Injonctions contradictoires et complexité des problématiques

Par Vincent Pradeau
Président du Syndicat national des cardiologues. 

Le sommaire de ce numéro de fin d’année illustre parfaitement ces différentes quadratures du cercle.

Tout d’abord, le rapport de l’académie de médecine pointe la démographie défavorable des cardiologues interventionnels est les difficultés que cela peut amener dans les années à venir sur la couverture du territoire pour les urgences coronaires. Des pistes sont proposées notamment, l’ajustement du nombre de docteurs juniors dans la filière interventionnelle, la reconnaissance de diplômes passés à l’étranger, la revalorisation du statut des praticiens hospitaliers et des astreintes. Elles sont discutables point par point. 

Augmenter le nombre de docteurs juniors dans la filière interventionnelle c’est diminuer le nombre dans quelle autre filière ? 

Reconnaissance de diplômes passés à l’étranger : fallait-il vraiment créer une maquette avec des couloirs de sur spécialisation précoces et étanches, supprimer les DIU, supprimer la possibilité de se former par un Fellowship en France ?

Revaloriser le statut praticien hospitalier et des astreintes ? Faut-il entendre que les urgences coronaires doivent être limitées aux établissements publics ? Et si l’on ne peut être contre la revalorisation du statut des praticiens hospitaliers, comment la finance-t-on dans la situation comptable des hôpitaux, ne doit-elle pas être assortie d’un contrat d’exercice public exclusif ?

Pour poursuivre, le Dr Frédéric Fossati rappelle dans un article complet les règles d’application actuelles des compléments, c’est évidemment un sujet important en pleines négociations conventionnelles dans un contexte inflationniste où les revendications tarifaires sont plus que légitimes. La question est quel acteur doit en être le porteur :

  • L’Assurance-maladie, en ouvrant un espace de liberté tarifaire aux médecins exerçant en secteur 1, par une refonte complète de l’Optam sans poser la question des besoins de financement : augmentations des prélèvements sociaux ?
  • Les organismes complémentaires, aux risques de voir augmenter le prix des contrats : les échanges aigres-doux ces derniers jours entre le ministre de la Santé et ces organismes l’illustrent parfaitement.
  • Les patients, aux risques de voir s’accélérer le passage à une médecin à 2 vitesses à l’Anglo-saxonne.

L’Exercice coordonné enfin, qui s’impose avec une couverture du territoire à presque 90 % par les CPTS.  Cela crée une injonction forte pour les cardiologues à s’y intéresser même si la gouvernance de ces structures pose parfois problème, même si la pertinence des thématiques cardiologiques est extrêmement variable, même si la couverture géographique ne se superpose pas à la zone de couverture habituelle des spécialistes.

Le SNC est à l’œuvre sur l’ensemble de ces champs pour défendre le rôle présent et futur du cardiologue libéral.

Je vous souhaite de très belles fêtes de fin d’année.

Cardiologiquement Vôtre

Le Cardiologue n° 455 – novembre-décembre 2023




Du crayon au chatbot

Par Vincent Pradeau.
Président du Syndicat national des cardiologues. 

Elles sont la plupart du temps le premier contact des patients avec nos cabinets, que ce soit lors de la prise de rendez-vous téléphonique ou que ce soit lors de l’arrivée dans nos locaux.

Elles en constituent un maillon indispensable, véritable cheville ouvrière sans laquelle il serait bien difficile de fonctionner tout en participant à notre image de marque.

Croisant ces derniers jours le Dr Pierre Guern à qui j’ai succédé il y a 20 ans, c’est l’occasion pour moi de faire un flash-back sur le travail des secrétaires à mon arrivée dans notre structure.

Les rendez-vous se prenaient alors sur un agenda au crayon à papier pour pouvoir effacer, sans toujours avoir les coordonnées pour rappeler le patient, l’informatisation se limitait à un traitement de texte dont les fonctions étaient plus ou moins optimisées, la quête journalière était celle des dictaphones disponibles pour pouvoir dicter les courriers à l’écoute desquelles il fallait souvent qu’elles aient beaucoup d’imagination pour reconstituer le texte, le retard de courrier était la variable d’ajustement pouvant aller jusqu’à un mois, sans compter le temps d’affranchissement fait à la main. Un temps important de la journée était occupé à sortir les dossiers papiers des archives ou allez les y remettre avec les manipulations acrobatiques qui allaient avec, les comptes-rendus hospitaliers étaient classés à part pour ne pas à avoir à remanipuler les dossiers.

Aujourd’hui, la dictée vocale a supprimé la frappe, les messageries sécurisées, l’affranchissement et une bonne partie des besoins de numérisation de documents, les dossiers papiers, ont été remplacés par un logiciel métier.

La prise de rendez-vous et la gestion des plannings restent une charge importante, même en cas d’utilisation d’une plateforme numérique. Dans un contexte de diminution de l’offre de soins, d’explosion des appels téléphoniques qui souvent n’aboutissent pas malgré la multiplication des lignes, la culture du tout de suite et de son corollaire, la montée de l’agressivité, nombreux sont les secrétariats en tension. 

Au-delà des progrès des algorithmes et des chatbots intelligents pour automatiser complètement ce poste à l’instar de ce qui se fait pour les transports ou les réservations hôtelières et dont il paraît indispensable de s’impliquer dans la co-construction, il va être également plus que nécessaire d’envisager des formations de gestion du stress et des conflits pour nos collaborateur(e)s.

Si le corps du métier va rester l’accueil au cabinet et la coordination des prises de rendez-vous derrière, le degré de délégations de tâches (pose de holter, ECG, récupération d’éléments du dossier) doit maintenant se discuter à l’aune de la création du métier d’assistante médicale. 

Avons-nous besoin de secrétaires, avons-nous besoin plutôt d’assistantes médicales avec une valence administrative et une valence médico techniques ? Tels sont plus que jamais les enjeux de ces prochaines années

Le dossier de ce numéro a pour but de vous aider dans ces réflexions.

Cardiologiquement Vôtre

Le Cardiologue n° 454 – Septembre-octobre 2023




Le numérique en santé, le temps des paradoxes

Par Vincent Pradeau.
Président du Syndicat national des cardiologues. 

Nos activités personnelles – jusqu’aux plus intimes– sont de plus en plus facilitées ou même régies par des applications numériques. Il en va de même en cardiologie : imagerie tridimensionnelle échographique, reconstruction des images de scanner ou d’IRM , logiciel de strain, interprétation des holters, recours à un système de cartographie pour l’ablation, modélisation des actions du chirurgien avant de les implémenter dans un système robotique, télésurveillance des patients, recherche bibliographique, publication via des bases de données… : notre activité professionnelle s’appuie tous les jours sur l’utilisation du numérique, des big datas et de puissants calculs d’algorithmes.

Paradoxalement, la situation est restée figée dans l’activité clinique au quotidien, par exemple pour la prise de rendez-vous, l’échange sécurisé d’informations, la dématérialisation des prescriptions, l’aide à la décision.

Le Ségur du numérique a impulsé une dynamique nouvelle en imposant un cahier des charges aux éditeurs de logiciel, en créant l’espace numérique de santé pour chaque patient et en imposant une interopérabilité pour les messageries sécurisées et les applications en santé. 

Résultat : un gain de temps pour récupérer des comptes-rendus hospitaliers ou les bilans biologiques ou pour obtenir des éléments médicaux quand un patient arrive les mains vides. Ce n’est pas fini. Demain avec Pro Santé Connect, la e-CPS et la e-Carte vitale permettront de dématérialiser les prescriptions.

Ces évolutions induisent souvent une nouvelle organisation au sein des cabinets. Des formations dédiées seront organisées par FormatCœur au dernier trimestre.

Une révolution plus profonde approche, avec par exemple l’expérimentation menée par Google sur un robot conversationnel intelligent dont l’une des premières applications est de renseigner et orienter au mieux les patients.

Cela ouvre des applications rapides dans la gestion et la prise de rendez-vous. Nabla, un assistant pour la consultation, permet de la transcrire et de générer automatiquement le compte-rendu sans approcher d’un clavier. Idem pour les examens complémentaires. De nombreux éditeurs de logiciels travaillent sur un vrai système expert d’aide à la décision, etc.

La commission numérique du SNC assure une veille constante sur ces champs pour que les cardiologues puissent être les premiers informés de ces nouveautés.

Avec l’effervescence du numérique en santé, la valeur ajoutée médicale résidera plus que jamais dans la prise de décision et la responsabilité qui en découle, et dans le rôle de médiation avec le patient. Ce sont ces éléments qui doivent être mis en avant, pas une technologie X qui n’existait pas hier et qui sera obsolète demain. Le reste, c’est de la logistique et « l’intendance suivra » aurait dit de Gaulle.

Cardiologiquement & Numériquement Vôtre




Flashback sur la convention médicale !

Par Vincent Pradeau.
Président du Syndicat national des cardiologues. 

Ce n’est évidemment pas le titre d’un court métrage écarté du récent palmarès cannois dans la catégorie « un certain regard » mais bien le titre du cahier principal de ce nouveau numéro de la revue Le Cardiologue.

Dans cette période où les conditions de reprise des négociations conventionnelles ne semblent toujours pas réunies, l’histoire des différentes conventions est éclairante en montrant que les problématiques et crispations actuelles font échos à celles du passé : 

– contractualisation locale versus nationale, 
– liberté tarifaire versus tarifs contrôlés avec prises en charge de cotisations sociales,
– convention séparée pour généralistes et spécialistes, 
– rapport au tiers-payant, 
– rémunération à l’acte versus forfait. 

Vous allez enfin tout comprendre !

Vous pourrez compléter votre exploration archéologique depuis la fin du XIXe siècle des rapports entre les syndicats médicaux et le système de santé dans cet excellent article paru en 2008 dans les tribunes de la santé.

Pour terminer, voici quelques données chiffrées, vérifiées et contre-intuitives sur la période conventionnelle récente de 2005 à 2019. Selon les données publiées par la CARMF et concernant les BNC (pas les chiffres d’affaires) des cardiologues : ils ont augmenté de 33 % pour les médecins en secteur 1 et 38 % pour ceux exerçant en secteur 2 (soit respectivement + 12 % et + 17 % en euros constants). C’est à l’aune de ces chiffres qu’il faut analyser les effets des conventions médicales antérieures sur notre rémunération, dans un contexte où le débat sur le déconventionnement a été relancé.

La période post-Covid et le retour de l’inflation, impactent bien sûr les discussions à venir. Cela crée attentes et exigences vis-à-vis d’une nouvelle convention. 

Le SNC est d’ores et déjà à pied d’œuvre pour porter la voix des cardiologues dans ces futures négociations.

Cardiologiquement Vôtre.




Le café, le vice et la vertu

Par Vincent Pradeau.
Président du Syndicat national des cardiologues. 

Lors des dernières Journées européennes de la Société française de cardiologie, un petit panonceau sur le stand d’une firme pharmaceutique – dont j’ai oublié le nom –, a attiré mon attention. Il y était dit que « les laboratoires pharmaceutiques ne peuvent octroyer aucune hospitalité à un interne et plus généralement à un étudiant se destinant à une profession de santé ».

Le café, c’est donc officiel, est devenu un puissant instrument de corruption des esprits dont il faut protéger les internes !

Au-delà du caractère tragicomique de l’affiche, cela pose évidemment nombre de questions :

  • La diabolisation de toute forme de contact industrie-médecins fait-elle avancer l’amélioration de la prise en charge des patients ?
  • Pourquoi ne pas interdire complètement la publicité et la promotion dans le domaine de la santé ?
  • Suis-je un praticien irrémédiablement corrompu ? #me too dénonce ton médecin, #www.transparence.sante.gouv.fr
  • Quel modèle de financement des congrès, de la formation ?
  • Quid de l’innovation en santé, du financement de nombreuses équipes de recherche ?
  • Ceux qui édictent ces règles n’ont-ils aucun lien ou conflit d’intérêts ?
  • Et d’ailleurs toute prise de parole, toute interaction sociale, n’est-elle pas un conflit d’intérêts ?

Chacun pourra se faire son opinion à la lecture du dossier que nous consacrons aux liens médecins-industrie de santé dans ce numéro de printemps.

Restons optimistes entre Saint-Just et Stavisky, il existe sûrement une voie médiane.

Cardiologiquement vôtre !




Merci !

Par Marc Villacèque.
Président du Syndicat national des cardiologues. 

Le prochain édito sera écrit par celle ou celui qui me succèdera à la présidence du syndicat. C’est l’heure du bilan du mandat passé à vos côtés. 

Comme je m’y étais engagé en 2020, nous nous sommes attachés à défendre la cardiologie tant sur le plan collectif et national qu’à titre individuel pour les confrères en difficulté. Nous avons travaillé, rédigé et publié des documents sur les nouveaux modes d’organisation pour améliorer notre qualité de vie au travail : téléexpertise, télésurveillance, assistants médicaux, Infirmières en pratique avancée (IPA), CPTS et Equipes de soins spécialisés (ESS). Nous avons créé le Pack d’installation pour les jeunes et Cardio’Link, le site de mise en relation entre jeunes cardiologues et cardiologues installés. Nous avons initié une réflexion de toute la cardiologie privée et publique à travers le livre blanc du CNP cardiovasculaire, tout en se rapprochant du CNCF pour faire une cardiologie libérale plus forte. Nous nous sommes rapprochés de vous par la création de la newsletter hebdomadaire Cardiohebdo pour mieux vous informer, et avons été les premiers à organiser des formations sur la covid tant en visioconférences que par de nombreuses circulaires, puis sur la retraite. Dans le même temps nous avons redressé les comptes du syndicat et de notre organisme de formation UFCV FormatCœur.

Malheureusement, et malgré toute l’énergie déployée, nous n’avons pas encore réussi à proposer un programme pour la Maîtrise de stage universitaire, nous permettant de recevoir les internes de cardiologie dans nos cabinets. La médecine libérale est régulièrement stigmatisée alors qu’elle n’a jamais été autant en souffrance. Au lieu de nous offrir un bol d’air, la nouvelle convention veut nous asphyxier en nous demandant de travailler plus sans réelle contrepartie financière. Je me suis battu pour valoriser l’exercice des médecins libéraux pourtant nous restons constamment la variable d’ajustement financière et organisationnelle de la politique de santé.

Avec l’expérimentation de l’Equipes de soins spécialisés à l’échelle nationale, rendue possible grâce à l’article 51, et la promotion de la prise en charge de l’insuffisance cardiaque, le SNC est devenu un acteur crédible et sérieux pour la CNAM et le ministère, perçu comme l’initiateur de ce nouveau mode d’organisation pour les spécialistes en complémentarité des CPTS.

Ancien président, mon rôle sera d’épauler le nouveau président du syndicat, notamment sur les dossiers importants comme l’accueil des internes en cardiologie dans les cabinets libéraux, l’ouverture du TAVI à des centres sans chirurgie, l’accès pérenne des cardiologues aux outils d’imagerie en coupe, enfin la modernisation de notre exercice. 

Je remercie chaleureusement à travers ce journal tous les gens qui m’ont fait confiance : l’équipe qui a œuvré sans relâche, adhérentes et adhérents fidèles qui m’ont encouragé ou critiqué avec bienveillance. Je suis persuadé que notre richesse vient de nos différences, et les débats sans retenu sont l’ADN de notre syndicat. 

Pendant trois ans, sous ma gouvernance, le SNC a travaillé et osé pour nous tous. A votre tour d’oser. Abattons les barrières et les plafonds de verres. Les solutions ne peuvent venir que de nous, hommes et femmes de terrain. Ma dernière citation en tant que président sera pour vous : « Il faut toujours viser la lune, car même en cas d’échec, on atterrit dans les étoiles ». Oscar Wilde




Unis pour une réforme structurelle

Par Marc Villacèque.
Président du Syndicat national des cardiologues. 

Avec 600 000 patients en ALD et 7 millions de patients sans médecin traitant (chiffres CNAM 2022), peut-on dire que notre système de santé fonctionne ?

Les médias évoquent de plus en plus les difficultés de notre système de santé : il y a encore un an, Le Monde parlait peu de ce sujet et aucun médecin syndicaliste libéral n’était cité. Aujourd’hui leurs noms apparaissent au moins deux fois par semaine. 

Des collectifs d’usagers demandent des réformes. France asso Santé exige le conventionnement sélectif alors que l’UFC-Que Choisir lance des campagnes publicitaires pour la fin de la liberté d’installation. Nos parlementaires votent des lois parfois contradictoires sur la santé et sans réelle vision d’avenir.

Pourtant, de nombreux livres détaillent comment réformer un système, comme « La planification de la santé » de Raynald Pinault  : définir des objectifs clairs et des priorités puis décider des trajectoires communes pour l’ensemble des acteurs du système. Pourtant les décideurs s’entêtent dans une approche purement comptable et à court-terme.

Le système n’a plus les moyens de prendre en charge la santé de l’ensemble de la population. Est-il pertinent et équitable de demander de l’argent aux laboratoires de biologie pour les quatre prochaines années parce qu’ils ont fait des bénéfices importants durant la pandémie alors qu’ils se sont réorganisés pour affronter cette épidémie et qu’ils ont réussi à maintenir un service efficace de proximité et de permanence de soins ?

Pour restructurer le système, il faudrait d’abord écouter la base et réfléchir aux problématiques des acteurs de terrains. Président du Syndicat national, j’ai participé à plusieurs réunions dans toute la France pour vous écouter. J’ai entendu vos difficultés croissantes face à des patients insatisfaits quant aux délais de rendez-vous et n’hésitant plus à manifester des comportements excessifs.

Des cardiologues saturés doivent refuser des premiers rendez-vous et accepter de nombreux « lapins ». Ils constatent, atterrés, la diminution du nombre de cardiologues et de généralistes, avec un adressage de moins bonne qualité, des contraintes administratives croissantes et des salariés sous tension.

Face à ces difficultés, la colère monte chez les jeunes, les hospitaliers et les libéraux.  Des appels à la grève et aux manifestations surgissent, à l’image des 1er et 2 décembre derniers.

On retrouve cet esprit de rébellion dans l’approche de la nouvelle convention : les syndicats libéraux se sont unis contre le calendrier de la CNAM et exigent trois préalables avant tout nouveau rendez-vous : la négociation sur la revalorisation des actes au début du processus, la revalorisation immédiate des retraites par l’augmentation de l’ASV (allocations supplémentaires de vieillesse), et garantir l’accès des jeunes au secteur 2 suite à la réforme de l’internat.

Cette activité syndicale intense nécessite l’engagement de tous, chacun à notre niveau.

Pensez-y et adhérez au syndicat en 2022, pour les retardataires il n’est pas trop tard. C’est seulement ensemble que nous serons forts et que nous pourrons porter notre vision de la cardiologie libérale dans un système de santé restructuré.

© belchonock-depositphotos




Quel est le pire système de santé ?

Par Marc Villacèque
Président du Syndicat national des cardiologues

– Le système de santé français est en grande difficulté avec des professionnels de plus en plus en souffrance. Sommes-nous le seul pays dans ce cas ? Est-ce pire ou mieux ailleurs ? Revue de la littérature.

Les chiffres de l’OMS montrent que 40 % des médecins ont plus de 55 ans dans un tiers des pays d’Europe et d’Asie centrale. Elle estime qu’il manquera 15 millions de professionnels de santé dans le monde d’ici 2030. Les causes sont bien connues : vieillissement de la population, augmentation des maladies chroniques et, en parallèle, un renouvellement insuffisant des professionnels avec une capacité de formation limitée et une évolution sociologique et comportementale profonde. 

Suite à la pandémie, dans certains pays, 80 % des infirmier(e)s ont fait état de troubles psychologiques et 90 % évoquent leur intention de quitter leur emploi.

En Allemagne : 35 000 postes de professionnels sont inoccupés, alors qu’un médecin sur 5 est né à l’étranger, et qu’un tiers des aide-soignant(e)s et infirmier(e)s
dans les EHPAD et maisons de retraite sont d’origine étrangère. Au-delà des effectifs, les autorités allemandes considèrent qu’il faut maintenant 1,2 médecin pour remplir les fonctions d’un seul médecin « temps plein », salarié ou libéral, suite à l’engouement pour le temps partiel. En 2021, près d’un médecin sur trois travaillait moins de 30 heures par semaine, contre 4 % seulement en 2009 ! Pour la vice-présidente de l’Ordre fédéral allemand, « le choix du temps partiel est une tendance lourde, surtout chez les jeunes, qu’il serait illusoire de chercher à inverser, d’autant que beaucoup de médecins abandonnent la profession parce qu’ils estiment ne plus avoir assez de temps pour leur vie personnelle ».

En Angleterre : il manque 12 000 médecins (diminution des effectifs de 5 % en 7 ans) et jusqu’à 50 000 infirmier(e)s malgré les 14 % de professionnels de santé étrangers. Résultat : 6,5 millions de britanniques doivent attendre  des semaines à des mois avant de pouvoir consulter un spécialiste.

En Espagne : malgré plusieurs grèves et manifestation des professionnels de santé, selon les chiffres du ministère de la santé, 700 000 espagnols sont en attente d’une opération avec un délai moyen de 123 jours.

En Grèce : la crise économique a provoqué le départ d’environ 20 000 médecins entre 2010 et 2018, le salaire d’un médecin hospitalier reste toujours bas entre 1 200 € et 1 900 € et la densité des IDE est de 4 pour 1 000 habitants versus 11,9 pour 1 000 en France

En Italie : la société de médecine d’urgence annonce qu’il manque 4 200 urgentistes avec 45 % des services d’urgences du pays en crise.

En observant notre système de santé et les autres, comme aurait dit Talleyrand, « quand je me regarde, je me désole ; quand je me compare, je me console ». Néanmoins, en ces temps troublés par une pandémie, une inflation galopante, une crise énergétique et écologique, je préfère partager avec vous cette citation de Prévert :
« il faudrait essayer d’être heureux, ne serait-ce que pour donner l’exemple ». 

Bon courage à tous.

© Katarzyna Bialasiewicz




« La grande démission » en santé

Par Marc Villacèque.
Président du Syndicat national des cardiologues

La crise de notre système de santé s’est accélérée depuis la pandémie de Covid. Elle s’étend aujourd’hui massivement aux professionnels de santé. Entre 2019 et 2021, et malgré l’augmentation de 3 % des effectifs non médicaux des établissements de santé, la proportion de postes vacants chez les infirmiers et les aides-soignants n’a cessé d’augmenter. Ces professionnels désertent le secteur de la santé aggravant la fatigue des équipes restantes, entraînant une hausse des heures supplémentaires, une augmentation du recours à l’intérim, et in fine des fermetures de lits. 

La FHF (Fédération hospitalière française) annonce que 57 % des centres hospitaliers et 85 % des CHU ont recours à des fermetures temporaires de lits en raison de postes vacants, notamment ceux de nuit et de week-end. D’après l’association des médecins urgentistes de France, 120 services d’urgence ont dû fermer par manque de personnel. Les établissements privés ne sont pas épargnés.

Cette désaffection touche également de plus en plus de médecins qui diminuent ou arrêtent leurs activités. Une étude sur l’attractivité de la médecine hospitalière montre que les critères les plus importants sont la qualité de l’exercice professionnel, l’accès à l’innovation et la rémunération. On retrouve ce critère de qualité de travail en libéral dans une étude de la DREES sur les médecins généralistes, étude qui révèle que les médecins souhaitent travailler moins d’heures par semaine, prendre plus de vacances et avoir du temps pour d’autres activités et ainsi avoir un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle. Cette étude est à relativiser puisque le nombre d’heures passe de 55 heures à 53 heures voir 50 heures par semaine pour à peu près une semaine de vacances en plus par an.

Ce besoin de « qualité de vie au travail » se retrouve dans de nombreuses professions, dans de nombreux pays et rejoint le courant de la « grande démission » (great resignation) qui a commencé en juillet 2020 aux États-Unis avec des millions d’Américains insatisfaits de leurs conditions de travail ou de leurs salaires, qui quittent leurs emplois malgré un taux de chômage élevé. 

Il est très difficile de savoir quelles en sont les raisons, mais la conséquence est que les chefs d’entreprise et les managers commencent maintenant à s’adapter aux salariés et non plus l’inverse. Notre système de santé qui doit se moderniser et se restructurer, doit lui aussi s’adapter à ces changements sociaux qui commence à concerner toutes les générations.

Aujourd’hui, les patients et les décideurs souhaitent une continuité de soins voire une permanence de soins dans tous les territoires, cependant les médecins ne sont pas multipliables à l’infini et malgré une intensification de leur exercice médical ont aujourd’hui une présence au travail moindre. Pour répondre aux exigences des usagers tout en respectant les aspirations des soignants, nous devrons en outre inventer des systèmes de délégation gagnant-gagnant pour tout le monde. Mais ceci ne sera possible qu’en rémunérant les acteurs à leurs justes prix, pour ainsi éviter l’épidémie démissionnaire.




Main basse sur la médecine libérale ?

Par Marc Villacèque.
Président du Syndicat national des cardiologues

L’entrée de capitaux étrangers ou de structures purement financières dans le monde de la santé est de plus en plus préoccupante.

Quatre grands groupes de santé privés détiennent plus de la moitié de l’hospitalisation privée générale française :

  • Ramsay Santé, dont les actionnaires principaux sont un groupe australien de cliniques privées et le Crédit Agricole ;
  • Elsan, qui appartient majoritairement au fond de CVC Capital Partners et à la famille Bettencourt (groupe L’Oréal) ;
  • Vivalto Santé, appartenant à des médecins pour 33 %, une société d’investissement des Émirats arabes pour 24 %, et la MACSF ;
  • Almaviva Santé, appartenant à des fonds soutenus par le Koweït à hauteur de 60 %.

La communication entre ces groupes et les médecins est de plus en plus difficile, voire impossible dans certaines villes. Des établissements font le choix de diminuer la masse salariale au détriment du chiffre d’affaires, et donc de l’activité de soins. Ils n’hésitent pas à jongler avec la législation pour optimiser les bénéfices : 

  • pendant la pandémie, les cliniques ont usé et abusé des déprogrammations malgré les compensations pour perte de revenus accordées par les pouvoirs publics ;
  • les échographies de stress sont réalisées en hospitalisation de jour et non plus en soins externes, alourdissant la procédure au détriment de la santé des patients et de l’Assurance-maladie.

Les champs d’action de ces sociétés touchent tous les secteurs de la santé :

  • achat de cabinets de radiologie, de laboratoires de biologie ou d’autorisations d’exercices comme en radiothérapie et oncologie ;
  • création de centres de santé pour « pallier les déserts médicaux » comme à Pierrelatte dans la Drôme. Un de ces groupes a réussi à salarier quatre généralistes, avec un financement de la CNAM en fonction des profils des patients, modalité d’allocation des ressources pouvant inciter à prendre en charge une population plus « rentable ».

Devant cette hyper-financiarisation à l’américaine, la résistance commence à s’organiser :

  • le syndicat de radiologie, la FNMR, a organisé un séminaire en avril 2022 en vue de  proposer de nouveaux modèles d’organisation des spécialités médicales libérales pour s’opposer à la prise de contrôle par ces groupes financiers ;
  • le réseau « Les biologistes indépendants », composé d’environ 1 000 biologistes, a alerté sur les conséquences de la financiarisation : les laboratoires ayant rejoint de grands groupes financiers représentent environ 70 % de part de marché ;
  • le groupe Ramsay Santé n’a pas réussi à racheter six centres de santé de la Croix-Rouge française en Ile-de-France ;
  • les reportages journalistiques se multiplient sur les centres de santé aux pratiques déviantes (dentaires, opthalmo).

Ces fonds financiers rachetant de plus en plus de structures de soins possèdent comme unique boussole la rentabilité financière de leurs investissements, au détriment, si besoin, de toute logique de soins. Nous ne partageons pas le même objectif prioritaire : le profit pour eux, la santé des patients pour nous. Aussi, le SNC vous encourage à refuser les avances de ces groupes, à préserver autant que possible notre indépendance dont dépendent notre liberté de médecin libéral et l’intérêt des patients qui nous font confiance.




XXIe siècle : siècle des lumières du numérique ?

Par Marc Villacèque.
Président du Syndicat national des cardiologues.

La révolution numérique change notre monde bien plus que nous le pensons : internet et les réseaux sociaux participent à façonner indirectement notre pensée. Facebook priorise les contenus avec l’émoticône colère plutôt que « like » et la logique algorithmique de Youtube est basée sur le nombre de vues et non la pertinence des propos, favorisant par exemple les visions climatosceptiques…

L’objectif est d’attirer et de maintenir l’attention pour nous proposer de la publicité, quitte à privilégier de fausses informations uniquement pour maintenir leur rentabilité financière.

En perte d’esprit critique

Face à cette désinformation généralisée, le rapport « Les Lumières à l’ère numérique » a été rédigé par un groupe indépendant suite à la demande du président de la République. Même si les 30 propositions changeraient difficilement les choses, le constat est édifiant, limpide et argumenté : nous sommes en train de perdre notre esprit critique.

Effectivement, nous sommes aujourd’hui confrontés à un volume inédit d’informations disponibles avec une multitude de points de vue, dont le seul but est de faire de l’audience. Cette saturation d’informations, parfois cachées dans des programmes de divertissement, met à rude épreuve nos capacités de vigilance cognitive et nous rend par conséquent davantage perméables aux fausses informations.

Ces fausses nouvelles sont susceptibles d’influencer nos attitudes, nos comportements, et notre représentation du monde environnant, au risque de faire émerger des réalités parallèles et disparaître l’espace commun nécessaire à l’expression et la confrontation des opinions, pour débattre et échanger. Ce socle commun qui était essentiellement basé sur la science, l’esprit critique et la confiance au sachant est maintenant attaqué par des croyances, des pensées paresseuses synthèses de raisonnements rapides et faussement intuitifs. Tout ceci fait que même si nous appartenons tous à la même société, nous ne vivons pas tous dans le même monde.

Un exemple concernant le monde médical est celui des personnes antivax ; elles n’ont pour la plupart aucune mauvaise intention, et veulent même le bien de notre société et de leurs concitoyens, mais elles imaginent que les statistiques sont truquées, que les scientifiques sont achetés, et que les journalistes ne sont pas indépendants… Ainsi, nous n’avons plus de bases communes, ni de référentiel ou de langage commun nous permettant d’échanger ou de partager des opinions différentes.

Chacun reste figé sur sa position, refusant la controverse, croyant dur comme fer à son monde et à sa Vérité, chaque argument contraire faisant violence à son cerveau, provoquant des émotions difficilement maîtrisables et rendant le débat impossible. Heureusement, ou malheureusement, chaque « adversaire » confortera son point de vue grâce à internet.

Médecins, nous devons écouter et essayer de comprendre tous nos patients, mais nous devons aussi rester lucides et  vigilants. Comme disait l’homme politique et médecin Georges Clémenceau « La vérité d’aujourd’hui peut avoir été l’erreur d’hier et peut devenir, par l’accroissement des connaissances l’erreur de demain ».

Soyons critiques de tout, même de nous-mêmes.




Un bon forfait vaut bien quelques morts

Par Marc Villacèque.
Président du Syndicat national des cardiologues.

Les modes de financement du système de santé sont de plus en plus complexes et inintelligibles. La nouvelle loi réformant le financement des urgences n’échappe pas à la règle. Le 29 décembre dernier, deux arrêtés ont été publiés précisant le nouveau forfait patient urgence (FPU) applicable au 1er janvier 2022. 

En résumé, pour les patients qui passent par les urgences et qui ne sont pas hospitalisés, tous les actes effectués par l’urgentiste, le biologiste et le radiologue sont maintenant rémunérés au forfait. Pour toutes les autres spécialités, une seule facturation d’un montant de 25 euros est possible quel que soit l’acte. Passons sur le fait que ces arrêtés soient sortis pendant les vacances et appliqués deux jours après leur parution au Journal Officiel ; ils ne stipulent à aucun endroit comment facturer l’échographie cardiaque ou vasculaire. Ces actes ne s’effectueront donc plus dans un service d’urgence, sauf si on prédit que le résultat de l’examen nécessitera une hospitalisation !!! 

Lors d’un entretien avec la DGOS, la solution préconisée pour que les actes puissent être abondés serait la conversion du passage aux urgences en unité d’hospitalisation de courte durée (UCHD) ; or, une hospitalisation en UHCD majore la prise en charge d’environ 150 € juste pour une échographie de 96,49 euros !!! Certains urgentistes ou établissements privés refusent cette possibilité.

Dorénavant, une alternative s’offre à vous…

• Soit vous hospitalisez le patient pour faire une échographie cardiaque quelle que soit la suspicion diagnostique (simple douleur thoracique, suspicion de phlébite…),

• soit vous ou l’urgentiste estimez, au doigt mouillé, que le patient peut se passer d’une échographie cardiaque urgente et vous l’adressez sur ses deux pieds à votre cabinet quelques jours après. Plus radical : vous renoncez à donner des avis aux urgences car, administrativement, les prises en charges deviennent trop complexes : on est là dans le cadre de l’urgence pour soigner de façon efficiente et non pour réfléchir si ce patient justifie une UHCD pour pouvoir bénéficier de l’ échographie que requiert la réflexion clinique.

Bref, en voulant simplifier une problématique réelle, les patients potentiellement cardiaques risquent de payer le prix fort ! Privées d’une prise en charge cardiologique rapide au lit du patient, les urgences seront amputées d’un avis cardiologique complet. Alors qu’on nous encourage sans cesse à imaginer des parcours pertinents, ici, dans l’environnement de l’urgence, où est donc la pertinence ? 

Nos décideurs, au prétexte que les échographies cardiaques aux urgences ne représentent que 11 000 actes/an, sans même essayer d’évaluer combien d’entre elles ont pu sauver des vies, ont décidé, loin de la réalité du terrain, qu’un bon forfait valait bien le risque de quelques morts.




Quelles solutions pour améliorer l’accès aux soins ?

Par Marc Villacèque.
Président du Syndicat national des cardiologues.

Depuis des années, le Syndicat National des Cardiologues alerte ses adhérents et les pouvoirs publics sur la dégradation du système de Santé. La difficulté d’accès aux soins, criarde dans certains territoires, est devenue une des priorités des Français. Les politiques (maires, députés, sénateurs, et le ministre de la Santé) ont décidé de prendre des décisions sans aucune concertation avec les médecins. Ils ont ainsi acté la fin du monopole médical sur les soins, monopole adossé à l’exigence du cursus médical, au code de déontologie et aux conventions successives. Déjà, la sage-femme pouvait prescrire et suivre des patientes et des nouveau-nés, le pharmacien faire des vaccinations…

Maintenant, nos élus proposent plus en permettant :

  • L’accès direct

– à l’orthophoniste sans passer par l’ORL ou le MG ;

– à l’orthoptiste pour prescrire des lunettes sans passer par l’ophtalmologiste.

  • L’autorenouvellement des prescriptions par le kinésithérapeute.
  • Des expérimentations pour un accès direct à l’infirmière de pratique avancée.

Nous ne sommes plus dans la fiction puisque ces mesures ont été votées par l’Assemblée nationale et le Sénat dans le cadre du projet de loi de financement de la Sécurité sociale 2022, en attendant le vote définitif par les députés fin novembre.

De plus, le ministre de la Santé a demandé aux cliniques privées et aux médecins libéraux de prendre part à la permanence de soins (gardes, astreintes, travail le week-end) d’ici la fin de l’année. D’autres encore souhaitent le retour de l’obligation de la participation à la permanence de soins pour tous les médecins dès janvier 2023. Il ne faut pas oublier que ce sont ces mêmes décideurs qui avaient supprimé les lignes de gardes et refusé de payer nos astreintes.

Tous les syndicats de médecins et le conseil de l’Ordre ont vivement et légitimement réagi pour que le premier accès aux soins reste le rôle exclusif du médecin. Maintenant, la balle est dans notre camp. Devant la pénurie de médecins, le poids des maladies chroniques, la surcharge de travail, les médecins sont-ils prêts à travailler encore plus pour diminuer les délais de rendez-vous, participer aux gardes et à la permanence des soins ? Ou sont-ils prêts à augmenter le personnel de leur cabinet et superviser les soins ? Quelles que soient les réponses choisies, le problème de l’accès aux soins mérite mieux que des bouts de lois sans aucune vision globale ni réflexion de coordination entre les professionnels de santé. Il nécessite un débat citoyen et un échange constructif avec les acteurs de soins pour imaginer le système de Santé de demain. C’est pourquoi le SNC est mobilisé à tous les niveaux : défense de l’équipe de soins spécialisés devant le directeur de la CNAM, animation des groupes de réflexions sur les nouveaux acteurs de soins comme les IPA… Mais les choix seront difficiles et, comme disait Foch, « ne me dites pas que ce problème est difficile. S’il n’était pas difficile, ce ne serait pas un problème ».




Serons-nous tous salariés dans 20 ans ?

La médecine libérale est une particularité française, longtemps source d’efficience de notre système de santé. L’explosion des maladies chroniques, associée au vieillissement de la population, ainsi qu’une évolution de la sociologie et du comportement du corps médical, ne permettent plus de répondre efficacement à la demande de soins. L’accès aux soins devient de plus en plus difficile avec des délais de RDV qui s’allongent. Pour répondre à cette problématique, nos décideurs ont fait le choix d’investir massivement dans les hôpitaux publics depuis des années.

Depuis l’épidémie Covid-19, ils ont également décidé d’aider les établissements privés d’hospitalisation en leur garantissant un chiffre d’affaires de 84 % quel que soit leurs activités durant la pandémie (certain n’hésitant pas à diminuer leur activité en dehors de toute logique financière). Ainsi certains groupes comme Ramsay ont eu un résultat net de 65 millions cette année (versus 13,4 millions d’euros un an plus tôt) avec un excédent brut d’exploitation de 17,7% sur 1 an.

A contrario, suite au confinement, les médecins libéraux ont eu accès au DIPA (Dispositif d’Indemnisation de Perte d’Activité) mais ce mécanisme est insuffisant puisque les cardiologues ont vu leur revenu en moyenne baisser de 5 % en 2020. L’augmentation future de l’APC de 50 à 55 euros le 25 mars 2022, ne permettra en aucun cas de nous restructurer sereinement, ni d’aller vers le travail aidé pour répondre aux enjeux sociétaux.

Les médecins libéraux, noyés dans leur exercice, ne voient pas que leur environnement se transforme à leur insu. Pour preuve, depuis des années l’on assiste à l’ouverture de centre de santé avec des médecins salariés, à la multiplication de centres dentaires concurrençant les cabinets de dentiste, ainsi que le rachat par des fonds de pension des laboratoires de biologie et d’anapath. Tout s’accélère maintenant avec la croissance vertigineuse de centres de visions salariant les ophtalmologues avec des orthoptistes aux rôles sans cesse élargis.

Devant cette force croissance dans le secteur des soins de villes, les sociétés internationales possédant les cliniques ont décidé de se lancer dans ce domaine lucratif. Ramsay vient d’acheter la société danoise WeCareHolding, opérateur de soins primaires, et vient de déclarer « nous préparons l’ouverture en France de soins de proximité, financés à la capitation ». Elsan  se lance dans la croissance externe, avec l’achat de cabinets d’imagerie, et s’intéresse à la radiothérapie et l’hospitalisation à domicile. 

L’achat de structure de cardiologie serait-elle la prochaine étape ? 

Tout ceci risque, à terme, de nous orienter vers un système de santé à l’américaine avec d’un côté, une offre publique hospitalière, et de l’autre une privée commerciale appartenant à des grands groupes (sachant que le même soin coûte 34 % de plus dans le système de santé américain que dans le système français, selon le panorama santé 2019 de l’OCDE). Espérons que nos élus et nos énarques aux pouvoirs comprennent enfin que seul un secteur libéral fort, riche de ses différences permettra d’éviter la marchandisation de la santé. 

Alors serons nous tous salariés demain ? Peut-être, mais alors de structures bâties par des professionnels libéraux et non des fonds de pensions ! Le Syndicat se bat pour que le secteur libéral se conjugue au futur et non au passé !

Marc Villacèque. Président du Syndicat National des Cardiologues




L’insuffisance cardiaque est partout

Vous connaissez les chiffres : 1,5 million d’insuffisants cardiaques en France avec 70 000 décès par an : l’insuffisance cardiaque est la première cause d’hospitalisation évitable.

Vous savez que l’inertie médicamenteuse est un problème majeur. Or, après une décompensation cardiaque : 

  • seulement 45,8 % des patients inscrits dans le programme Prado-IC ont la trithérapie (diurétique, bêtabloquant, IEC ou ARA2) versus 38,1 % chez les patient témoins ;
  • 55,9 % des patients Prado-IC sont vus par un cardiologue dans les deux mois, versus 33,7 % des patients témoins.

Ce constat n’est pas nouveau, mais tout s’accélère dans l’insuffisance cardiaque en 2021 :

  • de nouvelles recommandations ESC proposent un nouveau schéma de prise en charge avec une quadrithérapie dès la sortie de l’hôpital avec bêtabloquants, sacubitil/valsartan ou IEC/Ara 2, antagonistes des récepteurs aux minéralocorticoïdes, gliflozine ;
  • l’AMM et l’indication de remboursement bientôt pour les gliflozines avec un niveau de preuve maximum de IA pour l’ESC ;
  • le colloque Optim-IC, présenté au ministère sous l’impulsion de Thibault Damy et de plusieurs structures dont le SNC, affirme la place centrale du cardiologue notamment du cardiologue de ville.
  • de nouvelles recommandations HAS sont en cours d’élaboration ;
  • la CNAM, dans son rapport charges/produits, réalise une enquête de 17 pages sur l’insuffisance cardiaque et propose d’aider les acteurs du parcours grâce à des outils de « datavisualisation » comprenant des indicateurs sur la mortalité, le taux d’hospitalisation et de ré-hospitalisation, le taux de réadaptation cardiaque pour un territoire et probablement pour la patientèle du médecin ;
  • parce qu’ils jugent insuffisante la prise en charge médicale des patients en ambulatoire, les hôpitaux publics innovent avec de nouveaux protocoles permettant aux infirmières de faire la titration des médicaments en présentiel ou en téléexpertise, des IDE de coordination, des numéros d’accès directs de prises en charge ou encore la télésurveillance. Tout ceci fragilisera à terme le rôle du cardiologue de ville dans la prise en charge de l’insuffisance cardiaque.

Si le traitement de la décompensation cardiaque aiguë est le rôle des établissements, la prise en charge de l’insuffisance cardiaque chronique reste le domaine du cardiologue libéral, notamment pour optimiser au mieux le traitement et prévenir les complications. 

A l’heure où l’accès aux soins est de plus en plus difficile pour nos concitoyens et où les réponses politiques vont toutes dans le même sens, à savoir une montée en « compétence » de l’ensemble des professionnels de santé selon la logique de l’escalier du député (et néanmoins docteur) Cyrille Isaac-Sibille, le cardiologue de ville doit se consacrer à des tâches complexes à forte plus-value, et devra probablement s’investir davantage dans l’insuffisance cardiaque que dans les  bilans préopératoires ou l’HTA sous monothérapie.

Si l’insuffisance cardiaque est partout, elle doit surtout et avant tout, être prise en charge dans nos cabinets.

Marc Villacèque. Président du Syndicat National des Cardiologues




Avons-nous sabordé les URPS ?

Début avril 2021, nous avons élu nos représentants aux Unions Régionales des Professionnels de Santé (URPS). L’abstention a été d’environ 77 % versus 56 % en 2015.

Pour certains, cette abstention record s’explique par le mode de scrutin électronique durant une période difficile liée à la Covid.  Mais alors, comment expliquer que l’abstention était deux fois moins importante pour les mêmes élections chez les pharmaciens ? Soyons pragmatiques, si les médecins n’ont pas pris cinq minutes pour voter, c’est qu’ils ne voient pas l’intérêt, ni des URPS médecins, ni des syndicats dits représentatifs.

Pourquoi ce désamour de l’URPS ? Malgré l’implication réelle des médecins élus depuis plus de dix ans, nous ne voyons que très peu d’actions concrètes sur le terrain de cette structure qui ne joue pas son rôle de contre-pouvoir face aux Agences Régionales de Santé (ARS) et n’est pas un interlocuteur efficient pour améliorer l’offre de soin libérale.

Pourquoi ne pas donner des voix aux syndicats ? Le problème n’est pas tant le nombre de syndicats qui augmente mais leur faiblesse, adossée à des programmes quasi identiques, et des revendications souvent en décalage avec la réalité du terrain. Comment encore s’opposer frontalement à la délégation de tâches, alors que nous sommes tous noyés par le travail, avec des délais de rendez-vous qui s’allongent dans toutes les spécialités et qu’il y a 5,5 millions de français qui n’ont pas de médecin traitant ? Il ne s’agit pas de dire oui à toutes les délégations de tâches mais de co-construire avec les infirmiers, les pharmaciens, les kinésithérapeutes et autres professionnels pour améliorer la prise en charge des patients. Devant l’absence de débat entre médecins et de concertation avec les autres professionnels, le gouvernement en profite déjà pour imposer seul les tâches médicales délégables et détricoter le métier de médecin.

Quelles sont les conséquences de cette abstention ?

– Sur le plan local, les médecins ne légitimant plus les URPS, les ARS risquent de se tourner vers de nouveaux acteurs locaux comme les Communautés Professionnelles Territoriales de Santé (CPTS), qui sont des structures complexes, technocratiques et non politiques, dont l’adhésion deviendra quasi obligatoire pour le médecin libéral sous peine de ne plus avoir de revalorisation tarifaire.

– Sur le plan national, le rôle des Conseils Nationaux Professionnels (CNP) sera renforcé, dont le celui du Conseil National Professionnel CardioVasculaire (représentant toutes les composantes de la cardiologie libérale et hospitalière), au sein duquel le syndicat occupe une place importante puisque nous en avons la présidence une année sur deux.

Devant cette faible représentativité et ce manque de poids du monde libéral, la CNAM et les ARS pourraient facilement prendre les décisions seules et, pire, les établissements privés pourraient être tentés de défendre les intérêts des libéraux à leur place.

La vie conventionnelle risque d’être déséquilibrée entre la CNAM et les syndicats. Pour préparer le système de soins de demain avec une médecine de ville à sa juste place, nous allons avoir besoin de nous appuyer sur des syndicats unis et forts. Pour cela, il faut remplacer les syndicats « de posture » par des structures qui réfléchissent, proposent et créent le débat, des véritables laboratoires d’idées, et qui se projettent vers l’avenir au lieu de rester tournées vers le passé : bref être créatives, imaginatives, ambitieuses, audacieuses… Le syndicat de cardiologie suit cette voie depuis des années. À quand la mutation des centrales syndicales ?

Si la vie des URPS est en sursis, les centrales syndicales doivent se réinventer maintenant, car comme le dit Paul Fort « La vie nous donne toujours une autre chance. Elle s’appelle demain ».

Marc Villacèque. Président du Syndicat National des Cardiologues




« A change is gonna come * : un changement va arriver »

La Drees (ministère de la Santé) a publié le 26 mars la démographie des professions médicales. Nous y apprenons, sans surprise, que la densité des médecins va poursuivre son déclin jusqu’en 2028 (baisse de 5 %) et ne retrouvera son niveau actuel qu’en 2035 !

Nos décideurs n’ont pas attendu ce rapport pour traiter l’insuffisance du nombre de médecins par des délégations de tâches et des protocolisations : 

  • Les députés ont adopté le 18 mars la proposition de loi « Améliorer le système de santé par la confiance et la simplification ». Comme son nom ne l’indique pas, cette loi permet aux sages-femmes de prolonger les arrêts de travail et d’adresser leurs patients directement aux spécialistes, et aux kinés d’adapter les prescriptions médicales et de prescrire des produits de Santé dont les substituts nicotiniques.
  • Le Journal Officiel du 1er mars nous informe que, par protocole, les infirmières pourront enregistrer et pré-interpréter les échographies cardiaques à l’échelle nationale.

Concernant la Covid-19, les syndicats de médecins s’étaient opposés à la vaccination par les pharmaciens. La HAS les a si bien écoutés, qu’en plus de donner ce droit au pharmacien, elle a élargi la possibilité de vacciner aux vétérinaires, dentistes, manipulateurs radio, étudiants en médecine de deuxième année… 

Du côté de la cardiologie, les dernières décennies ont été marquées par des innovations techniques (TAVI, MitraClip, pacemaker sans sonde, imagerie…) et pharmacologiques majeures (sacabutril, Ac anti-PCSK9, glifozine…). Malheureusement, devant l’inflation des maladies cardiovasculaires et la diminution de densité des médecins, ces progrès ne seront accessibles à l’ensemble de la population que si nous nous lançons dans une véritable innovation organisationnelle. C’est l’un des rôles du SNC, notamment en mettant en avant les nouveaux modèles organisationnels des cardiologues libéraux de terrain. A chaque cardiologue la liberté de s’organiser comme il le souhaite, pour répondre au mieux aux difficultés de son exercice et aux besoins de la population, en s’appuyant sur Le guide des modèles innovants publié dans notre revue Le Cardiologue. Le Syndicat défend toutes les pratiques de la cardiologie : le mode individuel ou en groupe, l’exercice généraliste ou hyperspécialisé.

Pour finir, voilà un an que le nouveau bureau du Syndicat national a été élu. Nous avons l’impression que les réunions auxquelles nous assistons, avec les différents acteurs de la santé, sont accompagnées de la musique de fond « A change is gonna come* » de Sam Cooke. Maintenant, reste à savoir si les cardiologues seront les auteurs-acteurs de l’innovation ou de simples musiciens-spectateurs du chant gouvernemental…

Marc Villacèque. Président du Syndicat National des Cardiologues

(*) je vous invite à redécouvrir cette chanson ou une de ses nombreuses reprises qui ont participé à l’histoire des Etats-Unis 

La ligne éditoriale de notre revue Le Cardiologue a été modernisée avec dorénavant, à chaque numéro :

  • Un cahier détachable au centre, traitant d’un sujet professionnel pratique : obligations du cardiologue au niveau de son cabinet, modèles innovants, délégation de tâches…
  • Un article complet sur un sujet d’actualité (le mois dernier les URPS, ce mois-ci l’AG du SNC).
  • Vos rubriques favorites culturelles.

© Sergey Nivens




Demain le cardiologue sera-t-il hyperspécialiste ou généraliste ?

Les champs d’intervention de notre métier s’élargissent, imposant au cardiologue une vision et une prise en charge du patient de plus en plus globales.

Depuis déjà deux ans, les recommandations de l’ESC sur le diabète mettent en avant deux nouvelles classes thérapeutiques diminuant significativement le risque cardiovasculaire. Dans le cadre de la prévention cardiovasculaire du patient diabétique, le cardiologue doit-il se mettre à les prescrire au même titre que l’activité physique, les antiagrégants plaquettaires, les hypolipémiants ou la revascularisation ? Sachant que la prévalence du diabète ne cesse d’augmenter, que le nombre de médecins généralistes a diminué de 7 % sur 10 ans et que les endocrinologues de ville sont de moins en moins nombreux, la compétence du cardiologue dans ce domaine ne peut que s’élargir.

Dans la maladie athéromateuse, plusieurs études nous permettent de mieux appréhender cette pathologie qui ne se limite plus au cholestérol, et dont la prise en charge devient plus efficiente grâce à l’apport de nouvelles molécules. 

Pour l’activité physique, les recommandations de l’ESC nous imposent l’appropriation de nouvelles connaissances et nous encouragent à avoir une vision moins parcellaire de nos patients.

Enfin, les patients, de plus en plus âgés, nécessitent une approche multidisciplinaire ambulatoire prenant en compte leur environnement médicosocial, et leurs comorbidités.

Cette prise en charge globale, le plus souvent effectuée par les acteurs locaux de proximité de ville doit être le socle de l’activité cardiologique.

La particularité de notre métier est d’être une spécialité médicotechnique, avec une balance toujours équilibrée entre ses deux composantes. Nos prédécesseurs y ont jalousement veillé. L’interrogatoire et la clinique font partie de notre ADN. L’outil technologique doit rester au service du traitement de la maladie dans l’intérêt du malade, et non le contraire, comme on a pu le voir parfois pour la dilatation d’une image coronaire en l’absence de tout signe d’ischémie. La structuration actuelle des services hospitaliers de cardiologie en unités hyperspécialisées pour améliorer l’efficience de la prise en charge n’a plus, comme seul contre-pouvoir, que la cardiologie libérale de ville avec une vision par essence plus globale du patient. 

Sur 183 internes de cardiologie formés par an, seulement 38 le seront en cardiologie générale et ce exclusivement par des stages à l’hôpital. Le rallongement du cursus de l’interne de cardiologie de 4 à 5 ans aurait dû lui permettre d’effectuer un stage en cabinet libéral de ville pour découvrir cette vision globale. Malheureusement, alors que toutes les autres spécialités médicales (hépatogastrologie, pneumologie, endocrinologie…) autorisent un stage de 6 mois à 1 an en cabinet de ville, l’interne de cardiologie n’a comme possibilité qu’un stage facultatif de 15 jours !

Après avoir scindé la cardiologie et le vasculaire en deux internats différents, amputant le médecin cardiovasculaire d’une de ses fonctions, voilà que la formation du cardiologue se résume à la seule rencontre de patients hospitalisés pour des pathologies cardiaques spécifiques ou des actes techniques. 

Si nous ne changeons rien, nous ne serons plus que des techniciens regardant à la loupe un « bout » de cœur et non plus des médecins spécialistes en maladie cardiovasculaire.

Le Syndicat National des Cardiologues défend une cardiologie holistique et a fait de l’année 2021 une priorité pour permettre les stages des internes en cardiologie libérale.

Marc Villacèque
Président du Syndicat national des cardiologues




Le médecin, un acteur de santé comme les autres ?

L’épidémie de Covid-19 aurait dû remettre le médecin au cœur du système de soins. Par leurs prises de positions fréquentes et souvent inappropriées, certains d’entre nous prennent le risque de discréditer toute la profession.

Qu’ont-ils retenu du serment d’Hippocrate ? Ces médecins spécialistes (souvent auto-proclamés) en Covid, bien plus éblouis par les lumières des médias que par les études randomisées en double aveugle, annoncent aux Français tout et son contraire sans se soucier des conséquences, sans discernement, ni humilité.

Et ces syndicats de PH qui appellent à la grève début janvier, en pleine épidémie de Covid, pendant que des entreprises meurent et que toute l’économie souffre, sous prétexte de n’avoir pas eu de réelles revalorisations, alors même qu’une augmentation de 450 millions d’euros des rémunérations annuelles pour les médecins des hôpitaux a été votée par le Parlement.

En libéral, ce n’est pas mieux, le nombre de syndicats de médecins augmente alors que nous partageons tous à peu près les mêmes idées : moins d’administratif, conservation du paiement à l’acte, maintien de la liberté d’installation. Malheureusement, les futures élections des URPS vont mettre en avant des divergences inexistantes, des annonces démagogiques, des attaques injustes, des calomnies impardonnables dont la seule conséquence sera une division plus profonde de notre profession.

Enfin, le Conseil de l’Ordre, qui se détourne de nos jeunes consœurs et confrères en ne les autorisant à remplacer qu’en fin de cursus… Dorénavant, il faudra être thésé pour remplacer en libéral. Où sont donc passés le compagnonnage et le souci de l’intérêt général ?

Devant tant de divisions et d’incohérences, les décideurs n’hésitent plus à revêtir le costume tyrannique de « contrôleur du budget de l’Assurance-maladie » en s’autorisant :

  • le droit de baisser le tarif d’un acte de façon unilatérale (retour de l’article 99),
  • en excluant les spécialistes du SAS (service d’accès aux soins),
  • en accélérant la délégation de tâches (cystite prise en charge par le pharmacien, douleur lombaire aigu par le kiné…),
  • et enfin, en limitant les innovations aux patients, créant ainsi une perte de chances par des règles administratives chronophages et contre-productives sur les hypocholestérolémiants anti-PCSK9.

Tout ceci affaiblit le rôle central et indispensable du médecin dans notre système de soins, ainsi que son rôle décisionnaire en matière de santé publique.

Vous avez compris, seul un syndicalisme fort et uni réussira à renverser cette tendance !

A nous de définir la future place que doit avoir le médecin dans notre société. 

Pour cela écoutons les anciens :

« Vous êtes maître de votre vie et qu’importe votre prison, vous en avez les clés » (le Dalai Lama).

Marc Villacèque. Président du Syndicat national des cardiologues




La cardiologie demain : comment et par qui ?

Depuis de nombreuses années, la population française constate une augmentation insuffisante des effectifs de médecins. Le numérus clausus a doublé de 1993 à 2007 (3 500 à 7 100), cependant, le premier numerus en 1972 était de 8 588, donc supérieur à ce qu’il était en 2018 soit 8 205, alors que la population française a augmenté de 30 %. 

Force est de constater que ce rattrapage est plus qu’insuffisant, puisque les délais chez le spécialiste augmentent (110 jours chez un cardiologue d’après un sondage du Syndicat National des Cardiologues) et que de nombreux patients ne trouvent plus de médecin traitant (diminution des médecins généralistes de 7 % en 10 ans). C’est certainement pour essayer de satisfaire les attentes de la population que la majorité parlementaire a proposé la création d’une profession médicale intermédiaire ; en bref, une médecine low cost, et un délai minimum de 6 ans pour en voir les effets.

En ce qui concerne la cardiologie, nous avons la chance d’être toujours choisi parmi les premières spécialités à l’internat. Il n’y a donc pas de défaut d’attractivité. 

Alors pourquoi nos délais s’allongent-ils ?

  • les maladies cardioneurovasculaires augmentent de 3,5 % tous les ans et font partie des maladies qui progressent le plus ;
  • en 2017, 26 % des cardiologues (privé et public) ont plus de 60 ans, soit 1 629 départs en retraite d’ici 2027, ce qui correspond à environ 220 départs par an, contre 180 internes de cardiologie formés à l’année !!! Ce déficit de 40 cardiologues par an est partiellement comblé par les cardiologues à diplômes étrangers ; 
  • en se basant sur la file active, on constate qu’un cardiologue libéral entre 50 et 65 ans voit en moyenne plus de 1 800 patients différents par an, alors que pour les autres tranches d’âge le cardiologue voit en moyenne 1 550 patients par an.

Il y a donc une inadéquation entre l’offre et la demande de soins.

La nature ayant horreur du vide, de nouveaux acteurs vont arriver en cardiologie :

  • le médecin généraliste et son nouvel environnement (assistants médicaux, infirmières) ;
  • l’environnement du cardiologue libéral (secrétaires, assistants médicaux, infirmières) ;
  • l’environnement hospitalier du cardiologue hospitalier ;
  • les mutuelles et assureurs privés ou les établissements privés de soins ;
  • les laboratoires pharmaceutiques ;
  • les médecins étrangers (indiens, chinois…) via la télémédecine ;
  • les GAFAM.

A nous de décider si la cardiologie doit rester du domaine du cardiologue : qu’est-ce qui peut être protocolisé ? Délégué ? Comment organiser un parcours territorial pertinent avec nos confrères généralistes ? Quelle place pour les cardiologues libéraux dans les CPTS, SAS ou tout autre forme d’organisation des territoires de santé. Devons-nous être initiateurs ou subordonnés ? 

Pour éviter une ubérisation de la discipline, nous sommes en train de recenser tous les modèles innovants en cardiologie libérale, avec une première synthèse présentée par le Syndicat lors d’une visioconférence ouverte à tous les cardiologues le 30 janvier 2021.

Parallèlement, nous poursuivons le combat pour assurer le renouvellement des cardiologues en augmentant le nombre annuel d’internes de cardiologie formés par an.

Face à ces chiffres sans appel, tous les acteurs de la cardiologie doivent être unis pour décider de leur futur.

« Il ne faut pas tout craindre, mais il faut tout préparer » Richelieu

Proud and Forever Cardiologist

Marc Villacèque. Président du Syndicat National des Cardiologues




Diviser pour mieux (ou mal) régner ?

Notre système de santé est à bout de souffle. 

Le Ségur de la santé devait refonder notre système de soins. Finalement, cette non-concertation a abouti essentiellement à une revalorisation salariale dans les établissements publics. 

En contrepartie, un avenant à la Convention était censé soutenir la médecine libérale. Force est de déplorer le manque de moyens pour la médecine de ville car entre autres : 

  • le SAS (Service d’Accès aux Soins) n’intègre pas les spécialistes,
  • aucune contribution financière n’est prévue pour remplir les DMP désespérément vides,
  • et seules trois spécialités devraient être revalorisées, mais par un seul misérable euro et encore que pour certains actes !

A ce stade on ne peut que regretter le manque d’ambition, de vision, de moyens du projet, et le départ de l’un des syndicats de la table des négociations. 

Notre conseil d’administration a élaboré un texte pour défendre la cardiologie dans le cadre de cet avenant. Ce document a été bien accueilli par tous les syndicats représentatifs qui font d’ailleurs tous le même constat sur l’état moribond de la médecine libérale. Pourtant il n’y aura jamais autant de syndicats en lice pour les futures élections des URPS Médecins (Union Régionale des Professionnels de Santé). La division n’étant profitable qu’à l’Etat, le nombre croissant de syndicats de médecins risque de morceler une fois de plus la médecine libérale alors que nous avons besoin d’unité pour mieux défendre la profession.

Cet avenant discuté juste avant les élections des URPS, court le risque de ne pas être signé par nos représentants, entre autres pour des considérations électorales. De plus, la nouvelle Convention entre l’Etat et la médecine libérale ne devrait plus être discutée à son échéance en 2021, mais reportée en 2023 par le seul fait du prince, pour tenter de ne pas se mettre à dos les médecins avant les élections présidentielles.  

Pendant ce temps, nos conditions de travail se détériorent avec des cardiologues retraités non remplacés, des délais de rendez-vous qui s’allongent à vue d’œil et des patients de plus en plus complexes ne trouvant plus de médecins généralistes. Nous sommes une fois de plus les dindons de cette farce politicienne : ne pas signer l’avenant et repousser la Convention risquent de nous priver encore longtemps des outils indispensables pour nous aider et moderniser notre pratique. 

Le Syndicat travaille par d’autres moyens à l’amélioration de notre métier, notamment en présentant bientôt des visioconférences sur la réingénierie du cabinet cardiologique et des outils ergonomiques pour réaliser de la téléexpertise, et en proposant dès que possible une formation pour faire évoluer nos secrétaires vers la fonction d’Assistants Médicaux grâce à la VAE (Validation des Acquis de l’Expérience).

Nos décideurs devraient méditer cette citation d’Henri Fayol, précurseur du management « Diviser les forces ennemies est bien, mais diviser ses propres forces est une lourde faute ».




« Manque d’attractivité à l’hôpital » et pas en ville ?

Le Ségur de la santé a été dominé par le mantra du « manque d’attractivité de l’hôpital public ».

Cette affirmation péremptoire a conduit à des revalorisations historiques d’environ 8 milliards par an, soit 4 % de l’ensemble du montant de la Sécurité Sociale.

Pourtant selon le CNG (Centre National de Gestion des PH), le nombre de PH temps plein a augmenté de 20,7 % en 10 ans. D’après le Conseil de l’Ordre National, en 10 ans, le nombre de spécialistes médicaux a augmenté de 15,4 % pour l’activité salariée et a diminué de 9,4 % en libéral. 

La DREES (ministère de la Santé) confirme ces chiffres en août 2020 avec une baisse de 6,1 % de l’activité libérale exclusive. L’argument majeur de l’hôpital, pour réclamer toujours plus de moyens, est qu’il existe 27 % de postes vacants (quel que soit le nombre fictif de postes non pourvus, il n’y a jamais eu autant de PH en France : ils sont passés de 38 454 à 44 534 en 10 ans), mais combien de cabinets libéraux ont fermé ?

La DREES précise que les personnels non médicaux sont moins bien rémunérés dans le privé qu’en public : en 2016, tous corps de métiers confondus en secteur hospitalier, le salaire mensuel net d’un équivalent temps plein à l’hôpital public s’élève en moyenne à 2 320 euros contre 2 112 euros dans le privé.

Grâce aux négociations du Ségur, le personnel public aura une hausse générale du salaire d’environ 200 euros net par mois, cette somme sera plus faible en privé. De plus, le Ségur prévoit la création rapide de 15 000 postes dans le public. Dans la mesure où il faut 3 ans pour former une infirmière, je vous laisse deviner où se fera le recrutement, sachant que nous constatons tous une diminution des effectifs dans nos cliniques.

Pour rendre plus attractif le libéral, notre ministre propose un avenant à la convention dont les thèmes sont l’accélération et le renforcement du rôle des CPTS, la prise en charge des soins non programmés et la télésanté. 

En résumé : d’un côté la hausse de revenu sans condition, de l’autre des règles contraignantes. Sans être medium, je vois mal comment les syndicats représentatifs des médecins libéraux vont pouvoir signer un tel avenant.

La DREES révèle aussi qu’en 6 ans, en libéral, le nombre de pédiatres a baissé de 10 %, les gynécologues médicaux de 40 %, et les généralistes de 6% (soit 4 000 généralistes en moins, ceci confirme que nos patients ont de plus en plus de mal à trouver un médecin généraliste). 

La cardiologie libérale doit éviter cette décroissance !

C’est pour cela que le Syndicat a lancé un sondage sur nos modes d’organisation pour mieux connaitre la pluralité de nos exercices. 

Dans un deuxième temps, nous allons proposer des outils à chacun pour pouvoir moderniser nos cabinets, améliorer notre qualité de vie au travail et rester, ou devenir, attractif.

Comme disait Sun Tzu, Ve siècle avant J.-C., « on n’est frappé que par le destin que l’on n’a pas su maîtriser ».

Marc Villacèque. Président du Syndicat national des cardiologues




Une histoire de chiffre à plusieurs milliards…

En 2018, le budget de la Sécurité sociale était de 470 milliards d’euros (soit 25 % du PIB français), bien supérieur aux 329 milliards d’euros du budget de l’état français réparti entre ses différents ministères. 

A l’intérieur de la Sécurité sociale, le budget de l’Assurance-maladie était de 198 milliards donc bien supérieur au budget de 99,3 milliards du ministère de l’Éducation et de la Recherche ou des 8,7 milliards du ministère de la Justice. 

Bien que la Santé soit le premier poste de dépenses en France et l’un des plus importants au monde, notre système de Santé est à bout de souffle : personnel en souffrance, non reconnu ni valorisé, patients avec un accès difficile aux soins et des délais d’attente de plus en plus incompatibles avec une bonne prise en charge. 

Comment faire mieux, sachant que le budget Santé ne peut être extensible à l’infini ?

Selon l’OCDE, en France : 33,7 % des emplois hospitaliers ne sont ni médicaux, ni paramédicaux contre 25 % en Allemagne, 24 % en Espagne ou 20 % au Danemark. De plus, il existe un mille-feuille de structures de santé sans soins, par exemple la seule ARS Occitanie est composée de 800 personnes. Alors que l’on exige de la pertinence du médecin, existe-t’il des indicateurs d’efficience de nos administrations ? Un numerus clausus a été imposé aux médecins, à quand un numerus clausus pour le personnel administratif ? 

Les dépenses de l’Assurance-maladie augmentent chaque année de 2 points, mais jamais au bénéfice des soignants ! Est-ce qu’octroyer 6 milliards (soit 3 % du budget de l’Assurance-maladie) aux soignants des établissements de soins (hors médecins) sauvera notre système ? La prise en charge des patients sera-t-elle meilleure ? La qualité de travail des soignants sera-t-elle améliorée ? Ne faudrait-il pas au contraire réformer en profondeur l’institution, mieux répartir les ressources humaines et financières vers les soignants ?

Le Ségur de la santé aidera l’hôpital public qui en a bien besoin, mais est-ce suffisant ? Durant le confinement, la baisse de l’activité des soins de ville a engendré une économie de 4 milliards à l’Assurance-maladie, ce ne serait  pas une erreur, mais une faute de nos politiques que de ne pas aider, soutenir et valoriser la médecine de ville. 

La mission des médecins et des soignants est de soigner et accompagner, non de remplir des papiers !

Les épidémies sont source de surmortalité, mais l’endémie bureaucratique et administrative nous étouffe et nous tue à petit feu…

Nous ne réclamons pas des milliards, nous voulons être écoutés et entendus afin d’obtenir une amélioration de notre qualité d’exercice au service des patients.

Marc Villacèque. Président du Syndicat des Cardiologues (SNC)




Ségur de la Santé : beaucoup de bruit pour rien ?

Le 20 mai 2020, Edouard Philippe, Premier ministre, a ouvert le Ségur de la Santé en proposant un cadre de discussions centré sur : 

  • la reconnaissance des soignants (rémunération et évolution de carrière),
  • le financement de l’hôpital dans le territoire, 
  • les leviers aux freins à l’évolution de l’organisation du système de santé sur le territoire et aux recours au numérique.

En résumé : RIEN sur le secteur de la santé de ville, et un manque manifeste de vision globale de rénovation du système de soins alors que tout ce qui a été construit puis modifié, et souvent bricolé, depuis les ordonnances de 1945 et 1958 est intriqué et interdépendant tel un fragile château de cartes.

En réalité, le Ségur de la Santé semble n’avoir d’autre but que d’éviter un mouvement social des soignants. L’opacité de la méthode de consultation et les délais imposés font redouter que les conclusions soient déjà écrites. Les groupes de travail sont déjà constitués, alors qu’il n’y a pas eu d’appel à candidature. Les preuves de cette opacité et cette précipitation ?

  • l’oubli des organismes représentant les infirmièr(e)s, alors que l’un des objectifs essentiels du Ségur est la revalorisation de leurs place et rémunération,
  • l’oubli des représentants des jeunes médecins et de leurs idées.

Qui peut croire que nous allons pouvoir changer ce système complexe en 7 semaines, alors que la réforme des retraites n’a toujours pas abouti en plus de 2 années de concertation ?

Notre système de santé est en plein marasme. Si nous voulons le sauver, nous devons utiliser des méthodes radicales, sous peine de sa mort lente mais inéluctable si nous nous résignons à un énième rafistolage de façade.

Ne tombons pas dans le piège syndical facile à dire « que peut faire le système pour moi et ma corporation ? ». Mais posons-nous plutôt la question « que pouvons-nous faire pour sauver notre système ? ». 

Coopérons avec les autres professionnels de santé : leurs compétences, leurs expériences, leurs visions sont indispensables à la réflexion globale et complémentaire des nôtres.

Le Syndicat National des Cardiologues soutient et est prêt à accélérer les processus de spécialisation et de valorisation des infirmièr(e)s, notamment en augmentant leur nombre  en pratique avancée. Tout comme il existe des infirmièr(e)s de rythmologie et de cardiologie interventionnelle, nous devrions pouvoir intégrer des infirmièr(e)s dans nos cabinets.

Même si je redoute que le Ségur de la Santé soit joué d’avance, je refuse d’attendre les bras croisés une prochaine guerre mondiale ou biologique pour espérer engager une réforme profonde de notre système de santé.

Marc Villacèque. Président du Syndicat National des Cardiologues




Le futur nous regarde…

Certaines périodes de l’histoire restent gravées dans la mémoire collective.

Quand nos petits-enfants nous demanderont ce que nous avons fait durant cette crise, nous pourrons leur répondre, avec fierté et honnêteté, que la cardiologie s’est adaptée pour protéger les personnes fragiles et sauver des vies. Nous avons appliqué les gestes barrières, le principe de distanciation sociale, téléconsulté, assuré les urgences, etc. Pour protéger des vies, notre activité en période de confinement a baissé en moyenne de 70 %.

Le futur portera un jugement sur cette période :

  • d’un côté, les manquements : la pénurie de masques, de dépistage, la complication des maladies chroniques non prises en charge à temps, des structures étatiques contre-productives, une asymétrie de recours entre le privé et le public, etc. ;
  • de l’autre, un pays capable en peu de temps de tripler sa capacité de lits de réanimation, de transférer des patients dans la France entière, d’assouplir les modalités de téléconsultation, d’obtenir l’autorisation d’études cliniques en 48 h. Un peuple solidaire envers ses soignants. Des médecins capables du jour au lendemain de s’adapter à la crise et de changer complètement leur pratique pour la sécurité et la santé de la population.

Actuellement, les temps sont durs pour nombre d’entre nous : diminution de nos revenus, reprise partielle de l’activité cardiologique et ce pendant plusieurs mois et, pour certains, la maladie, les drames personnels et familiaux…

Il y aura un avant et un après Covid. 

Peut-être ne serrerons-nous plus la main de nos patients… Ce qui est très probable, c’est que nous allons assister à une refonte de notre système de soins : remplacement des agences administratives défectueuses, départ précipité des médecins retraités en cumul emploi-retraite (environ 15 % des libéraux), etc. Nous allons avoir des choix difficiles à faire pour nos cabinets. 

Durant le confinement, c’est environ 1 million de patients non vus par la cardiologie libérale, autant de patients à voir rapidement dès la sortie du confinement malgré des agendas toujours aussi chargés. 

La sortie du confinement nous impose de réfléchir, de nous réinventer. Comment mieux organiser nos cabinets, diminuer les délais de RDV, utiliser la télémédecine, améliorer le parcours de soins et la prévention ?

Quels patients nécessitent vraiment d’être pris en charge par un cardiologue ?

Après vous avoir accompagnés au plus près avec la création dans l’urgence de fiches de gestion et d’organisation du cabinet, l’organisation de formations par visioconférence et l’interpellation quasi quotidienne des pouvoirs publics, le Syndicat National sera au rendez-vous pour relever le défi de la modernisation de notre profession. 

Car si le futur nous regarde… nous n’avons pas peur de le regarder et de le construire.

Marc Villacèque. Président du Syndicat National des cardiologues




Mobilisation générale de la cardiologie libérale… sans protection !

Quels que soient la gravité et le problème de santé publique, l’Etat trouve toujours une seule et même solution : l’hôpital. Que faut-il faire ou dire pour que l’Etat reconnaisse, considère et prenne en compte le travail de la cardiologie libérale ?

Dès le début du confinement lié à l’épidémie du COVID-19, la cardiologie libérale s’est réorganisée, pour adapter son fonctionnement sur tout le territoire et répondre aux besoins de santé impératifs de tous les patients. En appliquant le principe de distanciation sociale pour éviter la transmission de la maladie, elle n’a pas hésité à reporter toutes ces consultations non urgentes, même dans les territoires moins touchés. Nous sommes bien sûr au service de la population, mais comment peut-on comprendre et accepter, alors que toutes les entreprises ont accès à des aides publiques, qu’aucune aide n’ait été actée pour les médecins libéraux : nous continuons à prendre en charge nos concitoyens âgés et (ou) fragiles sans protection et à perte, alors que d’autres professions exercent leur droit de retrait….

Malgré cette réalité, la quasi-totalité des cabinets de cardiologie reste ouverte pour prendre en charge les urgences et les patients chroniques qui le nécessitent. D’autres confrères se regroupent pour assurer une permanence et la veille sanitaire. Dans plusieurs régions, les listes des permanences cardiologiques ont été transmises aux SAMU et aux ARS.

Toutes les mesures de protections possibles ont été mises en œuvre dans les cabinets pour éviter la contamination. Néanmoins, nous constatons et déplorons vivement partout dans le pays, malgré nos alertes quotidiennes auprès de l’État, la pénurie persistante et incompréhensible de masques. Néanmoins, la cardiologie libérale française, qui a l’habitude de faire face aux urgences cardiologiques 24h sur 24h, continuera à prendre en charge tous les patients rapidement, quel que soit le degré de l’épidémie.

En Alsace, les cardiologues travaillent tous les jours de façon admirable dans des conditions très difficiles au contact rapproché du virus, sans avoir les moyens de protection qu’il faudrait. Nous sommes fiers et reconnaissants de leur dévouement et de leur abnégation.

Chers amis cardiologues libéraux, comme malheureusement tous les autres médecins libéraux, nous sommes bien seuls et oubliés des pouvoirs publics, face à cette crise. L’heure n’est pas à la division, à la critique, au pugilat, mais au contraire à la cohésion, à l’union, à l’entraide, à la solidarité, au soutien de nos confrères en difficultés. N’hésitez pas à vous organiser avec d’autres cabinets, à tester la téléconsultation, la télésurveillance, la téléexpertise. Soyons ingénieux et créatifs, et partageons nos idées. C’est dans ce sens que le syndicat organise tous les jours des réunions sur le Covid, la téléconsulation, les finances du cabinet.

Si nous devons sortir de cette crise sanitaire, économique et politique ce ne sera qu’ensemble que nous y arriverons.

Protégez vos patients, votre personnel, vos proches et vous-mêmes.

Soyons solidaires.




Vous avez dit crise ?

Sommes-nous devant la plus grave crise de notre système de santé depuis 50 ans ? La crise de l’hôpital est sans précédent : grève des urgences depuis mars 2019, étendue aux autres services peu après, démission de plus de 800 chefs de service et PH de leurs fonctions administratives en janvier 2020… Face à ces problématiques, le Premier ministre a présenté un plan de soutien à l’hôpital de 1,5 milliard d’euros en novembre 2019 : jugé insuffisant. 

La médecine libérale n’est pas non plus épargnée, notamment chez les médecins spécialistes, non reconnue et non valorisée depuis de nombreuses années, avec des réponses souvent inadaptées : création de CPTS, téléconsultations et téléexpertises à tarif low cost, transferts de tâches décidés sans concertation avec les médecins. Devant ces propositions inégales entre médecine privée et publique nous ne pouvons espérer des tutelles la résolution de nos problématiques. Il nous appartient de trouver nos propres solutions, sous peine de disparaitre. 

Un chantier prioritaire

Les réponses passent notamment par la modernisation de notre activité professionnelle. Nouveau président, il s’agit d’un chantier prioritaire pour mon bureau et moi-même. Le syndicat national commence dès à présent une enquête sur nos différents modes d’exercice. Le partage d’expérience se fera tout au long de l’année dans votre journal Le Cardiologue et lors d’une grande table ronde proposée à tous les cardiologues afin que chacun puisse choisir les meilleures stratégies pour son cabinet (rassemblement physique ou virtuel, agenda numérique, télémédecine, assistants médicaux techniques, infirmières en pratique avancée, intégration de l’e-santé dans le cabinet…). Ce travail aura pour ambition d’améliorer nos qualités de vie professionnelle et personnelle et de renforcer l’attractivité de notre discipline, en donnant envie aux internes et aux médecins des hôpitaux de rejoindre le monde de la cardiologie libérale. 

Nous mènerons également une réflexion sur « quelle est la fonction du cardiologue en 2020 ? » : quel est son « contour » métier ? Qu’est-ce qui peut être fait par les médecins généralistes et les paramédicaux ? A nous de définir les lignes rouges à ne pas franchir par les tutelles. 

Enfin, nous devons réinventer le syndicalisme qui ne peut plus se limiter à la défense du cardiologue, mais se transformer en un syndicalisme dit de services afin d’accompagner au mieux nos syndiqués face à la complexité croissante de notre exercice et aux nouveaux enjeux de notre métier.

Pour tout cela, nous aurons besoin de l’aide de tous en région pour moderniser notre profession et notre syndicat.  Le dialogue avec les différentes instances de l’Etat doit passer par un syndicalisme fort, unifié, moderne, représentant les différentes générations et nos différents modes d’exercice. 

Ces projets sont ambitieux, mais ensemble, nous pouvons retrouver l’attrait et l’excellence de la cardiologie libérale. 




Le mot du Président

Chères consœurs, chers confrères, chers amis,

Ce week-end vous m’avez élu président de notre Syndicat National des Cardiologues. Je suis très honoré et touché de la confiance que vous m’avez apportée.

Vous avez fait le choix d’un jeune président, c’est un symbole fort de renouveau que la cardiologie libérale envoie à son environnement.

Le temps de l’élection est terminé, l’heure est au rassemblement, dans l’intérêt de notre Syndicat. Chacun a sa place au sein du Syndicat National des Cardiologues et chaque contribution est bienvenue : cette maison est la maison de tous les cardiologues libéraux.

Comme je vous l’ai annoncé ce week-end, la médecine libérale est en crise et notre profession connait des difficultés croissantes contre lesquelles nous allons lutter.
Pour gagner ce combat, nous devons être unis contre les tutelles pour imposer notre projet autour de la restructuration de la cardiologie libérale.
Cette union passe par des partenariats renforcés avec le CNCF et la SFC afin de construire un Conseil National Professionnel encore plus uni et puissant.

Ce projet s’inscrit dans la continuité avec, en plus, l’ambition d’apporter un nouveau souffle au Syndicat pour valoriser la pratique de la cardiologie libérale. Notre spécialité se doit d’être encore plus forte et plus innovante afin que nous puissions rester des experts incontournables de notre système de santé. Ce nouvel élan du syndicalisme conjuguera la représentation et la défense de notre profession, avec l’amélioration de notre qualité de vie professionnelle et personnelle.

Je suis conscient que la tâche sera ardue et complexe, mais grâce à vous et à mon équipe plurielle, solidaire et soudée, nous réussirons à créer un syndicat puissant, proactif, reconnu et acteur de son avenir.

Très prochainement, avec mon nouveau bureau, je vous ferai parvenir la feuille de route de nos actions futures pour redonner toute la place que mérite la cardiologie libérale.

Je compte sur vous !
Confraternellement vôtre.
Marc Villaceque

Composition du nouveau bureau
Président : Marc Villaceque
Premier Vice-Président : Frédéric Fossati
Secrétaire général : Vincent Pradeau
Trésorier : Patrick Joly




Territoires et Pertinence 

La période des vœux consacre traditionnellement l’occasion d’exprimer quelques espérances pour son cercle relationnel et donc, implicitement… pour la santé individuelle et collective de notre famille. Mes vœux iront donc, tout à la fois, à la communauté cardiologique, au syndicat, à ses membres, à ses animateurs et à ses cadres, à ses partenaires et à ses interlocuteurs institutionnels. 

Je souhaite que le travail commun à conduire en 2020 et dans la décennie qui s’ouvre soit bienveillant et fécond. 

Ces vœux sont les derniers que je formule à cet emplacement après avoir présidé fin janvier mon ultime assemblée générale. Ils sont donc aussi pour moi une opportunité d’un coup d’œil dans le rétro. J’ai eu le sentiment de contribuer à une période de transition : entre deux générations de praticiens – ceux issus du baby-boom (dont je suis) et des millennials qui sont encore en formation –, entre deux époques politiques – celle où nous jouissons encore d’une relative liberté économique et thérapeutique et celle à venir, encore sous le signe du point d’interrogation – entre deux séquences professionnelles – celle du syndicalisme issu de la Charte de 1927, aujourd’hui en crise, douloureuse, à la Confédération et l’organisation en gestation chez nous et ailleurs, que l’on voit déjà à l’œuvre au sein du Conseil National Professionnel. 

Je suis, je l’avoue, aussi fier du travail qui y a été mené sur le parcours de soins de l’insuffisant cardiaque que dans la défense de la tarification de l’échographie. Je l’ai fait sur la double conviction que j’avais émise en arrivant à cette place : « territoires » et « pertinence ». Nous ne gagnerons que sous condition de démontrer que nous sommes simultanément soucieux des deniers publics et de l’accès universel à des soins de qualité. 

Sa place dans le système, à l’exacte interface du premier et du recours hospitalier, fait de notre spécialité un pionnier de la cohérence et de l’économie du système de santé. Le reste du chemin est considérable : il passe d’abord par l’achèvement du nouveau Livre Blanc que nous avons mis « sur le métier ». Je souhaite à mon successeur qu’il y trouve la même boussole pour l’action que celles que j’ai pu trouver dans les précédentes éditions.

Longue vie, donc, au Syndicat National des Cardiologues et bon courage à son nouveau président que vous lirez ici même dans quelques semaines.




Rien de nouveau dans le Nouveau Monde

Décidément le Nouveau Monde promis en 2017 n’est toujours pas au rendez-vous, du moins pour ce qui concerne la médecine à travers la loi de finances de la sécurité sociale. Même psychodrame chaque année, rendre compatible une hausse naturelle des dépenses de santé de l’ordre de 4 % du fait de l’accroissement et du vieillissement de la population et des progrès technologiques et thérapeutiques, avec un ONDAM dont la marge de progression est fixée à 2,5 % pour satisfaire aux grands équilibres budgétaires de la nation. 

La solution est toujours la même, elle s’appelle coupes budgétaires. Cette année la facture se monte à 4,2 milliards d’euros. L’industrie est mise à contribution à hauteur de 1,4 milliard d’euros, les médecins ne sont pas oubliés. Comme d’habitude les biologistes sont ponctionnés de 205 millions d’euros et les radiologues de 60 millions d’euros au titre de l’accord signé l’an dernier sur la lombalgie. Un effort de 595 millions d’euros (95 de plus que l’année dernière) est demandé à la maitrise médicalisée et sous le délicieux titre de « la pertinence tarifaire et adaptation tarifaire sur les autres actes », sans que l’on sache qui est concerné, encore 255 millions d’euros (pour 190 en 2019).

Plus grave encore est une répartition des efforts désespérément classique,
trois quarts sur les tarifs et un quart sur l’efficience, alors que c’est bien évidemment l’inverse qu’il faudrait faire. Faute de s’engager massivement sur des réformes structurelles du système de santé, Bercy impose ses règles qui aboutissent progressivement, mais inéluctablement, à une paupérisation de la santé qui accentue le sentiment de malaise des soignants. 

Autre exemple de travers perpétrés de l’Ancien Monde, la promesse de ramener à l’équilibre le budget de la sécurité sociale. Deux gouvernements différents en 2016 puis 2018 l’avaient clamé haut et fort pour être ensuite démentis par les faits l’année suivante. Le comble est que cette fois-ci, c’est l’Etat lui-même qui met la sécurité sociale en déficit en ne compensant pas les quelque 4 milliards d’euros de recettes en moins du fait des mesures concédées aux gilets jaunes. 

Si d’aucuns avaient un doute quant à la mainmise de l’Etat sur la sécurité sociale, toute ambiguïté est levée. Nous en payons les conséquences par le maintien de plans d’austérité. L’Assurance-maladie n’est d’ailleurs pas la seule branche frappée, puisque retraites et allocations familiales se voient plafonnées à 0,3 % de hausse quand l’inflation est de l’ordre de 1 %. 

L’Etat est décidément incapable d’assurer une gestion saine des organismes ou des entreprises qu’il a sous sa tutelle. Les intérêts politiques pour ne pas dire politiciens l’amènent toujours à s’affranchir des règles de bonnes gestions  financière et structurelle. 

A méditer quand ce sera lui qui gérera le nouveau système de retraite !




L’urgence de la réforme

1989 – Le rapport Steg sur les urgences, présenté au Conseil Économique et Social souligne le succès des (nouveaux) services mais en pointe « l’accueil défectueux », « des attentes excessives aux allures kafkaïennes », « un manque d’explications et d’apaisement pour les malades », « un déficit de médecins et d’infirmières qualifiées ».

2003 – « Les personnels soignants dénoncent la montée inexorable de la charge en soins, le manque d’effectifs, les cadences élevées et la déshumanisation de leur travail » (Rapport d’information sur l’organisation interne de l’hôpital, présenté par M. Couanau, député).

2019 – Le quotidien Libération du 14 novembre dernier constate qu’à l’hôpital « l’épuisement des personnels soignants comme des médecins a entrainé une hémorragie des professionnels lassés d’être maltraités » et reprend l’antienne d’une infirmière coordinatrice du Collectif Inter-Urgences : « Nous estimons à 3,8 milliards d’euros le surcroit de crédits nouveaux qu’il faut débloquer pour satisfaire nos revendications ».

On pourrait sans doute remonter plus loin encore le refrain des constats alarmistes sur l’hôpital malgré leur traitement itératif à base des mêmes « investissements massifs ». Seuls changent la sémantique et le levier financier : cette fois-ci, ce sera peut-être le relèvement de l’ONDAM hospitalier, après le relèvement des tarifs journaliers, après le budget global, après la T2A ; voire l’effacement de la dette des établissements. 

Refrain désespérant. Sauf que cette fois est sans doute la dernière chance de réformer enfin l’architecture vermoulue de l’hôpital public ; son financement avantageux, sa productivité en berne, son management dépassé.

Et si on commençait par le commencement : définir enfin sa vraie mission et les moyens nécessaires à son adaptation. Il est à craindre que dans sa précipitation à éteindre l’incendie – entre le conflit attendu dans les transports et l’acuité du problème des retraites – Emmanuel Macron ne sacrifie l’urgence de la réforme à la dictature de la rue.




Urgence pour l’accès aux soins

Le problème principal auquel les politiques de santé sont et seront confrontés est celui de l’accès aux soins de la population.

Pas l’accès aux soins tel que le concevait l’ancienne ministre de la Santé Marisol Touraine en menant la chasse contre le secteur 2 alors que nous sommes un des pays occidentaux où le reste à charge de la population est parmi le plus bas (7 %), même si la situation dans quelques spécialités ou quelques endroits peut être tendue. 

Mais l’accès aux soins pour accéder à un médecin géographiquement proche, dans des délais de rendez-vous raisonnables quand il ne s’agit pas de trouver un médecin tout court. On peut déplorer qu’une partie de moins en moins marginale de la population ne trouve plus de médecins parce que les cabinets refusent de nouveaux patients. Cette situation ne concerne plus maintenant les seuls déserts populationnels, elle s’étend dans les agglomérations et parfois les plus grandes.

Situation paradoxale quand on sait que la France n’a jamais compté autant de médecins qu’aujourd’hui et se situe dans la moyenne des pays de l’OCDE en termes de nombre de médecins rapporté à la population. Les raisons sont connues : mauvaise répartition sur le territoire, déséquilibre entre libéraux et salariés, changement des modes de vie, et en regard, une population qui croit, vieillit, une demande de soins qui s’amplifie.

Après les mesures incitatives des politiques passées réparties dans une foultitude de contrats dont les effets sont mitigés, le plan Ma Santé 2022 conduit par le gouvernement entend apporter de nouvelles pistes : pertinence des soins, développer l’exercice coordonné, regroupé, pluriprofessionnel au sein de CPTS qui doivent couvrir l’ensemble du territoire d’ici la fin du quinquennat, création du nouveau métier d’assistant médical pour dégager du temps, déploiement de 400 médecins généralistes à exercice mixte ou salarié dans les zones sous denses, création d’hôpitaux de proximité, faciliter l’exercice mixte ville/hôpital.

Mais encore faut-il que ces mesures, qui vont dans le bon sens, ne soient pas dévoyées et par là détournées de leur objectif. Ainsi du chapitre de la loi sur la fluidité des parcours ville /hôpital qui commence par l’octroi accordé à un directeur d’hôpital de s’opposer à l’installation d’un praticien hospitalier dans un temps et périmètre donnés. Ainsi des assistants médicaux dont le financement par l’Assurance-maladie est assorti de mesures dirigistes sur l’activité du cabinet médical. Et que dire de la refonte du premier cycle des études médicales conduites sans aucune réflexion sur l’impact de la e-santé sur le métier de médecin.

Dernier exemple inquiétant la crise des urgences et de l’hôpital. A juste titre, le député LREM et médecin Thomas Mesnier avait affirmé qu’il n’y aurait pas de nouveau plan hôpital car la réponse se trouvait dans la réforme en cours… pour être aussitôt démenti par la ministre ! Dommage ce retour aux vieilles recettes politiques, déjà constaté avec les gilets jaunes, où les investissements financiers plutôt que d’accompagner les réformes sont à fonds perdus pour acheter la paix sociale. 

Mauvais signaux quand la gravité de la crise requiert au contraire une refonte du système avec l’implication de tous les acteurs dans un partage équilibré des tâches et moyens.

Jean-Pierre Binon
Président du Syndicat National des Cardiologues




Cherchez l’erreur !

Vous avez aimé le feuilleton estival de la crise des urgences hospitalières ? Bonne (ou mauvaise) nouvelle : il joue les prolongations en cette rentrée avec des acteurs pas démobilisés pour deux sous par les 752 millions mis sur la table par Agnès Buzyn. On aura connu des ministres mieux inspirés. Car enfin, il y a – au moins – erreur de diagnostic et, par voie de conséquence, erreur sur la thérapeutique par l’« investissement massif ».

Qu’il y ait un problème de financement des urgences à l’hôpital, tout le monde y souscrit mais on nous permettra de penser qu’il y a un problème de surfinancement. Un établissement touche ainsi un forfait de 26 € par patient, préalablement à toute consultation ou examen complémentaire évidemment facturés en sus. Le premier forfait ne serait pas abusif si le monde libéral pouvait y accéder. Le problème survient ensuite à l’hôpital avec un deuxième forfait calculé, lui, … sur la fréquentation annuelle.

Double source d’inflation ! Avec une rémunération unitaire comprise, selon les établissements, entre 100 et 200 euros, l’hôpital public a ainsi gros intérêt à voir la patientèle se précipiter dans ses murs ! Outre sa principale source de recrutement, le service de porte est devenu, depuis la T2A, un des premiers leviers de financement de tout l’établissement. Deux copilotes sont aux manettes : le chef de service qui voit son influence en hausse et le directeur financier qui voit augmenter ses ressources.

La moitié des services s’est donc mise en grève, dénonçant les conditions de travail, exigeant des moyens supplémentaires. Il est aussi intéressant de s’intéresser à ceux… qui ne sont pas en grève et affichent une insolente joie de vivre. Le Journal du Dimanche l’a fait dans son édition du 8 septembre en appelant à la barre deux patrons de services « qui marchent », les Prs Enrique Casalino et Philippe Juvin (Bichat et Georges Pompidou), qui expliquent leur mode de management… inspiré du privé. Avec, du premier, cette sentence sans appel : « Ne serait-ce que 10 % d’activité en moins permettrait à l’hôpital de retrouver finesse et souplesse, et le privé pourrait l’aborder.

Tout est dit. Soit rigoureusement l’inverse de ce qui se pratique depuis 20 ans, avec la complicité active des ARS !

Jean-Pierre Binon
Président du Syndicat National des Cardiologues




Une réforme des retraites à haut risque pour les médecins 

Nous laisserons aux spécialistes de la chose politique débattre du résultat des élections européennes, déterminer quels en sont les vainqueurs et vaincus, les perspectives d’avenir pour les uns et les autres et pour le pays. Mais sans être grand clerc, un premier enseignement semble s’imposer, la transformation du paysage politique amorcée lors de l’élection présidentielle est confortée par ce scrutin, nous verrons ce qu’il en adviendra dans les prochaines élections dont l’enjeu sera plus local.

Deuxième enseignement, la politique de réforme engagée depuis le début du quinquennat va se poursuivre, ce à quoi nous n’étions plus très habitués tant les derniers présidents de la République avaient coutume d’un changement brutal de cap après deux ou trois ans de mandat. La crise des gilets jaunes, qui coutera plus de 15 milliards d’euros au budget de l’Etat, n’aura eu en la matière aucun impact.

La grande réforme qui se profile, annoncée lors de la campagne présidentielle, est celle des retraites. 

Nul ne peut contester de bonne foi que cette réforme est nécessaire tant le système est devenu illisible, inégalitaire et en grande fragilité économique. 

L ’instauration d’un régime universel de retraite qui remplacera les 42 régimes actuels, restera un régime de répartition où les règles de calcul des droits seront les mêmes pour tous, où chaque jour travaillé sera pris un compte, où chaque euro cotisé vaudra les mêmes droits parait logique et juste. Mais à regarder de plus près ce nouveau régime soulève nombre de craintes et d’interrogations :

  • d’un système aujourd’hui géré par les partenaires sociaux et les assurés se profile celui d’un système géré par l’Etat qui se trouvera ainsi en position de conflit d’intérêt entre une fonction d’opérateur unique (est-ce bien son rôle et sa compétence ?) et de régulateur,
  • difficile de concevoir un système universel tenant compte des spécificités de carrière de certaines professions. Celles des médecins étant plus courtes, la conséquence évidente, sans système correctif, sera la baisse des pensions ou un âge de départ de plus en plus reculé,
  • fixer, comme il est prévu, pour le régime universel un plafond de revenus d’activité à 120 000 € revient à faire disparaitre la CARMF. Ce qui veut dire des années d’effort où les médecins ont réduit leur pouvoir d’achat de 15% depuis 2000 et la confiscation des 7 milliards d’euros de réserves qui avaient été constituées pour passer le choc de la crise démographique,
  • l’avenir de l’Avantage Social Vieillesse (ASV) est également incertain. Sa pérennité peut être compromise, sinon le risque est celui de sa dissolution dans l’ensemble du régime. Or il faut rappeler qu’il représente 35 % de la retraite et qu’il s’agit en fait moins d’une retraite que d’honoraires différés en échange d’une modération du tarif des actes (elle bien réelle !).

A ce stade où beaucoup d’interrogations demeurent encore, le scénario d’une dégradation de la retraite des médecins par un régime qui ne tiendrait compte ni de leurs spécificités, puisqu’il se veut universel, ni de leurs efforts passés est sérieux et préoccupant. 

La morale de la cigale et de la fourmi sera-t-elle inversée par la réforme ? Espérons que non, mais restons vigilants et unis.

Jean-Pierre Binon
Président du SNSMCV




La France des contraires

Dans le contexte du mouvement de contestation lancé par les gilets jaunes, le Président de la République avait annoncé au mois de décembre l’ouverture d’un grand débat national auquel il conviait tous les Français et dans lequel il s’engageait lui-même à participer. Forme moderne des cahiers de doléances de l’ancien régime…

Le débat a été organisé autour de quatre thèmes à savoir :

  • la fiscalité et les dépenses publiques,
  • l’organisation de l’Etat et des services publics,
  • la transition écologique,
  • la démocratie et la citoyenneté.

La participation n’est pas négligeable, près de 2 millions de contributions, 10 000 réunions locales, un engagement de plus de 16 000 communes et 27 000 courriels si l’on s’en tient aux chiffres officiels.

Non prévue en tant que telle, la santé s’est, au fil des discussions, imposée comme une forte  préoccupation des Français ce qui était bien prévisible. Le Premier ministre l’a d’ailleurs souligné dans son récent discours, l’accès à un médecin traitant, l’organisation, l’accès au tissu hospitalier ont été des thèmes récurrents.

Sans étonnement, les Français, par le biais des réseaux sociaux, du monde politique et de la presse, se sont déchirés dans des polémiques interminables. Pour certains le débat est inutile, il est biaisé par le boycott des gilets jaunes, il est accaparé et influencé par Emmanuel Macron qui en profite pour remonter dans les sondages et préparer les élections européennes, d’autres vont même jusqu’à rejeter les annonces du Président avant même qu’il ne les aient formulées…

Le dramatique incendie de la cathédrale Notre-Dame de Paris, survenu au moment même où le Président enregistrait sa déclaration, a révélé une autre France. Instantanément, dans ses instants dramatiques, parisiens et provinciaux, croyants et non croyants, catholiques et autres confessions se sont réunis dans une même douleur devant cet événenement effroyable. Parallèlement, dans un mouvement spontané de générosité des plus modestes aux plus fortunés, les dons ont afflué pour en permettre la reconstruction, dont le financement semble d’ores et déjà assuré.

Notre-Dame n’est pas qu’un bâtiment d’une incroyable et émouvante beauté. Elle est le point de concorde d’une France religieuse et politique, pourtant bien souvent en lutte l’une contre l’autre. Cet incendie révèle le lien qui nous unit sans en avoir toujours conscience, celui de l’histoire et de la culture de notre nation. Notre-Dame, certes cathédrale, mais aussi lieu de célébration des événements tristes ou joyeux de l’histoire de France, héroïne de romans et point de convergence de toutes nos routes !

Emettons le vœu (sans être tout à fait naïf) que ce bel esprit du 15 avril perdure.

Jean-Pierre Binon
Président du SNSMCV




Loi Santé, attention aux dérives

Difficile aujourd’hui de savoir ce qui ressortira de la loi santé, aux termes des débats en cours au Parlement. Un chose est sûre, ce sera la troisième loi Santé votée en moins de 10 ans, un peu plus de stabilité ne nuirait pas.  Beaucoup moins sûr est de retrouver son ambition initiale de porter le plan Macron « Ma Santé 2022 », plan qui avait reçu à son annonce depuis l’Elysée le 18 Septembre 2018 un accueil plutôt favorable de l’ensemble de la Profession. Il en est ainsi de la réforme des études médicales avec la suppression du numerus clausus et la fin des ECN, la recertification, la graduation des hôpitaux en 3 niveaux avec la création des hôpitaux de proximité ouverts sur la ville. De même pour le développement d’un plan numérique ambitieux pour la Santé, de la télémédecine à la création d’une vaste plateforme de données de Santé, en passant par un espace dédié à chaque citoyen.

Mais la discussion à l’Assemblée nationale est soit court-circuitée par le recours à la procédure des ordonnances, soit noyée par le dépôt de nombreux amendements. Huit mesures dont la recertification, l’organisation des CPTS, la définition des hôpitaux de proximité et la modernisation des statuts des médecins hospitaliers, passeront par la voie des ordonnances. En même temps, pas moins de 1 300 amendements traduisant l’imagination débordante de nos députés, mais pas toujours leur compétence en la matière, ont été déposés et certains retenus par la Commission des Affaires sociales. 

Parmi eux certains vont dans le bon sens, comme le zonage par spécialités, l’obligation pendant l’internat d’un stage en zone déficitaire même si on peut penser qu’il sera par essence difficile d’application, la suppression de la possibilité pour les ARS de créer des CPTS en l’absence d’initiative des professionnels. La médecine spécialisée libérale est enfin reconnue à travers les équipes de soins spécialisés aux côtés des équipes de soins primaires. 

Mais que dire de la possibilité pour l’assuré qui n’a pas de médecin traitant, de saisir le directeur de sa caisse afin qu’un médecin traitant puisse lui être désigné parmi une liste de médecins de son ressort géographique ? 

Que dire aussi de permettre aux pharmaciens de dispenser des produits de santé de premier recours pour des situations simples en suivant des arbres de décision bâtis entre pharmaciens et médecins ?

Notre système de santé traverse une grave crise qui touche tant la médecine de ville que l’hôpital. On ne peut nier que ni l’accès aux soins, ni la qualité des soins, soient égales sur tout le territoire. Pour autant il ne faut pas se précipiter dans des fausses solutions en réponse aux sollicitations des carnets de doléances du grand débat et des médias. La solution n’est pas une sortie vers le bas où l’on confierait les tâches aussi cruciales que le diagnostic et la prescription, qui doivent rester du domaine exclusif du médecin, à des personnes qui n’en ont ni la formation ni la compétence. La liberté de choix du patient et du médecin est une valeur de notre société portée par la médecine libérale. Il serait plus opportun de s’appuyer sur son efficience et son expertise pour surmonter cette crise, que de la faire disparaitre au profit d’un modèle étatique qui a partout échoué. 




Le retour du travail à la chaîne

Il avait été exprimé dans cet éditorial la crainte de voir une bonne idée dénaturée après être passée par les strates de l’administration. Malheureusement, il n’aura pas fallu attendre longtemps pour que cette crainte ne devienne réalité. Les négociations conventionnelles sur les assistants médicaux qui viennent juste de débuter nous en apportent la démonstration.

Dans son discours du 18 septembre 2018 sur sa grande réforme du système de santé le Président de la République avait annoncé la création d’une nouvelle profession, les assistants médicaux, dont le but est de décharger le médecin d’actes simples.

Difficile de ne pas applaudir cette idée tant les médecins ont manifestement besoin d’aide pour la gestion de leurs cabinets, pour dégager du temps afin de se recentrer sur l’essence même de leur métier et ainsi mieux répondre à la demande de soins.

Une première inquiétude est venue en apprenant que les postes étaient prioritairement réservés aux médecins de secteur 1 et exerçant en zones déficitaires. Autrement dit, exit les médecins spécialistes. Soit pour certains parce qu’ils ne sont pas dans le bon secteur, soit pour tous parce qu’il n’existe pas de zonage pour les spécialités. Les cardiologues qui, en grande majorité, exercent en secteur 1 et emploient du personnel, apprécieront ainsi d’être reconnus dans leurs efforts financiers pour avoir organisé au mieux leurs cabinets au service de leurs patients et de la population.

Une autre vient de la volonté de réserver les assistants médicaux aux médecins en exercice regroupé et coordonné. Les MSP ne seraient-elles plus l’alpha et l’oméga de l’organisation territoriale au point qu’il faille renforcer les aides dont elles disposent déjà largement et dont les médecins les plus isolés dans les zones les plus reculées n’ont pas besoin ? 

Mais le plus consternant restait à venir, le comptage minuté du travail du médecin et, en regard, de celui de l’assistant médical. Le médecin devrait ainsi voir 6 patients par heure, 2 256 en plus par an et travailler 47 semaines s’il veut bénéficier d’une aide à l’emploi non pérenne de la Caisse. Quid de la qualité et de la pertinence des soins dans ce schéma ? On se croirait revenir en 1913 quand Henry Ford inaugure la première ligne de montage de l’histoire de l’industrie permettant une économie de 50 pas par jour aux ouvriers et une réduction du temps de fabrication du châssis de 728 minutes à 93 minutes !

Et bien non, nous sommes encore des médecins libéraux avec la liberté d’organiser notre temps de travail et de l’adapter aux besoins des patients. Les centrales syndicales ont eu une saine réaction en quittant la table des négociations, il faut maintenant qu’elles persistent dans cette attitude de refus car, ce modèle d’assistant médical, nous n’en sommes pas preneurs.




Fièvre jaune

2019 s’ouvre donc dans une atmosphère passablement inflammable. Et il n’est pas certain – à l’heure où j’écris ces lignes – que le Grand Débat initié par le Président suffise à éradiquer cette fièvre jaune que personne n’avait objectivement vu venir.
Les libéraux sont, de leur côté, confrontés à deux échéances au moins, à l’issue aussi peu lisible l’une que l’autre :
Le rendez-vous conventionnel est devenu un grand classique. Il aurait pu, il aurait dû, survenir cette fois dans un ciel serein avec des syndicats à peu près synchrones du côté médical. Dans les échanges qu’il a pu nouer avec la profession depuis quelques mois, le directeur de la CNAM semblait même ouvert à une discussion sans oukase ni préalable. Et il a suffi, pour jeter le trouble, que le grain de sable vienne de là où il n’aurait jamais dû venir, la ministre en personne, qu’on n’avait pas connue dans des habits aussi « jupitériens ». Sa lettre de « cadrage » de la négociation aboutit ni plus ni moins qu’à déterminer, par anticipation, les termes de la discussion.
Le rendez-vous politique de mise en œuvre du plan présidentiel « Ma santé 2022 » ne manquerait pas d’attrait si sa promesse n’était compromise. Son ambition initiale a été sérieusement obérée par une LFSS étriquée et son calendrier apparaît évidemment menacé par d’autres urgences. Or voilà même que le mot « Ordonnance » est évoqué, réduisant à néant toute velléité de concertation.
Mine de rien, l’explication de la fièvre jaune évoquée plus haut trouve assurément son origine dans cette « verticalité » d’une gouvernance bouffie de suffisance. Il n’est jamais trop tard pour s’amender.




Les gilets jaunes

Fin d’année bien douloureuse pour notre pays.

Une nouvelle fois la France est meurtrie par une attaque terroriste aveugle au moment même où elle se prépare à célébrer une fête familiale et religieuse. Nous sommes tous les victimes des événements de Strasbourg et nos pensées vont bien sûr aux habitants de cette ville et plus particulièrement à celles et ceux qui ont été touchés dans leur chair.

L’histoire retiendra sans doute aussi la fronde ou la révolte des gilets jaunes. Soudainement, une frange de la population revêtue d’une même tunique descend dans la rue, envahit les ronds-points qui deviennent les nouvelles agoras, manifeste dans les grandes villes et, pour une partie d’entre elle, se livre au saccage de lieux hautement symboliques de la République, des beaux quartiers et du commerce de luxe.

Au-delà des revendications portées, certaines pertinentes, d’autres plus irrationnelles, l’analyse de ce mouvement est captivante tant elle nous apporte d’informations sur l’évolution de notre société. Il en est ainsi, mais la liste n’est pas limitative, de l’émergence confirmée de nouveaux relais de transmission des revendications et de la fracture profonde du pays. 

Les relais classiques, partis politiques et centrales syndicales, ont été exclus, car vus comme une élite coupée du peuple, vivant dans son entre-soi. Les Marcheurs de 2016 avaient d’ailleurs puisé leur succès dans ce rejet des structures du vieux monde et il est cocasse de voir le sujet leur revenir en boomerang quelques mois plus tard ! Et ce sont ces mêmes réseaux sociaux qui leur avaient permis de gagner l’élection présidentielle sans parti politique structuré, que les gilets jaunes se sont à leur tour accaparés pour mener seuls leur mouvement. Quel bouleversement profond des modes d’expression et d’organisation de nos démocraties ! 

Surtout ce mouvement est la révélation au grand jour d’une France oubliée. Petit à petit, à partir des années 1980, un fossé s’est creusé avec le décrochage d’une partie de la population, paysans, ouvriers, petits artisans et fonctionnaires, aggravé par l’éloignement des grandes métropoles. Cette France déclassée, les « sans-dents » de François Hollande, promise à la disparition, n’intéressait plus le monde politique, culturel et médiatique. Ce monde était plus attentif aux problèmes des banlieues et de l’immigration. 

Le réveil au mois de novembre fut brutal. Il a fallu prendre dans l’urgence des mesures financières autant impératives que non financées sinon par l’impôt ou la dette faute d’avoir réalisé auparavant des économies budgétaires. 

Mais le mal est plus profond et de simples mesures financières ne suffiront pas à le guérir. C’est par une approche globale, économique mais aussi décentralisatrice, culturelle et sociale que nous arriverons progressivement à redonner du sens à tous les territoires. Ils reviendront des lieux de vie où après 10 ans d’études post bac les jeunes médecins pourront aller vivre et exercer sans avoir l’impression de s’exiler et de se couper du monde moderne. Alors, et seulement alors, il sera « chébran » de vivre en Creuse !

Jean-Pierre Binon

Président du SNSMCV




Rapport Uzan : CVP, un acronyme de plus ? 

Sujet longtemps tabou, ne manquant pas de soulever l’ire à la seule évocation de son nom, la recertification des médecins a fini par être acceptée par l’ensemble de la profession, de l’Ordre à la plupart des organisations syndicales. Il est vrai que la profession pouvait difficilement rester dans une attitude d’opposition quand il s’agit d’une demande forte et logique de la population. Difficile aussi de rester l’un des derniers pays occidentaux où les médecins échapperaient à tout processus de certification. Sans oublier non plus le code de déontologie qui, dans son article 11, stipule que tout médecin entretienne ses connaissances dans le respect de son obligation de Développement Professionnel Continu.

Mais du principe aux modalités d’application, le risque courrait d’un processus contraignant et sanctionnant. Ce n’est pas la composition du Comité de Pilotage de la mission Uzan à qui la ministre avait confié la rédaction du rapport sur la recertification qui pouvait nous rassurer, aucun représentant issu du monde libéral à l’exception notable et remarquée d’un ancien président de notre syndicat.

Le Syndicat des cardiologues avait alors publiquement plaidé pour l’absence de contraintes supplémentaires, mais simplement la reconnaissance et l’attestation des différentes obligations auxquelles les médecins sont légalement astreints. Il demandait aussi que la recertification soit du seul ressort de la profession.

Satisfaction de constater à sa lecture que le rapport Uzan publié le 5 novembre est dans cette optique. La Certification et Valorisation des Parcours ou CVP, puisque c’est le terme retenu, s’articule autour du DPC, d’un exercice professionnel régulier, de l’absence de sanctions et rajoute les notions de relation avec les patients et de bien-être des médecins, tout ceci par cycle de 6 ans. Les Conseils Nationaux Professionnels seront en charge d’établir les recommandations dans leur spécialité. Le rapport insiste sur la notion d’un parcours attractif et d’évolution des compétences. Il réfute toute idée de retour à la faculté et de nouvel examen sanctionnant. Il veut un dispositif souple et simple à renseigner dans un espace numérique dédié à chaque médecin.

Mais des interrogations ou des craintes subsistent. Si l’objectif est d’élever la qualité des soins, pourquoi limiter l’obligation aux seuls nouveaux diplômés et, à l’inverse, faire courir d’éventuels tracas aux médecins volontaires qui n’auraient pas rendu copie conforme. Un temps de formation annuel de 5 à 15 jours s’il n’est pas intégré dans l’activité des cabinets est inenvisageable dans une période de crise démographique. Le rapport est trop flou sur l’indispensable compensation de l’engagement du médecin sous forme de titre et revalorisation financière. Et que penser du financement du système quand l’ANDPC, faute de crédits suffisants, arrête l’année début novembre !

Un rapport n’est qu’un rapport. L’avenir nous dira ce qu’en retiendra Madame Agnès Buzyn, ou s’il rejoindra sans autre reconnaissance les étagères bien encombrées des archives du ministère.

Jean-Pierre Binon
Président du SNSMCV




Plan Macron : libéralisme ou étatisation ?

En annonçant lui-même depuis l’Elysée son plan santé 2022, le Président de la République a clairement voulu souligner l’importance qu’il entend donner à une réforme dont l’ambition est de refondre sur le long terme le système de santé.

Les syndicats de médecins libéraux ont dans un premier temps et dans une belle unanimité, salué différentes mesures interprétées comme une reconnaissance et un espace de liberté redonnés à la médecine libérale. Décloisonnement du système de santé en supprimant les barrières public/privé  ; initiative redonnée à la médecine libérale d’organiser les soins dans chaque territoire au sein des Communautés Professionnelles Territoriales de Santé où les médecins spécialistes doivent prendre toute leur place ; graduation de l’offre hospitalière, des hôpitaux de proximité aux établissements à haut plateau technique où sont associés les établissements privés ; volonté de redonner du temps médical au médecin par la création d’assistants médicaux ; réforme des études médicales avec la fin d’un mode de sélection injuste et contournable ; absence de mesures coercitives à l’installation (pour combien de temps ?), et reconnaissance enfin des médecins spécialistes trop longtemps et scandaleusement oubliés dans les discours politiques.

Mais à y regarder de plus près, l’interprétation du plan n’est manifestement pas aussi claire. Le SNSMCV maintenant rejoint par d’autres syndicats avait d’ailleurs, dès l’annonce du plan, émis quelques craintes et réserves. Craintes pour surmonter en région le poids des habitudes, les positions dogmatiques, la lourdeur voire les freins des ARS souvent bien peu ouvertes sur le monde libéral. Réserves sur les CPTS, issues de la loi Touraine, de devenir un modèle unique et obligatoire d’exercice, aux mains des GHT et des ARS où les médecins perdront leur indépendance. Réserves aussi de voir le paiement au forfait prendre le pas sur le paiement à l’acte, dont la gestion serait confiée à l’hôpital. Réserves enfin, sur un décloisonnement allant plus dans le sens public privé que l’inverse.

Le manque de moyens pour conduire une réforme d’une telle ampleur pose question. Un investissement de 3,2 milliards d’euros sur quatre ans, c’est bien, mais peu sur un budget annuel de 200 milliards d’euros, qui n’évitera pas, chaque année, un plan d’économies d’un montant proche !

Libéralisme ou étatisation, n’est-ce pas, là même, la marque de fabrique de la politique macronienne du « en même temps » ?




Le « deal » Macron 

Le 18 septembre sera sans doute à marquer d’une pierre blanche dans la longue chronique des politiques de santé :

1945 : Sécurité Sociale pour tous ;

1958 : réforme Debré portant création des CHU ;

1971 : signature de la première Convention nationale ;

1995 : réforme Juppé ;

2018 : réforme Macron ?

Le Président aura au moins été ponctuel au rendez-vous donné aux professionnels de santé. Qui peut nier le constat formulé devant les Français du profond malaise qui s’est insinué au fil des ans et au-delà des clivages politiques dans l’ensemble de la « France en blanc » ? A l’hôpital, assommé par l’irruption de cette logique comptable que les libéraux avaient inaugurée avant lui ; en ambulatoire, miné par une logique idéologique à l’œuvre sous la majorité précédente. 

Pour une fois, l’ensemble des syndicats médicaux libéraux a salué en chœur la pertinence du propos, faisant assaut de nuances au chapitre des moyens… qui ne figurent effectivement pas sur la feuille de route.

L’inflexion est pourtant là ! Pour la première fois depuis les débuts de la Ve République, le pivot désigné du système est l’ambulatoire, renvoyant l’hôpital à son statut de structure d’appel, selon une gradation en trois niveaux que personne ne saurait contester. 

Évidemment que le marqueur de la réforme sera le sort des CHU et l’on attend le maçon au pied du mur, mais laissons-lui au moins sa chance. La « tiédeur » (euphémisme) des réactions du côté de la FHF (Fédération Hospitalière de France) est révélatrice du choc reçu. Celle des organisations infirmières confrontées à l’irruption prochaine d’assistant dans les cabinets médicaux est également à lire en filigrane, comme une concurrence perçue au moment où elles espéraient s’affranchir de la prescription médicale pour investir la responsabilité du premier recours. 

Reprenons la lecture du propos présidentiel : c’est en fait un deal – un authentique « marché » – que propose Emmanuel Macron à la profession organisée : montez ces fameuses Communautés de Territoires que vous avez imaginées pour garantir l’accès aux soins partout et à tout moment et on vous y aidera. Si vous y manquez, on en chargera le service public. 

Le deal est brutal, mais il a au moins le mérite de la franchise : la médecine libérale de papa, seul dans son coin, sera définitivement révolue sous quelques années. La réforme annoncée est en tout cas ambitieuse ; on jugera de sa fiabilité à l’aune des textes – et des financements – de mise en œuvre.




Sous la plage, la réforme ?

« Un train peut en cacher un autre », prétend la SNCF hors période de grève. Et si l’inertie apparente de l’actualité médico-sociale cachait la gestation d’une réforme qui ne renierait pas ses ambitions ? Et si un train de mesures avait été subrepticement mis sur rails pour démarrer au beau milieu de l’été ? 

Tandis que le président de l’Ordre s’impatiente, sans doute avec pertinence, mais sur des sujets qui empiètent sur la légitimité syndicale, tandis que l’on attend, pour le courant de l’été, les conclusions des ateliers censés mettre en musique la future stratégie de santé, un document officiel, publié lui en relative discrétion en début de mois, est de nature à exciter la curiosité. 

Il est donc signé du HCAAM – Haut Conseil pour l’Avenir de l’Assurance Maladie –, un « machin » dont la République est féconde où siègent, à priori, toutes les parties impliquées dans la gestion de la santé et invitées à travailler par consensus. Lequel doit souvent faire défaut, car l’institution ne nous avait pas habitué aux positions les plus courageuses. Or elle vient de commettre, sur 20 pages assez denses (1), une « contribution » invitant les pouvoirs publics à une « stratégie de rupture ». La formule est jolie, les gazettes en ont d’ailleurs fait leurs choux gras sans trop s’aventurer dans le détail. A tort, car c’est une véritable architecture de projet politique qui y est esquissée. Rendez-vous compte, un projet qui ne fait des MSP (Maisons de Santé Pluriprofessionnelles) ni l’alpha du premier recours ou des GHT (Groupement Hospitaliers Territoriaux), ni l’omega du second niveau. 

Ainsi peut-on y lire à propos des médecins spécialistes qu’ils doivent « intégrer une dimension populationnelle et territoriale [et], au-delà de leurs missions d’expertise et de prise en charge spécialisée des patients, contribuer dans leur champ de compétence à la définition des conditions de mise en œuvre des référentiels de prise en charge et d’organisation des relations entre ville et hôpital ainsi qu’avec les autres professionnels. Pour un certain nombre d’entre eux, ils ont un rôle à jouer dans la facilitation de l’accès des patients aux plateaux techniques et aux expertises les plus spécialisées de leur champ. »

Non que le libellé ne contient pas quelques épines irritatives : ainsi s’interroge-t-on sur les rôles et missions des hôpitaux de santé communautaires évoqués pour « mailler le territoire » ; aussi peut-on s’inquiéter du rôle dévolu aux ARS pour piloter une éventuelle réforme quand on veut bien se souvenir qu’elles ont aussi (et surtout) la tutelle de l’hôpital public, et qu’elles se retrouvent dès lors en plein conflit d’intérêts. De même, le sort réservé aux IPA (Infirmières de Pratique Avancée) mériterait-il sans doute plus de réflexion… On ne boudera quand même pas son plaisir et on restera « branchés » tout l’été dans l’attente d’un Plan-Macron d’autant plus paradoxal qu’il ne figurait pas à son programme. 

Ultime suggestion : si un tel plan pouvait prévoir un minimum de moyens fléchés sur la coordination des soins, sans parti-pris « catégoriel », on serait même tentés d’applaudir !

(1) Le document complet est accessible en ligne (moteur de recherche par Haut Conseil pour l’Avenir de l’Assurance Maladie, à la date du 6 juin 2018 ; télécharger l’Avis et non le Rapport de 64 pages)




Recertification des médecins, restons simples !

La ministre de la Santé a confié au Pr Serge Uzan une mission sur la conception d’un dispositif sur la recertification des médecins dont les conclusions sont attendues en septembre.

Portée par la Grande Conférence de Santé de 2016 et par le CNOM, mieux acceptée par les centrales syndicales que dans un passé récent, la recertification ne va pas pour autant soulever l’enthousiasme des médecins ! Et pour cause, après un long cycle d’études qui les conduit à un haut niveau de compétence, ils sont déontologiquement soumis à une obligation de formation à laquelle ils adhérent, bien conscients que les connaissances acquises pendant les études doivent être actualisées au fur et à mesure de leur carrière. Combien de cardiologues sont-ils restés au stéthoscope avec l’arrivée de l’échographie ? Ne tombons pas dans le mythe du médecin qui jamais ne se forme en trente ans de carrière.

En outre, les exemples étrangers nous montrent qu’aucun système de certification n’est le gage d’une médecine de qualité. Sans aller jusqu’à la caricature de ce médecin anglais « serial-killer » dans l’exercice même de sa profession et que le système britannique n’a pu démasquer, la recertification se heurte partout soit à la grogne voire au refus des médecins, soit aux difficultés d’identifier les bons critères dans un métier qui évolue de plus en plus vers un travail en équipe pluriprofessionnelle. 

Pour autant, on peut comprendre la demande de transparence de la société et, pour reprendre la lettre de mission de la ministre, le besoin du maintien d’un haut niveau de compétence pour les médecins et du renforcement de la qualité et de la sécurité des soins.  Il faut aussi craindre l’apparition ou le développement de notes ou classements sauvages des médecins qui feront les choux gras de la presse ou des réseaux sociaux à l’instar de ce qui se passe pour les établissements de santé.

La recertification ne pourra être acceptée par les médecins que s’il s’agit d’un mécanisme simple, non chronophage, ne faisant qu’officialiser l’existant. Elle doit tenir compte de l’inscription au Conseil de l’Ordre, des diplômes obtenus, du suivi d’actions de formation continue, d’évaluation des pratiques professionnelles et de DPC. Encore faudrait-il pour ce dernier arriver à un système pérenne dans ses modalités et son financement, ce qui n’est toujours pas le cas depuis les lois Teulade de 1993 !

La recertification doit être gérée par la profession pour en garantir la qualité et l’indépendance. Elle doit se traduire pour le médecin par une valorisation de son exercice et une évolution de carrière.

L’adhésion des médecins, la qualité de l’information portée à la population passent par le respect de ces grands principes et espérons que le législateur ait la sagesse de ne pas inventer une usine à gaz qui aboutirait à un fiasco de plus.

Le monde évolue et la médecine avec lui. Mais il n’est pas sûr que la société ait beaucoup à gagner de l’abandon du lien de confiance pour celui de la suspicion dans la relation patient médecin. 




Pertinence et intelligence

Le glissement n’est pas que sémantique qui a vu la politique de santé passer discrètement du second rang du calendrier à une quasi-priorité politique, affichée le 13 février par le Premier ministre à l’enseigne de la « Stratégie de transformation du système de santé ». Si les mots ont un sens, on passerait donc d’un paradigme un peu ésotérique et lointain… à l’urgence d’une authentique révolution. Et le président l’a répété à la faveur de sa double intervention télévisée, il compte en détailler les dispositions avant l’été.

Le principe de réalité – et le malaise bruyamment exprimé par l’hôpital ou les EHPAD – a donc amené le pouvoir à se pencher sur la « transformation » du système de santé qui n’était nullement au programme du candidat Macron ou de ses députés En Marche. Disons nettement notre crainte d’un calendrier intenable imposé par un exécutif qui ne s’encombre pas des formes habituellement requises par une concertation digne de ce nom.

C’est d’autant plus dommage que la maquette du chantier est intéressante avec 5 « axes » assez convaincants : qualité et pertinence, financement et rémunération, numérique, ressources humaines et formation, organisation territoriale.

Un axe nous intéresse directement : celui de la pertinence et de la qualité, des actes, des soins, des protocoles… Car il nous renvoie au sujet récurrent de l’échocardiographie et aux disparités régionales de pratique que nous oppose la CNAM avec une régularité de métronome, mais sans pouvoir/savoir en corréler les causes.

Si, comme l’hypothèse semble s’en dessiner, notre avis y est requis, nous défendrons donc la formule qui nous est chère, du parcours a priori « protocolisé ». Ce n’est pas à la CNAM de juger ex nihilo de la pertinence médicale de tel ou tel acte  pratiqué à tel ou tel moment, mais à la profession et à la HAS de définir un parcours balisant le « bon usage » a priori de chaque intervention dans chaque situation ; ce qu’on nomme ailleurs une recommandation ou un protocole. A charge pour le praticien d’être toujours, comme dans les anciennes RMO, en capacité de justifier les motifs pour lesquels il aura dérogé à la règle commune.

C’est l’aune de la redéfinition de la pertinence – impérativement remise dans son contexte diagnostique et thérapeutique – que nous jugerons donc de la stratégie sanitaire de l’exécutif. Même si le chantier n’était pas au programme de la majorité sortie des urnes l’an passé, l’intelligence et le pragmatisme ne lui sont pas interdits.

Jean-Pierre Binon
Président du SNSMCV




Le retour de Charles Bovary

Dans le cadre de l’article 119 de la loi de modernisation du système de santé de Marisol Touraine, le Gouvernement prépare une série de textes réglementaires pour définir le champ de compétences d’un nouveau corps de métier : les infirmiers de pratiques avancées (IPA).

Sur la forme on ne peut que regretter que les syndicats médicaux aient été associés fort tardivement, seulement depuis quelques semaines, aux négociations. Celles-ci ont en fait débuté en décembre 2016 sous l’égide des Ordres professionnels concernés, dont le Conseil National de l’Ordre des Médecins.

Sur le fond le sujet est d’importance car il remet en question l’organisation de notre système de soins. Aujourd’hui le médecin, après avoir suivi un cursus minimum de bac +9, est seul apte à porter un diagnostic, établir une prescription et en assurer en grande partie le suivi, il réalise également des gestes de haute technicité pour lesquels il a été longuement formé. Demain verra arriver un nouveau corps de métier, des infirmiers bac+5, à qui sera confié un pouvoir de prescription et d’interprétation de la plupart des actes de biologie, la prescription directe d’examens avec la possibilité d’en assurer aussi pour certains l’interprétation. Ainsi un IPA pourra demander un ionogramme, un profil lipidique, un BNP, un ECG, un examen échodoppler des TSA, pratiquer et interpréter une gazométrie ou un holter tensionnel !

Les médecins, surtout dans un contexte de difficultés d’accès aux soins et aussi par l’évolution de leur métier, ont certainement besoin d’une assistance bien et mieux formée. Mais cela ne peut que se concevoir dans le cadre d’une délégation de tâches et sous son contrôle, sans désorganiser le parcours de soins.

Il est aussi affligeant de constater que les textes n’abordent pas le sujet pourtant crucial du financement. Sans négociation sur ce point le risque est la création d’un corps d’IPA uniquement hospitalier qui viendrait déstabiliser la médecine libérale.

Est-ce le retour des officiers de santé du XIXe siècle auquel on assiste ? Retour en arrière, en 1795 pour faire face à une pénurie de médecins, notamment pour les armées, est créé un corps d’officiers de santé formés en trois ans, théoriquement le temps que les effectifs de médecins, alors cinq ans d’études, remontent. Mais sa fermeture n’est intervenue qu’en 1892. Il est vrai qu’ils assuraient une couverture médicale dans les campagnes et banlieues où les médecins ne s’installaient pas et ce avec une disponibilité d’autant plus grande qu’ils étaient mal rémunérés. Ainsi en était de Charles Bovary et tant pis s’il avait massacré le pied-bot d’Hyppolite !

Quand on dit que l’histoire est un éternel recommencement.

Jean-Pierre Binon
Président du SNSMCV




Intelligence artificielle, quelle place pour les médecins ?

L’irruption de l’intelligence artificielle (IA) dans notre environnement quotidien ne va pas sans soulever l’éternelle question du rapport de l’homme avec la machine. Les médecins sont d’autant plus interpellés que la santé est un des secteurs où les enjeux de l’IA sont les plus importants.

Le développement de l’IA est accéléré depuis quelques années par la conjugaison de la constitution de bases de données immenses dans le monde et l’augmentation permanente de la puissance de calcul des machines.

Tant que la machine effectuait des tâches répétitives, nous nous en félicitions. Elle devient aujourd’hui plus inquiétante par sa capacité à apprendre de ses propres comportements pour s’améliorer. Elle le sera encore plus demain, quand l’IA forte pourrait égaler ou dépasser le cerveau humain en acquérant des capacités décisionnaires.

Les conséquences de l’IA nous savons qu’elle interfère déjà dans le domaine du diagnostic, de la recherche et de l’imagerie médicale. En cardiologie nous connaissons la plate-forme Newcard pour la télésurveillance des insuffisants cardiaques, mais aussi Cardiologs qui, à partir d’une technologie de réseaux de neurones profonds, peut lire les enregistrements ECG de n’importe quel appareil numérique.

L’IA va aussi modifier les relations avec les autres professionnels de santé. Des infirmiers cliniciens en s’aidant d’outils informatiques suppléent les médecins pour certaines tâches jusqu’à la prescription de médicaments. Les chatbots (1) à l’image de l’expérience menée par le NHS peuvent se substituer à des professionnels de santé pour organiser les premiers soins. On devine tout l’intérêt de ce type d’organisation dans une période de crise démographique et de déserts médicaux.

Le développement de l’IA se heurte à des problèmes, éthiques par ses capacités d’analyses génomiques, juridiques par les risques d’atteinte de la vie privée et du secret médical. L’Ordre des médecins a d’ailleurs, en deux ans, publié deux rapports sur ce sujet.

La prise de conscience et la mise en place de mesures réglementaires ne peuvent se traiter qu’à l’échelon international, car l’IA dépasse les frontières. Le risque est de laisser le champ libre aux leaders que sont les entreprises américaines et chinoises pour qui ces sujets ne sont certainement pas une préoccupation majeure. La France ne sera audible que si elle se dote d’entreprises de haut niveau, les équipes humaines existent, aux politiques de les favoriser.

Le médecin va-t-il disparaître, comme certains le prédisent aux radiologues ? Le danger existe, mais on peut raisonnablement penser que l’enjeu est plus la transformation de son métier et sa fonction que sa disparition. L’IA lui enlèvera des tâches, mais elle lui apportera dans le même temps des informations et des dispositifs nouveaux, toujours plus performants. Il sera à la fois le scientifique qui s’approprie les nouvelles technologies et l’humaniste qui transmettra son savoir à son patient. Encore faut-il qu’il soit formé dans cette perspective !

(1) Un chatbot est un robot logiciel pouvant dialoguer avec un individu ou consommateur par le biais d’un service de conversations automatisées effectuées en grande partie en langage naturel.




Les chantiers de 2018

Un premier éditorial de l’année est traditionnellement voué à formuler quelques vœux pour l’exercice à venir.

Mes premiers souhaits vont donc au corps médical dans son ensemble, rasséréné l’an passé par une alternance politique inattendue et inédite qui aura, pour nous, consacré la fin d’un monde ancien – du moins l’espère-t-on – lequel ne laissera, au bilan, d’autre sentiment que celui d’un quinquennat perdu. S’il existe un chantier majeur, à même de fédérer les énergies en 2018, il s’agit du virage ambulatoire intéressant les deux composantes, libérale et hospitalière, de la profession. Or, au-delà des propos de tribune, le chantier n’en est pas encore ouvert, je veux dire, clairement ouvert avec un maître d’ouvrage clairement désigné, État ou Assurance Maladie. Mais pas les deux. A-t-on jamais vu engin de chantier doté de deux volants ?

A-t-on jamais vu engin de chantier doté de deux volants ?
Je voudrais ensuite exprimer auprès de la communauté cardiologique, et singulièrement libérale, l’espérance d’une normalisation de nos relations contractuelles avec la tutelle ministérielle, avec nos financeurs AMO et AMC et avec nos partenaires institutionnels (HAS, …). La question posée en ce début d’année est celle d’une éventuelle signature conventionnelle par la CSMF, dernière organisation à n’avoir pas encore rejoint la table des adhérents. Il y a, à mon avis, rigoureusement autant de raisons militant en faveur d’une signature que d’arguments inverses. Le contexte a, certes, changé, … mais il ne s’agit que de contexte ; confirmation de l’inflexion doit être donnée dans les actes.

A l’inverse, les raisons du refus initial perdurent : l’article 99 de la LFSS 2017, autorisant les directeur de l’UNCAM à statuer unilatéralement sur les honoraires d’une spécialité n’a toujours pas été rapporté ; or il constitue la négation de toute vie conventionnelle respectueuse. L’espace de liberté tarifaire pour tous a été réfuté par le même interlocuteur, et rien n’est en vue sur la valorisation financière de l‘expertise, pourtant indispensable au parcours de soins des malades dits « complexes ».

Négocier l’organisation et la tarification de la télémédecine ? Mais le statut de non-signataire n’exclut pas de la qualité de « partie » à la négociation et il est peu probable que les tarifs échappent, en l’occurrence, à l’autorité gouvernementale. Sur ce sujet comme sur d’autres, notre assemblée générale statutaire aura à livrer un avis.

Mes derniers vœux vont enfin à chacun d’entre vous : santé et qualité de vie, évidemment (les deux étant liées) ; prospérité et sérénité (idem) ; pugnacité et fidélité à nos valeurs partagées. Bonne année à tous.




La potion amère de la Cour des Comptes

Dans un rapport de plus de 200 pages qui n’est pas passé inaperçu, publié le 29 novembre 2017, la Cour des Comptes fustige la situation de l’Assurance Maladie alors que Marisol Touraine avait tenté de faire croire que, grâce à son action, le malade était guéri de ses déficits chroniques.

Certes le déficit de la Sécurité Sociale a bien été réduit en 2016 à 7,2 Milliards d’euros contre 10,8 milliards l’année précédente, mais en grande partie par une astuce comptable et des recettes exceptionnelles non reconductibles. Le déficit de l’Assurance Maladie s’élève à lui seul à 5,5 milliards, stable par rapport à 2015. Et la dette sociale cumulée reste à un niveau dangereux de 151 milliards.

2017 devrait voir le déficit de l’Assurance Maladie continuer de se ralentir autour de 4,1 milliards mais les projections pour 2018 sont de nouveau à la hausse.

Le retour à l’équilibre, jamais atteint depuis 25 ans, est pour la Cour des Comptes impératif d’autant plus, le reconnait-elle, qu’il faudra faire face au vieillissement de la population, à l’accroissement des pathologies chroniques et à l’augmentation du coût des produits de santé.

Le remède proposé est radical, introduire dans la loi de financement de la Sécurité Sociale une règle d’équilibre de l’Assurance Maladie. Des économies sont attendues dans le prix des médicaments, la structuration et l’organisation de l’hôpital, mais c’est surtout la médecine libérale et plus particulièrement les spécialistes qui sont visés. Sanctions renforcées jusqu’au déconventionnement pour ceux dont les dépassements d’honoraires sont excessifs, conventionnement sélectif subordonné à la recertification et aux besoins des territoires, élargissement des paiements aux forfaits, généralisations des transferts de tâches, rémunérations des médecins conditionnées à la participation à la permanence des soins et à l’amplitude d’ouverture des cabinets, mais aussi limitation de leurs revenus par des enveloppes régionales !

La Cour des Comptes est dans son rôle quand elle nous alarme sur la dérive financière de l’Assurance Maladie et son risque de bombe à retardement pour les comptes de la Nation.

Mais les solutions qu’elle préconise sont le catalogue concentré des vieilles ficelles du passé qui ont toutes échoué.

Jamais elle ne s’interroge sur les raisons structurelles de ce déficit chronique issu d’un système essentiellement et de plus en plus géré par l’Etat et où le poids de l’hôpital public, 40 % des dépenses de santé, est un des plus importants dans les pays de l’OCDE.

Pire, alors qu’elle fait le constat de la faillite de l’Etat dans son pilotage de l’Assurance Maladie, elle préconise de le renforcer en régions par le biais des ARS et de créer une Agence nationale de santé regroupant les compétences du Ministère de la Santé et de l’Assurance Maladie.  Une logique bien difficile à suivre…

Jean-Pierre Binon

Président du SNSMCV




L’ancien monde bouge encore

Deux chiffres permettent d’évaluer le véritable enjeu du PLFSS 2018 en cours de débat parlementaire : un peu plus de 250 millions d’économies attendues d’un parcours de soins rendu plus « efficient ». Et cela au prix d’un investissement dans un « Fonds pour l’innovation » doté de… 30 millions d’euros. Dont 10 millions seulement « à la main » des ARS !

Toute la contradiction de la commande gouvernementale se lit dans ce fossé entre l’objectif et les moyens. Dans n’importe quel autre secteur de l’économie, assigner une telle performance aux acteurs prêterait à sourire ; c’est pourtant bien celle que le Gouvernement Philippe assigne aux médecins dans le prochain exercice budgétaire.

La conséquence en est d’ores et déjà prévisible : hors de portée, l’assignation comptable ne sera pas atteinte et la Cour des comptes en rendra le corps médical responsable dans une prochaine livraison. La mécanique infernale de la stigmatisation vient de recevoir un nouvel élan.

Ceux qui attendaient une nouvelle posture du Gouvernement dans la gestion des questions de santé en seront pour leurs frais : l’ancien monde se porte bien dans les coulisses du pouvoir politique. Je veux parler des administrations centrales qui sont généralement à l’œuvre derrière ces chiffrages aveugles.

Le paradoxe, c’est que le discours politique est d’une autre nature : on a envie de croire à la sincérité de Mme Buzyn lorsqu’elle affirme dans un entretien récent à la revue Egora : « Le système de santé français n’est pas mauvais. Les médecins ont tous l’habitude de discuter entre eux, mais l’idée c’est de donner la possibilité, à travers des protocoles de coopération simplifiés, d’écrire et de mettre en avant l’exercice coordonné pour entrer dans une responsabilité territoriale. Le médecin isolé a un impact dans sa façon de prendre en charge les patients, et il est important d’avoir une vision territoriale de cela. »

La coordination à la bonne échelle du territoire : comment ne pas être d’accord ? Mais comment ne pas déplorer d’en lire la traduction comptable dans le seul texte qui vaille : la « feuille de route » budgétaire ?