Un an de DPC et un bilan contrasté

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© Konstantinos Kokkinis

367 – Décrié par les uns, soutenu par les autres, le dispositif du Développement Professionnel Continu (DPC) parvient au terme de sa première année d’existence. Une année chaotique et difficile, émaillée de critiques et de contestations, au point que la ministre de la Santé a missionné l’Inspection de Affaires Sociales (IGAS) pour réfléchir à une simplification du dispositif et aux moyens de favoriser l’adhésion des acteurs du système. La publication du rapport de l’IGAS est imminente et l’on saura prochainement quelles suites entendra lui donner Marisol Touraine.
Mais si tout ne va pas pour le mieux dans le meilleur des DPC possibles, son premier bilan chiffré n’est pas si mauvais que cela. En tout cas, la désaffection des médecins pour la formation au passage de la FMC au DPC redoutée par certains n’a pas eu lieu : en 2013, plus de 30 000 médecins libéraux ont suivi une action de DPC.

C’est le 1er janvier 2013 que le Développement Professionnel Continu (DPC), qui fusionne les dispositifs de Formation Médicale Continue (FMC) et l’Evaluation de Pratiques Professionnelles (EPP) a officiellement été mis en place. Ce qui ne veut pas dire qu’il est entré en vigueur ipso facto. D’une part, les textes régissant son fonctionnement n’étaient pas tous parus, d’autre part, son démarrage a été environné de critiques et coups de gueule divers pour dénoncer sa complexité, les modalités de sa gouvernance ou encore le blocage des indemnisations. Mais si la première année d’existence du DPC a été agitée, au final, son bilan n’est pas si mal au regard de certains chiffres.
D’une part, et contrairement aux craintes de certains, les médecins n’ont pas boudé le DPC, faisant même preuve d’une appétence certaine. En 2013, 50 518 actions de DPC ont été réalisées par des médecins. Sur un total d’environ 130 000 libéraux, 35 928 ont ouvert un compte et créé leur profil sur www.mondpc.fr et 29 473 ont effectué un programme de DPC, soit 1,71 action de DPC suivie en moyenne par médecin. Au dernier jour de 2013, ce sont plus de 30 000 médecins libéraux qui auront suivi une action de DPC, dépassant ainsi l’objectif de 22 906 fixé pour l’année 2013. Pour 70 %, il s’agit de généralistes et pour 30 % de spécialistes.
Présentant le bilan de la première année de DPC lors de la Journée de rentrée du CNPS, la directrice de l’Organisme de Gestion du DPC (OGDPC), Monique Weber, soulignait que « le DPC a déclenché une appétence importante chez les spécialistes dont la proportion de ceux qui suivaient une formation les années précédentes était inférieure de 1 % au taux des spécialistes en DPC ». « Les chiffres montrent que toute les professions de santé sont entrées dans le DPC, commentait-elle. En 2017, nous devrions avoir quasi 100 % des professionnels de santé en DPC. »

Le forfait reste à 3 700 euros en 2014

Sur les 83,2 millions d’euros inscrits au budget du DPC en 2013, 75,5 millions ont été utilisés. Le forfait annuel maximal dont pouvait bénéficier chaque praticien était de 3 700 euros l’année dernière où la dépense moyenne d’un médecin ayant suivi au moins un DPC a été de 2 300 euros. Réunie en novembre dernier, la commission paritaire de l’OGDPC a décidé de maintenir le forfait au même niveau en 2014 et de reporter sur cette année les crédits non dépensés en 2013.
En revanche, le budget global du DPC des médecins augmente de 20 %, passant donc de 83,2 millions à 100 millions d’euros. « C’est plutôt satisfaisant, commente le président de la CSMF, Michel Chassang. Cela permettra à 20 % de médecins supplémentaires de suivre un programme de DPC. »
Pour autant, tous les problèmes ne sont pas résolus. Le budget du DPC des médecins reste toujours amputé des 75 millions d’euros dont bénéficiait l’ex-Formation Professionnelle Conventionnelle (FPC). La période transitoire, initialement reportée à la fin du mois de juin dernier l’a encore été jusqu’à… Jusqu’à ce que les organismes de DPC (ODPC) qui ont déposé un dossier à l’OGDPC aient été évalués par les Commissions Scientifiques Indépendantes (CSI).
Et en ce qui concerne celle des médecins, c’est environ 1 500 dossiers qu’elle doit examiner mais elle n’en a pour l’heure évaluer que 52. Outre le retard pris en raison des problèmes intervenus lors de sa constitution, 15 des 17 membres généralistes en boycottent les travaux depuis septembre, en désaccord avec certains des critères d’évaluation des ODPC qui ont été fixés par arrêté ministériel en juillet dernier (voir l’entretien avec Francis Dujarric), et jugeant tout à fait insuffisant les moyens en personnels pour les effectuer.
Face à ces problèmes, Marisol Touraine a décidé de diligenter une mission de l’IGAS sur le déploiement du DPC. Les conclusions de cette mission sont attendues imminentes. Reste à savoir, ensuite, de quelle décisions ministérielles elles seront suivies.

Vers des rémunérations à coûts réels des OGDPC

La commission paritaire de l’OGDPC comprend deux sections. L’une réunit les représentants des médecins, l’autre ceux des autres professionnels de santé. Elle a pour rôle de répartir les budgets entre les différents organismes de DPC. Il revient à chaque section d’évaluer le coût d’une formation.
Membre de la section médecins de la commission paritaire, Eric Perchicot explique quel changement cela implique à l’avenir. « Nous sommes partis de ce qui se faisait avant la mise en œuvre du DPC, c’est-à-dire une évaluation pas très précise de ce coût, il faut bien le dire. Aujourd’hui, les pouvoirs publics ont tendance à penser que ce coût est quelque peu surestimé et que les organismes de DPC sont sur-rémunérés. Ils souhaitent donc que demain l’argent public serve à financer les programmes de formation à coûts réels, ce qui n’est en soi pas choquant. C’est aux sections paritaires qu’il revient de faire ce travail d’évaluer le coût exact des formations. Un travail ingrat, il faut bien le dire, puisque cela aboutira sans doute pour la plupart des ODPC à une rémunération revue à la baisse. Par ailleurs, avec la section des professionnels de santé non médecins, nous allons devoir également définir des forfaits pour les formations interprofessionnelles. Là encore, ce sera délicat car il s’agit de “partager le gâteau” entre des professionnels qui n’ont pas forcément des forfait d’égal importance. Nous devrons définir des forfaits acceptables par tous pour ces programmes de DPC interprofessionnels. »
La commission paritaire souhaite également élaborer un guide des bonnes pratiques d’une action de DPC, qui mettra l’accent sur l’évaluation de la pratique professionnelle. « Il est primordial de vérifier après une formation qu’elle a permis une amélioration de la pratique professionnelle, souligne Eric Perchicot. Nous allons essayer de mettre en place une sorte de cahier des charges pour vérifier le respect de cette démarche par les ODPC. »

 

L’ODP2C au service de tous les cardiologues

L’ODP2C a été créé en février 2013 à l’initiative du SNSMCV et de la Société Française de Cardiologie (SFC), en association avec le Collège Nationale des Cardiologues des Hôpitaux (CNCH) et le Collège National des Cardiologues Français (CNCF).
Pourquoi « 2C » ? « Parce qu’il a pour vocation d’accompagner tous les cardiologues, libéraux comme hospitaliers, dans leur obligation de validation de DPC en leur proposant des programmes adaptés à leur pratique, présentiels ou non présentiels », explique son président (cardiologue libéral), Patrick Assyag. Lors de sa première réunion statutaire, l’ODP2C a élu son bureau dont la composition respecte, bien sûr, la parité hospitaliers/libéraux. « Nous avons également constitué un comité scientifique et pédagogique dont le rôle est de valider les programmes et qui compte douze experts, six hospitaliers et six libéraux, et désigné un webmaster pour s’occuper du site de l’ODP2C (odp2c.org) ». L’ODP2C a reçu l’agrément de l’OGDPC et a été validé (le premier) positivement par la Commission Scientifique Indépendante (CSI).
L’ODP2C commencera l’année 2014 en organisant deux sessions de DPC les 17 et 18 janvier lors des Journées Européennes de Cardiologie. « Douze programmes de DPC seront proposés durant ces deux jours, précise Patrick Assyag. Les 14 et 15 février, l’USCV assurera des sessions comportant dix programmes au total. En 2014, l’ODP2C couvrira les programmes de DPC du CNCH , du CNCF et ceux de tous les organismes qui souhaiteront déposer des programmes de DPC en cardiologie. Pour cela, nous mettrons en place un contrat de partenariat lors de chaque action. »




Francis Dujarric : « La CSI n’est pas une simple chambre d’enregistrement »

367 – Le président de la section des représentants de CNP de spécialité proposés par la FSM, l’une des deux composantes de la CSI des médecins, fait le bilan de la première année de fonctionnement de cette commission.

Quel bilan dressez-vous de la première année de fonctionnement de la Commission Scientifique Indépendante des médecins?

Francis Dujarric : La CSI a été installée officiellement à la fin de 2012 et a commencé à se réunir en janvier 2013. Très vite, des différends se sont fait jour avec les médecins généralistes qui souhaitaient voir modifiés les critères ministériels pour la validation des organismes de DPC, en particulier ceux concernant l’indépendance financière de ces organismes. A cet égard, les deux critères d’évaluation fixés par arrêté ministériel stipulent qu’en cas de financement, même partiel, ou de prestations indirectes issus de l’industrie, le CSI devait analyser les procédures et les moyens mis en œuvre par l’organisme pour préserver l’indépendance du contenu des programmes. Ces critères sont conformes à une directive européenne sur les services.
Une grande majorité de la CSI était d’accord avec cette exigence de transparence et non d’exclusive, comme le souhaitaient la plupart des généralistes, qui refusaient, en outre, le recours éventuel à un organisme sous-traitant pour assurer une partie d’un programme de DPC, arguant du fait que le sous-traitant n’était pas obligé de se déclarer auprès de l’OGDPC et pourrait donc de pas être validé par la CSI.
En septembre, au moment de commencer l’examen des dossiers déposés par les organismes de DPC, les généralistes, dans une grande majorité, ont décidé de suspendre leur participation aux travaux de la CSI. Nous avons cependant eu le quorum suffisant pour démarrer l’examen des dossiers. A ce jour, nous avons évalué 52 dossiers. Bien évidemment, travaillant quasiment « sur une jambe », nous ne pouvons examiner autant de dossiers qu’il serait souhaitable.
Nous n’avons examiné que des dossiers concernant des spécialistes et certains qui concernaient à la fois des spécialistes et des généralistes. Nous n’avons pas été provocateurs et nous nous sommes abstenus d’analyser des dossiers strictement généralistes.

Comment se fait cette analyse ?

F. D. : Des binômes sont constitués pour examiner les dossiers en amont des séances collectives. Nous faisons en sorte d’éviter tout conflit d’intérêt dans la constitution de ces binômes. Non, qu’un cardiologue, par exemple, ne puisse examiner un dossier concernant un programme de DPC de sa spécialité, mais il ne le pourra pas s’il est partie prenante d’une façon ou d’une autre dans l’organisme concerné.

Quelles remarques vous inspirent ces premières évaluations ?

F. D. : Sur les 52 dossiers que nous avons examinés, nous avons été amenés à refuser la validation à 17 d’entre eux, soit un tiers, ce qui n’est pas rien et démontre que la CSI n’est pas, comme l’insinuaient certains généralistes, une simple chambre d’enregistrement ! Les dossiers refusés l’ont été principalement en raison d’un manque de la partie analyse des pratiques professionnelles que doit comporter un programme de DPC.
Beaucoup d’organismes de FMC traditionnelle n’ont pas encore pris le tournant du DPC et n’ont donc pas modifié leur démarche. Certains organismes ont été recalés parce qu’il ne comportaient qu’une personne, il s’agissait de quasi « autoentrepreneurs » de DPC. Enfin, nous avons rejeté un organisme dont la part de financement par l’industrie était supérieure à 30 %.

Selon vous, des améliorations sont-elles souhaitables dans la validation des ODPC ?

F. D. : Il faudra effectuer des contrôles a posteriori pour éviter que certains organismes ayant obtenu la validation sur un seul programme-témoin, en quelque sorte, ne s’autorise après coup à prendre des libertés avec le cahier des charges. Je crois que, comme la crainte des radars sur la route, la menace du contrôle a posteriori est important.

Que souhaitez-vous pour l’année 2014 ?

F. D. : Je souhaite évidemment que nos amis généralistes reprennent leur participation aux travaux de la CSI. Nous attendons les conclusions du rapport demandé cet été par Marisol Touraine à l’IGAS sur les conditions de déploiement du DPC et les décisions que prendra la ministre : une totale remise en cause – ce qui serait dramatique – des ajustements à la marge ou des modifications plus profondes.
L’accord intervenu récemment entre les syndicats de salariés et le patronat et qui semble régler le problème du financement des syndicats via la formation professionnelle a été salué comme une avancée décisive. Une déclinaison de cet accord pour les professionnels de santé serait la bienvenue ! Mon vœux pour 2014 ? Que le DPC réussisse avec une offre de programmes plus importante, plus variée, des méthodes plurielles, le développement du e-learning.




La Fédération des Spécialités Médicales : un partenaire incontournable ?

366 – La FSM fédère aujourd’hui 44 spécialités. Chacune d’elles est organisée en un Conseil National Professionnel (CNP) qui représente toutes les composantes de la spécialité. La FSM apporte son soutien actif à la mise en œuvre et à la promotion du DPC. Avec les CNP et à travers des conventions passées avec plusieurs organismes, elle contribue à l’organisation d’une expertise professionnelle compétente et objective répondant à des règles scientifiques communes et acceptées par tous. Au fil des ans, la FSM est devenu un interlocuteur privilégié des pouvoirs publics. 

C’est en 1997, lors de l’élaboration des premiers textes sur la FMC que s’est créée la Fédération des Spécialités Médicales (FSM). L’initiative en revient au Pr Bernard Glorion, qui présidait alors le Conseil National de l’Ordre des Médecins (CNOM). L’idée était alors de regrouper les sociétés savantes des spécialités reconnues par l’Ordre pour réfléchir ensemble sur la méthodologie, l’organisation, la labellisation et l’évaluation des actions de FMC. Les errements de la FMC et de l’EPP ayant été ceux que l’on sait, la Fédération a mis un certain temps à prendre réellement corps,  surtout à partir de 2007 sous l’impulsion de plusieurs spécialités qui s’étaient organisées en « structures fédératives » regroupant les différentes composantes professionnelles. Aujourd’hui, ces structures fédératives sont devenues des Conseils Nationaux Professionnels (CNP). Chaque CNP regroupe des professionnels issus des différents organismes représentatifs de la spécialité, régi par une double gouvernance, scientifique et professionnelle, dont le champ de compétence est celui de l’évaluation et de l’amélioration des pratiques professionnelles. La FSM réunit en son sein 44 CNP, soit la quasi-totalité des spécialités médicales. Parmi les absentes, on compte la médecine générale qui n’a pas souhaité, pour l’instant, rejoindre le giron fédéral. La Charte des CNP stipule une représentation paritaire des médecins selon leur mode d’exercice (ville, établissement de santé public-privé), une gouvernance assumée par des représentants des différentes composantes de l’activité liée à la spécialité, l’indépendance scientifique, la transparence financière et une politique affichée de gestion des conflits d’intérêt.

La FSM, quant à elle, se veut transversale et subsidiaire. Sa transversalité lui permet de mener une réflexion constructive sur des thèmes communs, en particulier dans les domaines de la méthodologie et de l’évaluation, au service des CNP et en partenariat avec les autres acteurs du monde de la santé. Ces dernières années, la FSM a signé des conventions avec différents partenaires institutionnels : la DGOS, l’IGAS, la HAS, l’ANSM, l’INPES, l’ONIAM. « Entre 2010 et 2012, la FSM est allé chercher des partenariats, a proposé des collaborations, s’est fait connaître, explique Valérie Le Borgne, déléguée générale de la FSM. Aujourd’hui, ce sont les organismes qui viennent solliciter la FSM. C’est une évolution positive. » Ces conventions concernent essentiellement l’expertise. « C’est le corps de métier de la FSM », indique Valérie Le Borgne. La FSM répond aux besoins d’experts : un organisme ou un autre lui demande de désigner les experts adéquats pour un groupe de travail sur un sujet donné. Ils ont ainsi l’assurance que les experts ont l’aval de toutes les composantes de la spécialité via le CNP.

L’autre activité importante de la FSM a trait au DPC. Son « comité DPC » réunit une trentaine de représentants des CNP avec une parité hospitaliers/libéraux. Les textes ont confié à la FSM le rôle de désigner la moitié des spécialistes qui siègent au CSI et l’ont chargée d’élaborer avec les CNP les méthodes et les modalités du DPC, en étroite collaboration avec la HAS. « En outre, dans le cadre de la convention avec la DGOS, la FSM a mené une réflexion sur la traduction pratique des textes et sur ce à quoi doit ressembler une programme de DPC, précise Valérie Le Borgne. Nous avons aussi beaucoup communiqué en direction des médecins sur le DPC et nous avons aidé les CNP à le faire. Le comité DPC a également incité les CNP à s’organiser pour avoir un ODPC pour que chaque spécialité s’empare de cette problématique pour maintenir une compétence dans le temps avec une vision prospective de la spécialité. Cette réflexion doit appartenir à la spécialité entière et ne pas seulement être le fait des universitaires et des syndicats. Il faut que ce soit une vision partagée. »

Une nouvelle convention est en passe d’être signée entre la FSM et le CNOM. « Elle porte sur un sujet essentiel, à savoir la réflexion que la FSM doit apporter aux pouvoirs publics sur l’évolution des spécialités, dans un contexte européen. Il s’agit d’harmoniser la réflexion sur les référentiels métiers élaborée par les différentes spécialités. »

Catherine Sanfourche

 

Le budget de la FSM

Le financement de la Fédération des Spécialités Médicales est abondé par les cotisations des CNP et de subventions provenant pour l’essentiel du ministère de la Santé. Pour l’année qui s’achève, le budget de la FSM a été de 720 000 € de produit (cotisations + subventions) et ses dépenses s’élèveront à 650 000 € environ. « Les réserves de la FSM proviennent des excédents des exercices antérieurs et de certaines subventions reçues pour des actions en cours, non encore achevées », précise Valérie Le Borgne, déléguée générale de la FSM. 




Le CNP de Cardiologie et l’ODP2C

Logo ODP2C&BaseLine dessous366 – Le CNP de Cardiologie fait partie des 44 CNP regroupés au sein de la FSM. Il réunit à parité six membres hospitaliers, dont un représentant du Conseil National des Universités, du Collège des Cardiologues des Hôpitaux Généraux et du Collège des Enseignants, désignés par la Société Française de Cardiologie (SFC) et six membres libéraux dont un représentant du Conseil National de l’Ordre des Médecins, du Collège National des Cardiologues Français et de l’UFCV, désignés par le Syndicat National des Spécialistes des Maladies du Cœur et des Vaisseaux (SNSMCV). « C’est le CNP de Cardiologie qui permet une unité de la spécialité dans toutes ses composantes face aux institutions, souligne Christian Ziccarelli, le président du SNSMCV. Grâce au CNP de Cardiologie, nous avons pu mettre en place un Organisme des DPC de cardiologie. L’ODP2C, comme on l’appelle, est l’organe de DPC pour l’ensemble des cardiologues, hospitaliers et libéraux. Il a été validé par le Conseil Scientifique Indépendant (CSI) et pourra mettre en œuvre ses programmes de DPC à partir du 8 janvier prochain à l’occasion des Journées Européennes de Cardiologie et via l’UFCV qui organisera plusieurs actions en 2014. »

Catherine Sanfourche




Entretien : Pr Olivier Goëau-Brissonnière : « La FSM joue un rôle de facilitateur »

366 – Président de la FSM, il estime positive l’action de la structure pour faire travailler de façon collégiale les différentes composantes du corps médical.

 

Pr Goëau-Brissonnière
Pr Olivier Goëau-Brissonnière © FMS

Olivier Goëau-Brissonnière. Nous sommes encore en phase de construction, mais notre activité est de plus en plus importante et je dirai qu’aujourd’hui, comme cela est inscrit dans notre convention avec le ministère de la Santé, « la FSM est un partenaire essentiel de l’Etat ». A cet égard, il faut d’ailleurs souligner que depuis quelques semaines, cette convention est pluriannuelle.

 

Pourtant, la médecine générale ne fait toujours pas partie de la fédération ? Comprenez-vous leur crainte de voir que la médecine générale, « jeune » spécialité, soit en quelque sorte diluée dans la FSM ?

O. G-B. Je précise d’abord que par le biais de certaines composantes, dont les urgentistes, les généralistes sont néanmoins présents dans la FSM. Je ne suis pas vraiment convaincu par l’argument de la « jeunesse » de la médecin générale en tant que spécialité. Après tout, j’appartiens à une spécialité, la chirurgie vasculaire, qui est aussi assez récente. Je crois que la raison pour lesquelles la médecine générale se tient à l’écart de la FSM tient davantage à son organisation très syndicale et donc très politique. Mais nous ne demandons qu’à travailler avec la médecine générale et nous leur avons proposé à plusieurs reprises d’intégrer la Fédération. Je suis persuadé que cela se fera ? Il est quand même un peu aberrant d’avoir des recommandations de pratiques sur un même sujet élaborées par les généralistes d’un côté et les spécialistes de l’autre.

 

Le rôle grandissant de la FSM n’inquiète-t-il pas ? Comment se situent les sociétés savantes par rapport à elle ?

O. G-B. Il y a de la place pour tous. Selon le cas, une expertise peut requérir parfois une fibre plus « syndicale » ou plus médicale. Nous veillons à ce que le rôle respectif des uns et des autres soit respecté. Notre méthode de travail repose sur la transversalité et la subsidiarité. La FSM joue un rôle de facilitateur entre les différentes spécialités et les différentes composantes professionnelles de la profession. Petit à petit, nous parvenons à travailler sur différents sujets de façon collégiale. Avec la FSM, la France fait, à sa manière, ce qui se fait depuis longtemps en Angleterre avec le Collège Royal de Médecine ou au Canada. Tout n’est pas toujours facile, mais la majorité des professionnels estiment que la FSM constitue un progrès.

Catherine Sanfourche




Prévention, parcours de soins, démocratie sanitaire : la nouvelle trinité sanitaire

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(©ISO K/Dalaprod/Goodluz/Andres Rodriguez)

365 – Ainsi donc la Stratégie Nationale de Santé (SNS), idée phare du Gouvernement en matière de santé et qui doit « refonder notre système de santé, reposera sur trois piliers : la prévention, le premier recours et la démocratie sanitaire. Nul ne contestera la nécessité du premier, tant il est vrai qu’il est grand temps de rééquilibrer notre système de santé historiquement fondé sur le tout curatif. Jugeant la loi de santé publique de 2004 était “trop complexe” et ses actions – plus d’une centaine – “trop disséminées”, Marisol Touraine souhaite fonder son action sur “des indicateurs chiffrés” et des priorités en petit nombre ». La ministre en a définit cinq : la jeunesse de « 0 à 25 ans » ; la lutte contre les addictions, source de maladies chroniques qui y sont liées ; la lutte contre le cancer, pour laquelle le Président de la République annoncera un troisième plan l’année prochaine ; la santé mentale « trop négligée au cours des dernières années » ; les personnes âgées, qui « doivent faire l’objet d’actions spécifiques ».

C’est le médecin traitant qui sera identifié comme « le professionnel en charge de la prévention ». A cet égard, la ministre a annoncé l’extension du dispositif conventionnel de la Rémunération sur Objectifs de Santé Publique (ROSP) à l’échelon national, avec la possibilité d’indicateurs régionaux.

« La révolution du premier recours », second pilier de la SNS, promeut la notion de parcours de soins. « Aujourd’hui, je veux fixer une règle d’or, a déclaré Marisol Touraine. Lorsque le médecin prendra en charge un patient, il aura la responsabilité et les moyens de garantir un parcours de soins adapté aux différentes étapes de la prise en charge, avec l’appui de coordinateurs et d’animateurs de parcours. » La généralisation du tiers payant est annoncé pour faciliter l’accès aux soins de premiers recours, ce qui ne fait pas l’unanimité chez les professionnels de santé. Le médecin traitant est affirmé comme étant « le pivot  du parcours de soins, en lien avec l’hôpital et les soins spécialisés ». Pour améliorer le financement d’actions de coordination, le PLFSS 2014 prévoit de nouvelles mesures de soutien au travail en équipe. « J’espère que l’enveloppe de 20 millions d’euros prévu à cet effet sur le FIR sera vraiment affectée à la coordination, commente Jean-François Rey, le président des spécialistes confédérés. Je serai totalement rassuré quand nous aurons vu des mesures concrètes. Ce qui m’intéresse, c’est une réelle coordination entre tous les professionnels de santé, qui ne se limite pas à une coordination ville/hôpital dont seraient exclus les spécialistes de proximité. Le risque n’est pas écarté. » Il n’est pas le seul à le craindre (voir les réactions ci-dessous). Les expérimentations de nouveaux modes de rémunération vont être prolongées et étendus avec «  150 expérimentations de plus ». De nouveaux métiers et des « transferts de compétences » sont annoncés également. Avec un certain flou dans le vocabulaire d’ailleurs.

Pas de coordination sans un système d’information performant

Dans son discours de présentation, Marisol Touraine affirme : « nous accélérerons la délégation de tâches ». Ce n’est pas la même chose et si les médecins sont ouverts aux délégations de tâches, ils n’entendent pas déléguer leurs compétences (voir l’entretien avec Eric Perchicot page 13). Pas de coordination sans un système d’information performant : la ministre a annoncé qu’elle donnerait le « top départ » l’année prochaine du DMP de deuxième génération qui sera ciblé sur les personnes âgées et les malades chroniques. « La révolution du premier recours, ce n’est ni la revanche de la médecine de ville sur l’hôpital, ni l’étatisation de l’offre de soins ambulatoire », affirme Marisol Touraine. Les médecins libéraux ne sont pas rassurés quant au deuxième point et auraient apprécier que la Stratégie Nationale de Santé en dévoile plus sur la réforme de l’hôpital annoncée au moment du rapport Couty.

Avec le troisième pilier de la SNS, il s’agit « d’entrer de plain-pied dans le nouvel âge de la démocratie sanitaire », selon l’expression de la ministre pour laquelle « la qualité d’un modèle de santé publique se mesure désormais à la place qu’il accorde aux patients ». Etant donné le peu de place que les usagers occupent actuellement au sein des différentes instances où leur présence devrait aller de soi, beaucoup reste à faire. Outre l’annonce de la possibilité d’actions collectives en justice dans le domaine de la santé, Marisol Touraine a également affirmé la volonté gouvernementale de faire « progresser la représentation des usagers en permettant aux associations de mieux se former ». Pour l’instant en tous cas, les moyens financiers de le faire ne leur sont pas accordés, comme le constate avec regret le Collectif Interassociatif Sur la Santé (CISS).

Cette Stratégie Nationale de Santé s’inscrit dans la durée : dix ans, c’est le temps que ce gouvernement – qui ne sera plus au pouvoir d’ici là – estime nécessaire pour cette refondation de notre système de santé. Sa concrétisation doit s’amorcer l’année prochaine par une loi de santé publique. Pour la préparer, de novembre prochain à février 2014, des « forums régionaux de santé » vont se dérouler dans les régions, sous l’égide des ARS, mobilisant citoyens, professionnels de la santé, élus et parlementaires. Ce genre d’exercice a déjà eu lieu par le passé, qui n’a pas déboucher sur des textes qui ont satisfait les différents acteurs de la santé… « Nous avons un peu moins d’un an pour persuader Marisol Touraine de ne pas aller vers une étatisation de notre système de santé, commente Jean-François Rey. La ministre nous jure que telle n’est pas son intention, mais attendons la rédaction de la loi. »

 

Tiers payant généralisé l’arbre qui cache la forêt et inquiète

 Depuis le dévoilement de la Stratégie Nationale de Santé par Marisol Touraine, la mesure qui a fait l’objet de nombre de commentaires est celle de la généralisation du tiers payant d’ici à l’année 2017. Il faut dire que pour la présenter la ministre a usé d’un vocabulaire qui ne pouvait que polariser l’attention sur cette mesure qui est un des éléments du « deuxième pilier de la SNS », celui de la structuration de la médecine de parcours à partir des soins de premier recours. « Le fil d’Ariane de ma politique, c’est de lever les obstacles qui entravent l’accès aux soins de nos concitoyens. Voilà pourquoi je veux lancer la révolution du premiers recours. D’abord, en continuant de lever résolument les obstacles financiers aux soins » a déclaré Marisol Touraine. Après avoir souligné l’importance de l’avenant 8 qui permettra de réguler les dépassements d’honoraires, la ministre a révélé l’étape suivante  qui « relève d’une ambition plus ample, qui fait écho à l’immense avancée qu’a constitué la CMU en 1999. Il s’agit de la généralisation du tiers payant pour l’ensemble des soins de ville avant 2017. Concrètement, dans quatre ans, au plus tard, les Français n’auront plus à avancer de frais lorsqu’ils iront consulter un médecin. » On notera au passage que l’horizon 2017, année des présidentielles, n’a sans doute pas été choisi au hasard qui permettrait, dans le bilan du président sortant,  d’inscrire une mesure qui ne peut être que populaire chez les usagers de la santé.

La mesure est toutefois beaucoup moins populaire chez les médecins, comme en témoignent les nombreuses réactions négatives qu’elle a suscitées. « La Stratégie Nationale de Santé pour l’instant se résume surtout aux grands principes d’une politique que tout le monde ne peut qu’accepter, commente Jean-François Rey, président de l’UMESPE (la branche spécialiste de la CSMF). Le problème, comme toujours, ce sont les moyens qui seront mis pour a concrétiser. Et le premier moyen annoncé, c’est le tiers payant généralisé, dont il n’est pas certain vu le bas niveau des consultations chez les généralistes et les consultants spécialistes – qu’il soit vraiment le sésame de l’accès au soins, et qui pose des problèmes techniques qui sont loin d’être résolus. Je me refuse à imaginer quoi que ce soit tant que ces problèmes techniques ne sont pas réglés, et si cela prend autant de temps que le DMP, ce n’est pas pour demain ? Par ailleurs, la ministre doit bien avoir conscience que beaucoup de médecins sont fondamentalement opposés à la généralisation du tiers payant et que l’imposer pourrait cristalliser l’hostilité de praticiens de tous bords, ce qui n’augurerait rien de bon pour la mise en œuvre de l’ensemble de la Stratégie Nationale de Santé. »

« Ne comptez pas sur les médecins pour être des collecteurs de franchises. C’est non. » Lors de l’université d’été de la CSMF, son président, Michel Chassang, a prévenu Marisol Touraine. La CSMF « exige une garantie de paiement des consultations et actes médicaux, sans délai et sans aucun frais supplémentaire ». Par ailleurs, elle met en garde « ceux qui considèrent la généralisation du tiers payant comme la potion magique qui va guérir le système de santé de tous ses maux. Il ne fera pas diminuer les recours aux urgences ». Et surtout, la CSMF déplore que « le risque inflationniste réel consécutif à la démonétisation de la valeur des actes et des consultations » n’ait pas été évalué, pas plus que ses conséquences sur la maîtrise des dépenses de santé.

 

Eric Perchicot (SNSMCV)

« Le paiement fait partie de l’acte thérapeutique »

Pour le secrétaire général du SNSMCV, le paiement de l’acte médical s’inscrit dans la relation médecin/patient et doit donc rester une option. 

PerchicotQuelles réactions vous inspire la Stratégie nationale de santé  présentée par Marisol Touraine ?

Eric Perchicot : C’est une jolie énumération de jolies choses, mais concrètement, on a du mal à voir sur quoi tout cela va déboucher. Parmi les éléments positifs figure évidemment la mise en avant de la prévention. Nous, médecins, lorsque nous sommes face à un malade, c’est très souvent être face à l’échec de la prévention, puisque la pathologie résulte souvent d’une mauvaise hygiène de vie, manque d’exercice, mauvaise alimentation, tabagisme, etc. On ne peut donc que souscrire à cette volonté affichée de faire de la prévention une priorité. Avec comme limite à cette annonce que la prévention coûte très cher et qu’il faudra donc y mettre les moyens nécessaires. Par ailleurs, l’expérience montre qu’expliquer aux gens qu’ils doivent changer leur mode de vie, cela prend du temps. Cette vision globale de la santé est positive, il faut maintenant passer des vœux pieux à la réalité. La page est blanche, nous partons de zéro et j’ai envie de dire « Chiche ! ».

L’idée de parcours de soins, de prise en charge coordonnée doit donc également vous satisfaire ?

E. P. : Bien sûr. Encore faut-il que les pouvoirs publics sortent du dogmatisme. Si le médecin généraliste peut être le coordonnateur du parcours de soins, il ne doit pas être forcément l’acteur tout puissant de l’équipe de soins. Par exemple, dans le cas d’une insuffisance cardiaque, c’est le cardiologue qui doit être le pivot. Donc, oui au parcours de soins coordonné, à condition de préciser la place du médecin généraliste, celle des spécialistes de proximité et celle de l’hôpital qui doit arriver après que l’organisation de ville a été sollicitée et non avant. Il ne peut pas y avoir de coordination efficace avec un cloisonnement ville/hôpital ou généralistes/spécialistes étanche. En outre, la coordination nécessite une fongibilité des enveloppes que l’hôpital redoute. Historiquement, l’hôpital dépend de l’Etat et la médecine libérale de l’Assurance Maladie. La dualité de la gouvernance doit être clarifiée, ce qui signifie souvent que l’Etat prend la gouvernance, et je ne suis pas sûr que l’Assurance Maladie ne soit pas pour nous, libéraux, meilleure alliée.

Que pensez-vous de la généralisation du tiers payant annoncée par la ministre pour favoriser l’accès aux soins ?

E. P. : C’est le type même d’une position dogmatique et qui repose sur une analyse erronée de la situation. Les études montrent d’une part que la première cause de renoncement aux soins est le trop long délai d’attente pour l’obtention d’un rendez-vous, d’autre part que ce renoncement concerne surtout les soins dentaires, les lunettes et l’audioprothèse, très peu les consultations chez les médecins. Gratuité ne signifie pas forcément accès aux soins. Le tiers payant peut être une bonne chose, à condition qu’il ne soit pas obligatoire. Vous remarquerez d’ailleurs que Marisol Touraine dit qu’il sera généralisé mais pas obligatoire. Pour beaucoup de patient, le paiement de l’acte est thérapeutique. Honorer son médecin fait partie de l’acte médical, vouloir généraliser le tiers payant c’est méconnaître la relation soignant/soigné. Le tiers payant doit rester une option inscrite dans cette relation soignant/soigné. Mais d’autres choses dans la stratégie nationale de santé sont potentiellement dangereuses.

A quoi faites-vous allusion ?

E. P. : Je pense au pouvoir donné aux Agences Régionales de Santé. je me méfie de la régionalisation. Laisser la main aux ARS, c’est risquer des applications délétères de la règle conventionnelle nationale qui doit s’appliquer partout de la même façon. En outre, il importe que la gouvernance soit équilibrée entre la ville et l’hôpital. Or, je n’oublie pas que les ARS sont issues des ex-Agences régionales de l’hospitalisation. Une autre mesure de la SNS part d’une analyse erronée. Le Gouvernement répond à la faible démographie médicale actuelle pour proposer des délégations de compétences. Cela n’a pas de sens : on peut déléguer des tâches mais pas des compétences. Par ailleurs, le numerus clausus ayant été relevé, nous connaîtrons une pléthore médicale à partir de 2023. Donc, attention de ne pas trop déléguer, car dans dix ans, nous risquons d’avoir trop de médecins généralistes et des compétences déléguées dans des conditions n’assurant pas forcément la qualité. Que des transferts de tâches s’effectuent pour la prévention vers des professionnels non-médecins formés pour cela, d’accord. Mais quand il s’agit de confier l’adaptation des doses d’anticoagulant à des non-médecins, je dis non ! Oui aux délégations de tâches, non aux transferts de compétences.

Globalement, comment jugez-vous la Stratégie Nationale de Santé ?

E. P. : Encore faut-il que la mise en musique soit bonne ! Et pour cela, il faut mettre autour de la table  tous les acteurs concernés pour une vraie concertation. Le tiers payant doit rester une option. Le travail en équipe, d’accord, à condition de préciser la place de chacun.

 

Les réactions sur la Stratégie Nationale de Santé (SNS)

 CSMF « Trop de questions sans réponse »

La confédération présidée par Michel Chassang note « quelques points positifs » dans la Stratégie Nationale de Santé. Rappelant qu’elle a soutenu la Rémunération sur Objectifs de Santé Publique (ROSP) introduite dans la convention de 2011, elle « se félicite de voir que la santé publique via la prévention et l’augmentation de la part des ROSP est désormais une priorité de la future réforme de notre système de santé ». De même, la CSMF trouve « logique » que dans le cadre de la généralisation de la complémentaire santé le Gouvernement « renforce les critères imposés aux contrats que proposeront les organismes complémentaires ». Elle souhaite pourtant que « le remboursement des compléments d’honoraires modérés par les praticiens adhérents au contrat d’accès aux soins fasse partie de la couverture minimale obligatoire qui sera offerte à tous les salariés, sans contrainte pour les médecins du secteur 2 ».

A côté de ces deux points positifs, la CSMF considère « plus nombreux  les points négatifs » de la SNS qui, pour elle, relèvent tous du même ver dans le fruit : « le fait que le Gouvernement veut élargir singulièrement les missions des ARS et leur donner tout pouvoir sur la médecine de ville ». « Révolution du premier recours », peut-être, mais « rétrécie et sous la coupe des ARS ». Le syndicat pluri-catégoriel estime en effet que « sans la médecine spécialisée », elle est « une aberration ». Des parcours de soins ? Soit, mais à condition qu’ils soient organisés par les médecins libéraux et « non des opérateurs institutionnels non médicaux, notamment, ceux de “plate-formes” d’appui des ARS dont la seule vocation serait d’orienter les parcours et de remplacer la décision médicale par une décision étatique ».

De même, la CSMF refuse que la rémunération des équipes des soins soit confiée aux ARS mais « exige qu’elle soit intégrée au cadre conventionnel ». Enfin, redoutant que « la future loi sur la SNS ne soit le véhicule d’une étatisation des soins de ville via les ARS », elle soupçonne le Gouvernement de ne pas réformer l’hôpital et de « tenter, une fois de plus, de pressurer la médecine de ville en la livrant aux soins de l’administration ».

SML « Une erreur stratégique »

Le Syndicat des médecins libéraux classe le tiers payant généralisé parmi les mesures de « nature inquiétante » de la SNS et la juge « contreproductive pour favoriser un accès aux soins ». Le SML condamne également le parcours de soins qui « fait abstraction des spécialistes et des autres professionnels de santé de proximité. « Le modèle organisationnel projeté qui place l’hôpital public au centre du dispositif avec des médecins territoriaux satellisés en accueil du premier recours constitue une erreur stratégique », estime le syndicat présidé par Roger Rua. Le SML « ne peut que se féliciter de la priorité donnée à la prévention sans pour autant partager les solutions proposées ».

FMF « Dix-huit mois pour ça ! »

Sous le titre « Marisol Touraine est la ministre des mesures phares pour éclairer en plein jour ! », la Fédération des médecins de France ne retient rien des propositions énoncées dans la Stratégie Nationale de Santé qu’elle commente aussi brièvement et qu’ironiquement. Le tiers payant généralisé ? Cela servira à quoi alors que « 95 % des médecins généralistes sont en secteur 1 et acceptent tous CMU, AME » et « pratiquent le tiers payant si nécessaire, malgré l’opposition de certaines caisses départementales ». Relancer le DMP ? En neuf ans, « 500 millions d’euros ont été engloutis pour un résultat nul alors qu’une messagerie sécurisée entre professionnels de santé serait possible en six mois et pour 24 millions ». Quant à la construction de 300 maisons médicales dans les déserts médicaux, le syndicat de Jean-Paul Hamon admet que c’est « une bonne nouvelle pour le bâtiment » mais s’interroge : « Avec quels médecins ? »

CISS « SNS : Du pain sur la planche »

Le Collectif interassociatif sur la santé « partage les constats présentés » par Alain Cordier et Marisol Touraine et la cohérence des trois axes retenus qui « nécessitent des évolutions puissantes ». Ainsi, le CISS estime que « faire le choix de la prévention, c’est offrir des financements adaptés à ce changement d’échelle » – quand actuellement « seulement 5 % à 6 % du budget des ARS y est consacré ! » – et passer de la prévention médicalisée à la promotion de la santé, donc « parier sur la société civile et ses organisations ». Pour le collectif, favoriser le parcours de soins implique une tarification autre que le paiement à l’acte, « sans quoi le service public territorial de santé ne sera qu’une appellation contemporaine pour des offres de soins juxtaposées et sans beaucoup de lien avec les offres sociales, comme par le passé ». Quant au renforcement du droit des patients, le CISS l’approuve, bien entendu, mais souligne qu’ « après l’échec du financement des associations des le cadre du FIR en 2013, le prochain PLFSS doit marquer le changement ».

Las ! A la lecture du PLFSS 2014 « déconnecté de la Stratégie National de Santé, le CISS a pu constaté qu’il ne contenait aucun financement pour la prévention et que le troisième pilier de la SNS était toujours « sans le sou ».




Ne tirez pas sur les cliniques

Happiness

364 – Catherine Sanfourche – Dans les déclarations ministérielles, il n’est question que de décloisonnement et de complémentarité entre hospitalisation publique et hospitalisation privée. Pourtant, sur le terrain, la réorganisation de l’offre de soins se fait souvent en faveur de l’hôpital public. Les cliniques, qui ont effectué – et continuent d’effectuer – une restructuration sans précédent, ont changé de visage et représentent aujourd’hui 34 % de l’activité hospitalière. Elles revendiquent les mêmes missions que l’hôpital public et les moyens de les assurer.

 

« Madame la ministre, sommes-nous si mauvais élèves ? » C’est ainsi que l’hospitalisation privée interpellait Marisol Touraine en juin dernier, par l’intermédiaire d’une pleine page de publicité dans Le Monde et titrée « Les cliniques privées privées de ministre », et dont le visuel montrait un chirurgien coiffé d’un bonnet d’âne et au coin… Le texte du président de la branche médecin-chirurgie-obstétrique de la Fédération de l’Hospitalisation Privée (FHP-MCO), Lamine Gharbi, déplorait le « boycott » de l’hospitalisation privée par Marisol Touraine qui, un an après son arrivée au ministère de la santé, n’avait pas visité une seule clinique et n’avait honoré de sa présence ni le congrès de la FHP, ni la cérémonie de remise des trophées de l’hospitalisation privée. « Et ce n’est pas faute de vous avoir invitée. Vous avez refusé de venir voir sur le terrain les réalités de nos métiers et de nos missions ». « Nos 200 000 professionnels – dont 156 000 infirmiers, sages-femmes, aides-soignants, administratifs, hôteliers et 45 000 médecins libéraux et salariés – qui œuvrent avec excellence, dévouement et efficience pour la santé des Français n’ont-ils pas droit eux aussi à votre considération ? », interrogeait-il, avant de regretter « le dogmatisme d’une ministre qui échoue sur le terrain du dialogue hospitalier en ignorant un secteur entier qui représente 27 % de l’offre de soins et 33 % de l’activité en France ». Frédéric Valletoux, président de la Fédération Hospitalière de France a dénoncé cette initiative, pointé les « arguments fallacieux » utilisés à l’égard du secteur hospitalier public et réaffirmé que « les cliniques ne font pas le même métier parce qu’elles sont dans une logique économique de sélection de leurs activités et qu’elles n’ont pas les mêmes contraintes que le service public ».

Une antienne qui a commencé avec le développement des cliniques privées au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, avec la création de la Sécurité Sociale. Ne pouvant fixer librement leurs tarifs, elles ont alors développé une stratégie de volume. C’est d’ailleurs pour cela qu’en 1970, puis en 1991, 1992 et 1996, des textes ont été votés qui visaient à encadrer la croissance des cliniques et à contrôler leur volume d’activité. Ces contraintes ajoutées aux coûts des plateaux techniques qu’a imposés le progrès médical ont entraîné une restructuration de l’hospitalisation privée sans précédent et qui a fait de nombreux « morts » : ces quinze dernières années, environ cinq cents établissements ont disparu. Entre 1992 et 2000, tandis que le secteur public enregistrait une réduction de 7 % du nombre de ses établissements pour les activités MCO, 16 % des cliniques privées ont disparu pour les mêmes activités. Un important mouvement de concentration s’est amorcé qui se poursuit aujourd’hui.

Acquisitions, fusions et regroupements se sont multipliés et continuent de se multiplier, souvent avec l’intervention d’investisseurs privés. Dans son rapport annuel 2012 sur l’hôpital, l’IGAS évoque cette croissance des groupes-cliniques. « Au total, la quarantaine de groupes de cliniques (dont cinq groupes nationaux et une vingtaine de groupes régionaux) rassemble aujourd’hui un peu plus de 600 des 1 050 cliniques, c’est-à-dire 58 % des entités juridiques mais 68 % des capacités du secteur, en raison de la taille moyenne plus importante des ces établissements », indique l’IGAS. Quand les cliniques comptaient 70 à 80 lits dans les années 1970, elles en comptent aujourd’hui plusieurs centaines.

Graphe Focus
Les spécialités dans lesquelles les effectifs médicaux sont les plus importants
(+ 1 000 praticiens)

Une situation fragile

Pour autant, la situation des cliniques n’est pas sans nuage, et dans son rapport sur « l’évaluation de la place et du rôle des cliniques privées dans l’offre de soins », l’IGAS décrit « un secteur relativement fragile dont la rentabilité économique stagne ou diminue légèrement, dans un contexte d’intensification de la concurrence avec le secteur hospitalier public ». Les cliniques disposant de portefeuilles d’activités plus spécialisés que ceux des établissements des autres secteurs sont de ce fait plus exposées aux variations tarifaires. L’IGAS observe cependant que « les plus grandes d’entre elles développent des stratégies de diversification vers des disciplines traditionnellement plus représentées à l’hôpital public afin de mieux atteindre les volumes d’activité recherchés et de se protéger de ces variations tarifaires ».

Par ailleurs, le rapport de l’IGAS souligne les « difficultés » rencontrées par le régulateur, national ou régional, pour favoriser le retour à l’équilibre des hôpitaux publics et poursuivre la recomposition de l’offre de soins, tout en observant une certaine neutralité entre les deux secteurs et en mobilisant des instruments de planification et de régulation qui soient « incontestables ». Les cliniques qui se voient en ce moment supprimer des activités au profit de l’hôpital public et savent ce qu’il en est de la neutralité de la tutelle, apprécieront l’euphémisme du mot « difficultés ».

 

Camembert PDSES
Nombre de médecins par spécialité participant à la PDSES en 2011.

Des gages de la ministre de la Santé au secteur privé

La publicité dans Le Monde n’a pas été sans effet, puisqu’en juillet dernier, Marisol Touraine a visité un hôpital privé à Trappes, dans les Yvelines. Lors d’une entrevue avec les responsables de la FHP en marge de cette visite, la ministre a donné quelques gages au secteur privé, qui réclame un traitement équitable entre les secteur hospitaliers.

« Il faut réfléchir en termes de territoire et d’offre de soins, a déclaré Marisol Touraine. Il faut garantir une prise en charge de l’ensemble de la population, indifféremment, entre hôpital public et hôpital privé. » Les cliniques ne réclament pas autre chose. Mais sur le terrain, certaines décisions de la tutelle au détriment du secteur privé font penser que l’équité n’est pas pour tout de suite.

 

L’hospitalisation privée en chiffres

25 % de l’offre hospitalière

 1 097 établissements 

• 114 000 lits et places 

• 130 structures d’urgences

• 3 600 lits de soins intensifs 

34 % de l’activité hospitalière

• 8,8 millions de patients accueillis

• 6 millions de séjours MCO

• 220 000 naissances

• 2 millions de séances d’hémodialyse

• 2,3 millions de patients accueillis aux urgences

• 36 % des séjours MCO

• 54 % de la chirurgie

• 66 % de la chirurgie ambulatoire

• 24 % de l’obstétrique

• 31 % des séances de chimiothérapie

• 46 % des séjours de chirurgie carcinologique

• 31 % des soins de suite et de réadaptation

• 17,3 % des journées de psychiatrie

• 14,5 % des journées d’hospitalisation à domicile

Qualité des soins

• 95 % des établissements certifiés, aucune non-certification

Dynamisme de l’emploi

• 42 000 praticiens exercent dans l’hospitalisation privée, dont 89 % de médecins libéraux :

+ 17 % de médecins salariés depuis 2007 et près de 220 internes accueillis depuis 2011

Au total, le secteur emploie plus de 154 000 salariés (dont 78 % de personnel soignant)

• 54 000 infirmiers

• 32 000 aides-soignants

• 3 000 sages-femmes

• 1 900 masseurs-kinésithérapeutes)




« Nous voulons les mêmes missions que l’hôpital public »

364 – Catherine Sanfourche – Selon le président de la branche médecine-chirurgie-obstétrique de la Fédération de l’Hospitalisation Privée (FHP-MCO), la convergence tarifaire entre public et privé permettrait une économie de 7 milliards d’euros.

Gharbi Lamine 1La FHP-MCO a porté plainte auprès de la Commission européenne contre l’Etat français pour financement discriminatoire au profit des hôpitaux publics. Où en êtes-vous de cette plainte ?

Lamine Gharbi : Notre plainte porte sur le financement discriminatoire qui se fait en France au profit des hôpitaux publics. D’une part, il est avéré qu’il existe un écart moyen de 20 % de tarif pour un même acte entre le public et le privé, au détriment du privé. D’autre part, alors que le secteur privé participe aussi aux missions de service public, il ne perçoit que 1,1 % de la dotation MIGAC. Nous devrions avoir un premier éclairage de la part de Bruxelles dans les prochains mois. Je signale que nous ne sommes pas les seuls à avoir engagé une telle action ; la Belgique et la Suède l’ont fait aussi et pour les mêmes raisons. Cette disparité est inadmissible et contreproductive. En Allemagne, la convergence des tarifs a permis de dégager 9 milliards d’euros d’économies et l’on estime qu’en France elle pourrait dégager 7 milliards d’euros.

 

La FHP a voulu voir dans la première visite de Marisol Touraine à un établissement privé, à Trappes, en juillet dernier, une première rencontre « importante et engageante pour l’avenir ». Où en sont vont rapport avec la ministre et quels sont vos attentes et vos propositions ?

L. G. : Nous avons eu deux rencontres avec son cabinet, qui ont porté sur les emplois aidés et la révision des normes, que nous appelons de nos vœux depuis des années. Il s’agit de supprimer les factures papier dont le traitement donne lieu à un travail énorme. Nous souhaiterions aussi que les versements de l’Assurance Maladie aux cliniques soient faits en une seule fois et non sous forme d’acomptes comme actuellement. Au-delà de cela, nous voulons surtout les mêmes missions que l’hôpital public. Nous voulons que les tarifs hospitaliers soient les mêmes que ceux du secteur privé, donc la convergence tarifaire. Alors que le développement de l’hospitalisation ambulatoire est recommandé, nous souhaitons un tarif moyen pondéré entre l’hospitalisation et l’ambulatoire. Et nous réclamons des services d’urgences. Il en existe actuellement cent cinquante en France dans des établissements privés, nous en demandons cent de plus.

Par ailleurs, nous n’avons toujours pas digéré qu’on nous donne d’une main le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, pour nous le reprendre de l’autre par une baisse accrue des tarifs. Nous sommes donc très inquiets d’une mesure qui pourrait être dans le prochain PLFSS et qui consisterait en une baisse des tarifs appliquée aux établissements privés dont le chiffre d’affaire augmenterait d’une année sur l’autre. Cet « ONDAM personnel » constituerait pour nous un véritable casus belli.

 

Lors de sa visite à Trappes, la ministre a annoncé qu’elle mettrait en place un observatoire de da coopération entre secteurs public et privé d’ici à la fin de l’année et qu’elle attendait des propositions de la FHP sur le sujet. Ou en est votre réflexion ? 

L. G. : On compte cent soixante coopérations public-privé en France actuellement. Mais rien ne progresse pour l’instant. Ce que je constate, c’est que la restructuration de l’hospitalisation s’est faite, parfois douloureusement, avec de nombreuses fermetures, mais qu’aujourd’hui, la redistribution des cartes se fait surtout via le non-renouvellement des autorisations pour les établissements privés.

 

En effet, dans de nombreux endroits, une restructuration de l’offre de soins se fait en faveur de l’hôpital public et au détriment des cliniques privées, et pas toujours au bénéfice de la population, semble-t-il. Comment l’expliquez-vous ?

L. G. : Les pouvoirs publics ne parlent de complémentarité public-privé que lorsqu’ils sont en situation de faiblesse, c’est-à-dire quand ils ont besoin de nous. Mais quand nos établissements sont en difficulté, ils les ferment ! Et cela, quelle que soit la couleur politique, je me suis tout autant opposé à Roselyne Bachelot et à Xavier Bertrand. La vraie raison est électoraliste : les 200 000 électeurs que représente l’hospitalisation privée ne pèsent pas lourd comparés au million d’électeurs des hôpitaux ! Mais je suis optimiste,  nous arriverons à obtenir la parité de traitement.

 




A Montluçon comme ailleurs, le cloisonnement demeure

364 – Catherine Sanfourche – Pour sortir l’hôpital de ses difficultés, la tutelle a décidé d’y rapatrier l’USIC située dans la polyclinique Saint-François. L’hôpital s’est retiré du Groupement de coopération sanitaire. Fin d’une tentative de partenariat public/privé

Marisol Touraine, a beau prôner le décloisonnement de notre système de santé, la coordination et la complémentarité entre ses différents acteurs, les cardiologues libéraux  exerçant dans le secteur hospitalier privé ont du mal à y croire, tant les exemples se multiplient où l’on voit les ARS déclarer tout à trac qu’ici, une clinique cardiaque se fondra dans un site unique au sein du CHU, que là les urgences spécialisées du secteur privé ne bénéficieront plus du FIR ou que tel service de chirurgie cardiaque d’une excellence unanimement reconnue devrait fusionner avec celui –à la médiocrité tout aussi reconnue- de l’hôpital public local (voir l’éditorial de Christian Ziccarelli). Cela se passe en Rhône-Alpes, en Alsace, dans le Nord-Pas-de-Calais ou… en Auvergne, à Montluçon, par exemple.

Dans cette ville de l’Allier inscrite dans un bassin de santé caractérisé par une population vieillissante et précaire, l’hôpital public n’en finissait pas de se dégrader,  économiquement, médicalement (départs non remplacés de médecins), et a accumulé les déficits depuis une dizaine d’années. A la suite d’un rapport de l’IGAS, l’établissement public a été mis sous tutelle administrative depuis le printemps dernier. « En ce qui concerne la cardiologie, explique Jean-Pierre Binon, cardiologue à la polyclinique Saint-François de la ville et président de l’URPS Auvergne, après le départ de l’hôpital la quasi-totalité des cardiologues en 2007, un Groupement de Coopération Sanitaire (GCS) a été créé l’année suivante, en 2008, avec un une USIC basée à la polyclinique Saint François et une dizaine de lits à l’hôpital. Le GCS n’a pas vraiment fonctionné et le cloisonnement a vite repris le dessus. Mais cela a quand même permis d’assurer la cardiologie à Montluçon, avec à l’époque cinq cardiologues libéraux et un à trois cardiologues hospitaliers. »  C’est dans ce contexte que survient le rapport de l’IGAS qui préconise notamment pour le redressement de l’hôpital « de nouvelles activités », à savoir une unité neurovasculaire pour la prise en charge des AVC et…  le « rapatriement des soins intensifs cardiologiques sur le site de l’hôpital et de l’ouverture d’un plateau de cardiologie interventionnelle ».

 

Une action qui privilégie le public… au détriment des patients

« Remettre de l’activité cardiologique à l’hôpital, cela signifie la piquer à la polyclinique, commente Jean-Pierre Binon. Le 1er septembre, le CGS a été cassé et l’hôpital s’en est retiré. Le seul cardiologue exerçant à l’hôpital et qui prenait des gardes à l’USIC n’en prend plus. Nous ne sommes plus que quatre à les assurer. L’USIC est donc fragilisée, d’autant plus que des consignes écrites ont été données pour que, en fonctions des pathologies, les patients soient orientés sur divers établissements à Moulins, Vichy ou Clermont-Ferrand mais pas vers l’USIC. Cette fin du partenariat public/privé, ce véritable boycott de l’USIC est grave car cela retarde la prise en charge cardiologique des patients, puisqu’il n’y a ni urgences cardiologues, ni cardiologue de garde à l’hôpital de Montluçon. »

Dans ce conflit, l’ARS ne dit mot. « Nous réclamons une discussion, mais elle reste muette. Tout a basculé avec la mise sous tutelle de l’hôpital et l’arrivée des administrateurs. Il fallait, certes, faire évoluer le GCS, mais ce n’est pas l’option qui a été choisie. Pour le renflouer, il a été décidé de recréer un service de cardiologie dans un hôpital qui n’a pas su le faire vivre et où il n’y a plus de compétences cardiologiques, pas d’angiologue, pas de chirurgien vasculaire, ex nihilo, dans un environnement qui n’est pas sécurisé. Ce qui se passe ici illustre parfaitement la politique du Gouvernement qui privilégie l’hôpital public au détriment du privé. »




Entretien Nicolas Brun (CISS) : « Il faut mener une démarche de santé communautaire au sein des territoires »

362-363 – Catherine Sanfourche – Président d’Honneur du Collectif Interassociatif Sur la Santé et coordonnateur au pôle Protection sociale – Santé de l’Union Nationale des Associations Familiales (UNAF), Nicolas Brun commente les résultats du Baromètre 2013 du CISS.

 

BrunQuels sont pour vous les éléments les plus marquants du Baromètre 2013 du CIS ?

Nicolas Brun : Tout d’abord, le baromètre met en évidence que les Français ont une très grande confiance en leur médecin, particulièrement en leur médecin traitant, qui est leur interlocuteur direct. Cela a de quoi rassurer le monde de la santé. L’autre élément qui me semble très important est ce qui est signifié à propos d’internet. L’internet est un outil qui donne un complément d’information, qui peut servir à réassurer, à préparer une consultation, mais l’élément principal reste le dialogue avec le médecin, la relation humaine privilégiée et affirmée comme le lien nécessaire entre le patient et celui qui le prend en charge. Mais internet rénove et renforce ce dialogue. Avant, il y avait le médecin qui savait et face à lui, le patient qui ne savait pas. Les gens étant de plus en plus informés, ce modèle devient minoritaire. Le modèle qui tend à devenir dominant actuellement est celui dans lequel les patients veulent savoir et vont chercher l’information sur internet. Le professionnel de santé doit s’appuyer sur cette réalité dans son dialogue avec le patient. Internet ne joue pas contre lui, au contraire, il peut renforcer la confiance du patient dans son médecin qui reste le professionnel qui va l’aider à décrypter l’information collectée sur Internet.

 

Comment interprétez-vous le déficit de connaissance de leurs droits que montre le Baromètre 2013 ?

N. B. : Il y a dix ans, les réponses auraient été encore plus négatives : certains droits n’existaient pas ou étaient éparpillés, illisibles. De ce point de vue, la loi du 4 mars 2002, dite loi Kouchner, a eu une vertu pédagogique évidente : la notion de droit est passée dans la population. Après, on constate, bien sûr, une hétérogénéité des connaissances. Les droits concernant la fin de vie, par exemple, sont les plus mal connus. Comment l’expliquer ? Il y a sans doute plusieurs raisons, la principale étant peut-être que, tant qu’on n’est pas confronté à ce problème, on ne va pas spontanément chercher l’information. En revanche, les gens ont parfaitement assimilé maintenant leur droit d’accéder à leur dossier médical, même si dans le concret, cet accès pose encore des problèmes d’ordre pratique. C’est une évolution positive, d’autant que, dans l’immense majorité des cas, les gens veulent accéder à leur dossier non pour contester l’avis du médecin, mais pour pouvoir dialoguer d’égal à égal en termes d’informations médicales. Contrairement à ce qu’ont craint les médecins, l’accès au dossier médical n’a pas déclenché une judiciarisation, comme en témoigne le nombre de procédures judiciaires qui ne s’est pas envolé.

Plus généralement, je pense que la méconnaissance qu’ont les gens de leurs droits en matière de santé provient d’un déficit d’information. Il y a peu de campagnes d’information sur ces sujets. Et lorsqu’il s’agit de directives européennes – comme celle concernant les soins transfrontaliers – elles sont rédigées en anglais, ce qui est un obstacle de plus dans leur diffusion auprès des Français et donc, dans leur appropriation par la population.

 

Les associations arrivent en tête des acteurs jugés les plus légitimes pour représenter et défendre les intérêts des malades, avec un score en hausse de 12 points par rapport à 2012, mais elles obtiennent un score moins bon en tant que source d’information sur la santé. Comment expliquez-vous cette ambiguïté ? 

N. B. : La hausse n’est sans doute pas étrangère aux récentes affaires sanitaires : il est certain que le public nous reconnaît une indépendance et la capacité à représenter les intérêts des malades en cas de problème. Pourtant, l’image des associations est quelque peu troublée du fait de leur financement par les laboratoires. Il s’agit là d’une juste interrogation démocratique. Mais pour nous, le problème est réel, puisque le financement privé est désormais interdit et que le financement public est en baisse.

La participation des usagers à la démocratie sanitaire est une bonne chose, mais il faut les recruter, les former, etc. On donne aux associations d’usagers de plus en plus de responsabilités, et c’est bien, mais pour cela, elles ont besoin de moyens. Sans moyens, le risque est de voir les associations se recentrer exclusivement sur les pathologies.  Nous sommes au milieu du gué, et la situation est difficile.

Le CISS revendique une représentation des usagers au sein des différentes instances, avec un pouvoir décisionnel, et non pas seulement pour avis. Pensez-vous y parvenir ?

N. B. : La participation des usagers revient à faire bouger les lignes, à introduire un tiers dans des instances où l’on ne sera plus entre experts et à créer des sphères d’influence nouvelles. En 2000, le CISS s’est créé autour du combat pour l’accès au dossier médical et le collectif a emporté le morceau. Depuis, notre réflexion est davantage transversale. Les associations et les blogs influents vont continuer de se développer, porteurs d’une parole reconnue par de nombreuses personnes. Mais parallèlement, il faut mener une démarche de santé communautaire au sein des territoires ; il serait intéressant d’associer les gens d’un quartier à ce que doit être la mission d’un établissement ou d’un ensemble de professionnels de santé. Les choses se construisent doucement, dans la difficulté : on manque de moyens financiers et il faut que le système se décloisonne. Nous sommes dans une période intermédiaire, beaucoup de choses ont déjà été faites, mais beaucoup reste à faire. n

 




Les Français et leur santé : l’âge de raison

362-363 – Catherine Sanfourche – Plusieurs baromètres santé interrogent les Français sur leur perception du système de santé et leurs attentes. La connaissance de leurs droits progresse, leur confiance dans les professionnels de santé ne faiblit pas et ils sont satisfaits dans l’ensemble du système de santé, même s’ils disent ressentir une détérioration et constatent que le reste à charge des dépenses a augmenté ces derniers temps. Face à la nécessité de préserver le système solidaire de protection sociale, la majorité des Français estime que des économies peuvent être faites sans entamer la qualité des soins, notamment par le développement de la prévention et de l’éducation thérapeutique. 

Fenêtre sur1

En ce printemps à la climatologie hasardeuse, les baromètres fleurissent, qui auscultent les opinions des Français sur notre système de santé sous tous ses aspects. Pour la sixième année consécutive, la Collective Interassociatif Sur la Santé (CISS) a publié son baromètre 2013 des droits des malades à l’occasion de la Journée européenne des droits des patients, le 18 avril dernier (1). Le premier enseignement qu’il donne est que les Français font avant tout confiance aux professionnels de santé comme sources d’information sur la santé, médecin traitant en tête (94 %), suivi de près par les médecins spécialistes (91 %) et les pharmaciens (86 %). Viennent ensuite les complémentaires santé (72 %), les proches (70 %), les organismes publics (68 %), devant les associations (63 %). Il faut noter que si les Français sont de plus en plus nombreux à surfer sur internet en quête d’informations santé, ils accordent à ce média une fiabilité toute relative et le placent en queue de peloton (33 %). Pour autant, plus de la moitié (53 %) le considèrent comme le moyen d’être mieux informé pour dialoguer avec le médecin. Mais que les professionnels de santé se rassurent : les services de santé en ligne (consultations médicales, carnets de santé électroniques, etc.) n’inspirent confiance qu’à 24 % des Français qui, dans leur écrasante majorité (91 %) estiment qu’ils ne peuvent remplacer les services de santé traditionnels.

Interrogés sur le sentiment qu’ils ont que les droits des patients sont bien appliqués ou non, les trois quarts des Français (77 %) estiment respecté le droit d’accéder aux soins. Le droit d’être soulagé de la douleur ou celui d’être informé sur les soins reçus sont aussi largement perçus comme étant bien appliqués par plus de deux tiers des Français. Mais on remarque un décrochement significatif quand il s’agit de l’information sur le prix des soins et le niveau de leur remboursement : moins de la moitié des Français (48 %) estime que ce droit est bien appliqué.

D’ailleurs, l’aspect problématique du financement de la santé est une constante qui ressort des différents sondages. Ainsi, le baromètre santé 2013 Deloitte et Harris Interactive (2) montre lui aussi une satisfaction globale à l’égard du système de santé : 71 % des Français estiment facile l’accès aux soins et 84 % jugent satisfaisants les remboursements de leur complémentaire. Avec néanmoins un bémol : deux tiers d’entre eux estiment que le fonctionnement et la qualité de l’Assurance Maladie se sont dégradés au cours de la dernière année et les trois quarts (76 %) ont le sentiment que leur reste à charge a augmenté depuis un an. Près de 90 % des Français jugent d’ailleurs trop élevé le prix de certains actes médicaux et des médicaments. Dans ce contexte, 41 % des Français veulent que le contrôle et la limitation des honoraires libres soient une priorité gouvernementale.

Dans leur majorité, ils souhaitent maintenir le système de protection sociale en l’état ; seuls 35 % se disent prêts à voir augmenter leurs cotisations pour maintenir le niveau de remboursement de leurs dépenses de santé. Car la couverture santé est une priorité pour les Français. Plus d’un quart d’entre eux serait même prêts à ne plus adhérer au régime de base pour souscrire une assurance maladie à 100 %. Mais sans recourir à cette solution radicale, il est évident que la responsabilisation des usagers va croissant pour garantir la viabilité de notre système de santé : près des trois quarts d’entre eux estiment que les coûts peuvent être réduits sans dégradation de la qualité, 65 % sont convaincus que la prévention a un impact important sur les curatifs, 58 % qu’elle peut reculer l’âge d’entrer dans la dépendance et la moitié est favorable à la mise en place de programme d’ETP pour améliorer l’observance et limiter les coûts des pathologies chroniques ou sévères.

La période de récession que nous traversons a de quoi angoisser les Français, notamment en ce qui concerne la prise en charge de leur santé, qui reste une priorité pour eux. Mais, manifestement, ce contexte de crise les rend lucides et plus responsables : ils savent qu’on ne peut dépenser sans fin et signifie qu’ils sont prêts à tenir leur partition dans la régulation du système de santé.

(1) Sondage LH2 réalisé les 22 et 23 mars derniers par téléphone auprès d’un échantillon de 1 003 personnes représentatif de la population française âgée de 15 ans et plus.
(2) Sondage réalisé par questionnaire autoadministré entre les 7 et 18 février derniers auprès d’un échantillon représentatif de 2 000 personnes majeures.

 




Les Français et le médicament : la confiance les yeux ouverts

362-363 – Catherine Sanfourche – Pour la troisième fois, Ipsos a réalisé pour Les Entreprises du Médicament (LEEM) « l’observatoire sociétal du médicament ». En cette période où le vent de la contestation à fortement soufflé sur les médicaments, on pouvait s’attendre à voir fléchir la confiance des Français dans les médicaments. Il n’en ai rien, au contraire : 87 % des personnes interrogées déclarent leur confiance dans le médicament quand ils n’étaient « que » 84 % en 2012 et 82 % en 2011… Et ce n’est pas parce qu’ils ignorent tout des récentes polémiques : 52 % disent avoir entendu parler du livre des Professeurs Even et Debré (Guide des 4000 médicaments utiles, inutiles et dangereux) et 95 % ont eu vent de la polémique sur les pilules de 3e et 4e générations. Quant aux médecins généralistes, interrogés pour la première fois cette année dans le cadre de cet observatoire, ils sont 94 % à affirmer aussi cette confiance dans le médicament.

Fenetre sur2Dans son analyse des résultats, le LEEM avance plusieurs explications à  cette « apparente contradiction ». Tout d’abord, le patient est confiant parce qu’il est un acteur « conscient des risques et qui s’informe ». 43 % des Français disent prendre des médicaments tous les jours (hors pilule contraceptive) et 92 % estiment que les médicaments qu’ils prennent sont efficaces d’une manière générale. Ils sont 77 % à considérer que depuis vingt ans, les médicaments se sont améliorés d’une façon générale. « Même s’ils ne nient pas les problèmes rencontrés par certains médicaments, commente le LEEM, les Français s’en remettent avant tout à leur vécu, à leur “longue” relation avec les médicaments ».

En second lieu, les Français montrent, selon le LEEM, « une réelle maturité et une implication forte ». Si plus des deux tiers jugent que leur médecin (64 %) ou leur pharmacien (68 %) leur donnent assez d’information sur les médicaments prescrits et délivrés, ils sont autant à aller rechercher des informations supplémentaires sur les effets indésirables, les contre-indications et la posologie. Pour ce faire, ils consultent la notice (48 %) et Internet (46 %). Lors de la première prise d’un médicament, ils sont d’ailleurs 97 % à lire la notice et consulter les informations figurant sur la boîte.

Cette appétence pour l’information a tout naturellement fait évoluer la relation que les Français entretiennent avec leur médecin. Plus de la moitié (51 %) déclare avoir déjà parlé avec leur médecin des informations qu’ils ont recueillies sur Internet à propos de leurs symptômes ou de leur maladie. Et les médecins confirment : tous disent avoir connu cette situation. Tout comme ils confirment largement (96 %) qu’on leur demande souvent la prescription d’un médicament en particulier (62 % des Français disent l’avoir déjà fait) ou être contestés dans leur prescription (un quart des personnes interrogées dit avoir déjà montré leur désaccord). Pour le LEEM, « le fait de pouvoir discuter, débattre et remettre en cause participe aussi du processus de confiance dans le médicament ». Les médecins auront peut-être une autre interprétation !

De même peut-on s’interroger sur l’affirmation du LEEM selon laquelle la multiplicité des acteurs de la chaîne du médicament parce qu’elle serait « rassurante sur leur capacité à s’interréguler » renforcerait aussi la confiance des Français dans le médicament. Les dernières « affaires »  ont pu aussi laisser penser que cette multiplicité des acteurs diluait les responsabilités et empêchait parfois les prises de décision ad hoc.

En revanche, on ne s’étonne pas de constater que la confiance dans les médicaments est d’autant plus grande qu’ils bénéficient d’une caution médicale : la confiance atteint 93 % pour les médicaments sur ordonnance contre 66 % pour ceux délivrés sans ordonnance. La caution publique qu’apporte le remboursement est aussi facteur de confiance : 92 % des Français se fient aux médicaments remboursés contre 74 % qui se fient à ceux non pris en charge. De même, les Français font plus confiance aux princeps (88 %) qu’aux génériques (70 %). Rien d’étonnant dans ces conditions que seuls 4 % des personnes interrogées aient déjà acheté des médicaments sur internet.

Enfin, si 63 % des Français disent voir une bonne image de l’industrie pharmaceutique, soit 3 % de plus qu’en 2012, leur vision du secteur est « positive, mais sans concession », indique le LEEM. Ainsi, 90 % d’entre eux (et 96 % des médecins) estiment que l’objectif premier des entreprises pharmaceutiques est de faire du profit et usagers et médecins s’accordent (83 %) pour penser qu’elles « ne font de la recherche que pour des médicaments financièrement rentables ». Confiants dans le médicament les Français ? Oui, mais lucides.

 

Spécialistes, on vous aime !

Selon le troisième baromètre du Groupe Pasteur Mutualité, 93 % des Français font « tout à fait » ou « plutôt » confiance aux spécialistes, un iota de plus qu’aux généralistes (92 %). L’écoute (59 %), l’expérience (54 %), la disponibilité (37 %) et la capacité à prendre des décisions rapides (32 %) sont les critères sur lesquels s’assoie cette confiance. Concernant l’écoute et la disponibilité, les généralistes (75 %) l’emportent sur les spécialistes (64 %). En revanche, au chapitre de l’expérience, les personnes interrogées font davantage confiance aux spécialistes et aux hospitaliers (83 %) qu’aux généralistes (70 %) pour « s’adapter aux évolutions des soins et s’informer sur les nouvelles techniques médicales applicables aux patients ». Las ! L’accès aux spécialistes n’est pas évident : seuls 35 % des Français estiment qu’ils sont « bien répartis » sur le territoire (40 % ont le même sentiment à l’égard des généralistes).

Sur l’aspect financier des choses, le baromètre montre qu’une majorité des Français (78 %) jugent la consultation d’un spécialiste « trop chère », moins cependant que les soins dentaires (87 %).




Hôpital public : le rapport Couty, et après ?

361 – Conformément aux priorités du gouvernement socialiste, Marisol Touraine a ouvert le chantier du Pacte de confiance pour l’hôpital en affirmant qu’il s’agissait de tourner la page de la loi HPST. La mission dirigée par Edouard Couty a remis son rapport il y a quelques semaines. Les propositions qui y sont faites ont été accueillies plutôt favorablement par la communauté hospitalière. On n’en dira pas autant du rapport de Dominique Laurent sur l’activité privée à l’hôpital qui hérisse les médecins libéraux. La ministre de la Santé annonce de la concertation à tout va. Mais les hospitaliers estiment que cette concertation doit impliquer tous les acteurs, ne pas s’éterniser et déboucher rapidement sur des mesures concrètes de réforme.

Pour n’être pas très volumineux (72 pages), le rapport de la mission dirigée par Edouard Couty n’en est pas moins dense. En effet, 46 propositions visent à reconstruire le service public hospitalier, à rénover la gouvernance hospitalière et la tarification, à refondre le cadre du dialogue social à l’hôpital et à améliorer les relations entre les établissements et les tutelles, en particulier avec les agences régionales de santé (ARS). 

Reconstruire le service public hospitalier

Le Service Public Hospitalier (SPH) est confié à l’hôpital public et aux ESPIC mais « tout ou partie de ce SPH peut être attribué dans certaines conditions aux établissements rivés commerciaux ». Ce SPH doit s’inscrire dans un territoire et l’approche de l’organisation du système autour du parcours de soins ou parcours de vie. « L’objectif est de faire coopérer réellement et efficacement toutes les structures et tous les professionnels concernés, notamment les professionnels libéraux. Pour cela, il importe de définir le territoire et de clarifier le positionnement des différents acteurs en disposant d’outils adaptés tels que projet de territoire et contrat de territoire. » Edouard Couty préconise « des expérimentations notamment en vue de confier au médecin traitant la coordination du parcours du patient ». Bien sûr, un tel projet nécessite d’« investir prioritairement dans les systèmes d’information permettant aux établissements de communiquer entre eux et avec tous les professionnels de santé ».

Rénover la gouvernance

Pour « rétablir une gouvernance équilibrée », le rapport Couty propose que cette gouvernance repose sur trois piliers :

Le conseil d’établissement – remplaçant l’actuel conseil de surveillance – serait un conseil délibérant et chargé de surveiller l’exécutif. Son champ de compétence serait élargi à la politique d’amélioration continue de la qualité, de la sécurité des soins et de la gestion des risques, aux conditions d’accueil et de prise en charge des usagers, au règlement intérieur ainsi qu’à la stratégie financière de moyen et long terme. Son président serait élu dans les collèges représentant les élus, les personnalités qualifiées et les usagers. Il devrait être doté des moyens de s’assurer de la bonne mise en œuvre de ses décisions, disposer d’un audit interne et pouvoir faire appel à des audits externes.

Le conseil de direction remplacerait l’actuel directoire en en gardant les compétences. Le nombre de ses membres ne devrait pas être fixé de manière réglementaire, mais dépendre du contexte local et de la taille de l’établissement. Le conseil de direction serait composé du directeur de l’hôpital, du président de la CME, du doyen de la faculté de médecine dans les CHU et du directeur des soins. Libre à ce « noyau dur » de désigner les autres membres du conseil.

Instances consultatives issues des professionnels et des usagers. Edouard Couty préconise de revoir les domaines de compétence des instances consultatives. Concernant la CME, il propose d’élargir ses compétences à l’accueil des étudiants et des internes, à l’intégration des professionnels médicaux nouvellement recrutés, à la modernisation des ressources humaines, au développement du dialogue social et en matière d’information sur la stratégie financière et les investissements. Il est également propos de « faire évoluer la composition de la CME » pour y intégrer une représentation des étudiants en médecine, pharmacie et odontologie. Quel que soit le collège concerné, tous les membres de la CME devraient être élus par leurs pairs.

Ajuster le mode de financement

Un financement mixte. Dans ce chapitre, le rapport veut corriger les effets pervers de la T2A, qui est jugée inflationniste, qui incite à la concurrence plus qu’à la coopération, conduit à segmenter l’activité et ne permet pas de prendre correctement en charge les polypathologies et les maladies chroniques. Edouard Couty propose donc un financement mixte comportant trois volets : la T2A pour les activités MCO de court séjour, un mode de financement pour les maladies au long cours adapté au parcours de soins et une part en dotation pour les missions d’intérêt général et de service public (MIG). Concernant la part T2A, il est suggéré d’introduire « plus de transparence dans l’élaboration et la maintenance des tarifs, de bien déterminer le périmètre et la nature des charges fin ancées par ces tarifs et de prendre en compte l’activité de tous les professionnels, notamment les infirmiers ». Le rapport Couty recommande de passer de la NGAP à une CCAM « pour financer de manière juste le temps médical. Les expérimentations doivent être favorisées pour le financement par épisode de soins ou le financement du parcours de soins.

Améliorer les relations avec les tutelles 

Un « manque réciproque de confiance » : c’est le constat fait par la mission Couty. Pour y remédier, le rapport émet un certain nombre de propositions pour « recentrer l’Etat central sur son rôle de stratège ». Il s’agit de « prévenir et d’éviter les injonctions contradictoires » et de cadrer l’action des ARS à partir d’objectifs généraux et de méthodes d’action « afin de leur laisser marge de manœuvre et capacités d’initiatives ». Edouard Couty considère également qu’il faut « mieux définir au plan méthodologique l’élaboration des contrats entre les ARS et les établissements ».

13 engagements ministériels

Dès la remise de ce rapport, la ministre des Affaires sociales et de la Santé a pris 13 engagements à partir des propositions de la mission Couty. Marisol Touraine confirme la réintroduction de la notion de service public hospitalier dans la loi qui précisera « ses acteurs, des missions, des droits et obligations ». Le service public territorial permettra de « reconnaître une responsabilité collective de service public à l’ensemble des acteurs de santé d’un territoire ». La ministre a également confirmé le renforcement des prérogatives des CME – qui devrait se concrétiser par un décret avant l’été prochain – et avancé l’idée d’un « contrat de gouvernance » entre le directeur d’établissement et le président de la CME. Au chapitre du financement de l’hôpital, elle s’engage à poser les premiers jalons d’une tarification de parcours. Le comité de réforme de la tarification devra lui remettre avant le 30 juin prochain un rapport d’orientation assorti de mesures immédiates qui seraient introduites dans le prochain PLFSS.

Cependant, la concrétisation dans les textes du Pacte de confiance pour l’hôpital, qu’il faut bien appeler une nouvelle réforme hospitalière, n’est pas pour demain. Marisol Touraine a en effet annoncé l’ouverture d’une vaste concertation, dont les conclusions sont attendues pour cette année, voire 2014 pour les changements les plus complexes. Ce calendrier ne va pas sans inquiéter la communauté hospitalière : plutôt favorable aux propositions de la mission Couty, elle qui estime qu’il ne faudrait pas s’attarder trop longtemps dans les discussions et qu’il est grand temps de passer aux actes.

 

Les différents statuts d’établissements

810 centres hospitaliers (CH) y compris les ex-hôpitaux locaux. Cette catégorie intermédiaire d’établissements assure la majeure partie des prises en charge de court séjour en Médecine, Chirurgie et Obstétrique (MCO) ainsi que la prise en charge et les soins pour les personnes âgées. 

33 Centres Hospitaliers Régionaux (CHR) assurent les soins les plus spécialisés à la population de la région ainsi que les soins courants à la population la plus proche.

Les Centres Hospitaliers Universitaires (CHU). Ce sont des CHR ayant passé une convention avec une unité de formation et de recherche médicale au sein d’une ou de plusieurs universités.

90 Centres Hospitaliers Spécialisés (CHS) en psychiatrie.

Les Établissements de Santé Privés d’Intérêt Collectif (ESPIC) regroupent les 19 centres de lutte contre le cancer ainsi que 688 autres établissements privés à but non lucratif. Les ESPIC représentent 14 % des lits et places du secteur hospitalier.

1  047 établissements de santé privés à but lucratif. Ces établissements, dénommés le plus souvent « cliniques », représentent environ un quart des lits et places du secteur hospitalier.

 

Patrick Jourdain « Il faut passer de l’idée à l’action »

Cardiologue responsable du département de cardiologie ambulatoire au Centre hospitalier de Pontoise (95), le Dr Patrick Jourdain estime que le rapport de la mission conduite par Edouard Couty est porteur de grands espoirs. Mais tout dépendra de ce qui sortira de la concertation qui va s’engager maintenant.

 

Comment réagissez-vous au rapport de la mission Couty ? 

Patrick Jourdain : D’une manière générale, je trouve le rapport Couty très constructif. Il va dans le sens d’un rééquilibrage en faveur de la prise en charge des patients et il affirme la prévention comme une mission du service public. La gouvernance est elle aussi rééquilibrée, donnant plus de place aux usagers, redonnant un rôle plus important à la CME. Marisol Touraine a repris treize mesures, parmi lesquelles le service public territorial de santé, qui me semble un gros progrès : on en peut en effet faire tout partout. Le parcours de soins est essentiel, car le grand défi que nous avons à relever est celui de la maladie chronique. La politique d’investissement à l’échelle régionale – un peu comparable à ce qui se fait en Allemagne – est pertinente. Mais avant d’enclencher la réforme, on va passer par la phase de concertation, ce qui peut être problématique. D’une part, il faut éviter de rester dans la discussion sans passer à l’action, car dans la crise actuelle, on voit bien que les malades ont de plus en plus de mal à se soigner. D’autre part,  ce qui sortira de cette concertation dépendra beaucoup de qui sera autour de la table. La démarche proposée par le rapport Couty est bonne, mais pour l’instant, on n’est encore que dans l’idée. Le rééquilibrage sera effectif si l’on dépasse l’effet d’annonce. Les Schémas Régionaux d’Investissement en Santé (SRIS) seront pertinents si la représentativité des acteurs est bonne et reflète la réalité de l’offre de soins : les CHU, les CH, les CHG ont des recrutements et des activités différents. Dans la phase de concertation qui va s’ouvrir, il faut que tous les effecteurs de soins soient représentés à l’échelle de ce qu’ils représentent.

Le rapport Couty propose une diversification de la tarification avec, en particulier, un mode de financement des maladies chroniques adapté au parcours de soins du patient. Qu’en pensez-vous ?

P. J. : Ce type de financement est essentiel. Dans mon activité, par exemple, les patients chroniques ont besoin d’éducation thérapeutique. Mais cet acte n’est pas rémunéré par la T2A et chaque fois que j’en prescris, je fais perdre de l’argent à ma direction ! Je sais que beaucoup de mes confrères doivent se battre pour maintenir ce type d’activité. La prévention, l’ETP coûtent de l’argent. Mais dans l’objectif d’efficience, il faudrait sortir de la vision purement comptable et se poser les bonnes questions : combien de patients, guéris, combien de patients allant mieux. C’est la reconnaissance de cette efficience-là qui importe.

Ne trouvez-vous pas que le rapport Couty reste relativement discret sur le décloisonnement ville/hôpital, dont Marisol Touraine fait pourtant une priorité ?

P. J. : Ce décloisonnement, on en parle depuis des décennies, mais il était difficile dans un tel rapport d’aller plus loin que les généralités à ce sujet. Je crois qu’en la matière, tout vient d’une réelle volonté des acteurs de terrain de travailler ensemble, de connaître et de comprendre ce que font les autres.
Si l’on a une vraie gestion territoriale, avec une réelle représentation des acteurs locaux, on parviendra à des solutions. Je pense qu’il faut partir d’une pathologie donnée et travailler à l’échelon d’un territoire de santé, cela ne peut fonctionner que comme ça.

Tout va donc dépendre de la concertation future ?

P. J. : Le rapport Couty et les mesures retenues par Marisol Touraine apportent un grand espoir. Il y a là un beau diamant à ne pas ébrécher !
Les gens attendront de voir ce qui va sortir de la concertation : la discussion ne doit pas d’éterniser, elle doit impliquer toutes les parties, qui devront se reconnaître dans les choix qui seront arrêtés. Si chacun ne se sent pas dans le bateau, cela ne marchera pas.

 

Activité privée à l’hôpital

Le rapport qui scandalise les libéraux

Les adaptations de l’avenant 8 suggérées par le rapport de Dominique Laurent sur l’activité privée à l’hôpital provoquent la colère des médecins libéraux. Ils n’acceptent pas le traitement de faveur fait aux hospitaliers justifié par des expertises et compétences jugées supérieures.

En décembre dernier, un amendement parlementaire encadrant assez strictement l’activité libérale à l’hôpital public avait été retiré à la demande de Marisol Touraine, la ministre s’étant avisée qu’il n’était pas opportun de légiférer avant que ne lui fut remis le rapport qu’elle avait commandé à la conseillère d’Etat Dominique Laurent sur le sujet (voir Le Cardiologue n° 357). L’amendement rejeté proposait l’encaissement par l’hôpital des revenus de l’activité libérale avec reversement ultérieur au praticien, l’obligation pour les médecins de fournir leur planning d’activité libérale et une majoration de la redevance due au titre de l’activité privée quand elle dépasserait un certain seuil. Les neuf recommandations du rapport de la mission Laurent sont assez en-deçà de l’amendement parlementaire et ne risquent pas de modifier significativement les pratiques en cours à l’hôpital public. 

Pour l’essentiel, le rapport Laurent préconise d’ « appliquer l’avenant n° 8 de manière adéquate à l’activité libérale dans les établissements publics de santé en contrôlant les dépassements excessifs d’honoraires, tout en tenant compte de ses spécificités ». Et pour l’essentiel, ces spécificités se résument dans le rapport à des « expertises et compétences » propres aux hospitaliers. Le texte mérite d’être cité in extenso : « La mission a estimé que le fait d’exercer comme PU-PH ou praticien hospitalier dans un EPS à temps plein conférait à cette activité les caractéristiques d’une activité de recours et que les critères d’expertise et de compétence devaient dans ces cas être présumés. Le contenu intellectuel spécifique des actes des praticiens hospitaliers doit être ainsi mieux pris en compte car les pathologies plus graves qu’ils traitent, les actes techniques plus longs et plus difficiles qu’ils pratiquent, les patients plus lourds auxquels ils délivrent des soins, pour lesquels ils mobilisent un savoir et une expérience intellectuelle spécifiques, justifient une rémunération spécifique, et différente de celle afférente à un acte technique banal, à une consultation pour pathologie courante et pour un patient traité sans difficulté. La notion “d’expertise et de technicité” retenue par l’avenant correspond à ces cas de figure et doit permettre que les dépassements fondés sur une forte plus-value intellectuelle soient considérés comme non abusifs ». Le rapport Laurent voit pour preuve de cette plus-value supérieure le fait que les PUPH puissent coter C3 (69 euros).

Les médecins de ville apprécieront la « médecine à deux vitesses » selon Dominique Laurent… A vrai dire,  ils n’apprécient pas, mais alors pas du tout. La CSMF se dit « stupéfaite d’une telle préconisation qui fait injure aux praticiens libéraux en niant leur plus-value intellectuelle et leur technicité ». Concernant la cotation 3C, elle « constitue en soi une injustice flagrante » pour la Confédération, qui rappelle qu’elle en réclame l’extension depuis de nombreuses années pour tous les praticiens libéraux « afin de valoriser les consultations complexes à forte valeur ajoutée médicale dans le cadre de la CCAM clinique ». La CSMF « exige que les critères définis dans l’avenant n° 8 s’appliquent à tous comme cela était prévu dès le départ ». Pour Jean-François Rey, « on ne peut pas comprendre qu’il y ait deux poids, deux mesures et que l’opacité perdure sur l’exercice privé d’une partie de nos confrères ». « Les dépassements abusifs qui font la Une des médias concernent 400 médecins, dont 200 hospitaliers. Qui pourrait concevoir qu’on sanctionne les 200 praticiens de ville hors des clous et pas les 200 hospitaliers ? Etre un “grand nom” de l’hôpital ne dispense pas de respecter les règles. Les honoraires des hospitaliers et leurs dépassements doivent être transparents et les règles doivent être les mêmes pour tous. Ces praticiens qui pratiquent des dépassements exorbitants n’ont rien à faire dans le secteur conventionnel et n’ont qu’à passer en secteur 3, hospitaliers comme libéraux. »

« Ouh, on a peur ! »

Le rapport Laurent propose par ailleurs de « mieux identifier l’activité publique du praticien » pour mieux évaluer, par comparaison, le volume de son activité privée, de mettre en place dans les hôpitaux « une charte déontologique de l’activité libérale » portant notamment sur l’information du patient quant aux honoraires pratiqués. Enfin, le rapport préconise le renforcement des Commissions d’Activité Libérale (CAL) en les chargeant de contrôler le plafond de 20 % d’activité libérale autorisé par « des contrôles par sondages à partir des tableaux de service et des contrôles des cahiers de blocs opératoires ». « Ouh, on a peur ! ironise le CISS. Tout le monde sait que ces commissions ne remplissent pas leur mission et n’en ont d’ailleurs pas les moyens. » Le Collectif interassociatif sur la santé estime que le rapport Laurent « propose de ne rien changer » et « invite les parlementaires à se saisir à nouveau de cette question à l’occasion du PLFSS 2014 ».

Le ministère de la Santé a annoncé une « large concertation » sur les suites réglementaires et législatives à donner aux propositions de Dominique Laurent. Là encore, tout dépendra de qui concerte, et de qui obtiendra gain de cause auprès de la ministre : des hospitaliers, qui avaient manifesté leur hostilité à l’amendement parlementaire, ou des praticiens de ville outragés par la discrimination introduite par le rapport Laurent entre les compétences et expertises hospitalières et les leurs.




Démarrage pas certain

359-360 – Instauré en 2009, le Développement Professionnel Continu devait être opérationnel en 2010, Marisol Touraine l’avait annoncé pour le courant 2013 et il ne démarrera sans doute vraiment qu’au début de l’année prochaine. Tout est pourtant en place pour son fonctionnement, mais son financement n’est pas à la hauteur de ses ambitions et des espérances des médecins. Le Cardiologue fait le point sur le DPC

C’est devenue une habitude : depuis les ordonnances Juppé de 1996 qui a instauré l’obligation de formation continue pour les médecins, les diverses réforme concernant la FMC d’abord, la FMC et l’EPP ensuite ont tant tardé à se mettre en place qu’elles ne l’ont jamais été tout à fait. Institué par l’article 59 de la loi HPST de juillet 2009, le Développement Professionnel Continu (DPC), qui allie formation et évaluation, devait initialement être opérationnel début 2010 ! C’était sans compter avec a mise en musique de la loi par les textes d’application : il est bien connu que c’est toujours dans les détails que se loge le Diable… 

Inutile de revenir sur le long cheminement du DPC qui, après plus de trois ans, n’est toujours pas opérationnel ! Pourtant, aujourd’hui, tous les textes sont parus et les instances – Organisme de Gestion du DPC (OGDPC), Commission Scientifique Indépendantes (CSI) – sont installées.

Enfin, la CSI ne l’est pas depuis si longtemps que cela. Sa première composition au début de 2012 ayant suscité l’opposition du Collège de médecine générale et de plusieurs syndicats, un nouveau décret pris au début de cette année l’a révisée : aux 22 représentants initiaux des conseils nationaux de spécialités d’exercice (dont cinq pour la médecine générale), ont succédé deux sections de 17 membres chacune, l’une rassemblant des représentants du Collège de médecine générale, l’autres rassemblant des représentants des Conseils Nationaux de Spécialités (CNP) des autres spécialités. La présidence du CSI sera tournante et assurée chaque année alternativement par le président de l’une des deux sections. Francis Dujarric, président de la section spécialiste, occupe la fonction cette année, avant de laisser la place l’année prochaine à Serge Gilberg, président de la section généraliste.

Méthodes et modalités selon la HAS

Dans le dispositif du DPC, c’est à la Haute Autorité de Santé que revient de tenir « le discours de la méthode » ou plutôt des méthodes auxquelles les organismes de DPC doivent  se conformer pour élaborer leurs programmes. A la fin de l’année dernière, la HAS a donc publié la liste de ces méthodes et modalités, qui précise « les exigences méthodologiques portant sur les programmes, les supports utilisés, les intervenants et la traçabilité de l’engagement des professionnels ». Les méthodes sont regroupées en six grandes approches : « à dominante pédagogique ou cognitive », « à dominante d’analyse des pratiques », « intégrée à l’exercice professionnel », « dispositifs spécifiques » (accréditation des médecins exerçant une activité à risque, notamment), « enseignement et recherche », et « simulation ». Pour chacune de ces six grandes approches, la HAS précise les types d’actions qu’elle recouvre (formation présentielle, formations à distances, groupes d’analyse des pratiques, bilan de compétences, ETP, revue bibliographique et analyse d’articles…). A chaque type d’action correspond une « fiche technique méthode » qui donne la définition de cette action, sa description détaillée et précise les éléments de « traçabilité ».

Le document consultable sur le site de la HAS (www.has-sante.fr) détaille également les conditions de « traçabilité de l’engagement des professionnels ». Ainsi les médecins devront décrire leur implication  dans un programme de DPC en renseignant, chaque année, un bilan individuel d’activité, et conserver certains documents justificatifs comme les attestations de présence, par exemple.

Du côté ministériel, la Direction de l’offre de soins a publié les six orientations nationales (voir encadré ci-contre) que devront suivre les organismes de DPC (ODPC) dans l’élaboration des programmes qu’ils proposeront aux professionnels de santé. Les cardiologues quant à eux ont constitué leur OGDPC-Cardio. « L’assemblée générale constitutive a eu lieu le 15 février dernier, explique son président, Patrick Assyag. Il s’agit d’une association loi de 1901 qui aura pour objectif de mettre en place des programmes pour les cardiologues hospitaliers et libéraux. » Le vice-président est un hospitalier, le Pr Michel Desnos, le secrétaire général également, le Pr Ariel Cohen, tandis que la trésorière, Elisabeth Pouchelon, est une libérale, comme le président.

Un financement problématique

Bref, tout est en place, et pourtant, le DPC ne rentrera certainement pas en vigueur avant l’été comme l’avait indiqué Marisol Touraine en septembre dernier. Qu’est-ce qui fait obstacle ? Le financement, bien sûr, qui n’est pas celui qu’attendaient les médecins. C’est en décembre dernier que l’annonce de la dotation globale du DPC des médecins a fait l’effet d’un coup de tonnerre : ce sera 83 millions d’euros pour 2013 au lieu des quelque 160 millions d’euros espérés. Sans doute trop naïvement, les médecins pensaient qu’aux 75 millions d’euros de la Formation Professionnelle Conventionnelle (FPC) s’ajouterait la moitié de la taxe de 160 millions exigée de l’industrie pharmaceutique pour financer la formation continue des praticiens libéraux et hospitaliers. Et bien, non ! Le financement du DPC des médecins sera intégralement assuré par l’industrie du médicament, ce qui ne manque pas d’étonner : a-t-on assez dénoncer l’influence de ladite industrie sur les prescripteurs via la formation… Les syndicats médicaux ont bien sûr crié au scandale et dénoncé ce « hold up » des fonds conventionnels. Mais pour l’heure, sans résultat : l’enveloppe globale consacrée au DPC des médecins cette année s’élève à 83,2 millions d’euros. Toujours en décembre dernier, l’OGDPC avait annoncé que le forfait par médecin pour cette année serait de 2 990 euros, ce qui ne laissait envisager que deux jours de formation annuelle par médecin. Cependant, une récente réunion de la section paritaire médecins de l’OGDPC a revu les modalités des forfaits : si le forfait maximal de prise en charge par programme reste inchangé à 2 990 euros, l’enveloppe de DPC dédiée par médecin a été fixée à 3 700 euros. « Le médecin aura ainsi la possibilité de s’inscrire à autant de programmes de DPC qu’il le souhaite dans la mesure où l’enveloppe le lui permet », estime le directeur général de l’OGDPC, Monique Weber. « Cela permettra d’augmenter le volume de formation annuel, surtout avec la possibilité qui est donnée de panacher des formations présentielles et non présentielles », indique Patrick Assyag.

Dans ces conditions, l’objectif de former près de 27 800 médecins cette année serait atteignable, ce qui correspondrait à une augmentation des effectifs formés de 45 % par rapport à 2011 selon  l’OGDPC, qui souligne la nécessité d’une montée en charge du système, l’objectif de 100 % de médecins formés ne pouvant être atteint dès la première année. Sans doute, surtout avec un budget aussi restreint ! Si l’on songe que 120 000 médecins libéraux sont concernés par l’obligation de DPC, il faudra bien alourdir l’enveloppe.

 

Six orientations nationales pour 2013

Arrêtées par le directeur général de l’offre de soins, Jean Debeaupuis, pour la ministre des Affaires sociales et de la santé, les six orientations nationales pour le DPC ont été publiées au Journal Officiel au début du mois. Pour chacune d’entre elles l’arrêté précise quels devront être les programmes de DPC proposés aux professionnels.

 

1 – CONTRIBUER À L’AMÉLIORATION DE LA PRISE EN CHARGE DES PATIENTS

Pour cette orientation, les programmes concerneront notamment « l’optimisation des stratégies diagnostiques et thérapeutiques dans les pathologies aiguës et chroniques », la « promotion du parcours de santé et de soins », la « promotion des actions de prévention et de dépistage ».

 2 – CONTRIBUER À L’AMÉLIORATION DE LA RELATION ENTRE PROFESSIONNELS DE SANTÉ ET PATIENTS

Favoriser le bon usage et l’observance des traitements, améliorer la prise en charge de la douleur et développer l’éducation thérapeutique du patient sont parmi les objectifs fixés pour les programmes afférant à cette orientation.

3 –  CONTRIBUER À L’IMPLICATION DES PROFESSIONNELS DE SANTÉ DANS LA QUALITÉ ET LA SÉCURITÉ DES SOINS AINSI QUE DANS LA GESTION DES RISQUES

Les programmes viseront à « améliorer la connaissance des enjeux de sécurité sanitaire et des procédures de déclarations d’événements indésirables » ou encore à « développer la culture de gestion des risques au sein des équipes (pluri)professionnelles, notamment à travers la démarche qualité et les procédures de certification ».

4 –  CONTRIBUER À L’AMÉLIORATION DES RELATIONS ENTRE PROFESSIONNELS DE SANTÉ ET AU TRAVAIL EN ÉQUIPES PLURIPROFESSIONNELLES

Pour cette orientations, les programmes de DPC concerneront « l’élaboration de référentiels et de coopération professionnelles », la « coordination de la prise en charge », les « coopération interprofessionnelles », la formation des maîtres de stage et tuteurs des étudiants, mais aussi le « développement des systèmes d’information et le dossier médical (DMP et dossier pharmaceutique) », la télémédecine, la « gestion économique et la maîtrise médicalisée des dépenses de santé ».

5 – CONTRIBUER À L’AMÉLIORATION DE LA SANTÉ ENVIRONNEMENTALE

Deux objectifs seulement pour les programmes de cette orientation : la « connaissance  par les professionnels de santé de données existantes sur les liens entre pathologies et facteurs environnementaux » et « les actions que peuvent mettre en place les professionnels de santé » inscrites dans le plan national de santé environnement 2009-2013 et le plan national de santé au travail 2010-2014.

6 –  CONTRIBUER À LA FORMATION PROFESSIONNELLE CONTINUE 

Les programmes se rapportant à cette orientation concernent l’univers du travail (économie et gestion de l’entreprise, bilan de compétences, validation des acquis ?…)

 

Le DPC en pratique

Le Développement Professionnel Continu comprend l’acquisition et l’approfondissement de connaissances et de compétences dans le cadre d’une formation médicale continue associée à une phase évaluative correspondant à une analyse des pratiques professionnelles. 

 

Pour être validant, un programme de DPC doit répondre aux règles suivantes :
– être conforme à une orientation nationale et/ou régionale de DPC ;
– être réalisé par un organisme DPC librement choisi par le professionnel de santé, enregistré auprès de l’organisme de gestion de DPC et validé par la Commission Scientifique Indépendante (CSI) ;
– associer deux actions, l’une cognitive de formation médicale, l’autre évaluative d’analyse des pratiques professionnelles ;
– être mis en œuvre selon une méthode et des modalités validées par la HAS après avis de la CSI ;
– satisfaire dans ce cadre, aux conditions qui permettent d’apprécier l’indépendance et la qualité du programme, d’une part, et la participation effective du professionnel de santé, d’autre part.

Les actions de formation comprennent les formations diplomantes, les réunions professionnelles et les formations à distance.

Les actions d’analyse des pratiques professionnelles peuvent prendre des formes variées, basées sur la comparaison à un référentiel tel l’audit clinique, sur la résolution des problèmes telle que l’on peut le montrer dans les revues de morbi-mortalité ou les groupes d’analyse de pratiques, sur la protocolisation des prises en charge (revue de concertation pluridisciplinaire), enfin sur le suivi d’indicateurs.

L’Union nationale de Formation et d’évaluation en médecine CardioVasculaire (UFCV), agréée pour la FPC par l’ancien CNFMC, et pour l’évaluation des pratiques professionnelles par la HAS, permet aux cardiologues de valider le DPC.

Le programme de 2013 offre aux cardiologues plusieurs possibilités :
– suivre une formation présentielle avec un audit de pratique avant et après la formation, suivie d’une conférence téléphonique de restitution des résultats ;
– valider un programme DPC en assistant à un programme non présentiel (audit suivi d’une formation non présentielle, d’un deuxième audit et d’une conférence téléphonique de restitution des résultats) ;
– réaliser son DPC en participant à un groupe d’analyse des pratiques entre pairs (GAP).

 

Arnaud Lazarus
« Des centaines d’organismes à évaluer d’ici l’été »

Membre titulaire de la Commission scientifique indépendante où il représente les cardiologues, Arnaud Lazarus estime qu’un certain retard dans le calendrier prévisionnel du DPC est inéluctable, mais il ne voit pas d’obstacle majeur à sa réalisation même si la question de son financement reste à résoudre.

La mise en œuvre du DPC vous semble-t-elle envisageable dans les délais prévus ?

Arnaud Lazarus : Tous les problèmes ne sont encore pas résolus à ce jour. Il y a eu des avancées suivies de reculs dans la constitution du dispositif, en particulier, la composition de la Commission scientifique indépendante a été modifiée, ce qui a entraîné un certain retard dans son travail. Dans les mois qui viennent, la CSI va devoir évaluer des centaines d’organismes, qui ont reçu des autorisations transitoires jusqu’à l’été. Pour les seuls médecins, ce sont quelque 500 organismes qui sont à évaluer. Cela représente un travail titanesque pour des gens qui travaillent en dehors de la CSI ! Il me semble difficile dans ces conditions de tenir le calendrier prévisionnel.

Le problème du financement du DPC n’est pas encore réglé ?

A. L. : C’est une autre grande inconnue. Beaucoup de questions persistent encore. La CSI est maintenant constitué à parité de deux sous-collèges spécialiste et généraliste. Les spécialistes sont davantage habitués à des congrès et symposiums financés par l’industrie pharmaceutique, tandis que les généralistes, qui ont fonctionné jusque là essentiellement avec la FPC, sont hostiles au financement de l’industrie dans la formation. Mais il faut un financement pour le DPC, et s’il vient de l’industrie sans que celle-ci exerce la moindre influence sur la formation – ce qui était le cas jusqu’à présent – ce peut être une excellente chose.
Je crois qu’il ne faut pas être dogmatique et s’enfermer dans le « zéro financement de l’industrie », mais être pragmatique : l’Etat est exsangue et ni de son côté, ni du côté des médecins, on ne trouvera l’argent nécessaire pour financer le DPC de tous les médecins. Les points de vue ne convergent pas encore tout à fait, mais il faudra s’entendre, et même si cela prend du temps, nous trouveront une solution.
Sans doute la mise en œuvre du DPC prendre-t-elle un peu de retard, mais en tout cas, je n’imagine absolument pas une remise en cause radicale du système, qui serait catastrophique pour les médecins.

Justement, quel est leur état d’esprit, selon vous, vis-à-vis du DPC ?

A. L. : Il ne faut pas se cacher qu’actuellement, un certain attentisme prévaut chez eux pour s’impliquer dans le DPC : ils ont été si souvent échaudés ces dernières années.
Mais depuis le temps que cette nouvelle obligation leur a été signifiée, les médecins l’ont acceptée et attendent qu’un vrai système se mette en place et fonctionne, qui ne soit pas remis en cause.

 




Quel exercice veulent les jeunes cardiologues ?

358 – En ce début d’année et après les mouvements de contestation de la fin 2012 qui ont vu défiler dans la rue les étudiants en médecine et les jeunes praticiens aux côtés de leurs aînés, Le Cardiologue fait le point sur les desiderata des jeunes cardiologues. 

Comment les aspirants cardiologues envisagent-ils leur futur exercice ? Globalement, la réponse à la question se trouve dans la dernière étude démographique du Conseil national de l’Ordre des médecins. la spécialité de cardiologie et maladies cardiovasculaires compte aujourd’hui, en France métropolitaine, 5 870 praticiens en activité régulière, dont 23 % sont des femmes. Globalement, 45,5 % des cardiologues exercent en libéral, 30,1 % sont salariés et 24,5 % ont une activité mixte. Mais si l’on examine la situation chez les jeunes cardiologues, les chiffres sont bien différents. L’atlas démographique 2012 de l’Ordre montre en effet que sur l’ensemble des jeunes médecins nouvellement inscrits au tableau ordinal, seuls 9,5 % ont choisi l’exercice libéral, plus des deux tiers (68,8 %) ayant opté pour le salariat. Ils sont peu nombreux à avoir un exercice mixte (1,2 %) et 20,5 % sont remplaçants. Mais la proportion des jeunes spécialistes de cardiologie et maladies vasculaires optant pour le libéral est encore plus faible : 4,23 % seulement l’ont choisi, encore moins que l’année précédente (4,7 %). Dans leur immense majorité (84,66 %), les jeunes cardiologues choisissent le statut de salarié et un peu plus de 1 % d’entre eux ont un exercice mixte.

Pour la profession et la population, cette disparition progressive de la cardiologie de ville est inquiétante : on imagine mal demain l’ensemble des pathologies cardiaques suivies dans les établissements hospitaliers. Pour tenter d’attirer les futurs praticiens vers la cardiologie de ville mal connue des internes, plusieurs université du Grand Ouest ont initié le « séjour de sensibilisation » en cabinet libéral. Les premiers résultats sont prometteurs : les candidats au séjour ont découvert une pratique plus intéressante que ce qu’ils pensaient (voir notre entretien avec Jean-Claude Daubert page 13). Que les cardiologues aspirant à la retraite ne se réjouissent pas trop vite, cela ne signifie pas qu’ils trouveront facilement une relève. Surtout s’ils exercent seuls. Car une chose est sûre : les jeunes médecins en général et les jeunes cardiologues en particulier, s’ils sont tentés par la pratique de ville ne la conçoivent en solitaire, comme leurs aînés, mais en groupe. A cet égard, les pouvoirs publics seraient avisés dans leur ardeur à promouvoir l’exercice regroupé de ne pas tout focaliser sur la médecine générale, mais de considérer qu’il est tout aussi important que la population puisse continuer de consulter en ville un certain nombre de spécialistes cliniques, en particulier des cardiologues. Enfin, on peut aussi légitimement penser que si la recherche et l’enseignement sortaient du monopole hospitalier et impliquaient les libéraux, l’attraction hospitalo-universitaire serait moins forte pour les jeunes médecins, ce qui permettrait un rééquilibrage bienvenu entre la ville et l’hôpital.

 

Clinique, recherche, enseignement : les trois atouts (attractifs) de l’hôpital

Catherine Szymanski est chef de clinique à l’hôpital d’Amiens. Elle a été présidente du Groupe des cardiologues en formation de la SFC (*). Sans nier les attraits de l’exercice libéral, elle souhaite pourtant travailler en CHU afin de pouvoir mener la triple activité de clinicienne, de chercheuse et d’enseignante. 

Après un externat à Lille, c’est à Amiens que Catherine Szymanski (33 ans) a effectué ses quatre années d’internat de cardiologie. C’est au cours de son internat que son goût et sa motivation pour la recherche l’ont conduite un an à Paris, un an à Boston, aux Etats-Unis, et un an à Liège, en Belgique. Elle est actuellement chef de clinique à l’hôpital d’Amiens. « J’ai fait un master et une thèse de science pendant mon internat; et actuellement, je considère que la recherche et l’enseignement sont aussi indispensables que la clinique pour moi et je souhaiterais vivement pouvoir travailler plus tard en CHU pour continuer cette triple activité ; néanmoins, je reste bien consciente que les places sont rares dans les hôpitaux universitaires ». Par rapport aux générations précédentes, le changement essentiel intervenu lui semble être la féminisation de la profession médicale. Une féminisation qui n’est pas neutre, puisque pour la grande majorité des femmes médecins, le fait d’être femme détermine grandement le choix d’une carrière. « On peut choisir l’hôpital et éventuellement la possibilité d’y travailler à temps partiel ou l’exercice libéral avec une certaine liberté d’organiser son temps en fonction de sa vie familiale. »

Une chose est certaine, Catherine Szymanski, comme aujourd’hui beaucoup de ses jeunes confrères, ne se voit pas s’installer seule en cabinet de ville. Elle reconnaît que « l’exercice libéral en cabinet de ville nécessite une très grande disponibilité. Aujourd’hui, les jeunes médecins, tout en étant très investis dans leur métier, ne veulent pas y consacrer toute leur vie, comme leurs aînés. Quand on interroge les internes, ceux-ci veulent soit rester à l’hôpital, soit ils ne savent pas quelle voie choisir. Mais quasiment aucun ne cite spontanément l’exercice libéral en cabinet de ville comme la voie à privilégier. On a un peu l’impression, à écouter les opinions de différents internes, que cela serait un choix par défaut, au cas où cela ne marcherait pas à l’hôpital ou en clinique. Outre l’impossibilité lorsqu’on exerce seul d’avoir à sa disposition les plateaux techniques adéquats pour des raisons financières, l’exercice solitaire fait un peu peur. On voit d’ailleurs bien aujourd’hui la difficulté des praticiens qui ont exercé seuls, à trouver un successeur lorsqu’ils prennent leur retraite. L’exercice en groupe ou en clinique, de manière collective et pluridisciplinaire offre un « confort » indéniable tant du point de vue financier que du point de vue de l’exercice médical. Exercer seul en cabinet de ville dissuade beaucoup d’entre nous à s’orienter vers un exercice et une prise de décision solitaire, sans la possibilité d’échanger avec des confrères. Au niveau technique, la pratique en cabinet reste aussi relativement limitée. Compte tenu de la lourdeur des investissements, en général, dans un cabinet de ville, on se limite souvent à l’ECG et à l’échographie cardiaque. Un cardiologue de CHU ou des structures privées de grande envergure avec des plateaux techniques conséquents va être compétent dans un domaine particulier et de hauts niveaux : l’échocardiographie, la rythmologie, la coronarographie, la cardiologie congénitale et pédiatrique. En cabinet, l’activité est plus souvent globale avec la nécessité d’adresser les patients aux correspondants hospitaliers dès qu’on se trouve un peu limité. Certes, l’exercice libéral donne une certaine liberté puisqu’on demeure son propre « patron », mais les contraintes ne sont pas négligeables tant financières (notamment les charges qui en découlent) que du point de vue de l’exercice médical.» n

(*) Créé en octobre 2007 par la Société Française de Cardiologie, le groupe des cardiologues en formation (GCF) a pour principal objectif de promouvoir des activités scientifiques et des actions pédagogiques directement menées par ses membres. Tous les internes du DES de cardiologie et maladies vasculaires, chefs de clinique et assistants de cardiologie peuvent en être membres. L’inscription se fait directement en ligne sur le site de la SFC.

 

Jean-Claude Daubert
« Des internes bretons sensibles à la cardiologie de ville »

Une première expérience de sensibilisation des internes de cardiologie à l’exercice en cabinet libéral a démarré au début de 2012 dans deux villes du Grand Ouest, Rennes et Nantes, et débutera cette année à Poitiers. Cardiologue au CHU de Rennes et président du Collège national des enseignants de cardiologie, Jean-Claude Daubert en est l’un des initiateurs et dresse un premier bilan de cette intitiative.

Pouvez-vous rappeler dans quel contexte a été décidé cette initiative et en quoi elle consiste ?

Jean-Claude Daubert : La cardiologie de cabinet a du mal à recruter. Les jeunes n’en ont pas une vision très positive. Contrairement à leurs aînés, qui effectuaient de nombreux remplacements, ils remplacent de moins en moins, n’étant d’ailleurs autorisés à le faire qu’en 3e année d’internat. De ce fait, ils connaissent mal cet exercice de la cardiologie. Le constat est déjà ancien et l’idée de pallier cette méconnaissance par des « séjours de sensibilisation » remonte à deux ans maintenant. Si les présidents du syndicat, Christian Aviérinos et Jean-François Thébaut, y ont été d’emblée favorables, elle a mis un peu plus de temps à s’imposer à leur conseil d’administration. Aujourd’hui, l’ensemble du syndicat est très demandeur.

Il s’agit de proposer aux internes d’effectuer un séjour de trois à cinq jours à temps plein dans un même cabinet – pas en clinique – et si possible sous la responsabilité d’un même cardiologue. Ils doivent être inscrits en DES de cardiologie, ce qui se fait en fin de 2e année. Ce séjour s’effectue en 3e année – au cours du 5e ou du 6e semestre – plutôt qu’en 4e, parce qu’il importe que cette rencontre avec la cardiologie de ville se fasse le plus tôt possible. Les cardiologues qui les accueillent le font volontairement. En Bretagne, une quinzaine se sont portés volontaires et ils sont une douzaine en Pays de Loire. Une convention est passée entre le directeur du CHU, le doyen de la faculté, le cardiologue libéral et l’interne. Le séjour est suivi d’un rapport rédigé par le cardiologue « accueillant » ainsi que d’un rapport de l’étudiant. Je précise qu’il ne s’agit en aucun cas d’un stage, mais bien d’un séjour de sensibilisation en cabinet libéral. Ce n’est pas un remplacement non plus, même si ce séjour peut ouvrir à cela ultérieurement.

Quel est le résultat de ce début d’expérience ?

J-C. D. : Très encourageant ! A Rennes, les cinq internes du DES ont été volontaires pour le séjour de sensibilisation, et à Nantes, quatre sur cinq étudiants concernés. Contrairement à ce qu’on pouvait penser, nos internes ne se sont pas précipités dans les grandes villes : en Bretagne, deux seulement ont effectué leur séjour à Rennes, tous les autres ont choisi de le faire dans des petites villes comme Auray ou Lorient. Les rapports des étudiants au coordonnateur sont extrêmement positifs, ils disent avoir vécu ce séjour comme une ouverture et la découverte d’une activité qu’ils jugent plus intéressante que ce qu’ils pensaient au départ, et pas seulement concernant la clinique, mais aussi l’organisation du cabinet libéral. Le bilan pour les internes est donc très positif. Croisés avec les rapports transmis par les cardiologues au président du syndicat régional –très positifs eux aussi- permet de conclure à la satisfaction de tous pour l’apport de cette expérience.

Cela est de bon augure pour la généralisation du séjour de sensibilisation. Est-elle à l’ordre du jour ?

J-C. D. : Le concept a été introduit dans le règlement intérieur national du DES, et c’est important. Il ne s’agit pas d’une obligation, mais d’une recommandation très forte. On ne peut pas l’imposer, il faut une volonté partagée de le mettre en œuvre. Mais aujourd’hui, tout le monde en est informé et je pense que cela va se diffuser petit à petit. Dans le Grand Ouest, après Poitiers, Brest, Angers et Tours devraient suivre, et dans l’Est, Nancy pense le mettre en place cette année. Par ailleurs, en Bretagne, d’autres spécialités l’envisagent, notamment la pneumologie et la pédiatrie. Je crois que l’expérience aura le soutien des ARS, très preneuses de ce genre de coopération entre la ville et l’hôpital.

 

Coralie Lecoq

« Il ne faut pas passer à côté de sa vie »

Coralie Lecoq, 25 ans, interne de 2e année de cardiologie à Tours, compte s’installer en libéral, mais en groupe et en gardant un pied à l’hôpital pour ce qui lui semble être l’équilibre idéal.

Comment envisagez-vous votre futur mode d’exercice, à l’hôpital ou en ville, en libéral ?

Coralie Lecoq : Je souhaite plutôt exercer en libéral, dans mon pays d’origine, à Marseille ou du moins dans la région PACA. Pour moi, c’est un choix de vie. En effet, j’ai des activités en dehors de la médecine – je pratique le sport de façon intensive- qui sont assez incompatibles avec l’hôpital. En libéral, j’aurai davantage la possibilité de gérer mon temps, mes horaires. L’hôpital est en sous-effectif, le résultat est que les heures travaillées hebdomadaires ont augmenté pour atteindre un niveau aberrant. Il ne faut pas passer à côté de sa vie ! Certains peuvent choisissent sans doute la carrière hospitalière pour la sécurité qu’elle représente ? Pour moi en fait, l’idéal serait d’avoir une activité mixte. Je souhaiterais exercer en cabinet de ville et garder une activité à l’hôpital public pour avoir accès aux plateaux techniques et ne pas être déconnectée de ce milieu. Je ne souhaite pas exercer en clinique privée, car ces établissements me semblent trop souvent avoir comme objectif de faire du chiffre.

En ville, opterez-vous pour l’exercice solo ou en groupe ?

C. L. : Je n’imagine pas d’exercer seule ! Je souhaite exercer au sein d’un groupe, soit un groupe de plusieurs cardiologues, soit un groupe pluridisciplinaire. Les deux sont sans doute intéressants, mais il me semble que la pluridisciplinarité est une bonne chose pour les patients et permet de ne pas rester entre spécialistes d’une même discipline. Les médecins entre eux ont tendance à ne parler que de médecine, et les cardiologues entre eux ne parlent que de cardiologie ! Moi, je veux être un bon cardiologue, mais ne pas perdre de vue les autres aspects médicaux. Je ne veux pas devenir la technicienne d’un seul organe car il me semble que l’on n’est plus vraiment un médecin dans ce cas. Pour moi, l’idéale serait la synthèse entre la cardiologie de ville, plus généraliste, et la cardiologie hospitalière, plus technique.

En quoi votre génération vous paraît-elle différente des précédentes dans la façon d’appréhender la profession ?

C. L. : Ils ont en général consacré leur vie à leur spécialité et ils sont souvent passé à côté de choses essentielles, leur vie privée, leur famille. Pour moi, il n’en est pas question. Ma mère est magistrat, et elle a réussi à concilier une vie professionnelle pourtant très prenante avec sa vie de famille, et j’avoue qu’elle est un modèle pour moi.

En quel secteur pensez-vous vous installer ? Que vous inspire le débat sur les dépassements d’honoraires ? Suivez-vous l’actualité professionnelle et pensez-vous vous engager syndicalement dans le futur ? 

C. L. : Je compte m’installer en secteur 2. Les abus de dépassements ne concernent en fait qu’une minorité de médecins. Je trouve le prix de la consultation chez un spécialiste qui a fait dix ans d’études plutôt dérisoire, comparé aux 50 euros ou plus que les gens acceptent de payer chez le coiffeur. Cela m’énerve beaucoup ! Comme m’énerve beaucoup de constater que les gens sont capables de faire des kilomètres pour aller faire les soldes, mais rechignent à en faire moins pour aller consulter un médecin. Je m’intéresse à l’actualité professionnelle et je serai sûrement syndiquée lorsque j’exercerai. A cet égard encore, je suivrai les conseils maternels !