« Que nos dirigeants reconnaissent le rôle des libéraux »

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« Nous regrouper pour être plus attractifs auprès des jeunes »

« Dans mon exercice quotidien, ce qui m’est le plus pénible, c’est l’augmentation constante du travail administratif, des normes et de la réglementation, qui équivaut à une diminution du temps médical.

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« Mutualiser les charges entre plusieurs cabinets »

« Dans mon exercice quotidien, ce qui me gêne le plus, c’est le morcellement de la prise en charge et de l’information : nous passons notre temps à chercher des informations concernant nos patients. Concernant l’organisation générale, et sans faire preuve d’originalité, je pense, je déplore la charge du travail administratif, qui prend de plus en plus de temps, sans qu’on en perçoive l’utilité.

Il me semble que la mise à disposition des médecins d’un outil de partage de l’information efficient est une priorité, comme est une priorité la mutualisation des tâches administratives. Le DMP ? Pourquoi pas, s’il est fait pour les médecins. Mais par qui et comment va-t-il être implémenté ? On ne peut pas tout y mettre et faire le tri des informations pertinentes à y inscrire implique encore du temps… Je crois davantage à l’ouverture du droit à se connecter à un système pour aller chercher l’information dont on a besoin, une messagerie sécurisée.

Pour résoudre le problème du travail administratif, avoir une personne dédiée à ces tâches représente une lourde charge à l’échelle d’un cabinet de six ou sept personnes. Mais cela devient possible si la charge est mutualisée entre plusieurs cabinets. Cela me paraît une bonne piste. »

Interview de Vincent Pradeau (46 ans), cardiologue libéral à Cenon (Gironde)




Le blues des franciliens

En complément des études quantitatives menées sur différents aspects de la profession, l’URPS Médecins libéraux d’Ile-de-France a souhaité réaliser une enquête qualitative auprès des médecins franciliens (*), destinée à mesurer l’impact de l’évolution de certains facteurs sur la perception de leur exercice. 

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La santé de demain comme vous la voulez et comme vos patients la veulent

Les médecins n’ont pas le moral ! C’est ce qui ressort pour l’essentiel de la « grande » consultation menée par le Conseil National de l’Ordre des Médecins (CNOM) qui vient d’en publier les résultats. Les médecins sont fiers d’exercer une profession qui constitue avant tout une vocation, mais les excès de contraintes réglementaires, économiques, administratives et la dévalorisation de ce métier entretient chez eux un malaise profond. 

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Une saisine probable du Conseil constitutionnel

Il est plus que probable que les parlementaires de l’opposition (Les Républicains) vont saisir le Conseil constitutionnel après le vote de la loi de santé. Et la Fédération de l’Hospitalisation Privée (FHP) a bien l’intention d’en faire autant, profitant de l’occasion pour utiliser le mécanisme de « la porte étroite », qui permet à des personnes morales ou physiques, autres que des parlementaires, d’adresser des contributions sur un projet de loi. La FHP entend ainsi expliquer comment es articles 26 (sur le SPH), 27 (sur les GHT), 27 ter (sur le contrôle des établissements de santé privés par la Cour des comptes) et 27 quinquies (sur le service d’intérêt économique général et la captation des bénéfices dits « non raisonnables ») contreviennent aux principes d’égalité ou de liberté d’entreprendre.




Le nouveau DPC entrera en vigueur en même temps que la loi

L’article 28 réformant le Développement Professionnel Continu a été adopté avec quelques modifications : elle entrera en vigueur le lendemain de la parution de la loi au Journal Officiel et la réforme du GIP-OGDPC attendra la création de la future Agence National du DPC (ANDPC).

Lors de la nouvelle lecture du projet de loi de santé à l’Assemblée Nationale, les députés ont apporté quelques retouches à l’article 28 relatif au Développement Professionnel Continu (DPC). Ainsi, un amendement du rapporteur pour le titre III, Jean-Louis Touraine (PS, Rhône), a supprimé la date de prise d’effet de la réforme, initialement prévue pour le 1er janvier 2016. Ce qui revient à prévoir son application dès la parution de la loi au Journal Officiel, début janvier 2016. Le même Jean-Louis Touraine a également fait voter un report de six mois, soit au 1er juillet 2016, de la date limite de modification de la convention constitutive du Groupement d’Intérêt Public (GIP) « Organisme Gestionnaire du DPC » (OGDPC), afin de tenir compte de la création de la future Agence Nationale du DPC (ANDPC). Les députés ont également adopté un amendement présenté par Gérard Bapt (PS, Haute-Garonne) qui précise que cette agence contribuera « à la gestion financière des programmes et actions s’inscrivant dans le cadre des orientations prioritaires pluriannuelles » du DPC.

Rappelons que, à la suite d’une concertation qui s’est déroulée à l’automne 2014 entre le ministère et les professionnels, le Gouvernement a présenté un amendement réformant en profondeur le dispositif de DPC. Cette réforme prévoit notamment une obligation triennale et non plus annuelle du DPC. La démarche de DPC devra comporter « des actions de formation continue, d’analyse, d’évaluation et d’amélioration de ses pratiques et de gestion des risques et le texte précise que « l’engagement dans une démarche d’accréditation vaut engagement dans une démarche de DPC ». Un arrêté ministériel définit « les orientations pluriannuelles prioritaires » de DPC qui comportent des orientations définies par profession ou spécialité sur la base des propositions des Conseils Nationaux Professionnels (CNP), des orientations « s’inscrivant dans la cadre de la politique nationale de santé » et des orientations relevant du dialogue conventionnel entre les professionnels et l’Assurance Maladie. Les CNP devront proposer pour chaque profession ou spécialité « un parcours pluriannuel de DPC qui permet à chaque professionnel de satisfaire à son obligation ». Les professionnels libéraux pourront choisir librement les actions qu’ils souhaiteront suivre. Un « porte-folio », dont le contenu et les modalités d’utilisation seront définis par chaque CNP, retracera « l’ensemble des actions réalisés par les professionnels au titre de leur obligation de DPC ».

Au grand dam des libéraux, la réforme prévoit aussi que « l’Université participe par son expertise pédagogique dans le domaine de la formation initiale et continue des professionnels de santé à la dimension scientifique du DPC ». C’est aux instances ordinales que reviendra le contrôle du respect de l’obligation de DPC des professionnels, dans des conditions qui seront fixées par décret en Conseil d’Etat.

C’est aussi un décret en Conseil d’Etat qui définira les modalités de présentation d’actions ou de programmes de DPC par les organismes ou structures de DPC, les modalités de leur évaluation préalable, ainsi que les modalités de sanctions à caractère financier ou administratif » en cas de « manquements constatés dans la mise en œuvre des actions et programmes ».

Enfin, la réforme prévoit la transformation de l’actuel Organisme de Gestion du DPC (OGDPC) en une Agence Nationale du DPC (ANDPC) qui « assure le pilotage du dispositif » pour l’ensemble des professionnels, et qui contribuera donc également à la gestion financière du DPC.




Après le vote de la loi de santé : Et maintenant, que vont-ils faire ?

La loi de « modernisation de notre système de santé » a été définitivement adoptée par l’Assemblée Nationale qui a réintroduit dans le texte les mesures supprimées ou modifiées par le Sénat, dont le tiers-payant généralisé et le Service Public Hospitalier, et les conditions pour en faire partie qui excluent, de fait, les établissements d’hospitalisation privée. La prochaine « épreuve » des médecins libéraux est maintenant celle des négociations qui devraient s’ouvrir au printemps prochain. Leurs représentants syndicaux ont affiché, il y a peu, leur volonté de l’affronter unis. Mais l’union qui a prévalu contre le projet de loi de santé survivra-t-elle quand il s’agira pour chacun d’obtenir le mieux -ou le « moins pire »- pour ses adhérents ?

Sans surprise de dernière minute, la loi de « modernisation de notre système de santé » a été définitivement votée par l’Assemblée Nationale le 17 décembre dernier. Quelques jours auparavant, les députés avaient adopté le texte en nouvelle lecture après y avoir rétabli l’essentiel des mesures modifiées ou supprimées par le Sénat. Le texte compte désormais 227 articles (contre 57 initialement), dont la majorité (118) a été adoptée conformes par les deux chambres.

Parmi les mesures confortées par les députés, on trouve les mesures les plus emblématiques du texte, celles qui ont déclenché la contestation des médecins. Les députés ont ainsi conforté la généralisation du tiers-payant à l’horizon 2017 et rétabli leur propre version de l’article 26 qui refonde le Service Public Hospitalier (SPH) en le définissant comme un bloc et non plus sous la forme de plusieurs missions de service public, instaurées par la loi HPST de 2009 et qui pouvaient être contractualisées. L’absence de dépassements d’honoraires fait donc partie des caractéristiques du SPH et il n’est plus question de dérogations limitées que la Fédération de l’Hospitalisation Privée (FHP) a cru un moment obtenir. Les cliniques privées dans lesquelles des médecins pratiquent des dépassements d’honoraires ne pourront donc prétendre au SPH, mais les praticiens hospitaliers pourront continuer de le faire dans le cadre de leur secteur privé au sein du service public…

 

Prévention et incohérence parlementaire

Rejeté à une très large majorité au Sénat, l’article instaurant un paquet de tabac neutre à compter du 20 mai 2016 avait été rétabli par la commission des affaires sociales de l’Assemblée Nationale. Pour autant, son adoption par les députés l’a été de justesse. Lors d’un scrutin public et par 56 voix contre 54, ils ont rejeté huit amendements identiques de suppression de l’article sur le paquet neutre émanant des groupes UDI, des radicaux de gauche, mais aussi d’une trentaine de députés socialistes. L’article a finalement été adopté par 54 voix contre 39. Les lobbies alcooliers ont sans doute pesé plus lourd que le réseau des buralistes, car l’article du projet de loi assouplissant les conditions de la publicité sur l’alcool a été lui adopté à une large majorité par les députés, à l’issue d’un débat de plus d’une heure au cours duquel on a pu entendre des arguments assez ahurissants. « Il ne s’agit pas d’autoriser de nouveaux supports ou de nouvelles formes de publicité, mais d’apporter une sécurisation juridique et d’éviter que l’on assimile un contenu journalistique, oenotouristique, culturel ou artistique à de la publicité », a ainsi déclaré Bernard Perrut (LR, Rhône), qui semble ignorer la très, très mince frontière qui sépare souvent le reportage du publi-reportage… « Je trouve plus que regrettable, triste même, que ce soit à l’occasion d’un texte de santé publique que la loi Evin soit défaite », a déploré Marisol Touraine, qui n’est pas parvenue à convaincre : les députés ont adopté l’article par 102 voix par, 29 voix contre et 4 abstentions.

 

Et maintenant, que vont-ils faire ?

Si l’opposition au projet de loi de santé a suscité un front uni de la profession, on peut s’interroger aujourd’hui sur la pérennité de cette union affichée au lendemain des élections aux URPS lors d’une conférence de presse commune au cours de laquelle la CSMF, le SML, la FMF et Le Bloc ont affirmé leur volonté de constituer un front uni pour aborder les futures négociations conventionnelles et d’élaborer des propositions communes qu’ils présenteront ensemble le 11 février prochain, jour où devrait se tenir la « grande conférence de santé » voulue par le Premier ministre – après l’adoption de la loi de santé – et boudée par la profession.

Depuis, il semble que l’unité se fissure quelque peu. Trois syndicats de généralistes, MG France, l’UNOF et la FMF, ont tenu une conférence de presse et lancé une concertation commune en ligne pour savoir quels types d’actions les généralistes sont prêts à mettre en œuvre (contestation tarifaire, refus de télétransmission ou de recours aux téléservices de l’Assurance Maladie) pour poursuivre leur mobilisation. Mais le SML avait décliné l’invitation lors d’une réunion de son assemblée générale…

Enfin, si les responsables des cinq organisations syndicales représentatives ont bien prévu de se revoir à deux reprises d’ici février 2016 pour préparer leur plate-forme commune en vue des négociations conventionnelles, c’est bien un par un qu’ils ont défilé dans le bureau de Marisol Touraine pour égrener leurs desiderata à la ministre, à qui la loi de santé confie la mission de cadrer les négociations conventionnelles avant leur ouverture (la lettre de cadrage devant parvenir à la l’UNCAM avant le 15 décembre !). L’unité, le dialogue syndical perdureront-t-ils autour de la table des négociations conventionnelles ?




Entretien : Luc Duquesnel

Président de l’Union Nationale des Omnipraticiens Français (UNOF-CSMF), Luc Duquesnel exerce en Pays-de-la-Loire où est expérimenté le dispositif de PDSA sous enveloppe contrainte. Il estime ce modèle reproductible que dans les régions où l’enveloppe dédiée à la PDSA n’a pas été réduite.

Dans son récent libre blanc surf l’organisation des urgences en France, Samu-Urgences de France estime que la création de Maisons Médicales de Garde (MMG) est une « fausse bonne idée »  qui « n’a jamais fit reculer la croissance régulière du recours aux structures d’urgence ». Que vous inspire ce jugement ?

Luc Duquesnel : Les MMG n’ont pas été créées pour cela. La réflexion, menée il y a quelques années pour améliorer les conditions de participation des médecins à la PDS, fait apparaître qu’il fallait diminuer le nombre de secteurs pour que les gardes soient moins nombreuses. Ce qui, bien évidemment, rendait les déplacements des médecins plus nombreux. C’est pour palier cet inconvénient que les Maisons Médicales des Garde ont été créées, clairement identifiées par la population. C’est ce qui permet une participation importante des médecins généralistes à la PDSA. En Mayenne, nous sommes passés de 32 à 8 secteurs de garde et la PDSA fonctionne très bien et elle est moins onéreuse qu’un passage par un service d’urgence à l’hôpital qui coûte en moyenne 270 euros par patient. Si le flux aux urgences hospitalières va croissant c’est qu’aucune régulation n’est effectuée à l’entrée des services d’urgences. Pour diminuer le recours aux urgences hospitalières, il faut que la PDSA soit bien organisée et que l’hôpital arrête de jouer « portes ouvertes ». Mais on sait bien que les services urgences ont intérêt financièrement à ce que leurs services d’urgences fonctionnent à plein rendement et qu’en outre, les urgences font vivre leurs services de spécialités. En Mayenne, à Laval, une clinique s’est vue retirer il y a deux ans son autorisation de pratiquer une activité d’urgences, il ne reste donc plus que l’hôpital : cela s’est traduit pour certains médecins libéraux par une diminution de 20 % de leur activité. On peut ajouter aussi qu’il y a une volonté du Gouvernement de ne pas diminuer les urgences hospitalières. J’en veux pour preuve le refus que nous avons essuyé de pouvoir appliquer le tiers-payant intégral pour certaines interventions en PDSA, ce qui est d’ailleurs assez cocasse de la part d’un Gouvernement qui veut nous imposer le tiers-payant généralisé.

Vous exercez en Pays-de-la-Loire, région qui expérimente depuis 2011 l’organisation de la PDSA sous enveloppe financière contrainte gérée par l’ARS, un « modèle » que Marisol Touraine veut étendre à d’autres régions qui le souhaiteraient. Estimez-vous cette généralisation souhaitable ?

L. D. : Nous sommes très satisfaits de ce dispositif, mais c’est parce que nous sommes dans une région qui, contrairement à beaucoup d’autres, n’a pas eu de diminution drastique de son enveloppe PDSA. Le problème est de savoir de quelle enveloppe on dispose. Si demain la nôtre était diminuée de 20 %, ce modèle de PDSA explose ! Et c’est ce qui s’est passé dans nombre de régions, dans le Nord, par exemple, où le directeur de l’ARS, Jean-Yves Grall, a supprimé la tranche 0 h - 8 h, réalisant ainsi des économies sur les astreintes des libéraux pour les mettre à disposition des services d’urgences hospitaliers. Le gros problème des libéraux est que le mot d’ordre actuel est « il faut sauver le soldat hôpital ».




Urgences : Les chiffres clés

• En dix ans, de 2003 à 2013, l’activité des services Mobiles d’Urgences et de Réanimation (SMUR) à augmenté de 12 % pour atteindre 763 844 interventions, dont 78 % primaires. Sur la même période, l’activité des services d’urgences a crû de 29 % pour atteindre 18,6 millions de patients accueillis en 2014.

• Sur une période plus courte, de 2008 à 2013, les hospitalisations en Unité d’Hospitalisation de Courte Durée (UHCD) ont enregistré une hausse de 9 % atteignant un taux d’occupation de 98 % (1 589 397 journées d’hospitalisation pour 4 443 lits).

• Entre 2007 et 2014, le nombre d’appels reçus par les SAMU-Centre 15 ont augmenté de 10 % pour atteindre 31 millions d’appels en 2014 et le nombre de Dossiers de Régulation Médicale a crû de 31 % (13 128 068 DRM en 2013.
Au total, ce sont quelque 33 millions de cas médicaux pris en charge par les structures d’urgences en 2013.

Source : données SAE (Statistique Annuelle des Etablissements)




Urgences : PDSA – le « modèle » des Pays-de-la-Loire pourrait se généraliser

L’article 44 du PLFSS 2016 pérennise l’expérimentation menée en Pays-de-la-Loire depuis 2011 de l’organisation de la Permanence des Soins Ambulatoire (PDSA) sous enveloppe contrainte et avalise la possibilité pour les régions qui le souhaitent d’adopter ce « modèle ».

Cette expérimentation consiste à confier à l’ARS la gestion d’une enveloppe globale de financement de la PDSA qui inclut non seulement les forfaits d’astreinte mais aussi les actes réalisés par les médecins lors des permanences. L’enveloppe régionale a été répartie entre les différents départements, les associations de médecins s’engageant à respecter l’enveloppe dans l’année et pouvant décider de ce qui va à la régulation, à l’effection et à la rémunération des actes avec des plafonds. Chaque département est aussi libre d’élaborer son projet de permanence des soins. Par exemple, en Loire-Atlantique, celui de l’Association Départementale pour l’Organisation de la PDS comporte la création d’un pool de cinq « médecins mobiles » qui se déplacent après appel du centre 15 sur des situations identifiées (personnes ne pouvant se déplacer, besoin d’une expertise médicale, etc.). En Maine-et-Loire, le projet de l’association consiste  notamment à renforcer les moyens mobilisés autour du traitement des appels téléphoniques des patients pour en améliorer la qualité et à réorganiser les gardes de médecine libérale autour de points fixes de consultations ou maisons médicale de garde.

L’objectif de l’expérimentation était double : inciter les médecins à participer davantage à la PDSA et, par une meilleure régulation, limiter les actes inutiles. Des objectifs atteints en Pays-de-la-Loire : le nombre de médecins volontaires pour la permanence des soins a augmenté de 10 %, le pourcentage d’actes régulés est passé de 75 % en 2010 à 85 % en 2014, et les dépenses diminuent.

Ce sont 11 millions d’euros qui sont alloués annuellement par l’ARS à la PDSA pour quatre des cinq départements de la région (la Sarthe devrait intégrer prochainement le dispositif), cette somme englobant une campagne de communication à destination des usagers et la mise en place d’un système d’information commun aux médecins en cours de déploiement. L’ARS ne regrette pas cet investissement : elle a constaté une économie de 1,4 million d’euros par rapport à 2008.

Le Gouvernement juge « neutre » l’impact financier du dispositif, puisqu’il s’agit d’un transfert de l’enveloppe relative aux actes et majorations actuellement financée par le risque maladie vers le Fonds d’Intervention Régional (FIR). De quoi enthousiasmer la ministre de la Santé,  qui souhaite donc promouvoir le modèle dans d’autres régions, ce que prévoit le PLFSS 2016. Une entreprise qui ne sera pas forcément couronnée de succès partout : comme le souligne Luc Duquesnel (lire l’entretien), tout dépend de la taille de l’enveloppe alloué à la PDS dans chaque région.




Entretien : Patrick Gasser 

Le président de l’Union des MEdecins SPEcialistes (UMESPE-CSMF) juge inadéquat le système de régulation unique proposé par SAMU-Urgences de France.

SAMU-Urgences de France propose de créer des plates-formes SAMU Santé situées dans des établissements de santé qui se verraient attribuer un numéro d’appel unique national, le « 113 », et regrouperaient la régulation de tous les acteurs de la réponse à une demande de soins urgents, y compris la régulation de la « continuité des soins en médecine générale. Qu’en pensez-vous ?

Patrick Gasser. Je pense que ce n’est sûrement pas le meilleur modèle d’organisation de la PDS et je trouve même cela grotesque : à chacun son métier et son expertise. La régulation libérale fonctionne parce que le régulateur est aussi un effecteur, qu’il connaît le terrain et sait de quoi il retourne. Ce serait une erreur grossière de laisser gérer cela par des hospitaliers qui ne connaissent rien à la médecine générale. Nous avons besoin de gens pragmatiques qui mettent en place un système efficient parce qu’ils connaissent le terrain.




L’épineuse question des urgences

Dans un livre blanc récemment publié, SAMU-Urgences de France détaille en 20 propositions qu’elle devrait être demain l’organisation des urgences en France pour répondre aux besoins.

Nul doute que les libéraux apprécieront peu la vision très hospitalo-centrée qui s’en dégage, avec notamment la création d’une plate-forme SAMU-Santé-113 (un numéro d’appel unique), « chef d’orchestre » de toutes les régulations. D’autant que, sur le terrain, les libéraux montrent qu’ils peuvent organiser efficacement la Permanence Des Soins Ambulatoire, même sous enveloppe contrainte gérée par l’Agence Régionale de Santé, comme le prouve l’expérimentation menée depuis 2011 dans les Pays-de-la-Loire. Reste que l’extension – souhaitée par Marisol Touraine – de ce « modèle » à l’ensemble des régions ne va pas de soi : le Diable est dans la taille de l’enveloppe…

Après le rapport de Jean-Yves Grall sur « la territorialisation des activités d’urgences » rendu public en juillet et qui lui avait été demandé par Marisol Touraine, SAMU-Urgences de France apporte spontanément sa pierre à l’édifice en publiant son livre blanc intitulé « L’organisation de la médecine d’urgence en France : un défi pour l’avenir », assorti de 20 propositions. « L’organisation actuelle de la médecine d’urgence ne permet plus, et ne permettra pas demain, de faire face aux inéluctables évolutions des besoins de soins et de notre système de santé », peut-on lire dans le préambule. Les auteurs (1) constatent que le « système initialement conçu pour répondre aux drames de la traumatologie routière doit maintenant répondre à des besoins de santé différents des pathologies nouvelles (cardiovasculaires et neurologiques, complications aiguës de cancers et des maladies chroniques…), de nouveaux contextes (vieillissement, handicap, exclusion sociale, fin de vie, hospitalisation à domicile…), la concentration de l’offre de soins et des plateaux techniques, l’exigence des patients et de la société en termes de qualité/sécurité des soins… » Dans ces conditions, « demain, le recours aux structures de médecine d’urgence continuera à augmenter avec une réponse hospitalière qui n’est plus adaptée ».

Dans un premier temps, SAMU-Urgences de France estime qu’il est nécessaire de faire évoluer les structures des urgences et d’instaurer une « labellisation » par les ARS, selon un cahier des charges précis, non fondé sur le nombre de passages. Il est proposé une description des établissements disposant d’une structure des urgences selon six axes : accueil et prise en charge des urgences, plateau technique, prises en charge chirurgicales et spécialisées, activité SMUR, hospitalisation, gestions des lits. Selon ces critères, les établissements seraient classés en trois catégories, ceux avec un plateau technique d’urgence de proximité,  les établissements à plateau technique d’urgence d’appui et ceux avec un plateau technique d’urgence de recours.

Une plate-forme SAMU-Santé-113 pour tout réguler

Pour une efficacité maximum, il faut « un chef d’orchestre » pouvant répondre 24/24 h et 7/7 j à l’ensemble des besoins des patients et les orientant en se fondant sur une analyse médicale. SAMU-Urgences de France propose de confier ce rôle à une plate-forme de régulation médicale, la « plate-forme SAMU Santé ». Ces plates-formes seraient situées dans des établissements, articulées et interconnectées entre elles mais aussi avec les réseaux de télémédecine, et regrouperaient la régulation médicale de l’aide médicale urgente, celle des crise sanitaires, la réponse toxicologique d’urgence, la régulation des transports sanitaires urgents, des urgences psychiatriques, gériatriques, médico-sociales, des transferts périnataux et… la régulation médicale de la continuité des soins en médecins générale.

Le livre blanc évoque également cinq « fausses bonnes idées » et développe les arguments en leur défaveur. Parmi elles, la nécessité qu’il y aurait à multiplier les Maisons Médicales de Garde (MMG), les auteurs estimant que « tout ce qui a pu être fait (pourtant souvent avec des moyens assez importants), notamment pour développer les Maisons Médicales de Garde (présentées par certains comme une panacée), si cela répond à un besoin de médecine générale, n’a jamais fait reculer la croissance régulière du recours aux structures d’urgence ». A quoi le Dr Luc Duquesnel, président de l’UNOF-CSMF, répond judicieusement que les MMG n’ont pas été créées dans cet objectif (voir entretien ci-dessous). Concernant la PDSA, SAMU-Urgences de France estime qu’elle « doit évoluer pour répondre aux besoins », suggérant tout d’abord que le concept soit élargi « à l’ensemble des besoins de soins urgents et non programmés » relevant de la médecine générale et prenne l’appellation de Pérennité des Soins. Cette PdS  « organise, 24/7, la réponse à des demandes de soins urgents et non programmés dès lors que ceux-ci ne relèvent pas du plateau technique d’un établissement siège de structure des urgences. Coordonnée à l’échelle du territoire de santé d’urgence par la plate-forme SAMU-Santé-113 », cette réponse repose sur les médecins libéraux volontaires, généralistes et spécialistes, en association ou pas, les maisons de santé pluridisciplinaires engagées contractuellement à assurer la prise en charge des patients adressés par la plate-forme SAMU-Santé-113 et des « centres de soins non programmés ou centres de soins immédiats tels que proposés dans le rapport de Jean-Yves Grall ». Quant au pilotage de l’organisation de la médecine d’urgence, il est « exclusivement  assuré par les Agences Régionales de Santé » auprès desquelles des Comités Techniques Régionaux des Urgences (CTRU) « sont les acteurs principaux de cette réorganisation qui est validée par la Commission Spécialisée de l’Organisation des Soins de la Conférence Régionale de la Santé et de l’Autonomie ».

(*) Le livre blanc a été rédigé par le conseil d’administration de SAMU-Urgences de France dont François Braun est le président. 




Urgences : les structures

Les SAMU-Centre 15

A ce jour, 102 SAMU-Centre 15 assurent en permanence la réponse téléphonique sur le territoire national via leur Centre de Réception et de Régulation des Appels (CRRA). Leur activité varie de moins de 15 000 à plus de 370 000 Dossiers de Régulation Médicale (DRM) par an. Le Conseil National de l’Urgence Hospitalière (CNUH) a récemment défini deux niveaux de faible activité : moins de 25 000 et moins de 50 000 DRM annuels. En deçà de ces nombres de DRM, le CNUH propose de mutualiser tout ou partie de cette activité avec un SAMU-Centre 15 proche afin de maintenir une activité de régulation médicale, surtout en période nocturne, compatible avec la qualité et la sécurité des prises en charge.

Les Services Mobiles d’Urgence et de Réanimation (SMUR)

428 SMUR couvrent le territoire et assurent près de 800 000 interventions par an. Ces SMUR représentent 700 équipes terrestres et 42 HéliSMUR Leur activité va de moins de 10 interventions annuelles à plus de 16 000. 26 SMUR sont implantés dans un établissement ne disposant pas d’une Structure des Urgences (SU).

Les Structures des Urgences (SU)

Aujourd’hui, 655 établissements de santé publics ou privés assurent la prise en charge 24h sur 24 h et 7 jours sur 7 (24/7) de soins urgents et non programmés au sein de SU. Une très grande majorité appartient au service public hospitalier. Leur activité va de moins de 10 000 à plus de 75 000 passages annuels.




Urgences : les 20 propositions de SAMU-Urgences de France

1. Définir, à l’échelle nationale, des territoires de santé d’urgence au sein desquels la réponse à « l’urgence santé » est organisée et cohérente.

2. Mettre en place des plates-formes de régulation médicale SAMU-Santé regroupant tous les acteurs de la réponse médicale à une demande de soins urgents. Cette plate-forme est située dans un établissement de santé.

3. Assurer l’articulation et l’interconnexion entre les plates-formes SAMU-Santé.

4. Attribuer le numéro de téléphone national « 113 » à la plate-forme SAMU-Santé.

5. Evaluer la pertinence de l’implantation actuelle des SMUR terrestres et s’assurer de l’adéquation de la composition de leur équipe avec les texte réglementaires.

6. Continuer à développer la réponse « avant-coureur du SMUR » dans les territoires à plus de 30 minutes d’une SMUR

7. Mettre en place un maillage territorial à deux niveaux des HéliSMUR et équiper les établissements sièges de structure d’urgence d’une zone de poser obligatoire.

8. Formaliser un « contrat de mission santé » pour les hélicoptères d’état souhaitant participer à l’Aide Médicale Urgente. Des urgences selon un cahier des charges précis.

9. Labelliser les structures des urgences selon un cahier des charges précis.

10. Identifier les établissements de santé disposant d’un plateau technique d’urgence selon les critères SUdF (proximité, appui, recours).

11. Contractualiser les liens entre les structures de médecine d’urgence d’un même territoire de santé.

12. Créer le concept de Pérennité des Soins (Pds)

13. Mettre en place dès maintenant le DES de médecins d’urgence.

14. Garantir les moyens de formation continue des professionnels des structures de médecine d’urgence, notamment par les Centres d’Enseignement des Soins d’Urgence.

15. Faire évoluer les statuts des médecins hospitaliers pour autoriser un exercice territorial.

16. Créer des équipes d’urgentistes de territoire sur la base de projets médicaux partagés.

17. Formaliser les transferts de tâches des urgentistes vers les IDE des urgences hospitalières dans le cadre d’un exercice en pratique avancée.

18. Décharger les urgentistes des tâches ne relevant pas de leurs missions médicales en particulier pur la gestion des lits d’aval.

19. Assurer des effectifs médicaux et non médicaux des structures de médecins d’urgence en cohérence avec leurs activités.

20. Assurer un financement pérenne des structures de médecins d’urgence en adéquation avec leurs organisations et leurs activités.




Après les élections aux URPS : une nouvelle donne syndicale

Les élections aux Unions Régionales de Professionnels de Santé (URPS) se sont déroulées après une campagne aussi courte que dense et très largement centrée sur la mobilisation contre le projet de loi de santé.

Les syndicats les plus radicaux dans leur opposition à ce texte remportent la mise au détriment des syndicats plus modérés.

Impression

Les médecins ont élu leurs représentants au sein des Unions Régionales des Professionnels de Santé (URPS) : les urnes ont parlé et elles disent un certain nombre de choses. Tout d’abord que les médecins ne se sont pas massivement mobilisés pour voter, c’est le moins qu’on puisse dire : la participation s’est érodée avec le temps pour aboutir lors de ce dernier scrutin à un taux d’abstention record à 60 % ! Le taux de participation de 40 % (39,92 % très exactement) est en net recul par rapport aux précédentes élections : il était de 44,6 % en 2010, de 46 % en 2006 et de 52,7 % en 2000.

Plusieurs interprétations peuvent être données à ce phénomène. En premier lieu, et sans remettre en cause le travail souvent pertinent effectué sur le terrain par les URML d’abord puis les URPS depuis la loi HPST, sans doute ces instances professionnelles ne sont-elles pas parvenues à s’imposer aux yeux des médecins comme des interlocuteurs de poids face aux tutelles, qui les tiennent souvent à l’écart d’ailleurs.

En second lieu, le fait que ces élections servant à mesurer l’audience des syndicats médicaux dans la perspective d’une nouvelle enquête de représentativité en détourne l’enjeu. Ce n’est pas tant pour élire les URPS que les médecins votent que pour désigner les représentants syndicaux qui seront amenés à négocier la prochaine convention médicale et, le cas échéant, sanctionner ceux qui ont fait vivre la convention en cours.

Stimmzettel in Wahlurne

Résultats par région. A télécharger

Enfin, comme en 2010 où les élections ont suivi le vote de la loi HPST, le dernier scrutin s’est tenu en pleine mobilisation contre le projet de loi de santé. Les résultats montrent clairement que les médecins qui se sont exprimés ont voté pour les formations les plus radicalement opposées au projet de loi.

Chez les généralistes, si MG France consolide sa place de leader avec 31,29 % des voix (contre 29,73 % en 2010), la FMF avec son mot d’ordre de « blocage sanitaire » enregistre une forte poussée, avec 27,62 % des voix, soit une augmentation de 9,17 % par rapport à 2010, tandis que la CSMF-UNOF arrive en troisième position avec 20,25 % des voix, en recul par rapport à 2010 (26,9 %). Le SML perd lui aussi du terrain passant de 18,97 % des voix en 2010 à 16,49 % aujourd’hui. On remarque que les deux syndicats, la CSMF et le SML, qui ont été les signataires « alliés » de la convention en cours et de l’avenant 8 instaurant le Contrat d’Accès aux Soins (CAS) sont tous les deux en recul par rapport au précédent scrutin.

Ils le sont chez les généralistes, mais aussi dans les deux autres collèges. Dans le collège 2 des spécialistes de bloc (chirurgiens, anesthésistes et gynécologues-obstétriciens), Le Bloc, très largement majoritaire, conforte sa première place. Le syndicat présidé par Philippe Cuq, partenaire de la FMF et de l’Union Française pour une Médecine Libre (UFML) pour le bocage sanitaire, enregistre une poussé de 8,55 points, passant de 58,24 % des suffrages en 2010 à 66,70 % des suffrages aujourd’hui. Loin devant le SML (12,95 % contre 13,31 % en 2010), qui fait presque jeu égal avec la CSMF qui, elle, perd cependant plus de terrain dans ce collège avec 12,37 % des voix contre 19,09 % en 2010.

La Confédération reste majoritaire dans le collège 3 des autres spécialistes (40,65 %) mais là aussi en recul de 10 points (50,89 % en 2010). Nettement derrière, le SML enregistre un score stable à un point près (28,94 % contre 29,94 % en 2010) tandis que la FMF, avec un score de 21,77 % des voix, progresse de presque 6 points.

Les élections des bureaux et des présidents des URPS auront lieu en janvier prochain et l’enquête de représentativité devrait se dérouler en mars-avril 2016




Elections aux URPS : réactions syndicales

Les commentaires « after » scrutin des syndicats médicaux ne diffèrent pas de ceux des responsables politiques les soirs d’élections : les vainqueurs se félicitent et les perdants expliquent qu’ils n’ont pas perdu !

 

MG France : les choses difficiles commencent

Se félicitant de ce que MG France « reste en tête chez les généralistes en votes et en sièges », son président, Claude Leicher, souligne que « les choses difficiles commencent maintenant, c’est-à-dire traduire ce résultat en actes concrets. Nous allons continuer à réclamer des moyens d’exercice pour les généralistes ».

 

FMF : la loi de santé reste l’ennemi

Le président de la FMF, Jean-Paul Hamon, estime que le changement du paysage syndical « est une bonne chose ». « Aujourd’hui, il nous reste un ennemi : la loi de santé », constate-t-il, prévenant : « Nous ne serons pas une chambre d’enregistrement des ARS, pas question de laisser les médecins libéraux se faire laminer ».

 

CSMF : les syndicats poujadistes favorisés

« La CSMF reste le premier syndicat de médecins libéraux en voix et en élus », se félicite son président, qui souligne que sa centrale « arrive en tête dans 10 régions sur 17 ». En « première analyse », Jean-Paul Ortiz souligne « un fort vote contestataire contre les syndicats en charge des responsabilités dans les régions », ce qui « a favorisé les syndicats poujadistes sans propositions, ce qui est le reflet de la situation syndicale et politique nationale actuelle ».

 

SML : une position stabilisée

Si les résultats du SML ne lui permettent pas de « fanfaronner », son président, Eric Henry, se dit globalement satisfait du résultat « car le SML s’est stabilisé, ce qui est rassurant quant aux choix que nous avons faits ». Le bouleversement du paysage syndical est intéressant, qui va « améliorer la démocratie ». Dans le combat commun contre le projet de loi de santé, « c’est le moment d’ouvrir l’union en ouvrant les bureaux des URPS ».

 

Le Bloc : un scrutin qui rebat les cartes

« C’est un vrai succès, une reconnaissance de notre travail et de nos idées », se félicite Philippe Cuq, le président du Bloc, indiquant que les « positions franches et claires » du syndicat sur l’avenant 8 encadrant les dépassements et sur la loi de santé ont emporté l’adhésion des médecins. « La confiance des confrères nous réconforte. » Pour Philippe Cuq, une nouvelle représentativité va sortir de ce scrutin qui « rebat les cartes » et va permettre d’ « engager de nouvelles discussions avec les pouvoirs publics et mener la lutte contre la loi de santé ».




Elections aux URPS : Interview de Patrick Gasser, président de l’UMESPE

« La priorité, c’est la convention ». Le président de l’Union des MEdecins SPEcialistes (UNESPE-CSMF) estime qu’il est important maintenant qu’une force de propositions syndicale s’impose face à l’Etat en vue des futures négociations conventionnelles.

 

Gasser encadré 600Quelle analyse faites-vous des résultats des élections aux URPS ?

Patrick Gasser. Ce qui me semble très important, c’est le taux très en hausse de l’abstention. En cela, les médecins ne diffèrent pas de l’ensemble de la population. En période de grandes difficultés comme celle que nous connaissons, les gens ont tendance à renvoyer dos à dos les différentes formations et à se dire « à quoi bon voter ? ». Quant aux résultats de la CSMF, inutile de tourner autour, nous avons perdu lors de ces élections avec un nombre de sympathisants en baisse.

Comment expliquez-vous ces mauvais résultats ?

P. G. Tout d’abord, nous avons sans doute échoué dans notre communication vers les médecins qui n’ont pas toujours compris notre démarche et nos décisions. Ainsi, je pense que le Contrat d’Accès aux Soins n’est pas passé chez les spécialistes. Mais c’est dans l’ADN de la CSMF de construire, d’être une force de propositions et de ne pas être dans l’opposition systématique. Nous avons essayé de faire bouger le projet de loi de santé. S’il n’y a pas de forces de proposition, l’Etat avance et c’est ce qu’il a fait ! Des médecins m’ont dit « Vous n’avez pas été assez contre le projet de loi ! ». Mais la CSMF a prôné la désobéissance civique : que peut-on faire de plus fort que d’inciter le confrères à ne pas appliquer la loi ? Apparemment, ce concept de désobéissance civique n’a pas été compris.

Qu’allez-vous faire maintenant ?

P. G. Je crois que derrière les 60 % d’abstentions le message des confrères qu’il faut entendre est « Arrêtez de vous chamailler entre syndicats ! ». Personnellement, j’ai donc l’intention d’aller voir les autres syndicats pour voir si nous pouvons – et ce que nous pouvons –construire ensemble. Une nouvelle convention doit être négociée l’année prochaine et la balkanisation qui résulte des récentes élections ne va pas rendre les choses faciles. Pourtant, il va falloir rapidement constituer une force de propositions pour construire cette future convention, sinon, c’est l’Etat qui prendra la main et ce sera la fin de la médecine libérale. La convention, c’est l’objectif prioritaire.




Elections aux URPS : rejet de la loi de santé et revalorisations tarifaires au programme

Le 30 septembre dernier, le matériel de vote a été envoyé aux 116 000 médecins libéraux qui ont jusqu’au 12 octobre pour envoyer leur bulletin de vote afin d’élire leurs 870 représentants dans les Unions Régionales de Professions de Santé (URPS). Du fait de la réforme territoriale, le nombre des URPS va passer de 26 à 17 (13 nouvelle régions plus la Corse et les DOM-TOM). Le dépouillement des résultats par département et par collège aura lieu le 18 octobre prochain.

Vote UrpsLes premières élections aux Unions Régionales de Professionnels de Santé (URPS) se sont déroulées en septembre 2010. Vous souvenez-vous du thème central de la campagne électorale cette année là ? La loi Hôpital Patients Santé Territoire (HPST), votée en 2009 et que la majorité des médecins libéraux vouait aux gémonies et avec elle la ministre de la Santé d’alors, Roselyne Bachelot, qui l’avait soutenue.

Cinq ans plus tard, c’est le rejet massif du projet de loi de santé portée par Marisol Touraine qui a nourri la campagne pour les élections qui se déroulent en ce moment ! A quelques nuances près, comme l’Histoire bafouille.

En 2010, la loi HPST n’avait pas que des détracteurs, et tandis que la CSMF et le SML refusaient catégoriquement une loi « liberticide », MG France lui trouvait des atouts pour la médecine générale. Aussi la victoire de la CSMF et du SML fut-elle interprétée comme le rejet net et précis de la politique gouvernementale d’alors.

Aujourd’hui, parce que ce projet de loi a déterré la hache de guerre en instaurant la généralisation du tiers-payant, le projet de loi fait l’objet d’un rejet de toutes les organisations. Non au tiers-payant généralisé, c’est le leitmotiv de tous les discours syndicaux. Ensuite, chaque centrale décline son programme. Avec un autre thème commun pourtant, la revendication d’un exercice médical revalorisé, non dénuée d’une certaine surenchère tarifaire, campagne électorale oblige. Il est vrai que l’enjeu de ces élections aux URPS est d’importance puisque s’ouvriront l’année prochaine les négociations pour la nouvelle convention médicale et que, selon le score obtenu, tous n’auront pas le même poids de représentativité autour de la table des négociations.

CSMF : une grille tarifaire unique

« On ne veut plus se battre pour un ou deux euros qu’on obtient péniblement tous les deux ou trois ans pour revaloriser une consultation de base », prévient Jean-Paul Ortiz, le président de la Confédération des Médecins de France (CSMF). Considérant que « la consultation à 23 euros est déconnectée de la réalité quotidienne du cabinet médical » et constitue « un tarif irrespectueux, eu égard à l’engagement professionnel des médecins », mais opposé au développement par l’Assurance Maladie de la rémunération par forfait et réaffirmant que « les soins ne peuvent se concevoir que par le paiement à l’acte », le président Ortiz appelle à « une redéfinition de l’exercice médical » et plaide pour la mise en place d’une CCAM et d’une grille tarifaire unique applicable à l’ensemble des spécialités. Sans s’avancer sur le chiffrage d’une telle réforme, il estime que le tarif de base d’une telle grille ne devrait pas être inférieur à 30 euros.

La CSMF voient dans les élections aux URPS « un enjeu capital » pour que les médecins puissent  s’opposer aux ARS et puissent « renégocier » le projet de loi de santé. Jean-Paul Ortiz rappelle le précédent de la loi Fourcade de 2011 qui était revenu sur plusieurs mesures de la loi HPST.

FMF : un plan Marshall pour la médecine libérale

La Fédération des Médecins de France (FMF) n’a pas l’intention d’aller négocier la prochaine convention « pour obtenir des miettes ». C’est clair et dès la fin août, son président Jean-Paul Hamon avait annoncé que la revalorisation des honoraires serait au cœur de la campagne pour les élections aux URPS. Comme le SML, la FMF revendique aussi une hausse significative pour les médecins du premier secteur pour atteindre la moyenne européenne.

« Nous réclamons un vrai plan Marshall pour la médecine libérales », déclare Jean-Paul Hamon qui estime qu’il y faudrait un investissement de 5 milliards d’euros qui pourrait être abondé grâce à des économies faites sur la gestion des caisses d’Assurance Maladie, les cotisations perçues par les complémentaires santé, la rationalisation et la régulation des urgences hospitalières et la consommation de médicaments.

Opposée également au CAS, la FMF milite pour la création d’un secteur d’exercice unique au sein duquel les médecins appliqueraient des tarifs de base communs à chaque discipline mais pourraient aussi facturer des « compléments d’honoraires ».

Résolument opposée au projet de loi de santé, la FMF entend notamment combattre sur le terrain les efforts déployés par les tutelles pour développer le Dossier Médical Personnel (DMP) et les messageries sécurisées de santé, dénonçant une « farce ruineuse » pour des systèmes qui ne fonctionnent pas.

Le Bloc

Majoritaire dans le collège 2 (chirurgie, anesthésie-réanimation et gynécologie obstétrique) lors des élections de 2010, l’organisation est d’autant plus opposée au projet de loi de santé que ce texte prévoit la disparition de ce collège en 2020. Une menace à relativiser selon son président, Philippe Cuq, puisque Le Bloc a obtenu sa représentativité il y a cinq ans et présente cette année des listes dans le troisième collège comptant bien ainsi étendre son influence.

Outre le retrait du projet de loi « par tous les moyens, jusqu’au blocage sanitaire et au recours devant le Conseil Constitutionnel », Le Bloc demande une revalorisation tarifaire avec une valorisation des urgences et de la chirurgie ambulatoire, ainsi qu’un « accès pour tous les praticiens du bloc à des compléments d’honoraires et le maintien de la liberté d’honoraires ».

Farouchement hostile au CAS, Le Bloc milite pour « la création d’une “assurance complémentaire santé” pour nos salariés et les patients qui prendra en charge correctement les compléments d’honoraires » et veut « négocier des solutions d’assurance RCP à des tarifs acceptables pour toutes les spécialités, y compris les plus à risque ».

MG France : équité et revalorisation tarifaires

« La colère des médecins généralistes » à l’égard du projet de loi de santé et de l’obligation du tiers-payant, la dégradations des conditions d’exercice et l’absence de revalorisation tarifaire, sont les trois axes qu’avait annoncé MG France pour sa campagne électorale. Le syndicat généraliste bataille particulièrement pour l’obtention de l’équité tarifaire entre les médecins. Si la médecine générale a bien accédé au statut de spécialité à part entière en 2007, sa consultation de base est restée bloquée à 23 euros, quand celle des autres spécialités s’établit à 25 euros.

Le 17 septembre, le syndicat présidé par Claude Leicher a demandé au directeur de la CNAMTS, Nicolas Revel, d’annuler une décision du 7 mars 2007 fixant la liste des spécialités  éligibles à la cotation Majoration Provisoire Clinicien (MPC) de 2 euros, à l’exclusion des seuls généralistes. Après l’échec de cette démarche, MG France a décidé de déposer un recours en Conseil d’ Etat.

Ce combat pour l’équité n’est qu’un début, le C à 25 euros ne constituant pas une fin en soi. Rappelant que le 7 janvier prochain, « cela fera cinq ans que les honoraires des médecins de secteur 1 sont bloqués », MG France demande une revalorisation globale des honoraires. Claude Leicher fixe à 30 % cette revalorisation pour s’approcher de la moyenne européenne.

SML : ouverture du secteur 2 et consultation de base à 45 euros

Pour construire son programme, le Syndicat des Médecins Libéraux s’est appuyé sur une enquête menée l’été dernier auprès d’un millier de médecins dont les résultats ont montré une vive inquiétude quant à l’exercice libéral de la part de libéraux exaspérés par la dégradation de leur conditions d’exercice.

Rien d’étonnant dès lors à ce que la première revendication du syndicat soit le retrait pur et simple du projet de loi de santé dans lequel il voit « une étatisation » du système de santé. Pêle-mêle, le SML fustige les communautés professionnelles territoriales de santé et la dérive de la politique conventionnelle vers des adaptations locales sous la tutelle des ARS, l’article 47 instaurant un système national de gestion des données de santé qui menace le secret médical et la confidentialité des données.

Historiquement défenseur du secteur à honoraires libres, le SML présidé par Eric Henry demande l’ouverture du secteur 2. Le SML va même plus loin en réclamant la création d’un « secteur 3 » dans lequel que les actes effectués par les médecins non conventionnés (ils sont 1 800 actuellement) seraient remboursés au même niveau que les actes conventionnés. Les autres axes du programme SML concernent une meilleure coordination des soins, le développement de l’expertise particulière, une adaptation des études à l’exercice médical et la mise en place d’ « associations libérales de proximité » regroupant des médecins libéraux libres de la tutelle des ARS.

Enfin, le SML souhaite la mise en œuvre de la CCAM clinique, en chantier depuis dix ans, qui permettrait une hiérarchisation des consultations, la prise en compte du temps passé avec et en l’absence du patient et celle du rôle de coordination et de prévention du médecin.

Le SML revendique une revalorisation des tarifs de consultation « à la hauteur de la moyenne européenne », soit 30 % à 40 % de plus qu’aujourd’hui.

Pour Eric Henry, le tarif d’une consultation de base devrait se situer entre 40 et 45 euros.




Les missions des URPS

Créées par la Loi HPST, outils au service des médecins libéraux, les URPS sont leur représentation dans les régions, face aux puissantes Agences Régionales de Santé (ARS). Selon le décret du 2 juin 2010 qui fixe leurs missions, les URPS participe :

– à la préparation et à la mise en œuvre du projet régional de santé

– à l’analyse des besoins de santé et de l’offre de soins en vue notamment de l’élaboration du schéma régional d’organisation des soins

– à l’organisation de l’exercice professionnel, entre autre, en ce qui concerne la permanence des soins, la continuité des soins et ls nouveaux modes d’exercice

– à des actions dans le domaine des soins, de la prévention, de la veille sanitaire, de la gestion des crises sanitaires, de la promotion de la santé et de l’éducation thérapeutique

– à la mise en œuvre des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM) avec les réseaux de soins, les centres de santé, les maisons de santé et les pôles de santé, ou des contrats ayant pour objet d’améliorer la qualité et la coordination des soins

– au déploiement et à l’utilisation des systèmes de communication et d’information partagés

– à la mise en œuvre du Développement Professionnels Continu (DPC)

Enfin, elles peuvent procéder à l’analyse des données agrégées nationales et régionales issues du Système National d’Information Interrégimes de l’Assurance Maladie (SNIIRAM) utiles à leurs missions.

Pour fonctionner, les URPS sont financées grâce à la contribution versée par tous les médecins libéraux. Cette contribution est fixée à 0,50 % des revenus professionnels mais elle est limitée à 0,50 % du plafond annuel de la Sécurité social. Pour l’année 2014, elle était de 182 euros.




Contrats d’Accès aux Soins : des premiers résultats positifs

© JPC-PROD

383 – L’Assurance Maladie tire un premier bilan positif du Contrat d’Accès aux Soins (CAS), puisque, en 2014, les médecins de secteur 2 sont de plus en plus nombreux à adhérer au dispositif et respectent leurs engagements dans une très grande majorité. Résultat : en 2014 le taux de dépassements d’honoraires a baissé tandis que la part des actes effectués aux tarifs opposables a augmenté. 

Accouché dans les forceps, le Contrat d’Accès aux Soins (CAS) est entré en vigueur le 1er janvier 2013. Visant à réguler les dépassements d’honoraires, le CAS propose aux médecins de secteur 2 ainsi qu’à ceux de secteur 1 titrés (notamment chefs de clinique et assistants des hôpitaux) de s’engager pour trois ans à geler, puis réduire progressivement leurs taux moyens de dépassement d’une part et, d’autre part, à respecter un certain taux d’activité à tarifs opposables. Les médecins qui y souscrivent s’engagent également à ne pas pratiquer de dépassements supérieurs  au double du tarif opposable (100 %). En contrepartie de ces engagements, ils bénéficient de la prise en charge par l’Assurance Maladie de leurs charges sociales pour la part des actes effectués aux tarifs opposables, ainsi que d’un alignement de la base de remboursement de leurs actes sur ceux du secteur 1, donc sur la base de 28 euros et non plus de 23 euros.

Combien de praticiens ont été séduits par le CAS et qui sont-ils ? Selon l’Assurance Maladie, ils étaient 11 103 au 31 décembre 2014 à avoir adhéré au CAS, dont 7 767  (70 %) sont des médecins de secteurs 2 et 3 336 sont des médecins de secteur 1 installés avant 2013 et possédant des titres leur permettant l’accès au secteur 2. Au total, ce sont presque 700 contrats de plus qu’en 2013, qui correspondent à 1 180 nouveaux médecins adhérents – dont les deux tiers sont de secteur 2 – et à 494 médecins qui sont sortis du dispositif. Concernant ces sortants, ce sont pour  60 % d’entre eux des médecins qui ont cessé leur activité libérale, dont 44 % pour prendre leur retraite. A la fin de l’année dernière, 32 % des médecins de secteur 2 avaient adhéré au CAS, un taux qui frôle, après deux années de fonctionnement, le tiers qui avait été initialement envisagé – puis abandonné – comme condition sine qua non à l’entrée en vigueur du contrat.

A la fin de 2014, 613 nouveaux installés en secteur 2 ont adhéré au CAS, contre 256 à fin 2013, soit plus de 450 nouveaux installés de plus en un an. L’Assurance Maladie s’en félicite, soulignant que cela « correspond à l’un des objectifs du CAS », à savoir, favoriser l’installation de médecins en secteur 1 ou en secteur 2 en CAS à tarifs maîtrisés. Le nombre des hospitaliers temps plein secteur 2 ayant adhéré au CAS a continué lui aussi de croître, passant de 513 à 537 (+ 74) entre la fin de 2013 et la fin de 2014. Enfin, au cours du premier trimestre de cette année, plus de 310 nouveaux contrats ont été signés. Selon le dernier comptage de la CNAMTS, au 10 avril dernier, 372 contrats avaient été signés depuis le début de l’année, dont 318 concernaient des praticiens de secteur 2. Ainsi, si le Contrat d’Accès aux Soins n’a pas connu un engouement au départ, il séduit, lentement mais sûrement.

Des taux de dépassement en baisse

Mais la grande question est de savoir si le CAS a eu un impact positif sur les pratiques tarifaires, autrement dit s’il a atteint l’objectif de régulation des dépassements d’honoraires pour lequel il a été créé.

Pour la Caisse Nationale d’Assurance Maladie des Travailleurs Salariés (CNAMTS), le bilan est positif. Rappelant qu’avant 2012 et l’avenant 8, le rythme de progression du taux de dépassement des médecins de secteur 2 était d’environ de 8 à 9 % par période de cinq ans et qu’étant de 56 % en 2011 pour les spécialistes, ce taux aurait dû atteindre, à ce rythme, 65 % en 2016, elle indique que depuis 2012, le taux de dépassement des médecins de secteurs 2 décroît, passant de 55,4 % en 2012, à 55,1 % en 2013 et 54,1 % en 2014 (- 1 point).

Dans le même temps, le taux de dépassement des médecins de secteur 2 adhérents au CAS est passé de 28,4 % en 2012, à 27,7 % en 2013 et 24,3 % en 2014 (- 3,4 %), et pour les seuls spécialistes, de 27,7 %, à 26,9 % puis à 23 % l’année dernière (- 3,9 %). Quant aux cardiologues, dont le taux de dépassements se situe parmi les plus bas de toutes les spécialités, il a décrût lui aussi (voir tableaux ci-dessous), passant de 10,4 % en 2012 à 9,4 % en 2014.

A l’inverse, le taux d’actes à tarif opposable a progressivement augmenté, conformément au but recherché, là aussi. Pour l’ensemble des médecins de secteurs 2, il est passé de 32,9 % en 2012 à 34,7 % en 2014, pour les médecins de secteur 2 adhérents au CAS, de 46,2 % à 51,6 % sur la même période (en hausse de 3,6 % l’année dernière) et pour les seuls spécialistes de secteur 2 adhérents au CAS, de 51,9 % en 2012 à 56,4 % en 2014 (+ 3 %).

83 % de contrats respectés

Sur 10 417 médecins ayant opté pour le CAS à la fin 2013, seuls 17 % (1 667) n’ont pas respecté leurs engagements. Pour les 8 750 (83 %) praticiens qui les ont respectés, une première vague de paiement de la prise en charge de leurs cotisations sociales proportionnelle au taux d’activité au tarif opposable a été versée en avril dernier.

Selon les données de la CNAMTS, le montant moyen versé à l’ensemble des médecins de secteur 2 est de 5 500 euros et de 6 950 euros pour les seuls spécialistes. Mais cette moyenne recèle des écarts importants : le versement moyen s’établit entre 3 000 et 4 000 euros pour les pédiatres, psychiatres et gynéco-obstétriciens, entre 7 000 et 9 000 euros pour les gastroentérologues ou les chirurgiens et se situe entre 11 000 et 13 000 euros pour les anesthésistes, les radiologues et… les cardiologues.

En novembre 2012, aux opposants à l’avenant instaurant le Contrat d’Accès aux Soins, Jean-François Rey, alors président des spécialistes confédérés (UMESPE-CSMF), vantait dans nos colonnes (voir Le Cardiologue n°356) les avantages de ce contrat et estimait : « les spécialistes n’ont pas fait leurs calculs ». Apparemment, ils sont de plus en plus nombreux à le faire. A la vue de ce premier bilan du CAS, la CSMF salue « cet accord gagnant pour tous les acteurs ». « Le CAS participe en premier lieu à développer un tarif social, à faciliter un accès aux soins pour tous, estime la confédération, tout en respectant l’indépendance et la pratique médicale. »

Le SML, ne partage pas cette satisfaction, alors même que son ex-président, Christian Jeambrun, a été un fervent partisan du CAS et a ratifié l’avenant 8. Une signature que son successeur, Roger Rua, aurait, il est vrai, volontiers reniée et que l’actuel président, Eric Henry, n’approuve pas davantage. « Un succès ? Les promoteurs du CAS s’en félicitent, le SML beaucoup moins », peut-on lire sur le site du syndicat qui se livre à une analyse très critique du bilan « positif » de la CNAMTS qui sait « manier les chiffres à son avantage ». « Il est facile de dire que les dépassements d’honoraires ont diminué quand on a augmenté le taux de remboursement… La baisse relative des dépassements d’honoraires est là comme prévu, c’est mathématique et sans surprise, persifle le SML. Mais qu’en est-il de la baisse absolue ? »

Plus généralement, le Syndicat de Médecins Libéraux déplore « l’effet secondaire du CAS sur la non-revalorisation des honoraires du secteur 1 ». Sans condamner le CAS, le président du Syndicat National des Spécialistes des Maladies du Cœur et des vaisseaux (SNSMCV), Eric Perchicot, explique lui aussi que le CAS est avantageux pour les spécialistes, mais qu’il n’est pas la solution à « l’indigence » du tarif des actes de base.

Le CAS serait, en quelque sorte, une aubaine pour les médecins ? C’est en tout cas l’analyse qu’en fait l’Observatoire citoyen des restes à charge en santé, qui regroupe le Collectif Interassociatif Sur la Santé (CISS), 60 Millions de consommateurs et Santéclair. Pour lui, la mise en place du CAS « a certes permis de limiter certains excès, mais n’a pas enrayé l’augmentation globale du montant des dépassements d’honoraires des spécialistes ». L’Observatoire note qu’en 2014, plus de 2,8 milliards d’euros ont été facturés aux patients au-delà des tarifs opposables, en progression de 6,6 % par rapport à 2012, sans préciser cela dit la part réelle de reste à charge après remboursement par les complémentaires.

Le CAS a provoqué un effet d’aubaine chez nombre de spécialistes, qui bénéficient à la fois d’une prise en charge d’une partie de leurs cotisations et de la possibilité de facturer – ou de continuer à facturer – des honoraires relativement élevés (jusqu’à 2 fois le tarif de l’Assurance Maladie, en moyenne sur l’ensemble de leur activité), analyse l’Observatoire. L’UMESPE, juge qu’il s’agit là d’une « présentation dévoyée des résultats » du CAS et dénonce « l’absence de prise en charge des compléments d’honoraires des signataires du contrat par les assureurs complémentaires alors qu’ils ont pourtant paraphé l’accord ».

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Contrats d’accès aux soins : pratiques tarifaires excessives

383 – L’avenant 8 prévoit que le caractère excessif de la pratique tarifaire des médecins adhérents au CAS est apprécié sur un certain nombre de critères (le taux de dépassement et sa croissance, la fréquence des actes avec dépassements et la variabilité des honoraires et dépassement moyen annuel par patient). Parmi ces critères, un taux de dépassement de 150 % du tarif opposable « pourra servir de repère » pour le contrôle. 

Le bilan de l’Assurance Maladie détaille les procédures menées à l’encontre des médecins « hors clous ».

• A l’issue de 710 entretiens ont été menés par les directeurs de caisses, 60 % des médecins se sont engagés à diminuer leur taux de dépassement.

• 961 courriers d’avertissement ont été envoyés

• 56 relevés de constatations ont été adressés à des méecins n’ayant pas modifié leur pratique tarifaire après réception du courrier d’avertissement.

• 15 dossiers ont été présentés devant 4 Commissions Paritaires Régionales (CPR) pour avis.

• Des saisines de CPR sont en cours dans 8 régions.

• La plupart des médecins ont accepté, après réception du courrier d’avertissement  ou du relevé de constatations, de s’engager ou ont engagé une modification  substantielle de leur pratique tarifaire.

• 7 sanctions ont été prononcées (suspension du droit à dépassement), dont 6 après avis de la Commission Nationale Paritaire.

• 6 médecins ont été mis sous surveillance.

L’Assurance Maladie souligne que « de manière générale, les médecins ciblés comme ayant une pratique tarifaire potentiellement excessive ont modifié leur pratique ». Le taux moyen de dépassement des médecins dont c’était le cas en 2012 a diminué de 18,0 % en moyenne en 2014. Quant aux médecins ciblés pour des dépassements facturés à des patients bénéficiaires de la CMU-C qui étaient 832 en 2012, ils n’étaient que 261 l’année dernière, soit en diminution de 65 %.




ROSP : Les résultats pour les 9 indicateurs cliniques

1 – « Améliorer le traitement post-infarctus du myocarde (IDM). »
Objectif-cible : 80 %
Objectif intermédiaire : 75 %.
Seuil minimal requis : 5 patients.
Indicateur moyen : 65 % au 31/12/2012, 63 % au 31/12/2013, 62 % au 31/12/2014

2 – « Améliorer la prise en charge médicamenteuse de l’insuffisance cardiaque en s’assurant qu’un bêtabloquant est prescrit. »
L’objectif-cible : 80 %.
Objectif intermédiaire : 75 %.
Seuil minimal requis : 5 patients.
Indicateur moyen : 62 % au 31/12/2012, 63 % au 31/12/2013, 64 % au 31/12/2014.

3 – « Améliorer la prise en charge médicamenteuse de l’hypertension artérielle (HTA) en s’assurant qu’un diurétique est prescrit dans la trithérapie, lorsqu’elle est indiquée. »
Objectif-cible : 90 %.
Objectif intermédiaire : 82 %.
Seuil minimal requis : 10 patients.
Indicateur moyen : 65 % au 31/12/2012, 67 % au 31/12/2013, 67 % au 31/12/2014.

4 – « Améliorer la surveillance biologique des patients sous trithérapie antihypertensive en s’assurant qu’au moins un dosage annuel de la créatinine et de la kaliémie est réalisé. »
Objectif-cible : 90 %.
Objectif intermédiaire : 86 %.
Seuil minimal requis : 10 patients.
Indicateur moyen : 87 % au 31/12/2012, 87 % au 31/12/2013, 88 % au 31/12/2014.

5 – « Augmenter l’utilisation de la mesure ambulatoire de la pression artérielle (MAPA) ou de l’automesure dans la prise en charge de l’HTA. »
Objectif-cible : 70 %.
Objectif intermédiaire : 55 %.
Seuil minimal requis : 20 patients.
Indicateur moyen : 69 % au 31/12/2013, 72 % au 31/12/2014.

6 – « Limiter les traitements par clopidogrel, Duoplavin, prasugrel ou ticagrelor au-delà de douze mois. »
Objectif-cible : 40 %.
Objectif intermédiaire : 65 %.
Seuil minimal requis : 5 patients.
Indicateur moyen : 81 % au 31/12/2012, 78 % au 31/12/2013, 74 % au 31/12/2014.

7 – « Obtenir un taux de LDL cholestérol inférieur à 1g/L chez les patients de moins de 85 ans en post IDM. »
Objectif-cible : 60 %.
Objectif intermédiaire : 45 %.
Seuil minimal requis : 5 patients.
Indicateur moyen : 77 % au 31/12/2013, 79 % au 31/12/2014.

8 – « Augmenter la proportion d’antihypertenseurs prescrits dans le répertoire des génériques. »
Objectif-cible : 80 % de boîtes d’antihypertenseurs prescrites dans le répertoire des génériques sur l’ensemble des boîtes d’antihypertenseurs prescrites.
Objectif intermédiaire : 74 %.
Seuil minimal requis : 20 boîtes.
Indicateur moyen : 75 % au 31/12/2012, 81 % au 31/12/2013, 83 % au 31/12/2014.

9 – « Augmenter la proportion de statines prescrites dans le répertoire des génériques. »
Objectif-cible : 70 % de boîtes de statines prescrites dans le répertoire des génériques sur l’ensemble des boîtes de statines prescrites.
Objectif intermédiaire : 65 %.
Seuil minimal requis : 20 boîtes.
Indicateur moyen : 56 % au 31/12/2012, 55 % au 31/12/2013, 57 % au 31/12/2014.

382




ROSP 2014 : les cardiologues améliorent leurs performances

Plus nombreux à avoir opté pour ce dispositif, les cardiologues sont aussi plus nombreux à percevoir une rémunération pour 2014. Une rémunération à la hausse, pour les cardiologues comme pour les autres spécialités, ce dont les médecins peuvent se réjouir, mais dont la ministre sait habilement se servir pour justifier son refus catégorique de toute revalorisation tarifaire.

382 – Pour l’année 2014, les médecins qui ont adhéré au dispositif de Rémunération sur Objectifs de Santé Publique (ROSP) perçoivent en moyenne 4 215 euros, (soit un total de 376 millions d’euros), en augmentation de 5,3 % par rapport à 2013, année où cette rémunération moyenne a été de 4 003 euros. La dépense totale brute qui était de 294 millions d’euros en 2012 et 352 millions en 2013 a augmenté de 6,8 % l’année dernière. Cette évolution a deux causes. D’une part, les médecins ont globalement amélioré leurs taux d’atteinte des objectifs proposés, d’autre part, ils étaient plus nombreux à être éligibles à la ROSP : 89 111 l’année dernière contre 85 187 en 2013, soit une hausse de 4,6 %. Parmi eux, on compte 57 215 omnipraticiens (dont 51 526 généralistes), 3 995 cardiologues, 1 892 gastro-entérologues et 26 009 autres spécialistes.

En 2014, les généralistes sont rémunérés 6 264 euros en moyenne (contre 5 774 en 2013, soit 8,5 % de hausse) tandis que les spécialistes, dans leur très grande majorité uniquement concernés par le volet « organisation du cabinet » souligne la CNAMTS, perçoivent une rémunération moyenne de 1 129 euros (contre 1 082 euros en 2013, soit une hausse de 4,3 %).

 

Les performances des cardiologue à la hausse

Sur les 4 494 cardiologues ayant adhéré au dispositif de la ROSP (contre 4 432 en 2013), 3 996 sont rémunérés (contre 3 801 en 2013) pour un montant total de 8,4 millions d’euros, soit une rémunération individuelle moyenne de 2 112 euros, en hausse par rapport à l’année dernière où cette rémunération moyenne s’élevait à 1 030 euros. La moitié des cardiologues éligibles à la ROSP perçoivent 2 050 euros. Les 10 % des cardiologues les mieux rémunérés perçoivent au moins 3 969 euros, tandis que les 10 % les moins rémunérés touchent moins de 232 euros.

Si l’on examine de près les différents volet du dispositif, on constate que 2 704 cardiologues ont été rémunérés pour l’organisation du cabinet pour un montant total de 2,6 millions d’euros, soit une rémunération individuelle moyenne de 968 euros. Concernant le volet pratique clinique, 3 991 cardiologues sont éligibles à au moins 1 indicateur pour une rémunération moyenne de 1 470 euros pour l’ensemble des 9 indicateurs. Les 10 % des cardiologues les mieux rémunérés perçoivent au moins 2 876 euros, les 10 % les moins rémunérés, moins de 180 euros.

Chez les spécialistes, la CNAMTS souligne que la quasi-totalité des indicateurs « évoluent dans le bon sens ».  En ce qui concerne les cardiologues, sur les 9 indicateurs 6 sont à la hausse, un indicateur stagne et un seul enregistre un recul de 1,5 point par rapport à 2013 qui porte sur le taux de patients avec antécédents d’infarctus du myocarde traités par bêtabloquant, statine et IEC ou sartans (voir tableau ci-contre). On note que cet indicateur était déjà à la baisse en 2013 par rapport à 2012. En revanche, l’indicateur 9 portant sur la prescription des statines dans le répertoire des génériques, qui avait enregistré une baisse en 2013, est à la hausse en 2014

Dans sa présentation des résultats, la CNAMTS indique que « dans le cadre de la négociation de la nouvelle convention médicale » prévue pour le début de l’année 2016, une réflexion « devra être conduite afin d’intégrer les dernières recommandations scientifiques, de prendre en compte les nouveaux enjeux de santé publique et de faire évoluer les indicateurs d’efficience des prescriptions » et que, à cet effet, « une analyse approfondie sera réalisée en amont des négociations ».




Projet de loi de santé : entretien avec Patrick Gasser (UMESPE)

Pour le président de l’Union des MEdecins SPEcialistes (UMESP-CSMF), le projet de loi de santé, qui ne fait aucune place à la médecine spécialisée de ville, est inacceptable. Les spécialistes confédérés appellent leurs confrères à refuser de pratiquer le tiers-payant généralisé obligatoire. 

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© Pascal Wolff

381 – Après le vote du projet de loi de santé par les députés, la mobilisation des médecins libéraux est-elle toujours forte ?

Patrick Gasser. La mobilisation reste totale et sur le terrain nos confrères en attendent beaucoup de notre lutte contre cette loi défavorable aux médecins en général et au médecins spécialistes en particulier, au sujet de laquelle on ne trouve pas un mot dans le texte.

Comment peut-on faire du soin sans la médecine spécialisée ? Le grand virage ambulatoire est à prendre, pas seulement avec les médecins généralistes, mais aussi avec les spécialistes de proximité.

Ce qui est mis en place par ce projet de loi, sous des prétextes d’organisation de parcours et de proximité, c’est un système de gatekeeper. Mais on ne fait pas de l’efficience uniquement avec de la proximité, mais avec un lien fort entre le médecin généraliste et le spécialiste. On définit une prise en charge de la population dans la loi, mais on ne parle que du généraliste, pas du deuxième recours de proximité qu’est le spécialiste de ville. Il y a là, soit la volonté d’écarter les spécialistes du parcours de soins, soit une méconnaissance du rôle fondamental des spécialistes, ce qui revient à se priver de l’expertise des trois quarts des spécialistes.

Alors, oui, la mobilisation n’est pas terminée, parce que le débat sur le texte n’est pas terminé. Il est discuté au Sénat et nous ne manquerons pas de faire comprendre aux sénateurs les enjeux de cet oubli majeur de la médecine spécialisée.

Par ailleurs, la généralisation du tiers-payant a focalisé le mécontentement des médecins, mais d’autres points sont tout autant critiquables. Celui du Service Public Hospitalier (SPH), par exemple : la possibilité de dépassement d’honoraires existe dans le public, mais pas dans le privé dès lors que le privé prétend au SPH, c’est aberrant ! Si cela reste en l’état, l’UMESPE accompagnera un recours en Conseil d’Etat.

Certains syndicats appellent à un « blocage sanitaire ». L’UMESPE accompagnera-t-elle ce mot d’ordre ?

P. G. Je suis pragmatique : cela ne marchera pas. L’UMESPE ne s’associera pas à un tel mot d’ordre, pas plus qu’elle ne s’associera à un mot d’ordre de déconventionnement. En revanche, nous appelons les médecins à la désobéissance civile, c’est-à-dire à ne pas appliquer le tiers-payant obligatoire, sauf le tiers payant social, que nous pratiquons déjà et auquel nous sommes favorables.




Projet de loi de santé : la mobilisation ne faiblit pas après le vote à l’Assemblée

Après l’adoption du projet de loi de santé par l’Assemblée Nationale, le texte a été transmis au Sénat ou son examen pourrait avoir lieu lors de la session extraordinaire de juillet. En attendant, les médecins, toujours aussi hostiles à ce texte malgré les amendements apportés par le Gouvernement, continuent la lutte. 

381 – Les députés ont adopté le projet de loi de santé – rebaptisé projet de loi « de modernisation de notre système de santé » – assez profondément amendé par le Gouvernement à la suite de la concertation engagée avec les représentants des médecins à la mi-janvier, mais sans que ces modifications satisfassent pour autant les médecins libéraux qui restent radicalement opposés au texte en général et à certaines mesures clés, en particulier portant sur le tiers-payant généralisé, le service territorial de santé au public, le Service Public Hospitalier (SPH) et les pratiques avancées. Le texte va maintenant être examiné par le Sénat, et les syndicats médicaux comptent sur les sénateurs pour l’amender fortement dans le sens de ce qu’ils souhaitent. Ils ont pour cela exercer un lobbying adéquat.

Une radicalisation de la mobilisation

Reste que la procédure d’urgence ayant été décrétée par le Gouvernement sur ce projet de loi, c’est la Commission Paritaire Mixte qui aura le dernier mot, et les médecins savent bien que l’essentiel du texte passera en l’état. Aussi la mobilisation ne faiblit-elle pas. Chez certains même, elle se radicalise. Ainsi, trois syndicats – le SML, la FMF, Le BLOC –, l’Union Française pour une Médecine Libérale (UFML) et des organisations du Mouvement Pour la Santé de Tous (MPST) ont-ils annoncé au cours d’une conférence de presse tenue devant l’Assemblée Nationale quelques heures avant qu’elle ne vote le texte, leur volonté d’organiser un « blocage sanitaire » national dans les prochaine semaines, qui consisterait en un arrêt complet d’activité sans régulation ni PDS. Le recours au déconventionnement a également été évoqué. Pour l’instant, les autres syndicats ne les ont pas suivis sur cette voie du « blocage sanitaire ».

MG France a lancé un mot de boycott du tiers-payant, quelques jours avant que la CSMF n’appelle les médecins libéraux à la « désobéissance civile », c’est-à-dire à refuser le futur tiers-payant généralisé obligatoire (voir page suivante notre entretien avec Patrick Gasser, président de l’UMESPE). La Confédération incite également les médecins à « interpeller leurs élus », en particulier les sénateurs, à poursuivre la politique de la chaise vide dans les commissions conventionnelles locales ou régionales « tant que des négociations tarifaires urgentes ne sont pas entamées » et à « informer leurs patients, la population » sur « cette mauvaise loi pour leur santé ».




Les points majeurs du projet de loi de santé

381 – Les « communautés professionnelles de territoire »

© Andres Rodriguez
© Andres Rodriguez

L’article 12 du projet qui instaurait un « service territorial de santé au public », avait suscité les plus vives critiques des médecins libéraux qui redoutaient la main mise des ARS sur leur exercice. Après amendements, l’article 12 adopté par les députés traite désormais de l’équipe de soins primaires de premier recours définie comme « un ensemble de professionnels de santé constitué autour de médecins généralistes de premier recours, choisissant d’assurer leurs activités de soins de premier recours sur la base d’un projet de santé qu’ils élaborent. Elle peut prendre la forme d’une structure d’exercice coordonnée ». L’équipe « contribue à la structuration des parcours de santé des usagers » ; son projet de santé a pour objet « par une meilleure coordination des acteurs, l’amélioration et la protection de l’état de santé de la population, ainsi que la réduction des inégalités sociales et territoriales de santé ». Pour cela, des professionnels de santé « peuvent décider de se constituer en communauté professionnelle territoriale de santé », prévoit  l’amendement sur ces communautés qui devient un nouvel article à la suite de l’article 12. A défaut d’initiative des professionnels, c’est l’ARS qui peut prendre « en concertation avec les URPS, les initiatives nécessaires à la constitution » d’une telle communauté.

Pour « répondre aux besoins identifiés dans le cadre des diagnostics territoriaux » et « sur la base des projets de santé des équipes de soins primaires et des communautés professionnelles territoriales de santé », l’ARS peut conclure des « contrats territoriaux de santé ». Ce contrat « définit l’action assurée par ses signataires, leurs missions et engagements, les moyens qu’ils y consacrent et les modalités de financement, de suivi et d’évaluation ». Pour leur réalisation, l’ARS peut attribuer des crédits du Fonds d’Intervention Régional (FIR).

Les pratiques avancées

© Endostock
© Endostock

L’article 30 définit « l’exercice en pratique avancée ». Craignant la remise en cause de leur rôle, les médecins avaient fortement contesté cet article. Un amendement gouvernemental précise donc que les professionnels paramédicaux peuvent exercer en pratique avancée « au sein d’une équipe de soins primaires coordonnée par le médecin traitant ou au sein d’une équipe de soins en établissement coordonnée par un médecin ». De même, le terme de « diagnostic » a été ôté des activités du professionnel en pratique avancée et remplacé par celui de « conclusion clinique ». L’article stipule qu’un futur texte d’application devra détailler « les conditions et les règles de l’exercice en pratique avancée », texte d’application qui devra être élaboré après avis de l’Académie de médecine et « des représentants des professionnels de santé concernés ».

Tiers-payant généralisé

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L’article 18 relatif à la généralisation du tiers-payant dans sa nouvelle mouture, détaille le calendrier de sa mise en œuvre progressive. Il prévoit la rédaction d’un rapport commun par l’Assurance Maladie et les complémentaires santé « au plus tard le 31 octobre 2015 », qui devra présenter les solutions techniques pour la mise ne place du dispositif. « Il détermine les solutions techniques permettant d’assurer aux professionnels de santé la simplicité de l’utilisation, la lisibilité des droits et la garantie du paiement ».

Le rapport devra mentionner les « calendriers et modalités de test des solutions envisagées au cours de l’année 2016, en vue de parvenir à ouvrir à tous le bénéfice effectif du tiers-payant à compter du 1er janvier 2017 ». Pour ce qui est du calendrier, il est le suivant : à partir du 1er juillet 2016, les professionnels libéraux pourront pratiquer le tiers-payant pour l’ensemble des assurés pris en charge à 100 % par l’Assurance Maladie, en plus des bénéficiaires de la CMU et de l’ACS. Ils auront l’obligation de le faire à compter du 31 décembre 2016.

Dès le 1er janvier 2017, ils pourront proposer le tiers-payant à l’ensemble de leurs patients et seront obligés de le faire à partir du 30 novembre 2017, quand cela deviendra un droit pour le patient. Si l’article 18 dans sa nouvelle rédaction ne prévoit aucune sanction à l’égard des professionnels récalcitrants – comme s’y était engagée Marisol Touraine – en revanche, il rend impérative pour le médecin l’application du tiers-payant généralisé alors que la version initiale renvoyait les modalités de sa mise en œuvre à la négociation conventionnelle.

Le service public hospitalier

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Un amendement à l’article 26 édicte les conditions d’habilitation et d’association au SPH. Elles sont conformes à celles qu’avait indiquées Marisol Touraine fin décembre et qui avaient conduit la Fédération de l’Hospitalisation Privée (FHP) à suspendre son mouvement de grève des cliniques. Les établissements privés sont habilités, sur leur demande, par le directeur général de l’ARS « s’ils s’engagent, après avis favorable conforme de la CME et dans le cadre de leurs négociations contractuelles à exercer l’ensemble de leur activité dans les conditions énoncées ».

Peuvent être « associés » au SPH les établissements privés, autres que les ESPIC et les cliniques habilités à assurer le SPH, qui sont autorisés à exercer une activité de soins prenant en charge des patients en situation d’urgence. « L’ensemble des cliniques disposant d’une activité d’urgences » peuvent donc être associé au SPH mais « uniquement pour cette activité spécifique ». L’autorisation et l’association au SPH peuvent être « suspendues ou retirées » en cas de manquement aux obligations du SPH, et une pénalité financière peut être prononcée.

En outre, l’amendement précise qu’il n’existe aucun lien entre le SPH et le droit des autorisations, ce qui était une inquiétude des cliniques privées. En revanche, l’article 26 s’en tient à la stricte absence de dépassements d’honoraires pour prétendre au SPH. Il n’est plus question  de possibles « dérogations limitées » évoquées en fin d’année 2014 par la ministre lors des négociations avec la FHP.

 

Le Sunshine Act à la française renforcé

En application de la loi « Bertrand » de décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé, à ce jour, les groupes pharmaceutiques ont l’obligation de rendre publiques les conventions passées, notamment avec les professionnels de santé, mais pas le détail des rémunération versées. Un amendement gouvernemental au projet de loi de santé « autorise la publication des rémunérations perçues par les professionnels de santé dans le cadre des conventions signées avec les laboratoires pharmaceutiques ». Marisol Touraine a expliqué qu’il s’agissait d’aller « jusqu’au bout de la logique de transparence » et de « mettre fin aux soupçons en permettant la mise en ligne des rémunérations versées dans le cadre de collaborations entre industries et professionnels de santé ». Cet amendement intervient après la révélation de Mediapart concernant le Pr François Lhoste qui, alors qu’il était membre du Comité Economique du Médicament (CEM), devenu Comité Economique des Produits de Santé (CEPS) en 2000, a perçu des rémunérations du groupe Servier.

 

Le gouvernement pourra réformer l’Ordre par ordonnance

Dans ce vaste fourre-tout qu’est devenu au fil des mois le projet de loi de santé, quelques mesures sont passées inaperçues. Ainsi cet amendement du gouvernement, adopté par le commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale et voté par les députés, l’autorisant à réformer par ordonnance le fonctionnement et l’organisation des ordres de professions de santé. les modifications envisagées pour les ordres professionnels visent notamment à faire évoluer les compétences de leurs organes ainsi que leur composition, à alléger les procédures qu’ils mettent en œuvre, à renforcer leurs moyens « afin de veiller au respect de la législation relative aux avantages consentis par les entreprises ». Ces évolutins « prendront notamment en compte les recommandations faires par la Cour des Comptes s’agissant des pharmaciens et des médecins ». S’agissant de ces derniers, le rapport annuel de la Cour des Comptes de 2012 sur l’application des Lois de Financement de la Sécurité Sociale s’était montré sévère, jugeant « peu efficace » la prévention des conflits d’intérêts assumée par l’Ordre des médecins et qualifiait sont rôle de « très décevant » en termes de contrôle du respect de la déontologie médicale.




Loi de santé : MIG – le Gouvernement mis face à ses contradictions

La commission des affaires sociales de l’Assemblée Nationale a adopté un amendement de la députée Dominique Orliac (RRDP, Lot) demandant au Gouvernement de remettre au Parlement, dans les six mois suivant la promulgation de la loi de santé, un rapport sur les conditions de mise en œuvre d’une MIG pout tout établissement de santé, public ou privé, s’organisant pour fonctionner sans aucun dépassement d’honoraires. Dans son amendement, la députée rappelle que les établissements publics ou privés «  qui fonctionnent avec une activité libérale de PH ou de médecins libéraux bénéficient de ressources additionnelles substantielles, avec la perception d’une redevance au titre de l’exercice libéral ». Pour elle, cet état de fait rend « particulièrement délicat » le « fait pour un établissement de santé privé fonctionnant avec des médecins libéraux de s’engager sur les critères actuels de l’habilitation au SPH, puisque l’habilitation de droit des établissements publics de santé ne comporte pas d’obligations concernant l’éventuelle activité libérale du PH ou de PUPH ». Et pan sur le bec du Gouvernement qui est resté sourd à l’argumentation des médecins libéraux qui, dès le début, ont souligné que les dépassements d’honoraires existent à l’hôpital public sans que soit mis en cause sa participation au SPH. Et l’on les souvient que c’est à l’hôpital public que l’on constate les dépassements les plus forts dépassements…

380




Loi de santé : Jean-Paul Ortiz – « La mobilisation continue »

La grande manifestation du 15 mars dernier n’a guère changé la donne et vous estimez toujours que les médecins ne sont pas entendus par le Gouvernement ?

380 – Jean-Paul Ortiz. Il faut d’abord souligner le caractère historique de cette manifestation, qui a été un grand succès. Mais face à cette mobilisation, la seule annonce que le Premier ministre nous a faite lorsqu’il nous a reçus, c’est l’organisation d’une conférence nationale de la santé, de surcroît après l’adoption de la loi ! Ce n’est pas une réponse à la hauteur des revendications et des enjeux de santé et la CSMF considère cette proposition comme une insulte à tous les médecins de terrain. Certes, certaines des propositions émises dans les groupes de concertation ont été reprises dans les amendements, mais les points de blocage majeurs demeurent : l’obligation du tiers-payant est inscrite dans la loi, les petits pas faits concernant le service public hospitalier ne garantissent toujours pas l’égalité de traitement des cliniques par rapport à l’hôpital public. Quant à la médecine spécialisée libérale, on ne voit toujours pas bien sa place, et cela constitue un problème majeur. Le rapport Decalf contient des pistes intéressantes et même des propositions qui auraient pu être intégrées dans la loi. Mais la ministre n’y a fait aucune allusion, c’est comme si ce groupe de travail n’avait pas existé ! Bref, tout cela alimente notre colère et la CSMF a donc décidé d’appelé à une journée Santé Morte le 31 mars, jour où commence l’examen du projet de loi à l’Assemblée Nationale.

 

La mobilisation est donc toujours à l’ordre du jour ?

J-P. O. Bien sûr ! Il est important de souligner que nous n’en sommes qu’au début du processus parlementaire. La CSMF mène le combat sur le terrain parlementaire en soumettant à des élus de tous bords des amendements pour modifier le projet de loi sur des points essentiels. Il sortira de l’Assemblée nationale un texte qui sera ensuite examiné par le Sénat et je ne doute pas que les sénateurs le modifieront en profondeur. Et ensuite, le texte sera examiné en commission mixte paritaire. Nous sommes donc partis pour de longues semaines, voire plusieurs mois de mobilisation, malgré la procédure accélérée décidée par le Gouvernement. La mobilisation vase poursuivre sous des formes diverses.




Loi de santé : les (vaines) propositions de la mission Decalf

Dans le cadre de la concertation sur le projet de loi de santé, le groupe de travail piloté par Yves Decalf sur la médecine spécialisée libérale a émis un certain nombre de propositions pour amender différents articles. 380 – Concernant le parcours de soins coordonné, la mission estime « nécessaire de définir ce parcours avec plusieurs niveaux et en particulier la place du médecin traitant et du médecin spécialiste » et propose un article spécifique sur les missions du médecin de deuxième recours, dont les principales sont :

. « Une analyse approfondie diagnostique, thérapeutique et de suivi, propre aux compétences de chaque discipline. Il peut être médecin correspondant dans le suivi conjoint, l’élaboration du projet de soins, ou médecin consultant pour un avis d’expertise, en liaison avec le médecin traitant. »

. « Une participation à l’offre de soins ambulatoires de proximité, à la DS dans le domaine qui le concerne, en fonction des besoins de santé du territoire, et à l’optimisation des hospitalisations. »

. « Une contribution à la prévention, à l’éducation des patients et à la formation médicale initiale et continue. »

L’Union de MEdecins SPEcialistes (UMESPE-CSMF) déplore que la ministre de la Santé ait passé sous silence ce rapport et que la nouvelle rédaction du projet ne porte aucune trace de ses propositions. Pour l’UMESPE, « le Gouvernement reste sur des schémas pensés par la technostructure d’Etat : le médecin généraliste porte d’entrée et régulateur du parcours du patient, l’hôpital offreur de soins et seul lieu d’expertise des prises en charge de la maladie ». Les spécialistes confédérés voient là « la volonté de ce Gouvernement et de Madame la Ministre d’écarter la médecine spécialisée du soin de proximité ».




Loi de santé : les médecins ne lâchent pas prise

« Historique ». C’est ainsi que la profession a qualifié la grande manifestation du 15 mars dernier à Paris qui a vu défiler environ 40 000 (19 000 selon la préfecture de police !) médecins libéraux, internes et étudiants en médecine sous la bannière « Tous unis pour la santé de demain, non au projet de loi de santé ». FullSizeRender 300Mais l’ampleur de cette manifestation n’a guère fait bouger les lignes et Marisol Touraine est restée inflexible sur un certains nombres de mesures contenues dans le projet de loi de santé, qui sont précisément les plus inacceptables pour les médecins. L’entrevue des principaux syndicats médicaux avec le Premier ministre quelques jours après la manifestation n’a pas été de nature à faire changer les médecins d’avis quant à « l’autisme » gouvernemental. Manuel Valls leur a bien assuré que « les médecins peuvent, doivent avoir confiance dans le Gouvernement », juste avant de leur confirmer que le tiers-payant généralisé est « évidemment maintenu » mais de promettre « un système simple ». Et d’annoncer d’une conférence nationale sur la santé qui se tiendrait à l’automne prochain ou en 2016 sur « l’avenir du métier médical et paramédical » et « l’exercice du métier ». On croit rêver : une fois que la messe est dite, on réfléchit aux intentions ! Les syndicats médicaux n’ont pas apprécié. A l’issue de la rencontre, la CSMF a annoncé une nouvelle journée de grève le 31 mars et réclame désormais « l’abandon total » du projet de loi. Et l’unité syndicale ne faiblit pas. Pour la FMF, « cette journée doit être une nouvelle journée de protestation unitaire pour nous, les médecins libéraux », et appelle « à Paris à un rassemblement de protestation devant l’Assemblée Nationale de 13 h à 16 h les 31 mars et 1er avril » et « à la réalisation d’actions de protestation dans toutes les régions de France ». Quant au SML, il participera à toutes les actions menées ce jour-là, au sein du Mouvement pour la Santé Tous, qui regroupe 45 syndicats de professionnels des santé et organisations étudiantes.

La commission des affaires sociales de l’Assemblée Nationale a adopté le 19 mars dernier le projet de loi de santé -rebaptisé projet de loi « de modernisation de notre système de santé »- à l’issue d’un marathon durant lequel les députés ont adopté 358 amendements (sur les 1 688 déposés sur le texte), dont 57 étaient des amendements gouvernementaux. Le texte est donc passé de 57 à 132 articles, les députés ayant voté 77 articles additionnels et en ayant supprimé deux, dont celui relatif à la vaccination par les pharmaciens. Certains articles adoptés par la commission avaient été profondément remaniés par le Gouvernement à la suite de la concertation engagée avec les représentants des médecins à la mi-janvier. Ils portent sur des mesures clés, fortement contestées par les professionnels : le tiers-payant généralisé, le service territorial de santé au public, le service public hospitalier (SPH) et les pratiques avancées.

 

Tiers-payant généralisé

L’article 18 relatif à la généralisation du tiers-payant dans sa nouvelle mouture, détaille le calendrier de sa mise en œuvre progressive. Il prévoit la rédaction d’un rapport commun par l’Assurance Maladie et les complémentaires santé « au plus tard le 31 octobre 2015 », qui devra présenter les solutions techniques pour la mise ne place du dispositif. « Il détermine les solutions techniques permettant d’assurer aux professionnels de santé la simplicité de l’utilisation, la lisibilité des droits et la garantie du paiement ». Le rapport devra mentionner les « calendriers et modalités de test des solutions envisagées au cours de l’année 2016, en vue de parvenir à ouvrir à tous le bénéfice effectif du tiers-payant à compter du 1er janvier 2017 ». Pour ce qui est du calendrier, il est le suivant : à partir du 1er juillet 2016, les professionnels libéraux pourront pratiquer le tiers-payant pour l’ensemble des assurés pris en charge à 100 % par l’Assurance Maladie, en plus des bénéficiaires de la CMU et de l’ACS. Ils auront l’obligation de le faire à compter du 31 décembre 2016. Dès le 1er janvier 2017, ils pourront proposer le tiers-payant à l’ensemble de leurs patients et seront obligés de le faire à partir du 30 novembre 2017, quand cela deviendra un droit pour le patient. Si l’article 18 dans sa nouvelle rédaction ne prévoit aucune sanction à l’égard des professionnels récalcitrants –comme s’y était engagée Marisol Touraine- en revanche, il rend impérative pour le médecin l’application du tiers-payant généralisé alors que la version initiale renvoyait les modalités de sa mise en œuvre à la négociation conventionnelle.

 

Les pratiques avancées

L’article 30 définit « l’exercice en pratique avancée ». Craignant la remise en cause de leur rôle, les médecins avaient fortement contesté cet article. Un amendement gouvernemental précise donc que les professionnels paramédicaux peuvent exercer en pratique avancée « au sein d’une équipe de soins primaires coordonnée par le médecin traitant ou au sein d’une équipe de soins en établissement coordonnée par un médecin ». De même, le terme de « diagnostic » a été ôté des activités du professionnel en pratique avancée et remplacé par celui de « conclusion clinique ». L’article stipule qu’un futur texte d’application devra détailler « les conditions et les règles de l’exercice en pratique avancée », texte d’application qui devra être élaboré après avis de l’Académie de médecine et « des représentants des professionnels de santé concernés ».

 

Le service public hospitalier

Un amendement à l’article 26 édicte les conditions d’habilitation et d’association au SPH. Elles sont conformes à celles qu’avait indiquées Marisol Touraine fin décembre et qui avaient conduit la Fédération de l’Hospitalisation Privée (FHP) à suspendre son mouvement de grève des cliniques. Les établissements privés sont habilités, sur leur demande, par le directeur général de l’ARS « s’ils s’engagent, après avis favorable conforme de la CME et dans le cadre de leurs négociations contractuelles à exercer l’ensemble de leur activité dans les conditions énoncées ». Peuvent être « associés » au SPH les établissements privés, autres que les ESPIC et les cliniques habilités à assurer le SPH, qui sont autorisés à exercer une activité de soins prenant en charge des patients en situation d’urgence. « L’ensemble des cliniques disposant d’une activité d’urgences » peuvent donc être associées au SPH mais « uniquement pour cette activité spécifique ». L’autorisation et l’association au SPH peuvent être « suspendues ou retirées » en cas de manquement aux obligations du SPH, et une pénalité financière peut être prononcée. En outre, l’amendement précise qu’il n’existe aucun lien entre le SPH et le droit des autorisations, ce qui était une inquiétude des cliniques privées. En revanche, l’article 26 s’en tient à la stricte absence de dépassements d’honoraires pour prétendre au SPH. Il n’est plus question de possibles « dérogations limitées » évoquées en fin d’année 2014 par la ministre lors des négociations avec la FHP.

 

Les « communautés professionnelles de territoire »

L’article 12 du projet qui instaurait un « service territorial de santé au public » avait suscité les plus vives critiques des médecins libéraux qui redoutaient la main mise des ARS sur leur exercice. Un premier amendement gouvernemental le renomme donc un des chapitres du projet « Promouvoir les soins primaires et favoriser la structuration des parcours de santé ». Deux autres amendements gouvernementaux visent à créer les « communautés professionnelles territoriales de santé » et à définir la notion d’ « équipe de soins primaires ». Cette dernière « est un ensemble de professionnels de santé constitué autour de médecins généralistes de premier recours, choisissant d’assurer leurs activités de soins de premier recours sur la base d’un projet de santé qu’ils élaborent. Elle peut prendre la forme d’une structure d’exercice coordonnée ». L’équipe « contribue à la structuration des parcours de santé des usagers » ; son projet de santé a pour objet « par une meilleure coordination des acteurs, l’amélioration et la protection de l’état de santé de la population, ainsi que la réduction des inégalités sociales et territoriales de santé ». Pour cela, des professionnels de santé « peuvent décider de se constituer en communauté professionnelle territoriale de santé », prévoit l’amendement sur ces communautés qui devient un nouvel article à la suite de l’article 12. A défaut d’initiative des professionnels, c’est l’ARS qui peut prendre « en concertation avec les URPS, les initiatives nécessaires à la constitution » d’une telle communauté.

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L’éclosion de la santé mobile et connectée

Le marché des applications et des objets connectés de santé est actuellement en pleine croissance. Mais alors qu’ils séduisent un nombre croissant de Français, ils laissent encore les médecins quelque peu dubitatifs.

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La M-santé pose des questions éthiques que l’on ne doit pas négliger. © Syda Productions

Comme ils l’ont fait avec internet, il faudra pourtant bien qu’ils se mettent au diapason de leurs patients et adoptent ces nouveaux outils dans leur pratique. C’est le message que leur délivrent l’Ordre des Médecins dans le Livre Blanc qu’il consacre au sujet, assorti des quelques recommandations pour un déploiement fiable et sécurisé de la santé connectée.

379 – Alors que la santé devient mobile et connectée et que les Français y sont très majoritairement favorable (voir article page 12), le Conseil National de l’Ordre des Médecins (CNOM) vient de publier un Livre Blanc « De la e-santé à la santé connectée » qu’il a présenté à l’occasion de sa dernière matinée-débat consacrée aux « enjeux de la santé connectée ». Pour l’Ordre, cette initiative répond à la nécessité d’accompagner les médecins dans cette évolution, pour ne pas dire cette révolution technologique, qui va impacter qu’ils le veuillent ou non, leur pratique.

Dans l’introduction de ce Livre Blanc, le président du CNOM, le Dr Patrick Bouet, et le vice-président, le Dr Jacques Lucas, incitent les médecins à « accompagner le déploiement du monde numérique appliqué à la santé et à en adopter eux-mêmes les aspects utile et bénéfiques dans leurs pratiques médicales », sans tomber dans la « fascination technologique » qui pourrait faire oublier « les menaces qui pourraient en découler sur les libertés individuelles et collectives ». Estimant que les applications et objets connectés de santé peuvent constituer des outils complémentaires utiles à la prise en charge des patients, l’Ordre souhaite « réguler sur le futur plutôt que sur les pratiques du passé », selon les mots de Jacques Lucas, et énonce quelques recommandations.

Evaluer scientifiquement les applications

Pour commencer, il s’agit de « définir le bon usage de la santé mobile au service de la relation patients-médecins », et le CNOM entend y contribuer par ses publications, en association avec la Haute Autorité de Santé (HAS).  Ensuite, l’instance ordinale souhaite « promouvoir une régulation adaptée, graduée et européenne ». Les outils connectés devraient faire l’objet d’une déclaration de conformité à des standards portant sur la confidentialité et la protection des données recueillies, la sécurité informatique, logicielle et matérielle et la sûreté sanitaire. En troisième lieu, une évaluation scientifique des applications et objets connectés doit permettre d’en évaluer les bénéfices sur la santé individuelle et/ou collective, et de les distinguer de simples gadgets. Si l’intérêt est avéré, l’Ordre estime qu’il serait alors « cohérent » d’envisager leur prise en charge par l’Assurance Maladie.

Le développement de la santé mobile ou m-santé (appellation qui vient de l’anglais mobile-Health) pose des questions éthiques qu’il est « indispensable de traiter dans le cadre de débats publics, ouverts », estime le CNOM, qui met notamment en garde sur les conséquences d’un modèle économique fondé sur la valorisation des données. De même, il est important qu’une éducation au numérique concerne « tous les publics », y compris les entrepreneurs qui ont « tendance à méconnaître ou ignorer les cadres tant juridique (réglementation) que technique (interopérabilité) dans lesquels devraient s’inscrire leurs innovations ». Enfin, l’Ordre appelle de ses vœux « une stratégie nationale d’e-santé », et la constitution d’un « conseil national stratégique placé sous l’autorité ministérielle » permettant de clarifier la gouvernance de l’e-santé et, notamment, de préciser les impératifs éthiques liés à son déploiement.




e-santé : entretien avec Jacques Lucas (CNOM)

Pour le vice-président du CNOM et délégué général aux systèmes d’information en santé, il faudrait une volonté politique forte pour accompagner le développement de la e-santé, aussi irrépressible que le déploiement de l’écrit avec l’invention de l’imprimerie.

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© esante.gouv.fr

Qu’est-ce qui a amené l’Ordre à rédiger ce Livre Blanc sur la santé connectée ?

Jacques Lucas. J’ai déjà produit plusieurs documents dans le domaine du numérique, en particulier le Vade-mecum de la télémédecine, et à ce moment-là il m’est apparu que tout ce qui paraissait sur la m-santé méritait qu’on s’y attache, qu’il était nécessaire que nous parlions des objets connectés en liaison avec la pratique médicale.

Selon vous, dans quelles conditions doit se faire ce développement de la e-santé pour que soient respectées la sécurité et la qualité ?

J. L. La puissance réglementaire en France doit se saisir de ce sujet et s’engager dans une régulation, plutôt qu’une réglementation d’ailleurs. On ne peut pas rester dans le no man’s land actuel concernant la protection des données. Mais sachant qu’il est illusoire de chercher à fermer les frontières, puisque Internet les passe, il semble indispensables que la régulation prenne une dimension européenne au même titre que le processus de certification pour les dispositifs médicaux. Concernant les objets connectés, il importe que les sociétés qui les diffusent puissent agir selon des référentiels relatifs à la fiabilité et à la sécurité des données. Il me semble qu’on pourrait instaurer un système de déclaration de conformité a priori mais accompagné d’audits réalisés par un organisme disposant lui-même d’un pouvoir de sanction économique en cas de fausse déclaration de conformité. Je pense que cette mission d’audit et de sanction pourrait être confiée à la CNIL, elle-même pourrait œuvrer pour que les CNIL européennes prennent le relais.

On sent une certaine résistance à la e-santé de la part des médecins. Qu’en pensez-vous ?

J. L. C’est une résistance naturelle à tout changement. Pour en revenir à l’invention de l’imprimerie, rappelons-nous qu’à cette époque, l’Eglise brûlait les livres et, pour plus de sûreté, ceux qui les avaient écrits. Dieu merci, nous n’en sommes plus là ! Il faut que les médecins comprennent que le développement de l’e-santé est irrépressible, comme le déploiement de l’écrit avec l’invention de l’imprimerie. Les résistances ne viennent d’ailleurs pas seulement des médecins mais aussi des autorités sanitaires, du ministère et du financeur. C’est pourquoi il nous paraît souhaitable que l’ensemble des acteurs soit réuni au sein d’un conseil national stratégique de la e-santé. Il y a un marché et la France à des atouts dans ce domaine et un savoir-faire médical, ce serait dommage de n’en rien faire. Il faudrait une forte impulsion politique pour la e-santé et ce n’est malheureusement pas le cas. On parle beaucoup du numérique mais je constate que Madame Axelle Lemaire n’est « que » secrétaire d’Etat chargée du Numérique ce n’est pas le ministère de la Santé qui pourra imposer ses vues à Bercy !




Santé mobile : savoir de quoi l’on parle

La e-santé

L’expression e-Health apparaît pour la première fois en 1999. Son auteur, John Mitchell, l’a définit comme « l’usage combiné de l’internet et des technologies de l’information à des fins cliniques, éducationnelles et administratives, à la fois localement et à distance ».

Sa traduction française fait son apparition en 2000 et désigne aujourd’hui tout ce qui contribue à la transformation numérique du système de santé. 

La m-santé

En 2005, le terme de Mobile Health est employé par l’universitaire londonien, le Pr Robert Istepanian, pour désigner « l’utilisation des communications mobiles émergeantes en santé publique ». En 2009, l’OMS la définit comme recouvrant « les pratiques médicales et de santé publique reposant sur de dispositifs mobiles tels que téléphones portables, systèmes de surveillance du patient, assistants numériques personnels et autres appareils sans fil ».

Télémédecine

Définie par la loi HPST et par le décret du 19 octobre 2010, la télémédecine en France comporte cinq actes passibles : téléconsultation, téléexpertise, télésurveillance médicale, téléassistance médicale, réponse médicale apportée dans le cadre de la régulation médicale. Les attentes vis-à-vis de la m-santé s’expriment essentiellement dans le contexte de télésurveillance médicale, en raison du potentiel des technologies à faciliter le suivi des paramètres cliniques et la transmission d’alertes.

La télésanté

Elle désigne « l’utilisation des outils de production, de transmission, de gestion et de partage d’informations numérisées au bénéfice des pratiques tant médicales que médico-sociales » et peut s’appliquer notamment à l’information, la vigilance, le monitoring, l’animation, la formation, la prescription dématérialisée.

Les applications mobiles santé/bien-être 

« Appli » en français, « app » pour les anglo-saxons, ce sont des logiciels spécifiquement conçus pour fonctionner sur un équipement tel que smartphone ou la tablette. Ce marché s’est considérablement développé ces dernières années pour devenir un facteur déterminant du déploiement de la santé mobile.

Les objets connectés de santé/bien-être

Bracelets pour surveiller l’activité physique, ou le sommeil, balances, piluliers… C’est le grand déferlement des objets connectés revendiquant un bénéfice sanitaire souvent douteux. Mais à côté de ces « gadgets », on trouve aussi tensiomètres, lecteurs de glycémie, cardio fréquencemètres, etc., tandis qu’apparaissent des objets intégrés au corps comme les lentilles qui mesurent le taux de sucre dans le sang ou le patch électronique greffé sous la peau qui analyse les signes vitaux.

Le quantified self

Selon l’auteur du « Guide pratique du quantified self, Emmanuel Gadenne, cela « regroupe de façon générique les outils, principes et méthodes permettant à chacun d’entre nous de mieux nous connaître, de mesurer des données relatives à notre corps, à notre santé, à notre état général ou aux objectifs que nous nous fixons ». Cette pratique se caractérise également par le partage, voire la comparaison des données, entre adeptes. Ce qui différencie le quantified self de l’automesure, c’est la connexion.

Le Cardiologue 379




Les objets connectés ont la cote mais sont sous-utilisés

Orange healthcare et la MNH, groupe de protection professionnelle, ont rendu public récemment les résultats de leur Baromètre 360 réalisé par ODOXA, avec le concours scientifique de la Chaire Santé de Sciences Po, sur la perception qu’ont le public, les patients et les médecins des objets connectés au service de la santé. 

379 – Les objets connectés sont un moyen pour les patients de s’autonomiser et de se responsabiliser face à leur maladie, mais alors que les Français estiment majoritairement (54 %) que « pour que la médecine soit la plus efficace possible, il faut que les patients laissent faire les médecins et interviennent le moins possible dans leur traitement et le suivi de leur maladie », les médecins pensent au contraire, à une écrasante majorité (72 %) qu’il faut que « les patients interviennent le plus possible dans leur traitement et le suivi de leur maladie ». D’ailleurs, ces mêmes médecins sont une majorité  déclarer prescrire à leurs patients des objets connectés médicaux (62 % en ont déjà prescrit au moins un) et un sur deux déclarent avoir déjà recommandé l’usage d’un objet connecté grand public. Mais seuls 5 % des patients disent que leur médecin leur a déjà prescrit ou recommandé l’un ou l’autre. Pourtant, 29 % des Français et 23 % des patients utilisent déjà des objets connectés grand public. Un potentiel d’utilisation important de ces objets existe donc, mais les médecins sous-estiment  manifestement la capacité de leurs patients à les accepter. Il est vrai que pour les médecins leur usage semble être réservé quasi exclusivement aux malades chroniques : ils sont 70 % à considérer que les objets connectés sont particulièrement adoptés à cette catégorie de patients. D’ailleurs, les objets connectés les plus utilisés sont ceux qui concernent les maladies respiratoires (59 % de citations), l’HTA ou l’insuffisance cardiaque (54 %) et, loin derrière le diabète (18 %).

Les Français, le médecins et les patients sont unanimes – et dans de fortes proportions – pour considérer que la santé connectée constitue un opportunité pour la qualité des soins et pour améliorer la prévention, de même que les objets connectés sont unanimement perçus comme contribuant à l’Education Thérapeutique du Patient (plus de 74 % d’accord pour chacune des cibles) et utile dans le parcours de soins pour éduquer les patients sur les bonnes pratiques (plus de 73 % d’accord). Dans de moindres proportions  mais tout aussi unanimement, 46 % des patients, 49 % des médecins et 50 % des Français ont des craintes quant à la menace que la santé connectée peut représenter pour le secret médical. Enfin, 57 % des patients estiment qu’une meilleure information des médecins est la clé n° 1 pour développer l’usage des objets connectés, un avis partagé par 47 % des médecins eux-mêmes.




e-santé : les chiffres s’envolent

LES APPLICATIONS

– Le volume mondial des applications mobiles santé (au sens large) est passé de 6 000 en 2010, à 20 000 en 2012 et 100 000 en 2013.

– En France, sur une veille de 4 000 applis santé/bien-être réalisée par la société DMD, on observe que 60 % sont destinées au grand public et 40 % aux professionnels de santé. Mais la tendance serait en cours d’inversion.

Les objets

– 15 milliards d’objets connectés sont recensés aujourd’hui dans le monde, 80 à 100 milliards sont annoncés d’ici à 2020.

– 3 millions ont été achetés en France l’année dernière pour un chiffre d’affaires de 64 millions d’euros : balances, montres, bracelets, etc.

– 23 % de Français déclarent utiliser un objet connecté, 11 % en auraient déjà adopté un dans le contexte santé/bien-être.

Le Cardiologue 379




Projet de loi de santé : les médecins continuent le combat

Malgré un mouvement de grève largement suivi quoi qu’en dise la ministre de la Santé, Marisol Touraine, campe sur ses positions et n’accorde que des promesses verbales au gré de ses rencontres avec les différents représentants des médecins. En l’absence d’engagement ministériel pour une réécriture globale du texte, les médecins ne désarment pas et annoncent même un durcissement de leur mouvement de protestation. 

grève378 – « Circulez, il n’y a rien à voir ! ». C’est à peu près ainsi que l’on pourrait résumer l’attitude de Marisol Touraine confrontée à la grève des médecins libéraux de la fin de l’année 2014. Une grève qui a été largement suivie, avec 50 à 80 % des cabinets fermés voire 100 % de fermetures dans certaines zones. Une grève qui a eu un impact certain sur la régulation des centres 15, qui ont enregistré un afflux d’appels, et suscité des tensions dans plusieurs services d’urgence, comme en ont témoigné certains titres de la presse régionale et le président de Samu-urgences France, le Dr François Braun, qui a confirmé « un nombre d’appels très supérieur ». Qu’importe : pour la ministre de la Santé « aucune affluence anormale dans les services d’urgence n’a été observée ».

Minimiser la portée de la grève

Très habilement, Marisol Touraine s’est ingéniée à minimiser le mouvement des médecins libéraux dans ses déclarations, à interrompre la grève des urgentistes hospitaliers par la signature d’un protocole dont le coût est estimé à 90 millions d’euros par  la Fédération Hospitalière de France (FHF) et à déminer celle, à venir, des cliniques privées en négociant avec la Fédération de l’Hospitalisation Privée (FHP) qui, contre quelques promesses concernant les conditions de leur participation au service public hospitalier, a levé son mot d’ordre de grève illimitée prévu pour le mois de janvier, au grand dam des spécialistes de bloc et des syndicats engagés dans le conflit qui ont été mis devant le fait accompli.

Réécrire intégralement le projet de loi

Cette stratégie ministérielle, qui consiste à éteindre un feu après l’autre, est bien connue et en cache souvent une autre : diviser pour mieux régner. Un piège dans lequel les médecins libéraux sont déterminés à ne pas tomber. Reçus les uns après les autres par la ministre, aucun syndicat n’est sorti satisfait de l’entrevue. Le mouvement de protestation est donc entré dans sa deuxième phase avec la grève administrative : grève de la télétransmission et de l’accès à l’espace pro du site Ameli.

L’Assurance Maladie n’a pas caché qu’elle n’avait plus les effectifs suffisants pour faire face à un flot important de feuilles de soins papier et annoncé jusqu’à un mois de délai pour le remboursement des assurés. Selon les dernières indications de la CNAMTS, la télétransmission serait en baisse de 12 %.

Outre la poursuite de cette « guérilla administrative », d’autres actions sont envisagées. MG France annonce une nouvelle journée de grève pour le 5 février prochain. La CSMF et le SML organisent des actions de protestation la semaine du 26 au 31 janvier et lancent un mot d’ordre de grève de la PDS pour le week-end du 31 janvier au 1er février. Les deux centrales ont également décidé d’appeler à une grande manifestation nationale en mars prochain, avant l’examen du projet de loi de santé au Parlement.

Et la constitution de huit groupes de travail avec les professionnels de santé (encadré ci-dessous) n’est pas de nature à désarmer la profession, la ministre ne cédant rien concernant la généralisation du tiers-payant et renvoyant à la négociation conventionnelle une très hypothétique revalorisation tarifaire. Dans la mesure où l’examen du projet reste fixé au début avril et fera l’objet d’une procédure accéléré, la profession subodore que cette ouverture sur la réécriture de la loi de santé sera « probablement une concertation en trompe d’œil », selon l’expression de la CSMF.

Les libéraux restent donc mobilisés. Les hospitaliers aussi. Inquiets quant à l’évolution possible du projet de loi, ils attendent de Marisol Touraine des garanties écrites, qui ne sont pas les mêmes, on s’en doute, que celles des libéraux. Mais faute de cet engagement écrit, la communauté hospitalière pourrait, elle aussi, donner du fil à retordre à la ministre en demandant le retrait du projet (notre rubrique « Hôpital » 378).

 

Quatre groupes de travail plus deux

Marisol Touraine a annoncé la constitution de quatre groupes de travail destinés à faire évoluer certaines mesures clés du projet de loi. Le premier, piloté par Anne-Marie Brocas, la présidente du Haut Conseil pur l’Avenir de l’Assurance Maladie (HCAAM), se penchera sur la généralisation du tiers-payant. Le second planchera sur « l’organisation des soins de proximité dans les territoires » sous la houlette de Jean-François Thébaut, membre du Collège de la HAS (et ex-président du SNSMCV) et de Véronique Wallon, directrice générale de l’ARS Rhône-Alpes. Ancien directeur de l’ex-Agence Nationale d’Accréditation et d’Evaluation en Santé (ANAES, absorbée par la HAS), le Pr Yves Matillon dirigera les travaux du troisième groupe qui concerneront l’évolution de l’article portant sur les fameuses « pratiques avancées ». Le quatrième groupe devra « finaliser » l’article relatif au service public hospitalier « afin de permettre, de façon limitée, à certains établissements privés d’être habilités service public hospitalier », tout en préservant « l’identité » de ce dernier. Il abordera aussi la place des spécialistes libéraux dans ces établissements. Il sera piloté par le président de la conférence des CME de l’hospitalisation privée, Jean-Luc Baron, le directeur de la Sécurité Sociale (DSS), Thomas Fatome, et le directeur général de l’Offre de Soins (DGOS), Jean Debeaupuis.

Deux autres groupes ont été constitués pour une réflexion sur le rôle des médecins libéraux. Pour le premier, piloté par Pierre-Louis Druais, président du Collège de la Médecine Générale, cette réflexion visera à « donner au médecin généraliste et au médecin traitant toute leur place dans notre système de soins et à améliorer le parcours des patients en ville ». Le second groupe, dirigé par Yves Decalf, cadre de la CSMF et ancien président de la Commission de Hiérarchisation des Actes et Prestations (CHAP), mènera sa réflexion sur « le rôle de la médecine spécialisée libérale ».




Projet de loi de santé : entretien de Jean de Kervasdoué

Pour le spécialiste en économie de la santé et ex-directeur des Hôpitaux le projet de loi de santé évite les réflexions de fond sur le ticket modérateur, la répartition entre régime obligatoire et régime complémentaire et les inégalités, non d’accès aux soins, mais des soins eux-mêmes.

Kervasdoue300378 – Vos diverses déclarations témoignent d’un jugement négatif sur le projet de loi de santé ?

Jean de Kervasdoué. En effet. Les quelques bonnes choses qu’il contient ne relevaient pas forcément d’un texte de loi, comme par exemple les mesures concernant la prévention. Elle prévoit la généralisation du tiers-payant en considérant le partage entre régime obligatoire et régime complémentaire comme acquis alors qu’il n’en est rien. Aucune réflexion n’est engagée sur ce point pourtant crucial, pas plus que sur le ticket modérateur, qui ne modère rien du tout.

Quant à l’aspect technique de la mise en place du tiers-payant généralisé, les obstacles techniques sont loin d’être surmontés et il ne faut pas oublier que les pharmaciens qui le pratiquent depuis longtemps rencontrent des problèmes sur 15 % des paiements, ce qui est loin d’être négligeable.

Enfin, on oublie que l’inégalité la plus lourde est moins l’inégalité d’accès aux soins que l’inégalité de la qualité des soins sur le territoire. Pour schématiser, on peut dire qu’un clochard qui est accidenté devant un bon établissement sera parfaitement soigné sans débourser un sou, alors qu’un cadre accidenté à proximité d’une offre médicale de médiocre qualité a moins de chance !

Sur les données de santé, c’est dramatique, le projet est très régressif. En gros, on dit : « C’est la liberté que de réduire l’accès aux données » ! Le déficit de l’Assurance Maladie, il n’en est pas question et la solidarité se traduit par la dette qu’on laisse aux générations à venir. En fait, on raisonne toujours sur le modèle implicite de 1945, époque où en gros, la vie se divisait en trois périodes, une qui allait de la naissance à l’adolescence, puis une longue période de travail et enfin, la retraite. C’est oublier qu’aujourd’hui vient s’ajouter une période allant de l’adolescence à environ 27 ans, âge d’entrée dans la vie active, et qu’à partir de 57 ans en moyenne, la moitié des gens ne travaille plus. Il serait donc temps d’asseoir les cotisations sur autres choses que les salaires. Bref, la loi passe à côté de l’essentiel : la qualité des soins, le contrôle des pratiques et la stabilisation des bases financières de la protection sociale en cette période très particulière de vieillissement des « baby-boomers ».

Les médecins dénoncent un pouvoir excessif donné aux ARS. Qu’en pensez-vous ?

J de K. Nicolas Sarkozy a dit qu’il fallait un chef à l’hôpital et il a décidé que ce serait lui, enfin, l’Etat. La loi HPST est une loi soviétique de ce point de vue : l’hôpital est intégré dans l’Etat et les cliniques sont devenues les « fermiers » – au sens du fermage – des ARS. Et la gauche, qui n’aurait jamais pu faire la loi HPST, en est ravie et n’a rien changé !




Projet de loi de santé : entretien de Claude Le Pen

Pour l’économiste de la santé, professeur à l’université Paris-Dauphine, le projet de loi de santé est une accumulation de mesures qui pouvaient se prendre par simples décrets et arrêtés. Un texte qu’il juge très en retrait des ambitions de la Stratégie Nationale de Santé.

Le Pen300378 – Quelle est votre analyse du projet de loi de santé ?

A l’heure actuelle, le projet est un peu à la dérive sans que l’on sache vraiment ce qu’il y aura dedans in fine, puisque des négociations sont en cours avec divers partenaires, dont l’issue est assez aléatoire. Ce que l’on peut dire du texte en l’état, c’est qu’il est assez fourre-tout, manquant de cohérence et d’ensemble et s’apparentant davantage à ce qu’on appelait un DMOS (Diverses Mesures d’Ordre Social).

Quelle est votre position à l’égard du tiers-payant généralisé qui fait l’unanimité contre lui chez les médecins ?

C. L P. Ses conséquences économiques et sociales sont exagérées d’un côté comme de l’autre : c’est une mesure qui n’est pas aussi sociale qu’il y paraît, ce n’est pas la médecine gratuite. Mais c’est une mesure hautement politique – pour  ne pas dire démagogique – et qui ne coûte rien : on fait du social à bon compte ! Il faut beaucoup relativiser son effet inflationniste qui n’a jamais été absolument démontré. Il n’existe aucun tiers-payant aux Etats-Unis où les dépenses de santé sont pourtant bien plus importantes que dans certains pays où la généralisation du tiers-payant est la règle.

En revanche, il est vrai qu’il va être très compliqué à mettre en place, chronophage pour les médecins qui vont devoir vérifier les remboursements et avec des délais de remboursement variables selon les diverses mutuelles et assurances. Son bon fonctionnement nécessite une importante logistique qui n’existe pas ; il va falloir la mettre en place et qu’elle marche ! Enfin, le Gouvernement a largement sous-estimé la portée symbolique de la disparition du paiement direct de l’acte par le patient au médecin et, le moins que l’on puisse dire, c’est que cette décision aurait pu être mieux gérée, de façon plus participative. La réaction négative des médecins est d’autant plus forte que le projet de loi contient d’autres dispositions, notamment celles concernant l’encadrement du pouvoir conventionnel par les ARS, qui annoncent un changement de système.

Les conditions de participation des cliniques privées au Service Public Hospitalier (SPH) sont un autre point de contestation. Qu’en pensez-vous ?

C. L P. On revient sur la définition de la loi HPST, on revient à une conception très juridique du Service Public Hospitalier : c’est le statut qui fait le service public plus que les missions. C’est une vision conception rétrograde et l’on pourrait avoir une vision un peu plus moderne du service public. Mais le projet de loi fait montre d’une vision très idéologique de l’hôpital public. Forcer les hôpitaux à se regrouper entre eux, par exemple, ne me semble pas très pertinent ; ils ont parfois plus de difficultés à se regrouper entre eux qu’avec des établissements privés. C’est une vision très régalienne.

Au total, vous êtes très critique vis-à-vis de ce projet de loi ?

C. L P. Effectivement. Par rapport à ce qu’annonçait la Stratégie Nationale de Santé, on est loin du compte. Où est la « révolution des soins primaires » ? La médecine de proximité est très absente du projet. Concernant les données de santé, on n’a pas l’impression de s’acheminer vers un dispositif à la hauteur des enjeux, avec notamment une crainte excessive de la possible ré-identification des patients. C’est la même chose concernant la partie sur la prévention : les mesures annoncées ne nécessitaient pas une grande loi. Il s’agit de mesures qui pouvaient se suffire de décrets ou d’arrêtés. Sans anticiper sur ce que sera le contenu du projet qui sera débattu en avril, il semble quand même que toute cette effervescence actuelle va accoucher d’une loi compliquée, une « loi patchwork » contenant une kyrielle de mesures déconnectées les unes des autres, après quelques concessions accordées aux uns et aux autres, mais qui ne satisferont personne. Encore une fois, une loi en rupture totale avec les ambitions affichées dans la Stratégie Nationale de Santé. Et c’est sans parler du curieux processus d’élaboration de ce projet, sans concertation ni négociation préalable.




Mobilisation générale contre la loi santé

Le report de l’examen du projet de loi en avril et la concertation annoncée n’entame pas la détermination des médecins libéraux à combattre un texte qu’ils refusent en l’état.

D’autant que les rares évolutions possibles évoquées par Marisol Touraine lors des entrevues avec les responsables syndicaux restent verbales et superficielles. Tant que rien dans la rédaction du projet de loi ne changera, les médecins maintiendront la pression et, passée la grève de cette fin d’année qui sera sans doute très largement suivie, ils n’hésiteront pas à durcir leurs actions.

377 – La ministre de la Santé se souviendra sans doute de son Noël 2014 et du gros « cadeau » déposé sous le sapin par la profession médicale sous forme d’un mouvement de grève qui touche la quasi-totalité des catégories de médecins : après les généralistes et les spécialistes libéraux, les urgentistes privés ont suivi, ainsi que les urgentistes du secteur public de l’AMUF, les anesthésistes-réanimateurs du SNPHAR et les cliniques qui prendront le relais courant janvier ! Les hospitaliers publics pour des motifs différents : le temps de travail et l’attractivité de leurs carrières.

Du côté des libéraux, le projet de loi de santé que le ministère a sorti tout écrit de sa boîte sans qu’aucun syndicat ne retrouve la moindre trace de souhaits exprimés lors de vrais-faux échanges avec le cabinet de Marisol Touraine a cristallisé les mécontentements et a uni l’ensemble de la profession dans une contestation unitaire pas vue depuis longtemps.

Trois sujets du projet fâchent particulièrement et unanimement les libéraux : le tiers-payant généralisé et obligatoire, les pleins pouvoirs donnés au ARS qui seront les arbitres de l’activité, des installations, voire demain du conventionnement des médecins, et les « pratiques avancées », autre terme pour désigner des transferts de tâches qui font aujourd’hui partie intégrante de l’exercice des médecins et qui seront demain dévolues aux pharmaciens, aux sages-femmes ou aux futures infirmières cliniciennes.

Face à cette contestation générale, Marisol Touraine a commencé par jouer la montre, en annonçant le report de l’examen du projet de loi –initialement prévu fin janvier-début février- au mois d’avril prochain, après les élections aux conseils généraux. Puis elle a reçu les syndicats auxquels elle a prodigué un discours rassurant, qui ne les a pas rassuré du tout, car, pour l’instant, pas une ligne du texte n’a été réécrite, et les responsables syndicaux ont appris à se méfier furieusement des « paroles verbales » ministérielles. « Rien ne change concrètement, commente Philippe Gasser, le président de l’Union des MEdecins SPEcialistes (UMESPE) de la CSMF. C’est à peine si quelques avancées sont envisagées : le terme de « service territorial de santé au public » pourrait disparaître, mais pour l’instant, ces éventuels changements restent verbaux, rien n’est écrit. Concernant le pouvoir donné aux ARS, avec les menaces de conventionnement sélectif que cela sous-tend, aucune évolution n’est envisagée. Pas plus que sur le tiers-payant généralisé et obligatoire, qui est une mesure politique et qui ne réglera pas les problèmes d’accès aux soins. On nous évoque le cas des étudiants, mais leur problème n’est pas celui du tiers-payant mais plutôt celui de la mise à jour de leurs droits qui peut parfois prendre une année. Le tiers-payant généralisé ne réglera pas ce problème ! « Quant aux pratiques avancées, en l’état, il n’est pas question pour nous de les accepter. Nous ne sommes absolument pas opposés à l’évolution des métiers, mais cela doit venir du terrain de la profession, pas d’en haut, par voie législative ». L’UMESPE, qui a organisé avec succès les états généraux de la médecine spécialisée début décembre, travaille maintenant à la rédaction de son « cahier de doléances et de propositions pour la réécriture du projet de loi » qu’elle entend présenter à la ministre de la Santé en début d’année.

Après avoir été reçu par Marisol Touraine, le président de la CSMF, Jean-Paul Ortiz, a déclaré n’avoir perçu aucune « écoute réelle ». Réunie en assemblée générale extraordinaire, la Confédération « considérant que le signes d’ouverture exprimés par la ministre n’ont, pour l’instant, aucune traduction concrète et, compte tenu de la stratégie gouvernementale d’évitement de tout dialogue et d’écoute des médecins libéraux, » a décidé de maintenir son mot d’ordre de grève. Et par-delà de la réécriture de la loi, la CSMF a d’autres exigences : « l’ouverture d’une négociation tarifaire urgente permettant de redonner une valeur décente aux actes médicaux », en commençant par le C qui « doit être porté à 25 euros », « la mise en œuvre de la CCAM clinique et l’actualisation de la CCAM technique prévues par la convention médicale » et « l’extension de la ROSP à toutes les spécialités ».

Car le projet de loi de santé, s’il a mis le feu aux poudres, est loin d’être le seul grief des médecins libéraux. Bien d’autres ont entretenu ces derniers temps la combustion sous le couvercle de la cocotte qui explose aujourd’hui : absence de revalorisation des actes, obligation de mettre leurs cabinets aux normes d’accessibilité pour les personnes handicapées sans aucune aide financière, l’obligation de prescrire en DCI au 1er janvier prochain sans les outils logiciels adéquats et certifiés opérationnels, le « harcèlement des caisses » sur le prescription des génériques et, le dernier en date, cerise sur le gâteau, l’annonce d’un budget DPC en baisse de 25 % pour l’année 2015…

Certes, les quelques mois de délai qu’offre le report du projet de loi par le Parlement peuvent faire espérer une réécriture du texte. Mais le moins que l’on puisse dire, c’est que les entrevues des diverses organisations syndicales avec le ministère ne laissent pas entrevoir des négociations constructives. On souvient que Marisol Touraine avait répliqué sèchement à la revendication des généralistes de voir leur C porté à 25 euros que ce n’était « pas d’actualité ». Elle reste intraitable sur le tiers-payant généralisé, mesure populaire, sauf auprès des médecins. Quant aux cliniques, elles n’ont pas trouvé chez la ministre une plus grande ouverture à des évolutions possibles : l’obligation faite aux établissements privés désireuses d’intégrer le service public de faire respecter les tarifs opposables à tous leurs praticiens n’est apparemment pas négociable. La Fédération de l’Hospitalisation Privée (FHP) maintient donc son préavis de grève illimitée à partir du 5 janvier prochain. Et la Conférence Nationale des présidents de Commissions Médicales d’Etablissements privés soutient le mouvement, comme elle soutient celui des médecins en appelant à la grève de fin d’année les médecins exerçant en cliniques (voir l’entretien avec Jean-Luc Baron). Quand à la FMF, estimant qu’ « il n’y a rien à négocier », elle a fait savoir qu’elle ne se rendrait pas au rendez-vous de la ministre. Avec le SML et le Boc, elle fait partie des organisations qui demandent un retrait pur et simple du projet de loi de santé.

Si la ministre de la Santé ne veut pas voir se perpétuer et se durcir le mouvement de contestation des médecins, elle ferait bien d’assouplir un peu son attitude et d’entamer un réel dialogue avec eux. A moins que le report de l’examen du projet de loi en avril ne soit qu’une tentative pour laisser pourrir la situation. Mais c’est une tactique que les médecins ont déjà expérimentée aussi et il n’est pas sûr qu’ils tombent dans le piège.




Loi santé : critiques tous azimuts

377 – Le moins qu’on puisse dire est que le projet de loi de santé et la façon dont il a été assené aux professionnels trouve peu de défenseurs. Même dans son camp, Marisol Touraine n’est pas épargnée par les critiques. Ainsi, sans remettre en cause l’intégralité du texte, le secrétaire national du PS en charge de la protection sociale, Pascal Terrasse, incite-t-il « Marisol Touraine, ses équipes, à rencontrer le plus largement possible ceux qui peuvent s’opposer à la loi », estimant notamment que « l’inquiétude de la FHP doit être écoutée ». Il a fait part au Premier ministre de ce « qu’une mission parlementaire pourrait contribuer à débloquer la situation ». « Une société ne se réforme pas à coups de hache », a déclaré le député PS de l’Ardèche lors d’une rencontre des Asclépiades, organisée par notre confrère Décision Santé. Ainsi concernant le tiers-payant penche-t-il plutôt pour le volontariat ; « Peut-être faudrait-il laisser la possibilité à ceux qui le souhaitent de la pratiquer et aux autres non ». Ce qui revient à peut près à signifier qu’on pourrait laisser les choses en l’état…

Ancien Directeur des hôpitaux d’un gouvernement socialiste, Jean de Kervasdoué s’est « lâché » lors d’un débat organisé par la FHP et Décision Santé. Pour lui, cette loi « n’est pas une loi majeure ». Elle témoigne d’une « absence de réflexion sur le ticket modérateur, le rôle des complémentaires, les inégalités de traitement ». « La loi HPST a aggravé l’étatisation du système de santé : cela continue. Ce Gouvernement est dans la continuité du gouvernement précédent », estime l’économiste de la santé pour qui la généralisation du tiers-payant n’était pas une priorité.

Rappelons que de façon plus policée, l’Académie de Médecine et le Conseil National de l’Ordre des Médecins (CNOM) ont émis de sévères commentaires sur le texte. Le CNOM, qui plaide inlassablement pour le dialogue, salue avec satisfaction le report de l’examen du projet pour laisser du temps à la concertation, demande cependant qu’ « aucun préalable ne limite sa portée et donc la réécriture du texte de loi ». Il réclame de la ministre la publication rapide d’un calendrier de concertation « pour permettre la réécriture des points incontournables notamment l’hyperadministration, le service territorial de santé au public, les risques qu’il entraîne, le périmètre des contenus des métiers, les modalités de mise en place du tiers payant généralisé et les contre-pouvoirs dans les territoires ».




Loi santé : entretien Jean-Luc Baron (CME)

La Conférence nationale des présidents de Commissions Médicales d’Etablissements (CME) de l’hospitalisation privée soutient le mouvement de grève des médecins libéraux de fin d’année. Que signifie exactement ce « soutien » ?

377 – Jean-Luc Baron. Cela signifie très clairement que la Conférence des présidents de CME appelle les médecins qui exercent dans les établissement privés à cesser leur activité entre le 24 et le 31 décembre prochain, en se laissant réquisitionner, bien sûr, pour les urgences et en maternité. Les CME étant garantes de la qualité et de la sécurité des soins des patients, il ne saurait en être autrement. Nous soutenons également le mouvement de la Fédération de l’Hospitalisation Privée (FHP) de janvier prochain, mais le mouvement des médecins est celui de fin décembre.

Quelles mesures du projet de loi de santé motivent principalement votre opposition à ce texte et votre décision de faire grève ?

J-L. B. En premier lieu, les conditions imposées aux établissements privés pour participer au service public hospitalier. Tel que le texte est écrit, et malgré les tentatives du Gouvernement pour rassurer oralement ce secteur, il est inacceptable. Nous ne pouvons pas accepter qu’on impose aux praticiens exerçant en établissements privés d’effectuer la totalité de leur activité en secteur 1, sans même tenir compte du Contrat d’Accès aux Soins (CAS) auquel un grand nombre de médecins a adhéré et compte tenu que les missions de service public dans les établissements privés sont assurées aux tarifs opposables. Les médecins qui travaillent au sein des CME bénévolement ne le feront plus dans ces conditions. L’autre point du projet de loi a trait aux installations régulées par les ARS auxquelles sont donnés les pleins pouvoirs. Nous travaillons en équipe : si demain, on nous refuse d’embaucher un confrère sous je ne sais quel prétexte de planification, comment pourrons-nous travailler ?

Le report de l’examen du projet de loi et les tentatives d’apaisement de Marisol Touraine ne vous font-ils pas entrevoir une négociation possible ?

J-L. B. Absolument pas. La Conférence nationale des présidents de CME a rencontré la ministre en mars dernier pour lui faire part de ses vœux. Le projet de loi tel que nous le connaissons aujourd’hui devait déjà être écrit, et depuis, rien n’a changé d’un iota. Du côté du ministère de la Santé, c’est autisme le plus complet ! Le mouvement unitaire de contestation et la mobilisation sur le terrain n’ont donc rien d’étonnant.




Nouvelle règles pour le temps partiel

Des négociations ouvertes fin 2013 ont abouti cet été à la signature d’un accord entre les syndicats médicaux et les syndicats de salariés le 1er juillet dernier,

qui permettent aux cabinets médicaux, dont plus de la moitié emploient du personnel à temps partiel, de déroger au cadre légal. 

Pour le salarié à temps partiel, la durée journalière est fixée à 3 heures minimum de travail effectif par demi-journée. © Zsolt Nyulaszi
Pour le salarié à temps partiel, la durée journalière est fixée à 3 heures minimum de travail effectif par demi-journée. © Zsolt Nyulaszi

376 – Cet accord de branche fixe la durée minimale de travail du salarié à temps partiel à 16 heures par semaine pour l’ensemble des postes de la grille et à 5 heures hebdomadaires pour le personnel de nettoyage et d’entretien. Une durée inférieure à ces minima est possible sur demande écrite et motivée du salarié, soit pour lui permettre de faire face à des contraintes personnelles, soit pour lui permettre de cumuler plusieurs emplois lui  permettant d’atteindre au temps plein.

Pour le salarié à temps partiel, la durée journalière est fixée à 3 heures minimum de travail effectif par demi-journée et ne doit pas empêcher le cumul d’emploi. En clair, le salarié ne doit pas venir travailler pour seulement 2 heures. Les horaires des salariés qui travaillent moins de 24 heures doivent être regroupés par période dans la limite de 6 périodes hebdomadaire et si ce regroupement est compatible avec l’activité économique du cabinet. Les 5 heures minimales du personnel d’entretien peuvent être réparties sur les 5 jours de la semaine. Comme précédemment, l’interruption d’activité du salarié ne peut excéder 2 heures et l’amplitude horaire de sa journée de travail ne peut dépasser les 10 heures.

Les heures complémentaires du salarié à temps partiel sont majorées de 10 % si elles se limitent à 10 % du temps de travail fixé par contrat et de 25 % si elles dépassent ces 10 % mais dans la limite d’un tiers de la durée contractuelle. Attention : le cumul des heures contractuelles et complémentaires ne doit pas permettre au salarié d’atteindre les 35 heures hebdomadaire.

Le nouvel accord de branche permet désormais d’augmenter temporairement par avenant, dans la limite de 6 par an, la durée contractuelle du salarié à temps partiel, afin de l’amener soit à avoir un temps partiel plus important, soit d’atteindre un temps complet. Si l’on veut remplacer en interne d’un salarié absent, il est possible au sein du cabinet de faire un avenant à un salarié à temps partiel qui souhaite le remplacer temporairement (les avenants ne sont pas limités dans l’année dans ce cas). Les compléments d’heures négociés dans l’avenant n’entraînent aucune augmentation de salaire. Elles seront majorées de 25 % si le salarié se trouve travailler plus de 35 heures et donc faire des heures supplémentaires ou s’il travaille plus prévu par l’avenant.




Cabinets médicaux : soyez aux normes !

C’est en 2018 que le Gouvernement a repoussé la date limite pour la mise aux normes des Etablissements Recevant du Public (ERP) précédemment fixée au 1er janvier 2015.

Les cabinets médicaux sont des ERP de 5e catégorie et un certain nombre de démarches s’impose aux médecins dont le cabinet ne respecte pas les règles d’accessibilité au 1er janvier prochain comme à ceux dont le cabinet est d’ores et déjà accessible. Le Cardiologue vous rappelle le calendrier de ces démarches. Il vous informe aussi des nouvelles mesures en vigueur concernant le personnel travaillant à temps partiel dans vos cabinets. Selon une enquête de l’URPS Rhône-Alpes, les médecins employeurs sont majoritaires mais  se disent aussi majoritairement mal informés sur la réglementation du travail.

Problems with getting to work
© Photographee.eu

376 – L’ordonnance du 25 septembre dernier parue au Journal Officiel du 27 septembre a modifié les dispositions de la loi de février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Le dispositif de base de cette réforme est l’Agenda d’Accessibilité Programmée (Ad’AP) qui correspond à une engagement de réaliser les travaux nécessaires à la mise en conformité des locaux dans un délai de trois ans, de les financer et de respecter les règles d’accessibilité.

Les locaux ne sont pas conformes

Les médecins dont le cabinet ne répond pas aux normes d’accessibilité au 1er janvier prochain doivent impérativement déposer une Ad’AP dans les douze mois suivant la parution de l’ordonnance, donc au plus tard le 27 septembre 2015. Ce dépôt se fait auprès de la mairie de la commune où se situe le cabinet, qui doit informer du dépôt d’Ad’AP la commission pour l’accessibilité de la commune d’implantation ou la commission intercommunale compétente. Selon l’ordonnance du 25 septembre, l’Ad’AP comporte « une analyse des actions nécessaires » pour que l’établissement réponde aux exigences d’accessibilité et « prévoit le programme et le calendrier des travaux ainsi que les financements correspondants ». La durée d’exécution d’un Ad’AP «  ne peut excéder trois ans à compter de son approbation ». Cette durée peut « porter sur deux périodes de deux fois trois ans maximum chacune » dans un certain nombre de cas, notamment si le patrimoine est constitué de plusieurs établissements ou en cas de contraintes techniques ou financières particulières. C’est l’autorité administrative qui l’aura validée qui pourra accorder une éventuelle prorogation du délai d’exécution de l’Ad’AP.

L’absence non justifiée de dépôt de l’Ad’Ap dans les délais prévus sera sanctionnée par une amende forfaitaire de 1 500 euros, de même que feront l’objet d’une sanction pécuniaire l’absence de tout commencement d’exécution de l’agenda, de retard important dans l’exécution des engagements de travaux ou de non-respect de ces engagements au terme de l’échéancier établi pour leur réalisation. Le Cerfa « Agenda d’Accessibilité Programmée » est disponible sur le site www.accessibilité.gouv.fr.

Selon la nature des travaux, le formulaire d’Ad’AP diffère

Les travaux ne sont pas soumis à un permis de construire ou à un permis d’aménager : le formulaire Cerfa 13824*03 est à remplir, en complétant la partie « Demande d’approbation d’un Ad’AP pour un ERP isolé sur une seule période ». Il faut cependant obtenir une autorisation de travaux .

Les travaux nécessitent un permis de construire ou d’aménager : un dossier spécifique permettant de vérifier la conformité des ERP aux règles d’accessibilité et de sécurité contre l’incendie et la panique est à remplir en complétant la partie « Demande d’approbation d’Ad’AP pour un ERP isolé sur une seule période ».

Si l’Ad’AP est approuvé ainsi que l’autorisation de travaux ou le permis de construire, les travaux peuvent être commencés. En cas de refus de l’Ad’AP, un délai sera octroyé pour en déposer un nouveau.

En fin d’Ad’Ap, il faut obligatoirement transmettre à la préfecture du département une attestation d’achèvement des travaux, dont un exemplaire est à déposer en mairie et qui sera transmis à la commission d’accessibilité de la commune ou de l’intercommunalité.

Pour tout savoir sur les normes à respecter, qui vont de la largeur des portes et de la hauteur de leur poignée au pourcentage des plans inclinés extérieurs comme intérieurs en passant par le niveau d’éclairage minimal ou une signalétique adaptée, il est conseillé de se reporter au document de 44 pages « Les locaux des professionnels de santé : réussir l’accessibilité », publié par la Délégation ministérielle à l’accessibilité et téléchargeable sur www.sante.gouv.fr ou sur le site de l’Ordre (www.conseil-national.medecin.fr), qui a participé à son élaboration.

Les locaux sont conformes

La conformité du cabinet aux règles d’accessibilité au 1er janvier 2015 ne dispense pas le médecin propriétaire de toute démarche. Il doit adresser à la préfecture concernée une attestation d’accessibilité avant le 28 février 2015, qui l’exempte de l’obligation de dépôt d’un Ad’AP. Pour les ERP de 5e catégorie, donc pour les cabinets médicaux, il s’agit d’une attestation sur l’honneur, dont copie sera adressée à la mairie de la commune d’implantation du cabinet.

Les dérogations possibles

Plusieurs motifs de dérogation sont prévus par la loi :

– En cas d’impossibilité technique lié à l’environnement ou à la structure du bâtiment.

– Si le cabinet fait partie d’un patrimoine architectural qui doit être préservé.

– S’il y a une disproportion manifeste entre la mise aux normes et ses conséquences.

– Si l’Assemblée Générale des copropriétaires d’un bâtiment à usage principal d’habitation s’oppose à la réalisation des travaux de la mise en accessibilité d’un établissement recevant du public, la dérogation est accordée de plein droit.

La dérogation se fait par le formulaire Cerfa 13824 lorsque les travaux ne sont pas soumis à un permis de construire ou par le dossier spécifique en cas d’obligation de permis de construire. La demande de dérogation doit être déposée en mairie.




Cabinets médicaux : soyez aux normes !

Le Gouvernement a repoussé à 2018 la date limite pour la mise aux normes des Etablissements Recevant du Public (ERP) précédemment fixée au 1er janvier 2015. Les cabinets médicaux sont des ERP de 5e catégorie et un certain nombre de démarches s’impose aux médecins dont le cabinet de respecte pas les règles d’accessibilité au 1er janvier prochain comme à ceux dont le cabinet est d’ores et déjà accessible. Le Cardiologue vous rappelle le calendrier de ces démarches.

375 – L’ordonnance du 25 septembre dernier parue au Journal Officiel du 27 septembre a modifié les dispositions de la loi de février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Le dispositif de base de cette réforme est l’Agenda d’Accessibilité programmée (Ad’Ap) qui correspond à un engagement de réaliser les travaux nécessaires à la mise en conformité des locaux dans un délai de trois ans, de les financer et de respecter les règles d’accessibilité.

Vos locaux ne sont pas conformes

Les médecins dont le cabinet ne répond pas aux normes d’accessibilité au 1er janvier prochains doivent impérativement déposer une Ad’AP dans les douze mois suivant la parution de l’ordonnance, donc au plus tard le 27 septembre 2015. Ce dépôt se fait auprès de la mairie de la commune où se situe le cabinet, qui doit informer du dépôt d’Ad’Ap la commission pour l’accessibilité de la commune d’implantation ou la commission intercommunale compétente. Selon l’ordonnance du 25 septembre, l’Ad’AP comporte « une analyse des actions nécessaires » pour que l’établissement réponde aux exigences d’accessibilité et « prévoit le programme et le calendrier des travaux ainsi que les financements correspondants ». La durée d’exécution d’un Ad’Ap « ne peut excéder trois ans à compter de son approbation ». Cette durée peut « porter sur deux périodes de deux fois trois ans maximum chacune » dans un certain nombre de cas, notamment si le patrimoine est constitué de plusieurs établissements ou en cas de contraintes techniques ou financières particulières. C’est l’autorité administrative qui l’aura validée qui pourra accorder une éventuelle prorogation du délai d’exécution de l’Ad’Ap.

L’absence non justifiée de dépôt de l’Ad’Ap dans les délais prévus sera sanctionnée par une amende forfaitaire de 1 500 euros, de même que feront l’objet d’une sanction pécuniaire l’absence de tout commencement d’exécution de l’agenda, de retard important dans l’exécution des engagements de travaux ou de non respect de ces engagements au terme de l’échéancier établi pour leur réalisation. Le formulaire simplifié Cerfa « Agenda d’Accessibilité Programmée » devrait être disponible sur le site www.accessibilité.gouv.fr à compter de la mi-novembre 2014.

Selon la nature des travaux, le formulaire d’Ad’AP diffère : 

Les travaux ne sont pas soumis à un permis de construire ou à un permis d’aménager : le formulaire Cerfa 13824*03 est à remplir, en complétant la partie « Demande d’approbation d’un Ad’AP pour un ERP isolé sur une seule période ». Il faut cependant obtenir une autorisation de travaux.

Les travaux nécessitent un permis de construire ou d’aménager : un dossier spécifique permettant de vérifier la conformité des ERP aux règles d’accessibilité et de sécurité contre l’incendie et la panique est à remplir en complétant la partie « Demande d’approbation d’Ad’AP pour un ERP isolé sur une seule période ».

Si l’Ad’AP est approuvé ainsi que l’autorisation de travaux ou le permis de construire, les travaux peuvent être commencés. En cas de refus de l’Ad’AP, un délai sera octroyé pour en déposer un nouveau.

En fin d’Ad’Ap, il faut obligatoirement transmettre à la préfecture du département une attestation d’achèvement des travaux, dont un exemplaire est à déposer en mairie et qui sera transmis à la commission d’accessibilité de la commune ou de l’intercommunalité.

Les locaux sont conformes

La conformité du cabinet aux règles d’accessibilité au 1er janvier 2015 ne dispense pas le médecin propriétaire de toute démarche. Il doit adresser à la préfecture concernée une attestation d’accessibilité avant le 28 février 2015, qui l’exempte de l’obligation de dépôt d’un Ad’AP. Pour les ERP de 5e catégorie, donc pour les cabinets médicaux, il s’agit d’une attestation de conformité, dont copie sera adressée à la mairie de la commune d’implantation du cabinet.

 

Les dérogations possibles

Trois motifs de dérogation sont prévus par la loi : en cas d’impossibilité technique liée à l’environnement ou à la structure du bâtiment, si le cabinet fait partie d’un patrimoine architectural qui doit être préservé et s’il y a une disproportion manifeste entre la mise aux normes et ses conséquences. La dérogation se fait par le formulaire Cerfa 13824 lorsque les travaux ne sont pas soumis à un permis de construire ou par le dossier spécifique en cas d’obligation de permis de construire. La demande de dérogation doit être déposée en mairie.




Nouvelle règles pour le temps partiel

Des négociations ouvertes fin 2013 ont abouti cet été à la signature d’un accord entre les syndicats médicaux et les syndicats de salariés le 1er juillet dernier, qui permet aux cabinets médicaux, dont plus de la moitié emploient du personnel à temps partiel, de déroger au cadre légal.

375 – Cet accord de branche fixe la durée minimale de travail du salarié à temps partiel à 16 heures par semaine pour l’ensemble des postes de la grille et à 5 heures hebdomadaires pour le personnel de nettoyage et d’entretien. Une durée inférieure à ces minima est possible sur demande écrite et motivée du salarié, soit pour lui permettre de faire face à des contraintes personnelles, soit pour lui permettre de cumuler plusieurs emplois lui  permettant d’atteindre au temps plein.

Pour le salarié à temps partiel, la durée journalière est fixée à 3 heures minimum de travail effectif par demi-journée et ne doit pas empêcher le cumul d’emploi. En clair, le salarié ne doit pas venir travailler pour seulement 2 heures. Les horaires des salariés qui travaillent moins de 24 heures doivent être regroupés par période dans la limite de 6 périodes hebdomadaire et si ce regroupement est compatible avec l’activité économique du cabinet. Les 5 heures minimales du personnel d’entretien peuvent être réparties sur les 5 jours de la semaine. Comme précédemment, l’interruption d’activité du salarié ne peut excéder 2 heures et l’amplitude horaire de sa journée de travail ne peut dépasser les 10 heures.

Les heures complémentaires du salarié à temps partiel sont majorées de 10 % si elles se limitent à 10 % du temps de travail fixé par contrat et de 25 % si elles dépassent ces 10 % mais dans la limite d’un tiers de la durée contractuelle. Attention : le cumul des heures contractuelles et complémentaires ne doit pas permettre au salarié d’atteindre les 35 heures hebdomadaires.

Le nouvel accord de branche permet désormais d’augmenter temporairement par avenant, dans la limite de 6 par an, la durée contractuelle du salarié à temps partiel, afin de l’amener soit à avoir un temps partiel plus important, soit d’atteindre un temps complet. Si l’on veut remplacer en interne d’un salarié absent, il est possible au sein du cabinet de faire un avenant à un salarié à temps partiel qui souhaite le remplacer temporairement (les avenants ne sont pas limités dans l’année dans ce cas). Les compléments d’heures négociés dans l’avenant n’entraînent aucune augmentation de salaire. Elles seront majorées de 25 % si le salarié se trouve travailler plus de 35 heures et donc faire des heures supplémentaires ou s’il travaille plus prévu par l’avenant.




Loi de santé : le projet de tous les dangers

Le projet de loi de santé devrait être bientôt présenté en Conseil des ministres par Marisol Touraine avant d’être discuté au Parlement au printemps prochain. Mais sans attendre, les médecins libéraux, mais aussi les hospitaliers, s’y opposent farouchement. Les premiers le juge liberticide pour la médecine libérale, les seconds dénoncent la toute puissance de l’administration dans la gouvernance de l’hôpital. 

374 – Tel qu’il a été transmis au Conseil d’Etat, le projet de loi de santé comporte 54 articles répartis en cinq grands titres :

Titre I Renforcer la prévention et la promotion de la santé.

Titre II Faciliter au quotidien les parcours de santé.

Titre III Innover et garantir la pérennité de notre système de santé.

Titre IV Renforcer l’efficacité des politiques publiques et la démocratie sanitaire.

Titre V Mesures de simplification et d’harmonisation.

Le premier titre, concernant la prévention et l’éducation thérapeutique, énonce une série d’intentions plus que de mesures, qui vont de l’inscription dans la loi de la promotion de la santé en milieu scolaire aux informations sur la santé nutritionnelle sur les denrées alimentaires, en passant par la lutte contre les addictions et l’expérimentation des salles de shoot. Il n’y a là rien de vraiment dérangeant, et, dans le concert de critiques autour du projet de loi, il n’est pas question de cette partie du texte. Les professionnels de santé qui attendent depuis des années les moyens financiers nécessaires à un réelle développement de l’Education Thérapeutique du Patient (ETP) savent à quoi s’en tenir sur ces (bonnes) intentions qui resteront lettres mortes sans moyens suffisants pour les mettre en œuvre. 

C’est l’important titre II du projet de loi qui retient toute l’attention des médecins libéraux et contient, selon eux, tous les dangers. Malgré une nuance sémantique, le Service Territoriale de Santé au Public (STSP) – et non plus le Service Territoriale de Santé – les inquiète grandement par le pouvoir quasi sans limite que les Agences Régionales de Santé (ARS) exerceront sur lesdits territoires. Ainsi, « le directeur de l’ARS peut subordonner l’attribution de subventions » (dépenses liées aux examens de biologie médicale, Fonds d’Intervention Régional) ou « subordonner une autorisation » de création d’un établissement ou d’un service de santé ou médico-social « à la participation du bénéficiaire à un contrat territorial de santé ». Ce qui pour les médecins libéraux revient à supprimer la liberté d’installation et à ouvrir la porte à la régionalisation de la convention médicale nationale. « Ainsi, non seulement les candidats à l’installation devront visser leur plaque là où l’ARS l’aura décidé, mais surtout, les médecins installés seront ficelés et ne pourront plus déménager pour changer de quartier et ouvrir de nouveaux locaux ou changer de ville selon leur choix personnels sans l’autorisation de l’ARS », souligne Jean-Paul Ortiz, le président de la CSMF.

Le titre II contient également la généralisation du tiers-payant, autre grand sujet de colère des médecins. le texte précise que « les conditions de la généralisation de la pratique de la dispense d’avance de frais tendant à éviter à l’assuré social de payer directement les honoraires aux professionnels de santé » devront être inscrites dans la convention médicale. Moins polémique, le titre II prévoit aussi un numéro unique pour la Permanence Des Soins. La PDSA est accessible par un numéro de téléphone pour l’Aide Médicale Urgente (AMU) et par un numéro national. Les associations de PDS locales, qui ont leur propre numéro, participent également à la régulation et « les modalités d’accès à la régulation médicale libérale propres à chaque région sont précisées par le directeur de l’ARS ».

La manifestation d’un hospitalocentrisme affirmé

C’est encore et toujours de l’ARS que dépendra la possibilité pour un établissement hospitalier privé d’assurer le service public hospitalier. « Ces établissements sont reconnus comme assurant le service public hospitalier après examen de leur demande par le directeur général de l’agence régionale de santé au regard de la situation de l’offre hospitalière dans le territoire de santé et particulièrement de celle relevant du service public hospitalier », précise le projet de loi. Pour pouvoir adhérer au service public hospitalier, les cliniques privées doivent en remplir le cahier des charge : garantir un délai de prise en charge « raisonnable », un « égal accès à des soins de qualité » et l’absence de facturation au patient de dépassements de tarifs ». Et lorsque l’adhésion au service public hospitalier est acceptée par le directeur général de l’ARS, « le contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens de l’établissement de santé concerné est révisé pour préciser les engagements nouveaux pris par l’établissement pour respecter les obligations du service public hospitalier ». Les hospitaliers privés trouvent le
ticket d’entrée un peu cher et n’y voient que la manifestation d’un hospitalocentrisme affirmé. Mais ils ne sont pas décidés à se laisser faire (voir les réactions de la FHP). Avec la pratique du testing légalisée, la coupe du titre II est pleine pour les médecins libéraux.

Le titre III leur offre deux  autres motifs d’inquiétude. Au sujet du DPC d’abord, avec l’apparition des universités qui « contribuent par leur expertise scientifique dans le domaine de la formation initiale et continue des professionnels de santé à la dimension pédagogique de la démarche ». Les médecins libéraux n’entendent pas voir le DPC sous la coupe des universitaires. Tout comme ils n’entendent voir leurs compétences déléguées à des auxiliaires médicaux dans le cadre de l’« exercice en pratique avancée » qui peut comporter « la formulation d’un diagnostic, la réalisation d’une analyse clinique, l’établissement de prescription ou l’accomplissement d’activité d’orientation ou de prévention ». Pour Eric Perchicot, le président du SNSMCV, il ne faut surtout pas « ouvrir cet boîte de Pandore (voir entretien de Eric Perchicot).

Mais ce qui alerte sans doute le plus les médecins libéraux, c’est le projet de régionalisation de la convention médicale nationale qui s’exprime on ne peut plus nettement dans l’article 40 du texte où l’on peut lire : « Le directeur général de l’ARS arrête l’adaptation régionale des contrats types nationaux, sous la forme de contrats types régionaux. » Depuis la création des ARS, c’est ce que les libéraux redoutent le plus. Roselyne Bachelot y était favorable mais n’a pu l’imposer, un rapport de la Cour des Comptes dénonçait récemment l’échec de la politique conventionnelle dans la maîtrise des dépenses. Les médecins libéraux « conventionnistes » ont en effet du souci à se faire, car à force…




Les PH appellent à la grève…

374 – Avenir Hospitalier, la Coordination Médicale Hospitalière (CMH), la Confédération des Praticiens des Hôpitaux (CPH), l’Intersyndicat National des Praticiens Hospitaliers (INPH) et le Syndicat National des Médecins, chirurgiens, spécialistes et biologistes des Hôpitaux Publics (SNAM-HP) appellent à une journée de grève pour « défendre la démocratie » au sein des établissements et « la place des praticiens dans la prise des décisions importantes ». Les intersyndicales déplorent en effet que « le directeur conserve la totalité des pouvoirs de nomination des responsables médicaux des pôles et des services » dans le projet de loi de santé. Elles revendiquent « une organisation en pôle facultative sur décision médico-administrative et non plus uniquement directoriale ». 

…que les internes n’excluent pas

L’interSyndicat National des Internes (ISNI) n’exclut pas de recourir eux aussi à la grève pour dénoncer « la perte d’indépendance pratique du médecin dans sa formation, en ville et à l’hôpital » qu’engendrerait le projet de loi santé. Estimant « la liberté d’installation menacée », l’ISNI craint aussi la restauration du service public hospitalier dont les cliniques seront exclus sauf à accepter des mesures contraignantes et l’impact que cela pourra avoir sur les 70 % des internes de chirurgie qui partent travailler dans le privé à l’issu de leur postinternat. 




Tous contre le projet de loi

374 – C’est sous cet intitulé on ne peut plus clair que le président de la Confédération des Syndicats Médicaux Français, Jean-Paul Ortiz, a tenu sa conférence de presse de rentrée. Il n’a pas eu de mots assez durs pour dénoncer « la main mise de l’Etat sur l’organisation du système de santé, le financement de la médecine libérale via les ARS et le démantèlement de la convention nationale ». 

« On assiste à un glissement sournois vers une nationalisation du système de santé », estime Jean-Paul Ortiz. Pour le président de la confédération, le Service Territorial de Santé au Public (STSP) « vise à supprimer la liberté d’installation ». « Sous la coupe des ARS, va-t-on devoir leur demander l’autorisation de visser sa plaque ? Nous serons toujours opposés à cette atteinte à la liberté d’installation, on va droit vers les conventions individuelles. »

« Tout le projet de loi va dans le sens d’une étatisation de la santé que nous refusons et nous demandons au Gouvernement de renoncer à ce projet », affirme Jean-Paul Ortiz, qui prévient : « Comme en 1996 pour le plan Juppé, comme pour la loi Bachelot, la CSMF est prêt à se mobiliser contre ce projet de loi funeste ».

« Fervent défenseur de l’exercice libéral », le Syndicat des Médecins Libéraux (SML) « regrette que la ministre de la Santé n’ait pas tenu compte de l’offre libérale de santé et persiste dans sa vision dogmatique d’une médecine étatique ». L’organisation présidée par Roger Rua « condamne fermement l’étatisation de notre système de santé que la ministre souhaite mettre en place, en instaurant un Service Public Territorial de Santé, dont les libéraux seraient soit exclus soit prisonniers des ARS ». Le SML rappelle son opposition résolue à la généralisation du tiers-payant, « mauvaise réponse à la vraie question de l’accessibilité aux soins » et « signal de déresponsabilisation ».

Si le syndicat généraliste présidé par Claude Leicher voit dans le projet de loi de santé « des avancées », il reste circonspect sur les moyens qui seront octroyés à « la révolution du premier recours ». MG France « attend donc de la discussion sur le projet de loi des engagements financiers répondant aux attentes des médecins généralistes ». 

Pour le syndicat « la préparation du PLFSS 2015 dira si la volonté de mettre en œuvre ce qui est annoncé est réelle ». Il réitère la réticence des généralistes à l’égard du tiers-payant généralisé et demande à la ministre « des garanties, notamment qu’il n’y ait pas de vérification des droits, que les paiements soient garantis et que le payeur soit unique ».

La Fédération de l’Hospitalisation Privée « maintient son opposition totale au volet du projet de loi de santé prévoyant le rétablissement du service public hospitalier, dont seront exclus de droits les cliniques et hôpitaux privés. Elle dénonce une politique publique de retour à un hospitalo-centrisme rétrograde, une volonté d’éviction de l’hospitalisation privée sur des critères arbitraires et une réforme contraire à l’intérêt des patients ».

Lors de la journée de rentrée de la fédération au début du mois, son président, Lamine Gharbi a appelé à une mobilisation générale contre le projet de loi. Aux présidents de la CSMF, du SML, du Bloc et de la FMF présents, il a dit qu’il souhaitait « une action concertée » pour « bâtir ensemble des mouvements d’ampleur ». En accord avec eux, le président de la Confédération Nationale des Présidents de CME de l’Hospitalisation Privée (CNPCMEHP), Jean-Luc Baron, a déploré que l’élaboration du texte se soit fait sans les médecins libéraux « laminés et exclus ».




Entretien Eric Perchicot : « Ce projet de loi n’est pas négociable »

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Le médecin n’est pas un professionnel de santé comme les autres, dont on peut déléguer les compétences à d’autres professionnels et c’est une duperie que de le laisser penser.

374 – Quelles sont vos critiques à l’égard du projet de loi de santé ?

Eric Perchicot. Je constate tout d’abord un grand écart entre la Stratégie Nationale de Santé (SNS) telle que Marisol Touraine l’a présentée et ce projet de loi de santé. Selon la SNS, la prise en charge du patient devait ête organisée de façon à éviter les recours inutiles à l’hospitalisation, et le problème était bien posé. Or, le projet de loi est entièrement centré sur l’hôpital. C’est le principal reproche que l’on peut formuler : le projet organise toute la prise en charge autour de l’hôpital public. En outre, il donne aux ARS les moyens d’imposer un cahier des charges inacceptable aux établissements d’hospitalisation privés pour participer au service public hospitalier qui, s’ils le refusent, seront privés de tout moyen. Il contient aussi des éléments qui laissent à penser que, à terme, les ARS pourraient faire obstacle à l’installation des médecins. On irait ainsi progressivement vers un conventionnement individuel et une contractualisation régionale par la régionalisation de la convention nationale. Or, il faut avoir à l’esprit que ce projet de loi ne sera effectif que dans quatre ou cinq ans quand il y aura pléthore de médecins. Et dans cette situation de pléthore, il se trouvera toujours des médecins pour accepter cette contractualisation avec l’ARS.

De même, le texte actuel dans son chapitre II et sous le titre « Exercice en pratique avancée » ouvre la porte à une très large délégation de tâches qui serait une catastrophe. Le médecin n’est pas un professionnel de santé comme les autres, dont on peut déléguer les compétences à d’autres professionnels et c’est une duperie que de le laisser penser. Les infirmières cliniciennes, cela fonctionne bien dans les pays anglo-saxons, où leur pratique est d’ailleurs très encadrée, mais nous ne sommes pas un pays anglo-saxon. Mettre le doigt dans cet engrenage, c’est ouvrir la boîte de Pandore.

Vous ne retenez donc rien de ce projet de loi ?

E. P. : En l’état, ce projet n’est pas à négocier mais à rejeter totalement. Outre les dangers dont j’ai déjà parlé, il introduit également le tiers-payant généralisé auquel les médecins sont opposés et dont tout le monde s’accorde à penser qu’il est inapplicable, il officialise la pratique inacceptable du testing, il détricote le DPC en confiant la responsabilité de la pédagogie aux universitaires. Bref, il est une attaque frontale de la médecine ambulatoire. Il devrait être présenté dans quelques semaines en Conseil des ministres et débattu à l’Assemblée Nationale au printemps. Mais il est inutile d’attendre pour dénoncer un projet en complète contradiction avec la Stratégie Nationale de Santé et liberticide pour la médecine libérale.