Les médecins « notés » sur internet ? Pas en France !

Business CardAux Etats-Unis, les médecins ont dû s’accoutumer (ou pas !) à faire l’objet d’évaluation et de commentaires de la part des patients sur des sites dédiés. Le site rateMDs.com comptabilise plus de 2 millions de commentaires depuis sa création en 2004. En France, si ça et là, quelques médecins voit arriver un nouveau patient qui déclare l’avoir choisi au vu de commentaires favorables à son sujet sur Internet, on est très loin de l’Amérique ! Les deux premiers sites de notation des médecins (note2bib.com et demedica.com) ont été contraints de fermer sitôt ouverts pour causes de non-feu vert de la CNIL, atteinte à la vie privée et diffamation. Parmi les rares officiant sur la toile, notetondoc.com, enregistre péniblement 4 000 avis collectés depuis sa création en 2012, très, très loin des 2 millions de son confrère étasunien. 

Pourquoi cet insuccès ? D’abord et contrairement à ce que pensent souvent les médecins français, ils jouissent encore d’une certaine aura qui les met à l’abri d’être notés au même titre qu’un hôtel ou une agence de voyages. Ensuite, la loi Informatique et Libertés autorise un médecin mal noté d’exiger la suppression des mauvaises appréciations. Enfin, selon le Baromètre du CISS, ce n’est pas à internet que les Français font confiance pour choisir un médecin mais à… un médecin !




Entretien Me Frédérique Claudot  – « Avec un dossier médical bien tenu, on a rarement de problème »

Claudot Frederique 300pxAvocat, Me Frédérique Claudot est maître de conférence des universités-praticien hospitalier à l’université de Lorraine-CHU de Nancy, avocat et membre du groupe Ethique et responsabilité professionnelle de la SFC. Pour Le Cardiologue, elle explique ce qu’il faut entendre par une information « loyale, claire et appropriée » et insiste sur l’importance de la traçabilité de cette information dans le dossier médical du patient.

 

Les actions intentées par des patients à l’encontre de médecins pour manquement à l’obligation d’information quant aux risques encourus lors d’un traitement ou d’une intervention sont-elles nombreuses ?

Frédérique Claudot : La jurisprudence sur le défaut d’information est relativement importante, cependant, elle concerne peu le domaine de la cardiologie. Je rappelle que depuis un arrêt de la Cour de Cassation de 1997, c’est au médecin de prouver qu’il a bien informé son patient. Ce principe jurisprudentiel a été consacré par le Code de la Santé Publique en (art. L. 1111-2).

Comment un médecin peut-il apporter cette preuve ?

F. C. : L’information donnée au patient peut être prouvée par tout moyen, mais le dossier médical constitue l’élément essentiel. La traçabilité est donc de toute première importance. Il ne s’agit pas d’écrire l’intégralité des informations qui ont été données, mais les éléments principaux et les points qui ont éventuellement nécessité des éclaircissements supplémentaires. Avec un dossier médical bien tenu, on a rarement de problème.

Quels conseils donneriez-vous aux médecins pour être certains d’être en conformité avec la loi sur ce point ?

F. C. : Je conseillerais aux médecins de lire attentivement les articles du Code de santé publique et du Code de Déontologie médicale qui portent sur cette obligation d’information et d’en bien comprendre les termes : l’information délivrée doit être « loyale, claire et appropriée ». Ensuite, il s’agit de bien cerner sur quoi doit porter l’information. Je leur conseillerais également de s’adapter au patient et de ne pas penser à sa place pour minimiser l’information sur les risques : certains patients veulent connaître tous les risques. Une fois l’information délivrée, j’insiste vraiment sur la nécessité de prendre le temps de la tracer dans le dossier médical.

Comment interpréter les termes « loyale, claire et appropriée » ?

F. C. : « Loyale », signifie sincère et conforme à la loi, ce qui suppose de connaître la loi. « Claire » signifie que l’information doit être aisément comprise, limpide – au sens propre « claire » signifie « qui émet de la lumière » – et que le médecin doit s’assurer que l’information délivrée à bien été comprise par le patient. Enfin « appropriée » signifie appropriée au patient et aux circonstances : on n’annonce pas de la même façon à un patient de 20 ans qu’il ne pourra pas devenir joueur de foot professionnel et qu’il va devoir réorienter sa carrière qu’à un patient de 65 ans qu’il va falloir espacer les compétitions de tennis le week-end. On n’informe pas de la même façon un patient de 15 ans, de 40 ans et de 75 ans – et tous les patients de 75 ans ne réagiront pas à l’identique –, un patient en consultation ou hospitalisé, dans sa chambre ou au bloc, francophone ou qui ne maîtrise pas bien le français, un patient atteint d’une maladie chronique éduqué et un patient en épisode aigu. Toutes ces circonstances influent sur la réceptivité du patient, sur la sidération, de même que la gravité du diagnostic et du pronostic.

L’information doit permettre au patient de prendre une décision concernant une intervention sur son corps, mais en réalité, sa décision concerne aussi sa santé, sa personne, sa future vie de tous les jours…

Les références : art. L. 1111-2 et art. R. 4127-35 du code de la santé publique




Entretien Cédric Gaultier – « La prescription des nouveaux anticoagulants requiert toute l’attention des cardiologues »

Gaultier_Cedric 300pxCardiologue conseil au Sou Médical, groupe MACSF, et cardiologue interventionnel à La clinique de la Roseraie, groupe villa Maria, le Dr Cédric Gaultier insiste sur le fait que l’information faite auprès du patient par le cardiologie clinicien ne dédouane pas le cardiologue technicien de son obligation d’information.

 

En cas de problème, le praticien doit prouver qu’il a bien informé son patient sur les risques d’un traitement ou d’une intervention. Cette obligation revêt-elle un caractère particulier dans le domaine de la cardiologie ?

Cédric Gaultier : L’information doit tout d’abord se faire oralement. Pour les actes techniques – épreuve d’effort, coronarographie, échographie transoesophagienne, etc. – des documents élaborés par la SFC sont à la disposition des cardiologues. Ils doivent être explicités puis idéalement signés par le patient. Je les invite vraiment à avoir cette démarche. Sauf en cas d’urgence, le document doit être recueilli signé après un délai de réflexion laissé au patient. Je recommande aux médecins de l’agrafer dans le dossier médical et à indiquer dans tout courrier adressé au médecin traitant ou au correspondant spécialiste technique que le patient a été informé et qu’il a pris connaissance de ce document.

Concernant l’information, j’insiste sur le fait qu’il est aussi important d’expliquer les risques qu’il y a à ne pas faire un acte diagnostic ou thérapeutique, c’est un élément capital dans le consentement du patient.

Le médecin qui prescrit l’acte n’est pas toujours celui qui le réalise. Lequel doit informer le patient ?

C. G. : Le spécialiste clinicien connaît l’acte et peut donc informer son patient globalement. Ensuite, il revient au spécialiste technicien de s’assurer que cette information a bien été délivrée par le cardiologue traitant et de la compléter sur les modalités plus techniques : l’information faite préalablement par le cardiologue traitant ne le dédouane pas de son devoir d’informer le patient. Enfin, il arrive que le patient refuse d’être informé et c’est un problème délicat car ce refus ne dédouane pas non plus le praticien de son obligation d’information. Dans un tel cas, il a intérêt à se tourner vers une personne de l’entourage désigné par le patient (personne de confiance).

Les déclarations concernant les cardiologues sont-elles importantes et quels en sont les motifs ? 

C. G. : Nous assurons 3 585 cardiologues, libéraux dans une très grande majorité. En 2012, nous avons enregistré 86 déclarations de sinistre, ce qui représente une sinistralité de 3,3 %, stable puisqu’elle était de 3,5 % l’année précédente. Nous n’assistons pas à une explosion de plaintes concernant les cardiologues. Sur les 86 déclarations enregistrées en 2012, 16 ont donné lieu à des procédures civiles, 4 à des plaintes ordinales et 34 n’étaient que des réclamations qui ont été traitées soit par l’intermédiaire d’un avocat, soit par simple courrier. Enfin, il y a eu 32 saisines des Commissions de Conciliation et d’Indemnisation (CCI).

Concernant les motifs de déclaration, il est bon d’attirer l’attention des cardiologues sur celles mettant en cause les nouveaux anticoagulants (AntiCoagulants Oraux Directs ou AOD). Ils ont été à l’origine d’un seul recours en 2012, mais de trois l’année dernière. Les médecins ont tendance à oublier ou minimiser les risques du traitement. Le praticien doit vraiment être vigilant quant aux interactions avec d’autres médicaments (antiagrégants, anti-inflammatoires), contre-indiquer leur prise avec la pratique de sports violents et surveiller la fonction rénale du patient. Certains patients, en particulier les personnes âgées, ne comprennent pas toujours très bien les explications qui leur sont données, d’où l’intérêt des cartes conçues par les laboratoires et sur lesquelles figurent des renseignements précieux en cas d’incident (le produit prescrit, la posologie, etc.). Il est impératif de suivre les recommandations édictées par les sociétés savantes mais d’être également attentif à celles de la HAS et de l’Assurance Maladie qui ont tendance recommander aux médecins de ne pas prescrire d’AOD chez les patients équilibrés sous antivitaminiques. L’alternative existant, un praticien peut être amené à justifier sa prescription d’AOD s’il fait l’objet d’une plainte, car si elle n’est pas strictement conforme aux recommandations, il pourra se voir reprocher d’avoir privilégié ces nouveaux anticoagulants.




Patients bien informés… médecins bien protégés

© Dalaprod
© Dalaprod

Vos patients connaissent de plus en plus leurs droits. Ils sont en particulier de plus en plus nombreux à savoir qu’une information concernant les traitements et leurs risques doivent leur être délivrée par le médecin. Mais ils estiment aussi que ce droit n’est pas aussi bien respecté qu’il le devrait. Une bonne raison pour examiner de près, avec des experts, ce droit des patients qui est un devoir des médecins.

 Le Collectif Interassociatif Sur la Santé, le CISS, sonde régulièrement la population sur son niveau d’information quant à la connaissance des ses droit en matière de santé. Le dernier Baromètre 2014 LH2-CISS fait état de 92 % des Français se déclarant bien informés sur leur état de santé et les traitements qui y sont liés. Un résultat en hausse de 7 points par rapport à l’année dernière. On trouve également une amélioration des scores en ce qui concerne l’information sur le parcours de soins et le système de santé (85 %, + 7 points, sur la qualité des soins en établissement (83 %, + 7 points) et surtout sur le coût des soins (79 %, + 10 points), ainsi que sur les recours et démarches à effectuer en cas de problème grave lié aux soins (70 %, + 15 points). 

Pourtant, la méconnaissance des Français perdure en ce qui concerne les différentes commissions de recours : environ 35 % seulement des personnes interrogées ont entendu parler des Commissions Régionales de Conciliation et d’Indemnisation (CRCI) et 15 % connaissent les Commissions des Relations avec les Usagers et de la Qualité de la Prise en Charge (CRUQPC). Une immense majorité des Français savent qu’ils ont le droit d’être informés sur les soins reçus (90 %), mais le respect de ce droit ne fait pas un si bon score : 73 % estiment qu’il est bien appliqué.

Une information qui doit être « loyale, claire et appropriée »

Ces derniers résultats ne doivent pas inquiéter les cardiologues quant à judiciarisation accrue de leur profession. Ainsi que le dit le Dr Cédric Gaultier, cardiologue conseil au Sou Médical, groupe MACSF, le nombre des déclarations les mettant en cause est faible et stable (voir entretien de Cédric Gaultier). En revanche, cette meilleure connaissance qu’ont leurs patients des recours possibles doit les inciter à être encore plus vigilants quant à leur obligation envers eux, en particulier celle concernant l’information sur les traitements, investigations et interventions nécessités par la pathologie et les risques qu’ils comportent.

Une information qui doit être « loyale, claire et appropriée », selon les termes du Code de la santé publique, que Me Frédérique Claudot explicite dans l’entretien qu’elle nous a accordé. Comme le Dr Cédric Gaultier, Me Claudot insiste sur l’importance de la traçabilité de cette information dans le dossier médical du patient.

La confiance des Français

Le Baromètre du CISS montre que les Français garde une confiance immense dans les professionnels de santé. Ce sont eux qu’ils plébiscitent pour le choix d’un professionnel ou d’un établissement de santé (86 %, + 6 points), surtout leur médecin traitant (79 %, + 8 points), beaucoup moins un médecin spécialiste, qui ne remporte que 5 % des suffrages, et encore moins internet (3 %), qui est cependant de plus en plus reconnu comme une source d’information en santé. 57 % des personnes interrogées déclarent qu’internet « permet d’être mieux informé pour dialoguer avec le médecin » et 53 % qu’il apporte « un soutien psychologique » grâce aux témoignages et échanges avec d’autres patients.




DPC – Les réactions sur le rapport de l’IGAS

CSMF : « A DPC obligatoire, financement obligatoire »

La Confédération des Syndicats Médicaux Français se dit satisfaite d’un rapport qui confirme ce qu’elle « a dénoncé à de nombreuses reprises » : le « hold-up » des fonds de l’Assurance Maladie à la formation conventionnelle des médecins et « la rétention d’une partie du produit de la taxe sur l’industrie pharmaceutique, qui était pourtant intégralement dévolue à la formation des médecins » ; « l’insuffisance notoire de financement »  du DPC ; la mainmise de l’Etat sur le DPC ; et la « complexité du dispositif réglementaire issu de la loi Bachelot ». Ce constat fait, la CSMF « exige des améliorations immédiates du dispositif » et avance quatre revendications. Tout d’abord, elle réclame la restitution aux médecins de l’intégralité de la taxe sur l’industrie pharmaceutique et de leurs dotations conventionnelles. « Dès lors que le DPC est obligatoire, le financement du DPC est obligatoire ». Elle demande ensuite que les règles du jeu ne soient pas changées sans concertation et, en particulier, que « le montant actuel des forfaits permettant une formation de qualité » ne soit pas « une variable d’ajustement du sous-financement du dispositif ». La CSMF revendique « davantage de pouvoir aux professionnels de santé et à leurs organisations syndicales » dans la gouvernance du DPC et souhaite que l’accès du DPC soit « allégé » et que le dispositif d’inscription soit « considérablement simplifié ». « Sur ces bases, la CSMF appelle le Gouvernement, à réagir vite et dans le bon sens, sans brader la qualité et l’innovation des méthodes du DPC qui suscite un véritable intérêt chez les médecins libéraux ». 

SML : « Non à l’obligation de DPC sur trois ans »

Le Syndicat des Médecins Libéraux lui aussi « constate avec satisfaction » que de nombreuses remarques qu’il avait faites lors de la création du DPC sont reprises dans le rapport IGAS. Pour autant, « aucune des solutions proposées » ne satisfait le SML car elles ne prennent pas en compte « la résolution de l’ensemble des obstacles constatés depuis 2013 ». Le syndicat n’en privilégie donc aucune à ce jour « sans connaître préalablement les différentes modalités qui seront proposées ». Parmi les recommandations de l’IGAS, certaines ne vont d’ailleurs pas dans le bon sens pour le SML, notamment « l’obligation de DPC sur une période de trois ans, véritable signal fort de démobilisation pour les confrères » ou la réintégration de la formation des formateurs dans le montant du forfait de chaque médecin, « ce qui va à l’encontre de la capacité des organismes de DPC d’avoir des intervenants de qualité et bien formés ». Le SML réclame que le rapport de l’IGAS soit « suivi d’effets dans les meilleurs délais, après concertation sur les points de blocage persistants, afin de mettre un terme à l’instabilité de ce dispositif et d’en améliorer la lisibilité auprès des médecins libéraux ». 

Le SML insiste sur « le financement du dispositif totalement insuffisant » et « la simplification urgente des procédures » à mener pour ne pénaliser ni les médecins participant au DPC, ni les organismes de DPC.




DPC – Entretien Eric Perchicot

« Il faut régler le problème du financement des syndicats »

Pr Goëau-BrissonnièreLe président du SNSMCV estime que le problème du financement des syndicats pollue tout débat sur la formation professionnelle des médecins. 

Quelles réflexions vous inspire le rapport de l’IGAS ?

Eric Perchicot : C’est un rapport honnête et exhaustif, qui pointe des évidences pas inutiles à rappeler. Parmi celles-ci, le fait que le DPC obligatoire est prévu pour 200 000 médecins, mais que son budget ne permet qu’à 30 000 médecins tout au plus de satisfaire cette obligation.

A la suite de l’affaire Mediator, l’Etat a interdit à l’industrie pharmaceutique de financer des formations, mais il n’est pas allé au bout de cette logique en finançant le DPC ! De même, le rapport de l’IGAS revient sur le problème du financement des syndicats médicaux par la formation. C’est bien, mais décevant concernant la solution. Peut-être faudrait-il se pencher sérieusement sur le financement des syndicats. On sait bien qu’en l’absence de financement public, les syndicats se débrouillent pour le trouver ailleurs. Mieux vaudrait un financement clair que les manœuvres actuelles auxquelles doivent se livrer les syndicats pour leur financement.

Que pensez-vous de la proposition de rendre l’obligation de DPC trisannuelle ?

E. P. : Cela renvoie encore à l’insuffisance du budget du DPC : ou bien on étale l’obligation sur trois ans, ou on diminue les forfaits de façon à augmenter le nombre de médecins qui pourront se former, avec la même enveloppe.

 




DPC – Entretien Olivier Goëau-Brissonière

« Ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain »

Pr Goëau-BrissonnièrePour le président de la Fédération des Spécialités Médicales (FSM), si des adaptations s’imposent, une remise en cause radicale du DPC risquerait de démobiliser les professionnels de santé de plus en plus nombreux à adhérer au dispositif.

Le rapport de l’IGAS est assez sévère à l’égard du dispositif de DPC. Qu’en pensez-vous ?

Olivier Goëau-Brissonière : Je dirais qu’il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain. Le DPC est en train de se mettre en place avec une appropriation progressive par les professionnels, tant libéraux qu’hospitaliers. Ce rapport résulte d’auditions de diverses personnes, de diverses professions ayant forcément des intérêts divergents. En ce qui concerne les médecins, je soutiens que nous sommes en train de mettre en place quelque chose de satisfaisant, que nous allons faire évoluer. La CSI des médecins travaille, ayant à traiter un nombre de dossiers très important. Le rapport égratigne également des manquements dans les déclarations d’intérêt. Je tiens à préciser que tous les spécialistes ont effectué cette déclaration et qu’aucun d’entre eux n’est en situation de conflit d’intérêt. C’est un bon rapport, mais dont les conclusions sont sévères et tranchées, et politiquement peu « vendables ». Beaucoup de professionnels sont entrés dans le dispositif du DPC ; nous allons développer de nouveaux modes de formation, l’e-learning, les registres, etc. On ne peut pas réduire le DPC à la santé publique, comme le suggère l’un des scénarios proposés par l’IGAS.

Justement, parmi les quatre scénarios de réforme pour le DPC avancés par l’IGAS, laquelle a votre préférence ?

O. G-B. : La quatrième, qui consiste à supprimer l’OGDPC et l’obligation de DPC pour revenir à une obligation déontologique fait l’unanimité des professionnels contre elle. La première est la plus acceptable. Je pense en effet que l’on va s’orienter vers des ajustements nécessaires pour avoir un dispositif univoque pour les libéraux et les hospitaliers. Il faut un même système pour tous les médecins et réfléchir sur les aspects financiers. Actuellement, le système de forfait favorise l’effet d’aubaine, avec des prix qui peuvent être gonflés. Je pense qu’il faut aller vers des programmes qui ne soient plus financés par des forfaits mais à coûts réels avec des plafonds. La FSM milite pour cela.




DPC – Entretien Francis Dujarric 

« Un contrôle des programmes a posteriori s’impose »

Le président de la section des représentants de CNP de spécialité proposés par la FSM au sein de la CSI des médecins estime que l’Ordre doit organiser les sanctions pour manquement à l’obligation de DPC

Que vous inspire le rapport de l’IGAS sur le DPC ?

Francis Dujarric : Ce rapport ne devait concerner au départ que l’OGDPC et son fonctionnement. Je constate qu’il absout l’OGDPC, qui n’est en rien responsable du retard pris dans le déploiement du DPC et pointe davantage la responsabilité ministérielle en la matière. Quant au fonctionnement du dispositif de DPC, il semble évident qu’il ne soit pas encore parfait. Il faut bien voir que nous sommes passés d’une sorte d’entre soi de quelques formations agréées à un système qui doit permettre à tous les professionnels de santé de trouver une offre de programme satisfaisant son obligation annuelle. On ne peut pas appliquer les mêmes règles de surveillance pour quelques dizaines d’organismes à plusieurs milliers.

Le rapport égratigne la qualité de l’évaluation préalable des organismes par les CSI et pointe l’absence de contrôle a posteriori. Ces critiques vous semblent-elles justifiées ?

F. D. : Le contrôle a posteriori n’est toujours pas mis en place, effectivement, et nous sommes les premiers à le déplorer. C’est une nécessité évidente (voir Le Cardiologue 367). Quant à la qualité des évaluations initiales, elle doit certes être améliorée et nous nous y employons. A ce jour, nous avons refusé environ la moitié des dossiers que nous avons examinés. Certes, un dossier peut être rejeté pour des arguments administratifs, ce qui ne constitue certes pas un critère qualitatif. Mais je rappelle que cette évaluation dépend d’une grille qui nous a été fournie par le ministère. D’autres aspects doivent être améliorés. Ainsi, il n’y a aucune sanction pour le non-respect de l’obligation de DPC. On aimerait voir l’Ordre se mettre en ordre de marche pour mettre en place des sanctions. Une autre critique de l’IGAS porte sur l’absence de contenu de certaines formations, mais les textes instaurant le dispositif de DPC ne disent rien du contenu quantitatif des programmes. A la CSI, nous voyons effectivement passer des programmes très différents les uns des autres de ce point de vue et il ne faudrait pas aboutir à des différences trop flagrantes. S’il est impératif de garder une diversité des programmes, sans doute conviendrait-il déterminer un contenu quantitatif minimal pour l’ensemble des programmes.

 




DPC : Le sévère état des lieux de l’IGAS

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© Diego Cervo

«Au terme de ses investigations, la mission conclut à l’existence de nombreux dysfonctionnements dans la mise en œuvre du Développement Professionnel Continu. Ces ratés ne révèlent cependant pas de manquements graves, a fortiori de fautes, de la part de l’OGDPC. La conception même de la réforme est en cause ainsi que la conduite de son application. »

Selon les auteurs (1) du rapport, l’analyse de la réforme fait apparaître « plusieurs vices de conception. Ainsi, « l’obligation de formation n’a pas de contenu précis : ni le volume d’heures, ni le contenu de la formation ne font l’objet de prescription ». L’absence d’organisation de la sanction du manquement à l’obligation constitue un autre « vice ». Enfin, « les aléas budgétaires qui affectent la construction des budgets de l’OGDPC ne donnent aucune assurance qu’il sera possible de financer le coût d’un DPC généralisé à tous les effectifs de l’ensemble des professions ».

Viennent ensuite, « quelques mauvais réglages » constatés par l’IGAS. Parmi ceux-ci, la procédure d’évaluation des organismes de DPC par les Commissions Scientifiques Indépendantes (CSI) qui « n’apporte pas toute garantie de qualité » et l’absence de contrôles a posteriori des organismes.

« La conduite de projet a été défectueuse. Dans un cadre juridique contraint par des textes qui empiètent sur la marge de gestion nécessaire, les remises en cause de règles édictées après “arbitrage” politique, les délais trop serrés, le choix technique hasardeux d’un recours exclusif à l’informatique, ont mis sous une pression exclusive l’OGDPC », tranche sévèrement le rapport, qui exonère donc l’organisme gestionnaire, dont « la responsabilité apparaît limitée », pour mieux dénoncer un pilotage confus dû à l’omniprésence de l’Etat. Enfin, l’IGAS constate qu’« une carapace de scepticisme entoure cette réforme dont beaucoup considèrent qu’elle échouera ». Aussi la mission recommande-t-elle impérativement un « travail de concertation approfondie » en préalable à toute modification du dispositif. « La concertation doit s’étendre à l’élaboration des textes afin que la réforme s’élabore sans ambiguïté et recueille la meilleure adhésion des acteurs », préconise-t-elle.

Mais quelle réforme apporter au dispositif de DPC ? L’IGAS propose quatre scénarios possibles. Le premier consiste « à maintenir le système actuel en en corrigeant les dysfonctionnements ». Il faudrait notamment consolider le financement du DPC, assortir l’obligation d’un « jeu de sanctions réelles » en cas de manquement. La mission propose également « d’alléger la gouvernance et de garantir une concurrence loyale entre organismes de formation ». Dans le second scénario, les missions de l’OGDPC seraient recentrées sur la formation interprofessionnelle et les priorités de santé publique et tout ce qui a trait aux formations de DPC propre à chaque profession ou secteur d’activité relèverait des organismes gestionnaires spécifiques (ANFH, OPCA et FAF). Dans le troisième scénario proposé par l’IGAS, le DPC serait circoncis « à un socle de connaissance à actualiser que détermine le professionnel après évaluation de sa pratique », socle qui serait à acquérir auprès d’organismes ayant été évalués. Quant au quatrième scénario, il est radical, puisqu’il « consiste en l’application de droit commun de la formation continue : de légale, l’obligation redevient déontologique, l’OGDPC est supprimé et les fonds publics sont convertis en incitations, notamment dans le cadre des conventions avec l’Assurance Maladie ». Des incitations qui pourraient prendre la forme de points supplémentaires dans le cadre de la ROSP ou d’une majoration du C pour les médecins justifiant de leur engagement dans le DPC.

Il revient à présent à Marisol Touraine de trancher entre les quatre scénarios. Mais si elle dispose du rapport de l’IGAS pour éclairer sa décision, elle connaît aussi le souhait de la majorité des professionnels qui, après quinze ans d’errance de leur formation continue de réforme en réforme, vivraient très mal une nouvelle remise en cause radicale. Les syndicats médicaux ont réagi dès la sortie du rapport : ils demandent que soient apportées rapidement des modifications au dispositif de DPC allant dans le sens de sa simplification et d’une augmentation de son financement. Sur ce dernier point, toute la concertation du monde n’aboutira sans doute pas à leur complète satisfaction…

(1) Bertrand Deumie, Philippe Georges, membres de l’IGAS ; Jean-Philippe Natali, interne de santé publique, stagiaire à l’IGAS.

 




L’An II du parcours de soins

371 – Après la mise en place en 2004 du dispositif du médecin traitant qui a instauré un certain type parcours de soins, la Stratégie Nationale de Santé (SNS) portée par le Gouvernement fait de la médecine de proximité une priorité afin d’éviter les complications et les hospitalisations inutiles. Pour ce faire, la SNS met en avant les parcours de soins, dont la définition reste assez floue, tout comme la place que les spécialistes y occuperont.

American doctor talking to senior couple in surgeryParcours de soins : depuis qu’en septembre dernier la ministre de la Santé, Marisol Touraine, a dévoilé la Stratégie Nationale de Santé (SNS) qui a vocation à inspirer largement la future loi réformant notre système de santé, ce vocable est omniprésent. Mais que recouvre-t-il exactement ? Jusque là, on connaissait le parcours de soins coordonné, tel qu’il a été instauré par la la loi du 13 août 2004 relative à l’Assurance Maladie. Il consiste à confier à un médecin traitant les différentes interventions des professionnels de santé pour un même assuré, dans un objectif de rationalisation des soins. Son respect conditionne la prise en charge normale des dépenses de santé. A défaut, les patients s’exposent à des majorations financières. A défaut d’avoir apporté la coordination optimale au système de santé, on sait le succès de ce parcours, puisqu’aujourd’hui, la quasi-totalité des assurés ont choisi de déclarer un médecin traitant – leur médecin généraliste dans 99 % des cas.

Alors, à quoi pense la ministre de la Santé quand elle parle de parcours de soins ? « L’essentiel est de mieux prendre en charge en ville pour éviter les complications et hospitalisations inutiles. L’organisation des soins doit être simplifiée, décloisonnée, recentrée autour du médecin traitant, articulant les interventions des professionnels, services et établissements d’un territoire autour de parcours dans lesquels la personne est un acteur de sa santé et de sa prise en charge intégrant les logiques d’éducation thérapeutique, de dépistage, de promotion de la santé, de modification des modes de vie. La Stratégie Nationale de Santé doit porter et accompagner ces profonds changements au travers d’un projet global encourageant le parcours de la personne (patient, personnes âgée, personne handicapée), la coopération entre professionnels, la al coordination ville-hôpital et la démocratie sanitaire dans le cadre des territoires. » Voilà ce que dit la SNS. C’est beaucoup, c’est ambitieux et dans ces principes, on ne peut qu’y souscrire. Mais c’est aussi très flou quant à la définition exacte de ce que seront ces parcours de soins, ainsi que l’observe l’économiste de la santé, Claude Le Pen (voir entretien de Claude Le Pen).

Le médecin généraliste, le pivot central

La seule chose qui soit très claire, c’est que dans cette organisation le médecin traitant, autrement dit le médecin généraliste, est le pivot central. Ce qui n’a pas échappé aux spécialistes libéraux, en particulier aux cardiologues de ville, qui s’en inquiètent. Dans ces parcours de soins, quelle place occuperont-ils ? Avant que de futurs textes ne fixent les choses, ils affirment qu’ils entendent occuper rien que leur place, mais toute leur place, comme l’explique le nouveau président des spécialistes confédérés, Patrick Gasser, et le secrétaire général du SNSMCV, Frédéric Fossati. C’est d’autant plus important que viennent de s’ouvrir les négociations sur les coopérations interprofessionnelles et la rémunération du travail en équipe, que Marisol Touraine souhaite voir aboutir à la fin juillet. « Lors de la première réunion, à laquelle tous les syndicats ont participé, il a été décidé de s’occuper d’abord du fond au cours de trois réunions qui s’étaleront jusqu’à la fin mai, avant de s’occuper de la forme entre la fin juin et le 15 juillet », explique Jean-François Rey, le président de l’Union Nationale des Professions de Santé (UNPS). Selon lui, « la rémunération de ce nouvel acte, qui est plutôt une succession de missions – outil informatique, prise en charge de pathologies lourdes, chroniques ou de polypathologies et coordination médicale et médico-sociale, prévention ETP – devra avoir le même niveau quel que soit le professionnel de santé concerné ». A priori, nul n’est exclu…

Catherine Sanfourche




Claude Le Pen : « Une réponse floue à un vrai problème »

371 – Pour l’économiste de la santé, avant de parler d’efficience du parcours de soins, il faudrait déjà donner une définition précise de ce que recouvre ce terme.

lepenLa Stratégie Nationale de Santé met en avant les parcours de soins. Que pensez-vous de ce mode d’organisation ?

Claude Le Pen : C’est une manière mal définie d’aborder le vrai problème du manque de coordination de notre système de santé, un mot magique sensé régler tous les problèmes. J’avoue être assez sceptique. Car enfin, qu’entend-on exactement par « parcours de soins » ? S’agit-il d’une filière de soins avec le médecin traitant en « gate keeper » à la façon anglaise ? Faut-il l’entendre comme un continuum ville/hôpital ou un protocole au sens que lui donne la HAS ? Ou encore, s’agit-il d’une logistique de communication organisée par le médecin traitant avec un dossier médical partagé ? A l’heure actuelle, on ne sait pas ce que le ministère entend exactement par « parcours de soins ». Ce qui est sûr, c’est qu’on ne part pas de rien et que sur le terrain, des professionnels de santé ont l’habitude de travailler ensemble. Il s’agirait donc de passer de relations informelles à une organisation structurée avec l’arrière-pensée d’un gain à tirer d’une formalisation du parcours de soins.

Vous ne semblez pas convaincu. Pour l’économiste de la santé que vous êtes, le parcours de soins ne peut-il pas être, en effet, source d’efficience pour notre système de santé ?

C. L P. : Je n’en suis pas convaincu et d’ailleurs, rien ne permet de l’affirmer. Sur le plan financier d’abord, formaliser le parcours de soins signifie passer d’un travail de coordination effectué actuellement gratuitement par les professionnels de santé à un financement de ce travail et donc dépenser plus. Nous n’avons aucune preuve manifeste qu’on ferait des économies avec les parcours de soins. Ensuite, sur le plan de la qualité, on suppose qu’elle serait supérieure dans un parcours coordonné. Mais si gain qualitatif il y a, il reste à démontrer où se trouve le déficit qualitatif dans l’organisation informelle actuelle. Quelles preuves indiscutables a-t-on que les patients chroniques sont mal traités aujourd’hui ? Aucune.

Il existe déjà pourtant des expérimentations qui peuvent apporter des enseignements ?

C. L P. : Il s’agit d’expériences issues du terrain, plus ou moins reproductibles plutôt que de solutions pérennes, modélisables, reproductibles. Quant aux expériences passées, elles n’ont pas été réellement évaluées. Cette absence d’évaluation des expériences passées, leur aspect très local et l’absence de définition précise de ce qu’on entend vraiment par parcours de soins me laissent extrêmement dubitatif. Et je crains qu’on ne reproduise avec les parcours de soins ce qui s’est passé dans les années 90 avec les réseaux de soins : faute d’une réelle évaluation, on n’en a tiré aucune leçon, on n’a pu ni les généraliser ni les stopper et on les laisse mourir. Notre système de soins manque peut-être de coordination, mais la politique de santé aussi !

Catherine Sanfourche




Frédéric Fossati (SNSMCV) : « La médecine de proximité n’est pas l’apanage des généralistes »

371 – Quel est votre sentiment au regard des parcours de soins, point fort de la Stratégie Nationale de Santé ?

fossatiFrédéric Fossati : A l’heure on l’on parle beaucoup de simplification administrative, j’avoue de pas voir très bien l’utilité d’encadrer et de réglementer des réseaux informels qui existent de fait sur le terrain. Après tout, la réforme du médecin traitant a déjà formalisé un parcours de soins que les patients respectent dans leur immense majorité. Dans notre région, nous, cardiologues libéraux, recevons très, très peu de patients venant nous consulter en accès direct.

Vous êtes donc plutôt inquiet quant à la future loi de santé publique qui sera inspirée de la SNS ?

F. F. : Il est clair que la Stratégie Nationale de Santé est en faveur d’un super médecin généraliste référent et donne l’impression que les spécialistes sont oubliés. Pourtant, la médecine de proximité n’est pas l’apanage des médecins généralistes. Il faut affirmer la place du médecin spécialiste de proximité qui a tout son rôle à jouer quand le généraliste n’a plus la possibilité d’assurer seul le suivi optimal de son patient. La balle est bien sûr dans le camp du ministère, mais il ne faut pas que le spécialiste de proximité soit écarté. Le SNSMCV doit mener ce combat, et l’on peut compter sur Eric Perchicot pour influer en ce sens et que les cardiologues ne soient pas oubliés, en particulier dans les parcours spécifiques de cardiologies type PRADO (Programme de Retour Anticipé au Domicile). Le cardiologue doit y être un maillon essentiel et non une variable d’ajustement. A nous de montrer que nous sommes présents et capables de prendre en charge les patients dans cette situation.

Catherine Sanfourche




Les parcours de soins selon la HAS

371 – Afin de faciliter la prise en charge des personnes atteintes de maladie chronique, la HAS a élaboré en 2012 de nouveaux guides et outils destinés aux équipes soignantes et aux malades. « Au lieu de réactualiser les guides ALD, le nouveau Collège de la HAS a décidé de faire des guides parcours de soins par pathologie », explique Jean-François Thébaut, membre du collège de la HAS et président de la Commission amélioration des pratiques professionnelles et de la sécurité des patients. A la différence des guides ALD, les guides parcours de soins sont destinés à l’ensemble des professionnels prenant en charge les malades. Ils abordent la globalité du parcours et non plus seulement les critères ALD. Réalisés avec l’aide de professionnels et d’associations, ils précisent, à toutes les étapes, le rôle de chaque intervenant, le rythme des consultations et les actions à entreprendre. « Dans ces guides, nous faisons toujours très attention à situer chaque professionnels à sa bonne place », commente Jean-François Thébaut.

A ce jour, la HAS a publié des guides concernant l’AVC, la BPCO, les cancers broncho-pulmonaires et le mésothéliome pleural malin, l’infarctus du myocarde, l’insuffisance cardiaque, le lymphome de Hodgkin, la maladie de Parkinson, la maladie rénale chronique et les soins palliatifs. « Toutes les pathologies ont vocation à faire l’objet d’un guide parcours de soins. La psychiatrie est en cours de rédaction, ainsi que la rééducation, l’insuffisance coronarienne. »

Catherine Sanfourche




Patrick Gasser (UMESPE) : « Pas de parcours de soins sans les spécialistes libéraux »

371 – Pour le nouveau président des L’union des Médecins Spécialistes de la CSMF les parcours de soins sont voués à l’échec s’ils se font sans les spécialistes de proximité.  

Gasser« Donner une vraie place aux spécialistes libéraux dans la Stratégie Nationale de Santé ». Dès votre arrivée à la présidence de l’UMESPE, vous avez affirmé cela comme une des priorités d’action du syndicat. Pouvez-vous préciser un peu ?

Patrick Gasser : Aujourd’hui, on ne parle que du médecin généraliste dans la prise en charge du patient, alors même qu’on dit vouloir la meilleure qualité possible pour cette prise en charge des patients chroniques ou des personnes âgées ou des patients polypathologiques. Un médecin généraliste ne travaille pourtant pas seul mais avec ses correspondants spécialistes. Nous avons cette chance en France d’avoir encore des spécialistes de proximité qui évitent de nombreuses hospitalisations et qui, avec les généralistes, constituent un véritable maillage du territoire. Si les efforts du  Gouvernement continuent de porter essentiellement sur le premier recours et le médecin traitant, en ignorant les spécialistes de ville, nous allons à l’échec pour ce qui est des parcours de soins. C’est un enjeu majeur.

Est-ce à dire que vous revendiquez la place de coordinateur dans le parcours de soins ?

P. G. : Le parcours de soins nécessite que de liens très forts existent entre spécialiste et généraliste, mais celui qui coordonne tout, c’est le médecin traitant, c’est le généraliste. Nous revendiquons un rôle d’expert et d’échanges avec le médecin traitant pour décider de la meilleure prise en charge possible d’un patient, mais nous ne revendiquons absolument pas le rôle de coordinateur dans le parcours de santé.

Vous allez donc être particulièrement attentif à ce que cette place soit respectée au cours des négociations sur la coopération interprofessionnelle et la rémunération du travail en équipe ?

P. G. : Bien évidemment. A un moment ou à un autre, il faudra que les spécialistes s’invitent un peu ! A l’UMESPE/CSMF, la coordination entre les spécialistes et les généralistes est forte. Je travaille depuis longtemps avec le président de l’UNOF, Luc Duquesnel, et nous portons depuis quatre ou cinq ans ce discours de coordination entre le premier et de deuxième recours. La CSMF porte ce discours et le portera lors de ces négociations.

Catherine Sanfourche




Les sujets d’actualité en 2014

370 – En ce (encore) début d’année, Le Cardiologue en revue quelques sujetsqui ont changé, changeront ou changeront peut-être la pratique cette année.

Quant au nouveau président du SNSMCV, Eric Perchicot, il explique quelles seront les priorités du syndicat en 2014.

La transparence s’applique

Accessibilité : trois ans de sursis maximum pour les médecins

La télécardiologie enfin rémunérée ?

Mesure de la FFR : au programme de la HAS

Avenant 8

Entretien Eric Perchicot : « Inscrire le cardiologue dans le parcours de soins est une priorité »

 




La transparence s’applique

370 – Le Cardiologue passe en revue quelques sujets qui ont changé, changeront ou changeront peut-être la pratique en 2014…

On ne reviendra pas sur les « affaires » de santé publique qui ont abouti à ce que s’impose en France la nécessité de permettre au public de savoir quelles relations entretenait tel ou tel acteur du champ de la santé avec les industriel du secteur. L’essentiel est qu’après bien des rebondissements et démêlés, le SunShine à la française a finalement fait l’objet de tous les textes voulus pour pouvoir s’appliquer.

Les médecins sont concernés en premier chef par le dispositif de transparence. Mais il concerne également les associations de professionnels de santé, les étudiants et leurs associations, les associations d’usagers, les établissements de santé, les fondations et sociétés savantes, les entreprises de presse, les éditeurs de logiciels, les personnes morales assurant ou participant à la formation initiale et les syndicats en tant que défenseurs des intérêts catégoriels d’une profession. Seules échappent au dispositif les associations de professionnels dont l’objet social est la recherche en santé ou la formation médicale.

Dès qu’une entreprise est liée par convention à un praticien ou lui octroie des avantages en nature ou en espèces supérieurs à 10 euros, elle doit le publier sur un site internet public unique. Ces « avantages » comprennent les prestations d’hospitalité (transport, hébergement, repas, etc.) et les prestations d’ « études » pour les activités de recherche ou d’évaluation scientifique. Toutes les prestations rémunérées pour le compte d’une entreprise (orateur, consultant, expert) sont également concernées.

Cependant, s’il s’agit d’un avantage avec contrepartie, pour lequel une convention a été signée, l’obligation de publication ne porte que sur l’existence d’une convention, pas sur le montant de la prestation. Mais si l’avantage est sans contrepartie, le montant TTC doit être déclaré. Ce qui fait que la transparence n’est pas tout à fait la même pour tout le monde !

A noter que le Sunshine à la française n’a pas aboli la « loi anti-cadeaux, qui interdit aux professionnels médicaux (comme aux étudiants) de recevoir des « cadeaux » en espèces ou en nature de la part des entreprises, de façon directe ou indirecte.




Accessibilité : trois ans de sursis maximum pour les médecins

370 – Le Cardiologue passe en revue quelques sujets qui ont changé, changeront ou changeront peut-être la pratique en 2014…

La loi de février 2005 pour l’égalité des droits des personnes handicapées prévoit que tous les établissements recevant du public doivent être accessibles « aux personnes handicapées quel que soit le type de handicap, notamment physique, sensoriel, cognitif, mental ou psychique ». Les cabinets médicaux sont donc eux aussi, soumis à cette obligation, qui devait être effective le 1er janvier 2015. Déjà, depuis le 1er janvier 2007 tout nouveau cabinet médical doit répondre aux exigences de la loi en matière d’accessibilité. Mais le problème concerne surtout la mise aux normes des cabinets anciens. A un an de la date fatidique, force est de constater que nombreux sont les Espaces Recevant du Public (ERP), dont les cabinets médicaux, qui ne sont pas aux normes d’accessibilité et ne seront de toute évidence toujours pas « dans les clous » le 1er janvier prochain. Devant ce constat, un comité interministériel, sous l’égide de Matignon, a été mis en place et a prévu des aménagements possibles pour les professionnels qui n’auraient pu se mettre en conformité au 31 décembre de cette année. Après concertation menée par Marie-Arlette Carlotti, la ministre chargée des Personnes handicapées et de la Lutte contre l’Exclusion, des Agendas d’Accessibilité Programmée (Ad’AP) ont été mis en place. Ainsi, les professionnels de santé libéraux dont le cabinet n’est pas conforme devront obligatoirement sous peine de pénalités – signaler auprès des collectivités avant la fin de cette année leur volonté de réaliser les travaux nécessaires. Il devront ensuite remplir un dossier d’Ad’AP au plus tard douze mois après la publication de l’ordonnance prévue pour l’été. Une commission ad hoc examinera alors les caractéristiques et la situation du cabinet, déterminera si un délai supplémentaire est nécessaire et évaluera la durée de l’Ad’AP.

Pour les ERP de moins de 300 personnes, et donc pour les cabinets médicaux, ce délai supplémentaire ne pourra excéder trois ans.

Rappelons qu’il existe trois motifs de dérogation à l’obligation d’accessibilité des locaux aux personnes handicapées. Le premier nécessite de démontrer l’impossibilité technique de procéder aux aménagements nécessaires. Le second concerne les cas où un patrimoine architectural doit être conservé. Le troisième peut être invoqué en cas de disproportion manifeste entre les améliorations apportées et leurs conséquences. Pour pouvoir bénéficier d’une dérogation, il faut s’adresser à la Direction de l’Equipement et s’informer auprès de la Commission Consultative Départementale de Sécurité et d’Accessibilité (CCDSA).




La télécardiologie enfin rémunérée ?

370 – Le Cardiologue passe en revue quelques sujets qui ont changé, changeront ou changeront peut-être la pratique en 2014…

La sécurité et l’efficacité de la télésurveillance des porteurs de stimulateur cardiaque et de défibrillateur ont été démontrées et les économies qu’elle génère aussi (voir Le Cardiologue n° 368-369). Reste que depuis la parution du décret sur la télémédecine d’octobre 2010 prévoyant la rémunération des actes de télémédecine, les cardiologues qui assurent cette télésurveillance le font toujours… gratuitement ! Pourtant, deux demandes de création d’actes (« télésurveillance d’un stimulateur » et « télésurveillance d’un défibrillateur ») ont été déposées à la HAS en 2011. Et l’année suivante, le Conseil National Professionnel de Cardiologie (CNPC) et l’Ordre des médecins ont proposé un forfait global annuel pour ces deux actes à deux niveaux : plus élevé la première année pour tenir des charges liées à la mise en place du DM, inférieur ensuite. Les deux instances ont proposé des forfaits de 360 euros et 320 euros pour la surveillance d’un stimulateur, et de 380 euros et 250 euros pour celle d’un défibrillateur.

L’étude ECOST « indique clairement qu’une prise en charge par l’Assurance Maladie sur la base des propositions du CNPC et du CNOM est tout à fait rationnelle et n’engendre pas de coût supplémentaire ». Les propositions de forfaits avaient été faites en effet sur la base du coût annuel de la surveillance conventionnelle pour l’Assurance Maladie qui se situait alors entre 200 et 400 euros pour les porteurs de stimulateurs et entre 212 et 424 euros pour les porteurs de défibrillateur. « Ces propositions ont été faites sur la base d’un acte en face à face à 61,04 euros, commente le Dr Arnaud Lazarus. Or, cet acte évolue vers son tarif-cible qui sera bientôt d’environ 70 euros, soit 10 euros d’écart par rapport à ce que nous avions calculé. Les forfaits proposés sont donc sous-estimés. »

Même revus à la hausse, le différentiel avec le coût annuel d’un traitement conventionnel resterait raisonnable et les cardiologues ont bon espoir d’aboutir à un accord prochainement pour la rémunération de ces deux actes de télécardiologie. Une réunion imminente avec l’Assurance Maladie permettra de savoir s’ils ont raison d’espérer…




Mesure de la FFR : au programme de la HAS

370 – Le Cardiologue passe en revue quelques sujets qui ont changé, changeront ou changeront peut-être la pratique en 2014…

Prévue pour 2013, l’évaluation de l’acte de mesure du Flux Coronaire Résiduel (FFR) par la Haute Autorité de Santé devrait être effective cette année. En tout cas, elle figure au « Programme de travail 2014 » consultable sur le site de la haute instance. Elle devrait débuter ce premier trimestre et s’achever au 1er trimestre 2015.

Pour mémoire, cette technique consiste à mesurer une différence de pression entre l’amont et l’aval d’une lésion coronaire afin de juger l’importance de l’ischémie. Face à une lésion observée à la coronarographie mais dont l’impact clinique n’est pas certain, la FFR permet de décider de la nécessité ou non de revasculariser. Une FFR mesurée inférieure à 0,80 témoigne du retentissement fonctionnel d’une sténose.

Pratiquée et remboursée dans nombre de pays – notamment en Allemangne, en Angleterre, en Belgique – la mesure de la FFR est très peu pratiquée en France où elle n’est pas prise en charge. Pourtant, une étude qui fait référence (l’étude FAME) en a montré les bénéfices : l’utilisation de la FFR a permis de réduire de façon très significative le nombre de stents actifs implantés – avec en conséquence un bénéfice économique.

Selon Martine Gilard, professeur de cardiologie au CHU de Brest et ex-présidente du Groupe Athérome et cardiologie interventionnelle (GACI) de la Société Française de Cardiologie (SFC), « la mesure de la FFR permettrait de faire diminuer la pose de stents d’environ 25 %. L’économie de ces stents, des antiagrégants qui les accompagnent et des remboursements est évaluée entre 400 000 et un million d’euros ». Elle tenait ces propos dans Le Cardiologue n° 357 en décembre 2012 et se disait alors « optimiste » quant à la reconnaissance et la valorisation de cet acte…




Entretien Eric Perchicot : « Inscrire le cardiologue dans le parcours de soins est une priorité »

370 – Le nouveau président du Syndicat National des Spécialistes des Maladies du Cœur et des Vaisseaux (SNSMV), Eric Perchicot, détaille pour Le Cardiologue quelles sont les priorités pour l’action syndicale qu’il entend mettre en avant au cours de cette année.

Vous venez de succéder à Christian Ziccarelli à la présidence du SNSMCV. Quelles vont être vos priorités pour l’année 2014 ?

Eric Perchicot. Tout d’abord, je tiens à dire que je vais travailler dans la continuité de mon prédécesseur qui a fait un excellent travail durant son mandat. Une priorité me semble incontournable pour le Syndicat cette année : inscrire le cardiologue dans la continuité des soins. Dans le parcours de soins tel qu’il apparaît pour l’instant dans la Stratégie Nationale de Santé, notre place est assez flou. Alors qu’il doit se concrétiser dans une loi de santé publique, il me paraît primordial de convaincre les pouvoirs publics et les autres médecins d’inscrire le cardiologue pleinement dans le parcours de soins. S’il l’est de fait sur le terrain, dans notre pratique quotidienne, où nous ne rencontrons pas de problème avec nos autres confrères, encore faut-il qu’il soit inscrit dans le parcours de soins si celui-ci doit être formalisé. Un cardiologue qui a fait dix à douze ans d’études est dans de nombreux cas le plus à même de faire le bon choix pour le patient, toute la force du médecin étant de dépister le problème derrière une apparente « normalité ». Dire autre chose est faux. A cet égard, je rappellerai que nous sommes opposés aux transferts de compétences, terme qui ne veut rien dire, mais pas à une réflexion sur des délégations de tâches protocolisées. Oui au parcours d soins, mais dans lequel le cardiologue doit avoir une place clairement définie.

Ma deuxième priorité concerne la politique tarifaire. Le Syndicat s’est opposé à l’avenant 8 et à l’encadrement des compléments d’honoraires. Et j’insiste sur ce terme parce que la sémantique est importante : il s’agit bien de compléments d’honoraires et non de dépassements. L’aggravation de ces compléments d’honoraires est due à la non, ou trop faible, revalorisation des actes depuis plus de 10 ans dont résulte une valorisation du tarif des actes d’un niveau indigent par rapport aux autres pays européens. Il va falloir sortir de la problématique de la poule et de l’oeuf. Nous voulons bien accepter un encadrement des compléments d’honoraires mais à condition d’une remise à niveau significative des tarifs de base. Une grande partie de nos honoraires est liée aux actes techniques. Or, le point de travail fixé à 0,44 euro au démarrage de la CCAM technique n’a jamais été réévalué, contrairement à ce qui était prévu lors de sa création. Il faut donc revenir à ce qui était prévu et procéder à une actualisation de la CCAM technique.

Parmi les chose prévues mais jamais concrétisées, les cardiologues attendent toujours l’inscription des actes de télésurveillance à la nomenclature qui leur permettrait d’être rémunérés pour cet acte. Où en est-on ?

E. P. Nous attendons un arbitrage. Il est juste de dire que nos interlocuteurs à l’Assurance Maladie sont à l’écoute et conscient que nos propositions sont raisonnables. Nous devrions aboutir sur cette question cette année.

Le DPC fera-t-il également partie de vos priorités ?

E. P. Il s’agit d’une obligation légale, inutile de s’y opposer, en rappelant que le DPC ne remplacera jamais l’ensemble de la formation continue. Mais c’est un peu le parcours du combattant et nous souhaiterions une simplification de la mise en oeuvre dans le respect des modalités édictées par la Haute Autorité de Santé, et auxquelles nous sommes très attachés : dans un premier temps évaluation des pratiques du médecin, actualisation des connaissances sur le thème choisi et dans un troisième temps, évaluation de l’impact sur les pratiques dans les semaines qui suivent la formation.

Après les généralistes, les cardiologues ont été les premiers spécialistes à adopté le disposition de la Rémunération sur Objectifs de Santé Publique, la ROSP. Quel en est le premier bilan et des évolutions sont-elles envisagées ?

E. P. Nous ne sommes qu’au début et certains indicateurs ne sont pas parfaits. Les cardiologues s’impatientent, mais nous travaillons avec l’Assurance Maladie pour les améliorer. La médecine de ville ne disposant pas de l’équivalent du PMSI à l’hôpital, l’Assurance Maladie ne sait pas ce que recouvrent les prescriptions et la tâche pas n’est pas aisée pour élaborer des indicateurs. Mais je suis persuadé qu’il s’agit d’un système d’avenir mais qui doit être grandement amélioré. A terme, avec des indicateurs beaucoup plus nombreux et plus pertinents, la ROSP pourrait devenir une méthode de DPC intégrée harmonieusement à la pratique médicale, un brin d’optimisme ne fait jamais de mal…




Avenant 8

370 – Le Cardiologue passe en revue quelques sujets qui ont changé, changeront ou changeront peut-être la pratique en 2014…

Instauré par l’avenant 8, le Contrat d’Accès aux Soins (CAS) est ouvert aux médecins du secteur 2 et les médecins titulaires d’un DP, aux médecins qui s’installent pour la première fois et dont les titres leur permet d’opter pour le secteur 2 (chefs de clinique) et aux médecins du secteur 1 installés avant le 1er janvier 2013 et dont les titres leurs permettent d’accéder au secteur 2.

Un médecin adhérant aux CAS s’engage à ne pas augmenter ses tarifs durant les trois années du contrat, à respecter son taux de dépassement moyen de l’année précédente recalculé (pour les secteurs 2), à réaliser une part de son activité à tarif opposable égale ou supérieure à celle pratiquée avant son adhésion et à respecter un taux de dépassement moyen recalculé au maximum égal à 100 % du tarif opposable de la Sécurité Sociale.

En contrepartie, il bénéficie des revalorisations applicables aux médecins exerçant en secteur 1 et de la prise en charge des cotisations sociales sur les honoraires correspondant à l’activité réalisée aux tarifs opposables. Au cours des trois ans du contrat, le médecin peut le résilier chaque année à la date anniversaire de sa signature. Plus de 11 000 médecins ont a ce jour opté pour le CAS.

Signé par l’Assurance Maladie, les syndicats médicaux et les complémentaires, le CAS prévoit un remboursement privilégié des compléments d’honoraires pour ses signataires, ce qui n’est toujours pas une réalité. La CSMF s’exaspère quelque peu des atermoiements des complémentaires et demande que les contrats responsables prévoit le remboursement intégral des compléments d’honoraires maîtrisés dans le cadre du CAS.

Depuis le 1er mars, et pour faire suite à l’avenant n° 8 à la convention, l’évolution vers les valeurs cibles se poursuit avec la revalorisation des actes cardiologiques suivants :

Tableau fenetresur

En outre, la Majoration pour Personne Agée (MPA) de 5 euros applicable depuis juillet dernier pour les consultations de patients âgés de plus de 85 ans s’appliquera également aux consultations des plus de 80 ans à compter du 1er juillet prochain.

D’autres revalorisations tarifaires sont cependant attendues par les médecins libéraux, en particulier par les cardiologues qui n’ont pas vu d’évolution de leur point de travail depuis sa création, ainsi que l’explique Eric Perchicot.




Le HCAAM favorise la maîtrise de dépenses

368-369 – Dans son dernier rapport annuel, à partir de projections réalisées jusqu’en 2060 concernant les dépenses de santé et le déficit des régimes obligatoires d’Assurance Maladie, le Haut Conseil pour l’Avenir de l’Assurance Maladie analyse les divers moyens qui permettraient de revenir à l’équilibre. Et privilégie une nouvelle fois la maîtrise des dépenses de santé en mobilisant « les nombreux gisements d’efficience du système de soins ». Les pistes envisagées ne sont ni plus ni moins celles esquissées dans la Stratégie Nationale de Santé du Gouvernement. Les solutions ne sont donc plus à chercher, mais à appliquer, signifie le HCAAM qui souligne « l’urgence du passage à l’acte ». Il s’agit donc maintenant d’avoir du courage politique, estime Jean-François Rey, le président des spécialistes confédérés (UMESPE) dans un entretien (voir autre article dans notre rubrique Fenêtre sur…). 

En novembre dernier, le premier ministre, Jean-Marc Ayrault, avait saisi le Haut Conseil pour l’Avenir de l’Assurance Maladie (HCAAM) pour une demande d’analyse de préconisations sur l’équilibre des comptes de la protection sociale, à mener en lien avec diverses instances. Le dernier rapport annuel du HCAAM comporte donc des projections d’ici à 2060 qui ont été effectuées par un groupe de travail qui a réuni des représentants de la Direction générale du trésor, de l’INSEE, de la Direction de la Sécurité Sociale (DSS), de la Direction de la Recherche, des Etudes, de l’Evaluation et des Statistiques (DREES) et de la Caisse Nationale d’Assurance Maladie des Travailleurs Salariés (CNAMTS).

Schéma4-1
Figure 1. Financement des dépenses totales de santé en 2011

Schéma4-1
Figure 2. Evolutions annuelles du POB et de l’ONDAM exécuté, 1998-2013

Des projections vers un déficit abyssal

Selon les projections « spontanées », c’est-à-dire ne prenant pas en compte les mesures de redressement des comptes publics, les dépenses totales de santé (remboursées ou non) passeraient de 10,3 % du Produit Intérieur Brut (PIB) en 2011 à 13,1 % du PIB en 2060. Les dépenses remboursées par les régimes obligatoires passeraient de 8,1 % à 10,4 % du PIB. Cette évolution aurait pour conséquence un accroissement du déficit de ces régimes, qui passerait de 0,4 % à 2,4 % du PIB. En « valeur équivalente », cela signifie que ce déficit de 7,4 milliards d’euros en 2011 avoisinerait les 14 milliards en 2020, les 29 milliards en 2030, dépasserait les 41 milliards en 2040 pour se stabiliser à près de 49 milliards d’euros en 2060.

Pour tenter d’infléchir cette courbe vertigineuse, le HCAAM analyse l’efficacité de trois « leviers de retour à l’équilibre » : hausse des recettes publiques (cotisations sociales, impôts et taxes), baisse des remboursements par les régimes obligatoires (et donc transfert vers les organismes complémentaires) et infléchissement de la croissance des dépenses de santé (à taux de remboursement inchangé).

A supposer que l’équilibre du système d’Assurance Maladie soit atteint en 2020 par l’un ou l’autre de ces leviers ou une combinaison des trois, le HCAAM explique que « sans mesure nouvelles le niveau de déficit de 2020 serait reconstitué dès 2030 (0,7 point de PIB) », « se creuserait encore jusqu’à doubler en 2040 (1,4 point de PIB) », puis « se dégraderait ensuite à un moindre rythme » pour atteindre 1,7 point de PIB en 2060. Les experts du HCAAM affirment donc que « pour pérenniser l’équilibre budgétaire atteint en 2020, des efforts devraient être poursuivis sans relâche du moins jusqu’en 2040, date après laquelle le vieillissement de la population ralentit ».

Un désengagement de la Sécurité Sociale

Quant au « levier » qui a la faveur du HCAAM, sans surprise puisqu’il l’a déjà privilégié par le passé, c’est la maîtrise des dépenses. Recourir aux seules hausses des recettes publiques supposerait en effet que ces hausses soient récurrentes jusqu’en 2040 et continuent d’être importantes chaque année, de 0,07 point de PIB, soit 0,1 point de CSG tous les ans. Lourd pour les ménages et politiquement intenable. La voie de la baisse du remboursement pour le retour à l’équilibre impliquerait un désengagement de la Sécurité Sociale poursuivi sans discontinuer avec des reculs toujours massifs jusqu’en 2040 et « une baisse de prise en charge de 10 points serait nécessaire entre 2020 et 2040 pour maintenir l’équilibre du système », souligne le HCAAM, qui opte donc pour la troisième voie, celle de la maîtrise, avec un ralentissement de la dépense de soins entre 2020 et 2040 qui devrait être d’environ 0,8 point par an par rapport à son évolution spontanée, puis nettement moins ensuite (– 0,2 point). Ce dernier levier est celui que le HCAAM a toujours préconisé considérant que la croissance des dépenses totales de santé spontanément supérieure à celle du PIB constitue « la véritable menace sur l’équilibre durable du système ».

Le Haut Comité pour l’Avenir de l’Assurance Maladie réaffirme donc « l’impérieuse nécessité d’une maîtrise des dépenses de santé, mobilisant les nombreux gisements d’efficience du système de soins » : une meilleurs organisation de ce système, l’articulation entre la ville et l’hôpital « afin d’éviter les séjours inadéquats », la coordination entre les professionnels de santé et sociaux et la mise en place de parcours de santé coordonnés. Avec pour corollaire à la réalisation de ces objectifs la mise disposition des données de santé, mais aussi « la définition pertinente du périmètre du panier de soins, incluant la prévention, ainsi que le respect du bon usage ». Le tout avec « une gouvernance plus efficace de l’ensemble du système de soins tant au niveau central que territorial afin de rendre plus efficiente la régulation ».

L’urgence de passer à l’acte

Rien de très neuf dans ce nouveau rapport du HCAAM, qui ne revendique d’ailleurs pas l’innovation mais insiste en revanche sur « l’urgence du passage à l’acte au regard des déficits accumulés et de l’évolution démographique en cours ». C’est ce courage, indique-t-il, qui devra accompagner la Stratégie Nationale de Santé « définie par les pouvoirs publics, qui se déploiera sur plusieurs années et dont tous les effets ne seront pas immédiats ». On sait, hélas, ce qu’il en est du courage politique, toutes tendances confondues…

 




Jean-François Rey (UMESPE) : « La médecine de ville prouve l’efficacité de la maîtrise »

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© Pascal Wolff

Jean-François Rey : Etant donné la hauteur des cotisations sociales en France et le coût du travail qui en découle, les augmenter n’est pas envisageable. Mettre les organismes complémentaires à contribution n’est pas non plus la bonne solution car elles ne vont pas inventer la pierre philosophale : une plus grande intervention de leur part ne peut que setraduire par des hausses de cotisations. Reste en effet la maîtrise des dépenses à laquelle la CSMF et l’UMESPE sont favorables. Mais il faut que le politique ait le courage de dire où sont les marges d’efficience. L’industrie pharmaceutique a déjà été mise largement à contribution et la médecine de ville aussi.

Reste le problème que personne ne veut attaquer de front, celui de l’hôpital. La France compte autant de lits d’hospitalisation que l’Allemagne avec vingt millions d’habitants en moins, c’est insensé ! Sans compter les disparités de coûts pour des actes similaires entre le secteur hospitalier public et le secteur privé : tout le monde connaît l’exemple de l’appendicectomie pour laquelle le surcoût à l’hôpital public est de 20 à 30 % par rapport aux cliniques privées. Il est toujours impossible de connaître la prescription de chaque praticien hospitalier quand celle des médecins de ville est transparente pour l’Assurance Maladie. J’ai participé récemment à une grande réunion sur la chirurgie ambulatoire où des confrères du public avaient l’air de découvrir qu’elle ne concerne pas seulement la chirurgie traditionnelle mais aussi la chirurgie cardiaque, la chirurgie interventionnelle, etc.

Dans les cliniques privées, la chirurgie ambulatoire commence à 7 heures du matin et finit à 20 heures le soir. On me dit qu’après 13 heures, elle n’est plus possible à l’hôpital public faute de pouvoir assurer la surveillance postopératoire. Et face à ces constats, je ne mets absolument pas en cause les confrères du public, mais l’organisation de la structure publique. Mais cette analyse a été faite par tous, à gauche comme à droite.

Mais toucher à l’hôpital est toujours politiquement délicat…

J-F. R. : Bien sûr ! On voit bien que la fermeture du moindre petit établissement provoque de vives réactions dans la population et chez les maires des communes concernées.

On voit bien que la droite a repoussé la convergence tarifaire entre public et privé supprimée par la gauche. C’est un manque de courage politique. Mais on ne peut plus continuer à voir s’empiler les rapports et les analyses.

La maîtrise des dépenses fonctionne en ville alors que personne n’y croyait ! Résultat : la médecine de ville est exemplaire et est responsable d’une sous-consommation de l’ONDAM de 500 millions d’euros en 2013 quand l’hôpital est toujours en dehors des clous.

Le HCAAM a raison : la seule façon d’endiguer les dépenses de santé réside dans la maîtrise de leur évolution, mais il faut passer à l’acte ! n




Une nouvelle présidente pour le HCAAM

368-369 – Depuis le 1er février, c’est Anne-Marie Brocas (57 ans) qui préside le Haut Conseil pour l’Avenir de l’Assurance Maladie. Elle succède à Annick Morel, qui le présidait depuis novembre 2012 mais qui a fait valoir ses droits à la retraite. Diplômée de Institut des Sciences Politiques de Paris et ancienne élève de l’ENA, Anne-Marie Brocas est administratrice civile hors classe. Spécialiste des assurances sociales (maladie, vieillesse, chômage), elle a travaillé dans divers ministères. Plus récemment, elle a été directrice de la DREES, de 2006 à 2012, date à laquelle elle est devenue inspectrice générale des affaires sociales (IGAS).




Un an de DPC et un bilan contrasté

Promotion
© Konstantinos Kokkinis

367 – Décrié par les uns, soutenu par les autres, le dispositif du Développement Professionnel Continu (DPC) parvient au terme de sa première année d’existence. Une année chaotique et difficile, émaillée de critiques et de contestations, au point que la ministre de la Santé a missionné l’Inspection de Affaires Sociales (IGAS) pour réfléchir à une simplification du dispositif et aux moyens de favoriser l’adhésion des acteurs du système. La publication du rapport de l’IGAS est imminente et l’on saura prochainement quelles suites entendra lui donner Marisol Touraine.
Mais si tout ne va pas pour le mieux dans le meilleur des DPC possibles, son premier bilan chiffré n’est pas si mauvais que cela. En tout cas, la désaffection des médecins pour la formation au passage de la FMC au DPC redoutée par certains n’a pas eu lieu : en 2013, plus de 30 000 médecins libéraux ont suivi une action de DPC.

C’est le 1er janvier 2013 que le Développement Professionnel Continu (DPC), qui fusionne les dispositifs de Formation Médicale Continue (FMC) et l’Evaluation de Pratiques Professionnelles (EPP) a officiellement été mis en place. Ce qui ne veut pas dire qu’il est entré en vigueur ipso facto. D’une part, les textes régissant son fonctionnement n’étaient pas tous parus, d’autre part, son démarrage a été environné de critiques et coups de gueule divers pour dénoncer sa complexité, les modalités de sa gouvernance ou encore le blocage des indemnisations. Mais si la première année d’existence du DPC a été agitée, au final, son bilan n’est pas si mal au regard de certains chiffres.
D’une part, et contrairement aux craintes de certains, les médecins n’ont pas boudé le DPC, faisant même preuve d’une appétence certaine. En 2013, 50 518 actions de DPC ont été réalisées par des médecins. Sur un total d’environ 130 000 libéraux, 35 928 ont ouvert un compte et créé leur profil sur www.mondpc.fr et 29 473 ont effectué un programme de DPC, soit 1,71 action de DPC suivie en moyenne par médecin. Au dernier jour de 2013, ce sont plus de 30 000 médecins libéraux qui auront suivi une action de DPC, dépassant ainsi l’objectif de 22 906 fixé pour l’année 2013. Pour 70 %, il s’agit de généralistes et pour 30 % de spécialistes.
Présentant le bilan de la première année de DPC lors de la Journée de rentrée du CNPS, la directrice de l’Organisme de Gestion du DPC (OGDPC), Monique Weber, soulignait que « le DPC a déclenché une appétence importante chez les spécialistes dont la proportion de ceux qui suivaient une formation les années précédentes était inférieure de 1 % au taux des spécialistes en DPC ». « Les chiffres montrent que toute les professions de santé sont entrées dans le DPC, commentait-elle. En 2017, nous devrions avoir quasi 100 % des professionnels de santé en DPC. »

Le forfait reste à 3 700 euros en 2014

Sur les 83,2 millions d’euros inscrits au budget du DPC en 2013, 75,5 millions ont été utilisés. Le forfait annuel maximal dont pouvait bénéficier chaque praticien était de 3 700 euros l’année dernière où la dépense moyenne d’un médecin ayant suivi au moins un DPC a été de 2 300 euros. Réunie en novembre dernier, la commission paritaire de l’OGDPC a décidé de maintenir le forfait au même niveau en 2014 et de reporter sur cette année les crédits non dépensés en 2013.
En revanche, le budget global du DPC des médecins augmente de 20 %, passant donc de 83,2 millions à 100 millions d’euros. « C’est plutôt satisfaisant, commente le président de la CSMF, Michel Chassang. Cela permettra à 20 % de médecins supplémentaires de suivre un programme de DPC. »
Pour autant, tous les problèmes ne sont pas résolus. Le budget du DPC des médecins reste toujours amputé des 75 millions d’euros dont bénéficiait l’ex-Formation Professionnelle Conventionnelle (FPC). La période transitoire, initialement reportée à la fin du mois de juin dernier l’a encore été jusqu’à… Jusqu’à ce que les organismes de DPC (ODPC) qui ont déposé un dossier à l’OGDPC aient été évalués par les Commissions Scientifiques Indépendantes (CSI).
Et en ce qui concerne celle des médecins, c’est environ 1 500 dossiers qu’elle doit examiner mais elle n’en a pour l’heure évaluer que 52. Outre le retard pris en raison des problèmes intervenus lors de sa constitution, 15 des 17 membres généralistes en boycottent les travaux depuis septembre, en désaccord avec certains des critères d’évaluation des ODPC qui ont été fixés par arrêté ministériel en juillet dernier (voir l’entretien avec Francis Dujarric), et jugeant tout à fait insuffisant les moyens en personnels pour les effectuer.
Face à ces problèmes, Marisol Touraine a décidé de diligenter une mission de l’IGAS sur le déploiement du DPC. Les conclusions de cette mission sont attendues imminentes. Reste à savoir, ensuite, de quelle décisions ministérielles elles seront suivies.

Vers des rémunérations à coûts réels des OGDPC

La commission paritaire de l’OGDPC comprend deux sections. L’une réunit les représentants des médecins, l’autre ceux des autres professionnels de santé. Elle a pour rôle de répartir les budgets entre les différents organismes de DPC. Il revient à chaque section d’évaluer le coût d’une formation.
Membre de la section médecins de la commission paritaire, Eric Perchicot explique quel changement cela implique à l’avenir. « Nous sommes partis de ce qui se faisait avant la mise en œuvre du DPC, c’est-à-dire une évaluation pas très précise de ce coût, il faut bien le dire. Aujourd’hui, les pouvoirs publics ont tendance à penser que ce coût est quelque peu surestimé et que les organismes de DPC sont sur-rémunérés. Ils souhaitent donc que demain l’argent public serve à financer les programmes de formation à coûts réels, ce qui n’est en soi pas choquant. C’est aux sections paritaires qu’il revient de faire ce travail d’évaluer le coût exact des formations. Un travail ingrat, il faut bien le dire, puisque cela aboutira sans doute pour la plupart des ODPC à une rémunération revue à la baisse. Par ailleurs, avec la section des professionnels de santé non médecins, nous allons devoir également définir des forfaits pour les formations interprofessionnelles. Là encore, ce sera délicat car il s’agit de “partager le gâteau” entre des professionnels qui n’ont pas forcément des forfait d’égal importance. Nous devrons définir des forfaits acceptables par tous pour ces programmes de DPC interprofessionnels. »
La commission paritaire souhaite également élaborer un guide des bonnes pratiques d’une action de DPC, qui mettra l’accent sur l’évaluation de la pratique professionnelle. « Il est primordial de vérifier après une formation qu’elle a permis une amélioration de la pratique professionnelle, souligne Eric Perchicot. Nous allons essayer de mettre en place une sorte de cahier des charges pour vérifier le respect de cette démarche par les ODPC. »

 

L’ODP2C au service de tous les cardiologues

L’ODP2C a été créé en février 2013 à l’initiative du SNSMCV et de la Société Française de Cardiologie (SFC), en association avec le Collège Nationale des Cardiologues des Hôpitaux (CNCH) et le Collège National des Cardiologues Français (CNCF).
Pourquoi « 2C » ? « Parce qu’il a pour vocation d’accompagner tous les cardiologues, libéraux comme hospitaliers, dans leur obligation de validation de DPC en leur proposant des programmes adaptés à leur pratique, présentiels ou non présentiels », explique son président (cardiologue libéral), Patrick Assyag. Lors de sa première réunion statutaire, l’ODP2C a élu son bureau dont la composition respecte, bien sûr, la parité hospitaliers/libéraux. « Nous avons également constitué un comité scientifique et pédagogique dont le rôle est de valider les programmes et qui compte douze experts, six hospitaliers et six libéraux, et désigné un webmaster pour s’occuper du site de l’ODP2C (odp2c.org) ». L’ODP2C a reçu l’agrément de l’OGDPC et a été validé (le premier) positivement par la Commission Scientifique Indépendante (CSI).
L’ODP2C commencera l’année 2014 en organisant deux sessions de DPC les 17 et 18 janvier lors des Journées Européennes de Cardiologie. « Douze programmes de DPC seront proposés durant ces deux jours, précise Patrick Assyag. Les 14 et 15 février, l’USCV assurera des sessions comportant dix programmes au total. En 2014, l’ODP2C couvrira les programmes de DPC du CNCH , du CNCF et ceux de tous les organismes qui souhaiteront déposer des programmes de DPC en cardiologie. Pour cela, nous mettrons en place un contrat de partenariat lors de chaque action. »




Francis Dujarric : « La CSI n’est pas une simple chambre d’enregistrement »

367 – Le président de la section des représentants de CNP de spécialité proposés par la FSM, l’une des deux composantes de la CSI des médecins, fait le bilan de la première année de fonctionnement de cette commission.

Quel bilan dressez-vous de la première année de fonctionnement de la Commission Scientifique Indépendante des médecins?

Francis Dujarric : La CSI a été installée officiellement à la fin de 2012 et a commencé à se réunir en janvier 2013. Très vite, des différends se sont fait jour avec les médecins généralistes qui souhaitaient voir modifiés les critères ministériels pour la validation des organismes de DPC, en particulier ceux concernant l’indépendance financière de ces organismes. A cet égard, les deux critères d’évaluation fixés par arrêté ministériel stipulent qu’en cas de financement, même partiel, ou de prestations indirectes issus de l’industrie, le CSI devait analyser les procédures et les moyens mis en œuvre par l’organisme pour préserver l’indépendance du contenu des programmes. Ces critères sont conformes à une directive européenne sur les services.
Une grande majorité de la CSI était d’accord avec cette exigence de transparence et non d’exclusive, comme le souhaitaient la plupart des généralistes, qui refusaient, en outre, le recours éventuel à un organisme sous-traitant pour assurer une partie d’un programme de DPC, arguant du fait que le sous-traitant n’était pas obligé de se déclarer auprès de l’OGDPC et pourrait donc de pas être validé par la CSI.
En septembre, au moment de commencer l’examen des dossiers déposés par les organismes de DPC, les généralistes, dans une grande majorité, ont décidé de suspendre leur participation aux travaux de la CSI. Nous avons cependant eu le quorum suffisant pour démarrer l’examen des dossiers. A ce jour, nous avons évalué 52 dossiers. Bien évidemment, travaillant quasiment « sur une jambe », nous ne pouvons examiner autant de dossiers qu’il serait souhaitable.
Nous n’avons examiné que des dossiers concernant des spécialistes et certains qui concernaient à la fois des spécialistes et des généralistes. Nous n’avons pas été provocateurs et nous nous sommes abstenus d’analyser des dossiers strictement généralistes.

Comment se fait cette analyse ?

F. D. : Des binômes sont constitués pour examiner les dossiers en amont des séances collectives. Nous faisons en sorte d’éviter tout conflit d’intérêt dans la constitution de ces binômes. Non, qu’un cardiologue, par exemple, ne puisse examiner un dossier concernant un programme de DPC de sa spécialité, mais il ne le pourra pas s’il est partie prenante d’une façon ou d’une autre dans l’organisme concerné.

Quelles remarques vous inspirent ces premières évaluations ?

F. D. : Sur les 52 dossiers que nous avons examinés, nous avons été amenés à refuser la validation à 17 d’entre eux, soit un tiers, ce qui n’est pas rien et démontre que la CSI n’est pas, comme l’insinuaient certains généralistes, une simple chambre d’enregistrement ! Les dossiers refusés l’ont été principalement en raison d’un manque de la partie analyse des pratiques professionnelles que doit comporter un programme de DPC.
Beaucoup d’organismes de FMC traditionnelle n’ont pas encore pris le tournant du DPC et n’ont donc pas modifié leur démarche. Certains organismes ont été recalés parce qu’il ne comportaient qu’une personne, il s’agissait de quasi « autoentrepreneurs » de DPC. Enfin, nous avons rejeté un organisme dont la part de financement par l’industrie était supérieure à 30 %.

Selon vous, des améliorations sont-elles souhaitables dans la validation des ODPC ?

F. D. : Il faudra effectuer des contrôles a posteriori pour éviter que certains organismes ayant obtenu la validation sur un seul programme-témoin, en quelque sorte, ne s’autorise après coup à prendre des libertés avec le cahier des charges. Je crois que, comme la crainte des radars sur la route, la menace du contrôle a posteriori est important.

Que souhaitez-vous pour l’année 2014 ?

F. D. : Je souhaite évidemment que nos amis généralistes reprennent leur participation aux travaux de la CSI. Nous attendons les conclusions du rapport demandé cet été par Marisol Touraine à l’IGAS sur les conditions de déploiement du DPC et les décisions que prendra la ministre : une totale remise en cause – ce qui serait dramatique – des ajustements à la marge ou des modifications plus profondes.
L’accord intervenu récemment entre les syndicats de salariés et le patronat et qui semble régler le problème du financement des syndicats via la formation professionnelle a été salué comme une avancée décisive. Une déclinaison de cet accord pour les professionnels de santé serait la bienvenue ! Mon vœux pour 2014 ? Que le DPC réussisse avec une offre de programmes plus importante, plus variée, des méthodes plurielles, le développement du e-learning.




La Fédération des Spécialités Médicales : un partenaire incontournable ?

366 – La FSM fédère aujourd’hui 44 spécialités. Chacune d’elles est organisée en un Conseil National Professionnel (CNP) qui représente toutes les composantes de la spécialité. La FSM apporte son soutien actif à la mise en œuvre et à la promotion du DPC. Avec les CNP et à travers des conventions passées avec plusieurs organismes, elle contribue à l’organisation d’une expertise professionnelle compétente et objective répondant à des règles scientifiques communes et acceptées par tous. Au fil des ans, la FSM est devenu un interlocuteur privilégié des pouvoirs publics. 

C’est en 1997, lors de l’élaboration des premiers textes sur la FMC que s’est créée la Fédération des Spécialités Médicales (FSM). L’initiative en revient au Pr Bernard Glorion, qui présidait alors le Conseil National de l’Ordre des Médecins (CNOM). L’idée était alors de regrouper les sociétés savantes des spécialités reconnues par l’Ordre pour réfléchir ensemble sur la méthodologie, l’organisation, la labellisation et l’évaluation des actions de FMC. Les errements de la FMC et de l’EPP ayant été ceux que l’on sait, la Fédération a mis un certain temps à prendre réellement corps,  surtout à partir de 2007 sous l’impulsion de plusieurs spécialités qui s’étaient organisées en « structures fédératives » regroupant les différentes composantes professionnelles. Aujourd’hui, ces structures fédératives sont devenues des Conseils Nationaux Professionnels (CNP). Chaque CNP regroupe des professionnels issus des différents organismes représentatifs de la spécialité, régi par une double gouvernance, scientifique et professionnelle, dont le champ de compétence est celui de l’évaluation et de l’amélioration des pratiques professionnelles. La FSM réunit en son sein 44 CNP, soit la quasi-totalité des spécialités médicales. Parmi les absentes, on compte la médecine générale qui n’a pas souhaité, pour l’instant, rejoindre le giron fédéral. La Charte des CNP stipule une représentation paritaire des médecins selon leur mode d’exercice (ville, établissement de santé public-privé), une gouvernance assumée par des représentants des différentes composantes de l’activité liée à la spécialité, l’indépendance scientifique, la transparence financière et une politique affichée de gestion des conflits d’intérêt.

La FSM, quant à elle, se veut transversale et subsidiaire. Sa transversalité lui permet de mener une réflexion constructive sur des thèmes communs, en particulier dans les domaines de la méthodologie et de l’évaluation, au service des CNP et en partenariat avec les autres acteurs du monde de la santé. Ces dernières années, la FSM a signé des conventions avec différents partenaires institutionnels : la DGOS, l’IGAS, la HAS, l’ANSM, l’INPES, l’ONIAM. « Entre 2010 et 2012, la FSM est allé chercher des partenariats, a proposé des collaborations, s’est fait connaître, explique Valérie Le Borgne, déléguée générale de la FSM. Aujourd’hui, ce sont les organismes qui viennent solliciter la FSM. C’est une évolution positive. » Ces conventions concernent essentiellement l’expertise. « C’est le corps de métier de la FSM », indique Valérie Le Borgne. La FSM répond aux besoins d’experts : un organisme ou un autre lui demande de désigner les experts adéquats pour un groupe de travail sur un sujet donné. Ils ont ainsi l’assurance que les experts ont l’aval de toutes les composantes de la spécialité via le CNP.

L’autre activité importante de la FSM a trait au DPC. Son « comité DPC » réunit une trentaine de représentants des CNP avec une parité hospitaliers/libéraux. Les textes ont confié à la FSM le rôle de désigner la moitié des spécialistes qui siègent au CSI et l’ont chargée d’élaborer avec les CNP les méthodes et les modalités du DPC, en étroite collaboration avec la HAS. « En outre, dans le cadre de la convention avec la DGOS, la FSM a mené une réflexion sur la traduction pratique des textes et sur ce à quoi doit ressembler une programme de DPC, précise Valérie Le Borgne. Nous avons aussi beaucoup communiqué en direction des médecins sur le DPC et nous avons aidé les CNP à le faire. Le comité DPC a également incité les CNP à s’organiser pour avoir un ODPC pour que chaque spécialité s’empare de cette problématique pour maintenir une compétence dans le temps avec une vision prospective de la spécialité. Cette réflexion doit appartenir à la spécialité entière et ne pas seulement être le fait des universitaires et des syndicats. Il faut que ce soit une vision partagée. »

Une nouvelle convention est en passe d’être signée entre la FSM et le CNOM. « Elle porte sur un sujet essentiel, à savoir la réflexion que la FSM doit apporter aux pouvoirs publics sur l’évolution des spécialités, dans un contexte européen. Il s’agit d’harmoniser la réflexion sur les référentiels métiers élaborée par les différentes spécialités. »

Catherine Sanfourche

 

Le budget de la FSM

Le financement de la Fédération des Spécialités Médicales est abondé par les cotisations des CNP et de subventions provenant pour l’essentiel du ministère de la Santé. Pour l’année qui s’achève, le budget de la FSM a été de 720 000 € de produit (cotisations + subventions) et ses dépenses s’élèveront à 650 000 € environ. « Les réserves de la FSM proviennent des excédents des exercices antérieurs et de certaines subventions reçues pour des actions en cours, non encore achevées », précise Valérie Le Borgne, déléguée générale de la FSM. 




Le CNP de Cardiologie et l’ODP2C

Logo ODP2C&BaseLine dessous366 – Le CNP de Cardiologie fait partie des 44 CNP regroupés au sein de la FSM. Il réunit à parité six membres hospitaliers, dont un représentant du Conseil National des Universités, du Collège des Cardiologues des Hôpitaux Généraux et du Collège des Enseignants, désignés par la Société Française de Cardiologie (SFC) et six membres libéraux dont un représentant du Conseil National de l’Ordre des Médecins, du Collège National des Cardiologues Français et de l’UFCV, désignés par le Syndicat National des Spécialistes des Maladies du Cœur et des Vaisseaux (SNSMCV). « C’est le CNP de Cardiologie qui permet une unité de la spécialité dans toutes ses composantes face aux institutions, souligne Christian Ziccarelli, le président du SNSMCV. Grâce au CNP de Cardiologie, nous avons pu mettre en place un Organisme des DPC de cardiologie. L’ODP2C, comme on l’appelle, est l’organe de DPC pour l’ensemble des cardiologues, hospitaliers et libéraux. Il a été validé par le Conseil Scientifique Indépendant (CSI) et pourra mettre en œuvre ses programmes de DPC à partir du 8 janvier prochain à l’occasion des Journées Européennes de Cardiologie et via l’UFCV qui organisera plusieurs actions en 2014. »

Catherine Sanfourche




Entretien : Pr Olivier Goëau-Brissonnière : « La FSM joue un rôle de facilitateur »

366 – Président de la FSM, il estime positive l’action de la structure pour faire travailler de façon collégiale les différentes composantes du corps médical.

 

Pr Goëau-Brissonnière
Pr Olivier Goëau-Brissonnière © FMS

Olivier Goëau-Brissonnière. Nous sommes encore en phase de construction, mais notre activité est de plus en plus importante et je dirai qu’aujourd’hui, comme cela est inscrit dans notre convention avec le ministère de la Santé, « la FSM est un partenaire essentiel de l’Etat ». A cet égard, il faut d’ailleurs souligner que depuis quelques semaines, cette convention est pluriannuelle.

 

Pourtant, la médecine générale ne fait toujours pas partie de la fédération ? Comprenez-vous leur crainte de voir que la médecine générale, « jeune » spécialité, soit en quelque sorte diluée dans la FSM ?

O. G-B. Je précise d’abord que par le biais de certaines composantes, dont les urgentistes, les généralistes sont néanmoins présents dans la FSM. Je ne suis pas vraiment convaincu par l’argument de la « jeunesse » de la médecin générale en tant que spécialité. Après tout, j’appartiens à une spécialité, la chirurgie vasculaire, qui est aussi assez récente. Je crois que la raison pour lesquelles la médecine générale se tient à l’écart de la FSM tient davantage à son organisation très syndicale et donc très politique. Mais nous ne demandons qu’à travailler avec la médecine générale et nous leur avons proposé à plusieurs reprises d’intégrer la Fédération. Je suis persuadé que cela se fera ? Il est quand même un peu aberrant d’avoir des recommandations de pratiques sur un même sujet élaborées par les généralistes d’un côté et les spécialistes de l’autre.

 

Le rôle grandissant de la FSM n’inquiète-t-il pas ? Comment se situent les sociétés savantes par rapport à elle ?

O. G-B. Il y a de la place pour tous. Selon le cas, une expertise peut requérir parfois une fibre plus « syndicale » ou plus médicale. Nous veillons à ce que le rôle respectif des uns et des autres soit respecté. Notre méthode de travail repose sur la transversalité et la subsidiarité. La FSM joue un rôle de facilitateur entre les différentes spécialités et les différentes composantes professionnelles de la profession. Petit à petit, nous parvenons à travailler sur différents sujets de façon collégiale. Avec la FSM, la France fait, à sa manière, ce qui se fait depuis longtemps en Angleterre avec le Collège Royal de Médecine ou au Canada. Tout n’est pas toujours facile, mais la majorité des professionnels estiment que la FSM constitue un progrès.

Catherine Sanfourche




Prévention, parcours de soins, démocratie sanitaire : la nouvelle trinité sanitaire

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(©ISO K/Dalaprod/Goodluz/Andres Rodriguez)

365 – Ainsi donc la Stratégie Nationale de Santé (SNS), idée phare du Gouvernement en matière de santé et qui doit « refonder notre système de santé, reposera sur trois piliers : la prévention, le premier recours et la démocratie sanitaire. Nul ne contestera la nécessité du premier, tant il est vrai qu’il est grand temps de rééquilibrer notre système de santé historiquement fondé sur le tout curatif. Jugeant la loi de santé publique de 2004 était “trop complexe” et ses actions – plus d’une centaine – “trop disséminées”, Marisol Touraine souhaite fonder son action sur “des indicateurs chiffrés” et des priorités en petit nombre ». La ministre en a définit cinq : la jeunesse de « 0 à 25 ans » ; la lutte contre les addictions, source de maladies chroniques qui y sont liées ; la lutte contre le cancer, pour laquelle le Président de la République annoncera un troisième plan l’année prochaine ; la santé mentale « trop négligée au cours des dernières années » ; les personnes âgées, qui « doivent faire l’objet d’actions spécifiques ».

C’est le médecin traitant qui sera identifié comme « le professionnel en charge de la prévention ». A cet égard, la ministre a annoncé l’extension du dispositif conventionnel de la Rémunération sur Objectifs de Santé Publique (ROSP) à l’échelon national, avec la possibilité d’indicateurs régionaux.

« La révolution du premier recours », second pilier de la SNS, promeut la notion de parcours de soins. « Aujourd’hui, je veux fixer une règle d’or, a déclaré Marisol Touraine. Lorsque le médecin prendra en charge un patient, il aura la responsabilité et les moyens de garantir un parcours de soins adapté aux différentes étapes de la prise en charge, avec l’appui de coordinateurs et d’animateurs de parcours. » La généralisation du tiers payant est annoncé pour faciliter l’accès aux soins de premiers recours, ce qui ne fait pas l’unanimité chez les professionnels de santé. Le médecin traitant est affirmé comme étant « le pivot  du parcours de soins, en lien avec l’hôpital et les soins spécialisés ». Pour améliorer le financement d’actions de coordination, le PLFSS 2014 prévoit de nouvelles mesures de soutien au travail en équipe. « J’espère que l’enveloppe de 20 millions d’euros prévu à cet effet sur le FIR sera vraiment affectée à la coordination, commente Jean-François Rey, le président des spécialistes confédérés. Je serai totalement rassuré quand nous aurons vu des mesures concrètes. Ce qui m’intéresse, c’est une réelle coordination entre tous les professionnels de santé, qui ne se limite pas à une coordination ville/hôpital dont seraient exclus les spécialistes de proximité. Le risque n’est pas écarté. » Il n’est pas le seul à le craindre (voir les réactions ci-dessous). Les expérimentations de nouveaux modes de rémunération vont être prolongées et étendus avec «  150 expérimentations de plus ». De nouveaux métiers et des « transferts de compétences » sont annoncés également. Avec un certain flou dans le vocabulaire d’ailleurs.

Pas de coordination sans un système d’information performant

Dans son discours de présentation, Marisol Touraine affirme : « nous accélérerons la délégation de tâches ». Ce n’est pas la même chose et si les médecins sont ouverts aux délégations de tâches, ils n’entendent pas déléguer leurs compétences (voir l’entretien avec Eric Perchicot page 13). Pas de coordination sans un système d’information performant : la ministre a annoncé qu’elle donnerait le « top départ » l’année prochaine du DMP de deuxième génération qui sera ciblé sur les personnes âgées et les malades chroniques. « La révolution du premier recours, ce n’est ni la revanche de la médecine de ville sur l’hôpital, ni l’étatisation de l’offre de soins ambulatoire », affirme Marisol Touraine. Les médecins libéraux ne sont pas rassurés quant au deuxième point et auraient apprécier que la Stratégie Nationale de Santé en dévoile plus sur la réforme de l’hôpital annoncée au moment du rapport Couty.

Avec le troisième pilier de la SNS, il s’agit « d’entrer de plain-pied dans le nouvel âge de la démocratie sanitaire », selon l’expression de la ministre pour laquelle « la qualité d’un modèle de santé publique se mesure désormais à la place qu’il accorde aux patients ». Etant donné le peu de place que les usagers occupent actuellement au sein des différentes instances où leur présence devrait aller de soi, beaucoup reste à faire. Outre l’annonce de la possibilité d’actions collectives en justice dans le domaine de la santé, Marisol Touraine a également affirmé la volonté gouvernementale de faire « progresser la représentation des usagers en permettant aux associations de mieux se former ». Pour l’instant en tous cas, les moyens financiers de le faire ne leur sont pas accordés, comme le constate avec regret le Collectif Interassociatif Sur la Santé (CISS).

Cette Stratégie Nationale de Santé s’inscrit dans la durée : dix ans, c’est le temps que ce gouvernement – qui ne sera plus au pouvoir d’ici là – estime nécessaire pour cette refondation de notre système de santé. Sa concrétisation doit s’amorcer l’année prochaine par une loi de santé publique. Pour la préparer, de novembre prochain à février 2014, des « forums régionaux de santé » vont se dérouler dans les régions, sous l’égide des ARS, mobilisant citoyens, professionnels de la santé, élus et parlementaires. Ce genre d’exercice a déjà eu lieu par le passé, qui n’a pas déboucher sur des textes qui ont satisfait les différents acteurs de la santé… « Nous avons un peu moins d’un an pour persuader Marisol Touraine de ne pas aller vers une étatisation de notre système de santé, commente Jean-François Rey. La ministre nous jure que telle n’est pas son intention, mais attendons la rédaction de la loi. »

 

Tiers payant généralisé l’arbre qui cache la forêt et inquiète

 Depuis le dévoilement de la Stratégie Nationale de Santé par Marisol Touraine, la mesure qui a fait l’objet de nombre de commentaires est celle de la généralisation du tiers payant d’ici à l’année 2017. Il faut dire que pour la présenter la ministre a usé d’un vocabulaire qui ne pouvait que polariser l’attention sur cette mesure qui est un des éléments du « deuxième pilier de la SNS », celui de la structuration de la médecine de parcours à partir des soins de premier recours. « Le fil d’Ariane de ma politique, c’est de lever les obstacles qui entravent l’accès aux soins de nos concitoyens. Voilà pourquoi je veux lancer la révolution du premiers recours. D’abord, en continuant de lever résolument les obstacles financiers aux soins » a déclaré Marisol Touraine. Après avoir souligné l’importance de l’avenant 8 qui permettra de réguler les dépassements d’honoraires, la ministre a révélé l’étape suivante  qui « relève d’une ambition plus ample, qui fait écho à l’immense avancée qu’a constitué la CMU en 1999. Il s’agit de la généralisation du tiers payant pour l’ensemble des soins de ville avant 2017. Concrètement, dans quatre ans, au plus tard, les Français n’auront plus à avancer de frais lorsqu’ils iront consulter un médecin. » On notera au passage que l’horizon 2017, année des présidentielles, n’a sans doute pas été choisi au hasard qui permettrait, dans le bilan du président sortant,  d’inscrire une mesure qui ne peut être que populaire chez les usagers de la santé.

La mesure est toutefois beaucoup moins populaire chez les médecins, comme en témoignent les nombreuses réactions négatives qu’elle a suscitées. « La Stratégie Nationale de Santé pour l’instant se résume surtout aux grands principes d’une politique que tout le monde ne peut qu’accepter, commente Jean-François Rey, président de l’UMESPE (la branche spécialiste de la CSMF). Le problème, comme toujours, ce sont les moyens qui seront mis pour a concrétiser. Et le premier moyen annoncé, c’est le tiers payant généralisé, dont il n’est pas certain vu le bas niveau des consultations chez les généralistes et les consultants spécialistes – qu’il soit vraiment le sésame de l’accès au soins, et qui pose des problèmes techniques qui sont loin d’être résolus. Je me refuse à imaginer quoi que ce soit tant que ces problèmes techniques ne sont pas réglés, et si cela prend autant de temps que le DMP, ce n’est pas pour demain ? Par ailleurs, la ministre doit bien avoir conscience que beaucoup de médecins sont fondamentalement opposés à la généralisation du tiers payant et que l’imposer pourrait cristalliser l’hostilité de praticiens de tous bords, ce qui n’augurerait rien de bon pour la mise en œuvre de l’ensemble de la Stratégie Nationale de Santé. »

« Ne comptez pas sur les médecins pour être des collecteurs de franchises. C’est non. » Lors de l’université d’été de la CSMF, son président, Michel Chassang, a prévenu Marisol Touraine. La CSMF « exige une garantie de paiement des consultations et actes médicaux, sans délai et sans aucun frais supplémentaire ». Par ailleurs, elle met en garde « ceux qui considèrent la généralisation du tiers payant comme la potion magique qui va guérir le système de santé de tous ses maux. Il ne fera pas diminuer les recours aux urgences ». Et surtout, la CSMF déplore que « le risque inflationniste réel consécutif à la démonétisation de la valeur des actes et des consultations » n’ait pas été évalué, pas plus que ses conséquences sur la maîtrise des dépenses de santé.

 

Eric Perchicot (SNSMCV)

« Le paiement fait partie de l’acte thérapeutique »

Pour le secrétaire général du SNSMCV, le paiement de l’acte médical s’inscrit dans la relation médecin/patient et doit donc rester une option. 

PerchicotQuelles réactions vous inspire la Stratégie nationale de santé  présentée par Marisol Touraine ?

Eric Perchicot : C’est une jolie énumération de jolies choses, mais concrètement, on a du mal à voir sur quoi tout cela va déboucher. Parmi les éléments positifs figure évidemment la mise en avant de la prévention. Nous, médecins, lorsque nous sommes face à un malade, c’est très souvent être face à l’échec de la prévention, puisque la pathologie résulte souvent d’une mauvaise hygiène de vie, manque d’exercice, mauvaise alimentation, tabagisme, etc. On ne peut donc que souscrire à cette volonté affichée de faire de la prévention une priorité. Avec comme limite à cette annonce que la prévention coûte très cher et qu’il faudra donc y mettre les moyens nécessaires. Par ailleurs, l’expérience montre qu’expliquer aux gens qu’ils doivent changer leur mode de vie, cela prend du temps. Cette vision globale de la santé est positive, il faut maintenant passer des vœux pieux à la réalité. La page est blanche, nous partons de zéro et j’ai envie de dire « Chiche ! ».

L’idée de parcours de soins, de prise en charge coordonnée doit donc également vous satisfaire ?

E. P. : Bien sûr. Encore faut-il que les pouvoirs publics sortent du dogmatisme. Si le médecin généraliste peut être le coordonnateur du parcours de soins, il ne doit pas être forcément l’acteur tout puissant de l’équipe de soins. Par exemple, dans le cas d’une insuffisance cardiaque, c’est le cardiologue qui doit être le pivot. Donc, oui au parcours de soins coordonné, à condition de préciser la place du médecin généraliste, celle des spécialistes de proximité et celle de l’hôpital qui doit arriver après que l’organisation de ville a été sollicitée et non avant. Il ne peut pas y avoir de coordination efficace avec un cloisonnement ville/hôpital ou généralistes/spécialistes étanche. En outre, la coordination nécessite une fongibilité des enveloppes que l’hôpital redoute. Historiquement, l’hôpital dépend de l’Etat et la médecine libérale de l’Assurance Maladie. La dualité de la gouvernance doit être clarifiée, ce qui signifie souvent que l’Etat prend la gouvernance, et je ne suis pas sûr que l’Assurance Maladie ne soit pas pour nous, libéraux, meilleure alliée.

Que pensez-vous de la généralisation du tiers payant annoncée par la ministre pour favoriser l’accès aux soins ?

E. P. : C’est le type même d’une position dogmatique et qui repose sur une analyse erronée de la situation. Les études montrent d’une part que la première cause de renoncement aux soins est le trop long délai d’attente pour l’obtention d’un rendez-vous, d’autre part que ce renoncement concerne surtout les soins dentaires, les lunettes et l’audioprothèse, très peu les consultations chez les médecins. Gratuité ne signifie pas forcément accès aux soins. Le tiers payant peut être une bonne chose, à condition qu’il ne soit pas obligatoire. Vous remarquerez d’ailleurs que Marisol Touraine dit qu’il sera généralisé mais pas obligatoire. Pour beaucoup de patient, le paiement de l’acte est thérapeutique. Honorer son médecin fait partie de l’acte médical, vouloir généraliser le tiers payant c’est méconnaître la relation soignant/soigné. Le tiers payant doit rester une option inscrite dans cette relation soignant/soigné. Mais d’autres choses dans la stratégie nationale de santé sont potentiellement dangereuses.

A quoi faites-vous allusion ?

E. P. : Je pense au pouvoir donné aux Agences Régionales de Santé. je me méfie de la régionalisation. Laisser la main aux ARS, c’est risquer des applications délétères de la règle conventionnelle nationale qui doit s’appliquer partout de la même façon. En outre, il importe que la gouvernance soit équilibrée entre la ville et l’hôpital. Or, je n’oublie pas que les ARS sont issues des ex-Agences régionales de l’hospitalisation. Une autre mesure de la SNS part d’une analyse erronée. Le Gouvernement répond à la faible démographie médicale actuelle pour proposer des délégations de compétences. Cela n’a pas de sens : on peut déléguer des tâches mais pas des compétences. Par ailleurs, le numerus clausus ayant été relevé, nous connaîtrons une pléthore médicale à partir de 2023. Donc, attention de ne pas trop déléguer, car dans dix ans, nous risquons d’avoir trop de médecins généralistes et des compétences déléguées dans des conditions n’assurant pas forcément la qualité. Que des transferts de tâches s’effectuent pour la prévention vers des professionnels non-médecins formés pour cela, d’accord. Mais quand il s’agit de confier l’adaptation des doses d’anticoagulant à des non-médecins, je dis non ! Oui aux délégations de tâches, non aux transferts de compétences.

Globalement, comment jugez-vous la Stratégie Nationale de Santé ?

E. P. : Encore faut-il que la mise en musique soit bonne ! Et pour cela, il faut mettre autour de la table  tous les acteurs concernés pour une vraie concertation. Le tiers payant doit rester une option. Le travail en équipe, d’accord, à condition de préciser la place de chacun.

 

Les réactions sur la Stratégie Nationale de Santé (SNS)

 CSMF « Trop de questions sans réponse »

La confédération présidée par Michel Chassang note « quelques points positifs » dans la Stratégie Nationale de Santé. Rappelant qu’elle a soutenu la Rémunération sur Objectifs de Santé Publique (ROSP) introduite dans la convention de 2011, elle « se félicite de voir que la santé publique via la prévention et l’augmentation de la part des ROSP est désormais une priorité de la future réforme de notre système de santé ». De même, la CSMF trouve « logique » que dans le cadre de la généralisation de la complémentaire santé le Gouvernement « renforce les critères imposés aux contrats que proposeront les organismes complémentaires ». Elle souhaite pourtant que « le remboursement des compléments d’honoraires modérés par les praticiens adhérents au contrat d’accès aux soins fasse partie de la couverture minimale obligatoire qui sera offerte à tous les salariés, sans contrainte pour les médecins du secteur 2 ».

A côté de ces deux points positifs, la CSMF considère « plus nombreux  les points négatifs » de la SNS qui, pour elle, relèvent tous du même ver dans le fruit : « le fait que le Gouvernement veut élargir singulièrement les missions des ARS et leur donner tout pouvoir sur la médecine de ville ». « Révolution du premier recours », peut-être, mais « rétrécie et sous la coupe des ARS ». Le syndicat pluri-catégoriel estime en effet que « sans la médecine spécialisée », elle est « une aberration ». Des parcours de soins ? Soit, mais à condition qu’ils soient organisés par les médecins libéraux et « non des opérateurs institutionnels non médicaux, notamment, ceux de “plate-formes” d’appui des ARS dont la seule vocation serait d’orienter les parcours et de remplacer la décision médicale par une décision étatique ».

De même, la CSMF refuse que la rémunération des équipes des soins soit confiée aux ARS mais « exige qu’elle soit intégrée au cadre conventionnel ». Enfin, redoutant que « la future loi sur la SNS ne soit le véhicule d’une étatisation des soins de ville via les ARS », elle soupçonne le Gouvernement de ne pas réformer l’hôpital et de « tenter, une fois de plus, de pressurer la médecine de ville en la livrant aux soins de l’administration ».

SML « Une erreur stratégique »

Le Syndicat des médecins libéraux classe le tiers payant généralisé parmi les mesures de « nature inquiétante » de la SNS et la juge « contreproductive pour favoriser un accès aux soins ». Le SML condamne également le parcours de soins qui « fait abstraction des spécialistes et des autres professionnels de santé de proximité. « Le modèle organisationnel projeté qui place l’hôpital public au centre du dispositif avec des médecins territoriaux satellisés en accueil du premier recours constitue une erreur stratégique », estime le syndicat présidé par Roger Rua. Le SML « ne peut que se féliciter de la priorité donnée à la prévention sans pour autant partager les solutions proposées ».

FMF « Dix-huit mois pour ça ! »

Sous le titre « Marisol Touraine est la ministre des mesures phares pour éclairer en plein jour ! », la Fédération des médecins de France ne retient rien des propositions énoncées dans la Stratégie Nationale de Santé qu’elle commente aussi brièvement et qu’ironiquement. Le tiers payant généralisé ? Cela servira à quoi alors que « 95 % des médecins généralistes sont en secteur 1 et acceptent tous CMU, AME » et « pratiquent le tiers payant si nécessaire, malgré l’opposition de certaines caisses départementales ». Relancer le DMP ? En neuf ans, « 500 millions d’euros ont été engloutis pour un résultat nul alors qu’une messagerie sécurisée entre professionnels de santé serait possible en six mois et pour 24 millions ». Quant à la construction de 300 maisons médicales dans les déserts médicaux, le syndicat de Jean-Paul Hamon admet que c’est « une bonne nouvelle pour le bâtiment » mais s’interroge : « Avec quels médecins ? »

CISS « SNS : Du pain sur la planche »

Le Collectif interassociatif sur la santé « partage les constats présentés » par Alain Cordier et Marisol Touraine et la cohérence des trois axes retenus qui « nécessitent des évolutions puissantes ». Ainsi, le CISS estime que « faire le choix de la prévention, c’est offrir des financements adaptés à ce changement d’échelle » – quand actuellement « seulement 5 % à 6 % du budget des ARS y est consacré ! » – et passer de la prévention médicalisée à la promotion de la santé, donc « parier sur la société civile et ses organisations ». Pour le collectif, favoriser le parcours de soins implique une tarification autre que le paiement à l’acte, « sans quoi le service public territorial de santé ne sera qu’une appellation contemporaine pour des offres de soins juxtaposées et sans beaucoup de lien avec les offres sociales, comme par le passé ». Quant au renforcement du droit des patients, le CISS l’approuve, bien entendu, mais souligne qu’ « après l’échec du financement des associations des le cadre du FIR en 2013, le prochain PLFSS doit marquer le changement ».

Las ! A la lecture du PLFSS 2014 « déconnecté de la Stratégie National de Santé, le CISS a pu constaté qu’il ne contenait aucun financement pour la prévention et que le troisième pilier de la SNS était toujours « sans le sou ».




Ne tirez pas sur les cliniques

Happiness

364 – Catherine Sanfourche – Dans les déclarations ministérielles, il n’est question que de décloisonnement et de complémentarité entre hospitalisation publique et hospitalisation privée. Pourtant, sur le terrain, la réorganisation de l’offre de soins se fait souvent en faveur de l’hôpital public. Les cliniques, qui ont effectué – et continuent d’effectuer – une restructuration sans précédent, ont changé de visage et représentent aujourd’hui 34 % de l’activité hospitalière. Elles revendiquent les mêmes missions que l’hôpital public et les moyens de les assurer.

 

« Madame la ministre, sommes-nous si mauvais élèves ? » C’est ainsi que l’hospitalisation privée interpellait Marisol Touraine en juin dernier, par l’intermédiaire d’une pleine page de publicité dans Le Monde et titrée « Les cliniques privées privées de ministre », et dont le visuel montrait un chirurgien coiffé d’un bonnet d’âne et au coin… Le texte du président de la branche médecin-chirurgie-obstétrique de la Fédération de l’Hospitalisation Privée (FHP-MCO), Lamine Gharbi, déplorait le « boycott » de l’hospitalisation privée par Marisol Touraine qui, un an après son arrivée au ministère de la santé, n’avait pas visité une seule clinique et n’avait honoré de sa présence ni le congrès de la FHP, ni la cérémonie de remise des trophées de l’hospitalisation privée. « Et ce n’est pas faute de vous avoir invitée. Vous avez refusé de venir voir sur le terrain les réalités de nos métiers et de nos missions ». « Nos 200 000 professionnels – dont 156 000 infirmiers, sages-femmes, aides-soignants, administratifs, hôteliers et 45 000 médecins libéraux et salariés – qui œuvrent avec excellence, dévouement et efficience pour la santé des Français n’ont-ils pas droit eux aussi à votre considération ? », interrogeait-il, avant de regretter « le dogmatisme d’une ministre qui échoue sur le terrain du dialogue hospitalier en ignorant un secteur entier qui représente 27 % de l’offre de soins et 33 % de l’activité en France ». Frédéric Valletoux, président de la Fédération Hospitalière de France a dénoncé cette initiative, pointé les « arguments fallacieux » utilisés à l’égard du secteur hospitalier public et réaffirmé que « les cliniques ne font pas le même métier parce qu’elles sont dans une logique économique de sélection de leurs activités et qu’elles n’ont pas les mêmes contraintes que le service public ».

Une antienne qui a commencé avec le développement des cliniques privées au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, avec la création de la Sécurité Sociale. Ne pouvant fixer librement leurs tarifs, elles ont alors développé une stratégie de volume. C’est d’ailleurs pour cela qu’en 1970, puis en 1991, 1992 et 1996, des textes ont été votés qui visaient à encadrer la croissance des cliniques et à contrôler leur volume d’activité. Ces contraintes ajoutées aux coûts des plateaux techniques qu’a imposés le progrès médical ont entraîné une restructuration de l’hospitalisation privée sans précédent et qui a fait de nombreux « morts » : ces quinze dernières années, environ cinq cents établissements ont disparu. Entre 1992 et 2000, tandis que le secteur public enregistrait une réduction de 7 % du nombre de ses établissements pour les activités MCO, 16 % des cliniques privées ont disparu pour les mêmes activités. Un important mouvement de concentration s’est amorcé qui se poursuit aujourd’hui.

Acquisitions, fusions et regroupements se sont multipliés et continuent de se multiplier, souvent avec l’intervention d’investisseurs privés. Dans son rapport annuel 2012 sur l’hôpital, l’IGAS évoque cette croissance des groupes-cliniques. « Au total, la quarantaine de groupes de cliniques (dont cinq groupes nationaux et une vingtaine de groupes régionaux) rassemble aujourd’hui un peu plus de 600 des 1 050 cliniques, c’est-à-dire 58 % des entités juridiques mais 68 % des capacités du secteur, en raison de la taille moyenne plus importante des ces établissements », indique l’IGAS. Quand les cliniques comptaient 70 à 80 lits dans les années 1970, elles en comptent aujourd’hui plusieurs centaines.

Graphe Focus
Les spécialités dans lesquelles les effectifs médicaux sont les plus importants
(+ 1 000 praticiens)

Une situation fragile

Pour autant, la situation des cliniques n’est pas sans nuage, et dans son rapport sur « l’évaluation de la place et du rôle des cliniques privées dans l’offre de soins », l’IGAS décrit « un secteur relativement fragile dont la rentabilité économique stagne ou diminue légèrement, dans un contexte d’intensification de la concurrence avec le secteur hospitalier public ». Les cliniques disposant de portefeuilles d’activités plus spécialisés que ceux des établissements des autres secteurs sont de ce fait plus exposées aux variations tarifaires. L’IGAS observe cependant que « les plus grandes d’entre elles développent des stratégies de diversification vers des disciplines traditionnellement plus représentées à l’hôpital public afin de mieux atteindre les volumes d’activité recherchés et de se protéger de ces variations tarifaires ».

Par ailleurs, le rapport de l’IGAS souligne les « difficultés » rencontrées par le régulateur, national ou régional, pour favoriser le retour à l’équilibre des hôpitaux publics et poursuivre la recomposition de l’offre de soins, tout en observant une certaine neutralité entre les deux secteurs et en mobilisant des instruments de planification et de régulation qui soient « incontestables ». Les cliniques qui se voient en ce moment supprimer des activités au profit de l’hôpital public et savent ce qu’il en est de la neutralité de la tutelle, apprécieront l’euphémisme du mot « difficultés ».

 

Camembert PDSES
Nombre de médecins par spécialité participant à la PDSES en 2011.

Des gages de la ministre de la Santé au secteur privé

La publicité dans Le Monde n’a pas été sans effet, puisqu’en juillet dernier, Marisol Touraine a visité un hôpital privé à Trappes, dans les Yvelines. Lors d’une entrevue avec les responsables de la FHP en marge de cette visite, la ministre a donné quelques gages au secteur privé, qui réclame un traitement équitable entre les secteur hospitaliers.

« Il faut réfléchir en termes de territoire et d’offre de soins, a déclaré Marisol Touraine. Il faut garantir une prise en charge de l’ensemble de la population, indifféremment, entre hôpital public et hôpital privé. » Les cliniques ne réclament pas autre chose. Mais sur le terrain, certaines décisions de la tutelle au détriment du secteur privé font penser que l’équité n’est pas pour tout de suite.

 

L’hospitalisation privée en chiffres

25 % de l’offre hospitalière

 1 097 établissements 

• 114 000 lits et places 

• 130 structures d’urgences

• 3 600 lits de soins intensifs 

34 % de l’activité hospitalière

• 8,8 millions de patients accueillis

• 6 millions de séjours MCO

• 220 000 naissances

• 2 millions de séances d’hémodialyse

• 2,3 millions de patients accueillis aux urgences

• 36 % des séjours MCO

• 54 % de la chirurgie

• 66 % de la chirurgie ambulatoire

• 24 % de l’obstétrique

• 31 % des séances de chimiothérapie

• 46 % des séjours de chirurgie carcinologique

• 31 % des soins de suite et de réadaptation

• 17,3 % des journées de psychiatrie

• 14,5 % des journées d’hospitalisation à domicile

Qualité des soins

• 95 % des établissements certifiés, aucune non-certification

Dynamisme de l’emploi

• 42 000 praticiens exercent dans l’hospitalisation privée, dont 89 % de médecins libéraux :

+ 17 % de médecins salariés depuis 2007 et près de 220 internes accueillis depuis 2011

Au total, le secteur emploie plus de 154 000 salariés (dont 78 % de personnel soignant)

• 54 000 infirmiers

• 32 000 aides-soignants

• 3 000 sages-femmes

• 1 900 masseurs-kinésithérapeutes)




« Nous voulons les mêmes missions que l’hôpital public »

364 – Catherine Sanfourche – Selon le président de la branche médecine-chirurgie-obstétrique de la Fédération de l’Hospitalisation Privée (FHP-MCO), la convergence tarifaire entre public et privé permettrait une économie de 7 milliards d’euros.

Gharbi Lamine 1La FHP-MCO a porté plainte auprès de la Commission européenne contre l’Etat français pour financement discriminatoire au profit des hôpitaux publics. Où en êtes-vous de cette plainte ?

Lamine Gharbi : Notre plainte porte sur le financement discriminatoire qui se fait en France au profit des hôpitaux publics. D’une part, il est avéré qu’il existe un écart moyen de 20 % de tarif pour un même acte entre le public et le privé, au détriment du privé. D’autre part, alors que le secteur privé participe aussi aux missions de service public, il ne perçoit que 1,1 % de la dotation MIGAC. Nous devrions avoir un premier éclairage de la part de Bruxelles dans les prochains mois. Je signale que nous ne sommes pas les seuls à avoir engagé une telle action ; la Belgique et la Suède l’ont fait aussi et pour les mêmes raisons. Cette disparité est inadmissible et contreproductive. En Allemagne, la convergence des tarifs a permis de dégager 9 milliards d’euros d’économies et l’on estime qu’en France elle pourrait dégager 7 milliards d’euros.

 

La FHP a voulu voir dans la première visite de Marisol Touraine à un établissement privé, à Trappes, en juillet dernier, une première rencontre « importante et engageante pour l’avenir ». Où en sont vont rapport avec la ministre et quels sont vos attentes et vos propositions ?

L. G. : Nous avons eu deux rencontres avec son cabinet, qui ont porté sur les emplois aidés et la révision des normes, que nous appelons de nos vœux depuis des années. Il s’agit de supprimer les factures papier dont le traitement donne lieu à un travail énorme. Nous souhaiterions aussi que les versements de l’Assurance Maladie aux cliniques soient faits en une seule fois et non sous forme d’acomptes comme actuellement. Au-delà de cela, nous voulons surtout les mêmes missions que l’hôpital public. Nous voulons que les tarifs hospitaliers soient les mêmes que ceux du secteur privé, donc la convergence tarifaire. Alors que le développement de l’hospitalisation ambulatoire est recommandé, nous souhaitons un tarif moyen pondéré entre l’hospitalisation et l’ambulatoire. Et nous réclamons des services d’urgences. Il en existe actuellement cent cinquante en France dans des établissements privés, nous en demandons cent de plus.

Par ailleurs, nous n’avons toujours pas digéré qu’on nous donne d’une main le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, pour nous le reprendre de l’autre par une baisse accrue des tarifs. Nous sommes donc très inquiets d’une mesure qui pourrait être dans le prochain PLFSS et qui consisterait en une baisse des tarifs appliquée aux établissements privés dont le chiffre d’affaire augmenterait d’une année sur l’autre. Cet « ONDAM personnel » constituerait pour nous un véritable casus belli.

 

Lors de sa visite à Trappes, la ministre a annoncé qu’elle mettrait en place un observatoire de da coopération entre secteurs public et privé d’ici à la fin de l’année et qu’elle attendait des propositions de la FHP sur le sujet. Ou en est votre réflexion ? 

L. G. : On compte cent soixante coopérations public-privé en France actuellement. Mais rien ne progresse pour l’instant. Ce que je constate, c’est que la restructuration de l’hospitalisation s’est faite, parfois douloureusement, avec de nombreuses fermetures, mais qu’aujourd’hui, la redistribution des cartes se fait surtout via le non-renouvellement des autorisations pour les établissements privés.

 

En effet, dans de nombreux endroits, une restructuration de l’offre de soins se fait en faveur de l’hôpital public et au détriment des cliniques privées, et pas toujours au bénéfice de la population, semble-t-il. Comment l’expliquez-vous ?

L. G. : Les pouvoirs publics ne parlent de complémentarité public-privé que lorsqu’ils sont en situation de faiblesse, c’est-à-dire quand ils ont besoin de nous. Mais quand nos établissements sont en difficulté, ils les ferment ! Et cela, quelle que soit la couleur politique, je me suis tout autant opposé à Roselyne Bachelot et à Xavier Bertrand. La vraie raison est électoraliste : les 200 000 électeurs que représente l’hospitalisation privée ne pèsent pas lourd comparés au million d’électeurs des hôpitaux ! Mais je suis optimiste,  nous arriverons à obtenir la parité de traitement.

 




A Montluçon comme ailleurs, le cloisonnement demeure

364 – Catherine Sanfourche – Pour sortir l’hôpital de ses difficultés, la tutelle a décidé d’y rapatrier l’USIC située dans la polyclinique Saint-François. L’hôpital s’est retiré du Groupement de coopération sanitaire. Fin d’une tentative de partenariat public/privé

Marisol Touraine, a beau prôner le décloisonnement de notre système de santé, la coordination et la complémentarité entre ses différents acteurs, les cardiologues libéraux  exerçant dans le secteur hospitalier privé ont du mal à y croire, tant les exemples se multiplient où l’on voit les ARS déclarer tout à trac qu’ici, une clinique cardiaque se fondra dans un site unique au sein du CHU, que là les urgences spécialisées du secteur privé ne bénéficieront plus du FIR ou que tel service de chirurgie cardiaque d’une excellence unanimement reconnue devrait fusionner avec celui –à la médiocrité tout aussi reconnue- de l’hôpital public local (voir l’éditorial de Christian Ziccarelli). Cela se passe en Rhône-Alpes, en Alsace, dans le Nord-Pas-de-Calais ou… en Auvergne, à Montluçon, par exemple.

Dans cette ville de l’Allier inscrite dans un bassin de santé caractérisé par une population vieillissante et précaire, l’hôpital public n’en finissait pas de se dégrader,  économiquement, médicalement (départs non remplacés de médecins), et a accumulé les déficits depuis une dizaine d’années. A la suite d’un rapport de l’IGAS, l’établissement public a été mis sous tutelle administrative depuis le printemps dernier. « En ce qui concerne la cardiologie, explique Jean-Pierre Binon, cardiologue à la polyclinique Saint-François de la ville et président de l’URPS Auvergne, après le départ de l’hôpital la quasi-totalité des cardiologues en 2007, un Groupement de Coopération Sanitaire (GCS) a été créé l’année suivante, en 2008, avec un une USIC basée à la polyclinique Saint François et une dizaine de lits à l’hôpital. Le GCS n’a pas vraiment fonctionné et le cloisonnement a vite repris le dessus. Mais cela a quand même permis d’assurer la cardiologie à Montluçon, avec à l’époque cinq cardiologues libéraux et un à trois cardiologues hospitaliers. »  C’est dans ce contexte que survient le rapport de l’IGAS qui préconise notamment pour le redressement de l’hôpital « de nouvelles activités », à savoir une unité neurovasculaire pour la prise en charge des AVC et…  le « rapatriement des soins intensifs cardiologiques sur le site de l’hôpital et de l’ouverture d’un plateau de cardiologie interventionnelle ».

 

Une action qui privilégie le public… au détriment des patients

« Remettre de l’activité cardiologique à l’hôpital, cela signifie la piquer à la polyclinique, commente Jean-Pierre Binon. Le 1er septembre, le CGS a été cassé et l’hôpital s’en est retiré. Le seul cardiologue exerçant à l’hôpital et qui prenait des gardes à l’USIC n’en prend plus. Nous ne sommes plus que quatre à les assurer. L’USIC est donc fragilisée, d’autant plus que des consignes écrites ont été données pour que, en fonctions des pathologies, les patients soient orientés sur divers établissements à Moulins, Vichy ou Clermont-Ferrand mais pas vers l’USIC. Cette fin du partenariat public/privé, ce véritable boycott de l’USIC est grave car cela retarde la prise en charge cardiologique des patients, puisqu’il n’y a ni urgences cardiologues, ni cardiologue de garde à l’hôpital de Montluçon. »

Dans ce conflit, l’ARS ne dit mot. « Nous réclamons une discussion, mais elle reste muette. Tout a basculé avec la mise sous tutelle de l’hôpital et l’arrivée des administrateurs. Il fallait, certes, faire évoluer le GCS, mais ce n’est pas l’option qui a été choisie. Pour le renflouer, il a été décidé de recréer un service de cardiologie dans un hôpital qui n’a pas su le faire vivre et où il n’y a plus de compétences cardiologiques, pas d’angiologue, pas de chirurgien vasculaire, ex nihilo, dans un environnement qui n’est pas sécurisé. Ce qui se passe ici illustre parfaitement la politique du Gouvernement qui privilégie l’hôpital public au détriment du privé. »




Entretien Nicolas Brun (CISS) : « Il faut mener une démarche de santé communautaire au sein des territoires »

362-363 – Catherine Sanfourche – Président d’Honneur du Collectif Interassociatif Sur la Santé et coordonnateur au pôle Protection sociale – Santé de l’Union Nationale des Associations Familiales (UNAF), Nicolas Brun commente les résultats du Baromètre 2013 du CISS.

 

BrunQuels sont pour vous les éléments les plus marquants du Baromètre 2013 du CIS ?

Nicolas Brun : Tout d’abord, le baromètre met en évidence que les Français ont une très grande confiance en leur médecin, particulièrement en leur médecin traitant, qui est leur interlocuteur direct. Cela a de quoi rassurer le monde de la santé. L’autre élément qui me semble très important est ce qui est signifié à propos d’internet. L’internet est un outil qui donne un complément d’information, qui peut servir à réassurer, à préparer une consultation, mais l’élément principal reste le dialogue avec le médecin, la relation humaine privilégiée et affirmée comme le lien nécessaire entre le patient et celui qui le prend en charge. Mais internet rénove et renforce ce dialogue. Avant, il y avait le médecin qui savait et face à lui, le patient qui ne savait pas. Les gens étant de plus en plus informés, ce modèle devient minoritaire. Le modèle qui tend à devenir dominant actuellement est celui dans lequel les patients veulent savoir et vont chercher l’information sur internet. Le professionnel de santé doit s’appuyer sur cette réalité dans son dialogue avec le patient. Internet ne joue pas contre lui, au contraire, il peut renforcer la confiance du patient dans son médecin qui reste le professionnel qui va l’aider à décrypter l’information collectée sur Internet.

 

Comment interprétez-vous le déficit de connaissance de leurs droits que montre le Baromètre 2013 ?

N. B. : Il y a dix ans, les réponses auraient été encore plus négatives : certains droits n’existaient pas ou étaient éparpillés, illisibles. De ce point de vue, la loi du 4 mars 2002, dite loi Kouchner, a eu une vertu pédagogique évidente : la notion de droit est passée dans la population. Après, on constate, bien sûr, une hétérogénéité des connaissances. Les droits concernant la fin de vie, par exemple, sont les plus mal connus. Comment l’expliquer ? Il y a sans doute plusieurs raisons, la principale étant peut-être que, tant qu’on n’est pas confronté à ce problème, on ne va pas spontanément chercher l’information. En revanche, les gens ont parfaitement assimilé maintenant leur droit d’accéder à leur dossier médical, même si dans le concret, cet accès pose encore des problèmes d’ordre pratique. C’est une évolution positive, d’autant que, dans l’immense majorité des cas, les gens veulent accéder à leur dossier non pour contester l’avis du médecin, mais pour pouvoir dialoguer d’égal à égal en termes d’informations médicales. Contrairement à ce qu’ont craint les médecins, l’accès au dossier médical n’a pas déclenché une judiciarisation, comme en témoigne le nombre de procédures judiciaires qui ne s’est pas envolé.

Plus généralement, je pense que la méconnaissance qu’ont les gens de leurs droits en matière de santé provient d’un déficit d’information. Il y a peu de campagnes d’information sur ces sujets. Et lorsqu’il s’agit de directives européennes – comme celle concernant les soins transfrontaliers – elles sont rédigées en anglais, ce qui est un obstacle de plus dans leur diffusion auprès des Français et donc, dans leur appropriation par la population.

 

Les associations arrivent en tête des acteurs jugés les plus légitimes pour représenter et défendre les intérêts des malades, avec un score en hausse de 12 points par rapport à 2012, mais elles obtiennent un score moins bon en tant que source d’information sur la santé. Comment expliquez-vous cette ambiguïté ? 

N. B. : La hausse n’est sans doute pas étrangère aux récentes affaires sanitaires : il est certain que le public nous reconnaît une indépendance et la capacité à représenter les intérêts des malades en cas de problème. Pourtant, l’image des associations est quelque peu troublée du fait de leur financement par les laboratoires. Il s’agit là d’une juste interrogation démocratique. Mais pour nous, le problème est réel, puisque le financement privé est désormais interdit et que le financement public est en baisse.

La participation des usagers à la démocratie sanitaire est une bonne chose, mais il faut les recruter, les former, etc. On donne aux associations d’usagers de plus en plus de responsabilités, et c’est bien, mais pour cela, elles ont besoin de moyens. Sans moyens, le risque est de voir les associations se recentrer exclusivement sur les pathologies.  Nous sommes au milieu du gué, et la situation est difficile.

Le CISS revendique une représentation des usagers au sein des différentes instances, avec un pouvoir décisionnel, et non pas seulement pour avis. Pensez-vous y parvenir ?

N. B. : La participation des usagers revient à faire bouger les lignes, à introduire un tiers dans des instances où l’on ne sera plus entre experts et à créer des sphères d’influence nouvelles. En 2000, le CISS s’est créé autour du combat pour l’accès au dossier médical et le collectif a emporté le morceau. Depuis, notre réflexion est davantage transversale. Les associations et les blogs influents vont continuer de se développer, porteurs d’une parole reconnue par de nombreuses personnes. Mais parallèlement, il faut mener une démarche de santé communautaire au sein des territoires ; il serait intéressant d’associer les gens d’un quartier à ce que doit être la mission d’un établissement ou d’un ensemble de professionnels de santé. Les choses se construisent doucement, dans la difficulté : on manque de moyens financiers et il faut que le système se décloisonne. Nous sommes dans une période intermédiaire, beaucoup de choses ont déjà été faites, mais beaucoup reste à faire. n

 




Les Français et leur santé : l’âge de raison

362-363 – Catherine Sanfourche – Plusieurs baromètres santé interrogent les Français sur leur perception du système de santé et leurs attentes. La connaissance de leurs droits progresse, leur confiance dans les professionnels de santé ne faiblit pas et ils sont satisfaits dans l’ensemble du système de santé, même s’ils disent ressentir une détérioration et constatent que le reste à charge des dépenses a augmenté ces derniers temps. Face à la nécessité de préserver le système solidaire de protection sociale, la majorité des Français estime que des économies peuvent être faites sans entamer la qualité des soins, notamment par le développement de la prévention et de l’éducation thérapeutique. 

Fenêtre sur1

En ce printemps à la climatologie hasardeuse, les baromètres fleurissent, qui auscultent les opinions des Français sur notre système de santé sous tous ses aspects. Pour la sixième année consécutive, la Collective Interassociatif Sur la Santé (CISS) a publié son baromètre 2013 des droits des malades à l’occasion de la Journée européenne des droits des patients, le 18 avril dernier (1). Le premier enseignement qu’il donne est que les Français font avant tout confiance aux professionnels de santé comme sources d’information sur la santé, médecin traitant en tête (94 %), suivi de près par les médecins spécialistes (91 %) et les pharmaciens (86 %). Viennent ensuite les complémentaires santé (72 %), les proches (70 %), les organismes publics (68 %), devant les associations (63 %). Il faut noter que si les Français sont de plus en plus nombreux à surfer sur internet en quête d’informations santé, ils accordent à ce média une fiabilité toute relative et le placent en queue de peloton (33 %). Pour autant, plus de la moitié (53 %) le considèrent comme le moyen d’être mieux informé pour dialoguer avec le médecin. Mais que les professionnels de santé se rassurent : les services de santé en ligne (consultations médicales, carnets de santé électroniques, etc.) n’inspirent confiance qu’à 24 % des Français qui, dans leur écrasante majorité (91 %) estiment qu’ils ne peuvent remplacer les services de santé traditionnels.

Interrogés sur le sentiment qu’ils ont que les droits des patients sont bien appliqués ou non, les trois quarts des Français (77 %) estiment respecté le droit d’accéder aux soins. Le droit d’être soulagé de la douleur ou celui d’être informé sur les soins reçus sont aussi largement perçus comme étant bien appliqués par plus de deux tiers des Français. Mais on remarque un décrochement significatif quand il s’agit de l’information sur le prix des soins et le niveau de leur remboursement : moins de la moitié des Français (48 %) estime que ce droit est bien appliqué.

D’ailleurs, l’aspect problématique du financement de la santé est une constante qui ressort des différents sondages. Ainsi, le baromètre santé 2013 Deloitte et Harris Interactive (2) montre lui aussi une satisfaction globale à l’égard du système de santé : 71 % des Français estiment facile l’accès aux soins et 84 % jugent satisfaisants les remboursements de leur complémentaire. Avec néanmoins un bémol : deux tiers d’entre eux estiment que le fonctionnement et la qualité de l’Assurance Maladie se sont dégradés au cours de la dernière année et les trois quarts (76 %) ont le sentiment que leur reste à charge a augmenté depuis un an. Près de 90 % des Français jugent d’ailleurs trop élevé le prix de certains actes médicaux et des médicaments. Dans ce contexte, 41 % des Français veulent que le contrôle et la limitation des honoraires libres soient une priorité gouvernementale.

Dans leur majorité, ils souhaitent maintenir le système de protection sociale en l’état ; seuls 35 % se disent prêts à voir augmenter leurs cotisations pour maintenir le niveau de remboursement de leurs dépenses de santé. Car la couverture santé est une priorité pour les Français. Plus d’un quart d’entre eux serait même prêts à ne plus adhérer au régime de base pour souscrire une assurance maladie à 100 %. Mais sans recourir à cette solution radicale, il est évident que la responsabilisation des usagers va croissant pour garantir la viabilité de notre système de santé : près des trois quarts d’entre eux estiment que les coûts peuvent être réduits sans dégradation de la qualité, 65 % sont convaincus que la prévention a un impact important sur les curatifs, 58 % qu’elle peut reculer l’âge d’entrer dans la dépendance et la moitié est favorable à la mise en place de programme d’ETP pour améliorer l’observance et limiter les coûts des pathologies chroniques ou sévères.

La période de récession que nous traversons a de quoi angoisser les Français, notamment en ce qui concerne la prise en charge de leur santé, qui reste une priorité pour eux. Mais, manifestement, ce contexte de crise les rend lucides et plus responsables : ils savent qu’on ne peut dépenser sans fin et signifie qu’ils sont prêts à tenir leur partition dans la régulation du système de santé.

(1) Sondage LH2 réalisé les 22 et 23 mars derniers par téléphone auprès d’un échantillon de 1 003 personnes représentatif de la population française âgée de 15 ans et plus.
(2) Sondage réalisé par questionnaire autoadministré entre les 7 et 18 février derniers auprès d’un échantillon représentatif de 2 000 personnes majeures.

 




Les Français et le médicament : la confiance les yeux ouverts

362-363 – Catherine Sanfourche – Pour la troisième fois, Ipsos a réalisé pour Les Entreprises du Médicament (LEEM) « l’observatoire sociétal du médicament ». En cette période où le vent de la contestation à fortement soufflé sur les médicaments, on pouvait s’attendre à voir fléchir la confiance des Français dans les médicaments. Il n’en ai rien, au contraire : 87 % des personnes interrogées déclarent leur confiance dans le médicament quand ils n’étaient « que » 84 % en 2012 et 82 % en 2011… Et ce n’est pas parce qu’ils ignorent tout des récentes polémiques : 52 % disent avoir entendu parler du livre des Professeurs Even et Debré (Guide des 4000 médicaments utiles, inutiles et dangereux) et 95 % ont eu vent de la polémique sur les pilules de 3e et 4e générations. Quant aux médecins généralistes, interrogés pour la première fois cette année dans le cadre de cet observatoire, ils sont 94 % à affirmer aussi cette confiance dans le médicament.

Fenetre sur2Dans son analyse des résultats, le LEEM avance plusieurs explications à  cette « apparente contradiction ». Tout d’abord, le patient est confiant parce qu’il est un acteur « conscient des risques et qui s’informe ». 43 % des Français disent prendre des médicaments tous les jours (hors pilule contraceptive) et 92 % estiment que les médicaments qu’ils prennent sont efficaces d’une manière générale. Ils sont 77 % à considérer que depuis vingt ans, les médicaments se sont améliorés d’une façon générale. « Même s’ils ne nient pas les problèmes rencontrés par certains médicaments, commente le LEEM, les Français s’en remettent avant tout à leur vécu, à leur “longue” relation avec les médicaments ».

En second lieu, les Français montrent, selon le LEEM, « une réelle maturité et une implication forte ». Si plus des deux tiers jugent que leur médecin (64 %) ou leur pharmacien (68 %) leur donnent assez d’information sur les médicaments prescrits et délivrés, ils sont autant à aller rechercher des informations supplémentaires sur les effets indésirables, les contre-indications et la posologie. Pour ce faire, ils consultent la notice (48 %) et Internet (46 %). Lors de la première prise d’un médicament, ils sont d’ailleurs 97 % à lire la notice et consulter les informations figurant sur la boîte.

Cette appétence pour l’information a tout naturellement fait évoluer la relation que les Français entretiennent avec leur médecin. Plus de la moitié (51 %) déclare avoir déjà parlé avec leur médecin des informations qu’ils ont recueillies sur Internet à propos de leurs symptômes ou de leur maladie. Et les médecins confirment : tous disent avoir connu cette situation. Tout comme ils confirment largement (96 %) qu’on leur demande souvent la prescription d’un médicament en particulier (62 % des Français disent l’avoir déjà fait) ou être contestés dans leur prescription (un quart des personnes interrogées dit avoir déjà montré leur désaccord). Pour le LEEM, « le fait de pouvoir discuter, débattre et remettre en cause participe aussi du processus de confiance dans le médicament ». Les médecins auront peut-être une autre interprétation !

De même peut-on s’interroger sur l’affirmation du LEEM selon laquelle la multiplicité des acteurs de la chaîne du médicament parce qu’elle serait « rassurante sur leur capacité à s’interréguler » renforcerait aussi la confiance des Français dans le médicament. Les dernières « affaires »  ont pu aussi laisser penser que cette multiplicité des acteurs diluait les responsabilités et empêchait parfois les prises de décision ad hoc.

En revanche, on ne s’étonne pas de constater que la confiance dans les médicaments est d’autant plus grande qu’ils bénéficient d’une caution médicale : la confiance atteint 93 % pour les médicaments sur ordonnance contre 66 % pour ceux délivrés sans ordonnance. La caution publique qu’apporte le remboursement est aussi facteur de confiance : 92 % des Français se fient aux médicaments remboursés contre 74 % qui se fient à ceux non pris en charge. De même, les Français font plus confiance aux princeps (88 %) qu’aux génériques (70 %). Rien d’étonnant dans ces conditions que seuls 4 % des personnes interrogées aient déjà acheté des médicaments sur internet.

Enfin, si 63 % des Français disent voir une bonne image de l’industrie pharmaceutique, soit 3 % de plus qu’en 2012, leur vision du secteur est « positive, mais sans concession », indique le LEEM. Ainsi, 90 % d’entre eux (et 96 % des médecins) estiment que l’objectif premier des entreprises pharmaceutiques est de faire du profit et usagers et médecins s’accordent (83 %) pour penser qu’elles « ne font de la recherche que pour des médicaments financièrement rentables ». Confiants dans le médicament les Français ? Oui, mais lucides.

 

Spécialistes, on vous aime !

Selon le troisième baromètre du Groupe Pasteur Mutualité, 93 % des Français font « tout à fait » ou « plutôt » confiance aux spécialistes, un iota de plus qu’aux généralistes (92 %). L’écoute (59 %), l’expérience (54 %), la disponibilité (37 %) et la capacité à prendre des décisions rapides (32 %) sont les critères sur lesquels s’assoie cette confiance. Concernant l’écoute et la disponibilité, les généralistes (75 %) l’emportent sur les spécialistes (64 %). En revanche, au chapitre de l’expérience, les personnes interrogées font davantage confiance aux spécialistes et aux hospitaliers (83 %) qu’aux généralistes (70 %) pour « s’adapter aux évolutions des soins et s’informer sur les nouvelles techniques médicales applicables aux patients ». Las ! L’accès aux spécialistes n’est pas évident : seuls 35 % des Français estiment qu’ils sont « bien répartis » sur le territoire (40 % ont le même sentiment à l’égard des généralistes).

Sur l’aspect financier des choses, le baromètre montre qu’une majorité des Français (78 %) jugent la consultation d’un spécialiste « trop chère », moins cependant que les soins dentaires (87 %).




Hôpital public : le rapport Couty, et après ?

361 – Conformément aux priorités du gouvernement socialiste, Marisol Touraine a ouvert le chantier du Pacte de confiance pour l’hôpital en affirmant qu’il s’agissait de tourner la page de la loi HPST. La mission dirigée par Edouard Couty a remis son rapport il y a quelques semaines. Les propositions qui y sont faites ont été accueillies plutôt favorablement par la communauté hospitalière. On n’en dira pas autant du rapport de Dominique Laurent sur l’activité privée à l’hôpital qui hérisse les médecins libéraux. La ministre de la Santé annonce de la concertation à tout va. Mais les hospitaliers estiment que cette concertation doit impliquer tous les acteurs, ne pas s’éterniser et déboucher rapidement sur des mesures concrètes de réforme.

Pour n’être pas très volumineux (72 pages), le rapport de la mission dirigée par Edouard Couty n’en est pas moins dense. En effet, 46 propositions visent à reconstruire le service public hospitalier, à rénover la gouvernance hospitalière et la tarification, à refondre le cadre du dialogue social à l’hôpital et à améliorer les relations entre les établissements et les tutelles, en particulier avec les agences régionales de santé (ARS). 

Reconstruire le service public hospitalier

Le Service Public Hospitalier (SPH) est confié à l’hôpital public et aux ESPIC mais « tout ou partie de ce SPH peut être attribué dans certaines conditions aux établissements rivés commerciaux ». Ce SPH doit s’inscrire dans un territoire et l’approche de l’organisation du système autour du parcours de soins ou parcours de vie. « L’objectif est de faire coopérer réellement et efficacement toutes les structures et tous les professionnels concernés, notamment les professionnels libéraux. Pour cela, il importe de définir le territoire et de clarifier le positionnement des différents acteurs en disposant d’outils adaptés tels que projet de territoire et contrat de territoire. » Edouard Couty préconise « des expérimentations notamment en vue de confier au médecin traitant la coordination du parcours du patient ». Bien sûr, un tel projet nécessite d’« investir prioritairement dans les systèmes d’information permettant aux établissements de communiquer entre eux et avec tous les professionnels de santé ».

Rénover la gouvernance

Pour « rétablir une gouvernance équilibrée », le rapport Couty propose que cette gouvernance repose sur trois piliers :

Le conseil d’établissement – remplaçant l’actuel conseil de surveillance – serait un conseil délibérant et chargé de surveiller l’exécutif. Son champ de compétence serait élargi à la politique d’amélioration continue de la qualité, de la sécurité des soins et de la gestion des risques, aux conditions d’accueil et de prise en charge des usagers, au règlement intérieur ainsi qu’à la stratégie financière de moyen et long terme. Son président serait élu dans les collèges représentant les élus, les personnalités qualifiées et les usagers. Il devrait être doté des moyens de s’assurer de la bonne mise en œuvre de ses décisions, disposer d’un audit interne et pouvoir faire appel à des audits externes.

Le conseil de direction remplacerait l’actuel directoire en en gardant les compétences. Le nombre de ses membres ne devrait pas être fixé de manière réglementaire, mais dépendre du contexte local et de la taille de l’établissement. Le conseil de direction serait composé du directeur de l’hôpital, du président de la CME, du doyen de la faculté de médecine dans les CHU et du directeur des soins. Libre à ce « noyau dur » de désigner les autres membres du conseil.

Instances consultatives issues des professionnels et des usagers. Edouard Couty préconise de revoir les domaines de compétence des instances consultatives. Concernant la CME, il propose d’élargir ses compétences à l’accueil des étudiants et des internes, à l’intégration des professionnels médicaux nouvellement recrutés, à la modernisation des ressources humaines, au développement du dialogue social et en matière d’information sur la stratégie financière et les investissements. Il est également propos de « faire évoluer la composition de la CME » pour y intégrer une représentation des étudiants en médecine, pharmacie et odontologie. Quel que soit le collège concerné, tous les membres de la CME devraient être élus par leurs pairs.

Ajuster le mode de financement

Un financement mixte. Dans ce chapitre, le rapport veut corriger les effets pervers de la T2A, qui est jugée inflationniste, qui incite à la concurrence plus qu’à la coopération, conduit à segmenter l’activité et ne permet pas de prendre correctement en charge les polypathologies et les maladies chroniques. Edouard Couty propose donc un financement mixte comportant trois volets : la T2A pour les activités MCO de court séjour, un mode de financement pour les maladies au long cours adapté au parcours de soins et une part en dotation pour les missions d’intérêt général et de service public (MIG). Concernant la part T2A, il est suggéré d’introduire « plus de transparence dans l’élaboration et la maintenance des tarifs, de bien déterminer le périmètre et la nature des charges fin ancées par ces tarifs et de prendre en compte l’activité de tous les professionnels, notamment les infirmiers ». Le rapport Couty recommande de passer de la NGAP à une CCAM « pour financer de manière juste le temps médical. Les expérimentations doivent être favorisées pour le financement par épisode de soins ou le financement du parcours de soins.

Améliorer les relations avec les tutelles 

Un « manque réciproque de confiance » : c’est le constat fait par la mission Couty. Pour y remédier, le rapport émet un certain nombre de propositions pour « recentrer l’Etat central sur son rôle de stratège ». Il s’agit de « prévenir et d’éviter les injonctions contradictoires » et de cadrer l’action des ARS à partir d’objectifs généraux et de méthodes d’action « afin de leur laisser marge de manœuvre et capacités d’initiatives ». Edouard Couty considère également qu’il faut « mieux définir au plan méthodologique l’élaboration des contrats entre les ARS et les établissements ».

13 engagements ministériels

Dès la remise de ce rapport, la ministre des Affaires sociales et de la Santé a pris 13 engagements à partir des propositions de la mission Couty. Marisol Touraine confirme la réintroduction de la notion de service public hospitalier dans la loi qui précisera « ses acteurs, des missions, des droits et obligations ». Le service public territorial permettra de « reconnaître une responsabilité collective de service public à l’ensemble des acteurs de santé d’un territoire ». La ministre a également confirmé le renforcement des prérogatives des CME – qui devrait se concrétiser par un décret avant l’été prochain – et avancé l’idée d’un « contrat de gouvernance » entre le directeur d’établissement et le président de la CME. Au chapitre du financement de l’hôpital, elle s’engage à poser les premiers jalons d’une tarification de parcours. Le comité de réforme de la tarification devra lui remettre avant le 30 juin prochain un rapport d’orientation assorti de mesures immédiates qui seraient introduites dans le prochain PLFSS.

Cependant, la concrétisation dans les textes du Pacte de confiance pour l’hôpital, qu’il faut bien appeler une nouvelle réforme hospitalière, n’est pas pour demain. Marisol Touraine a en effet annoncé l’ouverture d’une vaste concertation, dont les conclusions sont attendues pour cette année, voire 2014 pour les changements les plus complexes. Ce calendrier ne va pas sans inquiéter la communauté hospitalière : plutôt favorable aux propositions de la mission Couty, elle qui estime qu’il ne faudrait pas s’attarder trop longtemps dans les discussions et qu’il est grand temps de passer aux actes.

 

Les différents statuts d’établissements

810 centres hospitaliers (CH) y compris les ex-hôpitaux locaux. Cette catégorie intermédiaire d’établissements assure la majeure partie des prises en charge de court séjour en Médecine, Chirurgie et Obstétrique (MCO) ainsi que la prise en charge et les soins pour les personnes âgées. 

33 Centres Hospitaliers Régionaux (CHR) assurent les soins les plus spécialisés à la population de la région ainsi que les soins courants à la population la plus proche.

Les Centres Hospitaliers Universitaires (CHU). Ce sont des CHR ayant passé une convention avec une unité de formation et de recherche médicale au sein d’une ou de plusieurs universités.

90 Centres Hospitaliers Spécialisés (CHS) en psychiatrie.

Les Établissements de Santé Privés d’Intérêt Collectif (ESPIC) regroupent les 19 centres de lutte contre le cancer ainsi que 688 autres établissements privés à but non lucratif. Les ESPIC représentent 14 % des lits et places du secteur hospitalier.

1  047 établissements de santé privés à but lucratif. Ces établissements, dénommés le plus souvent « cliniques », représentent environ un quart des lits et places du secteur hospitalier.

 

Patrick Jourdain « Il faut passer de l’idée à l’action »

Cardiologue responsable du département de cardiologie ambulatoire au Centre hospitalier de Pontoise (95), le Dr Patrick Jourdain estime que le rapport de la mission conduite par Edouard Couty est porteur de grands espoirs. Mais tout dépendra de ce qui sortira de la concertation qui va s’engager maintenant.

 

Comment réagissez-vous au rapport de la mission Couty ? 

Patrick Jourdain : D’une manière générale, je trouve le rapport Couty très constructif. Il va dans le sens d’un rééquilibrage en faveur de la prise en charge des patients et il affirme la prévention comme une mission du service public. La gouvernance est elle aussi rééquilibrée, donnant plus de place aux usagers, redonnant un rôle plus important à la CME. Marisol Touraine a repris treize mesures, parmi lesquelles le service public territorial de santé, qui me semble un gros progrès : on en peut en effet faire tout partout. Le parcours de soins est essentiel, car le grand défi que nous avons à relever est celui de la maladie chronique. La politique d’investissement à l’échelle régionale – un peu comparable à ce qui se fait en Allemagne – est pertinente. Mais avant d’enclencher la réforme, on va passer par la phase de concertation, ce qui peut être problématique. D’une part, il faut éviter de rester dans la discussion sans passer à l’action, car dans la crise actuelle, on voit bien que les malades ont de plus en plus de mal à se soigner. D’autre part,  ce qui sortira de cette concertation dépendra beaucoup de qui sera autour de la table. La démarche proposée par le rapport Couty est bonne, mais pour l’instant, on n’est encore que dans l’idée. Le rééquilibrage sera effectif si l’on dépasse l’effet d’annonce. Les Schémas Régionaux d’Investissement en Santé (SRIS) seront pertinents si la représentativité des acteurs est bonne et reflète la réalité de l’offre de soins : les CHU, les CH, les CHG ont des recrutements et des activités différents. Dans la phase de concertation qui va s’ouvrir, il faut que tous les effecteurs de soins soient représentés à l’échelle de ce qu’ils représentent.

Le rapport Couty propose une diversification de la tarification avec, en particulier, un mode de financement des maladies chroniques adapté au parcours de soins du patient. Qu’en pensez-vous ?

P. J. : Ce type de financement est essentiel. Dans mon activité, par exemple, les patients chroniques ont besoin d’éducation thérapeutique. Mais cet acte n’est pas rémunéré par la T2A et chaque fois que j’en prescris, je fais perdre de l’argent à ma direction ! Je sais que beaucoup de mes confrères doivent se battre pour maintenir ce type d’activité. La prévention, l’ETP coûtent de l’argent. Mais dans l’objectif d’efficience, il faudrait sortir de la vision purement comptable et se poser les bonnes questions : combien de patients, guéris, combien de patients allant mieux. C’est la reconnaissance de cette efficience-là qui importe.

Ne trouvez-vous pas que le rapport Couty reste relativement discret sur le décloisonnement ville/hôpital, dont Marisol Touraine fait pourtant une priorité ?

P. J. : Ce décloisonnement, on en parle depuis des décennies, mais il était difficile dans un tel rapport d’aller plus loin que les généralités à ce sujet. Je crois qu’en la matière, tout vient d’une réelle volonté des acteurs de terrain de travailler ensemble, de connaître et de comprendre ce que font les autres.
Si l’on a une vraie gestion territoriale, avec une réelle représentation des acteurs locaux, on parviendra à des solutions. Je pense qu’il faut partir d’une pathologie donnée et travailler à l’échelon d’un territoire de santé, cela ne peut fonctionner que comme ça.

Tout va donc dépendre de la concertation future ?

P. J. : Le rapport Couty et les mesures retenues par Marisol Touraine apportent un grand espoir. Il y a là un beau diamant à ne pas ébrécher !
Les gens attendront de voir ce qui va sortir de la concertation : la discussion ne doit pas d’éterniser, elle doit impliquer toutes les parties, qui devront se reconnaître dans les choix qui seront arrêtés. Si chacun ne se sent pas dans le bateau, cela ne marchera pas.

 

Activité privée à l’hôpital

Le rapport qui scandalise les libéraux

Les adaptations de l’avenant 8 suggérées par le rapport de Dominique Laurent sur l’activité privée à l’hôpital provoquent la colère des médecins libéraux. Ils n’acceptent pas le traitement de faveur fait aux hospitaliers justifié par des expertises et compétences jugées supérieures.

En décembre dernier, un amendement parlementaire encadrant assez strictement l’activité libérale à l’hôpital public avait été retiré à la demande de Marisol Touraine, la ministre s’étant avisée qu’il n’était pas opportun de légiférer avant que ne lui fut remis le rapport qu’elle avait commandé à la conseillère d’Etat Dominique Laurent sur le sujet (voir Le Cardiologue n° 357). L’amendement rejeté proposait l’encaissement par l’hôpital des revenus de l’activité libérale avec reversement ultérieur au praticien, l’obligation pour les médecins de fournir leur planning d’activité libérale et une majoration de la redevance due au titre de l’activité privée quand elle dépasserait un certain seuil. Les neuf recommandations du rapport de la mission Laurent sont assez en-deçà de l’amendement parlementaire et ne risquent pas de modifier significativement les pratiques en cours à l’hôpital public. 

Pour l’essentiel, le rapport Laurent préconise d’ « appliquer l’avenant n° 8 de manière adéquate à l’activité libérale dans les établissements publics de santé en contrôlant les dépassements excessifs d’honoraires, tout en tenant compte de ses spécificités ». Et pour l’essentiel, ces spécificités se résument dans le rapport à des « expertises et compétences » propres aux hospitaliers. Le texte mérite d’être cité in extenso : « La mission a estimé que le fait d’exercer comme PU-PH ou praticien hospitalier dans un EPS à temps plein conférait à cette activité les caractéristiques d’une activité de recours et que les critères d’expertise et de compétence devaient dans ces cas être présumés. Le contenu intellectuel spécifique des actes des praticiens hospitaliers doit être ainsi mieux pris en compte car les pathologies plus graves qu’ils traitent, les actes techniques plus longs et plus difficiles qu’ils pratiquent, les patients plus lourds auxquels ils délivrent des soins, pour lesquels ils mobilisent un savoir et une expérience intellectuelle spécifiques, justifient une rémunération spécifique, et différente de celle afférente à un acte technique banal, à une consultation pour pathologie courante et pour un patient traité sans difficulté. La notion “d’expertise et de technicité” retenue par l’avenant correspond à ces cas de figure et doit permettre que les dépassements fondés sur une forte plus-value intellectuelle soient considérés comme non abusifs ». Le rapport Laurent voit pour preuve de cette plus-value supérieure le fait que les PUPH puissent coter C3 (69 euros).

Les médecins de ville apprécieront la « médecine à deux vitesses » selon Dominique Laurent… A vrai dire,  ils n’apprécient pas, mais alors pas du tout. La CSMF se dit « stupéfaite d’une telle préconisation qui fait injure aux praticiens libéraux en niant leur plus-value intellectuelle et leur technicité ». Concernant la cotation 3C, elle « constitue en soi une injustice flagrante » pour la Confédération, qui rappelle qu’elle en réclame l’extension depuis de nombreuses années pour tous les praticiens libéraux « afin de valoriser les consultations complexes à forte valeur ajoutée médicale dans le cadre de la CCAM clinique ». La CSMF « exige que les critères définis dans l’avenant n° 8 s’appliquent à tous comme cela était prévu dès le départ ». Pour Jean-François Rey, « on ne peut pas comprendre qu’il y ait deux poids, deux mesures et que l’opacité perdure sur l’exercice privé d’une partie de nos confrères ». « Les dépassements abusifs qui font la Une des médias concernent 400 médecins, dont 200 hospitaliers. Qui pourrait concevoir qu’on sanctionne les 200 praticiens de ville hors des clous et pas les 200 hospitaliers ? Etre un “grand nom” de l’hôpital ne dispense pas de respecter les règles. Les honoraires des hospitaliers et leurs dépassements doivent être transparents et les règles doivent être les mêmes pour tous. Ces praticiens qui pratiquent des dépassements exorbitants n’ont rien à faire dans le secteur conventionnel et n’ont qu’à passer en secteur 3, hospitaliers comme libéraux. »

« Ouh, on a peur ! »

Le rapport Laurent propose par ailleurs de « mieux identifier l’activité publique du praticien » pour mieux évaluer, par comparaison, le volume de son activité privée, de mettre en place dans les hôpitaux « une charte déontologique de l’activité libérale » portant notamment sur l’information du patient quant aux honoraires pratiqués. Enfin, le rapport préconise le renforcement des Commissions d’Activité Libérale (CAL) en les chargeant de contrôler le plafond de 20 % d’activité libérale autorisé par « des contrôles par sondages à partir des tableaux de service et des contrôles des cahiers de blocs opératoires ». « Ouh, on a peur ! ironise le CISS. Tout le monde sait que ces commissions ne remplissent pas leur mission et n’en ont d’ailleurs pas les moyens. » Le Collectif interassociatif sur la santé estime que le rapport Laurent « propose de ne rien changer » et « invite les parlementaires à se saisir à nouveau de cette question à l’occasion du PLFSS 2014 ».

Le ministère de la Santé a annoncé une « large concertation » sur les suites réglementaires et législatives à donner aux propositions de Dominique Laurent. Là encore, tout dépendra de qui concerte, et de qui obtiendra gain de cause auprès de la ministre : des hospitaliers, qui avaient manifesté leur hostilité à l’amendement parlementaire, ou des praticiens de ville outragés par la discrimination introduite par le rapport Laurent entre les compétences et expertises hospitalières et les leurs.




Démarrage pas certain

359-360 – Instauré en 2009, le Développement Professionnel Continu devait être opérationnel en 2010, Marisol Touraine l’avait annoncé pour le courant 2013 et il ne démarrera sans doute vraiment qu’au début de l’année prochaine. Tout est pourtant en place pour son fonctionnement, mais son financement n’est pas à la hauteur de ses ambitions et des espérances des médecins. Le Cardiologue fait le point sur le DPC

C’est devenue une habitude : depuis les ordonnances Juppé de 1996 qui a instauré l’obligation de formation continue pour les médecins, les diverses réforme concernant la FMC d’abord, la FMC et l’EPP ensuite ont tant tardé à se mettre en place qu’elles ne l’ont jamais été tout à fait. Institué par l’article 59 de la loi HPST de juillet 2009, le Développement Professionnel Continu (DPC), qui allie formation et évaluation, devait initialement être opérationnel début 2010 ! C’était sans compter avec a mise en musique de la loi par les textes d’application : il est bien connu que c’est toujours dans les détails que se loge le Diable… 

Inutile de revenir sur le long cheminement du DPC qui, après plus de trois ans, n’est toujours pas opérationnel ! Pourtant, aujourd’hui, tous les textes sont parus et les instances – Organisme de Gestion du DPC (OGDPC), Commission Scientifique Indépendantes (CSI) – sont installées.

Enfin, la CSI ne l’est pas depuis si longtemps que cela. Sa première composition au début de 2012 ayant suscité l’opposition du Collège de médecine générale et de plusieurs syndicats, un nouveau décret pris au début de cette année l’a révisée : aux 22 représentants initiaux des conseils nationaux de spécialités d’exercice (dont cinq pour la médecine générale), ont succédé deux sections de 17 membres chacune, l’une rassemblant des représentants du Collège de médecine générale, l’autres rassemblant des représentants des Conseils Nationaux de Spécialités (CNP) des autres spécialités. La présidence du CSI sera tournante et assurée chaque année alternativement par le président de l’une des deux sections. Francis Dujarric, président de la section spécialiste, occupe la fonction cette année, avant de laisser la place l’année prochaine à Serge Gilberg, président de la section généraliste.

Méthodes et modalités selon la HAS

Dans le dispositif du DPC, c’est à la Haute Autorité de Santé que revient de tenir « le discours de la méthode » ou plutôt des méthodes auxquelles les organismes de DPC doivent  se conformer pour élaborer leurs programmes. A la fin de l’année dernière, la HAS a donc publié la liste de ces méthodes et modalités, qui précise « les exigences méthodologiques portant sur les programmes, les supports utilisés, les intervenants et la traçabilité de l’engagement des professionnels ». Les méthodes sont regroupées en six grandes approches : « à dominante pédagogique ou cognitive », « à dominante d’analyse des pratiques », « intégrée à l’exercice professionnel », « dispositifs spécifiques » (accréditation des médecins exerçant une activité à risque, notamment), « enseignement et recherche », et « simulation ». Pour chacune de ces six grandes approches, la HAS précise les types d’actions qu’elle recouvre (formation présentielle, formations à distances, groupes d’analyse des pratiques, bilan de compétences, ETP, revue bibliographique et analyse d’articles…). A chaque type d’action correspond une « fiche technique méthode » qui donne la définition de cette action, sa description détaillée et précise les éléments de « traçabilité ».

Le document consultable sur le site de la HAS (www.has-sante.fr) détaille également les conditions de « traçabilité de l’engagement des professionnels ». Ainsi les médecins devront décrire leur implication  dans un programme de DPC en renseignant, chaque année, un bilan individuel d’activité, et conserver certains documents justificatifs comme les attestations de présence, par exemple.

Du côté ministériel, la Direction de l’offre de soins a publié les six orientations nationales (voir encadré ci-contre) que devront suivre les organismes de DPC (ODPC) dans l’élaboration des programmes qu’ils proposeront aux professionnels de santé. Les cardiologues quant à eux ont constitué leur OGDPC-Cardio. « L’assemblée générale constitutive a eu lieu le 15 février dernier, explique son président, Patrick Assyag. Il s’agit d’une association loi de 1901 qui aura pour objectif de mettre en place des programmes pour les cardiologues hospitaliers et libéraux. » Le vice-président est un hospitalier, le Pr Michel Desnos, le secrétaire général également, le Pr Ariel Cohen, tandis que la trésorière, Elisabeth Pouchelon, est une libérale, comme le président.

Un financement problématique

Bref, tout est en place, et pourtant, le DPC ne rentrera certainement pas en vigueur avant l’été comme l’avait indiqué Marisol Touraine en septembre dernier. Qu’est-ce qui fait obstacle ? Le financement, bien sûr, qui n’est pas celui qu’attendaient les médecins. C’est en décembre dernier que l’annonce de la dotation globale du DPC des médecins a fait l’effet d’un coup de tonnerre : ce sera 83 millions d’euros pour 2013 au lieu des quelque 160 millions d’euros espérés. Sans doute trop naïvement, les médecins pensaient qu’aux 75 millions d’euros de la Formation Professionnelle Conventionnelle (FPC) s’ajouterait la moitié de la taxe de 160 millions exigée de l’industrie pharmaceutique pour financer la formation continue des praticiens libéraux et hospitaliers. Et bien, non ! Le financement du DPC des médecins sera intégralement assuré par l’industrie du médicament, ce qui ne manque pas d’étonner : a-t-on assez dénoncer l’influence de ladite industrie sur les prescripteurs via la formation… Les syndicats médicaux ont bien sûr crié au scandale et dénoncé ce « hold up » des fonds conventionnels. Mais pour l’heure, sans résultat : l’enveloppe globale consacrée au DPC des médecins cette année s’élève à 83,2 millions d’euros. Toujours en décembre dernier, l’OGDPC avait annoncé que le forfait par médecin pour cette année serait de 2 990 euros, ce qui ne laissait envisager que deux jours de formation annuelle par médecin. Cependant, une récente réunion de la section paritaire médecins de l’OGDPC a revu les modalités des forfaits : si le forfait maximal de prise en charge par programme reste inchangé à 2 990 euros, l’enveloppe de DPC dédiée par médecin a été fixée à 3 700 euros. « Le médecin aura ainsi la possibilité de s’inscrire à autant de programmes de DPC qu’il le souhaite dans la mesure où l’enveloppe le lui permet », estime le directeur général de l’OGDPC, Monique Weber. « Cela permettra d’augmenter le volume de formation annuel, surtout avec la possibilité qui est donnée de panacher des formations présentielles et non présentielles », indique Patrick Assyag.

Dans ces conditions, l’objectif de former près de 27 800 médecins cette année serait atteignable, ce qui correspondrait à une augmentation des effectifs formés de 45 % par rapport à 2011 selon  l’OGDPC, qui souligne la nécessité d’une montée en charge du système, l’objectif de 100 % de médecins formés ne pouvant être atteint dès la première année. Sans doute, surtout avec un budget aussi restreint ! Si l’on songe que 120 000 médecins libéraux sont concernés par l’obligation de DPC, il faudra bien alourdir l’enveloppe.

 

Six orientations nationales pour 2013

Arrêtées par le directeur général de l’offre de soins, Jean Debeaupuis, pour la ministre des Affaires sociales et de la santé, les six orientations nationales pour le DPC ont été publiées au Journal Officiel au début du mois. Pour chacune d’entre elles l’arrêté précise quels devront être les programmes de DPC proposés aux professionnels.

 

1 – CONTRIBUER À L’AMÉLIORATION DE LA PRISE EN CHARGE DES PATIENTS

Pour cette orientation, les programmes concerneront notamment « l’optimisation des stratégies diagnostiques et thérapeutiques dans les pathologies aiguës et chroniques », la « promotion du parcours de santé et de soins », la « promotion des actions de prévention et de dépistage ».

 2 – CONTRIBUER À L’AMÉLIORATION DE LA RELATION ENTRE PROFESSIONNELS DE SANTÉ ET PATIENTS

Favoriser le bon usage et l’observance des traitements, améliorer la prise en charge de la douleur et développer l’éducation thérapeutique du patient sont parmi les objectifs fixés pour les programmes afférant à cette orientation.

3 –  CONTRIBUER À L’IMPLICATION DES PROFESSIONNELS DE SANTÉ DANS LA QUALITÉ ET LA SÉCURITÉ DES SOINS AINSI QUE DANS LA GESTION DES RISQUES

Les programmes viseront à « améliorer la connaissance des enjeux de sécurité sanitaire et des procédures de déclarations d’événements indésirables » ou encore à « développer la culture de gestion des risques au sein des équipes (pluri)professionnelles, notamment à travers la démarche qualité et les procédures de certification ».

4 –  CONTRIBUER À L’AMÉLIORATION DES RELATIONS ENTRE PROFESSIONNELS DE SANTÉ ET AU TRAVAIL EN ÉQUIPES PLURIPROFESSIONNELLES

Pour cette orientations, les programmes de DPC concerneront « l’élaboration de référentiels et de coopération professionnelles », la « coordination de la prise en charge », les « coopération interprofessionnelles », la formation des maîtres de stage et tuteurs des étudiants, mais aussi le « développement des systèmes d’information et le dossier médical (DMP et dossier pharmaceutique) », la télémédecine, la « gestion économique et la maîtrise médicalisée des dépenses de santé ».

5 – CONTRIBUER À L’AMÉLIORATION DE LA SANTÉ ENVIRONNEMENTALE

Deux objectifs seulement pour les programmes de cette orientation : la « connaissance  par les professionnels de santé de données existantes sur les liens entre pathologies et facteurs environnementaux » et « les actions que peuvent mettre en place les professionnels de santé » inscrites dans le plan national de santé environnement 2009-2013 et le plan national de santé au travail 2010-2014.

6 –  CONTRIBUER À LA FORMATION PROFESSIONNELLE CONTINUE 

Les programmes se rapportant à cette orientation concernent l’univers du travail (économie et gestion de l’entreprise, bilan de compétences, validation des acquis ?…)

 

Le DPC en pratique

Le Développement Professionnel Continu comprend l’acquisition et l’approfondissement de connaissances et de compétences dans le cadre d’une formation médicale continue associée à une phase évaluative correspondant à une analyse des pratiques professionnelles. 

 

Pour être validant, un programme de DPC doit répondre aux règles suivantes :
– être conforme à une orientation nationale et/ou régionale de DPC ;
– être réalisé par un organisme DPC librement choisi par le professionnel de santé, enregistré auprès de l’organisme de gestion de DPC et validé par la Commission Scientifique Indépendante (CSI) ;
– associer deux actions, l’une cognitive de formation médicale, l’autre évaluative d’analyse des pratiques professionnelles ;
– être mis en œuvre selon une méthode et des modalités validées par la HAS après avis de la CSI ;
– satisfaire dans ce cadre, aux conditions qui permettent d’apprécier l’indépendance et la qualité du programme, d’une part, et la participation effective du professionnel de santé, d’autre part.

Les actions de formation comprennent les formations diplomantes, les réunions professionnelles et les formations à distance.

Les actions d’analyse des pratiques professionnelles peuvent prendre des formes variées, basées sur la comparaison à un référentiel tel l’audit clinique, sur la résolution des problèmes telle que l’on peut le montrer dans les revues de morbi-mortalité ou les groupes d’analyse de pratiques, sur la protocolisation des prises en charge (revue de concertation pluridisciplinaire), enfin sur le suivi d’indicateurs.

L’Union nationale de Formation et d’évaluation en médecine CardioVasculaire (UFCV), agréée pour la FPC par l’ancien CNFMC, et pour l’évaluation des pratiques professionnelles par la HAS, permet aux cardiologues de valider le DPC.

Le programme de 2013 offre aux cardiologues plusieurs possibilités :
– suivre une formation présentielle avec un audit de pratique avant et après la formation, suivie d’une conférence téléphonique de restitution des résultats ;
– valider un programme DPC en assistant à un programme non présentiel (audit suivi d’une formation non présentielle, d’un deuxième audit et d’une conférence téléphonique de restitution des résultats) ;
– réaliser son DPC en participant à un groupe d’analyse des pratiques entre pairs (GAP).

 

Arnaud Lazarus
« Des centaines d’organismes à évaluer d’ici l’été »

Membre titulaire de la Commission scientifique indépendante où il représente les cardiologues, Arnaud Lazarus estime qu’un certain retard dans le calendrier prévisionnel du DPC est inéluctable, mais il ne voit pas d’obstacle majeur à sa réalisation même si la question de son financement reste à résoudre.

La mise en œuvre du DPC vous semble-t-elle envisageable dans les délais prévus ?

Arnaud Lazarus : Tous les problèmes ne sont encore pas résolus à ce jour. Il y a eu des avancées suivies de reculs dans la constitution du dispositif, en particulier, la composition de la Commission scientifique indépendante a été modifiée, ce qui a entraîné un certain retard dans son travail. Dans les mois qui viennent, la CSI va devoir évaluer des centaines d’organismes, qui ont reçu des autorisations transitoires jusqu’à l’été. Pour les seuls médecins, ce sont quelque 500 organismes qui sont à évaluer. Cela représente un travail titanesque pour des gens qui travaillent en dehors de la CSI ! Il me semble difficile dans ces conditions de tenir le calendrier prévisionnel.

Le problème du financement du DPC n’est pas encore réglé ?

A. L. : C’est une autre grande inconnue. Beaucoup de questions persistent encore. La CSI est maintenant constitué à parité de deux sous-collèges spécialiste et généraliste. Les spécialistes sont davantage habitués à des congrès et symposiums financés par l’industrie pharmaceutique, tandis que les généralistes, qui ont fonctionné jusque là essentiellement avec la FPC, sont hostiles au financement de l’industrie dans la formation. Mais il faut un financement pour le DPC, et s’il vient de l’industrie sans que celle-ci exerce la moindre influence sur la formation – ce qui était le cas jusqu’à présent – ce peut être une excellente chose.
Je crois qu’il ne faut pas être dogmatique et s’enfermer dans le « zéro financement de l’industrie », mais être pragmatique : l’Etat est exsangue et ni de son côté, ni du côté des médecins, on ne trouvera l’argent nécessaire pour financer le DPC de tous les médecins. Les points de vue ne convergent pas encore tout à fait, mais il faudra s’entendre, et même si cela prend du temps, nous trouveront une solution.
Sans doute la mise en œuvre du DPC prendre-t-elle un peu de retard, mais en tout cas, je n’imagine absolument pas une remise en cause radicale du système, qui serait catastrophique pour les médecins.

Justement, quel est leur état d’esprit, selon vous, vis-à-vis du DPC ?

A. L. : Il ne faut pas se cacher qu’actuellement, un certain attentisme prévaut chez eux pour s’impliquer dans le DPC : ils ont été si souvent échaudés ces dernières années.
Mais depuis le temps que cette nouvelle obligation leur a été signifiée, les médecins l’ont acceptée et attendent qu’un vrai système se mette en place et fonctionne, qui ne soit pas remis en cause.

 




Quel exercice veulent les jeunes cardiologues ?

358 – En ce début d’année et après les mouvements de contestation de la fin 2012 qui ont vu défiler dans la rue les étudiants en médecine et les jeunes praticiens aux côtés de leurs aînés, Le Cardiologue fait le point sur les desiderata des jeunes cardiologues.

Comment les aspirants cardiologues envisagent-ils leur futur exercice ? Globalement, la réponse à la question se trouve dans la dernière étude démographique du Conseil national de l’Ordre des médecins. la spécialité de cardiologie et maladies cardiovasculaires compte aujourd’hui, en France métropolitaine, 5 870 praticiens en activité régulière, dont 23 % sont des femmes. Globalement, 45,5 % des cardiologues exercent en libéral, 30,1 % sont salariés et 24,5 % ont une activité mixte. Mais si l’on examine la situation chez les jeunes cardiologues, les chiffres sont bien différents. L’atlas démographique 2012 de l’Ordre montre en effet que sur l’ensemble des jeunes médecins nouvellement inscrits au tableau ordinal, seuls 9,5 % ont choisi l’exercice libéral, plus des deux tiers (68,8 %) ayant opté pour le salariat. Ils sont peu nombreux à avoir un exercice mixte (1,2 %) et 20,5 % sont remplaçants. Mais la proportion des jeunes spécialistes de cardiologie et maladies vasculaires optant pour le libéral est encore plus faible : 4,23 % seulement l’ont choisi, encore moins que l’année précédente (4,7 %). Dans leur immense majorité (84,66 %), les jeunes cardiologues choisissent le statut de salarié et un peu plus de 1 % d’entre eux ont un exercice mixte.

Quel exercice veulent les jeunes cardiologues 2

Pour la profession et la population, cette disparition progressive de la cardiologie de ville est inquiétante : on imagine mal demain l’ensemble des pathologies cardiaques suivies dans les établissements hospitaliers. Pour tenter d’attirer les futurs praticiens vers la cardiologie de ville mal connue des internes, plusieurs université du Grand Ouest ont initié le « séjour de sensibilisation » en cabinet libéral. Les premiers résultats sont prometteurs : les candidats au séjour ont découvert une pratique plus intéressante que ce qu’ils pensaient (voir notre entretien avec Jean-Claude Daubert page 13). Que les cardiologues aspirant à la retraite ne se réjouissent pas trop vite, cela ne signifie pas qu’ils trouveront facilement une relève. Surtout s’ils exercent seuls. Car une chose est sûre : les jeunes médecins en général et les jeunes cardiologues en particulier, s’ils sont tentés par la pratique de ville ne la conçoivent en solitaire, comme leurs aînés, mais en groupe. A cet égard, les pouvoirs publics seraient avisés dans leur ardeur à promouvoir l’exercice regroupé de ne pas tout focaliser sur la médecine générale, mais de considérer qu’il est tout aussi important que la population puisse continuer de consulter en ville un certain nombre de spécialistes cliniques, en particulier des cardiologues. Enfin, on peut aussi légitimement penser que si la recherche et l’enseignement sortaient du monopole hospitalier et impliquaient les libéraux, l’attraction hospitalo-universitaire serait moins forte pour les jeunes médecins, ce qui permettrait un rééquilibrage bienvenu entre la ville et l’hôpital.

 




Quel exercice veulent les jeunes cardiologues ?

358 – En ce début d’année et après les mouvements de contestation de la fin 2012 qui ont vu défiler dans la rue les étudiants en médecine et les jeunes praticiens aux côtés de leurs aînés, Le Cardiologue fait le point sur les desiderata des jeunes cardiologues. 

Comment les aspirants cardiologues envisagent-ils leur futur exercice ? Globalement, la réponse à la question se trouve dans la dernière étude démographique du Conseil national de l’Ordre des médecins. la spécialité de cardiologie et maladies cardiovasculaires compte aujourd’hui, en France métropolitaine, 5 870 praticiens en activité régulière, dont 23 % sont des femmes. Globalement, 45,5 % des cardiologues exercent en libéral, 30,1 % sont salariés et 24,5 % ont une activité mixte. Mais si l’on examine la situation chez les jeunes cardiologues, les chiffres sont bien différents. L’atlas démographique 2012 de l’Ordre montre en effet que sur l’ensemble des jeunes médecins nouvellement inscrits au tableau ordinal, seuls 9,5 % ont choisi l’exercice libéral, plus des deux tiers (68,8 %) ayant opté pour le salariat. Ils sont peu nombreux à avoir un exercice mixte (1,2 %) et 20,5 % sont remplaçants. Mais la proportion des jeunes spécialistes de cardiologie et maladies vasculaires optant pour le libéral est encore plus faible : 4,23 % seulement l’ont choisi, encore moins que l’année précédente (4,7 %). Dans leur immense majorité (84,66 %), les jeunes cardiologues choisissent le statut de salarié et un peu plus de 1 % d’entre eux ont un exercice mixte.

Pour la profession et la population, cette disparition progressive de la cardiologie de ville est inquiétante : on imagine mal demain l’ensemble des pathologies cardiaques suivies dans les établissements hospitaliers. Pour tenter d’attirer les futurs praticiens vers la cardiologie de ville mal connue des internes, plusieurs université du Grand Ouest ont initié le « séjour de sensibilisation » en cabinet libéral. Les premiers résultats sont prometteurs : les candidats au séjour ont découvert une pratique plus intéressante que ce qu’ils pensaient (voir notre entretien avec Jean-Claude Daubert page 13). Que les cardiologues aspirant à la retraite ne se réjouissent pas trop vite, cela ne signifie pas qu’ils trouveront facilement une relève. Surtout s’ils exercent seuls. Car une chose est sûre : les jeunes médecins en général et les jeunes cardiologues en particulier, s’ils sont tentés par la pratique de ville ne la conçoivent en solitaire, comme leurs aînés, mais en groupe. A cet égard, les pouvoirs publics seraient avisés dans leur ardeur à promouvoir l’exercice regroupé de ne pas tout focaliser sur la médecine générale, mais de considérer qu’il est tout aussi important que la population puisse continuer de consulter en ville un certain nombre de spécialistes cliniques, en particulier des cardiologues. Enfin, on peut aussi légitimement penser que si la recherche et l’enseignement sortaient du monopole hospitalier et impliquaient les libéraux, l’attraction hospitalo-universitaire serait moins forte pour les jeunes médecins, ce qui permettrait un rééquilibrage bienvenu entre la ville et l’hôpital.

 

Clinique, recherche, enseignement : les trois atouts (attractifs) de l’hôpital

Catherine Szymanski est chef de clinique à l’hôpital d’Amiens. Elle a été présidente du Groupe des cardiologues en formation de la SFC (*). Sans nier les attraits de l’exercice libéral, elle souhaite pourtant travailler en CHU afin de pouvoir mener la triple activité de clinicienne, de chercheuse et d’enseignante. 

Après un externat à Lille, c’est à Amiens que Catherine Szymanski (33 ans) a effectué ses quatre années d’internat de cardiologie. C’est au cours de son internat que son goût et sa motivation pour la recherche l’ont conduite un an à Paris, un an à Boston, aux Etats-Unis, et un an à Liège, en Belgique. Elle est actuellement chef de clinique à l’hôpital d’Amiens. « J’ai fait un master et une thèse de science pendant mon internat; et actuellement, je considère que la recherche et l’enseignement sont aussi indispensables que la clinique pour moi et je souhaiterais vivement pouvoir travailler plus tard en CHU pour continuer cette triple activité ; néanmoins, je reste bien consciente que les places sont rares dans les hôpitaux universitaires ». Par rapport aux générations précédentes, le changement essentiel intervenu lui semble être la féminisation de la profession médicale. Une féminisation qui n’est pas neutre, puisque pour la grande majorité des femmes médecins, le fait d’être femme détermine grandement le choix d’une carrière. « On peut choisir l’hôpital et éventuellement la possibilité d’y travailler à temps partiel ou l’exercice libéral avec une certaine liberté d’organiser son temps en fonction de sa vie familiale. »

Une chose est certaine, Catherine Szymanski, comme aujourd’hui beaucoup de ses jeunes confrères, ne se voit pas s’installer seule en cabinet de ville. Elle reconnaît que « l’exercice libéral en cabinet de ville nécessite une très grande disponibilité. Aujourd’hui, les jeunes médecins, tout en étant très investis dans leur métier, ne veulent pas y consacrer toute leur vie, comme leurs aînés. Quand on interroge les internes, ceux-ci veulent soit rester à l’hôpital, soit ils ne savent pas quelle voie choisir. Mais quasiment aucun ne cite spontanément l’exercice libéral en cabinet de ville comme la voie à privilégier. On a un peu l’impression, à écouter les opinions de différents internes, que cela serait un choix par défaut, au cas où cela ne marcherait pas à l’hôpital ou en clinique. Outre l’impossibilité lorsqu’on exerce seul d’avoir à sa disposition les plateaux techniques adéquats pour des raisons financières, l’exercice solitaire fait un peu peur. On voit d’ailleurs bien aujourd’hui la difficulté des praticiens qui ont exercé seuls, à trouver un successeur lorsqu’ils prennent leur retraite. L’exercice en groupe ou en clinique, de manière collective et pluridisciplinaire offre un « confort » indéniable tant du point de vue financier que du point de vue de l’exercice médical. Exercer seul en cabinet de ville dissuade beaucoup d’entre nous à s’orienter vers un exercice et une prise de décision solitaire, sans la possibilité d’échanger avec des confrères. Au niveau technique, la pratique en cabinet reste aussi relativement limitée. Compte tenu de la lourdeur des investissements, en général, dans un cabinet de ville, on se limite souvent à l’ECG et à l’échographie cardiaque. Un cardiologue de CHU ou des structures privées de grande envergure avec des plateaux techniques conséquents va être compétent dans un domaine particulier et de hauts niveaux : l’échocardiographie, la rythmologie, la coronarographie, la cardiologie congénitale et pédiatrique. En cabinet, l’activité est plus souvent globale avec la nécessité d’adresser les patients aux correspondants hospitaliers dès qu’on se trouve un peu limité. Certes, l’exercice libéral donne une certaine liberté puisqu’on demeure son propre « patron », mais les contraintes ne sont pas négligeables tant financières (notamment les charges qui en découlent) que du point de vue de l’exercice médical.» n

(*) Créé en octobre 2007 par la Société Française de Cardiologie, le groupe des cardiologues en formation (GCF) a pour principal objectif de promouvoir des activités scientifiques et des actions pédagogiques directement menées par ses membres. Tous les internes du DES de cardiologie et maladies vasculaires, chefs de clinique et assistants de cardiologie peuvent en être membres. L’inscription se fait directement en ligne sur le site de la SFC.

 

Jean-Claude Daubert
« Des internes bretons sensibles à la cardiologie de ville »

Une première expérience de sensibilisation des internes de cardiologie à l’exercice en cabinet libéral a démarré au début de 2012 dans deux villes du Grand Ouest, Rennes et Nantes, et débutera cette année à Poitiers. Cardiologue au CHU de Rennes et président du Collège national des enseignants de cardiologie, Jean-Claude Daubert en est l’un des initiateurs et dresse un premier bilan de cette intitiative.

Pouvez-vous rappeler dans quel contexte a été décidé cette initiative et en quoi elle consiste ?

Jean-Claude Daubert : La cardiologie de cabinet a du mal à recruter. Les jeunes n’en ont pas une vision très positive. Contrairement à leurs aînés, qui effectuaient de nombreux remplacements, ils remplacent de moins en moins, n’étant d’ailleurs autorisés à le faire qu’en 3e année d’internat. De ce fait, ils connaissent mal cet exercice de la cardiologie. Le constat est déjà ancien et l’idée de pallier cette méconnaissance par des « séjours de sensibilisation » remonte à deux ans maintenant. Si les présidents du syndicat, Christian Aviérinos et Jean-François Thébaut, y ont été d’emblée favorables, elle a mis un peu plus de temps à s’imposer à leur conseil d’administration. Aujourd’hui, l’ensemble du syndicat est très demandeur.

Il s’agit de proposer aux internes d’effectuer un séjour de trois à cinq jours à temps plein dans un même cabinet – pas en clinique – et si possible sous la responsabilité d’un même cardiologue. Ils doivent être inscrits en DES de cardiologie, ce qui se fait en fin de 2e année. Ce séjour s’effectue en 3e année – au cours du 5e ou du 6e semestre – plutôt qu’en 4e, parce qu’il importe que cette rencontre avec la cardiologie de ville se fasse le plus tôt possible. Les cardiologues qui les accueillent le font volontairement. En Bretagne, une quinzaine se sont portés volontaires et ils sont une douzaine en Pays de Loire. Une convention est passée entre le directeur du CHU, le doyen de la faculté, le cardiologue libéral et l’interne. Le séjour est suivi d’un rapport rédigé par le cardiologue « accueillant » ainsi que d’un rapport de l’étudiant. Je précise qu’il ne s’agit en aucun cas d’un stage, mais bien d’un séjour de sensibilisation en cabinet libéral. Ce n’est pas un remplacement non plus, même si ce séjour peut ouvrir à cela ultérieurement.

Quel est le résultat de ce début d’expérience ?

J-C. D. : Très encourageant ! A Rennes, les cinq internes du DES ont été volontaires pour le séjour de sensibilisation, et à Nantes, quatre sur cinq étudiants concernés. Contrairement à ce qu’on pouvait penser, nos internes ne se sont pas précipités dans les grandes villes : en Bretagne, deux seulement ont effectué leur séjour à Rennes, tous les autres ont choisi de le faire dans des petites villes comme Auray ou Lorient. Les rapports des étudiants au coordonnateur sont extrêmement positifs, ils disent avoir vécu ce séjour comme une ouverture et la découverte d’une activité qu’ils jugent plus intéressante que ce qu’ils pensaient au départ, et pas seulement concernant la clinique, mais aussi l’organisation du cabinet libéral. Le bilan pour les internes est donc très positif. Croisés avec les rapports transmis par les cardiologues au président du syndicat régional –très positifs eux aussi- permet de conclure à la satisfaction de tous pour l’apport de cette expérience.

Cela est de bon augure pour la généralisation du séjour de sensibilisation. Est-elle à l’ordre du jour ?

J-C. D. : Le concept a été introduit dans le règlement intérieur national du DES, et c’est important. Il ne s’agit pas d’une obligation, mais d’une recommandation très forte. On ne peut pas l’imposer, il faut une volonté partagée de le mettre en œuvre. Mais aujourd’hui, tout le monde en est informé et je pense que cela va se diffuser petit à petit. Dans le Grand Ouest, après Poitiers, Brest, Angers et Tours devraient suivre, et dans l’Est, Nancy pense le mettre en place cette année. Par ailleurs, en Bretagne, d’autres spécialités l’envisagent, notamment la pneumologie et la pédiatrie. Je crois que l’expérience aura le soutien des ARS, très preneuses de ce genre de coopération entre la ville et l’hôpital.

 

Coralie Lecoq

« Il ne faut pas passer à côté de sa vie »

Coralie Lecoq, 25 ans, interne de 2e année de cardiologie à Tours, compte s’installer en libéral, mais en groupe et en gardant un pied à l’hôpital pour ce qui lui semble être l’équilibre idéal.

Comment envisagez-vous votre futur mode d’exercice, à l’hôpital ou en ville, en libéral ?

Coralie Lecoq : Je souhaite plutôt exercer en libéral, dans mon pays d’origine, à Marseille ou du moins dans la région PACA. Pour moi, c’est un choix de vie. En effet, j’ai des activités en dehors de la médecine – je pratique le sport de façon intensive- qui sont assez incompatibles avec l’hôpital. En libéral, j’aurai davantage la possibilité de gérer mon temps, mes horaires. L’hôpital est en sous-effectif, le résultat est que les heures travaillées hebdomadaires ont augmenté pour atteindre un niveau aberrant. Il ne faut pas passer à côté de sa vie ! Certains peuvent choisissent sans doute la carrière hospitalière pour la sécurité qu’elle représente ? Pour moi en fait, l’idéal serait d’avoir une activité mixte. Je souhaiterais exercer en cabinet de ville et garder une activité à l’hôpital public pour avoir accès aux plateaux techniques et ne pas être déconnectée de ce milieu. Je ne souhaite pas exercer en clinique privée, car ces établissements me semblent trop souvent avoir comme objectif de faire du chiffre.

En ville, opterez-vous pour l’exercice solo ou en groupe ?

C. L. : Je n’imagine pas d’exercer seule ! Je souhaite exercer au sein d’un groupe, soit un groupe de plusieurs cardiologues, soit un groupe pluridisciplinaire. Les deux sont sans doute intéressants, mais il me semble que la pluridisciplinarité est une bonne chose pour les patients et permet de ne pas rester entre spécialistes d’une même discipline. Les médecins entre eux ont tendance à ne parler que de médecine, et les cardiologues entre eux ne parlent que de cardiologie ! Moi, je veux être un bon cardiologue, mais ne pas perdre de vue les autres aspects médicaux. Je ne veux pas devenir la technicienne d’un seul organe car il me semble que l’on n’est plus vraiment un médecin dans ce cas. Pour moi, l’idéale serait la synthèse entre la cardiologie de ville, plus généraliste, et la cardiologie hospitalière, plus technique.

En quoi votre génération vous paraît-elle différente des précédentes dans la façon d’appréhender la profession ?

C. L. : Ils ont en général consacré leur vie à leur spécialité et ils sont souvent passé à côté de choses essentielles, leur vie privée, leur famille. Pour moi, il n’en est pas question. Ma mère est magistrat, et elle a réussi à concilier une vie professionnelle pourtant très prenante avec sa vie de famille, et j’avoue qu’elle est un modèle pour moi.

En quel secteur pensez-vous vous installer ? Que vous inspire le débat sur les dépassements d’honoraires ? Suivez-vous l’actualité professionnelle et pensez-vous vous engager syndicalement dans le futur ? 

C. L. : Je compte m’installer en secteur 2. Les abus de dépassements ne concernent en fait qu’une minorité de médecins. Je trouve le prix de la consultation chez un spécialiste qui a fait dix ans d’études plutôt dérisoire, comparé aux 50 euros ou plus que les gens acceptent de payer chez le coiffeur. Cela m’énerve beaucoup ! Comme m’énerve beaucoup de constater que les gens sont capables de faire des kilomètres pour aller faire les soldes, mais rechignent à en faire moins pour aller consulter un médecin. Je m’intéresse à l’actualité professionnelle et je serai sûrement syndiquée lorsque j’exercerai. A cet égard encore, je suivrai les conseils maternels !




Les mutuelles progressent dans la gestion du risque

357 – Les organismes complémentaires d’assurance santé manifestent depuis plusieurs années leur volonté de jouer un rôle plus actif dans la gestion du risque à travers la création de réseaux de soins, qui concernent pour l’essentiel l’optique, le dentaire, l’audioprothèse, domaines où la prise en charge par l’Assurance Maladie est quasiment nulle. Et jusqu’à présent, sans que personne ne s’en émeuve vraiment.
Mais quand il s’agit d’autoriser la Mutualité française, qui assure six Français sur dix, à créer des réseaux de soins et à moduler les remboursements de ses adhérents s’ils s’adressent à ces réseaux, c’est la panique chez les professionnels de santé libéraux, qui y voient une menace pour la liberté de choix des patients et l’indépendance de leur exercice.
A tort ou à raison ? Pour pouvoir répondre à la question, les usagers, par la voix du CISS, estiment qu’une étude d’impact serait de bon aloi avant de légiférer. Une chose est sûre : après l’engagement des complémentaires à hauteur de 150 millions d’euros pour revaloriser le secteur 1 dans le cadre du contrat d’accès aux soins, la création de réseaux mutualistes serait une étape majeure vers la cogestion du risque par les régimes obligatoires et complémentaires, selon certains, vers la privatisation du système de santé, selon d’autres.

Ces dernières années, tandis que la prise en charge des dépenses de santé par l’Assurance Maladie diminue, celle des organismes complémentaires augmente. Cette tendance persiste, comme en atteste la dernière livraison des Comptes nationaux de la Santé 2011. Cette année-là, le montant des dépenses courantes de santé s’élève à 240 milliards d’euros, soit 12 % du PIB. La Consommation de Soins et de Biens Médicaux (CSBM), qui en représente les trois quarts, atteints 180 milliards d’euros, progressant en valeur (+ 2,7 %) un peu plus rapidement qu’en 2010 (+ 2,5 %). Atteignant 135,8 milliards d’euros en 2011, la part de la Sécurité Sociale dans le financement de la CSBM est de 75,5 % contre 75,7 % en 2010. « La prise en charge par les organismes complémentaires est tendanciellement orientée à la hausse. Elle atteint 24,6 milliards d’euros en 2011, soit 13,7 % de la CSBM contre 13,5 % en 2010 », peut-on lire dans le n° 809 de la collection « Etudes et résultats » de la Drees. Entre 2000 et 2010, la part des organismes complémentaires dans le financement de dépenses de santé a augmenté de plus d’un point, passant de 12,4 % à 13,7 % en 2011. « Cette progression est le résultat de deux évolutions contraires : une part accrue des organismes complémentaires dans les soins hospitaliers, les soins de ville et les biens médicaux, et une réduction de leur prise en charge des médicaments », commente la Drees. Et ces tendances se confirment en 2011.

Pour certains, le désengagement progressif de l’Assurance Maladie n’est pas dû seulement aux tentatives réitérées de ralentir la croissance de son déficit, mais s’inscrit dans un mouvement d’institutionnalisation des organismes complémentaires qui vise à mettre sur le même pied l’Assurance Maladie solidaire et les assurances privées.

Revendiquer un autre rôle que simple payeur

Les organismes complémentaires estiment avoir acquis le droit de revendiquer un autre rôle que celui de simple payeur auprès des quelque 93 % de Français qu’elles assurent. Ces dernières années, on les a vu développer une politique de « gestion du risque » (voir Le Cardiologue n° 341). Pour pouvoir aller plus avant, les complémentaires souhaiteraient accéder aux données qui restent le monopole de l’Assurance Maladie. Mais jusqu’à ce jour, leur demande est rester vaine. Cependant, leurs ambitions de cogestion du système de santé ont récemment gagné du terrain avec la négociation de l’avenant 8. A cette occasion, les complémentaires se sont en effet engagées à hauteur de 150 millions d’euros pour la revalorisation des tarifs opposables des médecins libéraux, dans le cadre du contrat d’accès aux soins. « L’Assurance Maladie n’a plus les moyens, seule, de revaloriser les tarifs remboursables, déclarait le président de la Mutualité, Etienne Caniard, dans un entretien au Figaro. Nous pouvons y contribuer mais la participation plus importante des complémentaires dans le financement doit d’accompagner d’un rôle croissant dans la gestion du risque. Pourquoi ne pas financer en partie les nouveaux modes de rémunération des médecins, comme de nouveaux forfaits et réfléchir ensemble aux contreparties ? » .

Et pour cela, pourquoi ne pas permettre aux mutuelles de créer des réseaux de soins en contractualisant avec les professionnels de santé et de moduler les remboursements à leurs adhérents s’ils passent par ces réseaux, comme les assurances privées le font déjà ? C’est cette possibilité que tente d’introduire la proposition de loi Le Roux, avec les réactions que l’on sait de la part des professionnels de santé libéraux. Comme elle l’avait fait au moment de la loi Fourcade, la CSMF « repart au combat, et réaffirme son opposition totale à tous conventionnement individuel des médecins libéraux par les mutuelles à des fins tarifaires et dont l’effet serait de priver les patients de leur liberté de choix ». La centrale présidée par Michel Chassang « exige que les réseaux de soins soient ouverts à tous les médecins qui le souhaitent pour éviter toute distorsion de concurrence et préserver la liberté de choix du patient ». Elle exige aussi « que le contrat proposé par les mutuelles soit négocié nationalement avec les syndicats médicaux représentatifs et proposé à l’adhésion individuelle sans obligation supplémentaire ». Le SML, lui, n’a qu’une exigence : la suppression de ce projet. Pour lui, « la mise en place de réseaux de soins mutualistes et le chantage qui sera exercé localement sur les médecins libéraux représentent un danger pour l’organisation de l’exercice libéral conventionné et sur le paritarisme de notre système de protection sociale ».

Une bronca généralisée

La FMF, Le Bloc, la Fédération de l’Hospitalisation Privée (FHP) et l’Union Française des Médecins Libéraux (UFML) qui regroupent les « médecins pigeons » ont aussi dit tout le mal qu’ils pensaient du projet, tout comme les internes de l’ISHIH, les chefs de clinique de l’ISNCCA et les étudiant en médecine de l’ANEMF. Face à cette bronca généralisée, le Gouvernement a amendé le texte de la proposition de loi. Ainsi, son article 2 précise que « les conventions ne peuvent comprendre aucune stipulation portant atteinte au droit fondamental de chaque patient au libre choix du professionnel, de l’établissement ou du service de santé ». Il dit aussi que « l’adhésion aux conventions des professionnels, établissements et services de santé s’effectue sur la base de critères objectifs, transparents et non discriminatoires. L’adhésion à la convention ne peut comporter de clause d’exclusivité ». Il précise également que les conventions souscrites « ne peuvent comporter de stipulations tarifaires relatives aux actes et prestations médicaux ». Enfin, la proposition de loi adoptée pour l’instant par les seuls députés exclut les honoraires médicaux de son champ d’application. Mais ces amendements n’ont pas réussi à calmer les mécontents, qui restent très mobilisés contre la proposition de loi. Avec un certain succès.

L’Association Soins coordonnés créée par l’ancien président de MG France, Marital Olivier-Koehret, a lancé une pétition contre les réseaux de soins mutualiste qui a rassemblé à ce jour plus de 21 000 signatures. Elle se félicitait dans un récent communiqué de ce que la proposition de loi n’était pas inscrite à l’Agenda du Sénat, « ce qui laisse le temps à la mobilisation initiée par Soins coordonnés de leur expliquer les risques que fait courir cette proposition de loi à l’accès de tous aux soins de proximité et à l’indépendance professionnelle ».

Pour autant, l’affaire n’en restera pas là, et passée la trêve des confiseurs, elle reviendra bien dans les débat parlementaire. A moins que le Gouvernement « laisse du temps au temps » et ne suive le conseil assez judicieux des usagers de la santé du Collectif interassociatif sur la santé. Pour le CISS, il s’agit ni de sombrer dans « la parano antimutualiste », ni de sous-estimer les dangers de tels réseaux dans un contexte de concentration qui ne laissera place demain qu’à quelques grands groupes entre lesquels la concurrence ne se fera pas seulement sur les prix mais aussi sur les services. « Dans un système de santé désorganisé, ne serions-nous pas alors contraints de payer plus cher nos complémentaires pour acheter l’accès aux soins avec des coupes-files ou des téléconsultations ? », s’interroge le CISS, qui souligne aussi que les mutuelles ayant, contrairement aux complémentaires privés, des centres de santé et des établissements de soins, tout risque de filière fermée contraignante n’est pas à exclure. « Les enjeux sont trop importants pour qu’une proposition de loi statue sans étude d’impact. Faisons donc cette étude d’impact, la durée de la procédure législative le permet, conclut le CISS. Soit les craintes sont infondées et il convient de les écarter. Soit elles le sont et il convient de les prévenir. Dans les deux cas, mieux vaut le savoir. » Et si le Gouvernement écoutait les usagers ?

 

Etienne Caniard « La liberté tarifaire n’est pas
le meilleur moyen de rémunérer correctement les médecins »

Pour le président de la Mutualité française les réseaux de soins mutualistes s’inscrivent dans une logique de régulation coordonnée entre l’Assurance Maladie et les complémentaires pour réduire le reste à charge des usagers et garantir des revenus favorables aux professionnels de santé.

 

Comment interprétez-vous le tollé suscité par la proposition de loi Le Roux autorisant la création de réseaux de soins mutualistes ? Que répondez-vous à l’argument selon lequel les réseaux mutualistes menaceraient la liberté des patients comme des professionnels de santé ?

Etienne Caniard : Cette proposition de loi pâtit de beaucoup d’incompréhension et d’interférences avec d’autres dossiers, dont celui des dépassements d’honoraires. Chacun doit prendre conscience que, dans un contexte où les régimes obligatoires remboursent de moins en moins bien les soins courants, de l’ordre de 50 % seulement, les organismes complémentaires sont appelés à jouer un rôle plus important pour permettre l’accès aux soins. Pour autant ce texte n’est en fait qu’un retour à une situation en vigueur jusqu’en 2010, quand les mutuelles avaient la possibilité de mieux rembourser les usagers qui avaient recours à un professionnel ayant signé une convention avec elles. Cela concernait 30 millions de Français et ne gênait personne. Aucun texte n’encadrait cette pratique. Nous n’avons jamais eu de plainte pour entrave à la liberté de choix du patient, laquelle me semble davantage menacée par les dépassements d’honoraires. Par ailleurs, il faut préciser que l’arrêt de la Cour de Cassation de 2010 a interdit aux mutuelles le remboursement différencié, pas le conventionnement, et que cette pratique est encore permise aux assurances et aux institutions de prévoyance.

Il convient d’aborder la question avec de bon sens. On ne peut pas raisonner de la même façon avec les professions régies par un numerus clausus ou non, ou celles soumises à des règles d’installation comme les pharmaciens. Concernant les opticiens, par exemple, l’absence de réglementation a multiplié le nombre de magasins par deux ces dix dernières années, sans que cette concurrence n’entraîne une baisse des tarifs, au contraire ! Avec des médecins, nous ne sommes pas du tout dans le même cas de figure. Dans la situation démographique qui est la leur, nous sommes plutôt face à un problème d’offre, sauf dans quelques situations particulières, où on observe d’ailleurs paradoxalement les plus forts dépassements d’honoraires.

La proposition de loi a été amendée et les honoraires des médecins sont exclus. Comment réagissez-vous ?

E. C. : C’est très regrettable pour l’accès aux soins des plus fragiles. Les arguments des détracteurs du texte qui ont obtenu cette conclusion sont d’ailleurs contradictoires. Ils réclament une prise en charge importante de leurs honoraires par les mutuelles, mais refusent qu’elles s’engagent davantage dans la régulation des dépenses de santé. Notre système de soins souffre pourtant d’un manque d’organisation, ce que confirment tous les experts et répète inlassablement le HCAAM. Un système efficient passe par un parcours de soins régulé en ce qui concerne les prix, pour assurer une bonne rémunération des professionnels et l’accès de tous aux soins, mais aussi l’organisation de la prise en charge. Nous avons donc besoin d’une contractualisation globale pour organiser un parcours de soins. Nous ne sommes pas dans une logique de HMO à l’américaine mais au contraire dans une régulation coordonnée entre les régimes obligatoires et régimes complémentaires, à la fois pour réduire le reste à charge des usagers et garantir des revenus favorables aux professionnels de santé. La liberté tarifaire n’est pas le meilleur moyen de rémunérer correctement les professionnels. Elle crée une situation inégalitaire entre les patients mais aussi entre les médecins, entre généralistes et spécialistes, et entre les différents lieux d’exercice.

Vous avez déclaré qu’une bonne mutuelle, selon vous, n’était pas une mutuelle qui remboursait sans limite, mais une mutuelle accessible à tous et régulant les dépenses. N’est-ce pas se substituer au rôle de l’Assurance Maladie obligatoire ?

E. C. : Dans une vision à court terme, on peut souhaiter une mutuelle qui rembourse toujours plus. Mais à long terme, cela n’est pas viable. Il y a vingt cinq ans, certains contrats proposaient le remboursement de prothèses dentaires au prix réel sans limite de niveau de remboursement, les prix des prothèses dentaires se sont alors envolés. A long terme, il est indispensable d’avoir des complémentaires qui évitent les effets inflationnistes sur les coûts, sauf à rendre le coût des soins inacceptable ! C’est pour cela qu’il est important d’avoir des accords globaux avec les professionnels de santé. Ce qui me gêne dans la liberté tarifaire, ce sont les inégalités énormes qui en découlent, tant pour le patient que pour les professionnels de santé. Ne pas donner un prix de l’acte médical n’est pas la meilleure façon de le valoriser !

La ministre de la Santé a repoussé à 2014 l’obligation faite aux mutuelles de rendre publics leurs frais de gestion. Comment faut-il interpréter ce report ?

E. C. : Nous ne refusons nullement la transparence, mais nous contestons la méthode retenue et la comparaison prévue avec les frais de gestion de l’Assurance Maladie. Cela n’a pas de sens ! Par exemple, contrairement aux mutuelles, l’Assurance Maladie n’a pas de frais de recouvrement de cotisations, puisque c’est l’ACOSS qui les recouvre pour elle. L’Assurance Maladie, parce qu’elle est obligatoire, ne répond pas au même modèle économique, c’est évident. Et quand elle rembourse la dépense hospitalière sans facturation individuelle, ses coûts de gestion n’ont rien à voir avec ceux des mutuelles, qui ont autant de factures à traiter que de séjours de leurs adhérents. Il fallait donc revoir les conditions de cette transparence. Ce travail est en cours.

 

Roland Cash

« La liberté de contractualiser, c’est le libéralisme »

Médecin, économiste et membre de la Commission évaluation économique et santé publique de la HAS, Roland Cash considère que les réseaux de soins sont un moyen efficace pour réguler le système de santé.

Comment interprétez-vous le tollé suscité par la proposition de loi Le Roux autorisant les réseaux de soins mutualistes ?

Roland Cash : Des réseaux de soins promus par des assureurs privés existent depuis longtemps. Certes, les syndicats dentaires ou d’opticiens s’y sont opposés, mais ils existent. La réaction provoquée par la proposition de loi pour revenir sur l’annulation d’un précédent texte de loi s’explique par l’extension de ces réseaux aux médecins, qui intervient dans un contexte peu favorable.

La Mutualité met en avant son souhait de participer à la régulation du système de soins avec ces réseaux de soins. Sont-ils efficaces pour cette régulation ?

R. C. : Dans le dentaire comme dans l’optique, ils ont très largement démontré leur efficacité. C’est, certes, moins confortable pour les professionnels de santé, mais c’est efficace.
Il y a quelque chose d’assez paradoxal dans l’opposition actuelle des professionnels de santé libéraux français aux réseaux de soins : la liberté de contractualiser, c’est le libéralisme. Après tout, l’Amérique, symbole du libéralisme absolu, est le pays des HMO.
D’ailleurs, aux Etats-Unis, des médecins se sont organisés entre eux pour pouvoir négocier avec les assureurs privés. Et en termes de contraintes pour les professionnels, les mutuelles françaises à côté, c’est de la rigolade ! En France, les résistances aux réseaux de soins sont très fortes, mais ce mode d’organisation semble inévitable pour réguler le système de santé. D’ailleurs, tous les pays se sont engagés dans cette voie d’une façon ou d’une autre.




Eclipse du Sunshine Act à la française ?

356 – Depuis le mois de septembre, un groupe de travail, réuni à l’initiative de la ministre de la Santé et des Affaires sociales, planche sur la rédaction du projet de décret d’application « relatif à la transparence des avantages consentis par les entreprises produisant ou commercialisant des produits à finalité sanitaire et cosmétique destinés à l’homme », et sur celle de la circulaire qui accompagnera le décret. Jugeant irréaliste un premier projet de texte élaboré par le Gouvernement précédent, Marisol Touraine souhaite ainsi une nouvelle rédaction telle « que l’obligation de publication prévue par la loi soit réaliste et adaptée pour être effective et utile ».
Un certain nombre de mesures contenues dans ces projets, et notamment l’abandon de l’obligation de déclaration au premier euro a provoqué de vives protestations, notamment – et sans surprise – de la part de Prescrire, mais plus étonnement, de la part du Conseil national de l’ordre des médecins qui est monté au créneau pour dénoncer un projet de décret qui « détricote la loi ». Sans préjuger de la version définitive du décret, Le Cardiologue fait le point sur la question. En donnant la parole aux acteurs qui ont accepté de s’exprimer alors que les négociations ne sont pas terminées.

 

Le Diable est dans les détails, c’est bien connu, et ce qui est en train de se passer avec la rédaction d’un des décrets d’application de la loi de décembre 2011 en est une belle illustration. Inutile de rappeler le contexte dans lequel est née cette loi. L’affaire Mediator a mis cruellement à jour les dysfonctionnements de notre système d’évaluation et de sécurité des produits de santé, en particulier l’absence de transparence sur les liens d’intérêt existant entre les experts auprès des instances d’évaluation et les industries de la santé. Après moult rapports et des Etats généraux du médicament, une loi de renforcement de la sécurité sanitaire des médicaments et des produits de santé a été votée le 2 décembre 2011.

Cette loi prévoit, dans son article 2, que les entreprises de produits de santé doivent déclarer les conventions qu’elles concluent et les avantages qu’elles consentent aux acteurs du champ des produits de santé, personnes ou structures. Selon la loi, l’obligation de déclaration devait être effective à la publication du décret d’application et au plus tard au 1er août 2012 pour les conventions appliquées ou conclues et les avantages accordés et rémunérations versées à compter du 1er janvier 2012. Personne n’échappe, selon la loi, à ce « Sunshine Act » à la française, puisque cette obligation de déclaration s’applique à tous les professionnels de santé et leurs associations, aux étudiants se destinant à une profession de santé et leur groupements, aux associations d’usagers du système de santé, aux établissements de santé publics et privés, aux fondations, sociétés savantes, sociétés ou organismes de conseil intervenant dans le secteur des produits de santé, aux entreprises éditrices de presse, à tous les medias et aux organismes assurant la formation initiale des professionnels de santé.

Un engagement de Xavier Bertrand

Un décret devait fixer le seuil à partir duquel l’obligation de déclaration s’imposait. Un premier projet de décret en février de cette année, sous le précédent Gouvernement qui prévoyait l’obligation de déclaration des avantages consentis au premier euro, comme le ministre de la Santé et des Affaires sociales de l’époque, Xavier Bertrand, s’y était engagé. Ce projet de texte prévoyait aussi qu’un arrêté déterminerait le modèle-type de formulaire que les entreprises devront rendre public. Concernant les convention, ce formulaire devrait identifier les parties, préciser la date de signature et l’objet de la convention « sans que puisse leur être opposé le secret industriel et commercial », précisait le projet de décret. Le formulaire relatif aux avantages consentis en nature ou en espèces, il devait comporter les mêmes renseignement que le formulaire pour les convention ainsi que « la forme, la nature et le montant de chacun des avantages » et les motif pour lesquels ils ont été octroyés. Il précisait également que les entreprises devaient transmettre « sans délai » les formulaires aux Ordres professionnels.
Cela, c’était au début de l’année. Les élections présidentielles ont porté François Hollande au pouvoir avant que ne soit publié le décret, qui ne faisait pas l’unanimité, on s’en doute. Au Gouvernement socialiste donc de prendre le relais.  En juillet dernier, Marisol Touraine a annoncé la mise en place d’un groupe de travail destiné à faire évoluer le projet de décret d’application des mesures relatives au Sunshine Act à la française, et visait alors une entrée en vigueur du texte pour le mois d’octobre… Très critique à l’égard du projet de décret élaboré par le précédent gouvernement, la ministre estimait dans un communiqué qu’il « ne répond(ait) pas aux problèmes de conflits d’intérêts qui se posent concrètement et impos(ait) aux entreprises des obligations de publication à la fois imprécises dans leur objet et irréalistes dans leur définition ». « Il faut donc que l’obligation de publication prévue par la loi soit réaliste et adaptée pour être effective et utile », concluait Marisol Touraine, convaincue du bien fondé de la transparence en matière de promotion des produits de santé.

Un nouveau projet de décret très critiqué

Mise en place à la rentrée, ce groupe de travail a donc travaillé à l’élaboration d’un nouveau projet de décret. A l’issue de la deuxième réunion, Prescrire et Formindep ont décidé de ne pas assister à la troisième, à l’issue de laquelle, c’est l’Ordre des médecins qui a manifesté son désaccord dans un communiqué très critique qui, sous le titre « de la lumière à l’obscurité » dénonce « la volonté affichée dans le projet de décret de vider de la loi de sa portée, sous des prétextes fallacieux ».
Qu’est-ce qui a motivé ces réactions ? Pour les adversaires du nouveau projet de décret, le renoncement à l’obligation de déclaration au premier euro constitue le casus belli. La nouvelle mouture du texte prévoit effectivement que le seuil des déclarations des avantages consentis par les laboratoires aux acteurs du champ des produits de santé serait fixé à 60 euros (la rumeur aujourd’hui parle d’un seuil établi à 30 euros). Dans leur déclaration, les entreprises devraient préciser « la tranche dans laquelle est compris le montant cumulé, arrondi à l’euro le plus proche, sur une période de six mois et pour chaque bénéficiaire », des avantages consentis « directs ou indirects, en nature ou en espèces ».
Six tranches sont prévues ; de 60 à 500 euros ; de 501 à 1 000 euros ; de 1 001 à 10 000 euros ; de 10 001 à 100 000 euros ; de 100 001 à 500 000 euros et supérieure à 500 000 euros. Les détracteurs du projet de décret voient dans ce système de tranches le moyen de dissimuler des sommes cumulées dans de « larges tranches » et soulignent notamment l’écart allant de 1 001 à 10 000 euros.

Le flou de la notion d’avantage

Autre objet de critique : le décret prévoit que la publication se fera sur le site de chaque entreprise ou « à défaut sur le site d’une groupement d’entreprises » et non sur un site unique regroupant toutes les informations. En outre, le projet de circulaire qui accompagnera le décret  précise que « l’entreprise ou le responsable du site en cas de regroupement doit veiller à la mise en place de mesures visant à empêcher les moteurs de recherche de procéder à une indexation des bénéficiaires ».
Enfin, l’interprétation de la notion d’avantage donne lieu à un certain flou qui n’est pas du goût des opposants au projet de décret et de circulaire. Dans cette dernière, on peut en effet lire que « l’avantage à rendre public s’entend de ce qui est alloué ou versé à une personne bénéficiaire sans contrepartie ». Dans la version du 17 octobre du projet de circulaire, une phrase a été supprimée : « Dès lors, les rémunérations d’un service ne doivent pas être considérées comme entrant dans le champ de l’obligation de publication, puisque, par nature, celles-ci ne constituent pas des avantages ».

Ainsi donc, les avantages en nature comme les dons de matériels, les invitations, les frais de restauration ou la prise en charge de voyages d’agrément, ou en espèce comme des commissions, des remises, des ristournes ou des remboursements de frais devraient être déclarés, mais pas les rémunérations perçus pour des interventions lors de congrès ou la participation d’un professionnel au board d’une entreprise. Cela fait tout de même tout un pan, et non des moindres, des « avantages » qui échapperait à la déclaration publique.
La date souhaitée par Marisol Touraine pour l’entrée en vigueur de l’obligation de déclaration est dépassée. A l’heure où nous paraissons, une autre réunion du groupe de travail aura eu lieu. La seule modification qu’on peut sans doute en attendre est l’abaissement du seuil de l’obligation de déclaration. Mais dans la mesure où le retour à l’obligation de déclaration dès le premier euro est exclu, le décret paraîtra en l’état pour l’essentiel. Et l’opposition ne manquera pas de souligner que le Gouvernement socialiste obscurcit quelque peu le Sunshine à la française. En passant sous silence que, malgré son attitude volontariste, Xavier Bertrand n’a pas imposé son projet de décret au début de l’année, trop heureux sans doute de laisser à son successeur ce délicat dossier.

 

Albert Hagège (SFC) 

« L’Ordre joue un jeu dangereux »

Président de la Société Française de Cardiologie, le Pr Albert Hagège participe à ce titre au groupe de travail pour la rédaction du décret d’application relatif à la publication des liens d’intérêt. « Au sein de ce groupe de travail nous essayons de trouver une solution raisonnable, et nous y étions parvenus dès la deuxième réunion. Mais Prescrire et Formindep d’abord, puis l’Ordre des médecins ensuite ont dénoncé le texte et fait pression sur les gens de la commission pour introduire plus de contrôle et un seuil de déclaration fixé au premier euro, ce qui n’est pas réaliste. » Albert Hagège estime que l’Ordre fait une interprétation erronée du projet de décret. « Tous les contrats entre industrie et professionnels de santé seront publiés sur les sites des industriels et la transparence est obligatoire pour tout le mode. L’Ordre voudrait aussi que si l’industrie donne de l’argent pour un but collectif, cela passe aussi par lui ! Je ne sais pas ce que cherche l’Ordre, mais il joue un jeu dangereux. Je crois surtout qu’il veut que tout passe par lui pour tout contrôler. »

 

François Rousselot

« L’opacité organisée »

Le président de la commission des relations médecin-industrie du Conseil national de l’ordre des médecins explique en quoi le projet de décret d’application « détricote » la loi de décembre 2011 et pourquoi l’Ordre est prêt à faire un recours en Conseil d’Etat s’il devait être publié dans sa version actuelle.

 

L’Ordre a protesté contre le projet de décret d’application de la loi de décembre 2011. Quels sont vos points de désaccord ?

François Rousselot : La première réunion avec la DGS était consacrée au projet de décret. Mais la deuxième réunion et les suivantes ne portaient plus sur ce texte mais sur la circulaire d’application. L’Ordre a manifesté son étonnement devant ce qui nous semblait prématuré. Petit à petit, il est apparu que la position de la DGS se durcissait dans un même sens, allant vers un détricotage de la loi et le sens de l’industrie pharmaceutique.

Concrètement, cela se manifeste comment ?

F. R. : Le problème principal réside dans l’interprétation du terme « avantages » inscrit dans la loi, et de l’interprétation qu’en fait la DGS, avec laquelle nous ne sommes absolument pas d’accord. Selon l’analyse de la DGS, les avantages désignent les dons fait par l’industrie pharmaceutique aux professionnels de santé sans contrepartie, et doivent à ce titre faire l’objet d’une déclaration. A l’inverse, les rémunérations perçues pour des travaux effectués à la demande de l’industrie ne seraient pas soumises à cette obligation. Les liens d’intérêt sont les plus forts échapperont donc totalement à la transparence. Le bloc-notes et le stylo donné à un médecin, un billet d’avion pour participer à un congrès devront être déclarés, mais pas les rémunérations des orateurs au même congrès !
Par ailleurs, les avantages perçus par les professionnels de santé au travers des associations subventionnées ne sert pas publiables non plus : aucun contrôle ne pourra donc s’exercer, c’est de l’opacité organisée !

Vous dénoncez également la mise à l’écart de l’Ordre ?

F. R. : Tous les Ordres sont concernés, mais l’Ordre des médecins l’est tout particulièrement qui, en l’état actuel du texte est totalement écarté du dispositif. En effet, le projet de décret ne prévoit pas l’obligation de transmission par voie électronique des conventions entre médecins et industriels de la santé adressées à l’Ordre des médecins. Et ce en dépit des observations de la Cour des Comptes. Il n’est pas prévu non plus que les industriels aient l’obligation de transmettre les conventions conclues avec les médecins, et en particulier les contrats d’experts et d’orateurs.

Comment expliquez-vous l’attitude de la Direction générale de la santé ?

F. R. : Je peux comprendre que dans le contexte de la crise économique l’on ménage une industrie de santé pourvoyeuse d’emplois. Mais l’on peut quand même s’étonner de l’attitude des politiques actuellement au pouvoir, car lorsqu’ils étaient dans l’opposition, à l’époque du débat sur la loi, ils trouvaient que rien n’était jamais assez transparent…

Pour quelle date est prévue la parution du décret, et quelle suite l’Ordre compte-t-il donner si le texte paraît en l’état ?

F. R. : La publication étati annoncée pour la mi-janvier, mais ce délai paraît court aujourd’hui, une fois finalisé, il doit être soumis à la CNIL et au Conseil d’Etat. Si les textes du décret et de la circulaire devaient rester dans leur actuelle version, le Conseil national de l’ordre des médecins ferait un recours en Conseil d’Etat avec la quasi-assurance d’obtenir gain de cause : on a du mal à penser que le Conseil d’Etat puisse approuver un texte d’application si éloigné de la loi de décembre 2011.




Un PLFSS 2013 rude pour les libéraux

355 – Conformément aux engagements du candidat François Hollande, le Gouvernement socialiste affiche sa volonté d’investir dans la santé en fixant pour l’année prochaine un Objectif National des Dépenses d’Assurance Maladie (ONDAM) à 2,7 %, légèrement supérieur à celui de 2012. Pour réduire le déficit de la Sécurité Sociale et « maintenir le haut niveau de protection sociale des Français sans les faire payer », il sollicite les professionnels de santé pour réaliser la totalité des économies recherchées. Tout particulièrement la médecine de ville qui devra assumer les trois quarts de l’effort demandé.Lourd tribut pour la médecine de ville

Contrairement au PLFSS 2012, celui de 2013 instaure un sous-ONDAM égal pour la ville et l’hôpital. Sauf qu’à y regarder de plus près, cette égalité n’est qu’apparente. En effet, pour les soins de ville, l’effort demandé se chiffre à 1,76 milliard d’euros, soit les trois quarts de l’effort total demandé. Le tribut des produits de santé sera majeur : 876 millions d’euros d’économie attendus de baisses tarifaires sur les médicaments princeps et les génériques (530 millions d’euros), ainsi que sur les dispositifs médicaux (75 millions d’euros).
Concernant les génériques, il s’agit pour le Gouvernement de « rattraper » les prix, beaucoup plus bas pratiqués dans les autres pays européens. Cette « harmonisation » devrait rapporter 100 millions d’euros. Pour ce qui est des médicaments princeps, il s’agit de baisser le prix de ceux qui ne voient pas leur prix baisser à l’expiration de leur brevet, comme c’est le quand il existe un générique (50 millions d’euros d’économie attendus). Enfin, il est également prévu une « mise en cohérence » des prix des molécules au sein d’une même classe thérapeutique qui devrait permettre d’économiser 95 millions d’euros.
Des économies à hauteur de 225 millions d’euros relatives aux professionnels de l’offre de soins ambulatoires vont toucher essentiellement les radiologues et les biologistes qui vont à nouveau subir des baisses de tarifs pour un montant total de 155 millions. Les cardiologues ne sont pas à l’abri qui pourraient, eux aussi, voir baisser le tarif de certains actes de cardiologie interventionnelle. Par ailleurs, 70 millions d’économies sont attendus d’une meilleure efficience des prescriptions de transports de patients associée à la mise en place de plates-formes d’organisation de ces transports.
Pour les médecins, la maîtrise médicalisée ne se relâche pas, bien évidemment. On attend de la maîtrise de leurs prescriptions et de l’amélioration de leurs pratiques pas moins de 605 millions d’euros… Ils seront priés, en particulier, d’augmenter de leur prescription dans le répertoire des génériques et d’avoir « une prescription plus homogène des arrêts de travail grâce à la diffusion de référentiels ». Les résultats escomptés du paiement à la performance mis en place pour les généralistes et les cardiologues participent également à cet effort de maîtrise. En outre, une action contre la iatrogénie médicamenteuse et « un meilleur contrôle de certaines prescriptions d’exception » devrait dégager 15 millions d’euros dans les deux cas.
Enfin, intensifiée par le précédent Gouvernement, la chasse à la fraude se poursuivra, qui devrait générer une économie complémentaire de 50 millions d’euros

L’efficience par la réorganisation du système de soins

« Moderniser, c’est consolider dans la durée et gagner en efficience », affirme Marisol Touraine, dont la « conviction » est qu’« on peut soigner mieux et faire des économies ». Mais l’objectif économique va aussi de pair avec la demande des patients que « leurs parcours de soins soient organisés de la médecine de ville à l’hôpital et de celui-ci au domicile ou en établissement médico-social ». Il s’agit donc de « bâtir les parcours autour du patient et non des structures ». A cet effet, « les professionnels libéraux assureront le rôle de pivot dans l’organisation des soins, tandis que l’hôpital sera l’épine dorsale du système de santé publique. Les établissements médico-sociaux seront articulés avec cette prise en charge aiguë ». Le PLFSS 2013 comporte donc les « premières concrétisations » de cette évolution, soit trois mesures. La première porte sur la création de forfaits pour les équipes de professionnels de proximité afin qu’ils puissent assurer de nouveaux services aux patients : prévention, éducation thérapeutique, dépistage. C’est aux partenaires conventionnels qu’il revient de négocier ces forfaits dont le déploiement est annoncé pour septembre 2013.

La deuxième mesure se veut « une réponse immédiate au problème des déserts médicaux » par la création, dès l’année prochaine, de 200 postes de jeunes médecins généralistes s’engageant à travailler dans des zones sous-médicalisées, en appui des médecins qui y exercent et approchent de la retraite. Dans le cadre d’un contrat passé avec l’Assurance Maladie, ces praticiens locaux pourraient percevoir un revenu minimal annuel pendant deux ans. L’idée est, bien sûr, de voir ces jeunes médecins succéder à leurs confrères aînés à l’heure de leur cessation d’activité.
Enfin, la troisième mesure de modernisation du système de soins prévoit l’expérimentation d’un parcours de soins pour les personnes âgées véritablement décloisonné entre la ville, l’hôpital et le secteur médico-social. Le PLFSS précise que cette organisation transversale permettra « d’adapter le système de financement des soins et apportera aux patients une meilleure lisibilité de leur suivi médical : le bon soin, au bon endroit et au juste coût ».

 

Bronca générale contre le PLFSS

Les cardiologues libéraux « Refusons toute compromission infâme »

C’est avec consternation que le Syndicat National des Spécialistes des Maladies du Cœur et des Vaisseaux  (SNSMCV) a pris connaissance et du projet de loi de financement de la Sécurité Sociale 2013 et des propositions de l’Assurance Maladie présentées lors de la réunion du 3 octobre sur l’évolution des honoraires.
La cardiologie interventionnelle, pas plus que les autres spécialités dites « riches », ne peut être la variable d’ajustement des honoraires des autres spécialités. Toute nouvelle baisse du tarif des actes de la cardiologie interventionnelle serait une véritable provocation après la suppression de l’association de l’ECG/2 à une échocardiographie.
Il est illusoire d’espérer résoudre honnêtement la problématique des compléments d’honoraires sans s’attaquer de front au fond du problème qui est de toute évidence la non-revalorisation des actes du secteur 1 depuis plus de 25 ans.
Nous appelons les syndicats négociant avec l’Assurance Maladie à refuser tout accord actant des revalorisations ciblées aux dépens de certaines spécialités. Le SNSMCV met en garde l’Assurance Maladie et le Gouvernement si une telle décision était prise. La médecine ambulatoire a montré son sens des responsabilités puisque, pour la troisième année consécutive, elle respecte l’ONDAM. C’est ailleurs qu’il faut chercher des marges de manœuvre.
Pas de dépeçage, restons unis, refusons toute compromission infâme. Assez !

 

CSMF Une équité de façade entre ville et hôpital

A la confédération, on se dit « inquiet » de cet ONDAM. « Ce n’est pas celui promis par le candidat François Hollande, 2, 7 % ce n’est pas 3 %, commente Michel Chassang. Certes, nous sommes passés de 2,5 % à 2,7 %, mais on nous annonce un ONDAM dégressif jusqu’à atteindre 2,5 % en 2015. Nous y voyons une menace sur notre exercice. Mais surtout, la parité entre l’ONDAM de ville et celui de l’hôpital n’est qu’une façade qui masque une iniquité dans l’effort demandé. En effet, sur les 2,4 milliards d’euros d’économie prévus par le PLFSS, on demande à l’hôpital un effort à hauteur de 657 millions d’euros et 1,76 milliard d’euros d’économie à la ville. Autrement dit, les libéraux devront réaliser 73 % des économies demandées ! On est très loin de l’équilibre affiché. Cette injustice est d’autant plus difficile à accepter que l’ONDAM a été respecté en 2011 avec une sous-réalisation de 800 millions d’euros et qu’il le sera cette année avec une sous-estimation de 350 millions. Dans les deux cas, la sous-réalisation de l’ONDAM est due à la médecine de ville. Nous avons donc du mal à accepter l’effort qu’on nous demande pour 2013 alors qu’on laisse filer les dépenses hospitalières. Et par-dessus le marché, le PLFSS prévoit la baisse d’actes de radiologie et de biologie à hauteur de 55 millions d’euros ! Nous demandons au Gouvernement de revenir sur cette décision. En revanche, la CSMF salue certaines mesures structurantes du PLFSS, telle la mise en place d’expérimentation en médecine ambulatoire et le financement de 200 postes pour de jeunes médecins généralistes qui exerceront aux côtés de médecins proches de la retraite dans des zones sous-médicalisées. Il faut absolument renforcer les soins de ville par une dé-hospitalisation, estime Michel Chassang, qui souligne que la France compte une fois et demie plus de lits d’hôpital que l’Allemagne. « C’est ainsi qu’on dégagera des marges de manœuvre. »

 

SML PLFSS 2013 : le temps des vendanges !

C’est la métaphore retenue par le Syndicat des Médecins Libéraux pour dénoncer les baisses de tarif annoncées. « Comme chaque année maintenant, lorsqu’il  faut boucler les recettes du PLFSS, l’état s’arroge le droit de “vendanger” les grappes qui émergent, biologistes, radiologues et peut-être demain cardiologues et d’autres …  Le seul critère retenu est le plus inique qui soit, car établi sur des moyennes. Le chiffre d’affaires conditionne les appétits de “Bercy” et fait fi de tout ce que représentent les laboratoires d’analyses et les cabinets de radiologie, notamment en matière d’offre de soins de proximité, mais aussi en matière d’emplois induits. » Mais l’ire du SML ne s’arrête pas à ces baisses de tarif. « Avec les 200 officiers de santé sous contrôle des ARS, c’est une vraie médecine bolchévique qui se profile dans ce PLFSS », estime son président, Christian Jeambrun. Quant à nous, nous proposons trois amendements. Le premier a trait à la prescription en DCI pour éviter la brimade inutile de la mention manuscrite “Non substituable”. Le deuxième concerne le statut de médecin retraité actif, que nous avons bon espoir de voir aboutir. Quant au troisième, il vise à proposer un parcours de soins à entrées multiples, en lieu et place du parcours de soins à entrée unique que Madame Touraine entend imposer. »

FHP Une répartition délétère

La Fédération de l’Hospitalisation Privé (FHP) dénonce l’inégalité de traitement entre secteur public et secteur privé. « Alors que le taux de croissance de l’ONDAM marque une volonté du Gouvernement de consacrer des moyens importants à la santé, et que le taux d’évolution de l’Ondam hospitalier est identique à l’an passé (+2,6 %), la FHP dénonce une répartition délétère des sommes allouées: +2,4 % pour les établissements de santé tarifés à l’activité contre +2,7 % en 2012, tandis que les autres dépenses pour l’hôpital sont affichées en forte croissance avec une évolution de +3,1 % contre +2,2 % l’an passé. »

« Dans un système de régulation prix/volume, nous redoutons une campagne tarifaire 2013 fortement pénalisante conduisant à une aggravation des difficultés économiques du secteur de l’hospitalisation privée », s’alarme Jean-Loup Durousset, le président de la FHP, rappelant que 28 % des cliniques et hôpitaux privés sont déficitaires toutes spécialités confondues, ce taux s’élevant à près de 40 % pour les établissements de médecine-chirurgie-obstétrique.

 

LEEM Des baisses de prix ni justifiées, ni raisonnables

Les entreprises du médicament ont bien évidemment réagi défavorablement au PLFSS 2013. Dans un communiqué, le LEEM souligne que « le Projet Loi Financement Sécurité Sociale (PLFSS)  fait à nouveau peser sur les entreprises du médicament l’essentiel des économies (près de 50 %), alors que le médicament ne représente que 15 % des dépenses d’Assurance Maladie ».

« Ce projet intervient dans un contexte de décroissance de chiffre d’affaires sans précédent pour le secteur. » En prix industriels, le médicament en ville et à l’hôpital devrait en effet subir, en 2012, une baisse de –1,5 %, selon les données de l’Assurance Maladie. Cette réduction est d’ailleurs susceptible de s’amplifier au dernier trimestre 2012 du fait de l’impact de la mesure « tiers payant contre générique, intégralement financée par l’industrie pharmaceutique. Dans un tel contexte, l’ampleur des baisses de prix envisagées dans le PLFSS pour 2013 n’est ni justifiée, ni raisonnable. »

 

L’hôpital ménagé

L’hôpital public va mal, on le sait. Le Gouvernement le ménage, cela se voit dans le PLFSS 2013 qui exige de lui 657 millions d’euros d’économies, soit un quart de l’effort général demandé. Sur ces 657 millions, 314 millions sont attendus de l’amélioration de l’efficience interne, qui passera par une meilleure politique des achats et l’évolution de l’organisation des pharmacies à usage intérieur. Par des actions de la gestion du risque, le Gouvernement souhaite « améliorer la pertinence des actes et du recours à l’hospitalisation » et développer les techniques les plus efficientes, en particulier la chirurgie ambulatoire, la prise en charge de l’insuffisance rénale chronique par dialyse péritonéale et les greffes. Il en attend une prise en charge plus appropriée pour les patients en même temps que moins coûteuse (193 millions d’euros d’économies escomptés). Enfin, « un effort particulier sera également réalisé sur les produits de santé facturés à l’Assurance Maladie en sus du tarif d’hospitalisation, pour un montant total de 150 millions d’euros, notamment dans le cadre de baisses tarifaires ». 




L’observance : difficile à observer, urgent de l’améliorer

354 – S’il est difficile de mesurer avec précision l’observance des patients, on sait cependant que ses scores sont loin d’être olympiques… Son amélioration repose essentiellement sur la bonne connaissance de sa maladie par le patient et la communication avec le médecin. C’est pourquoi l’observance est un des sujets majeurs de l’éducation thérapeutique du patient. L’UFCV le sait bien qui lancera à l’automne prochain un vaste programme d’observance thérapeutique, « Mon cœur et moi ».

Des patients « observants », c’est le rêve de tous les médecins. Mais comme l’on dit familièrement « Faut pas rêver ! » : tous les malades n’obéissent pas strictement à l’ordonnance médicale… On définit généralement l’observance comme la concordance entre le comportement d’un patient et les prescriptions médicamenteuses, mais aussi hygiéniques et diététiques qui lui ont été faites. Mais cette concordance n’est pas toujours totale. Dès lors, où se situe la frontière entre l’observance et la non-observance. Il est généralement admis que les patients bons observants prennent au moins 80 % de leur traitement tandis que les mauvais en prennent moins de 50 %. On voit que dans les deux cas la fourchette est large entre 100 % et 80 % , comme entre 50 % et 0 %… 

Des mesures de l’observance aléatoires

C’est que la mesure de l’observance est chose très complexe, les paramètres pouvant interférer dans le bon suivi d’une prescription étant très nombreux et d’ordre psychologique, pharmacologiques ou socioculturels. Aucune méthode de mesure valide et objective n’existe : il est aisé de comprendre l’infaisabilité de celle qui serait la plus fiable, la mesure directe du taux sanguin d’un médicament. Ne reste qu’une série de mesures indirectes permettant de cerner le problème plus que le quantifier avec précision. L’entretien clinique et l’autodéclaration du patient ne sont pas sans présenter de biais, notamment celui de la surestimation par le patient de son observance. Le décalage entre les dates de renouvellement de l’ordonnance et la durée de prescription est une piste, comme le repérage sur l’ordonnance des dates réelles de délivrance par le pharmacien. La « visite » des pharmacies familiales et la « délation » de l’entourage peuvent être éclairantes sur le niveau d’observance. Des moyens plus modernes comme les dispensateurs électroniques de médicaments se révèlent peu pertinents en pratique courante, malgré le recours à la technologie : ouvrir le pilulier électronique n’implique pas forcément la prise du médicament… Pour imparfaits qu’ils soient, tous ces moyens ont été utilisés dans diverses études dont les résultats colligés permettent d’évaluer grossièrement la prévalence de l’observance. Ainsi, on situe l’observance des malades souffrant d’une maladie chronique entre 30 % et 50 %. Une étude publiée dans le Concours médical en 1992 (J.-P. Olier, « Observance thérapeutique au cours des états dépressifs ») a montré que l’observance est moindre dans les maladies psychiatriques. En cardiologie, les résultats de l’étude EUROASPIRE (1) ont montré qu’après avoir présenté un événement coronaire, 28 % des patients continuent de fumer, que 49 % gardent un bilan cholestérol anormal, que 34 % ont une surcharge pondérale et que 48 % n’ont pas une PA équilibrée. Une étude (2) a aussi montré que la monoprise améliore l’observance chez les patients atteints de HTA, que l’oubli de la prise du soir est trois fois plus fréquent que l’oubli de la prise du matin et que le taux d’observance est de 73 % pour deux prises, mais s’élève à 92 % avec une seule prise. Aux Etats-Unis, 5,3 % des hospitalisations seraient dues à une mauvaise observance. Les firmes pharmaceutiques américaines estiment les pertes annuelles dues à la mauvaise observance des traitements à 20 milliards de dollars. Ce qui a motivé lesdites firmes à développer outre-Atlantique des programmes d’« aide à l’observance ». Des initiatives que les laboratoires souhaiteraient initier en France, ce qui ne leur est pas autorisé pour l’heure. Les textes sur l’Education Thérapeutique du Patient (ETP) ne leur laisse qu’une place très réduite et très encadrée. 

L’ETP : un outil pertinent

L’ETP est pourtant sans doute l’outil le plus pertinent pour améliorer l’observance des patients. Les praticiens en font souvent dans leur cabinet, sans le savoir, comme Monsieur Jourdain fait de la prose, ou en le sachant. Mais ils savent aussi que cette communication avec le patient est chronophage et qu’elle n’est pas financièrement prise en compte dans le tarif de la consultation… Quant à l’ETP organisée, si les textes la régissant existent, son financement est plus aléatoire et loin de répondre aux besoins. Heureusement, des groupes pharmaceutiques s’engagent pour financer des programmes d’ETP. L’UFCV proposera bientôt le programme d’observance thérapeutique « Mon cœur et moi » (voir entretien avec Patrick Assyag plus loin).

 

Entretien Jacques Blacher

« La transmission de l’information médicalisée est le secret de l’observance »

Chef de service de cardiologie à l’Hôtel Dieu (Paris), le Pr Jacques Blacher s’intéresse de près au phénomène de l’observance dans le domaine de spécialité qui est le sien, l’HTA. Mais selon lui, les facteurs déterminants dans la prise régulière du traitement par le patient sont transposables aux autres spécialités. A partir de quel seuil peut-on parler d’inobservance et a-t-on identifié des facteurs déterminants dans l’observance ?

Jacques Blacher : On estime que l’observance est bonne si le patient prend au moins 80 % de son traitement. En dessous de ce pourcentage, il n’y a pas observance du traitement. Mais l’observance ou l’inobservance sont complexes à quantifier précisément. Quelques études scientifiques – mais peut transposables à la clinique quotidienne – ont montré que l’observance état médiocre parmi les patients souffrant d’HTA, puisque 50 % arrêtent leur traitement au bout d’un an. L’emploi d’un pilulier électronique qui émet un « bip » chaque fois que le patient l’ouvre est un des « petits » moyens à notre disposition pour tenter de cerner le phénomène de l’observance. Avec des limites : le fait que le patient ouvre son pilulier ne signifie pas forcément qu’il prend son médicament… De même, l’interrogatoire du patient ne donne pas des résultats fiables. Si vous dites à un patient « Vous prenez bien votre traitement », il vous répondra « oui ». On obtient sans doute une réponse plus proche de la vérité en posant une question plus ouverte, du type « Combien de fois avez-vous oublié de prendre votre traitement ? ». Avec l’ensemble de ces « petits » moyens, on peut parvenir à avoir une idée de l’observance chez les patients atteints de HTA. Mais cela reste difficile. Et la présence ou non de symptômes dans les maladies chroniques ne marque pas une grande différence : des patients chroniques avec symptômes peuvent ne pas prendre leur traitement. Des psychologues qui se sont intéressés au phénomène ont montré que l’observance est étroitement liée aux caractéristiques du patient, du médecin et de la prescription. Ils ont ainsi mis en évidence que lorsque le patient ne connaît pas sa maladie, son observance du traitement est réduite. Bien évidemment, les handicaps sensoriels, la vieillesse et les troubles mentaux sont des facteurs réducteurs de l’observance. Comme le sont les effets dévastateurs de ce que peut dire l’entourage – en positif ou en négatif –, les interférences des médias et tout ce que peuvent dire les acteurs autour du patient : infirmières, pharmaciens, médecin traitant, etc. De même, la lecture des notices des médicaments qui doivent obligatoirement contenir tous les effets secondaires possibles peut influencer négativement les personnes angoissées.

Quelle est l’influence des comportements du prescripteur ?

J. B. : Elle est très importante et il faut la souligner, car on peut agir dessus. Ainsi, l’imprécision du médecin dans le diagnostic qu’il donne au malade est dommageable. Si l’on met en avant les certitudes sur ce diagnostic et que l’on fixe des objectifs, on a plus de chance que le patient prenne son traitement. Il faut aussi savoir négocier avec le patient et ne pas être trop paternaliste : au bout du compte, c’est lui qui décide de prendre son traitement ou non. Il est préférable de dire « Je vous propose ce traitement » que « Je vous ordonne ce traitement » – à cet égard, le terme d’ordon nance n’est pas neutre… Quant à la rédaction de l’ordonnance justement, elle doit être simple, précise, écrite lisiblement, opter pour une monoprise plutôt que pour des prises multiples, et ne pas être trop onéreuse, le facteur prix étant très important pour certaines personnes. Il faut expliquer au patient qu’il existe des génériques que le pharmacien peut lui proposer. Et surtout, il ne faut pas cacher les effets secondaires au patient ; il faut lui en parler et lui dire qu’il peut revenir si certains d’entre eux se manifestent. D’ailleurs, dans tous les cas, on aura intérêt à lui expliquer qu’on ne peut être absolument certain du résultat et qu’on évaluera dans le temps les effets du traitement.

Il ressort de vos propos que la communication est déterminante pour l’observance dont le patient fera preuve ?

J. B. : Le secret de l’observance réside dans la transmission de l’information médicalisée. Pour convaincre le patient qu’il y a plus de bénéfices que d’inconvénients à prendre son traitement, il est nécessaire de lui transmettre les données qui nous ont nous-mêmes convaincus de l’efficacité du médicament. On aura donc tout intérêt à lui expliquer que des essais thérapeutiques ont montré que la prise du traitement réduit les risques d’AVC, etc. Autrement dit, il faut faire de l’éducation thérapeutique du patient, qui nécessite de la compétence et du temps, mais là, c’est une autre question… Mais ce qui est certain, c’est que l’observance dépend étroitement de la relation de confiance entre le patient et le médecin, et que cette relation n’est pas acquise, elle se gagne !    

 

Entretien Patrick Assyag

« Mon cœur et moi » : le programme de l’UFCV

Le Dr Patrick Assyag détaille pour Le Cardiologue le programme d’observance thérapeutique « Mon cœur et moi » conçu par l’UFCV, dont il est membre du conseil scientifique. Ce programme, qui démarrera en novembre prochain après un phase test, pourrait toucher 1 500 patients ayant été victimes d’un syndrome coronaire aigu depuis moins d’un an.  Qu’est-ce qui a motivé le programme « Mon cœur et moi » ? Patrick Assyag : Le phénomène d’observance thérapeutique constitue un défi majeur dans le cadre du syndrome coronaire aigu. On sait que 70 % des patients vont présenter une récidive d’événements cardiovasculaires fatale ou non fatale dans les douze mois suivant un syndrome coronaire aigu. On sait aussi que 30 % arrêtent partiellement ou totalement de prendre leur traitement dans les quatre semaines suivant leur sortie de l’hôpital, tandis que 12 % arrêtent tous les traitements conduisant ainsi à une augmentation significative de la mortalité à un an. Si la prise en charge du syndrome coronaire aigu a été nettement améliorée ces dernières années par les innovations technologiques et médicamenteuses, elle pourrait être cependant améliorée par une meilleure observance. C’est la raison pour laquelle l’UFCV, en partenariat avec la société CRM et AstraZeneca, a souhaité proposer le programme d’observance thérapeutique «  Mon cœur et moi » chez les patients au décours d’un syndrome coronaire aigu. Ce programme a été validé par un comité scientifique composé à parité de cardiologues libéraux et hospitaliers. Un test d’évaluation sera réalisé dans le courant du mois de septembre auprès d’un panel de cardiologues et de patients pour un démarrage du programme début novembre. 

Quel est le contenu de ce programme et comment se déroulera-t-il ?

P. A. : Le programme se déroulera sur une année. Il comprend une phase active de six semaines. A chacune de ces six semaines correspond un thème « Observance/Inobservance », « La maladie et sa compréhension », « Le médicament : mieux le comprendre », « Vos facteurs de risque », « Vous et les professionnels de santé », « Vous et les autres ». Une évaluation sera faite avant et après le programme par le cardiologue au moyen d’un questionnaire rempli par le patient sur les facteurs de risques. Le programme sera personnalisé en fonction des facteurs de risque de chaque patient et visera à évaluer les risques de mauvaise observance et à les corriger. La phase au long cours consistera en un accompagnement des patients, hebdomadaire d’abord, puis mensuel, pour une meilleure observance. Enfin, la phase bilan fera le point complet à 6 mois et à un an pour mesurer l’adhérence du patient au programme et les comportements. 

Sur quels critères les patients seront-ils inclus dans ce programme et combien seront-ils à y participer ?

P. A. : Seront inclus tous les patients dont la date de survenue du syndrome coronaire aigu sera inférieure à un an, et possédant un ordinateur et un accès à internet. C’est d’ailleurs là un petit biais introduit dans la sélection. Pour ce qui est du nombre de patients inclus, il n’est pas encore fixé. Mais sachant que nous comptons sur la participation d’environ cent cinquante cardiologues libéraux et que chacun d’entre eux pourrait proposer ce programme à une dizaine de patients, le nombre total de patients pourrait avoisiner 1 500. 

On voit le bénéfice du programme pour les patients, mais qu’en sera-t-il pour les cardiologues ?

P. A. : Ce programme a également pour objectif d’accompagner les professionnels de santé dans une approche multifactorielle où ils se verront attribuer un espace personnalisé enrichi de multiples informations sur l’observance thérapeutique ainsi que les nouvelles recommandations et publications. D’autre part, ils seront régulièrement informés de l’évolution du programme d’observance de leur patient.




Exercer dans la bonne société

353 – On peut choisir d’exercer soit à titre individuel, soit en groupe, en regroupant simplement les moyens nécessaires à l’exercice ou en se regroupant en sein d’une société. Il semble que l’exercice en solitaire appartient désormais au passé, et que l’exercice groupé soit l’avenir de la profession médicale. Nombreux sont déjà les cardiologues à exercer en association, au sein d’une société civile de moyens (SCM), d’une société civile professionnelle (SCP) ou d’une société d’exercice libéral (SEL). Mais aujourd’hui, à la fois pour des raisons de démographie médicale et pour répondre aux souhaits des jeunes praticiens comme des usagers de la santé, la tendance est à la création des regroupements pluridisciplinaires. C’est pour favoriser leur développement qu’une nouvelle entité juridique, la Société Interprofessionnelle  de Soins Ambulatoires (SISA) a fait sont entrée dans la législation française. L’occasion pour Le Cardiologue de revenir sur les caractéristiques des différentes formes de société d’exercice (*), et de recueillir le témoignage de praticiens sur les avantages et les inconvénients de chacune. 

 (*) Les contrats types de ces différentes formes de société sont disponibles sur le site de l’Ordre : www.conseil-national.medecin.fr.

 

Société interprofessionnelle de soins ambulatoires (SISA)

Créée par la loi HPST, la Société interprofessionnelle de soins ambulatoires (SISA) est un nouveau cadre juridique destiné à faciliter l’exercice groupé et pluridisciplinaire des professions de santé, ainsi qu’à faciliter de nouveaux modes de rémunération notamment pour des activité de coordination thérapeutique, d’éducation thérapeutique ou de coopération interprofessionnelle. Des SISA peuvent être constituées entre des personnes physiques exerçant une profession de santé pour permettre « la mise en commun de moyens pour faciliter l’exercice de l’activité de chacun des associés » et « l’exercice en commun, par ses associés, de certains activités à finalité thérapeutique relevant de leur profession respective ». Les rémunérations versées en contrepartie de l’activité professionnelle des associés dont le statut prévoit un exercice commun constituent des recettes de la société et sont perçues par celle-ci . Les SISA sont soumis au régime fiscal des sociétés de personnes.

Chacun des associés d’une SISA répond sur l’ensemble de son patrimoine, des actes professionnels qu’il accomplit dans le cadre des activités prévues par les statuts de la société. Un associé peut se retirer de la SISA soit il cède ses parts sociales, soit la société lui rembourse la valeur de ses parts. Dans les maisons de santé constituées en SISA, le projet de santé adopté par les associés doit être annexé aux statuts, lesquels doivent être transmis aux Ordres professionnels un mois avant l’enregistrement de la SISA. Ces statuts ne doivent comporter « aucune disposition tendant à obtenir d’un associé un rendement minimum ou de nature à porter atteinte à l’indépendance professionnelle de chacun d’entre eux et au libre choix du praticien par le malade ».

Les démarches

Les statuts de la SISA doivent être déposés au pôle enregistrement (ex recette des impôts) dont dépend la société dans un délai d’un mois à compter de la date de leur signature. L’avis d’un juriste ou d’un avocat spécialisé sera le bienvenu pour la rédaction de ces statuts. 
Un avis de constitution doit être inséré dans un journal d’annonces légales. La société reçoit ensuite une immatriculation au registre du commerce et des sociétés (RCS) et au greffe du tribunal de commerce. Une fois immatriculée, la SISA fait l’objet d’une publicité au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (BODACC).

 

Société d’Exercice Libéral (SEL)

Une SEL peut regrouper des médecins généralistes et/ou des médecins de toutes spécialités pouvant exercer en secteur 1 ou en secteur 2. Un praticien ne peut exercer qu’au sein d’une seule SEL et, sauf en cas d’exercice lié à des équipements ou des techniques le justifiant, il ne peut cumuler cet exercice avec un exercice individuel.
L’activité doit s’effectuer dans un lieu unique. Cependant, si la société utilise des équipements implantés dans des lieux différents et que l’intérêt des malades justifie un éclatement des lieux d’exercice, la SEL peut alors exercer dans 5 lieux différents sur 3 départements limitrophes, ou, le cas échéant, sur l’ensemble de l’Ile-de-France. Cet exercice multisites est conditionné à l’accord de l’Ordre des médecins (voir l’entretien avec Eric Perchicot plus loin).
La SEL est une société commerciale, elle est donc soumise à l’impôt sur les société et nécessite une comptabilité de type commerciale. Elle répartie les bénéfices sous forme de dividendes. Elle est propriétaire de tous les actifs du cabinet, notamment de la clientèle. La SEL encaisse les honoraires, paye les frais et les charges. Comme la SCP, elle facture et encaisse les honoraires. La SEL est responsable solidairement.
Ils existes différentes formes juridiques de SEL : Société d’exercice libéral unipersonnelle (SELU) ; Société d’exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) ; Société d’exercice libéral à forme anonyme (SELAFA) ; Société d’exercice libéral en commandite par actions (SELCA) ; Société en participation d’exercice libéral (SELPEL) ; Société d’exercice libéral par actions simplifiées (SELAS).

Les démarches

Les statuts doivent être soumis à l’avis du Conseil départemental de l’Ordre des médecins. La SEL doit être constituée et immatriculée au registre du commerce et des sociétés (RCS) et au greffe du tribunal de commerce dont elle dépend. Ses statuts doivent être enregistrés au pôle enregistrement (ex recette des impôts). 

 

Société Civile de Moyens (SCM)

L’objet de la SCM est de fournir à ses membres des moyens et/ou des prestations de services sans affecter l’exercice de l’activité de ses membres. Les associés peuvent être soit des praticiens libéraux exerçant titre individuel soit des praticiens exerçant dans le cadre de société d’exercice (SCP ou SEL). Dans le cadre d’une SCM, il est possible de s’associer entre médecins généralistes et spécialistes ou entre professionnels paramédicaux et médicaux.
La SCM constitue une personnalité morale à part entière distincte de celle des associés. Elle peut réaliser des investissements (matériel, biens immobiliers…) et contracter en son nom (baux, contrats de travail).
Les associés doivent être au moins deux. Ils peuvent indifféremment être des personnes physiques ou morales (associations professionnelles, SCP, SEL) et sont responsables indéfiniment et conjointement à l’égard des tiers.
Aucun capital social minimal n’est exigé. Chaque associé verse une redevance à la société, l’ensemble des redevances servant à payer les charges. Des parts sociales sont attribuées à chacun des associés en contrepartie de ses apports. Chaque associé est responsable au prorata des parts qu’il détient.
N’étant pas une société commerciale, la SCM n’est pas soumise à l’impôt sur les sociétés.

Les démarches

Avant toute démarche, les statuts doivent être soumis à l’avis du Conseil départemental de l’Ordre des médecins. La SCM doit être constituée et immatriculée au registre du commerce et des sociétés (RCS) et au greffe du tribunal de commerce dont elle dépend. Ses statuts doivent être enregistrés au pôle enregistrement (ex recette des impôts).

 

La Société Civile Professionnelle (SCP)

La SCP a pour objet l’exercice de la profession par l’intermédiaire de ses membres. Il s’agit d’une société de personnes dotée d’une personnalité morale autonome. Par conséquent, le praticien n’est pas propriétaire en propre de sa clientèle. Son patrimoine professionnel est constitué des parts qu’il détient dans la société . Les actes sont facturés par la SCP, qui encaisse les honoraires. Les associés d’une SCP sont solidairement responsables des dettes de la société sur leur patrimoine personnel, de même qu’ils sont responsables des autres associés en cas d’indemnités dues envers un patient. Sauf pour un exercice salarié ou du bénévolat, ils ne peuvent pas travailler en dehors de SCP et le cumul avec une autre activité libérale est interdit.
La SCP doit avoir au moins deux associés. Le nombre maximum d’associés est de 10 en cas de disciplines différentes ou de 8 pour la même discipline.
Fiscalement et socialement les associés conservent le statut de travailleurs indépendants. Le montant du capital est librement fixé par les statuts.
Sauf exception acceptée par l’Ordre des médecins, la SCP exerce dans un lieu unique.

Les démarches

Avant toute démarche, les statuts doivent être soumis à l’avis du Conseil départemental de l’Ordre des médecins. La SCP doit être constituée et immatriculée au registre du commerce et des sociétés (RCS) et au greffe du tribunal de commerce dont elle dépend. Ses statuts doivent être enregistrés au pôle enregistrement (ex recette des impôts).

 

Entretien Eric Perchicot

« L’avenir est à la SISA »

Exerçant en SEL, le secrétaire général du SNSMCV estime pourtant que l’avenir est aux groupes pluridisciplinaires et donc aux SISA qui ont été créées pour favoriser le développement de ces groupes.

Avec vos associés, vous êtes constitués en SEL. Pourquoi ce choix ?

Eric Perchicot : Avant de choisir un type de société, il y a d’abord eu, il y a douze ans, la volonté des huit cardiologues du Sud-Vaucluse, c’est-à-dire Cavaillon, Apt et Isle-sur-la-Sorgue, de travailler ensemble. Nous avons fait le choix de la SEL, parce qu’à l’époque, c’était la seule structure qui permettait à des médecins de travailler sur plusieurs sites, raison pour laquelle l’Ordre y était d’ailleurs très réticent. C’est la première motivation de notre choix qui n’a pas été fait pour des motifs financiers. L’expérience a montré par la suite que les avantages financiers que nous aurions pu espérés avoir en choisissant la SEL se sont avérés vains. La décision de la CARMF et de l’URSSAF de soumettre toute rémunération aux cotisations a fait disparaître l’espoir de voir diminuer les cotisations sociales, tout comme a disparu l’espoir de payer moins d’impôts en se distribuant des dividendes. La SEL présente aussi un avantage pour les investissements, car la première partie des sommes investies est taxée faiblement. Mais il s’agit d’un intérêt fiscal modéré, dont il n’est pas sûr qu’il soit d’un grand intérêt aujourd’hui. Les avantages sociaux et fiscaux n’ont donc pas été au rendez-vous.

Quel avantage dans ce cas présente la SEL ?

E. P. : Outre la possibilité de travailler sur plusieurs sites, la SEL nous permet d’exercer en société et donc de ne pas être responsables de nos dettes sur nos patrimoines. Concrètement, nous sommes gérants majoritaires, nos honoraires sont mis en commun et redistribués par la SEL. Lorsque nous nous sommes regroupés, nous avons vendu notre clientèle à la SEL, qui a récupéré les intérêts d’emprunt et qui est aujourd’hui, en quelque sorte, propriétaire du droit de présentation à clientèle. Nous avons un expert comptable et une comptabilité très précise. Cette transparence est un atout et vaut toujours mieux que les sociétés de fait.

La SEL est-elle une structure juridique que vous recommanderiez aujourd’hui ?

E. P. : L’avenir, c’est le regroupement des professionnels de santé au sein de structures pluridisciplinaires. C’est dans cette optique que les SISA ont été créées. Cette structure juridique a une grande souplesse et permet de régler les problèmes de cohabitation de tous les professionnels, ainsi que de mutualiser une grande partie de tout ce qui est logistique, acquisitions des murs, etc. Si les syndicats médicaux veulent promouvoir des structures clés en main, c’est ce type de structure qu’il faut développer.

 

Entretien Vincent Guillot

« Un système souple et adaptable »

Exerçant en SCM depuis 1975, le cardiologue apprécie surtout la modulation des frais selon les associés que permet cette forme de société.

Vous exercer la cardiologie à Lens avec trois associés au sein d’une SCM. Pourquoi avoir choisi cette forme juridique ?

Vincent Guillot : Lors de l’installation en 1975, c’est notre comptable qui nous a conseillé la SCM, parce que c’est un système très souple et d’une grande adaptabilité pour les associés dont les apports peuvent être différents. En fait, la SCM est une boîte aux lettres qui reçoit  les apports des associés et paye les frais. Chacun de nous perçoit ses honoraires, qui ne passent pas par la SCM. La valeur de la part est minime, qui correspond à la valeur comptable du matériel amorti très rapidement. Nous avons un appareil d’échographie en leasing, qui ne fait pas partie du capital mobilier de la SCM. Si nous devions acquérir un matériel plus conséquent, la valeur de la part serait plus importante.

Quel est le principal avantage de la SCM selon vous ?

V. G. : L’avantage essentiel réside dans la clé de répartition des frais qui peut se moduler en fonction des associés. Par exemple, l’un des mes associés travaille surtout dans une clinique où il fait de la cardiologie interventionnelle ; en conséquence, il  paye moins de frais que les autres. Si une nouvelle technique est introduite dans un cabinet, la clé de répartition peut faire que les frais seront surtout assumés par les praticiens qui l’utilisent. La clé de répartition est inscrite dans les statuts de la société, ce qui constitue une garantie en cas de désaccord. Mais si l’on souhaite modifier la clé de répartition, c’est facile à faire. Nous avons ainsi pu adapter la répartition au fil du temps. C’est d’une grande souplesse et cela garantit l’intérêt de chacun.

 

Entretien Olivier Fichaux

« Comme des praticiens hospitaliers libéraux ! »

Pour ce cardiologue, la mise en commun des honoraires et le versement d’un salaire identique à tous les associés est l’atout de la SCP.

Vous exercer en clinique privée au sein d’une SCP. Etes-vous satisfait de ce choix ?

Olivier Fichaux : La SCP était constituée depuis 1992 et je l’ai intégrée en 2004. Je n’ai donc pas participé à ce choix. Mais je ne l’ai jamais remis en cause car je suis satisfait de cette forme de société. Nous sommes neuf associés qui exerçons en secteur 1. Les recettes sont mises en commun et nous percevons un salaire mensuel identique qui peut être réajusté en fonction des rentrées ou des déficits, ainsi que des dividendes en fin de mois. En SCP, nous sommes en quelque sorte des « praticiens hospitaliers libéraux ». Je trouve ce système optimal pour ce qui est de la prise en charge du malade : ce ne peut jamais être l’intérêt financier qui prévaut dans les décisions. Quelle que soit mon activité, mon salaire sera identique à celui de mes associés en fin de mois. J’ajoute que lorsque j’ai débuté, j’ai apprécié de savoir d’entrée quel serait le montant de mon salaire ; cela m’a servi de garantie auprès des banques lorsque j’ai sollicité des emprunts.

Pour vous, la SCP ne présente donc que des avantages ?

O. F. : Il est certain qu’au sein d’une SCP, tous les associés doivent tirer dans le même sens. C’est peut-être plus facile dans un petit groupe de trois ou quatre associés que lorsque le groupe s’agrandit et que des dissensions risquent davantage d’intervenir.




Quelle carrière pour les femmes cardiologues ?

352 – Depuis quelques années, la féminisation de la médecine est un phénomène qui va croissant. Selon la dernière étude (*) de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), au 1er janvier de cette année, on recensait 662 médecins actifs en France, dont 41 % de femmes. Les femmes médecins représentent 48, 6 % des salariés hospitaliers, 33 % des libéraux exclusif et 28 % des praticiens ayant un exercice mixte. 

La cardiologie ne se situe pas parmi les spécialités les plus féminisées. En 2001, elle était même lanterne rouge, avec une proportion de 15 % de femmes. Certes, le pourcentage de femmes cardiologues augmente d’année en année, mais à un rythme qui reste inférieur à la moyenne générale. En 2008, le taux de féminisation de la profession était de 19 %. A titre indicatif, cette année-là, les femmes représentaient déjà 39 % des médecins, toutes spécialités confondues. En 2012, les femmes cardiologues constituent 21,8 % de l’effectif de la spécialité cardiologie et maladies vasculaires qui s’établit à 6 613 praticiens. Un peu plus de la moitié des cardiologues (3 371) sont des libéraux exclusifs, et parmi eux, 17 % sont des femmes. Elles représentent 35 % des cardiologues hospitaliers, qui sont 1 772 au total, et 14 % des 1 341 praticiens qui ont un exercice mixte.
Une ventilation plus précise par secteur d’activité montre que les femmes cardiologues exercent surtout dans le secteur privé non lucratif (34,8 %), en centre de santé (31,5 %), à l’hôpital public (29,4 %), nettement moins dans le secteur privé lucratif (15 %). Leur pourcentage est important parmi les remplaçants en cabinet libéral (29,6 %) et dans le domaine de la prévention (29,4 %). Quand elles exercent en cabinet libéral, c’est un peu plus souvent en cabinet individuel (18,6 %) qu’en cabinet de groupe (16,8 %).

Il est intéressant de remarquer que sur les 375 spécialistes en chirurgie thoracique et cardiovasculaire, on compte seulement 8 % de femmes. Les témoignages que nous avons recueillis confirment qu’il est plus aisé pour les femmes de pratiquer la cardiologie « clinique » que la cardiologie interventionnelle et chirurgicale où la pression de l’urgence et les contraintes sont assez incompatibles avec une vie de famille qui repose (encore) essentiellement sur les femmes.
Même si la spécialité cardiologique n’est pas parmi les spécialités les plus féminisées, la ventilation par tranche d’âge indique clairement que ce retard devrait être rattrapé dans les années à venir, puisque les taux de féminisation les plus forts se rencontrent chez les plus jeunes. Si on ne compte que 9, 5 % de femmes chez les cardiologues entre 60 et 64 ans, il est presque deux fois plus élevé (18 %) entre 50 et 54 ans, il est de  31 % dans la tranche 40-44 ans, de 42 % entre 35 et 39 ans. Enfin, parmi les cardiologues de moins de 30 ans, les femmes sont majoritaires (51,4 %). On observe cette même tendance pour la chirurgie thoracique et cardiovasculaire où les plus importants pourcentages de femmes concernent les tranches d’âge 35-39 ans et 30-34 ans (respectivement 17,9 % et 16 %).

Les femmes sont donc de plus en plus nombreuses à choisir la spécialité de cardiologie. Pour autant, là comme dans à peu près tous les secteurs d’activité, elles se heurtent au fameux « plafond de verre » qui fait que peu d’entre elles accèdent à des postes de responsabilité. A cet égard, il est « exemplaire » que seules sept femmes aient le statut de PU-PH, soit 5 % seulement du corps des professeurs de cardiologie. Certes, la médecine n’échappe pas à un certain machisme ambiant. Mais la principale entrave des femmes dans l’accession à certains postes ou aux pratiques les plus contraignantes de la cardiologie (cardiologie interventionnelle, chirurgie cardiaque) reste leur souhait de concilier vie professionnelle et vie familiale. Dans les conditions actuelles de l’exercice médical, de l’organisation hospitalière et dans un contexte économique qui renforce la pression sur les personnels, les femmes ont souvent à choisir entre leur carrière et leur vie personnelle. Dans l’entretien qu’elle nous a accordé, Marie-Chritine Malergue en témoigne, qui reconnaît n’avoir eu qu’un enfant pour pouvoir mener la vie professionnelle qu’elle souhaitait. Dans ce contexte, l’exercice libéral permet de concilier plus facilement l’exercice de la cardiologie et la vie de famille.

Parallèlement à la féminisation croissante de la profession, et sans doute liée à cette féminisation, la mentalité des jeunes médecins évolue : eux aussi veulent avoir une vie privée et voir grandir leurs enfants ! Martine Gillard le constate chez ses internes, et se réjouit de cette évolution, signe d’une parité en marche.

(*) Les médecins au 1er janvier 2012», DREES – Série Statistiques n° 167, février 2012.

 

L’avis de… Christian Ziccarelli président du SNSMCV

Où en est la féminisation du syndicalisme ?

Christian Ziccarelli : Elle est infime. Les femmes cardiologues sont de plus en plus nombreuses : sur environ 600 cardiologues de moins de 40 ans, 400 sont des femmes. Mais cette féminisation de la profession ne se retrouve pas dans nos instances. Au conseil d’administration du Syndicat, il n’y a que trois femmes aujourd’hui sur une quarantaine de membres. Et la proportion n’est guère plus importante à l’assemblée générale où il doit y avoir 90 % d’hommes. Le même constat s’impose à l’UFCV où deux femmes seulement siègent au CA. Ce manque d’implication des femmes est très regrettable.

Il s’explique comment, selon vous ?

C. Z. : Par le fait que les femmes cardiologues ont aussi des mères, et qu’en dehors de leur métier, leur priorité est la vie familiale, les enfants. Je vois bien que mon associée, entre son travail, ses journées de FMC et sa famille, n’a pas le temps de faire autre chose. Je suis personnellement très favorable à la présence des femmes dans nos institutions, mais il faut bien voir aussi que cela signifie des réunions nombreuses, téléphoniques ou présentielles, à Paris ou un peu partout en France, souvent durant les week-ends. Nous essayons d’élargir et de rajeunir le Syndicat, mais c’est difficile. Pas plus que les femmes, les jeunes cardiologues hommes ne tiennent pas non plus à s’investir dans le syndicalisme, essentiellement parce qu’ils ont la même aspiration que leurs collègues femmes à une vie privée. Nombreux sont les hommes qui regrettent de ne pas avoir vu grandir leurs enfants, tout entier accaparés par leur vie professionnelle.

 

 

Entretien Martine Gilard

« Quand on veut, on peut, mais c’est difficile »

PU-PH au CHU de Brest, Martine Gilard (56 ans) est une des (très) rares enseignantes de cardiologie en France. Elle le déplore, mais observe une évolution qui la rend optimiste quant à l’avenir des femmes en cardiologie.

 

Comment avez-vous choisi d’exercer la cardiologie à l’hôpital public ?

Martine Gilard : J’ai commencé mon internat de cardiologie à Brest en 1982 et j’ai été nommée cardiologue en 1986. J’ai deux spécialités, la radiologie et la cardiologie. Au départ, deux spécialités m’intéressaient, la pédiatrie et la cardiologie, et j’ai choisi la cardiologie parce que j’ai trouvé cette spécialité très variée, très vivante, en mouvement, avec des innovations importantes, et très efficace. Lorsque j’étais externe, je n’appréciais pas beaucoup l’ambiance hospitalière. J’ai pourtant choisi de faire carrière à l’hôpital public, d’abord parce qu’à l’hôpital on bénéficie de moyens importants et des innovations, ensuite parce que j’aime le partage et que l’enseignement m’attirait beaucoup. A cet égard, les hôpitaux, et particulièrement les CHU, sont des lieux privilégiés.

Selon vous, le fait d’être une femme constitue-t-il un obstacle à une carrière telle que la vôtre ?

M. G. : Ce n’est pas un obstacle au départ, mais dès qu’on veut progresser dans les échelons hiérarchiques, cela devient difficile, parce qu’on demande plus à une femme. Il faut s’adonner pleinement à son métier et c’est difficilement compatible avec une vie familiale. Personnellement, je me suis séparée assez rapidement de mon mari et je me suis retrouvée seule avec mon enfant. Cela a été difficile, mais quand on veut, on peut s’organiser pour mener de front sa carrière et sa vie de famille. Mais enfin, il faut bien constater que sur environ cent cinquante enseignants de cardiologie, nous ne sommes que sept femmes en France ! A la SFC, qui est en progression à l’égard de la féminisation, nous sommes trois femmes sur les neuf membres du bureau, mais c’est assez exceptionnel. Au sein de l’European society of cardiology, nous sommes deux femmes dans l’équivalent européen du GACI. Il n’est pas normal qu’il y ait si peu de femmes. Les femmes renoncent-elles par peur ou exerce-t-on une pression sur elles telle qu’elles n’osent pas aller de l’avant ? Il est évident qu’on ne dit jamais à un cardiologue homme qui veut faire une carrière hospitalière : « Tu ne verras pas tes enfants ! ». Mais aujourd’hui pourtant, j’entends des hommes me dire « Il faut que je parte pour récupérer mon gosse ».

Vous constatez donc une évolution ?

M. G. : Oui. Le partage des tâches, beaucoup plus important qu’avant entre les hommes et les femmes, fait qu’il y a davantage de femmes en cardiologie. Actuellement, sur mes sept internes, trois sont des femmes, et il n’y a aucune différence entre eux dans le travail qu’ils font. La vie évolue et les hommes aussi, et c’est très bien comme cela.

 

Entretien Marie-Christine Malergue

« Etre femme oblige à choisir entre carrière et vie familiale »

Pour Marie-Christine Malergue (63 ans), il est très difficile pour une femme de mener de front l’exercice de la cardiologie interventionnelle et une vie familiale. Le plus souvent, elle doit choisir entre la carrière et la vie privée. 

 

Quel est votre parcours et comment êtes-vous venue à la cardiologie ?

Marie-Christine Malergue : J’ai passé ma thèse en 1976. Initialement, je me destinais à la chirurgie, et j’ai d’ailleurs commencé mon internat dans cette discipline, un semestre décourageant. Un stage en cardiologie à Tenon, où à travers la coronarographie, j’ai entrevu toutes les possibilités à venir, a été déterminant. J’ai donc opté pour la cardiologie. Je suis partie un an au Canada où j’ai découvert l’échocardiographie, une technique qui n’était pas connue alors en France. Je suis rentrée avec ce bagage, et comme je suis une battante, je pense, modestement, avoir été un peu à l’origine de l’échocardiographie en France.
J’ai effectué mon clinicat à Bichat. Un patron m’a fait espérer un poste qu’il ne m’a jamais donné, et en 1982, j’ai ouvert un cabinet libéral d’échocardiographie. Simultanément, j’ai intégré  la clinique mutualiste de la Porte de Choisy – qui est devenu par la suite l’Institut Montsouris – pour y développer l’échocardiographie. J’y suis restée vingt ans, jusqu’à ce que je sois « débauchée » pour ouvrir un laboratoire d’échocardiographie à l’hôpital privé Jacques Cartier, à Massy, où j’exerce toujours, parallèlement à mon activité libérale en cabinet de ville.

Dans ce parcours, le fait d’être une femme a-t-il été un handicap ?

M.-C. M. : Franchement, cela n’a jamais été un problème pour moi. Aurais-je obtenu un poste à l’hôpital public si j’avais été un homme ? Je n’en suis pas sûr. En tout cas, j’ai fait une carrière qui me satisfait pleinement, assez comparable d’ailleurs à une carrière universitaire. J’ai eu la chance d’avoir des patrons qui m’ont fait confiance, qui m’ont écoutée et encouragée. Je me suis fait entendre tout aussi fort que si j’avais été universitaire, sans bénéficier cependant des moyens mis à la disposition des universitaires, j’ai tout fait toute seule.
En revanche, il est évident que le fait d’être femme oblige à choisir entre la carrière et la vie familiale. J’ai eu un enfant pendant mon clinicat, et mes petits camarades hommes ne m’ont pas fait particulièrement de cadeau pendant ma grossesse. Au passage, je rappelle que le congé maternité n’existait pas à l’époque dans les statuts, et je me suis battue pour l’obtention de quelques semaines de congé maternité pour les femmes ! J’ai été énormément aidée par mes parents, et je me suis interdit d’avoir un second enfant. Si j’avais eu plusieurs enfants, je n’aurais pas fait la carrière que j’ai faite, c’est certain. Et cela n’aurait pas été aussi simple si j’avais fait de la chirurgie cardiaque. Mais je me suis donné les moyens de faire ce que je voulais, de partir à l’étranger, de prôner une nouvelle technologie, d’aller de l’avant.
Mais c’est un choix que toutes les femmes ne sont pas prêtes à faire, ce que je comprends parfaitement. Le résultat, bien sûr, c’est que les femmes sont peu nombreuses en cardiologie interventionnelle. A Jacques Cartier, on compte les femmes sur les doigts d’une main ! En cardiologie, nous sommes deux, Marie-Claude Morice et moi…

Pensez-vous que les choses peuvent évoluer ?

M.-C. M. : Je suis plutôt pessimiste quant à une évolution. Soit on pratique en cabinet une activité pas ou peu soumise à l’urgence, soit on exerce dans une structure hospitalière, et là, c’est beaucoup plus compliqué. Particulièrement aujourd’hui dans les établissements hospitalier privé où la contrainte économique est énorme, et où il faut avoir une disponibilité totale, ne pas compter ses heures, il est très difficile à une jeune femme ayant des enfants de tenir. Et je vois mal comment la situation pourrait s’améliorer dans les conditions actuelles de l’exercice. Ou il faut un tempérament très fort, un courage formidable et être portée par une vraie passion. Geneviève Derumeaux, qui fait une carrière exceptionnelle et qui est mère de famille, est l’exception qui confirme la règle, elle qui a été également présidente de la SFC. Mais il faut souligner qu’elle était la deuxième femme à assumer cette fonction, vingt ans après Mireille Brochier ! Car les femmes se font rares aussi dans les instances professionnelles et les sociétés savantes : je suis la seule femme à avoir été présidente de la Société française d’échocardiographie de 1997 à 1999, et aujourd’hui encore, je suis le seul élément féminin de cette société savante…

 

Entretien Marie-Paul Augusseau

« L’exercice libéral correspond à mes choix de vie  »

Parce qu’elle souhaite concilier sa vie professionnelle avec sa vie familiale, Marie-Paul Augusseau (48 ans) a choisi d’exercer en libéral, et se dit pleinement satisfaite de ce choix. 

Pourquoi avez-vous choisi d’exercer en libéral ?

Marie-Paul Augusseau : J’exerce effectivement depuis 2001 à la clinique de La Présentation, dans une commune située au nord d’Orléans. J’ai été chef de clinique deux ans à Tours et deux ans à Paris. Un poste de praticien hospitalier ne m’était pas proposé à l’époque. J’ai donc fait deux années de remplacement en libéral avant de m’installer. Il faut dire que je baigne dans un milieu libéral, puisque mon père était médecin généraliste et que mon mari est pharmacien d’officine. Et puis, j’ai trois enfants, et l’exercice libéral facilite la conciliation de la vie professionnelle avec la vie familiale.

Comment vivez-vous le fait d’être femme dans votre vie professionnelle ?

M.-P. A. : C’est souvent vu comme un problème mais moi, je ne l’ai pas vécu comme cela. Certes, quand j’ai pensé à une carrière hospitalière au décours de mon clinicat, aucune opportunité ne s’est présentée à moi. Mais avec le recul, les postes à responsabilité sont peu accessibles aux femmes dans l’univers hospitalier. Aujourd’hui, je travaille comme j’en ai envie. Je suis associée depuis dix ans avec deux confrères, nous sommes en SCM, indépendants les uns des autres. J’organise mon planning comme je le souhaite, en toute liberté. Nous suivons nos patients de A à Z, et cela me plaît. J’apprécie l’interactivité que nous avons dans le travail, nos échanges. Nous ne vivons pas sur nos acquis et nous intervenons régulièrement à des FMC et participons à deux ou trois congrès annuellement. Dans ce sens et dans la continuité de ma formation hospitalière, j’ai poursuivi pendant plus d’une dizaine d’années  des vacations à l’HEGP en échographie et dernièrement en IRM que je pratique désormais en binôme un après-midi par semaine avec un confrère radiologue. J’ai des astreintes mais pas de gardes. En résumé, l’exercice libéral est un choix qui correspond à mes choix de vie, et la cardiologie que j’exerce me passionne. Le fait d’être une femme cardiologue ne me paraît pas exceptionnel, pas plus que pour les autres femmes qui travaillent. D’ailleurs, en médecine libérale en tout cas, les femmes sont de plus en plus nombreuses. Cette féminisation est une bonne chose, pas un problème. Elle entraîne un changement de mentalité chez les hommes, qui aspirent eux aussi à plus d’équilibre entre vie professionnelle et vie familiale, et nous évoluons dans ce sens. La médecine change pour tous ! Reste que certaines spécialités comme la chirurgie, la cardiologie interventionnelle ou l’obstétrique restent peu accessibles aux femmes, sauf à reconsidérer sa vie familiale.




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351 – Sans être sur le devant de la scène au cours de la campagne pour l’élection présidentielle, au même titre que la crise financière ou le chômage, le thème de la santé a pris de l’importance au fil des semaines. Rarement abordé d’emblée par les candidats, il a le plus souvent fait sont apparition dans leur discours électoral à l’occasion de révélations médiatiques sur des dépassements d’honoraires prohibitifs ou les déserts médicaux s’installant en France. D’où l’impression d’ailleurs que les candidats prennent position de façon fragmentaire sur tel ou tel problème, plus qu’ils n’ont vraiment une politique de santé mûrement élaborée et faisant partie intégrante de leur programme de gouvernement pour la France. Cela n’est après tout que le reflet d’un constat fait de septennat en quinquennat : ce qui manque le plus cruellement à la France en matière de santé, c’est… une réelle politique de santé construite, cohérente. A cet égard, il n’est pas sans signification que la santé ait eu, au gré des gouvernements successifs, un ministère à part entière ou un simple secrétariat. 

Nous avons essayé de résumer pour nos lecteurs les propositions que font les candidats pour régler les principaux « dossiers » santé que le futur locataire de l’Elysée ne manquera pas de trouver en accédant à la magistrature suprême, accompagnées des déclarations de leurs conseillers santé (1)

 

Accès aux soins

Nicolas Sarkozy

– Relever le numerus clausus.
– Créer des maisons de médecins libéraux proches des hôpitaux pour assurer les urgences du quotidien et désengorger ainsi les urgences hospitalières.
– Mieux rémunérer les médecins acceptant de s’installer dans des zones médicalement sous-dotées.

François Hollande 

– Le relèvement du numerus clausus peut être souhaitable.
– Fixer à 30 min le délai maximum d’accès aux soins d’urgence.

– Pas de contrainte sur les professionnels de santé.
– Instaurer un plan d’urgence pour l’installation des jeunes médecins comprenant des incitations financières, un accompagnement administratif, et favorisant des projets médicaux susceptibles de les accueillir.
– Limiter le conventionnement en secteur 2 dans les zones médicalement surdotées.
– Doter tous les centres hospitaliers d’un centre d’IVG.

François Bayrou 

– Créer des dispensaires adossés aux pharmacies dans les territoires sous-dotés.
– Instaurer les services médicaux de proximité, en amont des plateaux techniques hospitaliers pour les urgences, la maternité et les soins ambulatoires.
– Mettre en place une astreinte partagée entre public et privé.
– Redéfinir les numerus clausus par négociation, contractuellement, en fléchant un certain nombre de postes vers des affectations temporaires là où les besoins sont les plus grands.

Marine Le Pen 

Rétablir l’égalité d’accès aux soins entre les différents territoires, et pour cela :
– Supprimer les très petites structures ne pratiquant pas assez d’actes pour assurer qualité et sécurité suffisantes.
– Sauvegarder les structures de taille moyenne avec un personnel de très grande qualité.
– Réserver aux CHU la prise en charge des cas les plus lourds et les plus complexes.
– Intégrer dans la formation des professionnels de santé un stage sur le terrain.
– Supprimer l’AME.

Jean-Luc Mélanchon 

– Augmenter le numerus clausus dans l’objectif de sa suppression.
– Doter tous les bassins de vie d’équipements publics de santé en rapport avec leur population.
– Favoriser la mise en réseau des hôpitaux entre eux et avec la médecine de ville.
– Assurer la promotion des centres de santé.
– Faire bénéficier toute personne résidant en France d’un accès aux soins inconditionnel et universel, quels que soient leurs revenus ou leur situation administrative au regard du séjour.
– Mettre fin en priorité aux fermetures et démantèlements d’hôpitaux, de maternités, de centres de soins et d’IVG.
– Garantir l’accès gratuit à la contraception et à l’IVG.

 

Professionnels de santé

Nicolas Sarkozy

– Liberté d’installation maintenue.
– Développer un mode de rémunération reposant sur le paiement à  l’acte, le paiement au forfait pour certaines activités (prévention, recherche épidémiologique…) et certaines pathologies, et une rémunération sur objectifs de santé publique.
– Mise en place du secteur optionnel.
– Limitation des dépassements d’honoraires.
– Affermir le pacte conventionnel.
– Renforcer la place du pharmacien dans le système de soins (bon usage, ETP).
– Enrichir la formation initiale par la coordination interprofessionnelle, la pertinence des actes, la démarche qualité et la pédagogie vis-à-vis des patients, et par l’introduction des sciences économiques et sociales dans le cursus.
– Développer les passerelles entre les différents métiers de la santé.

 

François Hollande 

– Pas de politique de contrainte envers les professionnels.
– Lutter contre les dépassements d’honoraires.
– Compléter le paiement à l’acte par une part forfaitaire.
– Maintenir la rémunération et les missions de l’officine.
– Limiter le conventionnement en secteur 2 dans les zones médicalement surdotées.

François Bayrou 

– Préserver la liberté d’installation.
– Instaurer une prise en charge forfaitaire pour certaines maladies chroniques et dans les missions de prévention en lien avec l’appréciation des pratiques.
– Refuser le paiement à la performance d’une logique purement « business ».
– Mise en place d’un contrat de bonne pratique.
– Suppression des stabilisateurs économiques relatifs aux conventions.

Marine Le Pen 

– Eviter les dépassements d’honoraires excessifs en secteur 2, et les plafonner en concertation avec les représentants des médecins.

Jean-Luc Mélanchon 

– Lancement d’un programme de formation de toutes les disciplines de la santé, libéré de l’influence de l’industrie pharmaceutique.
– Redéfinir une nouvelle convention médicale remettant en cause, notamment, les dépassements d’honoraires, et créant de vraies incitations à l’installation (financières, techniques, aide à l’installation, à l’équipement…).

 

Etablissements de santé

Nicolas Sarkozy

– Moduler la tarification en fonction de critères de pertinence des actes.
– Mise en place d’un système de bonus/malus pour moduler l’application des tarifs prévus.
– Instauration de mécanismes collectifs d’intéressement.
– Maintien de la convergence tarifaire.

François Hollande 

– Réformer la tarification en mettant fin au principe de convergence tarifaire entre public et privé, et en redéfinissant le financement de l’hôpital public pour l’adosser à d’autres critères que la seule activité.

 François Bayrou 

– Développer l’hospitalisation à domicile et le maintien à domicile.
– Réviser la loi HPST pour passer d’une logique gestionnaire et administrative à une construction en réseau sur le territoire.

Marine Le Pen 

– Prévenir toute nouvelle augmentation du forfait hospitalier.

 Jean-Luc Mélanchon 

– Abrogation de la loi Bachelot et de la loi de 2003 instaurant la tarification à l’activité.
– Suppression du forfait hospitalier.
– Investissement massif pour redonner à l’hôpital public les moyens nécessaires à une politique de santé de qualité.

 

Financement de la santé / Dépenses de santé

Nicolas Sarkozy

– Organisation d’Etats généraux des dépenses de santé pour redéfinir ce qui relève de la solidarité nationale, des régimes complémentaires et de l’effort individuel.
– Mise en place de la TVA sociale.
– Rééquilibrage de l’ONDAM en faveur de la médecine ambulatoire.
– Après retour à l’équilibre, proposer de nouvelles réponses pour la prise en charge des soins dentaires et des lunettes.

François Hollande 

– Ouvrir le débat sur la place et le rôle des organismes complémentaires, en renforcement du régime obligatoire qui reste le socle incontournable de notre protection sociale.
– Rapprocher la CSG et l’impôt sur le revenu.
– Engager une généralisation du tiers payant.

François Bayrou 

– Equilibrer les régimes de Sécurité Sociale.
– Rééquilibrage de l’ONDAM en faveur des soins de ville.
– Mise en place des ORDAM.
– Examiner l’exemple du régime complémentaire Alsace-Moselle (mutuelle universelle).
– Proposer un bouclier santé qui pourrait être financé en gérant autrement l’argent consacré aujourd’hui à l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé.

Marine Le Pen 

– Réformer en profondeur la Sécurité Sociale.
– Prohiber toute nouvelle taxation des mutuelles.

Jean-Luc Mélanchon 

– Remboursement intégral à 100 % des frais de santé couverts par la Sécurité sociale, y compris les lunettes et les soins dentaires.
– Suppression des forfaits et franchises médicales.
– Orienter principalement les mutuelles sur les questions de prévention.
– S’intéresser au régime Alsace-Moselle.

 

Verbatim

Pr Philippe Juvin, député européen, responsable d’une cellule d’experts en santé à l’UMP (*)

«  Le numerus clausus doit être augmenté pour deux raisons. La première est qu’un médecin qui sort de l’université n’est pas un médecin actif temps plein immédiatement. La seconde est qu’il faut mettre un terme au gâchis que constitue la première année de médecine, cette année folle, dure et injuste. »

« En cinq ans, nous avons tenté de redonner un sens à un système de santé  éclaté, cloisonné et trop hospitalo-centré. La loi HPST y a participé. Nous avons tenu l’Ondam à qualité des soins constant. Pour les cinq ans à venir, nous voulons tenir ce sens politique que nous avons voulu donner. Il n’y a pas de « grand soir » dans la santé. Les dépenses de santé doivent continuer à être tenues. Le système est plein de marges de manœuvre : sur les transports médicaux, à l’hôpital qui n’a pas pris le virage de la chirurgie ambulatoire, etc. Les marges de manœuvre sont dans les détails. Il faut donc rechercher l’efficience, dont les plus grosses marges sont à l’hôpital public. »

« Il faut former une génération de gens prêts à faire fonctionner le système des ARS. Nous sommes dans un pays qui a fait une révolution avec des dirigeants qui doivent comprendre qu’il y a eu une révolution. L’ARS ne peut fonctionner que si elle est éclairée par des avis multiples. La culture est encore trop administrative dans les agences. »

« Concernant les augmentations de tarifs, il faut bien voir que l’enveloppe est fermée ! Mettons-nous autour d’une table et voyons ensemble pour quels actes une revalorisation du tarif opposable s’impose en contrepartie d’une révision à la baisse d’autres actes. Tout cela à enveloppe constante. »

« Nous allons vers la fongibilité depuis quelques années. L’étape suivante est la régionalisation des dépenses de santé qui permettra de dégager des marges et d’aller vers la fongibilité. » 

(*) Les propos de Philippe Juvin ont été recueillis par Le Cardiologue.

 

Marisol Touraine, Députée d’Indre-et-Loire, Présidente du Conseil général d’Indre-et-Loire, secrétaire nationale du PS , responsable du « pôle social » (*)

« Nous ne croyons pas aux méthodes coercitives. La réorganisation de notre système doit se faire à partir de la médecine de premier recours. Pour cela, nous prônons un investissement important dans des pôles pluridisciplinaires, des maisons pluridisciplinaires, et pourquoi pas, dans certains lieux, des centres de santé. »

« Concernant le rééquilibrage de l’ONDAM en faveur de la médecine ambulatoire, il est bien évident que certaines ressources aujourd’hui affectées aux urgences hospitalières pourraient être employées en ville, pour mieux prendre en charge les personnes âgées, par exemple. »

« Nous sommes très prudents concernant d’éventuels ORDAM. Qui dit ORDAM dit péréquation, car on doit être soigné partout pareil. Même si des politiques territoriales de santé sont nécessaires en fonction des spécificités régionales. Mais il ne faut pas ouvrir la porte à la régionalisation des principes mêmes de notre système de santé. »

« Les ARS sont l’instrument de régionalisation d’une politique nationale. Nous ne sommes pas opposés aux ARS, mais elles sont aujourd’hui des machines administratives, elles ne sont pas porteuses de projets. C’est un bon instrument qui fonctionne mal, et beaucoup de choses doivent être revues. »

« Nous n’avons pas d’approche idéologique de la médecine libérale. La réalité du système de soins français est qu’il fonctionne avec des salariés et des libéraux. Nous n’avons aucune volonté de changer cela ! Si la réponse est apportée aux besoins de santé d’une population, le problème libéral ou pas ne se pose pas. Mais comment inciter les médecins libéraux à s’installer là où c’est nécessaire ? Si aucune solution n’est trouvée, l’Etat doit bien apporter des réponses. »

(*) Les citations de Marisol Touraine sont tirées de ses déclarations lors de la journée organisée par le CNPS le 15 mars dernier sur les programmes santé des candidats à l’élection présidentielle.

 

Dr Geneviève Darrieussecq, Maire de Mont-de-Marsan (Landes), conseiller santé au Modem (*)

« La convention médicale est un contrat qui doit évoluer régulièrement dans le respect du contrat signé. La convention doit être sanctuarisée, et le Parlement doit s’occuper d’autre chose. »

« Quand on signe un contrat, il est applicable immédiatement. Nous nous engageons à supprimer les stabilisateurs économiques. »

« Nous sommes favorables à l’instauration d’ORDAM fixés en fonction de l’évaluation des besoins de chaque région, l’Etat ne faisant que veiller à ce qu’aucune région ne soit défavorisée. Mais il faut responsabiliser les acteurs de terrain dans la disposition d’une enveloppe. »

« Les médecins libéraux peuvent avoir une place plus importante qu’ils ne l’ont dans le système de santé et assumer un certain nombre de tâches dont les hôpitaux doivent être dégagés. Cela ne peut évidemment pas se faire avec des enveloppes similaires et un rééquilibrage de l’ONDAM est à opérer en faveur de la médecine de ville. »

« Les pharmacies sont bien organisées pour un maillage complet du territoire. Y adosser des maisons médicales pluridisciplinaires dans la plus grande ville du canton – l’échelon pertinent – semble une solution satisfaisante au problème d’accès aux soins. » 

(*) Les citations de Geneviève Darrieussecq sont tirées de ses déclarations lors de la journée organisée par le CNPS le 15 mars dernier sur les programmes santé des candidats à l’élection présidentielle.
 

Le programme du LEEM

Pour « relever le défi français de l’innovation et de la sécurité », le LEEM fait quatre propositions. 

Il s’agit tout d’abord de « développer une politique de coopération scientifique entre recherche publique et recherche privée ». Pour cela, il faudrait définir des priorités d’investissements de recherche sur les grands enjeux de santé publique (cancer, sida, maladies inflammatoires et génétiques…), et accroître la place de la France en Europe, notamment par des programmes partenariaux de développement d’essais cliniques sur cinq ans. En second lieu, et pour asseoir notre dynamisme industriel, on doit « soutenir la production industrielle en France, en réussissant la mutation de la production pharmaceutique et le développement des biotechnologies ». Et donc, à la fois maintenir une production de médicaments issus de la chimie ancrée dans le territoire et pourvoyeuse d’emplois, et accélérer la création de plate-formes de production de lots cliniques de biomédicaments, notamment par les PME.Pour assurer une cohérence stratégique, il importe de « garantir la cohérence entre politique de régulation du médicament et politique d’attractivité ». La tenue régulière du Conseil stratégique des industries de santé favoriserait une réflexion partagée entre les pouvoirs publics et les industriels. Le LEEM plaide pour une rénovation de la politique conventionnelle prenant mieux en compte les enjeux de recherche et de politique industrielle, et une adaptation des procédures et structures d’accès au marché en cohérence avec l’évaluation européenne, et valorisant l’apport technologique et économique du médicament.Enfin, pour une confiance partagée, le LEEM veut « installer la responsabilité et la transparence au cœur du système », et pour cela « impliquer tous les acteurs et travailler ensemble pour un “juste usage” du médicament ». Là, les industriels revendiquent de « participer aux actions de sensibilisation des patients et de leurs proches sur les comportements responsables ». Une « éducation thérapeutique du patient » en quelque sorte dont on les a toujours écartés jusqu’à présent. Le LEEM propose aussi un « rendez-vous citoyen » périodique pour « déployer une véritable pédagogie de la réalité du médicament et la compréhension de sa valeur thérapeutique et sociale ».

 

Les 12 travaux de l’UMESPE

En mars dernier, l’UMESPE a consacré une journée à la présentation de son programme pour « renforcer la médecine spécialisée libérale ». Le programme de l’Union des MEdecins SPEcialistes confédérés tient en 12 « priorités ». 

Rééquilibrer les moyens en faveur des soins de ville qui ne doivent plus être la variable d’ajustement des déficits de l’hôpital public. Pour faire face aux sorties précoces d’hôpital et aux suites d’hospitalisations ambulatoires, mais aussi réduire le nombre des hospitalisations et limiter le recours inapproprié aux urgences hospitalières, les spécialistes de ville ont besoin de moyens supplémentaires.

Valoriser les spécialités cliniques en concrétisant rapidement la CCAM clinique prévue par la convention. La seule solution pour dégager les moyens supplémentaires nécessaires ci-dessus cités. « Les consultations doivent être honorées en fonction de leur contenu, de leur durée et de leur niveau de difficulté ». 

Donner une visibilité économique aux spécialistes libéraux, qui ne pourront l’obtenir que par la concrétisation des deux premiers points.

Valoriser et pérenniser les regroupements à travers les plateaux cliniques pour répondre aux aspirations nouvelles des jeunes médecins – souvent des femmes – et aux besoins médicaux des populations.

Appliquer immédiatement le secteur optionnel. Celui inscrit dans la dernière convention, pas « l’option de coordination renforcée » imposée par le Gouvernement et réservée aux seuls praticiens de bloc de secteur 2.

Conforter le pacte conventionnel en imposant le respect des mesures programmées selon le calendrier prévu, et en supprimant les stabilisateurs économiques pour une application immédiate des revalorisations.

Ouvrir la formation initiale à la médecine spécialisée en instaurant la possibilité d’un semestre d’internat en cabinet de ville ou en clinique.

Développer l’implication des spécialistes libéraux dans la recherche clinique et donner une lisibilité à l’innovation libérale par des financements jusqu’ici strictement réservés à l’hôpital.

Améliorer le dialogue entre les ARS et les spécialistes libéraux en impliquant les URPS, notamment dans l’organisation de la PDS et la mise en œuvre des SROS.

Inciter les ARS à soutenir et accompagner les initiatives des médecins spécialistes libéraux pour améliorer l’organisation des soins.

Rénover la protection sociale des médecins libéraux en améliorant la prise en charge de la maternité et en supprimant le délai de carence de 90 jours avant de percevoir des IJ.

Impliquer les spécialités médicales dans les grands plans de santé publique.




Témoignages : la cardiologie en quatre dimensions

350 – Ils ont tous les quatre choisi la cardiologie comme spécialité, mais le premier est clinicien et exerce seul dans un cabinet de ville, le second pratique la cardiologie interventionnelle dans le secteur privé. Le troisième a choisi l’hôpital public pour pouvoir, notamment, enseigner, et le quatrième a opté dès son internat pour la recherche cardiovasculaire nécessaire à la compréhension des pathologies et le développement de l’innovation. Ils parlent de leur parcours et témoignent du sentiment qu’ils ont d’être reliés les uns aux autres par-delà la diversité de leurs pratiques.

Dr Gérard Granger – cardiologue de ville

« Je ne regrette pas mon parcours, mais c’est du passé »

Installé à Issoudun (Indre), le Dr Gérard Granger y exerce la cardiologie de ville en solo depuis 1979. Un choix qu’il ne regrette aucunement, mais qu’il ne réitèrerait pas s’il devait s’installer aujourd’hui.

 

Pouvez-vous nous décrire votre activité ?

Gérard Granger : J’exerce seul dans un cabinet de ville, à Issoudun, où je suis le seul cardiologue et, trois heures par jour, j’exerce à l’hôpital, où je suis aussi le seul cardiologue. Mon activité hospitalière représente à peu près un tiers de mon temps de travail. Au début de mon activité hospitalière, je m’occupais de tous les malades de cardiologie ; aujourd’hui, je n’ai plus de secteur personnel à l’hôpital où je fonctionne comme un consultant, c’est-à-dire que je réponds à la demande de tous les services qui me sollicitent pour un avis cardiologique. Mais j’ai obtenu qu’un cardiologue de l’hôpital de Châteauroux vienne à l’hôpital d’Issoudun une demi-journée par semaine pour des consultations externes.

Avec le recul, êtes-vous satisfait de ce mode d’exercice ?

G. G. : Je ne regrette pas du tout mon parcours. Ici, ce n’est pas la vie trépidante d’une grande ville. Issoudun est un gros village où tout le monde se connaît ; je vais à l’hôpital en 5 minutes et je ne sais pas ce que c’est qu’un embouteillage ! C’est le choix d’un mode de vie. J’ai voulu que mon cabinet jouxte ma maison pour pouvoir avoir une vie de famille, et mon épouse est ma secrétaire. Mais cela, c’est du passé. Aujourd’hui, bien sûr, je ne viendrais pas m’installer tout seul ici dans une ville de 15 000 habitants et qui en draine 20 000. Je m’installerais dans une grande ville avec des associés. Mais j’ai vu une variété de cas et de situations extraordinaires, dont s’était étonné un chef de clinique aujourd’hui chef de service à l’hôpital. J’ai fait de la « belle » médecine, je me suis « régalé » de ce point de vue.
La vie a changé, la cardiologie a évolué, et je comprends tout à fait que les jeunes confrères n’aient pas envie de se retrouver tout seuls dans leur coin. Je travaille de 8h30 à 21h30 voire 22h00. Exerçant seul, on n’a pas le droit d’être fatigué, malade, ailleurs ! Mais j’ai 63 ans, et je ne suis pas sûr du tout de trouver un successeur quand je partirai d’ici trois ans. La population devra aller consulter à Châteauroux ou à Bourges. Le cabinet de trois cardiologues de Châteauroux cherche un autre associé depuis quatre ans, et ne l’a toujours pas trouvé… 

Aviez-vous envisagé l’évolution de la cardiologie quand vous vous êtes installé ?

G. G. : Oui, j’avais un peu l’idée de l’évolution du métier. L’échographie cardiaque en était à ses débuts, et des techniques émergeaient qui ont profondément transformé l’exercice. J’ai d’ailleurs beaucoup fait pour me maintenir au top. En trente ans, j’ai renouvelé toutes mes connaissances, et je continue à participer à des formations, à des congrès. Il faut être de plus en plus performant. 

Quels liens avez-vous avec vos confrères cardiologues, libéraux ou hospitaliers ?

G. G. : Dans l’ensemble, mes relations avec mes confrères se sont toujours bien passées, et j’ai toujours trouvé à discuter avec eux. Je n’ai pas trop senti mon isolement. Aujourd’hui, certains de mes collègues sont en coordination plus formelle avec des généralistes du sud du département, en recourant notamment à la vidéotransmission sur des cas particuliers, et il est certain que nous allons évoluer vers cela.

 

Dr Olivier Fichaux – cardiologue interventionnel dans le secteur privé

« Il faut en finir avec les antagonismes d’hier »

 

Cardiologue interventionnel à la clinique de La Reine Blanche, à Orléans, le Dr Olivier Fichaux y a trouvé la liberté de s’exprimer professionnellement. Mais il n’entend pas pour autant alimenter le conflit public/privé, un « combat d’arrière-garde », selon lui.

 

Comment avez-vous été amené à pratiquer la cardiologie interventionnelle, et à le faire dans le cadre de l’hospitalisation privée ?

Olivier Fichaux : Le choix de la cardiologie interventionnelle est le fruit du hasard. J’ai choisi la spécialité de cardiologie, et ensuite, ce sont des opportunités qui ont fait que je me suis dirigé vers cette pratique. J’avais tous les diplômes qui me permettait d’exercer comme praticien hospitalier, mais il se trouve que parallèlement, j’ai été contacté pour travailler dans le privé. Et en fait, c’est la gestion hospitalière, devenue du grand « n’importe quoi » après l’entrée en vigueur des 35 heures qui m’a fait opter pour le secteur privé. A plus long terme, l’hôpital ne me permettait pas d’arriver à m’exprimer ; dans le privé, je peux prendre des initiatives – faire des vidéos pédagogiques pour mes patients, par exemple- sans être entravé par la bureaucratie, je peux mieux affirmer ma personnalité. A l’hôpital, on est dépendant de la hiérarchie dans laquelle il n’est pas facile de trouver une place.

Quels sont vos rapports avec vos autres confrères cardiologues ?

O. F. : L’organisation est harmonieuse avec les cardiologues de ville. Nous ne consultons pas à la clinique et nous ne voyons que les patients qu’ils nous adressent. Avec l’hôpital, les relations sont moins faciles. Par exemple, nous avons créé le CRAC (Club Régional des Angioplasticiens du Centre) où nous échangeons sur des cas cliniques entre confrères du privé et du public, et nous déplorons que nos confrères d’un des hôpitaux de la région aient du mal à y participer. Mais il s’agit de combats d’arrière-garde qui n’appartiennent pas à ma génération. Au sein du CRAC, mes confrères, qu’ils soient du public ou du privé, n’ont pas la mentalité à se dénigrer les uns les autres, et c’est une très bonne chose. Nous devrions travailler ensemble et nous respecter. Et ce n’est pas toujours le cas, malheureusement. Mais encore une fois, je crois que ce sont des antagonismes d’hier qui disparaissent dans les jeunes générations. 

L’argument financier a-t-il compté dans votre choix du privé ?

O. F. : Certes, l’aspect financier est entré aussi en ligne de compte. Le salaire est plus important dans le privé que dans le public, à ceci près que dans le privé, l’achat de parts dans une société représente une prise de risque et qu’il y a toujours des craintes inhérentes à l’activité. Cela étant dit, à la clinique de La Reine Blanche, nous sommes neuf cardiologues, nous exerçons tous en secteur 1 et nous fonctionnons en SCP, c’est-à-dire que nous nous mettons les recettes en commun, que nous touchons un salaire identique en fin de mois et que nous nous répartissons les dividendes en fin de mois, s’il y en a. La cardiologie invasive, qui génère le plus d’argent, ne profite donc pas à ceux qui la pratiquent, mais à tous. L’attrait financier du privé ne rentre donc pas en ligne de compte. A titre indicatif, je gagne presque 2,5 fois moins que ce que je produis. Mais ce système est optimal pour ce qui est de la prise en charge du malade : ce ne peut jamais être l’intérêt financier qui prévaut dans les décisions. 

Vous êtes donc pleinement satisfait de votre exercice ?

O. F. : Je n’ai aucun regret. J’ai la chance de faire le métier que je fais. Il a des contraintes énormes, il est assez stressant et parfois même angoissant, mais c’est un métier valorisant. J’ai fait ce que je voulais faire, mes choix n’ont pas été des choix par défaut, mais toujours des choix positifs. Le seul point noir pour moi réside dans ce conflit entre le public et le privé, qui résulte d’ailleurs surtout, je crois, de l’ignorance des uns pour ce que font les autres. Il faut que les gens arrêtent de ne penser qu’en fonction de leur pré carré. n

 

 

Pr Daniel Herpin – Enseignement et soins en hôpital public

« On ne peut pas perdre ses idéaux au contact de jeunes internes »

 

PU-PH au CHU de Poitiers, le Pr Daniel Herpin a assuré les trois valences de la fonction. Ces dernières années, l’enseignement occupe une place prépondérante dans son activité. 

 

Comment s’est fait votre cheminement vers cette fonction de PU-PH que vous assumez au sein du CHU de Poitiers ?

Daniel Herpin : Travailler dans un CHU était pour moi l’occasion privilégiée de travailler en équipe et la possibilité d’aller très naturellement vers la recherche et l’enseignement. Ces objectifs me semblaient difficiles à atteindre en dehors de l’hôpital public. J’ai eu la chance de pouvoir m’engager dans cette voie et d’avoir les réponses à mes attentes. Etre PU-PH, c’est assumer trois valences – soins, recherche et enseignement – auxquelles il convient d’en ajouter une quatrième, et qui a pris de plus en plus d’importance ces dernières années, la valence « administrative », c’est-à-dire la participation à divers comités et commissions, dans lesquels il importe de faire entendre notre point de vue. Toutes ces activités ont leur intérêt et l’on attend des médecins qu’ils s’impliquent dans toutes.

Or, nous travaillons beaucoup, mais il est difficile de tout faire dans tous les domaines, et les PU-PH privilégient en général une ou deux de ces valences. Personnellement, lorsque j’étais PH, j’étais très impliqué dans le soin, je faisais beaucoup de recherche clinique, et un peu d’enseignement au lit du patient. J’ai fait ensuite davantage de recherche et d’enseignement. 
Et depuis dix ans, je suis surtout très investi dans l’enseignement. Je m’occupe notamment du DES de cardiologie au niveau national. L’investissement dans l’une ou l’autre activité est affaire de conjoncture et de goût personnel. Ce qui est certain c’est que  la fonction de PU-PH offre une riche diversité modulable. Cela restera-t-il ainsi ? Ce n’est pas sûr.

Comment voyez-vous l’évolution de cette fonction ?

D. H. : On ne peut échapper à l’évolution de la société vers la performance. L’avenir des CHU – et leur présent, d’ailleurs – est d’aller vers l’excellence. Cela implique que cette modulation des différentes valences soit dirigée et efficiente. Dans le domaine de la recherche, par exemple, cela signifie que le profil des enseignants-chercheurs-médecins se rapproche de celui des enseignants-chercheurs, et que certains d’entre nous fassent de la recherche à temps plein, en constituant des équipes pour ce faire. Cependant, dans un hôpital, la priorité est de répondre à la demande de soins, d’assurer la PDS, de répondre à l’urgence. L’équilibre entre soins, enseignement et recherche est donc à organiser au sein de grandes équipes.

En tant que PU-PH, quels sont vos rapports avec vos confrères cardiologues libéraux ? L’hyperspécialisation qui se développe en cardiologie n’est-elle pas un frein à la coordination entre les différents praticiens ?

D. H. : A Poitiers, peut-être parce que le CHU n’est pas très important, les liens avec le privé sont bons et les échanges se passent bien. Nous avons tous nos correspondants en ville, des cardiologues comme des médecins généralistes. Avec l’hyperspécialisation, il est vrai que le risque de segmentation existe, mais il n’est pas inévitable, et les échanges doivent être maintenus. D’ailleurs, les interconnexions existent, et, par exemple, le rythmologue intervient pour resynchroniser un ventricule après le diagnostic posé par l’échocardiographiste. En outre, je crois beaucoup aux vertus de la formation partagée au sein des EPU pour maintenir ces échanges entre tous les cardiologues.

Vous êtes donc optimiste quant à l’avenir ?

D. H. : Oui, tant qu’il y aura dans les hôpitaux et ailleurs des personnes qui auront envie de donner le meilleur d’eux-mêmes et d’échanger. Je crois plus aux hommes qu’aux institutions ! J’ai la chance de par ma fonction d’être chaque année au contact d’étudiants et d’internes au début de leur carrière, et si par hasard mes idéaux devaient s’effriter, je serais très vite remotivé ! On n’a pas le droit de baisser les bras face à des jeunes avides de réponses.

 

Pr Hervé Le Marec – Recherche et soins

« Croiser les savoirs est essentiel »

 

Professeur à l’université de Nantes et directeur de l’Institut du Thorax, unité mixte INSERM, le Pr Hervé Le Marec a opté dès son internat pour la recherche, qu’il ne conçoit pas déconnecté de la cardiologie clinique.

Comment avez-vous choisi de vous orienter vers la recherche ?

Hervé Le Marec : J’ai fait ce choix très tôt au cours de mon internat, à la fin des années 1970, alors même que l’organisation de la recherche n’était pas aussi claire qu’elle l’est aujourd’hui. Je considérais que les médecins devaient s’investir dans ce domaine, pour comprendre les pathologies et parce que sans recherche il ne peut y avoir de développement et d’innovation. J’ai donc passé un DEA au cours de mon internat et soutenu une thèse de science en fin d’internat. Puis je suis parti travailler aux Etats-Unis dans un laboratoire de recherche, car à Nantes, il n’y avait pas de recherche cardiovasculaire. Ensuite, dans les années 1990, avec Denis Escande, professeur à Orsay et cardiologue de formation, nous avons fusionné nos équipes pour créer l’Institut du Thorax, qui a démarré avec 15 personnes et qui en compte 150 aujourd’hui, ce qui signifie que nous avons quelques moyens ! C’est une belle structure, qui fonctionne bien, avec une belle production de connaissances. 

Comment maintient-on le lien avec les autres confrères cardiologues lorsqu’on est chercheur ?

H. L.-M. : J’ai eu un cursus normal de cardiologue et j’ai été chef d’un service de 110 lits jusqu’à un passé très récent où j’ai cédé la place à un jeune confrère. La recherche n’est pas un domaine isolé, au contraire, elle doit être très proche des préoccupations cliniques, et répondre correctement aux questions non résolues. L’Institut du Thorax réunit soins, enseignement et recherche. Le besoin de croiser les savoirs est essentiel, et il existe un continuum entre recherche clinique et recherche fondamentale. 
Par la recherche, nous apportons des connaissances et des nouvelles pratiques qui ont des applications dans la pratique quotidienne de tous les cardiologues. Certes, nous manions des concepts que les cardiologues de ville ne gèrent pas au quotidien, mais il leur est facile de s’apercevoir que leurs pratiques et leurs prescriptions aujourd’hui résultent de recherches menées dix ou quinze ans plus tôt. Malheureusement, je considère qu’aujourd’hui la recherche cardiovasculaire est le parent pauvre en France par rapport à d’autres pays. Elle reçoit peu de soutien institutionnel par rapport à d’autres domaines, et peine donc à faire émerger des sujets de recherche fondamentale. 

Un Plan cœur améliorerait-il cette situation selon vous ?

H. L.-M. : je suis favorable à un meilleur financement et une meilleure organisation de la recherche cardiovasculaire, mais je me méfie du tronçonnage par « plan ». Si c’est la seule solution, pourquoi pas, mais je ne suis pas sûr que la défense par catégorie et l’hypertrophie d’un secteur de recherche par rapport à d’autres soit une bonne chose. Il importe de structurer la recherche autour des grands organismes existants en se posant la question : « Où sont les grands enjeux de société ? ».
Nous sommes face au problème majeur d’une population qui vieillit avec des maladies chroniques qui engendrent des coûts de santé énormes à partir de 60-65 ans. Investir massivement dans des outils de prévention et de dépistage de ces maladies chroniques est un enjeu crucial pour notre société, et c’est ce que nous nous efforçons de faire. Mais très peu de moyens sont investis pour cela. Cela relève de décisions politiques. Or, les politiques veulent de l’immédiateté, et la recherche s’inscrit dans le long terme…




Dispositifs médicaux : Plus de sécurité, oui, moins d’innovation, non

349 – La loi de 2011 sur la sécurité sanitaire renforce le contrôle sur les Dispositifs Médicaux (DM). D’autres évolutions sont annoncées à la suite de l’affaire des prothèses mammaires, notamment la création d’une AMM pour certains produits. Les médecins comme les industriels souhaitent que ces évolutions n’empêchent pas les patients de bénéficier rapidement de dispositifs innovants.

 Parce qu’elle est étroitement liée à l’affaire du Médiator, la loi relative au renforcement de la sécurité sanitaire a surtout été commentée du point de vue du seul domaine de la pharmacie. Mais la « loi Bertrand » ne concerne pas que les médicaments, elle concerne également de vastes domaines des DM. Vaste domaine, puisque l’on recense quelque 4 000 classes de DM représentant environ 800 000 produits, qui vont de la simple compresse au scanner, en passant par le lit médicalisé et les dispositifs implantables, prothèses en tout genre, stents, défibrillateurs et autres prothèses valvulaires cardiaques… Tous ces produits sont classés en fonction de leur niveau de risque (durée d’implantation, délai de détérioration, etc.) dans quatre classes : niveaux 1, 2A, 2B et niveau 3 (le plus haut risque). Pour cette dernière catégorie, depuis 2000, une évaluation clinique est obligatoire, dont l’exigence a été renforcée en 2010.

Pas d’AMM pour les dispositifs médicaux

Mais pour l’ensemble des DM, leur mise à disposition ne passe pas, comme pour le médicament, par une Autorisation de Mise sur le Marché (AMM), mais par l’obtention du marquage CE délivré par des organismes certifiés désignés par les différents Etats. Nantis du marquage CE, les DM passe par l’AFSSAPS – devenue Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé (ANSM) par la loi – qui les évalue du point de vue de la matériovigilance. Il revient ensuite à la Commission Nationale d’Evaluation de DIspositifs Médicaux et des Technologies de Santé (CNEDIMTS) de la Haute Autorité de Santé d’en faire l’évaluation scientifique en vue de leur remboursement. Jusqu’à présent, la HAS n’évaluait pas les DM relevant d’un financement dans les groupes homogènes de séjour. Elle devra le faire à l’avenir conformément à la loi de décembre 2011. La CNEDIMTS devra aussi remettre chaque année au Parlement un rapport d’activité mentionnant notamment les modalités et principes selon lesquels sont mis en œuvre les critères d’évaluation des produits de santé en vue de leur prise en charge par l’Assurance Maladie.

Une publicité soumise à autorisation

Comme la publicité sur les médicaments, la publicité pour les dispositifs médicaux est strictement encadrée par la loi. En particulier, pour les DM « présentant un risque important pour la santé humaine » et dont la liste sera établie par le Ministère de la Santé, la publicité est désormais soumise à une autorisation préalable délivrée par l’ANSM pour une durée de cinq ans renouvelable. Le même dispositif s’applique aux DM de diagnostic in vitro « dont la défaillance est susceptible de causer un risque grave pour la santé ».
La loi de décembre dernier instaure également que l’ANSM puisse faire procéder à un contrôle de conformité des DM aux spécifications techniques requises pour l’inscription sur la liste des produits remboursables. Elle autorise aussi le contrôle par des agents assermentés de l’Assurance Maladie de la conformité des DM aux règles de facturation et de tarification en vigueur.
Enfin, la loi dit que l’ANSM doit remettre au Parlement avant le 30 juin prochain « un rapport dressant le bilan des règles applicables à la sécurité des dispositifs médicaux et présentant des règles susceptibles de l’améliorer ».

Un système de sécurité sanitaire mis sur la sellette

A peine l’affaire du Médiator quittait-elle les feux de l’actualité que l’affaire des prothèses mammaires PIP faisait la Une des médias au début de l’année. Certes, il faut rapidement établir que l’on était ici en présence d’une fraude manifeste de la part d’un fabricant que les scrupules et le souci de la santé des patientes n’étouffent pas, c’est le moins que l’on puisse dire. N’importe, l’opinion publique ne pouvait s’empêcher de se demander comment une telle fraude avait pu perdurer des années et, une fois encore, notre système de sécurité sanitaire était mis sur la sellette.
Un premier rapport de l’AFSSAPS et de la DGS remis au Ministre de la Santé a avancé un certain nombre de recommandations pour renforcer le contrôle des dispositifs médicaux. La première vise un renforcement des inspections par l’AFSSAPS. Mais de nombreux produits étant fabriqués à l’étranger, une coopération entre les agences des différents pays est souhaitable. Renforcer les inspections signifie surtout effectuer des inspections inopinées et régulières, qui ne permettent pas à d’éventuels fraudeurs de cacher leurs méfaits. Un laboratoire européen pourrait être chargé de l’analyse des produits qui seront prélevés lors de ces inspections inopinées. La matériovigilance nécessite elle aussi la coopération entre les différents Etats.

Une volonté de réformer la réglementation

Dans le cadre de la révision de la directive européenne sur les DM, la France propose la mise en place d’une procédure de centralisation de signalements et de traitement des incidents recueillis par chaque autorité nationale ;  les fabricants seraient dans l’obligation de déclarer dans chaque Etat membre des signalements faits par les professionnels de santé.
Dès la remise de ce rapport, Xavier Bertrand a fait part de sa volonté de réformer la réglementation, souhaitant notamment la mise en place d’une AMM pour les DM. Le directeur général de l’AFSSAPS, Dominique Maraninchi, estime que les autorités européennes devraient engager cette réforme, jugeant le système de contrôle par des organismes certificateurs insuffisant. Ils ont été entendus, puisque Guido Rasi, le nouveau directeur de l’Agence européenne du médicament (EMA), s’est prononcé en faveur d’un renforcement de la réglementation européenne sur les DM, jugeant qu’il était urgent «  de prendre pour le matériel médical les mêmes mesures de sécurité que pour les médicaments ».
Chez les professionnels de santé comme chez les industriels du secteur, le renforcement de la sécurité sur les dispositifs médicaux, s’il est accueilli plutôt favorablement, ne va pas sans susciter quelques craintes. La principale est que l’accroissement des contrôles et des évaluations ne soit un frein à l’innovation et ne retarde la mise à disposition de matériels qui, jusqu’à ce jour, ont sauvé plus de vies qu’ils n’en n’ont compromis.

 

Le champ évaluatif de la HAS est élargi

La mission d’évaluation des DM de la HAS est étendue par la loi aux dispositifs de prescription hospitalière.

 La loi de renforcement de la sécurité sanitaire accroît l’intervention de la Haute Autorité de Santé dans le domaine des dispositifs médicaux. « Jusqu’à présent, le rôle de la Haute Autorité de Santé dans le domaine de dispositifs médicaux est de procéder à leur évaluation scientifique en vue de leur remboursement par l’Assurance Maladie, explique Jean-Michel Dubernard, membre du Collège de la HAS et président de la CNEDIMTS. Il s’agit donc de déterminer le niveau de service médical rendu ou d’amélioration du service médical rendu. La loi de décembre 2011 n’apporte qu’une modification concernant la HAS, mais elle est d’une importance considérable, puisqu’elle lui  confie désormais l’évaluation des dispositifs médicaux relevant d’un financement dans les groupes homogènes de séjour (GHS). » La liste des produits concernés sera établie par les ministres en charge de la santé et de la Sécurité Sociale. L’inscription des produits sur la liste est prononcée pour une durée déterminée et renouvelable. Les établissements de santé qui achèteront ou utiliseront des produits non inscrits sur cette liste seront passibles d’une sanction financière prononcée par l’ARS.

« Jusqu’à présent, ne passaient par la CNEDIMTS que les dispositifs inscrits sur la liste des prescriptions remboursables dite “liste en sus”, précise Catherine Denis, chef du service d’évaluation des dispositifs (SED). Les dispositifs de ville à usage individuel passent également par la HAS, ainsi que les dispositifs jamais évalués liés à un acte, pour lesquels c’est l’UNCAM qui décide du remboursement. Mais nous ne nous occupions pas des DM remboursés dans le cadre de la prescription hospitalière. Nous allons le faire désormais, et c’est un travail énorme qui ne pourra se faire à moyens constants. »

Actuellement, la HAS traite plus de 150 dossiers par an. « En plus de ces 150 dossiers, nous procédons également à la révision de six à huit catégories de dispositifs par an, précise Catherine Denis. Les stents ou les défibrillateurs, par exemple, constituent des catégories qui doivent être révisées tous les cinq ans. »

En dehors de cette extension de son rôle par la loi, la HAS n’est a priori pas concernée par les évolutions annoncées par Xavier Bertrand à la suite de l’affaire des prothèses PIP. Mais Jean-Michel Dubernard voit favorablement le renforcement du système annoncé. « Une révision de la réglementation européenne sur les dispositifs médicaux est prévue en 2012 avec l’ensemble des parties prenantes. Il va y avoir un accroissement des exigences en matière de données cliniques, et ce sera bénéfique pour les patients. Nous aurons des dossiers plus complets qui nous permettront de voir sur quoi les organismes notifiés se sont appuyés pour délivrer le marquage CE. La loi de décembre 2011 et les évolutions à venir vont dans le sens de ce que, en tant que président de la CNEDIMTS, j’ai toujours souhaité. »

C’est dans cet esprit que la HAS a conçu un guide pédagogique pour l’établissement des dossiers de demande à la CNEDIMTS d’inscription d’un produit sur la Liste des Produits et Prestations Remboursables (LPPR), et qu’elle organise chaque année des journées d’information pour les fabricants. « Notre objectif à travers ces journées, explique Catherine Denis, est que leurs dossiers soient de meilleure tenue, du point de vue de la qualité du produit et non pas seulement de son descriptif. »

 

Entretien Philippe Mabo

« Un équilibre est à trouver pour ne pas freiner l’innovation »

Pour Philippe Mabo, cardiologue au CHU de Rennes et président du groupe rythmologie de la FFC, le renforcement de la sécurité sanitaire ne doit pas entraver l’innovation dans le domaine des dispositifs médicaux. 

 

Quelles évolutions peut-on attendre en cardiologie concernant les dispositifs médicaux ?

Philippe Mabo : Tout d’abord, et concernant la cardiologie, je tiens à souligner que la décision récente de la HAS de ne pas étudier le dossier du remboursement de l’acte associé au télésuivi des prothèses avant 2013 donne un coup de frein à cette pratique. Nous sommes actuellement dans une situation paradoxale : les industriels perçoivent un bonus, c’est-à-dire un tarif plus élevé si le télésuivi est associé au DM, mais où le médecin, lui, ne perçoit rien s’il active cette fonction ! Nous l’avions dit, il fallait traiter le dossier de façon globale. On a fait beaucoup de bruit autour de la loi sur la télémédecine, mais lorsqu’il s’agit d’entrer dans le vif du sujet, c’est autre chose. Manifestement, avec la généralisation du télésuivi, les tutelles redoutent d’être confrontées à un problème de coût, et elles ont peur d’ouvrir la boîte de Pandore. Mais la communauté cardiologique est très raisonnable ; elle est prête à accepter un forfait, et les risques de dérapages peuvent être encadrés. Le but du télésuivi n’est pas de faire des économies, mais une amélioration qualitative pour le patient, sans surcoût pour le système de santé.

Sur le plan technologique, les appareils sans sonde qui vont bientôt entrer en évaluation clinique, et les prothèses multifonctions sont parmi les évolutions majeures à venir. Une autre grande évolution sera la neurostimulation dans l’insuffisance cardiaque ou la HTA. Cette technique complémentaire aux médicaments, qui consiste à stimuler le nerf vagal ou spinal pour agir sur la balance vagotonique, n’en est encore qu’à un stade très préliminaire et tout le travail reste à faire, mais cela devrait déboucher dans les années qui viennent.

Comment appréhendez-vous l’impact de la loi de renforcement de la sécurité sanitaire sur les DM ? 

Ph. M. : Le durcissement dans les processus d’évaluation des DM auquel on peut s’attendre va augmenter les coûts pour les industriels et rallonger le délai de développement des produits. On peut donc craindre que cela soit un frein à l’innovation. Avec l’intégration des DM dans les GHS, tout établissement de santé pouvait acheter un produit au prix proposé. Nous avions mis en garde les autorités sur le fait que le marquage CE ne validait qu’une évaluation technologique. La loi de décembre 2011 remet en place un processus d’études cliniques pour les DM inclus dans les GHS  afin d’en valider le SMR ou l’ASMR. Sachant que la durée minimum d’une étude clinique est de trois ans et que le turn-over des DM est de trois ans également, un produit risquera d’être mis à disposition dans sa version V1 au moment même où sa version v2 sera annoncée ! On risque de perdre le temps d’une génération de produit. Aujourd’hui, il faudrait cinq ou six ans d’étude cliniques pour que la resynchronisation cardiaque soit effective… L’augmentation des coûts peut aussi faire redouter un impact sur l’activité de recherche clinique des équipes, les industriels risquant de se montrer plus frileux pour les accompagner dans leurs projets.

Selon vous, la loi risque donc d’avoir des effets plus néfastes que bénéfiques ?

Ph. M. : Non, la loi est potentiellement bénéfique, sous réserve qu’on ne soit pas plus royaliste que le roi, qu’on ne passe pas d’un extrême à l’autre, mais qu’on place le balancier au bon endroit. Il faut éviter d’entraver l’innovation, et de voir les études nous échapper pour aller se faire vers l’Est ou en Chine, dans des pays aux réglementations plus laxistes. n

 

 

Entretien Eric Le Roy

« Le renforcement de la sécurité ne doit pas paralyser nos industries »

Directeur général du SNITEM, Eric Le Roy, met en garde contre une évolution de la réglementation en matière de DM qui retarderait la mise sur le marché de produits innovants et pénaliserait du même coup les patients.  

 

Quelles sont les conséquences de la loi de renforcement de la sécurité sanitaire sur le secteur des dispositifs médicaux ?

Eric Le Roy : Il importe en préambule de souligner l’extrême diversité de ce marché qui va de la compresse au lit médicalisé en passant par les dispositifs implantables. Certains DM sont diffusés à des millions d’exemplaires, d’autres en quantité beaucoup plus limitée. Par exemple, on pose moins d’un millier de prothèses valvulaires percutanées par an en France. A cette diversité des produits répond une diversité de conception et de fabrication faisant appel à des industries et à des métiers très divers également. Les réglementations de 1990, puis de 1998 sont adaptées à cette diversité, et la marquage CE tient compte de ces éléments. Ce marquage spécifique aux DM se fait selon des normes harmonisées spécifiques. Le réseau de référentiels est relativement complet et couvre tous les secteurs.

Concernant la loi de décembre 2011, la « loi Bertrand », il est difficile d’en mesurer l’impact pour nos entreprises avant la parution des décrets d’application. On sait que la loi instaure la création de listes de certains produits pour lesquels il y aura un contrôle de la publicité a priori par l’AFSSAPS. Elle introduit également une évaluation par la HAS des produits inclus dans les GHS. Nous serons vigilants à ce que ces nouvelles règles ne viennent pas bloquer l’arrivée sur le marché et donc la mise à disposition des patients de produits innovants.

Vous redoutez l’augmentation des délais du fait de ces évaluations ?

E. L R. : Je ne veux pas partir de l’idée que le temps d’évaluation sera long, et je compte sur l’intelligence des politiques et des organismes de contrôle pour que le délai d’accès aux produits ne soit pas rallongé. La loi est une loi de renforcement de la sécurité, elle ne doit pas être une loi de blocage. Quant à la transparence à toutes les étapes introduite par la loi, elle doit être simple à mettre en place. Il ne faut pas tomber dans une hyperadministration qui pénaliserait les nombreuses PME de notre secteur qui n’auront pas les moyens d’embaucher des personnels spécialisés pour la gérer.

A la suite de l’affaire des prothèses mammaires PIP, le Ministre de la santé, Xavier Bertrand, a annoncé un certain nombre de propositions pour renforcer le contrôle sur le DM, notamment la création d’une AMM comme pour les médicaments. Qu’en pensez-vous ?

E. L R. : L’affaire des prothèses PIP est une affaire de fraude qui relève de la justice. Comment débusquer la fraude ? Il appartient aux agences d’agrément d’agir par des inspections les plus efficientes possible. En France, c’est le rôle régalien de l’AFSSAPS, et je n’ai pas de commentaire particulier à ajouter à ce sujet. Concernant l’hypothèse d’une AMM pour les DM, je tiens à souligner que depuis 1998, la réglementation a évolué au moins cinq fois. Les produits de classe 3 à plus haut niveau de risque, notamment tous les dispositifs implantables, ont toujours fait l’objet d’une évaluation clinique, qui a été renforcée depuis 2000. Une nouvelle évolution de la réglementation est possible, mais il importe qu’elle ne marque pas l’arrêt de nos entreprises. C’est une question de « hauteur de marche » en quelque sorte. Le plus important pour nous est que toute évolution se passe au niveau européen. Oui, la collaboration entre les agences européennes doit être renforcée et des efforts sont à faire pour améliorer la communication entre elles. De même, la matériovigilance doit être renforcée et se faire via un portail européen. Si l’on passe par 27 portails nationaux, on se retrouvera à nouveau un jour ou l’autre avec un problème consécutif à une coordination défaillante. Notre préoccupation majeure est que les patients français ne soient pas pénalisés en matière de DM par rapport aux autres patients européens.




Le DPC sur les rails

348 – On n’osait plus y croire, mais les ultimes jours de l’année 2011 ont enfin vu la parution au Journal Officiel de six décrets relatifs au  dispositif de Développement Professionnel Continu et à l’organisme gestionnaire du DPC. En outre, une nouvelle salve de cinq décrets est parue les tout premiers jours de janvier qui vont permettre la mise en place des Commissions Scientifiques Indépendantes (CSI). Ainsi, le dispositif se dessine plus clairement aujourd’hui. Il ne manque plus que les arrêtés de nominations des membres des CSI et de constitution de l’OG-DPC pour qu’il puisse être pleinement opérationnel au 1er janvier 2013.  

L’architecture du dispositif

Qu’ils soient libéraux, salariés ou hospitaliers, tous les médecins devront donc désormais satisfaire à l’obligation du DPC. «  Le DPC comporte l’analyse par les médecins de leurs pratiques professionnelles ainsi que l’acquisition ou l’approfondissement de connaissances ou de compétences », disent les textes. Pour satisfaire à cette obligation, les médecins devront participer au cours de chaque année civile « à un programme de développement professionnel continu collectif annuel ou pluriannuel ». Ce programme devra être conforme « à une orientation nationale ou à une orientation régionale de DPC », comporter « une des méthodes et des modalités validées par la Haute Autorité de Santé après avis de la commission scientifique indépendante des médecins ». Ces méthodes et modalités « précisent les conditions qui permettent d’apprécier la participation effective, en tant que participant ou en tant que formateur, à un programme de DPC. La liste des méthodes et modalités est élaborée avec le concours d’un organisme composé des Conseils Nationaux Professionnels (CNP), et est fixée par la HAS après avis de la CSI (voir entretien avec Jean-François Thébaut). Le programme doit également être mis en œuvre par un organisme de DPC enregistré auprès de l’organisme de gestion du DPC (OG-DPC). A noter que l’obtention au cours de l’année civile d’un DU évalué favorablement par le CSI en tant que programme de DPC peut permettre à un médecin de remplir son obligation.
Les orientations nationales du DPC sont annuelles ou pluriannuelles. C’est le Ministre de la Santé qui en arrête la liste chaque année, après avis de la CSI des médecins. Au sein du conseil de surveillance de l’OG-DPC, le groupe des professionnels de santé peut soumettre des propositions d’orientations à la CSI. Les ARS peuvent également compléter ces orientations nationales par des orientations régionales élaborées en fonction de leur projet régional de santé, et soumises à l’avis de la CSI.
Pour effectuer son programme, le médecin peut choisir en toute liberté l’organisme de DPC de son choix parmi. Mais attention ! L’enregistrement de cet organisme auprès de l’OG PDC ne suffit pas, et le médecin devra être attentif à savoir, lors de son inscription, s’il a obtenu une évaluation favorable du CSI, car dans le cas contraire, « l’obligation de DPC est réputée non satisfaite ».

Le contrôle

L’Organisme de DPC délivre au médecin une attestation justifiant de sa participation à un programme de DPC au cours de l’année civile, et la transmet dans le même temps au conseil départemental de l’Ordre dont il relève. Ledit conseil départemental doit vérifier au moins une fois tous les cinq ans, et sur la base des attestations de participation transmises par les organismes de DPC, que le praticien s’est acquitté de son obligation annuelle de DPC. Si tel n’est pas le cas, le conseil départemental lui en demande les raisons. Au vu de ses réponses, l’Ordre « apprécie la nécessité de mettre en place un plan annuel personnalisé de DPC et notifie à l’intéressé qu’il devra suivre ce plan ». La non-réalisation de ce plan peut constituer un cas d’insuffisance professionnelle pour lequel le médecin peut être sanctionné par une mesure disciplinaire relevant du Conseil Régional de l’Ordre.

Le financement 

Ce n’est pas, comme l’on peut s’en douter, la partie la plus claire du nouveau dispositif, et les décrets parus disent bien qui délivre les fonds et sous quelle forme, mais pas d’où viennent les fonds ni, bien sûr, à combien ils se monteront. Tout au plus sait-on que l’OG-DPC sera financé par des fonds conventionnels dont le montant sera déterminé par les partenaires conventionnels ou à défaut le directeur général de l’UNCAM, (dotation conventionnelle pour les médecins libéraux = 80 millions d’euros en 2011 et 2012, ndlr) et par  une partie de la nouvelle contribution de l’industrie pharmaceutique créée par la loi de renforcement de la sécurité sanitaire (le chiffre de 150 millions d’euros a souvent été évoqué). Tous les espoirs comme toutes les craintes sont permis…
C’est l’OG-DPC qui finance le DPC des médecins libéraux « dans la limite d’un forfait ». « Sont pris en charge dans la limite de ce forfait les frais facturés aux professionnels de santé par les organismes de DPC, les pertes de ressources des professionnels libéraux ainsi que les frais divers induits par leur participation à ces programmes ».

Le tout-puissant OG-DPC

Il fait à lui seul l’objet d’un volumineux décret ! C’est qu’il détient à peu près tous les pouvoirs au centre du dispositif de DPC. Il est composé d’un conseil de gestion, d’un conseil paritaire et d’un conseil de surveillance, composés à égalité de représentants de l’Etat et de l’Assurance maladie d’un côté, et de représentants des professionnels de l’autre. Le conseil de gestion a un rôle administratif et publiera sur un site dédié la liste des programmes de DPC, celles des opérateurs de DPC enregistrés et les résultats de leur évaluation par le CSI.
Pour les professionnels libéraux, le comité paritaire est organisé en section (une par profession). Chacune détermine pour les professionnels concernés les montants des forfaits de DPC en fonction du coût des programmes. Quant au conseil de surveillance, c’est lui qui dresse chaque année le bilan de la mise en œuvre du DPC et qui contrôle l’utilisation des fonds du DPC par les professionnels de santé.

Les commissions scientifiques indépendantes

Pour chaque profession, c’est au CSI qu’il revient d’évaluer les organismes de DPC au moment de leur enregistrement par l’OG-DPC, ainsi que d’émettre des avis sur les orientations nationales et régionales du développement professionnel continu. Les CSI établiront également la liste des DU qui seront considérés comme équivalents à un programme de DPC, et ils édicteront les conditions dans lesquelles les associations peuvent soumettre un nouveau dossier. A la demande de l’OG-DPC, un CSI pourra effectuer une expertise.
Les membres des CSI sont nommés pour trois ans. Le CSI des médecins sera composé de 28 membres, dont 22 représentants des CNP, dont 5 pour la médecine générale. Nouvelles règles de transparence obligent, les membres des CSI devront remplir une déclaration d’intérêts et seront soumis au devoir de confidentialité. Ils ne pourront siéger également à l’OG-DPC et ne pourront être administrateurs ni salariés d’un organisme de DPC.

 

Les cardiologues ont pris de l’avance

Les cardiologues peuvent être fiers ! Le troisième Livre blanc de la cardiologie paru en 2008 déclinait dix propositions pour l’avenir de la cardiologie libérale, dont la première était : « Créer un conseil national de professionnel de cardiologie » ! Dès l’année précédente, un Conseil national professionnel avait vu le jour dont l’objectif initial était de « coordonner l’action des diverses composantes de la profession sur la double thématique de la FMC et de l’EPP ». 

Aujourd’hui encore, à la veille de l’avènement du DPC, la profession est sur la ligne de départ. « Nous avons pris un peu d’avance, commente Christian Zicharelli, le président du SNSMCV. Dès 2010, l’UFCV a mis en place des programmes de DPC  accepté par l’organisme de gestion de la FPC, et qui associent le perfectionnement des connaissances et l’évaluation des pratiques avec un système d’indicateurs étudiés avant et après la formation. »

Pour Jean-Marc Davy, rsponsable de la commission FMC/EPP de la SFC et secrétaire général du Conseil National Professionnel de Cardiologie, « il est important que le CNPC saisisse l’occasion du démarrage du DPC pour montrer comment la cardiologie entre de façon unitaire dans le dispositif en établissant des procédures indépendantes et en suivant les orientations nationales ». Il souligne que la cardiologie avait trois structures agréées par le CNFMC pour la FMC et deux agréées par la HAS pour l’EPP, auxquelles s’ajoute l’agrément de Cardiorisq porté par le CNPC pour l’accréditation des médecins. « Dans ce contexte, il existe sûrement une dynamique pour un DPC porté par la profession tout entière, déclare Jean-Marc Davy. Pour autant, de nombreux cardiologues suivent des formations d’excellentes qualité, mais qui ne rentrent pas tout à fait dans le cadre du DPC, et je crois qu’il faudra que se poursuive cet aspect vivant de la formation. La cardiologie est une discipline responsable et qui se forme en permanence. »

 

Entretien Bernard Ortolan

« Toutes les craintes ne sont pas encore dissipées »

Si Bernard Ortolan, ex-président du CNFMC des médecins libéraux, se félicite de la parution des décrets du le DPC, il souligne néanmoins que d’autres textes sont encore à venir pour que le dispositif soit opérationnel.

L’expert en FMC que vous êtes doit se réjouir de voir le DPC enfin sortir des limbes ?

Bernard Ortolan : « Enfin » est le mot, car depuis l’obligation de formation instaurée par les ordonnances Juppé en 1996, nous avons vécu quinze ans de faux départs. Enfin, le dispositif du DPC va pouvoir s’appliquer. Néanmoins toutes les craintes ne sont pas encore dissipées, car des textes manquent encore pour qu’il soit tout à fait opérationnel. Il manque en particulier la convention constitutive du GIP entre l’Etat et l’UNCAM  permettant la création et le fonctionnement de l’OG-DPC, et fixant la représentation des différentes composantes : organisme de gestion, conseil des commissions paritaires par branche et par profession de santé, et comité de surveillance. Les règles de composition sont encore assez floues. Sans convention constitutive, le dispositif de DPC ne peut pas fonctionner. Or, le texte est attendu pour la fin avril, ce qui est à la fois un peu trop loin, mais aussi un peu trop proche de certaines élections présidentielles ! La crainte d’un dispositif inachevé risquant d’être inappliqué n’est pas tout à fait écartée, nous en avons vu d’autres durant quinze ans, et « chat échaudé »…

Soyons optimistes, et parions sur la sortie de tous les textes. Reste le problème du financement ?

B. O. : Là encore, rien n’est sûr et tout est à craindre, y compris la disparition de l’enveloppe conventionnelle. Si elle est maintenue à son niveau actuel de 70 millions d’euros, ajoutée à la contribution de 150 millions de l’industrie qui ira pour moitié à l’hôpital et pour moitié aux médecins libéraux, soit 75 millions pour chacun, la mise serait doublée. Ce qui ne serait pas si mal, même si c’est encore insuffisant pour financer le DPC de tous les médecins. Avec un forfait de 500 euros par an et par médecin, nous n’irons pas très loin, et les opérateurs risquent d’être très mal. D’autant que dans le système DPC, le forfait comprend tout. Aujourd’hui, l’opérateur touche son forfait, et le médecin son indemnité pour perte de ressources et ses frais. Mais le forfait DPC englobe tout.

 

Entretien Jean-François Thébaut

« Il revient à la HAS de définir ce qu’est un programme de DPC »

Membre du Collège de la HAS et président de la Commission amélioration des pratiques et sécurité des patients, Jean-François Thébaut précise le rôle de la Haute Autorité de Santé dans le dispositif de DPC. 

Pouvez-vous nous préciser quel va être le rôle exact de la Haute Autorité de Santé dans le nouveau dispositif de DPC ?

Jean-François Thébaut : Le rôle de la HAS est très précis. Les professionnels de santé sont donc désormais tenus de suivre un programme annuel associant une phase d’évaluation et une phase de la formation. Dans ce cadre, la HAS devra valider toutes les méthodes de FMC et d’EPP pour toutes les professions de santé et tous les types d’exercice. Une liste sera établie regroupant par famille les différentes méthodes : formation cognitive, formation réflexive, analyse des pratiques (registres, groupes de pairs..), gestions des risques ( accréditation, RMM…), simulation en santé, etc.
Pour les médecins,un premier travail a déjà été réalisé,  notamment avec la FSM, qui servira de base à l’établissement du cahier des charges de l’OG DPC, et qui sera élargi aux méthodes cognitives. Mais pour les autres professions de santé, ce travail est en cours. Pour les médecins, Il sera réalisé avec le concours de la FSM et après avis des CSI. A la HAS, des groupes de travail vont se constituer pour écouter toutes les parties prenantes. Un gros travail est donc à faire cette année pour établir une liste exhaustive qui concerne chaque profession et chaque type d’exercice. Cette liste sera ensuite soumise à un groupe de travail interface FSM/CSI, et sera examinée par le Collège de la HAS avant validation et publication.  D’autre part, nous allons déterminer avec les conseils nationaux professionnels des programmes types comportant plusieurs méthodes et adaptés à chaque type d’exercice. Chaque CNP proposera à ses membres de choisir des types de programme correspondant à leur exercice.

Selon les textes, chaque professionnel doit s’acquitter annuellement d’un « programme de DPC ». Mais que doit-on entendre exactement par « programme de DPC » ? Que doit-il comprendre, de quelle durée doit-il être ?

J.-F. T. : Ce qui est certain, c’est que le système de points ou de crédits cumulables est abandonné. Il revient à la HAS de préciser ce qu’est un programme de DPC. A cet égard l’accréditation des spécialités à risque peut servir de prototype au DPC. Tous les programmes comportent quatre volets et tous les items doivent être remplis.

La HAS n’a plus la fonction d’agrément des organismes d’évaluation qu’elle avait auparavant ?

J.-F. T. : La mise en conformité avec la directive européenne sur les services fait que les organismes de formation ne peuvent être « agréés » mais qu’ils doivent être seulement « enregistrés ». Les opérateurs de DPC seront donc enregistrés auprès de l’OG-DPC, et évalués par les CSI. Si cette évaluation s’avère négative, ils ne seront pas subventionnés, leurs actions ne seront donc pas validées, et les médecins qui les auront suivis ne pourront donc pas s’en prévaloir pour justifier de leur obligation de DPC.
Les seuls organismes que la HAS et habilitée à agréer le sont au titre de l’accréditation des spécialités à risque, dans le cadre de la sécurité des soins qui échappe à la directive européenne au titre de la subsidiarité.