pratique paradoxale, celle de l’utilisation grandissante du numérique alors que « l’industrie numérique consomme tant d’eau, de matériau et d’énergie que son empreinte est le triple de celle d’un pays comme la France ou l’Angleterre ». Une phrase résume son propos « la pollution digitale met la transition écologique en péril et sera l’un des grands défis des trente prochaines années ».

Si l’approche des auteurs est différente, elle repose sur au moins deux points communs : le discours manipulateur des entreprises du numérique et l’inconscience (entretenue ?), pour ne pas dire la bêtise des consommateurs des produits numériques.

Manipulation : tout ça pour quoi ?

Junk tech rappelle la double manipulation de ces entreprises. La première est celle de ses utilisateurs afin de récolter des informations personnelles valables, c’est-à-dire monnayables, en ayant recours à la psychologie sociale pour entretenir l’addiction à leurs produits. La deuxième est celle d’un discours promouvant « un monde meilleur » grâce à l’outil technologique pour résoudre les grands problèmes du monde, ce que l’on dénomme le « solutionnisme technologique » alors que ces entreprises n’ont rien bâti de fondamental si ce n’est d’avoir développé des ruptures de modèles économiques, c’est-à-dire de nouvelles façons de générer de l’argent à partir de métiers traditionnels.

Pour les auteurs, le succès de la Silicon Valley n’est pas une question de technologie ou de supériorité technologique, mais de marketing et de design de leurs produits ou de facilité d’utilisation de leurs plateformes. Une stratégie reposant sur un discours permettant d’attirer  et des capitaux et des utilisateurs rendus captifs afin e vendre leurs données.

L’enfer numérique rappelle quant à lui, que « Les grandes entreprises du Net veulent conserver cette esthétique de l’immatérialité… une manière pour elles de minimiser l’impact de leurs infrastructures sur l’environnement et les ressources naturelles ». En effet, qui sait ce que consomme en eau et électricité un centre de données ? C’est-à-dire ces unités physiques dénommées « nuage » ou Cloud pour entretenir une image d’immatérialité alors que pour ce service « il existerait aujourd’hui près de 3 millions de datacenters d’une surface de moins de 500 m2 dans le monde, 85 000 de dimensions intermédiaires et une petite dizaine de milliers dont la taille peut avoisiner l’Equinix AM4 (plusieurs milliers de mètres carrés). Et au cœur de cette Toile de béton et d’acier prospèrent plus de 500 datacenters dits hyperscale, souvent vastes comme un terrain de football ». 

Qui connaît la quantité de métaux rares que contient un téléphone portable, rendu volontairement rapidement obsolète ? 

Qui sait qu’un courriel génère 0,5 gramme voire 20 grammes de carbone si une pièce jointe lui est attachée alors que 319 milliards de courriels sont envoyés chaque jour dans le monde ? 

Qui connaît le bilan énergétique d’une vidéo visionnée en ligne ?…

Tout ça pour qui : des consommateurs « gâtés-pourris »

« Les utilisateurs se moquent de la façon dont le web fonctionne. Ce sont des enfants pourris-gâtés qui attendent qu’internet tourne toujours plus vite. Et au bout du compte, tout le monde se retrouve prisonnier de cette logique » selon un observateur interrogé dans « L’enfer numérique ». 

Junk tech va encore plus loin en évoquant le mythe de Narcisse : « En quête d’accomplissement psychique et de réalisation de soi, cette génération a développé des traits de personnalité narcissiques qui ont eu une influence directe sur les modes de consommation, la stratégie des marques, les critères de différentiation entre produits et services… une de facettes de la Junk tech : une façon de procurer un shoot d’estime de soi à des personnes qui y ont été biberonnées depuis la naissance et qui pensent manquer de reconnaissance ».

Synthèse

Deux livres à lire l’un après l’autre, riches d’enseignements méconnus sur le monde numérique face à l’effet anesthésiant des informations grand public. 

Et, si dans cette rubrique, n’ont été mentionnés que les côtés obscurs du monde numérique et de ses consommateurs décrits dans ces ouvrages, sachez qu’ils contiennent aussi plusieurs données sur leurs côtés positifs et qu’ils suscitent des réflexions voire font des propositions pour une utilisation plus raisonnable des outils de ce nouveau monde, celui d’aujourd’hui. 

En savoir plus…

Junk Tech

Comment la Silicon Valley a gagné la guerre du marketing

  • Auteurs : Jean-Marc Bally et Xavier Desmaison
  • Éditeur : Hermann
  • Parution : Novembre 2020
  • Pagination : 140 pages
  • Format broché : 14,00 euros
  • Format kindle : 8,99 euros

L’enfer numérique

Voyage au bout d’un like

  • Auteur : Guillaume Pitron
  • Editeur : Les liens qui libèrent
  • Parution : Septembre 2021
  • Pagination : 352 pages
  • Format broché : 21,00 euros
  • Format e-book : 15,99 euros




Comprendre la Chine [3]

les nouvelles routes de la soie

Pour diverses raisons, et après l’avoir annoncé en 2013 par la voix de Xi Jinping, la Chine s’est lancée dans une tentative de réorganisation des réseaux du commerce mondial. Cette tentative d’abord appelée One Belt, One Road (OBOR), maintenant appelée Belt and Road Initiative (BRI) est surnommée « Les nouvelles routes de la soie ». 
Son objectif est ambitieux, les moyens utilisés sont colossaux, et cette initiative déjà bien avancée pourrait renverser l’ordre économique, géopolitique et surtout politique qui prévaut actuellement. Parmi les nombreux ouvrages consacrés à ce sujet, deux paraissent essentiels en permettant d’en comprendre les tenants et aboutissants. L’un adopte une vue d’ensemble, l’autre la complète en fournissant de multiples éléments qui pourraient paraître des détails mais sont néanmoins majeurs.

Les défis chinois. La révolution de Xi Jinping : Indispensable

Certes, l’ouvrage n’est pas récent, quoi que (mars 2019) … Certes, son avant-propos et son introduction peuvent paraître un peu pompeux, quoi que… mais, dès ceux-ci franchi, c’est une formidable synthèse sur l’histoire, l’évolution et les défis de la Chine contemporaine qui nous est offerte par Éric de la Maisonneuve, général de division, professeur à l’université de diplomatie de Pékin de 2004 à 2014 et expert en stratégie.

Sur la Chine contemporaine, tout y est dit de manière claire, et la bibliographie est tout aussi synthétique des ouvrages qu’il faut avoir lu sur la Chine.

Le chapitre dédié aux routes de la soie est un condensé de géostratégie chinoise et planétaire expliquant les raisons historiques, politiques et économiques de cette initiative en cours sous l’impulsion de Xi Jinping et de la formidable réserve monétaire dont dispose la Chine. Cette initiative touche le sud-est asiatique, l’Asie centrale, le Moyen-Orient, l’Europe, l’Afrique et l’Amérique du Sud. Elle encadre ainsi les États-Unis qui, de leur côté, ont des difficultés à contenir la Chine par une alliance avec la Corée du Sud, le Japon, l’Australie et l’Inde.

Ce livre nous apprend aussi en quoi la BRI constitue un pari risqué et on y découvrira ainsi de multiples éléments qui expliquent les fragilités chinoises potentielles. Ainsi, au niveau international, les routes de la soie doivent passer par l’Eurasie (vous savez, les sept pays dont le nom se termine par…
istan) et cette région a longtemps été considérée comme un pré-carré russe : comment la Russie acceptera-t-elle la mainmise chinoise sur cette région ? Elle temporise actuellement car elle a besoin de la Chine pour combattre les États-Unis, mais jusqu’où ira l’alliance de la Chine et de la Russie ? 

Cette région est aussi un berceau de mouvements terroristes islamistes : comment la Chine parviendra-t-elle à sécuriser ses approvisionnements en matière première et ses exportations de produits manufacturés en passant par cette région ? Parmi les autres fragilités mais au niveau interne cette fois, « Ce qui est assuré d’ici à 2050, c’est que la Chine perdra 200 millions d’actifs qui viendront grossir les rangs des personnes âgées et qui devront à leur tour bénéficier d’un accompagnement social ».

En regard, parmi ses grandes forces, il y a le fait qu’avec constance et patience, la Chine, sous un parti autoritaire, unique, actuellement pérenne, peut conduire un tel projet gigantesque qui devrait être mené à bien selon une démonstration par l’absurde : « Ce ne sont pas vos démocraties, affaiblies par le rythme des élections, par l’alternance rapide des dirigeants et par les nombreux contre-pouvoirs, qui pourraient faire valoir une telle stratégie et la conduire à son terme ». En d’autres termes, il s’agit de la justification de la dictature par son efficacité potentielle, même si le projet entrepris n’est décidé que par une oligarchie répressive au service de sa survie.

Parmi les grandes conclusions de ce livre « la Chine est parvenue à un point de développement où l’expansion mondiale de son système est indispensable à la poursuite de sa croissance… Reste un espace à découvrir et à débroussailler, celui que propose la conception d’un monde à la chinoise ». 

  • Auteur : Eric de La Maisonneuve
  • Éditeur : Editions du Rocher
  • Parution :  mars 2019
  • Pagination : 344 pages
  • Prix (broché) : 19,90 euros
  • Prix (numérique) : 13,99 euros

Les routes de la soie ne mènent pas où l’on croit… : Majeur

Disons-le d’emblée, bien qu’il ne dépasse pas 300 pages, ce livre est très dense, très riche en de très nombreuses données qui justifient entre autres de connaître la géographie mondiale (mais heureusement, il y a de nombreuses cartes), mais aussi – et cela est récurrent aux éditions l’Harmattan – riche en fautes d’orthographe, particulièrement concentrées dans les pages 238 et 239.

Mais, cela constitue des limites bien minces comparées à la qualité et à l’apport de ce livre. On pourrait même dire « Arrêtez de lire les journaux, les magazines, d’écouter la radio et la télé, vous en saurez nettement plus sur la Chine et le monde d’aujourd’hui et de demain en lisant ce livre ». Et cela va des premiers développements des diverses mondialisations jusqu’à cette nouvelle redistribution des cartes que constitue la BRI, ses modalités, ses enjeux et ses risques.

Parmi les multiples apports de ce livre, j’en préciserai deux. 

Le premier est que, depuis l’avènement au pouvoir de Deng Xiaoping, la Chine semble gérée par des stratèges qui analysent une situation, prennent en compte les leçons de l’histoire – même la plus récente –, envisagent des solutions possibles à chaque problème, produisent une vision globale (le développement économique de la Chine légitimera la gouvernance du Parti unique), élaborent des stratégies, les expérimentent progressivement, les adaptent et avancent dans tous les interstices que laissent les États-Unis, patiemment mais sûrement. 

Par exemple, l’avancée de la Chine en Afrique : « Fidèle à sa stratégie de pénétration par les marges, l’accès à l’Afrique s’est fait d’abord dans les pays ostracisés par l’Occident, ce dernier n’ayant guère laissé d’espaces libres pour choisir des fournisseurs énergétiques ». Mais aussi, comme le dit un chef d’entreprise africain, dans une phrase qui résume la BRI avec ses avantages et ses risques : « Si l’un de nos gouvernements demande une aide concrète, par exemple, un hôpital, les Européens font une étude de faisabilité. Ils veulent voir si le pays correspond aux critères des Droits de l’Homme et peut recevoir une telle aide. Le dossier revient après un processus très lent, parfois de deux ans, mais la réponse positive n’est pas assurée ! Les Chinois, eux, montent l’hôpital en deux ou trois mois. Puis ils demandent en échange une concession pétrolière ou minière et ils vont faire encore une autoroute qui va rester et favorisera la croissance de la région ! ». 

L’auteur du livre n’oubliant pas de préciser à un autre endroit qu’en fait pour la Chine « chaque route remplit des fonctions qui la servent » et que le pays aidé risque la dépendance et la pauvreté car il s’ouvre alors aux produits chinois, au détriment de son industrie locale, etc.

Le second est que le monde est dans une telle interdépendance qu’il est stupide d’affirmer péremptoirement qu’il faut faire ceci ou cela. L’exemple type serait d’imposer une réévaluation du Yuan en considérant qu’il est nettement sous-évalué, ce qui constitue un avantage concurrentiel majeur pour la Chine. 

Mais comme cela est expliqué page 134, le problème de la réévaluation du Yuan est multiparamétrique et, ainsi, entre autres éléments avancés : « L’avantage comparatif est si grand, malgré les hausses salariales, que la réévaluation a un impact limité sur la compétitivité chinoise ; Le gouvernement chinois a un allié inattendu : les 50 000 entreprises américaines installées sur son sol. Elles constituent des lobbies actifs pour résister aux pressions d’une subite réévaluation du Yuan qui leur ferait perdre des marges de compétitivité pour leurs productions délocalisées en Chine ».

Et, surtout « la détention (par la Chine) d’importants avoirs en Bons du trésor américain contraint à temporiser une revalorisation du Yuan qui conduirait à leur dévalorisation… »

Alors pendant que l’information publique nous divertit chaque jour un peu plus des sujets essentiels, quelle conclusion à la lecture de ces livres ? Elle est clairement formulée par Claude Albagli, docteur es-Sciences économiques et auteur de « Les routes de la soie ne mènent pas où l’on croit… » : « Tout se passe en définitive comme si la Chine redessinait une carte du monde en distribuant des fonctions comme des rôles pour répondre à ses besoins ».

  • Auteur : Claude Albagli
  • Éditeur : Editions L’Harmattan
  • Parution : octobre 2020
  • Pagination : 278 pages
  • Prix (broché) : 28,50 euros
  • Prix (numérique) : 22,99 euros




Comprendre la Chine [2]

Qu’on le veuille ou non, l’Europe est un terrain de bataille, ou, pour le dire autrement « nous sommes en guerre ». Mais une guerre non militaire, dans laquelle de multiples moyens sont utilisés. 

La Russie mène une guerre de déstabilisation des démocraties afin de faire croire que son modèle autoritaire est le seul à même de résoudre le désordre en oubliant de dire que son objectif est de maintenir au pouvoir un clan de cleptocrates.

La Chine est en guerre économique, une guerre reposant maintenant sur la technologie afin de devenir la première puissance mondiale et de permettre au Parti communiste chinois de perdurer. 

Le point sur ce sujet en quatre livres dont deux de références et deux très récents.

Livre 1 « La guerre hors limite » : une référence… chinoise

« Il n’existe plus de domaine qui ne puisse servir la guerre et il n’existe presque plus de domaines qui ne présentent l’aspect offensif de la guerre ».

Dans son livre « Guerres invisibles : Nos prochains défis géopolitiques », paru en janvier 2021 (éditions Tallandier), Thomas Gomart, directeur de l’Institut français des relations internationales, fait largement référence à un ouvrage expliquant les stratégies de guerres non militaires telles qu’analysées par deux colonels de l’armée de l’air chinoise après la première guerre du Golfe en 1991. 

Deux pays peuvent être en guerre l’un envers l’autre sans aucun affrontement militaire, car les guerres peuvent être économiques, financières, informationnelles, écologiques, normatives, culturelles, psychologiques… 

Ce livre, qui explique ou rappelle les nouvelles formes de guerre, s’intitule « La Guerre hors limite ». Il date de 1999 et a été traduit en français en 2004. 

Il offre une bonne entrée en matière pour comprendre la guerre menée selon des techniques non militaires en faisant comprendre en quoi certains actes doivent être qualifiés d’actes de guerre. 

Il n’hésite ainsi pas à qualifier George Soros de terroriste financier car les conséquences de ses actes sont parfois pires que celles d’une guerre non sanglante, tout comme celles de pirates informatiques. 

Il évoque les mécanismes des guerres économiques. Il indique que doivent être considérés comme des actes de guerre non conventionnelle l’exercice d’une influence sur le gouvernement ou le parlement d’un pays étranger par le biais de fonds spéciaux alimentant des groupes de pression, des méthodes consistant à racheter ou à contrôler le capital de journaux, de chaînes de télévision d’un autre pays pour en faire les outils d’une guerre médiatique contre ce pays…

  • Auteur : Qiao Liang et Wang Xiangsui 
  • Éditeur : Rivages
  • Parution : 17 mars 2004
  • Pagination : 322 pages
  • Prix (broché) : 22,21 euros
  • Prix (poche) : 9,15 euros




La guerre mondiale des ondes

La guerre économique et technologique telle qu’elle est

« […] la confrontation avec Huawei a constitué pour les États-Unis un “moment Spoutnik” […] la 5G a été pour l’Amérique un signal d’alarme, en ce qu’elle a révélé la capacité de la Chine, non plus à imiter, mais à innover sur des technologies de pointe ».

Quel meilleur titre pour clore cette rubrique que celui du livre « La guerre mondiale des ondes » ? 

« Guerre mondiale » rappelle que nous sommes au cœur d’une guerre mondiale, et « ondes » que cette guerre n’est pas militaire, mais économique et technologique. Ainsi, si vous n’êtes toujours pas persuadés que nous sommes en guerre, ce livre devrait finir de vous convaincre. 

Il relate l’histoire de l’opposition de divers groupes de pays pour le déploiement de la 5G qui est, on le comprendra vite, un enjeu majeur du monde numérique. 

Un groupe est représenté par la Chine, qui maîtrise la 5G, un autre par l’Europe  possédant deux entreprises maîtrisant aussi la 5G (Nokia en Finlande et Ericsson en Suède), un troisième par la puissance dominante (les Etats-Unis) qui ne maîtrise pas la 5G et le dernier groupe est représenté par le reste du monde. L’histoire du livre : celle du combat entre les Etats-Unis et Huawei pour faire en sorte que la 5G occidentale ne dépende en aucune sorte de la Chine et donc de Huawei. La cause est-elle économique ou idéologique ? A vous de trancher car nous entrons avec ce livre au cœur d’une guerre technologique, financière, économique, politique, normative, idéologique… sans savoir qui l’emportera. 

Ainsi, les Etats-Unis veulent empêcher Huawei d’accéder aux microprocesseurs dont il est dépendant, ce qui pourrait le ruiner, mais Reng Zhengfei, le patron de Huawei est loin de se décourager lorsqu’il fait annoncer par l’un de ses collaborateurs que « les sanctions américaines nous rendent la vie difficile, mais on y voit aussi une énorme opportunité », notamment celle de développer les outils qui lui manque et ce, de façon plus performante et avec d’autres normes, ce qui pourrait conduire à un monde numérique en silos, les divers systèmes ne devenant plus compatibles… C’est d’ailleurs un des scénarios évoqués pour l’avenir du monde dans le livre « Le monde en 2040 vu par la CIA » paru le 28 avril 2021 (éditions Equateurs). 

  • Auteur : Sébastien Dumoulin  
  • Éditeur : Tallandier
  • Parution : 18 mars 2021
  • Broché : 304 pages
  • Prix (broché) : 19,90 euros
  • Prix (broché) : 13,99 euros




Vers la guerre

Le succès planétaire

« Ce fut l’ascension d’Athènes et la peur que celle-ci instilla à Sparte qui rendirent la guerre inévitable ».

Un deuxième ouvrage d’entrée en matière pour comprendre la Chine, et qui fait référence, a été publié aux Etats-Unis en 2017 et en France en 2019 : « Vers la guerre. L’Amérique et la Chine dans le piège de Thucydide ? » de Graham Allison. 

Pourquoi une référence ? 

Parce qu’il explique que lorsqu’un pays est dominant et qu’une autre grande puissance apparaît, le plus souvent (douze fois sur seize en 500 ans), il y a compétition puis guerre militaire. Le pays dominant développerait une sorte de paranoïa pour laquelle tout acte de la puissance émergente serait jugé comme destiné à menacer sa puissance, le pays en croissance serait pris d’une sorte de vertige, d’hubris, lui faisant penser qu’il peut, et surtout – quel que soit le motif pris en compte – qu’il mérite de devenir dominant. Les deux puissances tombent ainsi dans un piège dont il est difficile d’échapper et qui les pousse au conflit.

L’ouvrage est très instructif en ce sens qu’il analyse seize conflits des 500 dernières années au prisme de ce concept et élabore ensuite des scénarios qui pourraient conduire à un conflit militaire entre la Chine et les Etats-Unis dans les prochaines années. 

  • Auteur : Graham Allison 
  • Éditeur : Odile Jacob 
  • Parution : 20 février 2019
  • Broché : 416 pages
  • Prix (broché) : 21,90 euros
  • Prix (numérique) : 21,99 euros




Poutine. La stratégie du désordre

« Le but de la propagande russe est d’inculquer une vision totalement noire du genre humain qui justifie l’instauration d’un régime autoritaire, seul capable d’empêcher les hommes de s’entre-égorger ».

Pour bien comprendre ce qu’est une guerre asymétrique, c’est-à-dire principalement non militaire, il est recommandé de lire « Poutine. La stratégie du désordre ». C’est un ouvrage passionnant qui offre une compréhension justifiée de la Russie d’aujourd’hui, celle de Poutine.

L’auteur y indique que l’Etat et ses ressources économiques sont aux mains de quelques oligarques, anciens du KGB qui ont confisqué l’économie à leur profit après la chute de l’URSS et qui, pour maintenir leur pouvoir, mènent une guerre interne et externe aux méthodes multiples car la Russie ne peux plus prétendre être une puissance militaire de premier plan.

Une guerre interne : celle « mettant en scène des éléments symboliques camouflant la situation réelle de l’État de droit, du système électif et des libertés publiques ». Une guerre très particulière car la nouvelle constitution de 2020 « consacre la primauté absolue du droit russe sur le droit international ».

Ce qui pose la question : la Russie a-t-elle encore sa place à l’ONU et dans les instances internationales ? Une guerre contre le monde entier à des fins de déstabilisation des démocraties pour que dans les esprits, seul un Etat autoritaire soit la solution aux problèmes, et qu’ainsi les méthodes du gouvernement russe soient admises comme efficaces et surtout obligatoires. 

Mais, ce faisant, le clan Poutine oublie de rappeler pourquoi de nombreux pays ont évolué vers des démocraties complexes, que l’on qualifie de polycentriques, et faites de contre-pouvoir : pour éviter que le pouvoir ne soit accaparé que par un clan.

En analysant les stratégies développées par Poutine dans les diverses parties du monde, comme en Europe, en Syrie, en Chine et en Afrique, ce livre souligne que les outils de la guerre hors limites doivent être adaptés à chaque situation et Poutine semble être passé maitre à ce jeu.

Toutefois, sa position est fragile du fait de ses ressources économiques et technologiques et de la contestation interne, même si elle est bridée et du fait que tout repose sur sa personne et non sur un Parti organisé pour sa pérennité. 

  • Auteur : Isabelle Mandraud et Julien Théron 
  • Éditeur : Tallandier
  • Parution : 18 février 2021
  • Broché : 320 pages
  • Prix (broché) : 19,90 euros
  • Numérique : 13,99 euros




Le jour où la Chine va gagner

Ou très anti-américain ? Ce livre est écrit par un diplomate qui a été dix ans l’ambassadeur de Singapour aux Nations-Unies et qui a présidé le conseil de sécurité de l’ONU en 2001-2002. C’est dire qu’il a une vision globale des enjeux de ce qui est décrit comme le conflit sino-américain qui devrait en tout ou partie structurer le XXIe siècle : « Les forces et faiblesses respectives des systèmes politiques américains et chinois forment la matière principale de ce livre ».

Si l’auteur décrit plusieurs des torts reprochés à la Chine, il les pondèrent rapidement en décrivant les vicissitudes américaines et les raisons poussant la Chine à agir d’une certaine façon. 

Ainsi, par exemple, pour justifier la politique chinoise contre une partie de son peuple, les Ouïgours, l’auteur rappelle que la Chine a aussi été confrontée après 2001 à des attentats terroristes islamistes, comme par exemple, celui « au cours duquel les assaillants, à bord de deux voitures, ont écrasé des passants et fait sauter des explosifs dans un marché bondé » ou celui où « des individus armés de couteaux avaient tués 29 personnes dans une gare de la ville de Kunming ». 

Et en parallèle, de rappeler le nombre de victimes civiles afghanes et irakiennes consécutives aux guerres américaines après le 11 septembre 2001, ainsi que l’usage de la torture, d’abord à Guantanamo, puis après, pour échapper aux problèmes juridiques, dans certains pays où les prisonniers étaient transférés. 

Sans oublier le coût de telles interventions, chiffré en milliards de dollars. Somme qui, pour l’auteur, aurait été mieux investie dans le système éducatif, sanitaire et de transport terrestres américains. 

L’illusion du mythe américain

Il rappelle ainsi que le mythe américain d’une possibilité d’ascension sociale pour tous est devenu une illusion et que le pays semble dirigé et tenu par une ploutocratie financière. Ainsi, aux Etats-Unis, « … un enfant de quatrième (13 ou 14 ans) issu de la tranche de revenu la plus basse obtenant des notes en mathématiques dans le quart supérieur a moins de chance de décrocher son diplôme qu’un enfant issu de la tranche de revenus la plus élevée obtenant des notes dans le quart inférieur ». Il fait le parallèle avec ce qu’il juge être le système méritocratique très sévère permettant d’accéder aux plus hautes fonctions au sein du PCC.

En parlant du respect des droits, il rappelle ce que John Bolton, conseiller du Président Trump, avait officiellement déclaré : « Ce serait une grave erreur pour nous d’accorder une quelconque validité au droit international, même si cela peut sembler dans notre intérêt à court terme car, à long terme, l’objectif de ceux qui pensent que le droit international a un sens sont ceux qui veulent étrangler les États-Unis ».

Les points de « non-contradiction »

Et l’auteur de conclure qu’en fait, entre la Chine et les Etats-Unis, il y a de nombreux points de « non-contradiction » pour ne pas dire d’accords sur ce que devrait être l’évolution du monde et de leurs sociétés respectives, points qui devraient conduire à la discussion et à l’entente raisonnées entre les deux pays à l’heure des défis climatiques sinon « Les hommes regarderaient avec pitié deux tribus de singes continuant à se battre pour défendre leur territoire pendant que la forêt brûle autour d’eux ». On ne saurait hélas mieux dire et mieux conclure.

François Diévart

  • Auteur : Kishore Mahbubani  
  • Éditeur : Editions Saint-Simon
  • Parution : 18 mars 2021
  • Broché : 315 pages
  • Prix (broché) : 23 euros




Comprendre la Chine. Episode 1

De nombreux commentateurs s’accordent à penser que les Etats-Unis devraient perdre leur place de première puissance mondiale au profit de la Chine dans les quelques années, et ce, au moins sur le plan économique voire technologique, mais pas encore sur le plan militaire. Pour certains d’ailleurs, depuis 2014, la Chine est déjà la première puissance économique mondiale. Est-ce un bien ? Est-ce un mal ? Quelle influence cela aura-t-il sur nos modes de vie ?

Les avis sont très partagés entre les thuriféraires et les contempteurs de la Chine et peu d’analystes semblent avoir une analyse neutre. Dans les prochaines rubriques « Lire » du Cardiologue, nous présenterons quelques-uns des principaux livres parus sur le sujet lors des deux dernières années dans une série qui sera peut-être interrompue transitoirement du fait de l’actualité.

Dictature 2.0 : terrifiant

Rien qu’à lire le titre de ce livre et son sous-titre « Quand la Chine surveille son peuple et demain le monde », on comprend que « Dictature 2.0 » a été écrit par un contempteur de la Chine. Et l’auteur débute très fort. 

Dès son avant-propos, il écrit « (la) Chine n’est plus un état qui subordonne toute chose à la réussite économique – l’essentiel, désormais, c’est le contrôle politique » et il va même plus loin « l’enlèvement et l’endoctrinement de probablement plus d’un million d’Ouïgours musulmans dans un réseau de camps de rééducation constituent la plus grande opération d’internement d’une minorité ethnoreligieuse depuis l’époque nazie ».

Ce livre, écrit par un journaliste allemand ayant été correspondant à Pékin pendant quatorze ans, jusqu’en 2018, décrit par le menu les principes et les modalités du système de propagande et de surveillance – notamment numérique – de la population chinoise, système en train de se mettre en place sous l’égide du Parti Communiste Chinois (PCC). Il fait souvent référence au livre « 1984 » de George Orwell, entre autres dans la façon d’utiliser le langage en une sorte de novlangue où « la liberté devient l’esclavage, l’ignorance, une force » car « c’est une tactique qui a fait ses preuves : prends les mots de tes ennemis et investis-les ». L’auteur ajoutant « Le coup de maître a été de voler à l’adversaire ses concepts centraux et de les remplir d’un contenu opposé ». Orwellien donc.

« Harmonie », l’un des mots préférés du PCC

Un mot revient régulièrement dans le livre : « Harmonie », l’un des mots préférés du PCC depuis dix ans. Mais l’auteur prévient : «  L’harmonie, c’est quand le peuple se tient calme  », car d’après un cadre du Parti Communiste Chinois, « nous devons homogénéiser les pensées et les actes de tous les citoyens de Pékin ». Au nom de quoi ? De l’article 35 de la Constitution chinoise qui stipule « Le sabotage du système socialiste est interdit à toute organisation ou à tout individu ». Une tautologie ?

Pour l’auteur, « Xi (Jinping) est un bien plus grand protectionniste que Trump (…), en réalité, il coupe les dernières liaisons entre l’internet chinois et le monde ». Ainsi « Le réseau chinois est déjà plus un intranet qu’un internet… Si les censeurs chinois coupaient du jour au lendemain la totalité des liaisons avec le monde extérieur, la plupart des Chinois ne le remarqueraient même pas… La normalité, c’est l’envoi quotidien de règles de langage et l’actualisation des listes, par exemple, celle des mots interdits sur Weibo (1) » . 

Et de mettre en garde sur le risque que court aussi le pouvoir chinois « …Xi Jinping a effacé la société civile, il a castré les médias traditionnels et internet. La société n’a plus de signal d’alerte précoce ». Faut-il y voir une des raisons du retard à la prise en charge de l’épidémie de SARS-CoV-2 à Wuhan lors de l’hiver 2019-2020 ?

François Diévart

(1) Weibo est le premier réseau social en Chine.

  • Auteur : Adam Kucharski
  • Editeur : Dunod – Collection : Outils pour la santé publique
  • Date de sortie : février 2021
  • Nombre de pages : 336
  • Prix : 24,90 euros – Liseuse : 16,99 euros




Les lois de la contagion : une actualité virale…

Les lois de la contagion s’appliquent-elles en dehors des maladies infectieuses ? Réponse dans le livre d’Adam Kucharski.

Inattendu. C’est ainsi que l’on pourrait qualifier le livre d’Adam Kucharski intitulé « Les lois de la contagion », car pour un médecin, ce titre annonce un essai sur les maladies transmissibles, les infections. Mais pour Kucharski, ces maladies ne sont qu’un prétexte à exposer quelques-unes des lois de la contagion afin de parcourir divers domaines sociétaux pour évaluer si elles s’y appliquent aussi. Et cela va des maladies supposées non transmissibles comme le tabagisme, l’obésité ou le diabète, en passant par les idées, le langage « Il nous faut étudier la manière dont se forgent les convictions et les comportements, et comment ils peuvent se propager »… les bulles financières, la criminalité et les fausses nouvelles, tout comme certains virus, informatiques ceux-là. Autant dire que les lois de la contagion pourraient constituer une matrice d’analyse des phénomènes sociaux. 

Ce livre en fournit d’ailleurs un exemple involontaire. Sa traductrice, qui porte un patronyme français, semble ainsi contaminée par la mode des anglicismes, car on ne compte plus le nombre de fois où elle a recours aux termes « impacter » et « investiguer », tout en nous gratifiant au détour d’une phrase d’un « pitcher » voire du mot « twist ». 

Des maladies contagieuses…

Adam Kucharski est épidémiologiste à Londres et rédacteur pour le Financial Times et l’Observer, et par là-même, vulgarisateur scientifique. Il commence par rappeler quelques faits marquants de la naissance de l’épidémiologie moderne afin d’en comprendre les déterminants même si « l’épidémiologie est en réalité un sujet mathématique ». Puis il explique simplement le R0 ou taux de reproduction de base d’une épidémie et en quoi ce paramètre est capital pour analyser les épidémies… quelles qu’elles semblent être. Il rappelle une donnée essentielle : « On croit souvent à tort que les épidémies grossissent de façon constante, génération après génération, où chaque cas infecterait le même nombre de personnes » or un modèle prédomine, celui des super-contaminateurs, faisant que 80 % des cas sont contaminés par 20 % des sujets infectés.

… aux faits a priori non contagieux

Une épidémie a 4 phases : début, croissance, pic et déclin, tout comme les bulles financières, tout comme la propagation d’un virus informatique, tout comme la criminalité dans une ville, tout comme… Chaque phase peut donc être analysée pour comprendre ces divers faits et tenter de les prévenir ou d’en prévenir les effets. Etant chercheur, l’auteur sait aussi exposer les limites des diverses méthodes : « … en substance, une modélisation n’est qu’une simplification du monde destinée à nous aider à comprendre ce qui pourrait arriver dans une situation donnée ». Il fait donc la synthèse des données acquises dans plusieurs domaines montrant que les lois de la contagion semblent s’appliquer à certains et moins bien à d’autres. Ainsi, il est difficile de dire, lorsque le tabagisme ou l’obésité touchent plusieurs membres d’un groupe, s’il s’agit d’un effet de contagion sociale (des amis copient un même comportement), d’un effet d’homophilie (qui se ressemble s’assemble) ou d’une exposition du groupe à un même environnement.

Ce livre rapporte aussi divers faits relatifs à l’exploitation des données numériques telles des études d’influence faites par Facebook à l’insu de ses utilisateurs, ou encore que « Dès l’instant où nous cliquons sur un lien internet, nous devenons l’objet d’une guerre de rapidité de surenchères. Il faut environ 0,03 seconde au serveur d’un site pour rassembler toutes les informations dont il dispose sur nous et les envoyer à sa régie publicitaire. Celle-ci présente alors ces informations à un ensemble de traders automatisés qui agissent pour le compte des annonceurs. 0,07 seconde plus tard, les traders proposent des enchères pour nous montrer leur publicité. La régie publicitaire choisit l’enchère gagnante et envoie la publicité à notre navigateur qui la fait apparaître sur notre page internet en cours de chargement ». 

Au chapitre mésinformation, on y rappelle que « les journalistes ne font pas seulement partie de la manipulation des médias, ils en sont le trophée » pouvant devenir des « super-contaminateurs » et que « lorsque le KGB formait ses agents étrangers pendant la guerre froide, il leur apprenait comment semer le doute dans l’opinion publique et saper la confiance dans les vraies informations. Voilà ce qu’est la désinformation. Elle n’est pas là pour nous convaincre qu’une histoire fausse est vraie, mais pour faire douter de la notion même de vérité. L’objectif est de brouiller les faits pour rendre la réalité difficile à cerner ». Et comme le disait un spécialiste « au bon vieux temps du KGB, quand les espions utilisaient cette tactique, le but était qu’un grand média reprenne la désinformation pour en assurer la légitimité et la diffusion ». Les lois éternelles de la contagion… 

François Diévart

  • Auteur : Adam Kucharski
  • Editeur : Dunod
  • Collection : Outils pour la santé publique
  • Date de sortie : février 2021
  • Nombre de pages : 336
  • Prix : 24,90 euros – Liseuse : 16,99 euros




Un guide pour tout savoir ou tout envisager sur la télémédecine

Le diable n’est-il que dans les détails ?

Un guide consacré à la télémédecine incite à réfléchir sur les modalités de cette pratique et ce qu’elle va modifier dans l’exercice médical des prochaines années.

Il y a un an, lors du confinement, plusieurs médecins ont fait des téléconsultations pour la première fois et certains ont initialement trouvé cela facile. Par ce prisme, le plus souvent hors cadre réglementaire, ils n’ont fait qu’aborder une des facettes de l’irruption du numérique dans la pratique médicale, un des modes d’exercice de la télémédecine, oubliant que cette dernière est très réglementée, faisant que le diable est souvent dans les détails… mais pas que.

De quelques détails diaboliques

A cet égard, le livre « Télémédecine et télésoin. L’essentiel pour pratiquer » écrit par Pierre Simon et Thierry Moulin est un guide indispensable, car pratique et relativement exhaustif tout en étant synthétique. Il définit le vaste champ de la télémédecine, ses différents cadres réglementaires et fournit plusieurs exemples de son utilisation. Le chapitre intitulé « Prérequis pour se lancer » est  riche d’enseignements pour le médecin souhaitant pratiquer la télémédecine en en rappelant quelques principes. 

Le premier est de vérifier que la qualité du débit numérique est suffisante. Le deuxième est de déclarer préalablement l’activité de télésanté à son assureur et à la CNIL. Puis, il faut choisir une solution numérique adaptée alors que plusieurs parmi celles proposées ne garantissent pas un prérequis indispensable : la confidentialité des données échangées.

Les auteurs rappellent au passage que les tiers technologiques ont une obligation de couvrir les risques potentiels que le matériel pourrait causer au patient. La solution numérique doit avoir plusieurs fonctions comme un agenda de prise de rendez-vous en garantissant que le médecin connaît déjà le patient et possède les données de sa carte Vitale et la garantie d’une interopérabilité avec les logiciels métiers et le dossier médical partagé, car « … les professionnels médicaux qui réalisent un acte de télémédecine doivent déposer son compte-rendu dans leur dossier médical professionnel ainsi que dans le dossier médical partagé du patient lorsqu’il a été créé ».

Les données colligées pendant la téléconsultation doivent pouvoir être conservées au moins dix ans et toute personne concernée par la télésanté doit être informée de ses droits et consentir explicitement à la collecte et à l’exploitation de ses données personnelles. 

Autre prérequis, se former à la communication par écran interposé et s’organiser pour intégrer la télémédecine à sa pratique.

De quelques évolutions… peut-être diaboliques

Le livre ayant abordé la téléexpertise, la télésurveillance, la téléassistance, l’apport des robots et de l’intelligence artificielle… se termine par une mise en perspective de ce que pourrait être l’activité des médecins en 2030, lorsque la France aura terminé sa transformation numérique. 

Les auteurs prévoient que les patients feront des demandes de soins sur une plate-forme numérique qui, par le biais d’un algorithme et de l’intelligence artificielle, fera un premier tri afin de juger de ce qui relève d’une intervention de santé. 

Dans un parcours de soins coordonné et territorialisé, un infirmier de pratique avancée spécialisé en soins primaires recevra le patient, traitera la demande qui ne relève pas d’un médecin et effectuera la première démarche diagnostique avant que le patient ne soit vu par le médecin et le cas échéant, fera une prescription. 

La prise en charge des maladies chroniques stabilisées se fera à domicile, le parcours de soins sera coordonné par le médecin traitant qui déléguera le suivi régulier à des infirmiers de pratique avancée et fera intervenir si nécessaire d’autres professionnels de santé par téléexpertise. 

Le patient étant par ailleurs télésurveillé par des dispositifs fonctionnant avec des algorithmes à base d’intelligence artificielle devant permettre de gérer rapidement les complications. L’hospitalisation ne sera indiquée que pour des examens de haute technicité, des actes chirurgicaux complexes et des complications médicales graves.

Il sera alors devenu naturel pour le professionnel de santé qu’une partie de son activité soit déléguée et qu’une autre soit effectuée à distance. Les professionnels de santé seront intégrés dans des réseaux et structures pluriprofessionnels et seront plus souvent salariés que libéraux et la plupart des parcours de soins coordonnés seront forfaitisés.

L’irruption du numérique en médecine semble ainsi à considérer comme une des portes d’entrée de ce Nouveau Monde.

François Diévart

  • Auteur : Pierre Simon et Thierry Moulin
  • Editeur : Le Coudrier
  • Collection : Outils pour la santé publique
  • Date de sortie : février 2021
  • Nombre de pages : 175
  • Prix : 29,50 euros – Liseuse : 16,99 euros




La folle histoire des virus

En 2020, un virus de 100 nanomètres de diamètre a (transitoirement ?) tout changé sur la planète Terre et, le mot virus en latin voulant dire poison, beaucoup pensent que les virus sont des poisons mortels. Ce serait dommage de s’arrêter là…

Les virus ont une histoire et cette histoire est passionnante

Ainsi de nombreuses séquences virales sont incorporées au génome humain et semblent avoir permis l’existence humaine par leur apport à la formation du syncytiotrophoblaste, une partie indispensable du placenta. Ainsi, des virus peuvent aider à combattre des bactéries et des infections bactériennes. Ces organismes dont on ne sait s’ils font partie du vivant et définis par certains comme des ennemis mortels sont donc aussi indispensables à la vie et peuvent être bénéfiques. On apprend tout cela en lisant « La folle histoire des virus ». 

Cette histoire a contribué à profondément modifier de très nombreuses façons de voir et comprendre le monde et la vie, et en premier lieu à bousculer les classifications du vivant jusqu’alors patiemment établies et… modifiées au gré des découvertes et des outils les ayant permises.

Le livre part de la physique et des systèmes de classifications des éléments et l’on peut être surpris d’un tel départ, un peu complexe. Ne vous arrêtez surtout pas là car cela aboutit à l’histoire de la classification ou plutôt des classifications du vivant que l’histoire des virus et de la génétique est venue modifier. 

Comment a-t-on découvert les virus ? Comment et à quelles fins se servent-ils de la machinerie cellulaire de leurs hôtes ? Faut-il les considérer comme ne faisant pas partie du vivant lorsqu’ils sont en dehors d’une cellule et faisant partie du vivant lorsqu’ils sont dans une cellule devenue alors une virocellule ?

Dans ce livre, vous apprendrez donc en quoi la découverte des virus a modifié plusieurs concepts. Par exemple, alors qu’un être vivant était défini par sa possibilité à se reproduire de façon autonome, que ce soit de façon sexuée ou non, les virus sont venus modifier cette idée : ils se reproduisent mais utilisent la machinerie des cellules qu’ils habitent. Par exemple, alors qu’on pensait que l’information génétique n’était transmise que par l’ADN, les virus à ARN ont modifié la donne. Par exemple, alors qu’on pensait ne pouvoir être « infecté » que par des organismes vivants, bactéries parasites, puis finalement par des virus, voilà que l’on a aussi découvert que des cellules peuvent être infectées par des fragments de génomes isolés (non encapsidés) appelés viroïdes et que, plus encore, un organisme peut aussi être infecté par une protéine au développement mal abouti, le prion. 

Vous apprendrez le lien entre virus et vaccin et comment une sorte de virus particulier, le bactériophage, pourrait peut-être un jour constituer une solution face à la résistance des bactéries aux antibiotiques. Et tout cela parce que l’auteur de ce livre, Tania Louis, avance pas à pas, en racontant l’histoire en train de se faire, ce qu’il y avait avant, comment une découverte modifie les idées et ouvre d’infinis champs de réflexions, de recherches et de possibles.

« La folle histoire des virus » se lit comme les romans que les anglosaxons dénomment Page Turner, des livres qu’on ne quitte pas avant d’avoir atteint la dernière page, dont les pages se tournent toutes seules. Tania Louis est virologue, docteure en biologie mais elle ajoute  qu’elle est communicante, médiatrice, formatrice, comédienne et curieuse, et tout cela à 31 ans…

Ce livre fait partie d’une collection de la série Humensciences dont le slogan est « humensciences fait entrer la science dans votre vie » sous-groupe des éditions Humensis dont le slogan est « pour une société de la connaissance ». La collection est appelée « Comment a-t-on su ? » et est dirigée par le physicien et vulgarisateur des sciences, Etienne Klein. Pour connaître l’esprit de la collection, il suffit de savoir que,  lors d’un entretien publié le 30 novembre 2020 sur le site TheConversation, à la question « Comment bien transmettre les connaissances scientifiques ? », il répondait : « Si vous n’avez pas le temps d’expliquer comment une connaissance scientifique est devenue une connaissance, ce que vous dites ressemble à un argument d’autorité.

De sorte que la personne qui vous entend a l’impression que vous débitez un truc, que d’autres pourraient contester avec des arguments d’autorité semblables aux vôtres… Mes copains biologistes, quant à eux, ne savent guère dire ce qu’est un quark. Nous avons tous des connaissances scientifiques, mais tous une mauvaise connaissance de nos connaissances. Avoir des connaissances, c’est bien. Savoir comment elles se sont construites en tant que connaissances dans l’histoire des idées, c’est beaucoup plus important ». Tout un programme qui est l’essence même de cette collection et de ce livre.

Passionnant !

  • Auteur : Tania Louis
  • Editeur : Humensciences Editions
  • Date de sortie : 14 octobre 2020
  • Collection : Comment a-t-on su ? dirigée par Etienne Klein
  • Pagination : 353 pages
  • Prix public : Livre : 16,00 € – Format Kindle : 11,99 €




« Maladie française »

Les cardiologues ont toutes les raisons d’apprécier  Philippe Douste-Blazy ; d’abord parce qu’il est lui-même cardiologue et qu’il a exercé la cardiologie avant de devenir professeur de médecine à Toulouse ; surtout parce qu’au cours de l’un de ses passages au ministère de la Santé, il a reçu une délégation de notre syndicat national, fait rarissime pour un syndicat de spécialité, ce qui nous a apporté, entre autres, poids et notoriété.

 connait son parcours politique particulièrement riche : maire de Lourdes puis de Toulouse, il fut à quatre reprises ministre de la Santé ; il fut aussi ministre de la Culture, ministre des Affaires Etrangères, puis secrétaire général adjoint des Nations Unies, avant de présider à l’heure actuelle un fonds de l’ONU Unitlife, consacré à la lutte contre la malnutrition chronique.

Si l’homme politique est connu et reconnu, l’écrivain l’est sans doute un peu moins ; il a  pourtant publié plusieurs ouvrages, dont « Pour sauver nos retraites » ou « La solidarité sauvera le monde » sont peut-être les plus emblématiques ; il a également à son actif de très nombreux articles qui portent sur des sujets divers et pas forcément médicaux.

Dans « Maladie Française », ouvrage consacré à l’épidémie de Covid, on se doute, rien qu’en lisant le titre, que l’auteur se promet d’être avare de compliments.

Grâce à des démonstrations qu’il veut indiscutables, faits et chiffres à l’appui, Il va fustiger l’impréparation Française devant l’épidémie, on pourrait même parler à ses yeux d’impéritie, puisque tout ou presque était écrit d’avance ; d’ailleurs, selon ses dires, par lui-même dès octobre 2004, quand, ministre de la Santé, il présenta à Jacques Chirac et au gouvernement son plan anti pandémie, qui n’aurait rencontré que doute et indifférence malgré le soutien du chef de l’état.

L’ancien ministre stigmatise ensuite « des années d’erreurs successives » ; son successeur Xavier  Bertrand, assisté de son directeur de cabinet, un certain Jean Castex,
avait pourtant pris la mesure du danger potentiel en créant une structure spécifique de lutte contre les urgences sanitaires (Eprus) ; il en fut de même pour la ministre suivante confrontée à la pandémie virale d’avril 2009  mais c’est là que tout a basculé : après que l’épidémie a heureusement tourné court, elle fut accusée de gaspillage des deniers publics voire de soumission aux lobbys de l’industrie pharmaceutique ; de fil en aiguille, les structures existantes furent démantelées et les fameux stocks de masques détruits un peu plus tard sous l’impulsion de Marisol
Touraine sous le mandat de François Hollande ; pour l’auteur, le désengagement de l’état était définitivement dicté par le seul impératif comptable !

Pour autant, on comprend que Philippe Douste-Blazy n’exonère en rien les gouvernements d’aujourd’hui de leur part de responsabilité face à l’épidémie  de Covid : pénurie de masques, de gants, de surblouses, vols de matériels de protection dans les hôpitaux, et bien d’autres erreurs,  avec comme première conséquence la contamination des soignants et des forces de sécurité, bien évidemment en première ligne en période de confinement.

Improvisation et temps de retard permanent ont caractérisé selon lui l’action gouvernementale ; il dénonce au passage « l’hystérie collective » à propos du traitement par l’Hydroxychloroquine, les lobbys de tous ordres, et le refus de suivre les exemples de pays tels que l’Allemagne ou la Corée du Sud qui ont pratiqué dès le début une politique de dépistage massif.

Il plaide en terminant pour une véritable culture de la prévention et la mise en place d’une politique de santé publique qui mérite son nom.

On l’aura compris, l’ouvrage prend souvent la tournure d’un réquisitoire, mais il est assorti de très nombreuses références  et s’appuie sur des faits précis. Il est écrit dans un style alerte et clair, qui en rend la lecture agréable alors même que nombre des thèmes traités sont d’un abord parfois très  technique. 

Bref, il est très intéressant à lire, d’autant qu’il éclaire d’un jour nouveau la personnalité de son auteur, souvent présenté à tort comme un adepte du consensus mou.

Réel atout pour certains, écueil rédhibitoire pour d’autres, ce livre est préfacé par Didier Raoult qui, d’ailleurs, une fois de plus, n’y va pas de main morte. 

  • Auteur : Philippe Douste-Blazy, Didier Raoult (Préface)
  • Editeur : Editions de l’Archipel
  • Pagination : 321 pages
  • Prix public : Livre : 20,00 € – Format ePub (e-book) : 14,99 €




La littérature Covid

Voici, pour les lecteurs non encore saturés par la surabondance actuelle de la littérature Covid, trois ouvrages dont le contenu nous a paru solide, en tout cas différent de ceux, les plus nombreux, qui accumulent redites, affabulations et thèses complotistes diverses et variées.

Et Après ?

Ce n’est pas forcément dans ce domaine que l’on attendait Hubert Védrine, l’ancien ministre des Affaires étrangères de François Mitterrand. 

Voilà pourtant que l’homme qui a passé quelque quatorze ans à la tête du Quai d’Orsay  se livre à une belle analyse de la pandémie dans un ouvrage  sans détours ni concessions pour évoquer ce que pourrait (ou devrait) être l’après-Covid.

Comme bien d’autres, il commence par un rappel incisif des avertissements parfois anciens dont le pays n’a pas su ou voulu tenir compte ; tout y passe, depuis le rapport de la CIA en 2008, depuis celui du livre blanc français sur la défense et la sécurité nationales jusqu’aux sombres prophéties de Bill Gates, en passant par la loi relative à la préparation du système de santé français, dont notre cher ami Claude Le Pen regrettait peu avant sa mort qu’elle n’ait jamais été suivie d’effet.

Surtout, l’ancien ministre veut se projeter dans le futur : dans la panique sanitaire et économique qui a suivi l’épidémie, la bataille de l’après a déjà commencé entre ceux qui veulent un retour à la normale et ceux qui appellent à un changement relatif ou radical.

La question est de savoir ce qui demeurera et ce qui doit être modifié, en essayant d’éviter l’effondrement économique mondial sans sacrifier l’urgence vitale de l’écologisation, en repensant le tourisme, les grandes manifestations, voire en refondant un véritable système international d’alerte sanitaire.

Dans cet essai vif et dense, Hubert Védrine se penche en profondeur sur tous les débats qui vont forger l’après pandémie mondiale.

  • Auteur : Hubert Védrine
  • Editeur : Fayard
  • Pagination : 144 pages
  • Prix public : Livre : 12,00 € – Format Kindle : 8,49 €


Epidémies, vrais dangers et fasses alertes – de la grippe aviaire au covid-19

Cet ouvrage de Didier Raoult est lui aussi très intéressant ; le microbiologiste qu’on ne présente plus passe en revue la quasi-totalité des épidémies passées et présentes, dont au passage les coronavirus qui n’occupent qu’un chapitre ; Ebola, grippes aviaires, H1N1, ZIKA, etc. tout est rappelé et décrit pour fustiger une fois de plus, chiffres à l’appui, la maladie de la peur véhiculée selon lui par les exagérations de la presse qui sait que « la peur fait vendre ».

L’auteur s’en prend également à l’OMS, non, comme Trump, parce qu’elle serait inféodée à tel ou tel pays, mais parce qu’elle publie sur son site des informations erronées et graves, telles l’existence d’un vaccin contre le Paludisme (!!) ou contre l’hépatite E qui selon lui ne sont pas disponibles et loin s’en faut. 

Il regrette en revanche l’absence de recommandations en France sur les vaccinations contre la varicelle, la grippe chez les enfants ou les rotavirus responsables de gastroentérites parfois sévères.

Pour Didier Raoult, la transmission accélérée des épidémies à leur début, leur variation saisonnière et leur disparition sans raison apparente sont des éléments difficiles à expliquer par la science elle-même.

Dans ces conditions, brandir chaque jour le nombre de nouveaux cas et de nouveaux morts comme un épouvantail ne sert qu’à provoquer des réactions disproportionnées par rapport aux risques réels qui ne peuvent qu’être négligés dans le même temps.

Le tout dans le style qu’on lui connait, direct, concis, sans périphrases, où l’opinion laisse le plus souvent la place aux faits et aux données chiffrées.

  • Auteur : Didier Raoult
  • Editeur : Michel Lafon
  • Pagination : 160 pages
  • Prix public : Livre : 12,00 € – Format ePub : 8,99 €


Covid : Anatomie d’une crise sanitaire

Jean-Dominique Michel, anthropologue depuis 25 ans s’est spécialisé dans l’anthropologie de la santé ;  comme il le déclare avec humour en commençant, c’est une matière qui a de la peine à nourrir son homme, mais qui est passionnante à bien des égards, conduisant à « explorer des territoires lointains au propre et au figuré et à chercher à comprendre l’espèce humaine, ses comportements et ses croyances ».

Jean Dominique Michel, dit-il, est le premier à avoir perçu le décalage  entre la réalité de l’épidémie et les discours des autorités politiques et sanitaires. Absence de tests de dépistage, confinement généralisé de toute la population, mensonge (selon lui) sur le rôle des masques, il dissèque toutes les décisions qu’il qualifie d’absurdes.

Grâce à un solide travail documentaire, il veut nous faire comprendre que les pouvoirs publics ont failli et pourquoi nous aurions pu agir autrement.

Surtout, il veut mettre en lumière le mal qui, selon lui, sape notre système de santé et nous propose de bâtir une véritable démocratie sanitaire grâce à la résilience collective que nous avons acquise durant l’épreuve.

On l’aura bien compris, il s’agit là d’un ouvrage fortement engagé et décapant mais lui aussi solidement étayé et dont la lecture s’avère enrichissante.

  • Auteur : Jean-Dominique Michel
  • Editeur : Humensciences Editions
  • Pagination : 224 pages
  • Prix public : Livre : 17,00 € – Format Kindle : 11,99 €

Bon courage et bonnes lectures ! 




Prenez rendez-vous… Avec vous !

Une fois n’est pas coutume, commençons par  parler de l’auteur, certes bien connu de la plupart d’entre nous, mais pas forcément sous toutes ses facettes.

Alain Ducardonnet est médecin ! C’est primordial, à n’en pas douter, car « seul un vrai médecin pouvait écrire ces pages » ; c’est en tout cas ce qu’affirme Jean-Christophe Rufin, de l’Académie française et médecin lui aussi, qui a joliment préfacé ce livre. Mais Alain Ducardonnet, c’est bien d’autres choses : d’abord il ressemble à Harrison Ford et ce doit être important, car le même Dr Rufin s’empresse de le souligner au début de sa préface, tout comme l’auteur, qui l’évoque dès son premier chapitre !

Plus sérieusement, Alain Ducardonnet a beaucoup de cordes à son arc : cardiologue, il s’est spécialisé dans la cardiologie du sport, il a d’ailleurs, avec d’autres, fondé le Club des cardiologues du sport, dont il fut le premier président et a été médecin du tour de France pendant onze années ; il fut également Président du Collège National des Cardiologues Français dont il reste administrateur. 

Mais c’est pour d’autres raisons qu’il est connu du grand public : Alain Ducardonnet s’est assez vite orienté vers le journalisme médical, à la radio d’abord, à Europe 1, puis à la télévision, LCI, TF1 et maintenant BFM-TV dont il est le consultant-santé. Joli palmarès à n’en pas douter, complété par la page santé du Parisien Week-end qu’il tient depuis cinq ans, et par le prix Escoffier-Lambiotte, reçu en 2019.

Après un riche préambule qui nous éclaire de façon sympathique sur son propre parcours, l’auteur nous entraine vers dix rendez-vous qui proposent au lecteur de faire le point sur lui-même et l’incite à « repenser son mode de vie pour devenir l’acteur principal de sa santé ».

Notons au passage qu’il n’aime pas le terme de « médecines alternatives », ambigu et contre-productif selon lui, car semblant s’opposer à la médecine conventionnelle, lui préférant de beaucoup la notion de médecine intégrative…

Celle-ci, apparue dans les années 1990 aux Etats-Unis, peut également s’appeler « médecine de santé », qui cherche, en gros, à rassembler médecine conventionnelle, médecine des modes de vie et médecines complémentaires validées.

Prendre rendez-vous avec soi, c’est se garder du temps dans son agenda ; pour en faire quoi ? C’est ce qu’Alain Ducardonnet nous propose de découvrir avec ces dix rendez-vous qu’il veut incontournables, qui nous invitent à faire le point sur nous-mêmes en repensant notre mode de vie.

De tous ces rendez-vous, le stress, le sommeil, le tabac, j’en passe évidemment, j’en retiens plus particulièrement deux, sans doute un peu plus « ludiques » que les autres tout aussi primordiaux : la nutrition et l’activité physique.

La nutrition est probablement « la » préoccupation principale de tout individu qui s’intéresse à sa santé ; l’auteur s’attache à développer ce thème avec beaucoup de précision et de sérieux, colligeant toutes les données validées, les types de comportements, démontant au passage ces régimes amaigrissants qui…font grossir, pour préciser les sept points de repère à garder en tête pour équilibrer son alimentation sans se prendre la tête ni perdre sa joie de vivre. 

L’activité physique et sportive est, on le sait, le domaine de prédilection de l’auteur, particulièrement enthousiaste sur ces pratiques dont les bienfaits n’en finissent pas d’être démontrés par d’innombrables études. Au passage, il prend le soin de bien expliquer la différence entre sport et activité physique, cette dernière ayant largement prouvé son bénéfice, alors que le sport est salutaire… si sa pratique est adaptée.

Tout au long de l’ouvrage, à l’aide de quiz-santé, de conseils et de pratiques simples, Alain Ducardonnet invite le lecteur à gommer ses mauvaises habitudes pour en adopter d’autres, bénéfiques pour sa santé.

Ce livre, clair, didactique et très complet, est à recommander largement à tous les sujets  qui s’intéressent à leur santé, patients ou (j’allais dire surtout) bien portants, comme aux professionnels de santé désireux d’apporter à leur patientèle des préceptes qui vont au-delà de la médecine dite conventionnelle.




Nostradamus et ses prédictions pour 2020

Et si tout ce qui nous arrive était prévu ?

Mieux que Didier Raoult, qui dans un rapport au ministère de la Santé avait mis en garde dès juin 2003 contre la menace de virus émergents dont le phénomène le plus redoutable serait l’apparition de mutants de virus respiratoires, notamment de la grippe, par introduction de virus d’origine animale dans le monde humain.

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Le naufrage des civilisations

Je suis né en bonne santé dans une civilisation mourante et tout au long de mon existence, j’ai eu le sentiment de survivre sans mérite ni culpabilité…

C’est par ce bel incipit, qui d’ailleurs nous en rappelle un autre tout aussi savoureux (« je suis né dans la ville d’Aubagne, sous le Garlaban couronné de chèvres, au temps des derniers chevriers »), que nous entamons notre périple dans le dernier ouvrage d’Amin Maalouf.

Qui a lu, entre autres, « Léon l’Africain », « Les Echelles du Levant », ou surtout l’excellent « Rocher de Tanios », prix Goncourt 1993, sait tout ce qu’Amin Maalouf apporte à la littérature. 

Sa carrière d’écrivain en tous points remarquable lui a valu d’être reçu à l’Académie française en 2011 au fauteuil de Claude Levi-Strauss ; il a publié, outre les romans sus-cités et bien d’autres, des ouvrages historiques comme « Origines » ou « Les Croisades vues par les Arabes » ainsi que des essais comme « Les identités meurtrières » ou « Le Dérèglement du monde ».

Ses livres sont traduits dans une cinquantaine de langues.

Avec le naufrage des civilisations, l’auteur veut nous amener à partager ses analyses d’un monde qu’il estime, et on le comprend, en grand péril ; Amin Maalouf est digne de confiance tant il semble avoir la prescience des grands bouleversements de l’Histoire ; il s’inquiétait il y a vingt ans de la montée des « identités meurtrières », il nous alertait il y a dix ans sur « Le dérèglement du monde ».

Aujourd’hui il nous explique pourquoi toutes les aires de civilisation sont menacées de naufrage.

Depuis plus d’un demi-siècle, l’auteur observe le monde et le parcourt ; Il était à Saïgon à la fin de la guerre du Vietnam, à Téhéran lors de l’avènement de la République islamique.

Dans ce livre puissant et ample, il fait œuvre de penseur et de spectateur engagé, racontant parfois des événements majeurs dont il s’est trouvé l’un des rares témoins oculaires.

« C’est à partir de ma terre natale que les ténèbres ont commencé à se répandre sur le monde » écrit-il tristement avant d’évoquer l’extinction du Levant tolérant et les secousses sismiques du monde arabo-musulman, dont les répliques ont affecté, de proche en proche, la planète entière.

Il émet l’hypothèse d’un grand retournement qui aurait métamorphosé les sociétés humaines et dont nous serions aujourd’hui les héritiers hagards.

Pour autant, l’auteur se défend de prêcher le découragement, et reste persuadé qu’un sursaut demeure possible, pour éviter au paquebot des hommes de continuer, tel le Titanic, à naviguer vers sa perte.

A moins que, finalement, comme l’écrivait Constantin Cavafy dans l’un de ses Poèmes, cités ici par Amin Maalouf « Ce que réserve l’avenir, seuls les dieux le connaissent, les hommes sages ne perçoivent de l’avenir que ce qui est imminent » !

Cet ouvrage qui a reçu le prix Aujourd’hui 2019 est vraiment magnifique.

 




Anglais médical

Nous pensons tous avoir assez de connaissances pour parler et comprendre l’Anglais médical sans l’aide d’un quelconque guide ou dictionnaire qui serait plus encombrant que nécessaire. A force de fréquenter les congrès internationaux et les revues anglophones, nous n’avons aucun mal à nous débrouiller ! Du moins le croyons-nous…

Ce remarquable ouvrage, avec sa cinquième édition toute récente, nous montre, presque à chaque chapitre, le contraire.

Comme l’indique l’auteur dans son avant-propos, ce livre avait été initialement conçu en 1990 comme une aide à la communication pour un médecin francophone travaillant dans un pays anglophone.

Puis, de fil en aiguille, et le succès aidant, les rééditions se sont succédé jusqu’à cette cinquième, parue en septembre dernier, pour modifier le concept et en faire, plus qu’un dictionnaire, un guide pratique et peu contournable pour qui a peu ou prou l’intention de comprendre l’essentiel et les détails du langage médical anglais…

La structure même de l’ouvrage a été modifiée en 2013 pour refléter l’approche par spécialité de la médecine actuelle en y incluant des illustrations et de nouvelles thématiques.

Et cette dernière édition, que je vous propose de lire, inclut de nouveaux chapitres sur les formalités administratives, les prescriptions pharmaceutiques et le personnel paramédical.

Ce guide de la conversation (mais aussi de l’écrit) permet en effet aux médecins francophones et anglophones d’établir une relation de qualité avec le patient : le plan qui traite de chaque spécialité est identique, avec interrogatoire, liste des pathologies courantes, pharmacologie, examens clinique et paraclinique ; à tout seigneur tout honneur, c’est la rubrique cardio-vasculaire qui ouvre le bal, avec en exergue l’électrocardiogramme et la thérapeutique.

On y trouve également un tableau particulièrement soigné d’équivalence actualisée entre les principaux médicaments prescrits en France et Outre-Manche, de même que des notions utiles de conversation chez le pharmacien ou des expressions indispensables au suivi du patient.

Même les traditionnels faux amis ne sont pas oubliés ; et, mine de rien, ce rappel s’avère utile : est-on sûr de connaitre la signification médicale des mots anglais « Theatre » ? « Surgery » ? ou encore « Scan » (non cela ne veut pas forcément dire « scanner ») ?

L’auteure de cette cinquième édition, Eileen Sweeney, est la fille de Mireille Mandelbrojt Sweeney qui a rédigé les quatre éditions précédentes. Après des études bilingues en Irlande et un échange Erasmus à Montpellier, Eileen effectua un stage d’externe au Sénégal avant de superviser l’activité médicale à Médecins sans Frontières au Congo. Elle est actuellement chef de clinique des maladies infectieuses à Dublin.

Ce guide se veut une aide à la fois pour le malade et son médecin au cours d’une consultation médicale, il a également toute sa place auprès des confrères qui fréquentent peu ou prou les congrès internationaux et lisent les revues anglophones si répandues dans le monde médical.




Cœur et Travail – sous la direction de Bernard Pierre

Le temps passe vite et nous en sommes déjà à la troisième édition, à nouveau coordonnée et dirigée par notre ami le professeur Bernard Pierre, cardiologue et président de l’association Cœur et Travail.

L’ouvrage, préfacé par rien moins que les présidents des trois structures phare que sont la Société Française de Cardiologie, la Fédération Française de Cardiologie et le Collège National des Cardiologues Français, regroupe une soixantaine de chapitres rédigés par 70 auteurs reconnus, cardiologues ou médecins du travail pour la plupart.

Les deux précédentes éditions, dont Le Cardiologue s’était fait également l’écho, avaient connu un franc succès ; mais il est apparu d’évidence qu’un troisième traité s’imposait pour s’adapter aux attentes du lectorat actuel et permettre aux différents spécialistes concernés de « glaner » rapidement les informations nécessaires : données fondamentales (épidémiologiques, cliniques, paracliniques), critères d’évaluation cardiologique, critères d’évaluation du poste de travail, critères juridiques, et, couronnant chaque fin de chapitre, description des arbres décisionnels (ce qu’il faut toujours faire, ce qu’il ne faut jamais faire, ce qu’il faut discuter au cas par cas).

Le cœur a fait l’objet de nombreux textes réglementaires, et  de nouveaux arrêtés se font jour régulièrement, comme les nouvelles recommandations de maintien à l’emploi, parues sous l’égide de la Haute Autorité de Santé. Mais, comme le souligne dans son introduction le professeur Jean Dominique Dewitte, président de la société française de médecine du travail, la médecine du travail est aussi une discipline de la prévention qui s’inscrit clairement dans le cadre plus large de la santé publique. Et c’est bien l’une des préoccupations premières de l’ouvrage comme pourrait en témoigner son sous-titre « prévention, prise en charge, maintien dans l’emploi ».

C’est ainsi que reste plus que jamais impératif la collaboration entre le cardiologue et le médecin du travail, à charge pour le  premier d’évaluer les performances et les risques de nos patients, pour le second d’établir leur adéquation aux postes de travail.

« On ne va pas au travail pour risquer sa santé, voire sa vie, et cet ouvrage a l’ambition de contribuer à diminuer le risque encore trop élevé de se tuer au travail » ; c’est cette phrase qui termine la quatrième de couverture ! Acceptons-en l’augure et  proposons ce livre à tous les cardiologues légitiment désireux d’optimiser la prise en charge de leurs patients.

  • Auteur : Bernard Pierre
  • Editeur : Frison-Roche
  • Format : 16×24 cm
  • Prix public : Livre : 68,00 €



Atlas d’anatomie humaine – 7e édition

On pourrait en préambule demander que ceux qui ne connaissent pas « le Netter » lèvent le doigt, tant il représente, depuis plus de 25 ans, l’Atlas de référence internationale.

Comme chacun sait, le succès de cet ouvrage réside dans la qualité et la beauté du travail du Dr Frank Netter, ainsi que ceux du Dr Machado, cardiologue, parmi les plus grands illustrateurs médicaux au monde. Ensemble, ces deux médecins-artistes au talent hors du commun mettent en évidence le corps humain du point de vue du clinicien.

Cette septième édition s’enrichit de nombreux contenus, la rendant encore plus précieuse et didactique :

  • Une nouvelle section « vue d’ensemble des systèmes » offre une vue complète des vaisseaux, des nerfs et des lymphatiques.
  • Plus de 25 nouvelles illustrations du Dr Machado présentent les structures anatomiques ayant une implication clinique (dont par exemple – pour le Cardiologue – les veines profondes des membres inférieurs), ainsi que des zones difficiles à visualiser.
  • De nouveaux tableaux cliniques à la fin de chaque section régionale se concentrent sur les structures qui ont une signification clinique particulière ; ces tableaux fournissent des résumés rapides, qui précisent dans quelles illustrations ces structures sont les mieux visibles.
  • Plus de 50 nouvelles images radiologiques utilisant les nouveaux outils d’imagerie médicale permettent de relier l’anatomie illustrée à l’anatomie vivante pour aider à la compréhension et à la pratique quotidienne.

La terminologie internationale – Terminologia Anatomica – a été mise à jour, l’ancienne ayant été intégrée entre parenthèses pour faciliter la compréhension.

Enfin, et peut-être surtout, cette septième édition donne accès aux compléments en ligne français – planches à légender, QCM avec réponses commentées ainsi que 100 cas cliniques – et à l’ensemble des compléments en ligne américains – nouveaux modèles tridimensionnels, vidéos de dissections, planches commentées.

Le cardiologue se « jettera  sur la section 4 (Thorax) » et, plus précisément, sur les célébrissimes planches sur les valves et les cavités cardiaques que les échographistes doivent (en principe) bien connaitre.

L’anatomie est la mère de toutes les disciplines médicales et chirurgicales, rappelle dans sa préface Jean-Pierre Richer, anatomiste et professeur des Universités à l’université de Poitiers ; ce remarquable ouvrage en est la parfaite illustration !

Cet Atlas reste bien LA référence indispensable à tous les étudiants en médecine, et bien au-delà à tous les chirurgiens  et médecins soucieux d’impliquer l’anatomie dans la résolution de problématiques cliniques. 

Un monument !

  • Auteur : Frank H. Netter
  • Editeur : Elsevier Masson
  • Pagination : 672 pages
  • Prix public : Livre : 85,00 €



Guide pratique de la maladie veineuse thromboembolique

Comme l’écrit si justement dans sa préface le Pr Ismail Elalamy, actuel président de la société française d’angiologie, « la maladie thromboembolique veineuse est un ennemi majeur de santé publique avec son incidence croissante (ndr : quand elle n’est pas mortelle), et ses conséquences délétères sur la qualité de vie ».

Regroupant la maladie veineuse et l’embolie pulmonaire, elle correspond à la troisième cause de mortalité cardiovasculaire, derrière l’infarctus du myocarde et l’accident vasculaire cérébral.

Depuis plus de cinquante ans, les progrès techniques d’imagerie médicale et l’avènement des différentes formes d’anticoagulants ont permis de mieux connaître cette pathologie qui doit être appréhendée comme une affection chronique nécessitant un suivi médical au long cours. Or, ce suivi ne peut s’envisager qu’à travers une mise à jour régulière des connaissances, et c’est précisément l’objet de cet ouvrage.

L’arrivée sur le marché des anticoagulants oraux directs fait partie des évolutions qui ont modifié les schémas thérapeutiques de cette maladie ; les résultats des nombreuses études cliniques déjà réalisées ou en cours vont permettre de définir de nouvelles recommandations dont les plus récentes sont synthétisées dans ce guide pour offrir une stratégie diagnostique et thérapeutique adaptée à chaque situation.

Cet ouvrage aborde les trois dimensions de cette maladie aigüe puis souvent chronique : les bases physiopathologiques, les approches diagnostiques et les propositions thérapeutiques. 

L’approche est clairement didactique avec des chapitres bien différenciés, des schémas et tableaux très nombreux et clairs et de multiples questions pratiques destinées à faciliter la pratique clinique dans son exercice quotidien.

L’auteur, le docteur Ariel Tolenado, spécialisé en échographie-doppler et en laser vasculaire, a déjà rédigé plusieurs ouvrages sur les maladies vasculaires ; homme de terrain autant qu’expert, il veille à apporter un éclairage synthétique en faisant le tour des recommandations les plus récentes sur le sujet.

Paru aux éditions Med-Line dans la série des guides pratiques, l’ouvrage s’adresse aux étudiants comme aux médecins généralistes et vasculaires, et faut-il le préciser, à tous les cardiologues désireux de ne pas délaisser cette pathologie si fréquente et potentiellement si grave.

  • Auteur : Ariel Toledano
  • Editeur : Med-Line
  • Pagination : 210 pages
  • Prix public : Livre : 15,00 €



Traité de médecine – 5e édition. Tome 1

La nouvelle édition du Traité de Médecine vient d’être publiée par les éditions du Traité de Médecine. 

Cette maison d’édition créée en juin 2018 est exclusivement dédiée à la publication de cet ouvrage de renom. Ce traité est en effet depuis plus de trente-cinq ans l’ouvrage de référence en langue française des connaissances médicales, utile aux médecins généralistes, aux spécialistes, aux étudiants et, d’une façon générale, à l’ensemble du monde de la santé. Des générations  de praticiens confirmés ou en formation ont possédé ce livre, que les moins jeunes d’entre nous appelaient familièrement le « Godeau », du nom du professeur Pierre Godeau, malheureusement disparu en octobre 2018, qui le créa en 1981. Pierre Godeau a transmis cette œuvre magistrale au professeur Luc Guillevin, qui, aidé des Professeurs Mouthon et Lévesque, a entièrement remis à jour le Traité en restant fidèle à l’esprit de son créateur : remettre la séméiologie, l’interrogatoire et l’examen clinique au centre du diagnostic.

Cette cinquième édition est augmentée et complètement refondue : 3 volumes (dont 2 en cours de parution), 40 coordonnateurs, plus de 1 000 auteurs, 5 000 pages et plus de 900 chapitres, avec une maquette aérée, lisible, complétée d’un index de 200 pages contenant 30 000 entrées, avec 2 000 illustrations, schémas ou arbres décisionnels et 1 500 tableaux !

Outil indispensable pour la pratique quotidienne et l’actualisation des connaissances, le Traité regroupe l’essentiel des données scientifiques actuelles en retraçant les évolutions de la recherche fondamentale, de la pratique clinique et des avancées thérapeutiques.

Le sommaire de ce premier tome est des plus alléchants puisqu’on y trouve : grands syndromes, éthique médicale,  médecine interne, hématologie, cardiologie, médecine vasculaire, médecine intensive et réanimation, urgences, cancérologie et douleur.  Les plus grands spécialistes des disciplines concernées ont participé à la rédaction ; pour ce qui nous concerne plus précisément ici en cardiologie, citons J.-P. Bourdarias, N. Clémenty, P. Guéret, N. Danchin, S. Weber, A. Cohen-Solal et bien d’autres, sous l’éminente coordination d’Olivier Dubourg.

Un monument.

Mais l’essentiel réside peut-être dans son évolutivité : l’ouvrage ne se contente plus, comme d’autres ouvrages exclusivement « papier », d’être un livre dont la durée de vie risque d’être brève, se périmant en quelque sorte d’autant plus rapidement que les connaissances médicales progressent constamment.

Le Traité est désormais publié avec un abonnement à un site internet dédié, reprenant tous les chapitres qu’il réactualise au fil du temps, en introduisant des suppléments sous forme de textes, de tableaux ou de vidéos. L’actualisation sera donc permanente.

A mettre, au plus vite, entre toutes les mains !

Auteurs : Collectif – Loïc Guillevin – Luc Mouthon – Hervé Lévesque – Pierre Godeau
Editeur : Lavoisier
Pagination : 1 680 pages
Prix public : Livre : 245,00 €




Guide pratique d’IRM

A l’hôpital public ou en établissement privé, l’imagerie par résonance magnétique est devenue pour le radiologue comme pour le prescripteur un examen de pratique quotidienne.

Ce guide, initié par l’ouvrage de 2007 réédité en 2012, propose pour chaque type d’examen :

  • une liste de points à analyser de façon systématique, à type de « check-list » ;
  • une analyse descriptive de chacune des images présentées ;
  • un développement stratégique consacré au choix de l’examen d’imagerie, à la technique et aux points d’interprétation.

Les entrées abordées correspondent à des motifs de consultation et sont adaptées à la pratique quotidienne ; le livre propose toutes les informations nécessaires à l’interprétation correcte des différents examens en intégrant les données séméiologiques utiles à la rédaction du compte rendu ; les textes sont courts et énumératifs, avec des encadrés spécifiques pour minimiser les risques de confusion.

Ce nouvel ouvrage, qui  reprend le concept de ses prédécesseurs avec encore plus d’illustrations et des textes mis à jour, devrait rencontrer le même succès :

D’abord parce qu’il répond à un besoin : il est la parfaite illustration du vade-mecum, celui que l’on garde près de soi pour le consulter si nécessaire ; toujours pratique, comme indiqué dans le titre et confirmé dans le texte, il doit guider l’analyse d’un examen en permettant d’éviter les pièges et de structurer un compte rendu ; dans le monde de l’IRM, où la standardisation n’est encore qu’un objectif à défaut d’être devenu la règle, il est agréable de pouvoir compter sur un livre qui simplifie les pratiques et indique clairement la ligne directrice.

Ensuite à cause du talent de  l’auteur principal : le professeur Lionel Arrivé, radiologue à l’hôpital Saint- Antoine à Paris, possède le don de hiérarchiser ce qui est important et ce qui l’est moins, et surtout de partager son message aussi clairement que possible, organisant une ligne éditoriale homogène avec ses collaborateurs, les docteurs Pierre Le Hir, Céline Quach et Malik Moustaphir, également radiologues à Paris.

Cet ouvrage s’adresse aux radiologues débutants ou confirmés amenés à pratiquer l’IRM, et, au-delà, à tous les cliniciens désireux de parfaire leur culture radiologique et de mieux cerner les indications des examens d’imagerie.




A cœur ouvert

C’est avec un réel plaisir que nous nous faisons ici l’écho de la dernière publication de Robert Haïat, éminent collaborateur et ami du Cardiologue, intitulée « A cœur ouvert ».

Robert est aussi le signataire de l‘un de nos cahiers FMC les plus prestigieux, les Best of en cardiologie, dont le premier volet paraît ici même en ce numéro. Ces Best of, nous le savons, sont attendus chaque année par nos lecteurs avec plus d’impatience, tant pour l’exhaustivité des informations rapportées que pour leur remarquable présentation si claire et didactique !

Robert Haïat, cardiologue, faut-il le rappeler, et fondateur du service de cardiologie de l’Hôpital de Saint-Germain-en-Laye, est connu depuis longtemps pour ses nombreuses publications, qui font référence, sur les grands essais cliniques ou les recommandations et prescriptions en cardiologie.

Mais l’auteur a plusieurs cordes à son arc ; il a déjà signé des ouvrages non médicaux, comme celui qui se rapporte aux rues de Saint-Germain-en-Laye, ou plus récemment celui qu’il avait intitulé « mots patients, mots passants » dont nous avions parlé dans le journal à sa sortie.

Le livre qu’il nous propose aujourd’hui est en quelque sorte la continuation du précédent qui avait connu, et l’on s’en félicite, un réel succès.

Comme le précise l’auteur, ce nouveau recueil est « la retranscription fidèle et minutieuse de propos entendus en consultation, somme de paroles dont l’auteur a identifié celles qui prennent tout leur sens dans le murmure ou le soupir qui les expriment spontanément ». Ces paroles de patients sont rapportées dans toute leur vérité et leur fulgurance, faisant passer du sourire au rire et du rire aux larmes.

Et pour maintenir une certaine unité aux propos recueillis, l’auteur les a classés par thèmes, en dix chapitres, les citations étant souvent agrémentées de commentaires destinés à faire sourire ou en expliciter le sens. Tous ces « mots », derrière lesquels une lecture attentive nous laisse facilement découvrir les « maux » de ceux qui les prononcent, ont une valeur indéniable ; certains sont même véritablement truculents, illustrés par ce bref florilège :

– « Mon médecin qui est une femme charmante m’a dit : vous avez une prostate de jeune fille.»
Ou
– « Quand j’ai épousé mon mari il y a plus de trente ans, il était à découvert ; eh bien, aujourd’hui, il l’est toujours ! »
Ou encore
– « Un pessimiste, c’est un optimiste qui a de l’expérience.»
Etc, etc.

Et comme le souligne Robert Haïat pour finir, « En consultation, à côté de la sûreté du diagnostic, de l’intelligence artificielle et des robots à venir, c’est l’humain qu’il faut défendre et respecter ».

A méditer et à transmettre sans retenue à toutes les générations de soignant(e)s.

Broché : 102 pages
Format : 110×165 mm
Editeur : Editions Frison-Roche
Prix public : 13,50 €




lkb Cardiologie vasculaire 8e édition 2018

Le succès, faut-il le rappeler, ne se dément pas pour cette conférence KB de Cardiologie-maladies vasculaires entièrement dédiée à la préparation de l’ECN, autrement dit de l’examen classant national. Voilà que la 8e édition, toujours très attendue, est désormais disponible.

Trois ans se sont écoulés depuis la mouture précédente (dont nous avions déjà rendu compte ici), 3 ans pendant lesquels sont survenus beaucoup de changements au sein de la spécialité qui ont motivé une mise à jour de près de 60 % du contenu de l’ouvrage. 

Depuis, ont été publiées en effet les dernières recommandations européennes et françaises sur des items majeurs tels que l’insuffisance cardiaque, l’HTA, la prévention cardiovasculaire, les valvulopathies, les SCA, l’arrêt cardiaque, les AOMI, la syncope, la FA, etc.

Cette édition, pilotée comme les précédentes par le Dr David Attias et le Pr Nicolas Lellouche, a été réalisée avec la collaboration scientifique du Collège National des Cardiologues Français (CNCF) ; elle a été rédigée par une équipe pédagogique composée de 19 médecins, dont 8 PU-PH qui se sont attachés à donner une vision claire, didactique et consensuelle, dans le but d’éviter les pièges de certains QCM qui ciblent parfois des points de détail.

Le grand atout de cette édition est un support online inédit et unique. Sur le site dédié au livre seront ainsi disponibles :

  • des vidéos pédagogiques « coup de pouce » portant sur des points précis bénéficiant d’une iconographie expliquée,
  • des mises à jour régulières en fonction de la parution de nouvelles recommandations ou de nouveaux traitements,
  • des QCM et des fiches de cours « pour en savoir plus »,
  • de la bibliographie pour ceux qui veulent approfondir les sujets traités au-delà de l’examen classant,
  • des échanges avec l’équipe rédactionnelle via un blog.

Comme le rappelle le Pr D. Messika-Zeitoun qui  en a assuré l’une des  préfaces, cet ouvrage est devenu au fil des années « la référence » dans le domaine de l’enseignement de la cardiologie et de la pathologie vasculaire ;  mais son intérêt déborde largement ce cadre et l’on ne saurait trop conseiller au cardiologue en activité désireux de parfaire sa pratique d’en faire l’un de ses livres de chevet.

Les spécifications du livre
Auteurs : Dr David Attias et le Pr Nicolas Lellouche avec la collaboration du CNCF
Editeur : Editions Vernazobres-Grego
Pagination : 732 pages
Prix public : Livre : 39,00 €




Mieux vaut guérir que prédire

Sans doute peut-on rappeler en préambule la remarquable carrière du Professeur Didier Raoult : Professeur de microbiologie à Marseille, il dirige actuellement le plus grand centre consacré aux maladies infectieuses, l’institut hospitalo-universitaire Méditerranée infection ; il est directeur de l’unité de recherche des maladies infectieuses et tropicales émergentes à la faculté de médecine de Marseille, il a été président de l’université de la Méditerranée de 1994 à 1999 ; chercheur internationalement reconnu, ses publications sont innombrables notamment dans les plus grandes revues scientifiques de notre temps, dont il est ou a été rédacteur en chef ou rédacteur adjoint.

Ce livre, pour son auteur, se veut un moyen de combattre la peur, attisée en permanence selon lui par des informations peu ou pas du tout étayées scientifiquement : « les peurs d’hier ne sont pas celles d’aujourd’hui mais elles ont un point commun : elles s’avèrent la plupart du temps infondées ».

« On nous prédit des épidémies terrifiantes qui ne se sont pas propagées, alors que les vrais tueurs sont toujours là, tels le paludisme et la tuberculose ; on nous affole avec les bactéries résistantes, alors que certains vieux antibiotiques restent actifs mais ne sont plus commercialisés ; à l’hôpital, on redoute les maladies nosocomiales, qui seraient beaucoup plus rares si
 les médecins se lavaient les mains et posaient moins de tuyaux ! En 1970, on nous promettait de mourir de froid, aujourd’hui c’est le réchauffement de la planète qui nous menace même si la terre ne s’est pas réchauffée pendant seize ans. On nous mobilise contre les OGM qui pourraient sauver le monde de la famine, occultant l’intervention de 100 prix Nobel qui ont affirmé leur innocuité. Face à une telle incohérence, la première réforme qui s’impose est celle de l’information »

C’est ainsi, avec des phrases choc basées sur des faits avérés, que le Professeur Raoult, tente de rétablir la vérité dans ce livre qui, loin d’être anxiogène, nous montre que tout ne va pas si mal !

L’ouvrage aborde ainsi les angoisses successives et soigneusement entretenues qui méritent, autant que faire se peut, d’être démenties ; les titres sont éloquents : « Ne tirez pas sur les antibiotiques », « Cessons de nous alarmer sur l’antibiorésistance », « Pourquoi sont-ils tous contre l’e-cigarette », etc.

L’auteur va d’ailleurs bien au-delà de son domaine de prédilection, en pourfendant les idées reçues, toujours preuves à l’appui sur les sujets les plus vastes, de l’alimentation au cancer en passant par la maladie d’Alzheimer et les antidouleurs.

C’est dans une deuxième partie tonitruante que sont proposées des pistes pour améliorer la gestion médicale et la politique de santé, de la formation initiale au fonctionnement de nos hôpitaux.

Et c’est dans une dernière partie futuriste que l’auteur traite ni plus ni moins de l’avenir de la planète abordant même le vivre ensemble et le terrorisme.

Rien d’emphatique ni incantatoire cependant, Didier Raoult se contente d’énoncer des faits et d’en tirer des conséquences et des propositions.

Ce livre, destiné avant tout à réapprendre à raisonner, sans tomber pour autant dans un optimisme béat ou un laisser faire coupable, est remarquable de logique et de concision.

A mettre entre toutes les mains, grand public certes mais aussi professionnels de santé motivés.

Les spécifications du livre
Auteur : Didier Raoult
Editeur : Michel Lafon
Pagination : 280 pages
Prix public : Livre (prix public) : 17,95 € – Format Kindle : 12,99 €




Manuel pratique de prévention et de réadaptation cardiovasculaire

Comme l’écrit le Professeur Jean-Paul Broustet en début d’ouvrage dans son remarquable historique sur le réentrainement à l’effort, « l’histoire de la thérapeutique par l’exercice physique est jeune » mais il est sûr que « la réadaptation au sens large du terme a considérablement amélioré la qualité de vie des malades atteints de cardiopathie ».

Ce manuel est à la fois une synthèse et un guide pratique des deux piliers de la réadaptation cardiaque que sont l’entrainement à type de renforcement musculaire et global en endurance et la prise en charge bio-psycho-sociale (c’est-à-dire l’éducation thérapeutique) qui permettra au patient de mieux connaître sa maladie et ses facteurs de risque.

Après un chapitre fort logiquement consacré aux dernières recommandations de la société française de cardiologie, les auteurs entrent dans le concret en définissant les méthodes d’organisation d’un centre de réadaptation cardiaque et les diverses procédures de l’ECG d’effort, du test de marche, de l’ergospirométrie et d’autres techniques de réentraînement.

Plus original, l’ouvrage fait la part belle au contrôle des facteurs de risque, avec un développement tout particulier sur le sevrage tabagique, et à l’éducation thérapeutique en y proposant des modèles de programmes pour la maladie coronarienne et l’insuffisance cardiaque.

Naturellement, les diverses pathologies susceptibles de relever du réentraînement sont abordées dans le détail, de l’insuffisance cardiaque à la coronaropathie en passant par la transplantation, la chirurgie cardiaque et l’angioplastie, la rééducation vasculaire ou encore les cardiopathies congénitales complexes ; les particularités à connaître dans la prise en charge des patients obèses, très âgés ou encore diabétiques font l’objet de chapitres spécifiques bien développés.

Bref, cet ouvrage est remarquable de simplicité tout en se voulant exhaustif et d’esprit didactique sans paraitre austère.

Il est édité sous la direction du Dr Mohamed Ghanem, cardiologue hospitalier et président de l’association francophone de cardiologie préventive, réadaptation cardiaque et cardiologie du sport, qui a fait appel à vingt-trois des meilleurs spécialistes – médecins et kinésithérapeutes – de cette discipline essentielle en cardiologie. Faute de pouvoir les citer tous, notons la présence, outre celle de Mohamed Ghanem et notre ami Jean-Paul Broustet déjà cités, de personnalités bien connues du Cardiologue, telles Richard Brion, François Carré, Jean Gauthier, Dany Marcadet, Catherine Monpère, ou encore Daniel Thomas et Jean-Claude Verdier.

Ce livre est le support de leur enseignement et la valorisation de leur engagement à mieux soigner les maladies cardiaques.




Clot-Bey : un médecin français à la cour du Pacha d’Egypte

Cette biographie passionnante se fonde sur une documentation exhaustive ainsi que sur les mémoires de Clot-Bey ; elle retrace la vie de l’homme et du médecin, et dresse un portrait nuancé de ce personnage plein de contrastes qui a contribué à écrire l’une des pages les plus importantes de l’Egypte moderne.

Né à Grenoble en 1793, Antoine-Barthélémy Clot arrive à Marseille en 1813 pour y étudier la médecine, malgré un manque total de ressources et de sérieuses lacunes dans son instruction. Admis comme externe à l’hôtel Dieu, reçu comme élève interne en chirurgie en 1816, il devient officier de santé en 1817 ; après avoir passé son baccalauréat à Aix-en-Provence en 1819, il devient docteur en médecine à Montpellier en 1820 et docteur en chirurgie en 1823.

Doté d’une forte personnalité et sans doute d’un caractère ombrageux, il a déjà été évincé de ses postes hospitaliers et ouvert avec succès un cabinet privé lorsqu’il est recruté par Tourneau un français au service du pacha d’Egypte, Méhémet Ali, en tant que médecin et chirurgien en chef de l’armée de ce dernier.

Antoine-Barthélémy Clot s’embarque le 21 janvier 1825 pour Alexandrie ; son contrat, prévu pour cinq ans, devait se prolonger jusqu’en 1849.

A peine arrivé, il soigne Méhémet Ali et le guérit d’une gastro-entérite, devenant son médecin attitré et son ami.

Mais, l’état sanitaire du pays est déplorable et la tâche immense. Clot a été le maitre d’œuvre de la modernisation des institutions médicales égyptiennes ; il crée un Conseil de santé et un service sanitaire militaire puis fonde un gigantesque complexe hospitalier à Abou-Zabel et une école de médecine ; il introduit et développe la vaccination antivariolique et crée une école de sages-femmes. Après la terrible épidémie de choléra de 1832, son dévouement exemplaire lui vaut d’obtenir le titre de Bey, qu’il ajoutera à son nom.

Après l’abdication de Méhémet Ali, Clot-Bey revient à Marseille en 1849, avant d’être rappelé en Egypte en 1854 où il retrouve ses fonctions d’inspecteur général de la santé jusqu’à son retour définitif en 1858.

Pendant les quelque trente années de son séjour, Clot-Bey a pu acquérir une importante collection d’antiquités égyptiennes qu’il a cédée à la ville de Marseille et  que l’on peut aujourd’hui admirer au musée de la Vieille Charité.

L’auteur, Bruno Argémi, est médecin lui aussi, spécialiste en endocrinologie ; membre de l’Académie de Marseille, il est depuis 2006 Président de l’association Provence Egyptologie.

Les spécifications du livre
Auteur : Bruno Argémi
Editeur : Gaussen
Pagination : 268 pages
Prix public : Livre : 20,00 €




Et moi, je vis toujours

Pouvait-on, dans cette rubrique médico-littéraire, laisser partir Jean d’Ormesson sans lui adresser l’hommage que méritent sa carrière et sa personnalité ?

Cet ouvrage ultime n’a certes pas grand-chose à voir avec la médecine ou la cardiologie.

Encore que …

Et moi, je vis toujours … Mais qui suis-je ?

Eh bien, je suis l’humanité ; plus que l’humanité, je suis l’histoire, je suis hier, aujourd’hui et demain.

Dans ce roman monde qui revisite l’histoire universelle, Jean d’Ormesson met tout son talent, extraordinairement intact jusqu’au bout, pour nous amener à réfléchir sur l’humanité et bien au-delà, du début – « L’histoire du monde avant l’histoire »  – à la possible fin de l’univers, « ce spectacle indicible d’un monde sans les hommes ».

Tantôt homme, tantôt femme, le narrateur vole d’époque en époque et ressuscite sous nos yeux l’aventure des hommes et de leurs grandes découvertes.
Vivant de cueillette et de chasse dans une nature encore vierge, il parvient, après des millénaires de marche, sur les bords du Nil où se développent l’agriculture et l’écriture.

Tour à tour africain, sumérien, grec ou troyen, ami d’Achille et d’Ulysse autant que d’Hector, citoyen romain, juif errant, il salue les grandes inventions et découvertes, le génie militaire, la Révolution de 1789, les progrès de la science. Marin avec Christophe Colomb, servante dans une taverne à Paris, valet d’un grand peintre ou d’un astronome, Il est partout chez lui, à Jérusalem, à Athènes, à Byzance, à Venise.

Il souligne à merveille les événements marquants des différentes époques, mais on sent bien qu’il garde une certaine préférence pour les grands artistes, écrivains, peintres, musiciens ou bâtisseurs.

Un brin pessimiste ou tout simplement lucide, il pronostique la fin de l’histoire : « je ne suis pas éternelle puisque je suis le temps et que le temps s’écoule ; j’ai passé, je passe, je passerai… »

Rédigé dans un style alerte et vif, avec ce sens de la formule qui fait mouche que l’on reconnaît à l’écrivain, le livre est, comme les précédents, très agréable à lire ; il nous invite, comme les autres, à réfléchir sur l’évolution et la vie; cette vaste entreprise d’exploration et d’admiration finit par dessiner avec ironie et gaîté une sorte d’autobiographie intellectuelle de l’auteur.

« Racine est une mode qui passera comme le café ! », aurait affirmé avec cet aplomb qui caractérise parfois les plus graves erreurs de jugement notre chère marquise de Sévigné.

Gageons que l’œuvre de ce cher Jean d’Ormesson durera autant que celle de Racine !

Les spécifications du livre
Auteur : Jean d’ Ormesson
Editeur : Gallimard
Pagination : 288 pages
Prix public : Livre : 19,00 € – Kindle : 13,99 €




Traité de médecine vasculaire – tome 2

Réalisé sous l’égide de la Société française de médecine vasculaire, du Collège des enseignants de médecine vasculaire et du Collège français de pathologie vasculaire, ce traité a pour ambition de regrouper l’ensemble des connaissances actuelles sur la discipline au sein d’un ouvrage de référence.

Très richement illustré, construit en deux volumes, ce précis de médecine vasculaire propose une mise au point sur des pathologies auxquelles sont  confrontés quasi quotidiennement les cardiologues que nous sommes tout autant que de nombreux praticiens, internistes, chirurgiens vasculaires, radiologues ou dermatologues.

Le premier tome, dont nous avions précédemment rendu compte, aborde  les données de base sur l’athérosclérose (anatomopathologie, physiologie, biologie, séméiologie) et décrit les maladies artérielles.

Divisé en huit parties, ce deuxième volume étudie les diverses pathologies veineuses, lymphatiques et microcirculatoires et fait le point sur la prise en charge thérapeutique du patient vasculaire.

Plus de cent pages sont notamment consacrées à la maladie thromboembolique veineuse avec une description particulièrement poussée des techniques de diagnostic ultrasonique et des modalités diagnostiques et thérapeutiques de l’embolie pulmonaire.

Viennent ensuite l’insuffisance veineuse profonde et superficielle avec un développement spécifique du traitement endoveineux des différentes formes de varices.

Mais c’est dans la description des manifestations microcirculatoires des connectivites et des vascularites systémiques que l’ouvrage affirme son originalité tant pour leur étude clinique précise et didactique que pour l’énoncé exhaustif des possibilités thérapeutiques du moment sur ces pathologies moins courantes et moins souvent abordées.

La dernière partie, consacrée à la thérapeutique, est particulièrement dense : de la pharmacologie vasculaire des médicaments concernés aux traitements chirurgicaux et endovasculaires, en passant par l’éducation thérapeutique et terminant sur les recommandations en vigueur, tout concourt à faire de ce livre une somme exhaustive des connaissances sur la discipline concernée.

Ayant mobilisé 160 auteurs, sollicités pour leur expertise en tant qu’enseignants ou médecins vasculaires, ou praticiens issus d’autres spécialités, coordonnés par un comité de rédaction de dix-huit médecins vasculaires, ce traité est désormais incontournable pour tous les spécialistes amenés à prendre en charge des patients vasculaires.

Il est dédié à la mémoire de François Luizy, ce médecin vasculaire pionnier des ultrasons dans notre pays qui a donné à la discipline ses lettres de noblesse et s’est investi jusqu’au bout dans l’écriture et l’illustration de ce livre de référence ; François, qui a travaillé à plusieurs reprises pour Le Cardiologue, était notre ami, nous aussi saluons très respectivement sa mémoire.

Auteurs : Société française de médecine vasculaire, Collège des enseignants de médecine vasculaire, Collège français pathologie vasculaire

Editeur : Elsevier Masson

Pagination : 952 pages – Format : 210×297 mm

Prix public : broché : environ 200,00 €

format Kindle : 135,99 €




Comment va mon cœur, Docteur ?

Le docteur Nabil Naaman a bien des cordes à son arc : médecin cardiologue, il est aussi spécialiste en médecine aéronautique, médecine préventive et hygiène.

Après avoir cofondé et dirigé une revue de cardiologie, il s’essaie aux ouvrages médicaux en arabe et en français et se complait dans le roman et l’essai ; Le Cardiologue s’était d’ailleurs fait le plaisir de rendre compte dans cette rubrique de son premier roman intitulé « les clefs de la maison d’Albassa en Galilée ». Nabil Naaman est membre du groupement des écrivains médecins ainsi que du PEN Club français et international.

Ici il est question de médecine et plus précisément, spécialité oblige, de cardiologie.

Comment va mon cœur, docteur ? Est le premier livre inaugurant « Médecines, Arts et Lettres », nouvelle collection en gestation.

Où il est question d’innovations, d’explications et autres recommandations d’un praticien après trente cinq années d’exercice de sa profession (c’est lui qui le précise), l’une des plus prestigieuses, qui aura connu les avancées les plus fulgurantes depuis un demi-siècle.

Le style est clairement didactique et les termes utilisés sont à la portée de la majorité des lecteurs.

Mais la Médecine ne saurait être déconnectée des autres sciences, sciences humaines surtout, encore moins des arts et des lettres ; aussi l’auteur fait-il appel non seulement aux cardiologues et chercheurs, mais aussi aux artistes, philosophes et écrivains pour l’aider à comprendre et décrire les facettes multiple et variées du genre humain.

Et c’est à juste titre qu’il écrit dans son prologue qu’il « estime avoir les clefs pour modérer, convaincre et conseiller, et avec probité, discernement et modestie, pouvoir informer ».

Dans sa préface, le professeur Gilgenkrantz insiste d’ailleurs sur l’humanisme de l’auteur autant que sur la quantité et la qualité des informations contenues dans l’ouvrage qu’il recommande à un large public : patients cardiaques ou non mais aussi étudiants qui pourront y trouver de multiples exemples sur la qualité de la relation médecin-patient.

Science sans conscience n’est que ruine de l’âme, prophétisait Rabelais dans cette admirable  formule ; ce livre en est, à sa mesure, l’illustration.

Auteurs : Nabil Naaman

Editeur : Connaissances Et Savoirs Editions

Pagination : 168 pages

Prix public : Livre : 15,50 € – format epub : 4,99 €




L’homme peut-il accepter ses limites ?

Coordonnés par Gilles Bœuf, Jean-François Toussaint et notre ami et précieux collaborateur Bernard Swynghedauw, les différents thèmes abordés ici sont une nouvelle traduction écrite du colloque intitulé « L’homme peut-il s’adapter à lui-même », organisé à Paris à la fin 2010 puis au Collège de France en mai 2104.

Dix-neuf orateurs, dont Yves Coppens, Hubert Reeves, Boris Cyrulnik ne sont pas les moindres, ont accepté de donner un texte écrit, enrichi de données actuelles, tous regroupés dans cet ouvrage sous l’intitulé général « L’homme peut-il accepter ses limites ? »

C’est que pour les auteurs, malgré les alertes et quelques améliorations, le constat reste alarmant : partout, les dates de récolte avancent ; partout, les aires de répartition d’espèces marines et continentales sont spectaculairement modifiées ; les effets du changement climatique se superposent aux dégradations directes de l’environnement, et cela pour toutes les espèces vivantes y compris l’espèce humaine.

L’homme va-t-il être capable de réagir à temps ? Pour s’adapter, ne faut-il pas d’abord accepter de changer ?

« Il y a toujours de l’improbable dans l’histoire humaine, le futur n’est jamais joué… » ; Edgard Morin, cité dès l’introduction de l’ouvrage, donne ainsi le ton.

Chacun dans leur domaine, les scientifiques nous livrent ce que pourraient être les conditions d’une réelle métamorphose, celle qui nous permettrait d’accepter nos limites dans la diversité d’une planète dont nous ne sommes qu’un des éléments.

Naturellement, cette vision environnementaliste extrême de la planète et de ses occupants, avec un certain parti pris de culpabilisation de l’homme, aura ses détracteurs, y compris au sein de la communauté scientifique ; ce qui est certain, c’est que jamais ce plaidoyer ne donne dans l’incantation ; tous les constats et propositions reposent sur des arguments solides et clairement exposés.

Gilles Bœuf est professeur à l’université Pierre et Marie Curie et conseiller scientifique auprès du ministère de l’Environnement.

Jean-François Toussaint est président du groupe adaptation et Prospective du Haut Conseil de la Santé publique et professeur de physiologie à l’université Paris Descartes.

Bernard Swynghedauw est directeur de recherche émérite à l’Inserm, membre correspondant de l’académie de médecine et ancien président de la FEPS (Federation of the European Physiological Societies) ; c’est aussi, faut-il le rappeler, l’un des rédacteurs les plus prestigieux du Cardiologue.

Cet ouvrage s’adresse à un large public, médical ou non, familier des sciences et intéressé par les enjeux qu’il aborde ; il concerne en fait tout citoyen conscient des priorités à venir.

Auteurs :  J.-F. Toussaint, B. Swynghedauw, G. Boeuf
Editeur : Quae
Pagination : 198 pages
Prix public : Livre : 24,50 € – format Kindle : 16,99 €




Arythmies cardiaques illustrées et expliquées

Avec un tel monument, Robert Grolleau et Pierre Gallay frappent un grand coup dans la diffusion et l’enrichissement des connaissances en rythmologie.

Comme le précise Robert Grolleau dans son avant-propos, ce livre est à la fois l’histoire de cinquante ans de rythmologie française et celle du cours de perfectionnement en rythmologie de la Grande Motte auquel ont participé comme orateur ou auditeur tant de générations de rythmologues et cardiologues français (dont votre serviteur).

Robert Grolleau, qui, faut-il le rappeler, était avec le Professeur Paul Puech, auquel il rend hommage, le fer de lance de la rythmologie montpelliéraine, avait déjà beaucoup contribué par ses publications à l’essor de la discipline.

Comme il l’explique aussi, « ce livre a été écrit à deux doigts, puis revu, critiqué et finalement enrichi par Pierre Gallay – ancien PHU et rythmologiue à Montpellier –qui en est le coauteur ».

L’ouvrage part d’un a priori simple et rassurant en cette période où le tout technique est si répandu, à savoir que l’éléctrocardiogramme standard est la clé de la rythmologie !

Regroupés par type d’arythmie, les tracés sont très abondamment illustrés et commentés avec schémas et diagrammes, et bien évidemment la contribution de l’exploration électrophysiologique chaque fois qu’elle est nécessaire.

La qualité de l’iconographie, aussi omniprésente que parfaitement expliquée est tout à fait remarquable et la partie « traitement » dont on voit bien que ce n’est pas le but essentiel de l’ouvrage est abordée chaque fois que les auteurs l’estiment utile, de façon concise et pragmatique.

Au total, tous les types d’arythmies et troubles de la conduction sont décrits au long des quelque huit cents pages de ce superbe ouvrage qui devait devenir rapidement la bible des traités de rythmologie de langue française.

Un grand merci à Messieurs Grolleau et Gallay pour cette belle contribution.

 

Auteurs : Robert Grolleau et Pierre Gallay

Editeur : Sauramps Médical

Pagination : 782 pages

Prix public : Livre : 80,00 €




Traiter l’addiction au tabac avec les thérapies comportementales et cognitives

Comme le souligne dans sa préface le docteur Cungi, psychiatre, la vie du fumeur est devenue de nos jours une véritable galère…

Le fumeur doit prévoir les pauses indispensables, les sorties, supporter le manque quand on ne peut fumer, supporter les remarques désobligeantes et bien sûr les effets pénibles sur la santé que sont la dyspnée, l’altération de la voix, le vieillissement cutané, etc,

Pour autant, les fumeurs continuent à fumer, souvent avec l’envie d’arrêter, ce qui met bien en évidence la force de l’addiction qui devient parfois rapidement un esclavage.

C’est tout le mérite de cet ouvrage de s’atteler à ce problème et de proposer des stratégies de thérapies comportementales et cognitives (TCC) individualisées qui sont un plus incontestable dans la prévention des rechutes qui reste malheureusement la règle dans le tabagisme.

Ces TTC sont les seules approches non médicamenteuses dont l’efficacité est scientifiquement démontrée dans le sevrage tabagique.

Le lecteur pourra trouver dans ce livre les quatre étapes du protocole de TCC, les cinq méthodes utiles pour augmenter la motivation, ainsi que la place des autres méthodes de sevrage avec les substituts nicotiniques, le bupropion, la varénicline, et l’impact de la cigarette électronique.

Trois cas cliniques sont détaillés et de nombreux exemples d’entretiens sont décrits, avec notamment le déroulement d’une TCC dans ses différentes composantes.

L’auteur, Philippe Guichenez, est tabacologue au centre hospitalier de Béziers, spécialiste en TCC et enseignant dans plusieurs DU de tabacologie.

Cet ouvrage devrait intéresser tous les professionnels de santé, au premier rang desquels les cardiologues, dont les tentatives de sevrage tabagique chez leurs patients ne sont pas très souvent, il faut le reconnaître, couronnées de succès.




La ville des tempêtes

1595, Marseille s’embrase : comme naguère au moment du conflit entre César et Pompée ou, plus tard en s’opposant frontalement à Louis XIV, la ville choisit bien mal son camp. Là, avec à sa tête deux hommes dévorés d’ambition, elle se dresse contre Henri IV, ce roi hérétique, qu’elle refuse obstinément de reconnaître comme son souverain légitime.

L’Europe a les yeux fixés sur la cité rebelle ; à qui ces fous de Dieu livreront-ils le grand port convoité ? A Philippe II d’Espagne, qui aimerait prendre ainsi en tenailles le royaume de France ? Au duc de Savoie ? Au grand-duc de Toscane ? Marseille deviendra-t-elle une République, à l’égal de Gênes ou Venise ?

C’est dans ce contexte explosif que le chevalier Thibault de Cervières, après des années de captivité chez les pirates barbaresques, regagne sa ville natale qu’il ne reconnaît plus.

De même,  personne ne reconnaît ce revenant qui avait disparu depuis si longtemps et que l’on avait déclaré mort. Va-t-il réussir à retrouver sa famille, son rang et la place qu’il estime être la sienne dans la cité phocéenne ?

Cet ouvrage, qui mêle habilement l’aventure romanesque d’un héros en quête d’identité à un épisode inattendu de l’histoire de Marseille, se laisse lire d’une seule traite, tant il est enlevé et même palpitant.

Son auteur, Jean Contrucci, longtemps journaliste pour les quotidiens de la ville, a écrit par la suite de nombreux romans historiques à succès dont la série « Les nouveaux mystères de Marseille ».

Hautement recommandé à tous ceux qui ont besoin d’un peu de détente après la consultation prolongée (et indispensable) du livre ci-dessus.

Auteur : Jean Contrucci

Editeur : HC éditions

Pagination : 410 pages

Prix public : 19,00 € (format Kindle : 12,90 €)




Livre : L’essentiel en cardiologie

Comme le précise l’auteur, cette deuxième édition de L’essentiel en cardiologie n’est pas une simple mise à jour mais une révision complète de la première édition, enrichie de nouveaux chapitres et de multiples références aux nouvelles visioconférences qui se trouvent sur le site de la cardiologie francophone (www.cardiologie-francophone.com).

Dans sa préface, le professeur Jean Acar insiste d’ailleurs sur l’originalité de l’ouvrage qui expose, à chaque chapitre, les points litigieux et les recommandations récentes des sociétés savantes sur les conduites à tenir et qui utilise, en même temps, les nouvelles potentialités offertes par les techniques multimédia : dans cet esprit, des films témoignant des avancées techniques en cardiologie sont visibles sur le site dédié qui présente également des conférences d’experts et s’est doté de liens avec des sites de formation ou d’utilité pratique.

Le principal intérêt de ce livre, monumental par son volume et par la quasi-exhaustivité des sujets traités, est de pouvoir consulter en peu de temps le support théorique qui sous-tend la pratique : les conduites à tenir, les mesures à effectuer, les valeurs-seuils recommandées par les sociétés savantes, les arbres décisionnels à suivre, les examens complémentaires à demander, les facteurs de gravité à rechercher …Tout ce qui permet d’optimiser et sécuriser l’exercice en cabinet en se conformant aux recommandations des sociétés savantes, afin de combler le fossé entre pratique idéale et pratique réelle.

L’architecture de l’ouvrage a été conçue pour permettre de trouver rapidement les sujets recherchés.

L’auteur, François Boustani, est cardiologue en région parisienne ; ancien attaché en cardiologie à l’hôpital Tenon et à l’hôpital Bichat, il a créé en 1999 le site de la cardiologie francophone indiqué plus haut, qu’il anime encore aujourd’hui. Il a publié un livre « La circulation du sang/entre Orient et Occident, histoire d’une découverte » qui a reçu trois prix littéraires prestigieux dont le prix Charles Sournia de l’Académie nationale de médecine.

Auteur : François Boustani

Editeur : Sauramps Médical

Pagination : 750 pages

Prix public : 98,00 €