Vœux pieux ?

François Fillon aura eu le mérite de mettre en pleine lumière le débat sur l’avenir de notre système de santé. Les réactions, tant de gauche que de droite d’ailleurs, et la réprobation clairement manifestée par l’opinion publique sur ses propositions libérales l’on promptement incité à faire machine arrière. Cela laisse mal augurer de l’avenir, car cette reculade peut donner à croire que, soit ses positions étaient peu réfléchies, soit son courage politique est à l’aulne de la moyenne du personnel politique.

Malheureusement, la controverse n’a porté que sur le volet financement et équilibre du système de protection sociale. On a évoqué : rétablissement des comptes, panier de soins, périmètre de celui-ci (petit risque ? gros risque ?). On nous a ressorti le Conseil National de la Résistance, Pierre Laroque… bref, la politique politicienne a vite repris son cours. En revanche, personne ne s’est penché sur le problème de fond, celui qui devrait être traité en priorité : l’architecture et l’organisation du système de soins dans un monde qui a radicalement changé depuis 1945 date de la création de la Sécurité Sociale et fin des années cinquante, époque à laquelle a été mis en place notre système hospitalo-universitaire.

Le vieillissement spectaculaire de la population, l’amélioration remarquable des thérapeutiques ont totalement transformé la nature des pathologies que nous prenons en charge. Nos schémas organisationnels sont progressivement devenus obsolètes ce qui a généré des pratiques inadéquates, coûteuses et peu efficientes.

Sans ordre préférentiel chacun peut constater chiffres à l’appui :

  • un surdimensionnement de l’hôpital public formaté pour la prise en charge des pathologies aiguës et non pour l’accompagnement des maladies chroniques ;
  • un mode de rémunération, le paiement à l’acte qui, seul, n’est plus pertinent pour rémunérer l’ensemble des missions du corps médical, même s’il reste incontournable dans certaines situations cliniques ;
  • un fonctionnement « en silo » des différents professionnels, peu à même de créer les conditions de prise en charge efficace des maladies chroniques qui nécessitent un parcours de soins coordonné et cohérent ;
  • l’absence de réflexion, et une défiance évidente de chaque acteur, sur la délégation de tâches qui doit libérer le médecin de tout ce qui ne justifie pas sa haute valeur ajoutée et autoriser chaque intervenant à valoriser son métier ;
  • la non-prise en compte de tous les outils regroupés sous le vocable de e-santé dont on ne mesure pas aujourd’hui ce que l’irruption dans le champ de la santé va chambouler de nos pratiques ;
  • le retard à l’adaptation du mode d’exercice libéral, qui du cabinet isolé doit évoluer vers l’entreprise médicale de proximité, regroupant l’ensemble des professionnels de santé participant aux missions de soins, de prévention et de santé publique dans les territoires. Ces structures associant les équipes de premiers recours et d’expertise ambulatoire doivent devenir la pierre angulaire de la prise en charge des maladies chroniques pour toute personne ne justifiant pas d’une hospitalisation complète :
  • enfin les pouvoirs publics et les représentants de toutes les professions de santé doivent s’entendre pour stopper la déferlante de nouveaux professionnels et stabiliser la densité des intervenants, indispensable pour rationaliser l’offre de soins, mettre en place une coordination efficace et contrôler les coûts.

Voilà ce qui devrait être débattu aujourd’hui, car sujet de société concernant tous les Français qui gagnerait à être exposé sans tabou et en complète transparence.

Tout cela, vœux pieux à l’approche de Noël ?

Il n’est pas indispensable d’être croyant pour avoir foi dans les facultés d’adaptation de la société, même si dans notre beau pays il faut le plus souvent attendre d’être dos au mur pour réagir. Nous y serons bientôt.




« La démocratie est le pire des systèmes…

à l’exclusion de tous les autres », aphorisme célèbre attribué à Winston Churchill. Certes, cette prévention envers le suffrage universel n’est pas nouvelle puisque, déjà, les philosophes des lumières le regardaient avec circonspection arguant du fait qu’un tribun brillant pouvait facilement manipuler les masses. Il est probable que Winston Churchill partageait la même vision.

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Le mari de Madame Bovary : le retour ?

Charles Bovary, époux d’Emma Bovary, exerçait le métier d’officier de santé. Le corps des officiers de santé avait été créé en 1793 par les révolutionnaires. Dans un souci louable d’égalité entre les citoyens, l’objectif était de permettre à chacun d’être soigné quelle que soit sa condition, ce qui était loin d’être le cas sous l’ancien régime. Tout le XIXe siècle a été marqué par les conflits entre ces soignants non-médecins, aux compétences limitées, et les docteurs en médecine. La médecine académique a obtenu la fin des officiers de santé en 1892, les derniers d’entre eux cessant leur activité au début du vingtième siècle.

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Été meurtrier ?

Une nouvelle convention médicale a été signée par  MG-France, la FMF et Le BLOC le 25 août dernier. À écouter la FMF c’est une « signature de combat », la signature de combat étant au combat ce que le play-back est à la chanson : une duperie qui ne trompe que les naïfs. Pour ancrer un peu plus son comportement dans l’ubuesque,  cette centrale vient d’annoncer qu’elle allait attaquer en Conseil d’État certaines parties du texte.
Quant à MG-France, grand artisan du texte conventionnel, elle  vient de demander aux spécialistes en médecine générale de poursuivre la désobéissance tarifaire… Ces postures paradoxales ne sont motivées que par la prise de conscience que, sur le terrain, une immense majorité des médecins libéraux, quelle que soit leur spécialité, ne se reconnaît pas dans un texte de peu d’ambition qui n’offre à personne, quelle que soit sa génération, un cadre professionnel rénové.

Nous n’avons que trop tardé, financeurs et acteurs, à faire publiquement le constat que nous connaissons tous : le système actuel est obsolète et n’est plus à même de satisfaire la population et les professionnels. Je ne reviendrai pas sur la longue dérive conventionnelle qui a conduit à des tarifs de consultation indignes, cause première du marasme actuel. L’effet volume, que plus personne ne nie, en est la conséquence et le facteur qui aujourd’hui gèle toute prospective. La fluidité de la prise en charge du patient dans un système de santé rénové passera par une refondation complète des types de rémunérations. Cette révolution ne sera réussie que si nous acceptons de réfléchir à une valorisation des pratiques médicales qui ne reposerait plus que sur le tarif des actes, le paiement à la pathologie apparaissant plus adapté à la prise en charge des maladies chroniques.

Le chantier est immense et demandera des années avant d’être achevé, raison suffisante pour ne plus reculer et surtout ne pas attendre la nouvelle convention pour en poser la première pierre.

Un dirigeant de la Fédération Hospitalière de France a récemment déclaré que les Groupements Hospitaliers de Territoires seront « très ouverts sur la médecine de ville », espérons que cette ouverture ne soit pas celle des abattoirs sur les animaux d’élevage. Il n’y a qu’à voir en quelle estime sont tenus les praticiens temps partiels dans les hôpitaux depuis des décennies pour constater qu’un partenariat équilibré, pourtant indispensable, va nécessiter beaucoup de bonne volonté. Déclinant sur le terrain les articles de la loi de santé, l’hôpital public, à marche forcée, se met un ordre de bataille pour prendre une part importante dans l’ambulatoire. Ne regardons pas le train passer, les médecins libéraux doivent, dans la même logique, sacrifier l’exercice individuel et s’organiser  pour faire des propositions de services, coordonnées et alternatives à l’offre publique.

Un arrêté est paru il y a quelques semaines élargissant encore un peu le numerus clausus. Ces futurs médecins et maïeuticiens n’arriveront sur le terrain que dans une dizaine d’années. Ils aggraveront la pléthore des professionnels de santé que l’on voit poindre à l’horizon des années 2020. Je le répète : il y a suffisamment d’acteurs sur la scène nationale pour prendre en charge l’ensemble de la population sous réserve d’une coordination territoriale efficace, d’une délégation des tâches efficiente et d’une relation ville-hôpital opérationnelle.

Été meurtrier pour la médecine libérale ? Ce n’est pas encore inéluctable.

Eric Perchicot




L’esprit des lois

La caractéristique constitutive du bouc émissaire, voué à la vindicte populaire, est qu’il doit être innocent de ce dont on l’accable. La façon dont les médecins exerçant en secteur « à honoraires libres » sont traités aujourd’hui en est un exemple caricatural. Par l’augmentation du prix du tabac, les Pouvoirs Publics espèrent décourager les fumeurs de poursuivre cette addiction dangereuse pour la santé et coûteuse pour l’Assurance Maladie. Dans la même logique, en augmentant le reste à charge des patients faisant confiance à leurs médecins secteur 2, la puissance publique a l’objectif de faire disparaître ce mode d’exercice. Grande différence cependant : la nocivité du tabac pour la santé est démontrée, alors que l’exercice de la médecine en secteur 2 n’entraîne aucun préjudice pour la santé et n’enfreint aucune réglementation.

En 1980, c’est l’Assurance Maladie qui a inventé le secteur à honoraires libres. Le contrat conventionnel était le suivant : libre fixation des honoraires, en respectant bien sûr tact et mesure, et cessation de  la participation de l’Assurance Maladie aux cotisations sociales  des médecins qui optaient pour ce nouveau secteur d’exercice.

Une diminution du niveau de remboursement des patients ne faisait pas partie du contrat. Ce n’est que progressivement à partir de la convention de 2005, aggravé par l’avenant numéro 8 de la convention 2011, que l’on a assisté à un découplage entre le tarif des actes conventionnels et le niveau de remboursement de ces mêmes actes quand le médecin les pratiquant exerçait en secteur 2.

Rendre responsable ces médecins de l’augmentation des dépassements est une insulte au bon sens. Cet accroissement est en lien direct avec la stagnation du tarif des actes. Nous y voilà : le praticien/bouc émissaire est là pour détourner la population de la responsabilité des Pouvoirs Publics.

On ne se grandit jamais à abaisser autrui. La stigmatisation des médecins exerçant en secteur 2 est insupportable. Il est inacceptable que les patients qui leur font confiance soient sanctionnés. L’ensemble des syndicats de médecins, quelles que soient leurs convictions, doit s’élever contre cette manipulation. Le niveau de remboursement des patients ne doit pas dépendre du secteur d’exercice du médecin, pas plus que la qualité des prestations sociales auxquelles a droit ce dernier.

Cette façon de faire est un dévoiement complet de l’esprit de la création du secteur à honoraires libres et de la lettre du texte conventionnel.

« Il serait contraire à la raison que la loi flétrit dans les enfants ce qu’elle a approuvé dans le père » Montesquieu, L’esprit des lois, 1748.

Eric Perchicot




Marché de dupes ?

Au début du mois de mai s’est achevé le 1er round des discussions conventionnelles. Il a permis à l’Assurance Maladie de faire son état des lieux de la convention précédente et mettre en avant les éléments positifs de celle-ci. Les diverses mesures d’amélioration des revenus des médecins libéraux ont été actées, en laissant soigneusement de côté les plans d’économie imposés dans le même temps à certaines spécialités ou certaines activités, d’imagerie en particulier.

Le discours, à usage de la population, est simple : les médecins libéraux ont augmenté leurs revenus sur les cinq dernières années, revenus, bien sûr largement étalés dans la presse. Le message est clair : ils ont des revenus élevés et ceux-ci s’accroissent régulièrement.

Quels sont les atouts des protagonistes de cette négociation ?

Pour ce qui est du couple ministère/Assurance Maladie, ils sont nombreux : il gère le rythme et le contenu des réunions, il a accès aux médias sans limite, il tient les cordons de la bourse et seul connaît le montant de l’enveloppe qu’il est disposé à accorder pour la signature d’un accord. Les duétistes ont de plus un bâton sous la forme d’un règlement arbitral, si une signature n’a pas été apposée par les syndicats représentatifs au texte conventionnel avant la fin juillet.

Pour ce qui est des syndicats représentatifs, le décompte des atouts est simple, il n’y a n’a qu’un : le calendrier des discussions, à moins d’un an de l’élection présidentielle et donc le caractère délétère pour le Pouvoir en place d’un échec des négociations. Ne pas se mettre à dos un nouveau corps social, dans le contexte que nous connaissons, est certainement l’élément qui peut jouer en faveur d’un accord raisonnable.

Les deux parties peuvent-elles arriver à un compromis gagnant-gagnant ? Encore faudrait-il définir ce que pourrait être ce compromis. Pour les pouvoirs publics, qui se sont engagés dans une politique des revenus, des revalorisations ciblées qui permettraient une diminution significative de l’écart de bénéfices entre les spécialités au bas de l’échelle et les mieux lotis seraient satisfaisantes.

Pour les médecins libéraux, que les spécialités ayant actuellement des revenus annuels en dessous de 60 000 € puissent les augmenter significativement est un objectif prioritaire, sous réserve que ce ne soit pas au détriment des spécialités les mieux loties.

Or, il apparaît que, en parallèle aux réunions conventionnelles, l’Assurance Maladie travaille à un plan d’économies sur « l’imagerie médicale » qui permettrait, au moins en partie, d’abonder l’enveloppe de la revalorisation des spécialités sinistrées.

Ce système de vases communicants est inacceptable. Déshabiller Pierre pour habiller Paul n’est pas une bonne politique. Espérons que les syndicats polycatégoriels refuseront ce marché de dupes d’autant que les mêmes pouvoirs publics, quand ils sont employeurs se pliant alors à la loi du marché, font des ponts d’or aux médecins de ces spécialitées « nanties », praticiens dont ils ont besoin dans les hôpitaux publics.

La négociation conventionnelle permettra de répondre à deux questions simples : les syndicats représentatifs auront-ils assez de lucidité et de courage pour refuser un accord qui stigmatiserait certaines spécialités ? L’organisation syndicale telle qu’elle est aujourd’hui représente-t-elle équitablement l’ensemble des spécialités médicales ?

Ainsi, Les semaines qui viennent nous aideront à apprécier si une refondation du paysage syndical va s’avérer indispensable dans l’avenir. A suivre…

Eric Perchicot

 




Etat de déliquescence

Les révélations du dossier Panama Papers ne sont que le dernier avatar révélé du travail d’érosion de la base fiscale des Etats au détriment de la budgétisation des Nations mêmes les plus avancées. Ces mécanismes d’évitement de l’impôt à l’échelle mondiale n’ont pu se mettre en place sans la complicité, ou du moins la complaisance, des politiques au pouvoir. Il serait facile de jeter l’opprobre sur des paradis fiscaux exotiques si n’existaient leurs pendants dans l’Union Européenne : îles anglo-normandes, île de Man… ou aux États-Unis, l’État du Delaware par exemple.

Cette spoliation des Nations par leurs élites est la marque d’une disparition progressive des valeurs qui ont fondées nos démocraties. La République Française n’échappe pas à cette désagrégation, la politique se résumant de plus en plus à de la communication et de l’affichage. Pour vous en convaincre, je vous engage à lire le rapport à l’IGAS (*) de l’ancien Secrétaire Général de la Conférence Nationale de Santé avant sa démission. Vous apprécierez en quelle estime la ministre de la santé et son cabinet tiennent la démocratie sanitaire. Dans le même esprit, a été révélé, il y a quelques jours, comment n’a été pas été prise en compte une expertise du CNRS sur les méfaits du diesel dès 1997 et, dans le même registre, comment notre ministre de l’écologie, il y a quelques semaines, a crié au scandale contre une décision de l’Union Européenne assouplissant les normes de pollution des moteurs diesels, alors que la France, par son ministère, a voté pour cette décision…

Les discussions conventionnelles sont malheureusement conduites dans le même état d’esprit : ce n’est pour l’instant qu’une présentation de chiffres, souvent invérifiables, pour imposer deux idées : il n’y a pas assez d’argent pour satisfaire les médecins et la pénurie médicale impose des mesures ciblées. Peu importe que chacun sache que le niveau du tarif des actes limite toute ambition d’amélioration des pratiques. Nous allons vers une convention qui ne sera qu’un rafistolage d’un système en bout de course. Il apparaît pourtant de plus en plus clairement que tout le système devrait être mis à plat à partir de constats simples : un modèle économique raisonnable pour la médecine libérale de demain ne passera que par une réflexion globale efficience/volumes/tarifs des actes. Cette réflexion ne pourra se mener qu’en parallèle à une régulation territoriale de l’offre de soins. Personne, et surtout pas les médecins libéraux, n’a intérêt à une pléthore de l’offre. Mieux vaut organiser cette offre, avec l’ensemble des professionnels, dans l’intérêt général.

Dans l’atmosphère crépusculaire actuelle, où le personnel politique manque à ce point de courage qu’il a peur de son ombre même la nuit, mettre en œuvre une vraie réforme peut paraître difficile. Sénèque au 1er siècle de notre ère écrivait déjà : « Ce n’est pas parce que les choses sont difficiles que nous n’osons pas, c’est parce que nous n’osons pas qu’elles sont difficiles », pas mieux…




L’avenir appartient…..

Le 15 mars, il y a eu un an que nous avons massivement manifesté à Paris contre la loi de santé en gestation…avec le succès que l’on sait. Quel contraste avec le résultat obtenu par « les jeunes » opposés à la modification du code du travail ! Ils ont imposé une réécriture du texte avant même que celui-ci ne passe en Conseil des ministres. Sur le fond, ils s’opposent à des mesures assouplissant les possibilités de licenciement, devant permettre aux entreprises d’embaucher plus facilement, en les libérant partiellement des textes en vigueur, qui font du licenciement un parcours du combattant décourageant. Bref, nous préférons sécuriser ceux qui ont un emploi plutôt que d’entrouvrir la porte aux millions de ceux qui en sont dépourvus… C’est la version moderne de Perrette et le pot au lait. C’est une marque de profonde défiance de l’entreprise, emblématique de l’état d’esprit de nos gouvernants, qui n’ont eu de cesse depuis plus de 40 ans que de mettre le secteur marchand sous tutelle administrative, avec les résultats que l’on connaît sur l’emploi, le pouvoir d’achat, la compétitivité, les déficits publics et la dette du pays.

Qu’attendre d’un personnel politique essentiellement issu des bancs de grandes écoles, puis de l’ENA ou de l’école de Rennes, qui après un parcours universitaire brillant, a intégré Cour des comptes, inspection des finances ou cabinets ministériels sans jamais avoir connu le monde de l’entreprise ? Comment donc le convaincre que la création de richesse est le préalable à toute redistribution équitable et que soutenir l’entreprise plutôt que de plomber son développement devrait être l’objectif prioritaire de l’Etat ?

Le secteur de la santé ne fait pas exception à la règle. Le modèle économique de l’entreprise médicale libérale où la valorisation de l’activité produite doit permettre de couvrir les charges d’investissement, de ressources humaines (par exemple affectées à la délégation de tâches), de logistiques et de fonctionnement, est en voie de destruction au profit d’aides diverses et variées forfaitaires, non pérennes et soumises à des contraintes bureaucratiques incompatibles avec la pratique libérale.

La Ministre de la Santé a imaginé un virage ambulatoire (les plus de 10 millions de citoyens atteints de pathologies chroniques en ALD passant, quand même, plus de temps dans l’année en dehors que dans les murs de l’hôpital), piloté par les ARS… autour de l’hôpital public, dans une organisation planifiée où les professionnels de santé libéraux ne seraient que des auxiliaires supplétifs taillables et corvéables à merci, n’est-ce pas Madame Dormont ?

Actuellement se déroulent les premières réunions de la négociation conventionnelle. Les syndicats représentatifs doivent refuser un nième marché de dupes et obtenir un espace de liberté tarifaire pour tous les médecins, unique moyen pour nos entreprises libérales, en dehors d’une remise à niveau du tarif des actes à laquelle personne ne croit, de conserver un modèle économique viable.

La voie est étroite. Cependant, la proposition n’est ni provocatrice ni folle. L’existence d’une offre publique de plus en plus étoffée et la démographie médicale, qui va mener à l’abondance après 2020, réguleront mécaniquement les niveaux de reste à charge, par le jeu de l’offre et de la demande.

Il reste peu de temps aux plus jeunes d’entre nous pour imaginer et promouvoir l’entreprise médicale libérale comme offreur de soins en capacité de conventionner avec les financeurs de la santé et mailler l’ensemble du territoire.




On prend les mêmes…

Madame la ministre de la santé, accompagnée du directeur général de la santé, a détaillé le 4 février, elle-même, le rapport d’étape de l’enquête de l’IGAS entreprise après l’accident mortel survenu lors d’un essai clinique sur volontaires sains le 18 janvier dernier.

« Trois manquements majeurs » ont été retenus à ce stade de l’enquête par l’institution. Est reproché à la société Biotrial, entre autres décisions malencontreuses, d’avoir attendu le jeudi 14 janvier pour informer l’ANSM de l’accident soit quatre jours après l’hospitalisation du premier volontaire, celui qui décèdera, et trois jours après décision d’interruption de l’essai.

Il est bon de rappeler qu’il a fallu près de 10 ans aux mêmes autorités pour décider de l’arrêt de commercialisation du Médiator en 2009, après la première alerte lancée par un cardiologue libéral en 1999. 10 ans, alors que la molécule avait progressivement été interdite dans la plupart des pays voisins. Il est instructif de voir la différence de traitement dans les deux cas. Il se vérifie qu’il est toujours plus facile de voir la paille dans l’œil du voisin que la poutre dans le sien.

De toute évidence, ce qui est indispensable à Madame la  ministre de la Santé, c’est d’apparaître aux journaux télévisés comme le censeur intransigeant d’agissements inappropriés. Quel dommage que tout, depuis sa nomination en 2012, nous montre qu’elle est plus à son affaire  dans la communication que sur le chantier de modernisation de notre système de santé.

Nous sommes plus que jamais dans la société du spectacle. Quel crédit aurait eu la personnalité désignée au ministère de l’écologie, après le renoncement de Nicolas Hulot, annoncé pourtant urbi et orbi comme le « transfert du siècle » ? Madame Royal a dû rempiler… avec quelques prérogatives supplémentaires.

Le casting gouvernemental s’avère de plus en plus, à chaque remaniement, un exercice qui n’a rien à envier aux superproductions hollywoodiennes construites autour des acteurs et actrices les plus « bankables ». A l’exception du remplacement de Laurent Fabius parti au Conseil constitutionnel, aucun ministère important n’a changé de titulaire ; la montagne a accouché d’une souris…

Ce dévoiement de notre démocratie n’augure rien de bon pour l’avenir. Nous risquons de le vérifier prochainement dès l’ouverture  des négociations conventionnelles. En effet,  le jeu des chaises musicales, perturbé par le refus de Monsieur Hulot, n’ayant probablement pas  libéré de  fauteuil suffisamment large, Madame Touraine conserve son portefeuille et nous une interlocutrice peu à l’écoute des inquiétudes de la médecine libérale.

Le front uni affiché par les 5 syndicats représentatifs lors des assises de la médecine libérale le 11 février convaincra-t-il Madame Touraine qu’on a rarement raison seul contre tous ?

Rien n’est moins sûr,

Soyons prêts à tout… ou à n’importe quoi, quel gâchis !

Eric Perchicot




Pas de trêve des confiseurs

Dans la deuxième quinzaine de décembre est paru au Journal Officiel le décret augmentant de 135 postes, répartis dans des académies en « zones défavorisées », le numerus clausus de la première année des études médicales. Cette parution est le prolongement du pacte Territoire Santé 2 présenté par la Ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes le 19 novembre dernier. Hors l’effet d’annonce, que peut amener cette mesure aujourd’hui, quand on sait que les futurs professionnels entrant dans le cursus en 2017 ne seront opérationnels sur le terrain au mieux qu’en 2027, époque où la pléthore médicale sera le gros problème que nous aurons tous à gérer, si nous ne sommes pas capables de nous opposer au discours ambiant ? Quel aveuglement, quelle méconnaissance de la réalité, quel manque de lucidité. On ne fait pas de bonne politique qu’avec de la communication.

Dès les fêtes passées nous avons eu droit à une enquête montrant que les médecins, contrevenant à la réglementation en vigueur depuis le 1er janvier 2015, ne prescrivaient pas leur ordonnance en Dénomination Commune internationale ! Avec l’argument péremptoire, mais certainement pas vérifié, que cette prescription améliorait l’observance. Il est regrettable que les prometteurs de cette analyse n’aient pas précisé qu’elle avait été effectuée au printemps 2015 quelques semaines seulement après l’introduction de l’obligation pour un corps médical à la moyenne d’âge respectable qui n’a jamais prescrit qu’en noms de spécialités. Que, après quelques semaines seulement, 25 % d’entre nous prescrivent en DCI me paraît plutôt encourageant. Combien a-t-il fallu de temps aux Français pour parler en nouveaux francs au début des années 60 ? Quel est l’objectif recherché par ce type de présentation ? Montrer du doigt le corps médical, dans quel but ?

Cette année encore la cotisation ordinale que doit obligatoirement acquitter tout médecin exerçant une activité de soins sur le territoire français va augmenter. Qu’importe à cette vénérable institution que les tarifs des actes médicaux soient figés depuis des lustres et que l’ensemble de la profession médicale soit en souffrance. Plus de 200 000 médecins devant s’acquitter de plus de 300 euros chacun (et je ne compte pas l’imposition des sociétés d’exercice) représentent pourtant un budget annuel considérable, qui ne semble pas suffire à l’Ordre National des Médecins pour faire face à de nouvelles missions, dit-il lui-même, dont, pour certaines, il s’est pourtant autosaisi. Encore une institution qui, malgré des efforts remarqués pour apparaître à l’écoute du terrain, oublie le quotidien de ses assujettis quand il s’agit de gros sous.

Nous commémorons ce mois-ci les 20 ans de la disparition d’un Président de la République dont nous pourrions regretter que la 85e proposition, en tant que candidat à l’élection présidentielle de 1981, n’ait jamais été appliquée.

Quel dommage que les promesses politiques ne se concrétisent que rarement…