Les complémentaires sous surveillance

368-369 – Dans une étude consacrée à la place des assurances complémentaires dans la protection sociale, le HCAAM met en garde contre la tentation de recourir à un transfert massif de prise en charge de l’Assurance Maladie Obligatoire (AMO) vers l’Assurance Maladie Complémentaire (AMC). Si de tels transferts devaient intervenir à l’avenir, « ils pourraient affecter la protection sociale dans ses fondements en créant des inégalités d’accès aux soins que les pouvoirs publics s’efforceraient ensuite de corriger ; par ailleurs, ils ne résoudraient pas on plus le problème de la soutenabilité à long terme de l’AMO. » C’est pourquoi le HCAAM affirme à nouveau que « le maintien d’une protection sociale maladie obligatoire de qualité, fondée sur la solidarité, est primordial ».

Par ailleurs, sans négliger l’effet positif des assurances complémentaires qui facilitent l’accès aux soins, le HCAAM rappelle les conséquences inflationnistes qu’elle pouvaient aussi avoir et qu’il avait déjà constaté dans son rapport de 2005 qui mettait en lumière l’augmentation des prix des biens et services médicaux qu’elles ont pu favoriser. Pour lutter contre ce phénomène, le HCAAM préconise donc d’« encourager le développement des réseaux afin de mieux gérer certains risques », d’« encadrer les remboursements des complémentaires dans les contrats solidaires et responsables » et de « mieux cibler les aides publiques aux contrats collectifs, solidaires et responsables ».

 




ONDAM réalisé pour la 4e année consécutive

368-369 – En 2012, la Consommation de Soins et de Biens Médicaux (CSBM) s’est élevée à 183,6 milliards d’euros, en progression de 2 % par  rapport à 2011. Cela représente 9 % du Produits Intérieur Brut (PIB), proportion stable depuis 2010. Si l’on y inclut les soins aux personnes âgées et handicapées, ainsi que la prévention individuelle, cette CSBM élargie s’établit à 205,6 milliards d’euros, en hausse de 2,2 % par rapport à 2011 et représentant 10,1 % du PIB. 

Sans changement par rapport à 2011, La part de la CSBM prise en charge par la Sécurité Social de la CSBM s’élève à 75,5 %, tandis que les organismes complémentaires en assument 13,7 %, les ménages en finançant directement 9,6 %. Pour la CSBM élargie ces proportions sont respectivement de 76,7 %, (+ 0,1 point par rapport à 2011), 12,2 % et 8,6 %.

Schéma4-1
Figure 3. ONDAM voté et soldé (Md euros). 1997-2013

L’année dernière, l’Objectif National de Dépenses d’Assurance Maladie (ONDAM) devrait afficher une sous-consommation, d’un montant d’environ 500 millions d’euros. Ceci s’était déjà produit en 2010 (600 millions d’euros de sous-consommation), en 2011 (800 millions d’euros) et en 2012 (1 milliard d’euros). « Cette nouvelle période tranche avec les années précédentes durant lesquelles l’ONDAM avait été systématiquement dépassé », commente le HCAAM (voir figure ci-dessous).
Et pour la quatrième année consécutive, c’est à la médecine de ville qu’est due cette réussite. Malgré une progression plus rapide qu’en 2012, liée à la situation épidémiologique et à l’entrée en vigueur de revalorisations adoptées en 2012 et 2013 qui affectent surtout les honoraires paramédicaux, les dépenses de soins de ville devraient être inférieures en 2013 à l’objectif : 80 milliards d’euros contre 80,5 milliards d’euros.

Concernant les établissements de santé, les dépenses devraient « se situer près des objectifs (76,4 milliards d’euros pour 76,5 milliards prévus) ». Les dépenses des établissements anciennement sous dotation globale (autrement dit les hôpitaux) seraient « un peu supérieures aux prévisions (170 millions d’euros) » tandis que celles des cliniques privées seraient, pour un montant identique, inférieures au niveau initialement prévu.




La rénovation du service public selon la FEHAP

368-369 – La Fédération des Etablissements Hospitaliers et d’Aide à la Personne privés à but non lucratif (FEHAP) propose sept axes de rénovation pour le service public hospitalier. Elle propose notamment d’organiser sous la forme de concessions de service public l’implication de structures privées de droit commercial, « avec des garanties et obligations de service public, ainsi que les compensations adaptées desdites sujétions ». La FEHAP suggère également d’ouvrir la possibilité d’une option d’adhésion à l’échelle publique des tarifs à des structures privées de droit commercial qui opteraient pour le statut d’entreprise de l’économie sociale et solidaire, prévu dans le projet de loi sur l’économie sociale et solidaire en attente d’examen par l’Assemblée nationale. Ces établissements devraient s’engager sur « une lucrativité limitée ou encadrée des propriétaires de parts sociales » et fonctionner avec « une absence de restes à charge pour les patients après intervention des organismes d’Assurance Maladie obligatoire et complémentaires ».

 




Certification des établissements : la V2014 est parue

368-369 – A la fin de l’année dernière, la Haute Autorité de Santé (HAS) a adopté la nouvelle procédure de certification des établissements de santé, GCS et installations de chirurgie esthétique, appelée V2014. Conformément aux vœux de stabilité des professionnels, les évolutions ne concernent pas la refonte du manuel mais portent sur le déroulement de la procédure, les outils et les moyens utiles à l’appropriation de la démarche qualité et sécurité par les équipes. La V2014 introduit la création du « compte qualité » qui remplace l’auto-évaluation et que, pour la continuité de la procédure, les établissements devront remplir tous les 18 à 24 mois. Parmi les innovations figure également la nouvelle modalité possible de visite basée sur la technique du « patient traceur » qui permet de suivre le parcours d’un patient dans l’établissement (voir Le Cardiologue n° 365). 

Les premières visites selon cette nouvelle procédure sont programmées pour le premier semestre 2015.




Installations prochaines des Commissions Régionales Paritaires

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Composition modifiée et missions élargies des CRP pour une instance du dialogue social régional. © Tyler Olson

368-369 – Placées auprès des ARS, ces commissions ont vu leur composition modifiée et leurs missions élargies par un décret de septembre 2013, conformément à un engagement pris par Marisol Touraine vis-à-vis des organisations de Praticiens Hospitaliers (PH) dans le cadre du Pacte de confiance pour l’hôpital pour en faire « une instance du dialogue social au niveau régional sous l’égide de l’ARS ».

Leur composition, qui est passée de 16 à 24 membres, comporte dix représentants des PH et des personnels enseignants et hospitaliers, un représentant des chefs de clinique-assistants des hôpitaux et des assistants des hôpitaux, un représentant des internes, quatre représentants des directeurs d’hôpitaux, quatre représentants des présidents de CME et quatre représentants de l’ARS, dont son directeur général, qui préside la CRP et a voix prépondérante en cas de partage égal des voix.

De nouvelles missions

Aux compétences des CRP dans l’organisation de permanence et de la continuité des soins et le suivi des emplois médicaux s’ajoutent désormais de nouvelles missions. Elles seront donc consultées sur la gestion prévisionnelle des métiers et des compétence des personnels médicaux, sur les actions d’amélioration de l’attractivité de l’exercice médical hospitalier, sur le suivi des demandes de dérogation au plafond de progression annuelle dans le cadre de la gestion des CET, sur le bilan régional du suivi de la réalisation du temps de travail additionnel des praticiens et sur l’élaboration et la diffusion de bonnes pratiques concernant la santé au travail et la prévention des risques professionnels.

La composition de chaque CRP devra être fixée par arrêté du directeur général de l’ARS au plus tard en février et les commissions installées dans les deux mois suivant. La DGOS fixe à deux ou trois par an le nombre minimal de réunions de la CRP afin de leur permettre « de remplir pleinement sa mission d’instance de concertation ».




Tarifs hospitaliers : on dégraisse !

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Dans un esprit de solidarité, les établissements qui produisent plus redonnent à ceux qui n’ont pas une activité suffisante. Dans un esprit financier, le Gouvernement vise une économie de 55 millions d’euros… © Olly

367 – Pour réguler les « effets inflationnistes » de la T2A, le PLFSS 2014 instaure un mécanisme de dégressivité des tarifs hospitaliers au-delà d’un certain volume d’activité pour une prestation ou un ensemble de prestation. Le Gouvernement  en attend 55 millions d’économies l’année prochaines. Les fédérations hospitalières dénoncent une mesure « inappropriée et dangereuse ».

Le PLFSS 2014 adopté définitivement par le Parlement le 3 décembre dernier comporte en son article 41 une réforme de la T2A en instaurant un mécanisme de dégressivité des tarifs hospitaliers en cas de trop fort volume. L’article prévoit que lorsque le taux d’évolution ou le volume d’activité d’une prestation ou d’un ensemble de prestations d’hospitalisation d’un établissement de santé est supérieur à un certain seuil, les tarifs nationaux applicables à cette prestation ou ensemble de prestations « sont minorés par la part d’activité réalisée au-delà de ce seuil par l’établissement ». C’est un décret en Conseil d’Etat qui fixera les modalités d’application du dispositif, « notamment les critères pris en compte pour fixer les seuils, les modalités de mesure de l’activité et de minoration des tarifs ainsi que les conditions de mise en œuvre des minorations après constatation du dépassement des seuils ». 

L’article a fait l’objet d’une longue discussion à l’Assemblée nationale, la mesure ne faisant pas l’unanimité, comme on s’en doute. Le député UMP du Loiret, Jean-Pierre Door, a notamment jugé « incohérent de pénaliser par la dégressivité des tarifs un établissement dynamique uniquement parce qu’il serait le seul à réaliser telle ou telle activité de soins ». Plusieurs amendements de l’UDI et de l’UMP qui visaient la suppression de l’article ont été rejetés. Tout comme ceux présentés par le Front de Gauche et qui visaient à intégrer des critères de pertinence des actes dans la décision d’appliquer une dégressivité des tarifs.
Marisol Touraine en a justifié le refus en arguant du fait que des travaux sont en cours qui portent précisément sur la définition de critères de pertinence des actes. En revanche, « la mesure de l’activité tient compte des situations de création ou de regroupement d’activités », précise l’article 41 du PLFSS adopté. Une nuance apportée par un amendement présenté par Christian Paul (PS, Nièvre), rapporteur du PLFSS pour l’Assurance Maladie, « pour ne pas pénaliser les créations ou les regroupements d’activités qui, par leur nature même, ont automatiquement pour effet de conduire à un dépassement des seuils ».

Une vive opposition

Cette mesure a rencontré une vive opposition de la plupart des fédérations hospitalières. Outre la Fédération des Etablissements Hospitaliers et d’Aide à la personne Privés non lucratifs (FEHAP) et UNICANCER, la Fédération de l’Hospitalisation Privée (FHP) s’y est montrée particulièrement hostile. Faisant référence au coefficient prudentiel et aux CPOM, son président, Jean-Loup Durousset, a dénoncé l’inutilité de ce dispositif s’ajoutant à la régulation nationale et régionale et qui pourrait, en outre, s’avérer « contre productif en matière de santé publique ». Par ailleurs, les trois fédérations ont dénoncé le fonctionnement du Comité de réforme de la T2A et affirment que, contrairement aux dires du Gouvernement , le projet de dégressivité des tarifs hospitaliers n’est pas issu de ce comité au sein duquel il n’a jamais été débattu.

La Fédération de l’Hospitalisation Publique favorable

Seule la Fédération de l’Hospitalisation Publique s’est déclarée favorable à ce principe de dégressivité. Pour son délégué général, Gérard Vincent, « il n’est pas anormal » dans le cadre d’un ONDAM contraint que, dans un esprit de solidarité, les établissements qui produisent plus redonnent un peu de la plus-value tirée de leur activité, « au-delà d’un certain volume, quand les charges fixes sont couvertes », à ceux qui n’ont pas une activité suffisante.
Mais s’il est d’accord sur ce principe de solidarité, Gérard Vincent refuse que la dégressivité serve à « faire des économies par rapport à l’ONDAM qui a été voté au Parlement ». C’est pourtant bien pour cela que le Gouvernement  a décidé la mise en place de la dégressivité tarifaire ! Il table sur une économie de 55 millions d’euros en 2014, dans l’hypothèse d’une inflexion progressive de la tendance en cinq ans à 2 %, selon les annexes du PLFSS.




Le guide du patient-traceur

366 – Cette nouvelle méthode de la visite de certification des établissements fait partie des évolutions qui interviendront l’année prochaine. La Haute Autorité de Santé vient d’en publier le guide.

La certification des établissements de santé par la HAS va connaître un certain nombre d’évolutions qui seront inscrites dans la V2014. Parmi celles-ci, celle du « patient-traceur ». Il s’agit d’une méthode qui permet l’analyse de manière rétrospective du parcours d’un patient de l’amont de son hospitalisation jusqu’en aval, en évaluant les processus de soins, les organisations et les systèmes qui concourent à sa prise en charge. Lors de la présentation à la presse du projet stratégique 2013-2016 de la HAS, son président, Jean-Luc Harousseau a souligné qu’il s’agit d’une « évolution majeure de la V2014 qui permet d’aller vers une certification clinique des établissements en observant comment les critères de gestion des risques sont appliqués et comment les professionnels de santé, médecins et non-médecins, agissent auprès du patient, et ce, avec l’accord du patient, bien entendu ». La méthode, qui constitue une nouvelle méthode de visite de certification, est également reconnue en tant que méthode de DPC.

La HAS bénéficie déjà d’un certain recul sur une centaine de patient-traceurs ; mais son objectif est d’avoir une palette complète de patients-traceurs en juin ou juillet prochain. Un guide expérimental sur la méthode du patient-traceur vient de paraître, qui apporte des principes et des repères méthodologiques pour la mise en œuvre de la procédure dans les établissements et propose également des grilles d’entretien avec les équipes, le patient et ses proches en référence au manuel de certification.




Ouverture prochaine du site sur la qualité des soins des hôpitaux

 

366 – Le site internet pour l’information du public sur la qualité des soins en établissements de santé ouvrira avant la fin de l’année. Cette création répond à la disposition de l’article 47 de la LFSS 2012 qui a confié à la HAS la mission de coordonner l’élaboration et d’assurer la diffusion au public de l’information dans ce domaine. Ce site donnera des renseignements géolocalisés et comparatifs qui permettront aux usagers d’être informés sur la qualité des soins. Conformément à une circulaire de la DGOS de mai dernier, chaque établissement devra mettre à disposition du public les résultats des indicateurs sur la qualité et la sécurité des soins le concernant.




Décompte du temps de travail des PH : un chantier nécessaire

366 – Pour répondre aux griefs de la Commission européenne contre le France au sujet de la réglementation appliquée aux praticiens hospitaliers, la DGOS et les organisations représentatives des praticiens ont travaillé l’été dernier. Il a été décidé d’instaurer une véritable contractualisation du temps de travail additionnel, avec l’accord explicite du praticien et un dispositif de surveillance pour garantir la sécurité et la santé du praticien. En outre, la prise en compte du temps de travail effectif réalisé lors des astreintes se fera selon le choix préalable du praticien soit dans le cadre de ses obligations de service, soit en temps de travail additionnel (rémunéré, récupéré ou versé sur un compte épargne-temps). Selon Raymond Le Moign, sous-directeur des ressources humaines du système de santé à la DGOS, il est nécessaire d’ouvrir un chantier sur le système de décompte du temps de travail des PH. Une façon de répondre à la critique de la Commission européenne qui reproche à la France une réglementation du temps de travail et un décompte en 10 demi-journées des obligations de service qui ne garantissent pas le respect de la durée maximale de travail hebdomadaire exprimé en heures.




Décret sur les CME : bien mais encore insuffisant

366 – Les conférences des présidents de CME de CHU, de CH et de CHS approuvent le décret modifiant les missions des CME, mais attendent encore d’autres avancées en la matière de la future loi de santé publique.

On se souvient que le sort fait par la loi HPST aux Commissions Médicales d’Etablissement (CME) avait suscité de très vives réactions dans le monde hospitalier qui dénonçait l’excessif pouvoir donné aux directeurs d’hôpitaux. Au point que le précédent Gouvernement, qui avait promulgué la loi, avait dû prévoir le rétablissement de certaines attributions des CME et leur élargissement. L’actuel Gouvernement n’est pas revenu sur cette décision, comme l’a confirmé la parution d’un décret à la fin septembre. Selon ce texte, la CME donnera désormais son avis sur les orientations de l’établissement et son plan global de financement pluriannuel, sur l’organisation interne, la politique de coopération territoriale, la politique de recherche et d’innovation, les modalités d’accueil et d’intégration des professionnels et des étudiants, ainsi que sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. La CME sera également consultée – et non pas seulement informée comme jusqu’à présent – sur le Contrat Pluriannuel d’Objectifs et de Moyens (CPOM), sur la politique de recrutement des emplois médicaux et sur celle de la formation des étudiants et internes. Le projet médical, les modifications des missions de service public de l’établissement, le règlement intérieur, les programmes d’investissement concernant les équipements médicaux, le plan de DPC et les modalités de la politique d’intéressement et de bilan social sont autant de sujets qui viennent s’ajouter à ceux pour lesquels la CME était déjà consultée. Le décret introduit également quelques modifications à la composition de la CME. Ainsi, les CME de CHU comprendront désormais des représentants des étudiants hospitaliers en médecine, en pharmacie, en odontologie et en maïeutique désignés pour deux ans.

Outre des mesures de simplification des procédures de fusion d’établissements, le décret, dans son article 6, introduit la désignation d’un référent antibiothérapie dans les établissements de santé. Désigné par le représentant légal de l’établissement, « en concertation avec le président de la CME ou de la conférence médicale d’établissement dans les cliniques », ce référent « assiste » ces instances dans la proposition des actions de bon usage des antibiotiques et l’élaboration des indicateurs de suivi de leur application.

Ce décret a reçu un accueil unanime des hospitaliers. Les conférences des présidents de CME de CHU, de CH et de CHS ont salué sa parution et jugent qu’il va dans le bon sens. Mais les trois conférences estiment tout aussi unanimement qu’il faut aller encore plus loin. Elles rappellent la nécessité de renforcer le rôle des présidents de CME et de revoir les modalités de nomination des chefs de pôle et des signatures de CPOM.




Finances hospitalières : un équilibre fragile et circonstanciel

365 – Parmi les facteurs de fragilité de la situation financière des hôpitaux, la Cour des Comptes souligne l’insuffisance des efforts de maîtrise de la dépense.

Businessman showing empty pockets to doctors
Un équilibre financier dû à des facteurs « non reconductibles » ou « strictement comptables ». (©Mauricio Jordan)

Au chapitre « maîtrise des dépenses hospitalières », le rapport annuel de la Cour des Comptes sur l’application des lois de financement de la Sécurité Sociale analyse la situation financière des hôpitaux et constate, au vu des premiers résultats fournis en mai dernier, que les hôpitaux ont retrouvé l’équilibre avec un résultat global consolidé net (somme des déficits et des excédents) qui serait excédentaire de 143,6 millions d’euros après un déficit de 304,6 millions d’euros en 2011, pour un total de produits de 70,3 milliards d’euros. Pour autant, les magistrats de la Cour des comptes soulignent que cet équilibre est « largement circonstanciel ». Il est dû en effet à des facteurs « non reconductibles » ou « strictement comptables ». L’augmentation de plus-values sur cessions d’actifs (+ 97 millions d’euros) et surtout celle des aides d’urgence attribuées aux hôpitaux les plus fragiles constituent les « facteurs non reconductibles ». Ces aides d’urgence ont atteint 400 millions d’euros l’année dernière alors qu’elles n’avaient été que de 275 millions d’euros en 2011. Du côté des « facteurs strictement comptables », plusieurs modifications intervenues en 2012 ont eu « pour effet d’améliorer les résultats de cet exercice » relève la Cour des Comptes, comme, par exemple, le fait de demander aux établissements d’enregistrer au compte d’exploitation et non au bilan les aides exceptionnelles accordées en cas de difficultés de trésorerie. Par ailleurs, l’endettement hospitalier a poursuivi sa progression : la dette aurait augmenté de 2,6 milliards d’euros entre 2011 et 2012, atteignant plus de 28 milliards d’euros.

Enfin, le rapport de la Cour des Comptes souligne sur le caractère « limité » de la maîtrise des dépenses hospitalières accentuant la fragilité de la situation financière des hôpitaux. « Alors même que le retour à l’équilibre de l’Assurance Maladie nécessitera des efforts encore accrus de maîtrise de la dépense, une résorption durable des déficits hospitaliers impose une accentuation des réorganisations pour dégager les gains de productivité et d’efficience qui la conditionnent », insistent les magistrats de la rue Cambon. Ils préconisent pour ce faire de « recentrer le dispositif contractuel unissant les ARS aux établissements sur les hôpitaux présentant les plus forts enjeux financiers » et de « conditionner l’attribution d’aides exceptionnelles à l’exploitation à la réalisation d’efforts structurels ».

 




DPC  hospitalier : un « fiasco » ?

Selon une enquête menée par deux syndicats, une majorité de praticiens hospitaliers ne connaissent pas le dispositif du DPC.

La Confédération des Praticiens Hospitaliers (CPH) et Avenir hospitalier, ont effectué une enquête sur le DPC. Les réponses obtenues des 5 500 praticiens qui y ont participé font dire aux deux syndicats que le DPC est « un vrai fiasco ». En effet, l’enquête montre que 60 % des PH interrogés ignorent tout du dispositif, que 70 % disent ne pas avoir été informés par leur établissement et 72 % par leurs organisations professionnelles, que plus des trois quarts (77 %) n’ont pas réfléchi à leur DPC et que 84 % ignorent tout des recommandations de la HAS en la matière. En outre, 66 % des PH ne savent pas si leur établissement est agréé pour le DPC et 74 % ne savent pas non plus s’il adhère à l’Association Nationale pour la Formation du personnel Hospitalier (ANFH) chargée de collecter et de gérer le financement du DPC hospitalier. Quant à la confiance que les praticiens hospitaliers ont dans le financement prévu, elle est très, très relative… Selon l’enquête « la moitié des personnes interrogées pense que le forfait national par PH consacré au DPC sera de moins de 500 euros, 18 % de 750 euros, 20 % de 1 000 euros ». Or, les deux syndicats rappellent qu’en 2010-2011, « 80 % des PH se sont formés durant cinq à dix jours et y consacrant en moyenne 2 360 euros ».

Président de l’ANFH, Fernand Brun ne conteste pas l’insuffisance de moyens financiers pour le DPC, mais relativise la méconnaissance des PH du DPC, dispositif nouveau et dans la construction duquel « l’ANFH est pour rien ». Que ce dispositif soit complexe et pose des questions à ce jour sans réponse, c’est certain. Ainsi, le CPH et Avenir Hospitalier se demandent ce qui se passera si un praticien hospitalier – libre de choisir son action de DPC – en choisit une hors du plan de DPC que chaque CME est tenue de mettre en place. Pour les deux syndicats, un moratoire sur le DPC des hospitaliers pourrait être envisagé, le temps de clarifier les choses et de diffuser l’information auprès des PH. Un rapport de l’IGAS sur la mise en œuvre du DPC est en cours, à la demande de Marisol Touraine. Il sera intéressant de voir si les conclusions seront aussi sévères que les résultats de cette enquête syndicale.

 




Le réquisitoire hospitalier contre les ARS

364 – Catherine Sanfourche – Devant le Sénat, les présidents des conférences de CME de CHU et de centres hospitaliers n’ont pas ménagé leurs critiques à l’encontre des Agences Régionales de Santé (ARS).

 La Mission d’Evaluation et de Contrôle des lois de financement de la Sécurité Sociale (MECSS) du Sénat, qui prépare un bilan d’activité des ARS, a auditionné au début de l’été les présidents des conférences de CME de CHU et de CME de centres hospitaliers, respectivement Guy Moulin et Frédéric Martineau. Les sénateurs ont pu constaté qu’entre l’hôpital et les ARS, rien ne va vraiment. Les deux présidents se sont en effet livrés à une critique qui ressemble fort à un réquisitoire. Première critique : le manque d’autonomie des ARS qui ne sont, selon Guy Moulin, que « le bras armé du ministère » chargé d’imposer « des objectifs comptables aux établissements ». « On observe des injonctions venant d’en haut, que les ARS doivent appliquer en exerçant un rôle de tutelle et en gommant toute notion d’autonomie des établissement de santé », a renchéri Frédéric Martineau. Il juge que « l’organisation régionale et territoriale de la santé est délaissée, tout comme l’aide à la réflexion stratégique et à la transversalité de l’offre de soins », les ARS ne jouant pas « le rôle d’interface » qu’elles sont sensées jouer. D’ailleurs, la politique des ARS, singulièrement en ce qui concerne la création de Communautés Hospitalières de Territoire (CHT), pose « un problème de compréhension », selon les deux présidents, en raison de positionnements variables des agences qui balancent entre « incitation » et « injonction ».

Au catalogue des critiques figure aussi la « forte lourdeur bureaucratique » qui se manifeste notamment dans des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM) « imposés avec des délais contraints et un nombre d’indicateurs démesuré » dans des projets régionaux de santé avoisinant les mille pages (!) et dans « une culture de la réunion décourageante », dont il est difficile d’obtenir un retour et qui débouche rarement sur des actions concrètes. Quant au décloisonnement attendu de la création des ARS, il est inexistant à l’heure actuelle, s’il faut en croire Frédéric Martineau. « Nous recherchons avec les ARS un véritable dialogue stratégique, voire des initiatives dans le but de favoriser la coopération, les réseaux et le décloisonnement entre les différents acteurs de santé », affirme-t-il, tout en constatant que les agences s’occupent essentiellement de l’hôpital, sur lequel « elles ont un levier d’action », et très peu de la médecine libérale et du secteur médico-social.

La dénonciation par Guy Moulin des contrôles de codage de la T2A « réalisés de manière hétérogène entre régions mais aussi à l’intérieur d’une même région » et prenant souvent « un aspect inquisitorial » parachève ce réquisitoire des hospitaliers contre les ARS. Auditionné à leur suite, le Directeur Général de l’Offre de Soins (DGOS), Jean Debeaupuis, s’est fait l’avocat de la défense, écartant les critiques et soulignant que quelques cas « d’interventionnisme » ne devaient pas cacher que « dans l’écrasante majorité, les relations sont tout à fait satisfaisantes, apaisées, professionnelles et respectueuses de chacun ». Aux hospitaliers et aux cliniques privées d’apprécier la justesse de la plaidoirie…




Le dialogue social à l’hôpital selon le rapport Couty

Hôpital

362-363 – Catherine Sanfourche – Pour enrayer le malaise qui sévit au sein de l’hôpital public, la mission Couty préconise d’engager au niveau national, dès cette année, des négociations sur l’amélioration des conditions de travail.

 A côté de la réforme de la gouvernance, de celle de la tarification ou encore de la création des contrats territoriaux de service public que nous avons largement développé dans notre précédent numéro (voir Le Cardiologue n° 361), le rapport Couty sur le pacte de confiance pour l’hôpital consacre un large chapitre à la refondation du cadre du dialogue social aux niveaux national, régional et local. Il faut dire que ce chapitre commence par un sombre constat : « perte de confiance », « dégradation des relations sociales », « tensions locales », « déficit d’attractivité »,

autant de causes qui engendrent « des difficultés de recrutement » à l’hôpital, et sans oublier « une hausse de l’absentéisme » et « l’exposition des professionnels aux risques professionnels et psychosociaux ». On vit mal et malheureux quand on travaille à l’hôpital public. Pour remédier à cet état délétère, Edouard Couty avance plusieurs mesures pour réinstaurer le dialogue social. Il propose tout d’abord de faire du Comité Consultatif National Paritaire (CCNP), qui est actuellement consulté par le ministère de la Santé sur les questions relatives aux PH, « l’instance du dialogue social au niveau national ». Sa composition et ses missions pourraient être élargies. Ainsi pourraient être intégrés à ses compétences « les sujets prioritaires portés par l’ensemble des organisations institutionnelles et professionnelles de l’Etat et des milieux sanitaires, sociaux et médico-sociaux ». Le CCNP « new-look » pourrait également abordé des questions d’éthique professionnelle, de démographie, de formation, de comptes épargne-temps, de recrutement, d’organisation du travail, de coopérations interétablissements ou interprofessionnelles et de la création de métiers intermédiaires en santé.

La mission Couty propose d’ouvrir dès cette année, au niveau national, « des négociations sur l’amélioration des conditions de travail » pour les PH et les agents de laFonction Publique Hospitalière (FPH). Dès cette année aussi, une concertation pourrait être lancée au niveau national « en vue de répartir les responsabilités en fonction des thèmes soumis à la négociation », qui associerait les représentants du ministère de la Santé et les organisations syndicales représentatives des professionnels. Pour la mission Couty, il importe de « préciser le cadre juridique de la négociation » à tous les niveaux tout comme « les droits et obligations de l’ensemble des parties », en ce qui concerne notamment le respect des engagements en termes de contenu, de délai de mise en œuvre, de qualité du suivi et d’évaluation.

 




L’encadrement de l’activité libérale reporté à l’année prochaine

357 – C’est le sentiment d’un grand cafouillage que suscite la comédie en trois actes qui vient de se jouer autour de l’encadrement de l’activité libérale à l’hôpital durant le débat du PLFSS 2013.

Acte 1 _ Les députés adoptent un article (42 bis) présenté par Christian Paul (PS, Nièvre) qui supprime le paiement direct au praticien et prévoit une majoration de la redevance versée à l’établissement en cas de dépassement du seuil fixé par décret.

En outre, le directeur de l’hôpital aurait la possibilité de saisir l’ARS en cas de non-respect des obligations du praticien, et le directeur de l’ARS pourrait retirer l’autorisation d’exercer au dit praticien. Christian Paul voit dans cette article 42 bis la « réponse satisfaisante » au problème des abus de « quelques centaines » de médecins hospitaliers qui ont « un effet très fort sur le moral des PH ». Le gouvernement soutient l’initiative de Christian Paul et la ministre de la Santé, Marisol Touraine, juge « utile de prendre ces premières mesures ».

Acte 2 _ Le texte arrive au Sénat où les sénateurs ne l’entendent pas de la même oreille. Sa commission des affaires sociales adopte un amendement supprimant l’article 42 bis voté par les députés. Non que le Sénat majoritairement socialiste ne soit pas en phase avec ses collègues députés, au contraire, explique en substance le rapporteur général Yves Daubigny (PS, Aisne).

Simplement le Sénat trouve assez inopportun de trancher sur le sujet alors qu’on a confi é il y a peu une mission sur le sujet à Dominique Laurent. Inutile aussi alors que les médecins libéraux sont dans la rue d’y faire descendre les hospitaliers, car tous les syndicats de praticiens hospitaliers ont fait savoir qu’ils étaient farouchement opposés à l’amendement voté à l’Assemblé nationale.

Acte 3 _ En ouverture de la discussion du PLFSS au Sénat, Marisol Touraine demande la suppression de l’encadrement renforcé de l’activité libérale à l’hôpital, expliquant que le vote de l’article 42 bis à l’Assemblée a « donné le sentiment que le Parlement voulait se prononcer avant que la commission (Ndlr : dirigée par Dominique Laurent) ne termine ses travaux ». Dans la foulée, les députés de la commission des affaires ont accepté de renoncer à l’article 42 bis. Christian Paul a expliqué la nécessité d’élaborer un « texte législatif de portée plus complète » pour limiter les dépassements d’honoraires des praticiens hospitaliers ayant une activité libérale à l’hôpital. Ainsi, une proposition de loi devrait être déposée « au plus tard avant la fi n du premier semestre 2013 », qui tiendra compte des conclusions de la mission Laurent. Ce timing semble effectivement plus logique… ■

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• La progression réelle du budget hospitalier 2013 selon la FHF _ Alors que l’ONDAM hospitalier a été fi xé à 2,6 % pour 2013, la Fédération Hospitalière de France estime que le taux nécessaire pour reconduire les moyens des hôpitaux l’année prochaine devrait s’établir à 3,07 %, hors mesures nouvelles. La FHF fonde ce taux sur les estimations de l’évolution de chaque groupe de dépenses hospitalières : les dépenses de personnel, qui représentent en moyenne 65 % du budget d’un établissement, celles de médicaments et DM 16 %, celles d’énergie, logistique et assurance 9,7 % et les dépenses du titre IV (taux d’intérêt) 9,3 %. Selon la FHF, chacun de ces postes de dépenses devrait augmenter en 2013 respectivement de 1,79 %, 0,16 %, 0,52 % et 0,61 %. Le taux global de progression pourrait même être un eu plus élevé (3,17 %) en ajoutant 0,1 % sur le titre IV pour les dotations aux provisions pour les Comptes Epargne Temps (CET) pour 2013.

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• Déficit structurel des hôpitaux en 2011 : + 138 millions _ Selon le rapport du ministère de la Santé au Parlement sur le fi nancement des établissements de santé publique, le résultat principal des établissements publics passerait d’un défi cit de 405 millions d’euros en 2010 à un défi cit de 430 millions d’euros en 2011. Tandis qu’on observe une détérioration essentiellement pour les centres hospitaliers de moyenne et grande taille, on note une amélioration pour les CHU, les CHS et les petits CH. Ce résultat comptable intègre les aides allouées au titre du retour à l’équilibre et des restructurations, ce qui vient amoindrir les défi cits, souligne le ministère. Ces aides contractuelles aux hôpitaux publics auraient progressé entre 2010 et 2011 de 359 millions à 463 millions d’euros. « Corrigé de ces aides, indique le rapport du ministère de la Santé, le défi cit structurel se creuserait de 764 millions à 902 millions d’euros », soit une aggravation de 138 millions d’euros.

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• Tarifs hospitaliers gelés en 2013 _ C’est lors de son audition par la commission des affaires sociales du Sénat sur le PLFSS 2013 que Marisol Touraine a expliqué que la mise en réserve des dépenses entrant dans le champ de l’ONDAM passerait notamment par un gel des tarifs hospitaliers l’année prochaine. La ministre de la Santé n’a pas indiqué si ce gel concernerait tous les tarifs ou une partie seulement, ni s’il s’exercerait pendant toute l’année 2013. En revanche elle a précisé qu’il n’y aurait pas de gel des crédits des MIGAC pour les hôpitaux. La mise en réserve s’élèvera à 545 millions d’euros, soit le même montant qu’en 2012, qui avait été supporté par les établissements pour 415 millions d’euros, par le secteur médicosocial pour 100 Millions et par le FIQCS pour 30 millions d’euros.




Une « neutralité » tarifaire très hypothétique

356 – Ce rapport cherche à savoir si ces deux outils tarifaires qui avaient pour objectif « de mieux connaître l’activité de soins mais aussi de rendre la rémunération des acteurs du système de santé plus équitable » ont permis d’atteindre cet objectif. Rien de moins sûr. Concernant la tarification des séjours hospitaliers, l’IGAS constate que la « neutralité » dans l’allocation des ressources entre activité que sont censés apporter les GHM n’existe pas. « Les tarifs T2A actuels s’écartent de cette neutralité (pour plus d’un milliard d’euros globalement, à la hausse comme à la baisse) et ces écarts ne se résorbent pas. Il sont plus marquées, relativement, pour les cliniques privées que pour les établissements publics ». Selon les auteurs du rapport, « ces écarts tiennent pour l’essentiel au conflit entre le principe de neutralité tarifaire inhérent à la T2A et le souci de ménager les ressources “historiques” des établissements ».

Concernant la tarification des actes techniques des libéraux, les auteurs estiment que la convergence entre les tarifs cibles résultant de l’élaboration de la CCAM et la rémunération antérieure des actes a « d’emblée achoppé sur le refus des syndicats médicaux d’entériner des “pertes” sur les actes historiquement “surtarifés” ». Car bien sûr, ce processus se fait dans le cadre d’une enveloppe fermée au sein de l’ONDAM, la revalorisation de certains actes ne peut se faire que par des baisses de tarif sur d’autres actes. « Faute de marges de manoeuvre financières permettant d’aligner tous les tarifs sur les plus favorables, le processus de convergence n’a permis qu’une revalorisation partielle des actes qui devaient bénéficier de la nouvelle tarification. » Mais le rapport de l’IGAS souligne que « la cible elle-même est devenu obsolète » puisque « ni l’évaluation du travail médical, ni l’estimation des coûts de la pratique n’ont été actualisées alors que des évolutions sont nécessairement intervenues d’une part et que des limites méthodologiques d’emblée identifiés appelaient à des affinements continus d’autres part ». L’IGAS recommande donc de confier la maintenance de la nomenclature (libellés des actes) à « une instance autonome, distincte de la CNAM, pour garantir une meilleure prise en compte des innovations ».




Finances de l’hôpital : le grand emprunt au secours de l’hôpital

355 – Les finances de l’hôpital public vont mal, on le sait. Poussés par les plans Hôpital 2007 et Hôpital 2012, ils ont massivement investi pour se moderniser, mais se sont du même coup endettés : en dix ans, l’endettement hospitalier a triplé pour attendre aujourd’hui 24 milliards d’euros. Mais, outre qu’à ce stade la poursuite de l’endettement serait périlleuse, les banques rechignent de plus en plus à consentir des prêts aux hôpitaux jugeant le secteur hospitalier peu fi able. Les établissements ont donc souvent puisé sur leur budget de fonctionnement pour leurs investissements de modernisation, autrement dit sur ce qui leur vient de l’Assurance Maladie. Dans un rapport récent de sa Mission d’Evaluation et de Contrôle de la Sécurité Sociale (MECSS), le Sénat juge qu’il serait judicieux que l’Etat recoure aux ressources du grand emprunt pour les investissements hospitaliers.

Marisol Touraine a confirmé que c’était une piste sur laquelle le Gouvernement travaillait : « Nous réfléchissons à trouver des fonds qui ne soient pas ceux de la Sécurité Sociale, mais, par exemple, l’argent du grand emprunt ». La ministre chiffre les besoins d’investissement immobilier des hôpitaux dans les années à venir à environ 6 milliards d’euros. Selon le commissariat général à l’investissement, il reste actuellement 8 milliards d’euros à allouer dans le cadre du grand emprunt.

En attendant la décision Gouvernementale sur ce sujet, il reste à parer au plus urgent, c’est-à-dire à améliorer la trésorerie des établissements. Certains hôpitaux connaissent des fi ns de mois plus que difficiles. Pour ce faire, un arrêté paru à la fin du mois d’août vient modifier un précédent arrêté de janvier 2008 en avançant de cinq jours les versements de l’Assurance Maladie aux hôpitaux : désormais, 60 % de l’allocation mensuelle sera versée au 20e jour du mois au lieu du 25e jour, tandis que les 40 % restants seront toujours versés le 5e et le 15e jour du mois suivant. Cette mesure avait été demandée par la FHF, qui s’est également prononcée en faveur d’un « livret H », sur le modéèle du livret 4, et qui serait géré par la Caisse des dépôts et consignations.

Dans son rapport, la MECSS du Sénat dit avoir pu « mettre en évidence des déterminants que les établissements mobilisent de façon privilégiée pour améliorer leurs résultats financiers, mais souligne que la qualité de soins est un priorité, la nonqualité constituant d’ailleurs « un gisement à exploiter ». En conséquence, le Sénat considère qu’il est « indispensable que les décideurs et en particulier les ARS accordent une même importance aux résultats sur la qualité qu’aux résultats financiers », et se doter pour cela « de véritables indicateurs de résultats et non pas seulement de moyens ou de procédures ». ■

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Les hôpitaux ont perdu leur « triple A »

354 – La redoutable agence Moody’s a dégradé les hôpitaux français cet été. La note des CHRU est passé de AAA à BAA1, tandis que celle des CHU a été abaissée à A1. La raison de cette dégradation ? La « détérioration rapide de la situation financière de certains hôpitaux », explique Moody’s, qui s’inquiète de la « pression particulièrement forte sur la trésorerie des hôpitaux ». Le retrait de Dexia, qui était le principal acteur du marché, explique cette pression. Et pour l’heure, les autres banques, qui doivent renforcer leurs fonds propres, refusent de prendre le relais, jugeant risqué le secteur hospitalier. De 9 milliards d’euros en 2001, la dette des hôpitaux atteignait 24 milliards en 2010. Selon une estimation de la Fédération Hospitalière de France (FHF), les besoins financiers non couverts des établissements hospitaliers s’élèvent à 3,3 milliards d’euros, dont 1,3 milliard pour le financement de court terme et 2 milliards pour le financement d’opérations d’investissement. FHF a alerté les pouvoirs publics et les élus, et préconise certaines mesures pour « pallier la carence du secteur bancaire ». Ainsi, une modification de l’arrêté de 2008 sur les versements de l’Assurance Maladie aux hôpitaux – qui interviennent actuellement deux mois après la réalisation des actes- permettrait d’avancer de plusieurs jours ces paiements. La FHF demande aussi que les hôpitaux puissent contracter des prêts de court terme auprès de la Caisse des dépôts et consignations et suggère, entre autre, la création d’un « livret H ». ■




Le privé s’engage sur la transparence des honoraires

354 – Avant même que le début des négociations sur les dépassements d’honoraires, les libéraux de l’hospitalisation privée ont adopté une charte de transparence sur les tarifs et les honoraires.

Le Comité de liaison et d’action de l’hospitalisation privée a adopté lors d’une séance plénière du 13 juin dernier un projet de charte des bonnes pratiques dans les cliniques. En élaborant ce texte, les membres du CLAHP ([La Fédération de l’Hospitalisation Privée (FHP), la Conférence Nationale des Présidents de Conférence Médicale d’Etablissement de l’Hospitalisation Privée (CNPCMEHP), la CSMF, la FMF, le BLOC et le SML.)] veulent assurer une transparence complète sur les tarifs, les honoraires pratiqués et les sommes restant à la charge des patients dans les établissements privés. Selon le CLAHP, « le problème de l’accès financier aux soins nécessite de trouver des réponses adaptées à la diversité des situations ». La charte recommande donc d’apporter aux patients « une information globale et détaillée » en préalable à toute hospitalisation afin de « garantir la transparence complète sur les sommes pouvant rester à charge ». Cette information doit préciser les suppléments demandés par l’établissement ainsi que les compléments d’honoraires des différents intervenants. Et, de même qu’on recueille aujourd’hui le consentement des patients pour une intervention, son accord devra être également obtenu et formaliser dans un document « en plusieurs exemplaires ».

Concernant l’accès aux soins, la charte rappelle qu’aucun supplément d’honoraires ne peut être réclamé « pour l’ensemble des prestations délivrées au patient dès lors qu’il est admis au titre de l’urgence, dans le cadre des missions de service public » et aux bénéficiaires de la CMU ou de l’AME « sauf en cas d’exigence particulière du patient ». En dehors de ces cas, la charte du CLAHP recommande d’appliquer « les règles du tact et de la mesure » pour « favoriser une prise en charge sécurisée en tarif opposable des patients économiquement défavorisés, de nature à leur permettre d’exercer le libre choix d’accès aux établissements privés ».

Enfin, les membres du CLAHP préconisent une concertation périodique dans chaque établissement, au sein de la CME, « pour débattre en toute transparence et confraternité des pratiques tarifaires, afin de garantir au patient le respect du tact et de la mesure dans la fixation des honoraires ».

Le CLAHP se réserve la possibilité d’amender cette charte en fonction des modifi cations pouvant intervenir lors des négociations sur les dépassements d’honoraires. Nul doute qu’amendement il y aura : la première séance de négociation sur les dépassements d’honoraires font entrevoir un dispositif coercitif qui ne s’en remettra pas à la seule « autodiscipline » des acteurs du privé…




La parole au CNCH

353 – Cela devait bien arriver. _ Le Cardiologue, malgré ses 50 ans d’existence, n’avait pas encore connu de demande de « droit de réponse ».

Cette exigence ne provient pas d’un responsable de l’Assurance Maladie ou d’une ARS, souvent égratignées dans nos colonnes, ni d’un cabinet ministériel parfois interpellé dans tel ou tel chapitre, non, elle émane de confrères cardiologues qui président le CNCH.

Les docteurs Hanssen et Cattan ont été irrités par une interview de Jacques Berland, cardiologue libéral à Rouen, parue dans le numéro 349 en page 10 dans la rubrique « Hôpital », consacrée justement au Livre Blanc du CNCH , dont notre journal a souhaité faire en quelque sorte la promotion, répondant favorablement à une requête de ses auteurs (lettre du 10 janvier 2012). Cette démarche visait ainsi à confi rmer que, pour notre équipe rédactionnelle, il n’existe pas plusieurs cardiologies, libérale ou hospitalière, publique ou privée, mais une seule, au service de nos patients, c’est d’ailleurs aussi pour cela qu’a été créée voici deux ans cette rubrique « Hôpital ».

Bien que les propos de Jacques Berland ne constituent nullement une mise en cause du CNCH ou des auteurs de ce Livre Blanc et que, d’autre part, les conditions du droit de réponse telles que défi nies par la loi du 29 juillet 1881 (article 13) ne soient pas réunies, c’est bien volontiers que Le Cardiologue publie dans un souci de confraternité la « réponse » des intéressés.

Docteur Christian Aviérinos, Directeur de la publication

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Notre ami Jacques Berland a semblé, dans l’article, mettre en doute les données chiffrées du Livre Blanc du CNCH concernant les tarifs des GHS de cardiologie interventionnelle privés et publics ainsi que la rémunération des astreintes de cardiologie interventionnelle dans le privé et dans le public.

Il nous semble en conséquence utile de préciser un certain nombre de données.

Les tarifs des GHS publics incluent la rémunération des personnels médicaux et non médicaux, les charges logistiques, hôtelières et générales et le montant des actes de biologie, d’imagerie et notamment d’explorations cardiologiques. Les tarifs opposables au secteur public constituent de ce fait des tarifs « tout compris ». Les Dispositifs Médicaux Implantables (DMI) sont facturés en sus des tarifs par l’AM après appel d’offre, et non pas au prix LPPR.

En revanche, les tarifs des GHS opposables au secteur privé à but lucratif ne couvrent qu’une partie des charges exposées pour la prise en charge d’un patient, ils incluent le salaire des personnels non médicaux, les charges logistiques, hôtelières et générales. Les honoraires de tous les actes médicaux réalisés pendant le séjour sont facturés en sus, ainsi que les DMI mais au prix LPPR.

Les différences de tarification entre les GHS privés et publics dans le domaine de la cardiologie interventionnelle (les coûts totaux pour l’Assurance Maladie des GHS du privé étant plus élevés) ont déjà fait l’objet de plusieurs publications et notamment la plus récente : « Proposition de l’AM sur les charges et produits pour l’année 2012 », Conseil du CNAMTS du 01/07/2011 (page 34).

_ www.annuaire-secu.com/17_2.html

_ En ce qui concerne le GHM « endoprothèse coronaire sans infarctus du myocarde de niveau 1 » (mentionné dans le Livre Blanc du CNCH et dans l’article de la revue Le Cardiologue), les données sources sont tout ce qu’il y a de plus offi ciel. Les tarifs des GHS font l’objet d’un arrêté tarifaire annuel, tandis que les montants des honoraires s’ajoutant au coût du GHM sont ceux fournis par l’Agence Technique de l’Information sur l’Hospitalisation (ATIH) dans l’échelle nationale des coûts à méthodologie commune, et reposent en conséquence sur les montants d’honoraires constatés dans les cliniques participants à cette étude, sous l’égide de la FHP.

Le coût pour l’AM (hors DMI) du tarif « privé » pour le GHS « endoprothèse coronaire sans IDM niveau 1 « se décompose de la façon suivante : Tarif 2011 : 1 960,30 €, _ Honoraires médicaux (données ENCc) : 1 885,36 €, _ soit un coût total : 3 845,66 €,

Pour mémoire, le tarif opposable au secteur public pour le GHS similaire, s’établit à 2 545,43 €. ■

_ Dr Michel Hanssen Dr S. Cattan _ Président du CNCH Président élu du CNCHG




Urgences : des modifications dans le financement dès 2013

353 – Lors du congrès Urgences 2012 qui s’est tenu récemment, Perrine Ramé-Mathieu, de la Direction Générale de l’Offre de Soins (DGOS) a indiqué que les premières modifications de financement des urgences devraient être mises en oeuvre dès la campagne tarifaire de 2013. C’est à la suite du congrès Urgences 2011 que des travaux ont été initiés sur le financement des SAMU, des SMUR et des diverses structures d’urgences. L’état des lieux a montré les limites du système actuel fondé sur des forfaits, des consultations et des actes externes, des GHS, des MIG et des Missions d’Enseignement, de Recherche, de Référence et d’Innovation (MERRI). Ce véritable « maquis » du financement des urgences ne pêche pas seulement par la complexité de la facturation et son manque de lisibilité, mais il est aussi à l’origine de fortes disparités entre les établissements, les SAMU, les SMUR à activité comparable, notamment pour les MIG. Le secrétaire général de SAMU- Urgences de France, François Braun critique ainsi le principe actuel de réduction de la MIG SMUR « sous prétexte de mutualisation avec la régularisation des urgences », et évoque le problème des SMUR multisites dont la MIG est plus faible par rapport aux MIG théoriques de chaque site. Enfin, les hospitaliers dénoncent également le problème de redistribution des recettes entre les urgences et les pôles d’hospitalisation : certains services d’urgences sont déficitaires tandis que des services d’aval sont bénéficiaires. « Ce genre d’organisation tue un service d’urgences », remarque le Pr Bruno Riou, du service des urgences de la Pitié- Salpêtrière, qui préconise la diffusion d’une règle de répartition homogène.

C’est au cours du deuxième semestre de cette année que des propositions d’évolution du modèle de financement devraient être formulées et soumises à concertation pour un début de mise en oeuvre en 2013, qui concernerait dans un premier temps les MIG SAMU et peut-être les MIG SMUR. Une deuxième étape concernerait les structures des urgences. Marisol Touraine a assuré qu’elle allait « essayer de faire en sorte que les choses avancent »




Les 10 propositions de la Mission hôpital public

353 – La Mission Hôpital Public (MHP), confiée à l’été 2011 par Xavier Bertrand au Dr Francis Fellinger, alors président de la conférence nationale des présidents de CME, président de la CME du CH d’Haguenau, et à Frédéric Boiron, président de l’Association des Directeurs d’Hôpital (ADH), a rencontré plus de 2 000 professionnels hospitaliers au cours de 45 réunions territoriales. Au nombre des points majeurs émergeant de cette concertation, la mission souligne notamment « un attachement puissant à la notion de service public » et « une capacité réelle de mouvement et de modernisation ». La gouvernance interne est « désormais installée » et fonctionne plutôt bien, à quelques « situations localisées » près ; la MHP n’a pas reçu de « demande générale de bouleversement des équilibres actuels de la gouvernance ou du rôle des instances ». En revanche la demande « d’accalmie réglementaire » est très forte, tout comme l’est « un besoin de concertation, de dialogue, de formations partagées ». Corollaire à la saturation de réglementation, les hospitaliers réclament « souplesse et confiance » et de « disposer de plus grandes marges locales d’adaptation de leurs structures et de leurs règles de coopération ou de gouvernance ». Enfin, la MHP a pu constater qu’en l’état la T2A est loin de faire l’unanimité. Les hospitaliers déplorent que « les établissements perdent souvent des recettes T2A lorsqu’ils agissent de concert et plus encore en cas de fusion d’activités » et soulignent le « peu de valorisation de ceux qui s’engagent dans les coopérations, dans les réorganisations, dans la modernisation de l’offre de soins ou de service médico-sociaux ». Ils réclament des corrections aux effets pervers de ce mode de financement.

Au terme de cette large concertation, la MHP formule dix propositions : – corriger les effets négatifs du dispositif de financement à l’activité ; – valoriser la notion de service public hospitalier ; – stabiliser le cadre législatif et réglementaire actuel ; – introduire une plus grande souplesse des règles juridiques ; – organiser un appui régionalisé et territorialisé ; – rénover les relations entre ARS et établissements ; – soutenir la dimension managériale ; – valoriser les réussites et les acteurs qui les animent ; – achever et clarifier, lorsque c’est nécessaire, le positionnement des instances ; – soutenir le rôle spécifique des CHRU. ■




Baisse de l’investissement hospitalier en 2010

352 – Selon la note de conjoncture sur les finances hospitalières présentée il y a quelques semaines par Dexia crédit local, l’investissement des établissements publics de santé a reculé en 2010, pour la première fois depuis dix ans.

A l’exception des établissements psychiatriques, cette baisse concerne toutes les catégories d’établissements publics. Après une hausse continue et soutenue depuis 2001, les investissements ont reculé de 4,5 %, à 6,5 milliards d’euros (données de la Direction générale des finances publiques). Un recul que Dexia explique par « un essoufflement du Plan Hôpital 2007 » non relayé « dans les mêmes volumes » par le Plan Hôpital 2012. Un nouveau « petit repli » devrait être observé en 2011, et « un décrochage » cette année dû à l’ajournement de la deuxième tranche du Plan Hôpital 2012 et aux difficultés d’accès aux crédits bancaires qui se sont accentuées en début d’année. Nombre de responsables hospitaliers se limitent de ce fait aux investissements courants en attendant une meilleure visibilité. Alors que l’endettement des établissements publics avait toujours augmenté entre 2001 et 2009, il a chuté de presque 20 %, passant de 3 milliards d’euros en 2009 à 2,4 milliards en 2010.

De 2009 à 2010, la capacité d’autofinancement des établissements publics s’est maintenue à 3,9 milliards d’euros, couvrant une part croissante des dépenses d’investissements. Mais Dexia souligne des évolutions divergentes selon les catégories d’établissements : si les CHU enregistrent une hausse continue depuis 2006, les centres hospitaliers montrent une baisse en 2010.

Le déficit net tous budgets confondus s’est maintenu à 220 millions d’euros en 2010, malgré la contrainte budgétaire qui s’est resserrée autour des hôpitaux. Si les CHU totalisent encore 250 millions d’euros de déficit, ce sont eux qui ont amélioré le plus leur résultat cette année-là (au moins 120 millions d’euros hors AP-HP). Sur les 31 CHR et CU, « 18 sont encore en déficit contre 22 l’année précédente, six ayant basculé côté excédent et deux côtés déficit ».




Le casse-tête explosif des comptes épargne temps

Instaurés en même temps que les 35 heures, en janvier 2002, les Comptes Epargne Temps (CET) ont permis au personnel hospitalier (médecins, infirmières, administratifs, etc.) de cumuler leur RTT pendant dix ans. A quelques semaines de leur échéance, en janvier prochain, les voilà comme une bombe à retardement prête à exploser.

A eux seuls, les 40 000 praticiens hospitaliers ont cumulé deux millions de jours de RTT. En l’état actuel des textes, deux voies s’offrent pour liquider les comptes : soit les médecins soldent l’ensemble de leurs jours de RTT, soit on leur paye. La première solution ? « Même pas en rêve » ! A l’heure où la FHF se lance dans une grande campagne de communication pour inciter les jeunes médecins à embrasser la carrière hospitalière, cherchant ainsi à pourvoir les quelque 10 000 postes vacants à l’hôpital public, on voit mal comment pourraient fonctionner les établissements hospitaliers qui se débattent déjà avec la pénurie actuelle de personnel. La deuxième solution reviendrait à débourser entre 600 et 700 millions d’euros pour les seuls médecins. Or, les hôpitaux ont « majoritairement peu provisionné cette dépense », selon le ministère qui estime qu’entre 30 % et 50 % seulement des établissements ont constitué cette cagnotte. Quant à l’Etat, il a fait savoir qu’il ne débourserait pas un euro pour payer les RTT des hospitaliers.

Sur l’insistance des organisations syndicales hospitalières, des négociations ont donc commencé. Sauf à se retrouver devant un vide juridique au 1er janvier prochain, un décret doit paraître « pour donner de la souplesse » au dispositif des CET, selon l’expression de Xavier Bertrand, le ministre du Travail, de l’Emploi et de la Santé.

Une décision irrévocable

Une première rédaction de ce décret prévoit l’annulation de l’échéance décennale, ce qui repousserait la date fatidique qui approche. Cela peut donner du temps au temps, mais ne constitue pas une solution. Parmi les autres mesures d’assouplissement, Xavier Bertrand a aussi indiqué que les médecins pourraient « soit partir un peu plus tôt à la retraite, soit se faire payer des jours ». Le projet de décret prévoit en effet qu’au-delà de 20 jours de RTT sur le compte, le praticien pourrait opter pour une prise en compte de ces jours au titre du régime de retraite complémentaire, pour une indemnisation, qui serait de 300 euros par jour, ou pour un maintien de ses jours dans son CET. Le praticien devrait choisir son option au plus tard le 1er avril de l’année suivante et cette option serait « irrévocable »]. En l’absence de choix, les jours sur son compte excédant le seuil abonderaient le régime de retraite complémentaire. En deçà de 20 jours de RTT sur son CET, le praticien pourrait les utiliser sous forme de congés.

Vers un accord tripartie

Le projet de décret prévoit de permettre de déplafonner le nombre de jours inscrits par an sur un CET dans une limite fi xée par un arrêté et qui pourrait être de 30 jours. Le même arrêté fixerait aussi à 300 jours le nombre de RTT pouvant être inscrit sur un CET. Enfin, obligation pourrait être faite aux établissements de constituer des provisions pour les CET des praticiens. A l’issue des dernières réunions entre les organisations syndicales et le ministère de la Santé, on s’acheminait vers un accord sur trois solutions possibles. Les praticiens pourraient, soit prendre leur RTT de façon échelonnée, soit se les faire payer, soit les thésauriser sur un plan d’épargne retraite. ■




Gestion : le système de santé idéal selon la FHF-MCO

351 – « Piloter notre système de santé avec justesse et impartialité » peut être fait dès cette année, estime la FHF-MCO. Pas sûr, étant donné, la première proposition faite. Considérant que le double rôle de régulateur régional et de responsable de la bonne gestion des établissements de santé publique joué par les directeurs d’ARS les empêche d’être « justes et impartiaux dans leurs choix », la FHP-MCO conclut à la nécessité « de disposer d’agences régionales régulatrices indépendantes » et d’une Agence nationale de la santé pour assurer le pilotage national.

Revoir la politique tarifaire des établissements de santé _ Dès cette année aussi, il serait possible d’avoir « des politiques de santé publique cohérentes et financées », coordonnées entre ville et hôpital, priorisées, évaluées sur le plan médico-économique et accompagnées d’incitations financières. Pour « garantir l’accès aux soins pour tous », il est possible d’agir dès 2012. Mais il faudra néanmoins parvenir à assurer l’accès à des professionnels de santé sur tout le territoire, à réguler le secteur 2, ce que ne parviendra pas à faire le secteur optionnel en l’état qui « ne répondra pas aux attentes des praticiens libéraux », et revoir la politique tarifaire des établissements de santé de façon à pouvoir maintenir les petits établissements de proximité. « Un accompagnement spécifi que et individualisé est, à notre sens, la seule réponse pragmatique à apporter ». Via une enveloppe MIGAC ? Pourquoi pas, estime FHF-MCO. Ce pourrait être une bonne façon de « requalifier les MIGAC sous forme tarifaire », dès cette année, plutôt que d’utiliser une grande partie de cette enveloppe de 8,3 milliards d’euros pour « alimenter sous forme de subvention déguisée les contrats de retour à l’équilibre des établissements de santé publics ». Un bon début pour « développer une politique de financement de la qualité », fondée sur « des indicateurs issus de l’exploitation des bases de données PMSI décrivant les pathologies prises en charge ».

Adapter les contraintes aux réalités _ Pour favoriser l’efficience, la FHP-MCO appelle à « lever les contraintes réglementaires de fonctionnement applicables aux établissements de santé », en adaptant les contraintes réglementaires obsolètes aux réalités de l’exercice médical d’aujourd’hui et en simplifiant les procédures administratives d’autorisation. Au chapitre des autorisations, la FHP-MCO dénonce une attitude dogmatique de « préférence du secteur public » de la tutelle, et appelle à « Maintenir un système concurrentiel, y compris sur les missions de service public ». Dès l’année prochaine, il serait possible de « développer l’efficience collective et individuelle », par le partage des actes médicaux rendu possible par la « standardisation et la sécurisation des procédés d’investigation et de traitement », et la délégation des tâches, y compris aux patients par le développement de ETP. Dès 2013, il faudrait aussi songer à « changer notre système de financement en arrêtant une modalité moins sensible aux aléas de la vie économique, notamment de l’emploi », autrement dit, renoncer au système mutualisé reposant sur les cotisations sociales. La FHF-MCO n’avance pas de solution alternative, mais pose une question qui contient peut-être sa réponse : « La fiscalisation est-elle la solution ? »

Enfin, il convient d’« accélérer la convergence tarifaire intersectorielle » et de l’amplifier « afin de produire au moins 250 millions d’euros d’économies par an (contre 100 millions prévus en 2012, ce qui est insuffisant) », pour parvenir à la convergence « à l’horizon 2018 ».




Dotation Non Affectée (DNA) : un patrimoine immobilier négligé

350 – L’hôpital manque de moyens et est endetté, mais il dort sur un « trésor » non négligeable : son patrimoine immobilier. Fin 2010, la commission des finances du Sénat a demandé à la Cour des comptes de réaliser une enquête sur la gestion de ce patrimoine. Vue l’ampleur du sujet (!), l’enquête a été restreinte au début de l’année 2011 au patrimoine privé des établissements non affecté aux soins, c’est-à-dire logements, terrains, vignes, etc., appelé Dotation Non Affectée (DNA). Le résultat est un rapport de 130 pages qui conclut que cette DNA est mal connue, mal utilisée et insuffisamment valorisée.

– La première critique porte sur la mauvaise connaissance du patrimoine privé des hôpitaux, liée notamment aux insuffisances de la comptabilité des hôpitaux, qui ne permet pas d’établir une base de données exhaustive pourtant nécessaire à toute stratégie globale. – La deuxième critique a trait à l’utilisation parfois contestable de ce patrimoine. Sollicités, des hôpitaux accueillent dans ces locaux des institutions diverses, liées ou pas aux problématiques de l’établissement. Quant à la politique de logement des personnels, elle est « mal maîtrisée », « insuffisamment encadrée », et déroge souvent aux règles d’attribution des logements de fonction. – Enfin, troisième critique, la DNA est le plus souvent « insuffisamment valorisée » : locaux loués à bas prix, mal entretenus, sites désaffectés et abandonnés partiellement ou totalement, accueillant des activités de soins ou une activité médico-sociale pour lesquelles ils sont inadaptés, ou encore laissés gratuitement à la disposition de partenaires externes. Alors que « en moyenne, sur la dernière décennie, les recettes des budgets consolidés retraçant l’exploitation du patrimoine non affecté se sont élevées à 100 millions d’euros par an » et que les cessions ont procuré en moyenne 70 millions d’euros par an, la Cour des comptes estime que le potentiel de valorisation du patrimoine privé pourrait « s’inscrire dans une fourchette très large de 1 à 11 milliards d’euros ».

Pour autant, le président de la 6e chambre de la Cour des comptes, Antoine Durrleman, souligne que les sommes qui pourraient être tirées d’une politique de valorisation de la DNA ne suffi raient ni à combler l’endettement hospitalier (24 milliards d’euros), ni à satisfaire le montant annuel des investissements hospitaliers (6 milliards d’euros). Mais elles pourraient apporter une contribution décisive au montage d’un plan de fi nancement.

La FHP préconise la mise sous administration provisoire des hôpitaux déficitaires _ La guerre continue entre l’hospitalisation publique et l’hospitalisation privée. Dénonçant « le manque d’efficience et la désorganisation des hôpitaux », le président de la FHP-MCO, Lamine Gharbi, estime qu’il faut « mettre fin au puits sans fond qu’est l’hôpital public avec le surcoût qu’il impose à la collectivité ». La FHP-MCO demande que soient mis sous administration provisoire tous les hôpitaux dont le déficit est important et durable. « Quand une clinique privée connaît des difficultés financières, le tribunal de commerce nomme un mandataire pour aider l’établissement à se redresser », argumente le délégué général de la FHP, Jean-Loup Durousset.

Bien évidemment, la FHF dénonce les « procès d’intention permanents » faits au secteur public par la FHP. Son délégué général, Gérard Vincent, souligne que les hôpitaux en déficit ne se satisfont pas de cet état de choses, mais doivent faire respecter des règles de gestion, assurer des tâches plus difficiles que les cliniques, et donc faire face à des surcoûts objectifs par rapport au secteur privé.

Contrats performance : un impact économique de 72 millions d’euros _ Comme en réponse aux critiques de la FHP, l’Agence Nationale d’Appui à la Performance des établissements de santé et médico-sociaux (ANAP) fait savoir qu’à la fi n décembre 2011, l’impact économique des 25 premiers contrats performance signés avec des établissements hospitaliers s’élevait à 72 millions d’euros provenant des recettes des établissements et d’économies de charges. Ces 25 contrats représentent plus de 10 % des lits de MCO en France et plus de 200 chantiers d’amélioration engagés. Ces chantiers portent sur l’amélioration de la gestion des lits, la réduction des coûts de logistique générale, le développement de la chirurgie ambulatoire, l’informatisation du dossier patient ou encore la réduction des délais de rendez-vous. L’ANAP devrait signer cinq nouveaux contrats d’ici à la fi n du mois, préparés dans le cadre de la « vague III » des projets , qui concernera 20 établissements. ■




Rémunération à la performance : une prochaine expérimentation dans les établissements de santé

Lors du premier congrès du syndicat des cliniques de médecine, chirurgie, obstétrique de la Fédération de l’Hospitalisation Privée (FHPMCO) qui s’est tenu à Paris le mois dernier, la directrice de la DGOS, Annie Podeur, a annoncé qu’une expérimentation sur la prise en compte de la qualité dans le mode de financement des établissements de santé pourrait démarrer en 2013. Après les médecins libéraux, les hôpitaux connaîtraient ainsi eux aussi la « rémunération à la performance ». L’idée n’est pas tout à fait nouvelle, et déjà, en mai 2010, en marge d’Hôpital-Expo, la ministre alors en charge de la Santé, Roselyne Bachelot, avait dit avoir demandé aux services ministériels d’y réfléchir. Annie Podeur a précisé que la DGOS et les fédérations hospitalières s’étaient engagées sur la définition d’un modèle permettant la prise en compte des « efforts de qualité particuliers consentis par un établissement ». Ce modèle se fonderait sur des indicateurs de qualité à commencer par ceux concernant les infections nosocomiales « disponibles, publics et généralisés » (www.icalin. sante.gouv.fr). Mais d’autres indicateurs sont en cours de construction (www.platine.sante.gouv.fr).

Ne pas prendre de l’argent aux uns pour le donner aux autres _ « Il s’agit d’une démarche conjointe de la DGOS et de l’ensemble de l’hospitalisation, pour une fois sur la même longueur d’onde, ce dont nous nous félicitons, commente Lamine Gharbi, le président du syndicat FHP-MCO. Il faut se rendre à l’évidence, il n’y aura pas de hausse de tarif de sitôt ; l’on cherche donc des moyens d’obtenir une rémunération complémentaire. Il n’est pas question de pénaliser les établissements qui connaissent déjà des difficultés, mais de valoriser les meilleurs, ceux qui feront montre de créativité pour aller un peu plus loin que le standard commun de qualité, en leur donnant un supplément de rémunération dont le taux reste à définir. Et cela doit se faire avec un budget spécifique, et non en prenant de l’argent aux uns pour le donner à d’autres. A la FHP-MCO, nous avons constitué un groupe de travail qui réfléchit à des indicateurs, qui pourraient concerner, par exemple, le taux de chirurgie ambulatoire ou le taux de réhospitalisation. Nous devrions être en mesure de faire des propositions à la fi n de l’année ou au début de 2012. »

Le flou le plus total _ Président de la Coordination Médicale Hospitalière (CMH), François Aubart n’est pas opposé au principe, mais émet quelques doutes quant à sa concrétisation. « Lier activité, qualité et financement relève du bon sens. Mais la mise en forme de ce principe n’a pas à ce jour d’exemple abouti et je suis préoccupé par l’absence de modèle qui puisse être cloné et adapté au système français. Il faut tout élaborer de A à Z, sinon, on risque de n’avoir qu’une apparence de qualitatif, un simple vernis. La tarification à l’activité est pervertie par la régulation prix/volume qui n’est pas autre chose que la gestion d’une enveloppe façon budget global, et quant à la rémunération à la qualité, on est pour l’instant sur ce sujet dans le flou le plus total. » Effectivement, un « scénario opérationnel des expérimentations » reste à trouver avec les fédérations hospitalières, ainsi que la directrice générale de la santé l’a indiqué. ■(gallery)




Le problème des CET résolu

349 – L’épineux dossier des quelque 2,1 millions de RTT inscrits dans les Comptes Epargne Temps (CET) des praticiens hospitaliers a trouvé une issue en toute fin d’année. Les hospitaliers auront trois options pour « écluser » leur RTT cumulées au fil des ans : les prendre sous forme de congés, se les faire payer ou les cumuler pour une retraite anticipée. Si la dernière option peut intéresser un grand nombre de praticiens proches de la retraite, la première ne devrait pas avoir un grand succès : c’est précisément faute de pouvoir prendre des congés en raison de leur charge de travail que les hospitaliers ont cumulé tant de RTT… La plupart optera sans doute pour la monétisation de ces jours, dont le coût global est évalué à 600 millions d’euros sur quatre ans.




Six syndicats ont signé un accord cadre

349 – L’année 2010, qui a vu croître le malaise des hospitaliers, s’est finalement achevée par la signature d’un accord cadre sur l’exercice médical à l’hôpital paraphé par cinq organisations syndicales : la Coordination Médicale Hospitalière (CMH), le Syndicat National des Médecins, chirurgiens, spécialistes et biologistes des Hôpitaux (SNAM-HP), l’InterSyndicat National des Chefs de Clinique Assistants des Hôpitaux (ISNCCAH), l’Intersyndicale Nationale Autonome Représentative des Internes de Médecine Générale (ISNAR-IMG) et l’Intersyndicat National des Internes des Hôpitaux (ISNIH). Quant à l’Intersyndicat National des Praticiens Hospitaliers (INPH), bien que jugeant l’accord « largement insuffisant », il a également apposé sa signature à la fin janvier. Inspiré du rapport Toupillier paru en septembre dernier, l’accord cadre définit « deux axes structurants » : « identifier, organiser et valoriser les équipes médicales », et « choisir, construire et adapter la carrière médicale du praticien à l’hôpital ».




Livre blanc du CNCH : des comparaisons tarifaires contestées

349 – Avant le Livre Blanc qui devrait voir le jour à l’issue des états généraux de la cardiologie qui se dérouleront au cours de cette année à l’initiative de la FFC et de 25 autres organisations, en vue de l’instauration d’un Plan coeur, le Collège National des Cardiologues des Hôpitaux (CNCH) vient de sortir le sien, qui fait l’état des lieux de la cardiologie hospitalière publique en France.

Presque la moitié (49 %) des séjours cardiologiques et 48 % des séjours en USIC se font dans les établissements du CNCH (403 services répartis dans centres hospitaliers, les établissements de santé privés d’intérêt collectif (ESPIC) et les hôpitaux militaires). Ce qui en fait le premier acteur de la permanence des soins au plan national.

Le CNCH revendique 32 % des parts de marché dans le domaine de la cardiologie interventionnelle, et le second rang en rythmologie interventionnelle avec 38 % de l’activité de stimulation cardiaque, 21 % des poses de défibrillateurs implantables et 20 % de l’activité d’ablation.

Deux ombres à ce tableau favorable : la baisse de la démographie médicale, et « l’insuffisance tarifaire de certains GHS dans le public par rapport au privé. A cet égard, les chiffres avancés par le CNCH sont contestés par les cardiologues libéraux. « Certaines comparaisons tarifaires de ce Livre Blanc sont difficilement compréhensibles et je ne comprends pas à partir de quelles données elles sont établies, proteste Jacques Berland (clinique Saint-Hilaire à Rouen). Ainsi quand on lit que la pose d’un stent endocoronaire coûte 3 845 euros dans le privé contre 2 543 dans le public. Pour cet acte, le GHS dans le privé est de 1 960,30 euros, auquel s’ajoutent 718 euros pour le forfait radiologie/honoraires médicaux, et 94,50 euros pour l’anesthésiste. On est loin des 3 845 euros avancés. De même, affi rmer que les astreintes sont rémunérées 150 euros dans le privé quand elles le sont à hauteur de 50 euros dans le public, c’est ignorer délibérément qu’elles ne le sont pas du tout dans le privé ! Je ne veux pas polémiquer, mais j’aimerais vraiment savoir d’où sont tirés ces chiffres. C’est très important. Quand les auteurs disent que la réalisation de toutes les angioplasties dans le public permettrait une économie de 60 millions d’euros, on voit aisément le genre de décision que cela peut inspirer aux pouvoirs publics. »




Rapport Toupillier : Accompagner la mutation de l’exercice médical hospitalier

345 – La refondation de l’exercice médicale à l’hôpital doit reposer sur l’équipe, unité de base, et la contractualisation. Et la carrière d’un praticien devrait évoluer à travers différents « modules » lui permettant de varier son activité.

Fin 2010, Roselyne Bachelot chargeait un groupe de travail, coordonné par Danielle Toupillier, la directrice générale du Centre National de Gestion (CNG), de proposer des évolutions pour l’exercice médical à l’hôpital. Après une enquête d’opinion auprès de 305 établissements, l’audition de personnalités et des débats interrégionaux, une évidence s’impose : qu’elle s’organise autour d’une spécialité, d’une discipline, d’un organe ou d’une pathologie, « l’équipe médicale, unité de base de l’organisation hospitalière constitue le fondement de l’identité hospitalière ». Dans les grands établissements, cette équipe se superpose peu ou prou au service, mais « sans en reprendre le mode de fonctionnement obsolète ». Dans ceux de taille moyenne intégrés à des Communautés Hospitalières de Territoire (CHT), des équipes territoriales doivent être constituées, avec des pôles inter-établissements. Le projet de l’équipe doit être le « moteur des CHT ».

L’équipe est constituée en fonction des missions et activités défi nies par type de structure. Elle peut intégrer « tout praticien, quel que soit le statut (public/privé) et le mode d’exercice (salarié/libéral), pour répartir l’obligation de continuité et de permanence des soins et renforcer la cohésion des équipes et la solidarité entre professionnels de santé ». Le chef d’équipe est choisi parmi ses pairs, « sans discrimination de statut, pour une période définie et en favorisant le renouvellement ». Il est « le garant des engagements contractualisés entre l’équipe médicale et les praticiens qui la composent ». Car l’équipe fonctionne sur le mode contractuel : contrat collectif, intégré à celui du pôle, contrats individuels d’engagement pour chaque professionnel. Ces derniers formalisent les « devoirs » des professionnels en matière de soins, de prévention et d’éducation thérapeutique, de mission d’intérêt général interne ou externe, d’enseignement, de recherche clinique, d’investissement institutionnel, de participation à la permanence des soins ; ils formalisent aussi leur « droits » (congés, formation, stages, projets personnels…).

Ayant rappelé la nécessité impérative de mettre en oeuvre une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences médicales, la mission Toupillier propose de segmenter la carrière des praticiens hospitaliers – d’une durée moyenne de 35 ans – en « modules » de trois à dix ans. Une carrière serait constituée d’au moins trois modules. A l’entrée d’un module, le praticien choisirait son quota de temps de travail dans le cadre de la gestion nationale confi ée au CNG, et s’intégrerait ensuite dans une ou plusieurs équipes territoriales, une fois son bilan personnel réalisé. Ce système modulaire et la contractualisation permettrait au PH « resté maître in fine des bases de son temps de travail, d’alterner des années plus centrées sur le soin et d’autres sur la formation, l’enseignement, la recherche, la prise de responsabilité, le tutorat ou un projet personnel ». Le premier module intégrerait le postinternat et la deuxième partie du troisième cycle des études médicales, ce qui donnerait « un signal fort aux jeunes médecins, pharmaciens et odontologistes en les intégrant de facto dans les carrières hospitalières ». Quant au dernier module de le carrière, les membres de la mission suggèrent qu’afin de « conserver le dynamisme et l’engagement du praticien », on modernise le statut de consultant en CHU et le cumul emploi-retraite.

Les libéraux ne sont pas les seuls à crouler sous les tâches administratives, les hospitaliers ont aussi vu augmenter cette part de leur travail d’année en année. La mission Toupillier considère que l’aide d’assistants et de techniciens spécialisés dans le traitement de l’information et dans la gestion administrative et logistique « serait probablement une réponse adaptée ».

Il y a de longs mois que les hospitaliers attendent le démarrage de véritables négociations avec le ministère de la Santé. A l’occasion d’une réunion avec les syndicats en juillet dernier, Xavier Bertrand leur avait donné rendez-vous en septembre. Puis on a attendu que sorte le rapport Toupillier… C’est aujourd’hui chose faite, et Xavier Bertrand a affirmé qu’il s’engageait à le mettre en oeuvre « rapidement ». Il devrait signer avant la fin de l’année un accord-cadre avec les syndicats de praticiens hospitaliers. ■

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Le délicat passage du public au privé

à l’issue de leur clinicat de deux ans, renouvelable une fois, soit au bout de quatre ans en post internat, un praticien peut s’installer en libéral sans problème. Les dernières statistiques de l’Ordre montrent qu’ils sont peu nombreux à le faire : parmi les nouveaux cardiologues inscrits au tableau ordinal au 1er janvier dernier, moins de 5 % (4,7 % exactement) des nouveaux cardiologues inscrits au tableau de l’Ordre au 1er janvier dernier ont choisi le secteur libéral, 85,30 % ayant opté pour le salariat. Installé lui-même depuis deux ans en libéral (à mi-temps), Benoît Lequeux avance une explication parmi d’autres : « La lourdeur administrative que représentent l’installation et l’exercice en libéral est dissuasif, et nous ne sommes absolument pas formés à cela au cours de nos études. Pour des certains, qui ne sont pas extrêmement motivés, c’est trop lourd. »

Pour autant, il arrive que ceux qui ont choisi le secteur public aspirent à rejoindre le secteur privé au bout d’un certain temps, les conditions d’exercice à l’hôpital n’offrant plus aujourd’hui autant d’attractivité que naguère.

Mais pour ces médecins qui ont passé le concours de praticien hospitalier, le « passage » peut s’avérer difficile. D’autant que la loi HPST a introduit une nouvelle disposition selon laquelle un PH ne peut pas s’installer en secteur privé dans une zone proche de l’établissement public où il exerce durant les deux ans qui suivent son départ de cet établissement.

« Mais le décret d’application n’est toujours pas paru, explique Philippe Burnel, délégué général de la Fédération de l’hospitalisation privée (FHP). Le ministère a donc donné comme instruction d’appliquer la règle commune à tous les fonctionnaires qui souhaitent passer dans le privé : ils doivent passer devant une commission de déontologie qui les autorise ou non à le faire. Dans deux cas récents, la commission a donné un avis favorable au passage dans le secteur privé, mais également un avis défavorable concernant les cliniques que les médecins souhaitaient intégrer, parce qu’elles ont été jugées directement concurrentes avec l’hôpital. Dans les deux cas, les avis étaient justifiés. L’un des médecins, notamment, étant le seul à exercer son activité dans l’établissement public qu’il quittait, son départ signifiait donc la suppression de cette activité à l’hôpital public au profit de la clinique privée. »

Selon Philippe Burnel, ce décret d’application pourrait bien ne jamais voir le jour… « Cela supposerait de préciser, notamment, ce qu’on entend par “établissement concurrent”, et ce n’est pas simple. Le critère de proximité géographique est loin d’être pertinent : deux établissements peuvent être proches et ne pas être concurrents. En fait, je pense que la loi était inutile et qu’il n’y avait pas lieu de faire une exception pour les praticiens de la fonction hospitalière. Le passage devant la commission de déontologie pour tous les fonctionnaires est une bonne chose. » Cependant, la FHP reste très attentive aux avis rendus, et à ce que, composée exclusivement de fonctionnaires – dont des fonctionnaires hospitaliers – cette commission ne statue pas selon une logique uniquement fonction publique… « Ã cet égard, souligne Philippe Burnel, le discours actuel des doyens au sujet des conditions optimales que doivent offrir les cliniques privées aux internes qui peuvent désormais y faire des stages, cache peut-être aussi la crainte qu’ils ont de voir ces internes ne pas revenir dans le secteur public après leur internat, et rester dans le privé… » Selon lui, l’attractivité financière du privé doit être relativisée : « L’idée selon laquelle le privé paye mieux est loin d’être toujours fondée, cela dépend très fortement des spécialités. Si cela est vrai pour la radiologie, par exemple, c’est tout à fait faux pour la pédiatrie où les praticiens hospitaliers gagnent bien mieux leur vie que les libéraux. Beaucoup de jeunes étant attirés par le salariat, l’hôpital n’est pas sans argument. Par ailleurs, la vraie compétition ne concerne pas tant l’aspect financier que les conditions d’exercice, qui se sont dégradées à l’hôpital public. C’est cela le vrai problème. »

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Intégration des DMI aux GHS : la qualité des soins n’y gagne pas

Depuis l’instauration de la T2A, la logique veut que toutes les dépenses soient intégrées dans les Groupes Homogènes de Séjour (GHS). Ce n’est pas encore tout à fait le cas à ce jour. Dans une période transitoire, on avait maintenu certains produits sur la liste des prestations remboursables. C’était le cas de nombre de Dispositifs Médicaux Implantables (DMI) qui continuaient d’être remboursés par l’Assurance Maladie. L’année dernière, les valves cardiaques ont été intégrées dans les GHS, et ce mouvement se poursuit avec l’intégration d’autres DMI, notamment des défibrillateurs et des stimulateurs cardiaques. Quelles vont en être les conséquences pour les équipes médicales, dans le public comme dans le privé ?

Pour Marie-Claude Morice de l’Institut cardiovasculaire Paris-Sud à l’hôpital Jacques-Cartier de Massy, « Tout va dépendre de la quantification des DMI. Si on définit une moyenne de 1,5 ou 1,6 dispositif par patient, on va limiter la qualité de la prise en charge. Il est ainsi évident que si l’on ne rembourse qu’un stent, on n’en posera qu’un, mais que le patient qui en nécessite deux devra revenir pour la pose du second. Cela représente à tout le moins un inconfort pour le patient, voire un risque, et cela n’a, au final, aucun intérêt économique non plus. Mieux vaut prendre le patient en charge en une seule fois quand cela s’impose. L’idéal serait qu’il y ait au moins trois GHS selon la gravité de l’état des patients, dont un pour les patients complexes. Une moyenne n’est pas une bonne chose : c’est trop pour les patients simples, et pas assez pour les patients complexes. Si l’intégration des DMI dans les GHS n’a que des visées économiques, on va aller vers la médiocrité, et c’est inadmissible. »

Chef du département de cardiologie au CHU de Rennes et président du groupe de rythmologie à la Société Française de Cardiologie (SFC), le Pr Philippe Mabo redoute lui aussi les effets délétères d’une intégration des DMI dans les GHS à visée purement économique. « Intégrer les dispositifs médicaux implantables dans les GHS est une façon de faire pression pour limiter les coûts, ce qui n’a rien en soi de répréhensible. Mais cette intégration doit se faire selon une logique médicale et pas seulement comptable, commente ce spécialiste. Or, le ministère entend mettre tous les défibrillateurs dans le même GHS, ce qui revient à y mettre des indications et des patients différents. » Les sociétés savantes, et la Société Française de Cardiologie notamment, ont pourtant émis des recommandations pour cette intégration. « Nous avons recommandé trois GHS différents, explique Philippe Mabo. Un pour les bradycardies, un autre pour les tachycardies ventriculaires et la prévention de la mort subite, qui relève de la pose de dispositifs simples et à double chambre, et enfin, un troisième GHS pour l’insuffisance cardiaque nécessitant des stimulateurs cardiaques et défibrillateurs à triple chambre. Nous nous sommes heurtés à un refus, et nous allons être mis devant le fait accompli. Le prix moyen du GHS va être calculé à partir d’un “case mixt“, calculé sur des données du passé, et qui ne prendra pas en compte ni l’évolution prévisible dans les années à venir des indications, ni le progrès médical. Ce qui ne favorisera pas la qualité de prise en charge des patients, et ce qui pénalisera les centres dont l’expertise est reconnue et qui seront limités dans leur activité. »(gallery)




La loi HPST en cacherait-elle une autre ?

L’année 2010 a vu la parution de nombreux textes d’application de la loi HPST, parmi lesquels plusieurs concernaient les établissements hospitaliers dans leur nouvelle « gouvernance ». Pour autant, le fonctionnement interne des hôpitaux s’en trouve-t-il transformé ? Pas sûr. Ou du moins pas encore, comme le souligne Francis Fellinger, chef de service de cardiologie à l’hôpital d’Haguenau (Bas- Rhin), et président de la conférence nationale des présidents de CME des centres hospitaliers. « La loi HPST est une loi très complexe, et sa mise en place ne l’est pas moins. » Si la création des agences régionales de santé (ARS) marque, selon lui, « une avancée majeure » dans la réforme de notre système de santé et répond à une demande du monde hospitalier, si leur mise en place « à marche forcée » représente « une gageure », il constate aussi qu’à ce jour « les hospitaliers n’ont pas encore trouvé le point d’équilibre dans leurs relations avec “ces grosses machines administratives” ». Quant à l’organisation interne des établissements, malgré la publication de l’essentiel des textes s’y rapportant, Francis Fellinger constate qu’elle n’a encore guère évolué : « Les directoires sont en place, mais les gens continuent de fonctionner comme avant. Les pôles sont confortés par la loi, mais les relations avec les directions restent inchangées, du moins en l’attente des contrats de pôle à venir ». Quant aux CME, dont beaucoup ont estimé que les textes d’application les concernant réduisaient considérablement le pouvoir des médecins à l’hôpital, Francis Fellinger considère, lui, que « leur positionnement est maintenu », et que leurs présidents ont acquis un statut et un pouvoir « confortés » par la loi HPST. Rien dans les textes n’enlève aux CME un pouvoir qui n’était d’ailleurs pas davantage inscrit dans les précédents textes. De même, on a beaucoup commenté le pouvoir octroyé au directeur d’hôpital, mais il est susceptible d’être destitué tous les mercredis en conseil des ministres ! On observe donc un décalage important entre la réalité des textes et le ressenti des médecins sur le terrain, où un gros effort de pédagogie est à faire.

Mais aux yeux de Francis Fellinger, la « légalisation de la télémédecine avec la sécurité juridique et le financement qui vont en découler, de même celle des coopérations interprofessionnelles, qui vont permettre de déléguer certaines tâches à d’autres professionnels, sont beaucoup plus importantes que les problèmes de gouvernance ». « Particulièrement pour nous, cardiologues, ces deux points de la loi marquent une rupture positive », juge-t-il.

Au total, pour Francis Fellinger, la loi HPST n’est pas « la catastrophe décriée » même si elle pèche par « un excès de complexité et d’ambition ralentissant sa mise en oeuvre ». Et pour ce qui est de la gouvernance, il estime que « c’est l’ordonnance Mattei-Xavier Bertrand qui a vraiment changé les choses », et constate : « En fin de compte, les hôpitaux qui fonctionnent bien sont ceux qui reposent sur le triptyque alliant une stratégie territoriale claire, un travail effectif sur la qualité des soins, et un couple directeur-médecins qui fonctionne. »

Bien différente est l’opinion de Rachel Bocher. Pour la présidente de l’Intersyndicale des praticiens hospitaliers, il n’y a rien à sauver de la loi HPST : « La réforme de la gouvernance n’est pas celle attendue par les professionnels, qui n’ont d’ailleurs pas été consultés, la copie du DPC est entièrement à revoir, les ARS sont des grandes boîtes dans lesquelles les gens se demandent ce qu’ils font et ce qu’ils ont à faire. La loi HPST marque le retour en force de l’État dans le contrôle du système, et cette étatisation met à bas toute notion de responsabilisation des professionnels qui se sentent des pions dans une hiérarchie très pyramidale. Pour autant, d’inspiration très libérale, cette loi met à mal le service public et dessine un hôpital-entreprise loin de tout enjeu de solidarité, et qui laisse de côté aussi bien les patients que les professionnels de santé. Ce n’est pas la grande réforme qui fait entrer l’hôpital dans le XXIe siècle. »

Selon elle, le seul résultat tangible de la loi HPST aujourd’hui est « un désinvestissement des professionnels de santé, mais aussi des directeurs, largement désabusés eux aussi, et qui marque le désaveu de la réforme ». « L’hôpital sera un enjeu majeur des élections présidentielles de 2012 », estime Rachel Bocher, qui ne doute pas que, dans cette optique, on s’achemine vers une version 2 de la loi HPST à laquelle travaille la mission sénatoriale Fourcade. Reçue il y a quelques semaines par Xavier Bertrand, la présidente de l’INPH dit avoir rencontré un ministre convaincu du malaise du monde hospitalier et de la nécessité d’y remédier.

Reste à savoir, si V2 de la loi HPST il y a, dans quelles proportions elle reniera la version originale.

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Établissements hospitaliers privés : les missions de la CME sans aucun moyen !

Deux décrets sont parus au Journal Officiel des 7 et 16 novembre derniers relatifs, pour le premier à « la conférence médicale d’établissement des établissements de santé privés », le second à « la lutte contre les événements indésirables associés aux soins dans les établissements de santé ». Avec un précédent texte en date du 30 août dernier, et qui concernait la « politique du médicament et des dispositifs médicaux stériles » dans lesdits établissements, ils constituent un triptyque fixant le rôle et les missions de la CME. « Nous sommes globalement assez satisfaits de ces textes, et tout particulièrement de celui relatif à la lutte contre les événements indésirables, commente Jean-Luc Baron, président de la Conférence nationale des présidents de CME de l’hospitalisation privée. En effet, la CME est étroitement impliquée dans l’organisation de cette lutte, et pour nous, cela représente une grande avancée, au même titre que le rôle dévolu à la CME en ce qui concerne la politique du médicament dans les établissements.

LA CME se vit confier une mission d’évaluation, et l’élaboration de la liste des médicaments et dispositifs médicaux. C’est important, car cela introduit un vrai regard médical sur cette politique. Coresponsables de la politique du médicament dans l’établissement, bien évidemment, les médecins vont devoir apprendre à gérer économiquement les choses ; il en va de la pérennité de l’établissement, qui peut être mise en cause par une mauvaise gestion. » Le décret relatif exclusivement à la conférence médicale d’établissement du secteur privé – et qui concerne le privé à but lucratif comme le privé à but non lucratif – apporte une ombre au tableau. « Un paragraphe a sauté qui concernait l’élaboration par la CME de son règlement intérieur, explique Jean-Luc Baron. Selon la version définitive, elle ne l’élaborera pas, et cela nous contrarie, car c’était une façon pour la CME de s’affirmer face à la direction. » Enfin, Jean-Luc Baron souligne que la question de la rémunération des missions attribuées à la CME reste posée et… sans réponse pour l’instant. « Il faudra bien parler de la valorisation de ces missions, assumées sur le temps médical. Que ce soit au travers de la convention ou des MIGAC, pourquoi pas, il faudra valoriser cette nouvelle gouvernance. Le bénévolat ne peut plus suffire ; il est à la rigueur envisageable tant qu’il s’agit d’expérimenter des nouvelles missions, mais dès lors qu’elles sont inscrites dans la loi, elles doivent être rémunérées. »

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De larges missions

La conférence médicale d’établissement contribue, notamment à « l’élaboration de la politique d’amélioration continue de la qualité et de la sécurité des soins », notamment en ce qui concerne le plan de DPC des personnels. Elle contribue également à l’élaboration de « projets relatifs aux conditions d’accueil et de prise en charge des usagers », ce qui inclut l’évaluation de la prise en charge des patients, « et le cas échéant des urgences et des admissions non programmées », la politique de soins palliatifs, éventuellement, la PDS, et l’organisation du parcours de soins. Enfin, la CME « propose un programme d’actions qui prend en compte les bilans d’analyse des événements indésirables ». Il s’agit de répondre aux recommandations du rapport de certification, et de mettre en oeuvre les engagements fixés par le contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens de l’établissement.

Concernant le médicament, la CME élabore la liste des médicaments et dispositifs médicaux stériles dont l’utilisation est préconisée dans l’établissement, préconisations dont elle est également chargée.|(gallery)




Information médicale : la médiocrité des pouvoirs publics

Le constat de ce qui se passe actuellement en France concernant l’information du public sur la qualité de prise en charge dans les établissements hospitaliers est plutôt sévère. Les informations diffusées vers le grand public à l’initiative des pouvoirs publics ? En résumé, les auteurs du rapport constatent qu’elles « sont actuellement très pauvres ». Certes, des indicateurs de processus se développent, mais « il n’existe pas de données sur les résultats ». L’information disponible est « rarement présentée sous forme comparative », la satisfaction des patients n’est pas mesurée « de manière homogène », les données ne sont pas présentées « sous une forme synthétique et agrégée », les informations sont « dispersées sur plusieurs sites », et d’accès difficile d’autant que le principal site, www.parhtage.sante.fr, vient d’être interrompu pour cause d’ARS.

Selon l’IGAS, « l’émiettement du dispositif de pilotage de la production d’informations » et « la faiblesse d’investissement dans ce domaine » expliquent la médiocrité de la situation. En outre, les auteurs soulignent que l’information sur la qualité a été essentiellement conçue en direction des professionnels de santé, celle des usagers n’étant qu’un « objectif subordonné ». Les usagers reçoivent donc une information inadaptée « qu’il leur est difficile de lire et d’interpréter ». Leurs représentants ne sont guère mieux lotis, car, s’ils reçoivent une information abondante, au sein des diverses instances où ils siègent, ils ne disposent pas non plus d’une information « structurée, synthétique et comparative » qui leur permettrait de promouvoir activement la qualité. Dans ce contexte, le succès remporté par les divers « palmarès » publiés par les médias n’a rien d’étonnant, que, s’appuyant sur les données du PMSI à visée de statistiques de gestion ils « conduisent à des appréciations peu pertinentes ».

Un investissement initial important

Pour les auteurs du rapport, l’information des usagers doit devenir « un objectif en soi ». Indépendamment des « effets bénéfiques » qui en résultent sur les comportements des usagers et des équipes soignantes, c’est la condition sine qua non pour « promouvoir l’autonomie de la personne malade, renforcer la démocratie sanitaire, réduire les inégalités d’accès aux soins ». Dans cette perspective, ils préconisent de « constituer un site unique de référence comportant des informations comparatives ». Pour les représentants des usagers, ils suggèrent qu’ils puissent accéder à des « comptes qualité » structurés selon une architecture fixée au niveau national pour « assurer l’homogénéité de l’information et favoriser les comparaisons », publiés annuellement par les établissements, à l’issue d’une procédure contradictoire auprès des parties prenantes. Ces propositions s’inscrivent, selon leurs auteurs, dans un « projet global orienté vers la promotion d’un usager plus actif », qui nécessite « un investissement initial important » et un effort quotidien pour le faire vivre, et un pilotage unique que les auteurs préconisent de confier à la HAS, qui se verrait donc confier une nouvelle mission : « assurer l’information des usagers sur la qualité des prises en charge ». ■

|Pr Yves Cottin « Tout est à faire ! »| |« J’ai pris connaissance avec grand intérêt de ce rapport de l’IGAS que je trouve très complet et très objectif, sans rien de polémique, même si beaucoup de points forts peuvent donner lieu à discussion. Je trouve notamment très intéressant que les auteurs considèrent que l’usager devra être un consommateur actif. Ils anticipent en cela ce qui s’est passé dans plusieurs pays, notamment aux États-Unis. Cela nécessite que les professionnels organisent et planifient cette évolution. L’information modifie les comportements des patients, mais aussi des professionnels de santé, dont les pratiques médicales changent. Elle est un bon moyen d’améliorer la transparence et la qualité de soins. Les auteurs soulignent qu’il s’agit d’un projet global pour lequel « un investissement initial » s’impose. C’est évident, dans le domaine de l’information sur la qualité, tout est à faire ! »|(gallery)




Urgences de nuit : le projet francilien qui fait peur

«Un seul bloc devrait être ouvert pendant vingt-quatre heures dans chaque département ». La révélation par Le Parisien début septembre du projet de l’ARS d’Ile-de- France de réduire drastiquement les services chirurgicaux d’urgence la nuit, les week-ends et les jours fériés dans les hôpitaux de la région parisienne (hors les vingt et un établissement de Paris intra-muros) a fait l’effet d’une bombe. Chez les hospitaliers, les réactions ont été immédiates. Non que la nécessité d’une réorganisation ne s’impose à eux, mais le projet francilien semble pour le moins excessif, puisqu’on passerait de six à onze hôpitaux par département assurant actuellement les urgences chirurgicales de nuit à un seul ! Pour la Coordination médicale hospitalière, il s’agit là d’un projet « impensable » et « potentiellement dangereux » pour les malades. La CMH déplore notamment que le projet englobe la période 18h00-minuit « pendant laquelle la vie continue et où les patients arrivent en masse à l’hôpital, et la période après minuit où l’activité est quasi nulle », selon son président François Aubart.

« Nous ne sommes pas là pour répondre à des objectifs de productivité, a répliqué l’Association des Médecins Urgentistes de France, nous sommes présents pour répondre à l’inattendu et à l’imprévisible, pour répondre à ce qui n’est pas programmable. » Et l’AMUF d’ironiser : « Est-il envisageable de supprimer des centres de secours des pompiers au motif qu’il n’y a pas assez de feux la nuit ? » Estimant que la concrétisation d’un tel projet mettrait la sécurité des patients en péril, l’AMUF souligne par ailleurs que cela accroîtrait le travail des SAMU qui devront « répondre en urgence à des demandes de transferts pour déplacer des patients vers l’unique hôpital départemental appelé “tête de pont”, qui sera débordé ».

Le directeur de l’ARS d’Ile-de-France, Claude Evin, a tenté d’apaiser les esprits en expliquant qu’il ne s’agissait que d’un simple « document de travail » et que la concertation était en cours. « Si, effectivement, la concertation conclut au fait que c’est nécessaire de maintenir un service entre 18h30 et minuit, on le maintiendra. Je pense qu’on arrivera à un consensus. »

Un mauvais souvenir pour les cardiologues du Nord

Selon Le Parisien, l’ARS d’Île-de-France n’est pas la seule à réfléchir à une « rationalisation » de la permanence des soins hospitaliers, et des projets analogues seraient à l’étude dans d’autres régions. Où l’on n’a pas attendu la création des ARS pour avoir ce genre de réflexion, les ARH les ayant devancées dans cette démarche. Ainsi, le Dr Vincent Guillot, cardiologue à Lens et président du syndicat des cardiologues libéraux Nord-Picardie, se souvient d’un projet relatif à « l’organisation du réseau des urgences pour la région Nord-Pas-de-Calais » qui, en 2008, faillit aboutir à l’interdiction pure et simple de la pratique en urgence des angioplasties coronaires la nuit (de 18 h à 8 h), le dimanche et les jours fériés dans tous les établissements privés de la région. « Le point commun avec le projet de l’ARS d’Île-de-France c’est qu’il se présentait aussi comme une restructuration du secteur public, explique Vincent Guillot. Concrètement, les établissements privés étaient évincés, il n’y avait plus que les établissements publics autorisés à pratiquer des angioplasties en urgence la nuit, dont certains en pratiquaient très rarement. » C’est la mobilisation de la majorité des cardiologues libéraux de la région, mais aussi de certains cardiologues hospitaliers, la mobilisation des élus locaux, l’action syndicale régionale mais aussi nationale, qui a permis l’abandon du projet, en tout cas pour le volet cardiologie interventionnelle. « Tout n’est pas fini, et il nous faudra rester vigilants puisque l’organisation des urgences d’angioplasties coronaires sera réétudiée ultérieurement », écrivait alors Vincent Guillot dans une lettre à ces confrères cardiologues. Les ARS ont remplacé les ARH, et le vent de restructuration souffle de plus belle : la vigilance s’impose, effectivement. ■(gallery)




Organisation interne : l’hôpital en pôles réglés

Les chefs de pôles sont nommés pour une durée de quatre ans par le directeur de l’hôpital qui choisit sur une liste établie par le président de la CME comprenant au moins trois noms pour chaque pôle. En cas de désaccord sur ces noms, une nouvelle liste peut être proposée, mais si un nouveau désaccord survient, c’est en définitive le directeur qui nomme le chef de pôle de son choix. Ce pouvoir du directeur dans la nomination des chefs de pôles – élus jusqu’à présent par leurs pairs – fait grincer les dents des praticiens hospitaliers.

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Dans un récent numéro du Cardiologue, le Dr Michel Hanssen (responsable de pôle, chef du service de cardiologie interventionnelle de l’hôpital d’Haguenau [Bas-Rhin] et président du Collège national des cardiologues des hôpitaux généraux (CNCHG)), s’inquiétait de cette perte de pouvoir de la CME devenant « une instance relativement virtuelle d’information, qui n’aura pas beaucoup son mot à dire ».

Un chef de pôle multi-étiquettes

Un contrat de pôle est conclu pour quatre ans. Il défi nit les objectifs en matière de politique et de qualité des soins assignés à chaque pôle, ainsi que les moyens qui lui sont attribués pour leur réalisation, et les indicateurs en permettant l’évaluation. Ce contrat défi nit également le champ et les modalités de la délégation de signature accordée au chef de pôle et qui lui permet d’engager les dépenses aussi bien en matière de médicaments et dispositifs médicaux, d’équipements à caractère médical ou non, que de formation du personnel ou de crédits de remplacement des personnels non permanents. Ce contrat fi xe aussi le rôle du chef de pôle dans la gestion des personnels médicaux et non médicaux, l’affectation de ces personnels au sein du pôle, l’organisation de la continuité des soins, l’élaboration du plan de formation des personnels et la FMC, et fixe, « le cas échéant, les modalités d’intéressement du pôle aux résultats de sa gestion ». Il revient également au chef de pôle d’élaborer un projet de pôle, après concertation interne avec toutes les catégories de personnel. Pour exercer toutes ces fonctions, les chefs de pôles doivent suivre une formation d’au moins soixante heures.

Une rémunération en fonction de la réalisation des objectifs

Quant à leur rémunération, elle se compose d’indemnité mensuelle fixe de 200 euros, à laquelle s’ajoute une part variable perçue annuellement, et déterminée par le directeur de l’établissement « en fonction de la réalisation des objectifs figurant dans le contrat de pôle », mais qui ne peut dépasser 2 400 euros.

Il y a vingt ans, on commençait à parler de « l’hôpital entreprise » ; avec la parution de ces décrets, nous y sommes ! Mais les médecins, même les plus convaincus de cette organisation hospitalière, en posent les limites et n’oublient qu’il s’agit d’une « entreprise » très particulière dont la « production » – les soins prodigués à des malades – ne peut pas être assimilée à n’importe quelle activité industrielle (voir ci-dessous). ■

|Efficacité oui, rentabilité, non| |<doc915|left> Les pôles hospitaliers, le Pr Albert Hagège, cardiologue à l’hôpital Georges Pompidou et vice-président de la SFC, n’a rien contre. « A l’HEGP, nous fonctionnons en pôles depuis l’ouverture de l’hôpital. Lorsqu’ils répondent à une logique cohérente, les pôles sont une très bonne chose. Leur transversalité améliore la connaissance qu’on a des uns et des autres, permet d’établir des priorités aussi bien en termes de personnels que de matériels, d’optimiser l’organisation, et incontestablement évite des gaspillages. Mais attention, nous ne gérons pas des boîtes de chaussures ! L’administration voudrait donner un budget aux pôles en leur disant “Soyez rentables !”. Mais si les pôles peuvent rationaliser les dépenses et diminuer les gaspillages, ils ne peuvent pas être rentables ; dans le domaine du soin, on ne peut pas être rentable. »|(gallery)




Rachel Bocher (INPH) : « Un hôpital sans médecin, c’est un hospice ! »

Le communiqué de l’Elysée soulignait « le renforcement de l’exécutif », ce qui était inutile : les médecins hospitaliers ont bien compris qu’ils n’avaient plus grand mot à dire dans la conduite des établissements. Ils sont peut-être présents partout, mais avec un pouvoir de décision proche de zéro. Et ce n’est pas le décret relatif à la commission médicale d’établissement (CME) qui les a rassurés. C’est même avec colère qu’ils ont accueilli ce texte. « Pensez- vous, Madame la ministre, que les médecins hospitaliers vont s’investir dans cette instance avec un tel contenu, les cantonnant exclusivement à la qualité et à la sécurité des soins, aux conditions d’accueil et de prise en charge des usagers ? », a réagi le Syndicat national des praticiens hospitaliers des CHU. Quant à la confédération des praticiens des hôpitaux (CPH), elle estime que « l’hôpital d’aujourd’hui, avec son équilibre médico-administratif » est défunt. Un avis que partage Rachel Bocher, la présidente de l’Intersyndicat des praticiens hospitaliers (INPH) qui commente pour Le Cardiologue la « nouvelle gouvernance » à l’hôpital.

D’une façon générale, quelle est votre analyse du volet hospitalier de la loi HPST ? _ Rachel Bocher : On a changé de logique et basculé dans le tout libéral. Les praticiens hospitaliers sont condamnés à la rentabilité. Il s’agit de faire rentrer de l’argent, en pratiquant des actes rentables, de façon à ce qu’en 2012, les déficits à l’hôpital soient à zéro. Moi, je dis que le déficit des hôpitaux est peut-être le prix à payer pour une médecine de qualité. L’enseignement, la transmission, la recherche, ne sont pas rentables, mais ce sont les missions de l’hôpital public dont la pérennité est compromise par cette logique de choix purement budgétaire. On ne parle pas des patients dans leur dimension globale et humaine, mais comme de données, et on supprime les postes qui font l’humanisation de la médecine.

La nouvelle gouvernance entre en fonction, dont les médecins se sentent singulièrement exclus ? _ R.B. : Les décrets qui paraissent ne laissent aucun pouvoir décisionnel aux médecins, et les nouveaux statuts vont aller de pairs : des CDD renouvelables payés quatre ou cinq fois plus cher. Est-ce cela dont l’hôpital public a besoin ? Et qui va être vraiment le « patron » ? Avant, c’était le mandarinat, aujourd’hui, c’est un directeur, nommé par le directeur de l’ARS – lui-même nommé par le ministre – et à qui on demande essentiellement d’être « dans les clous » financièrement parlant. Nous ne sommes pas dans une logique à dimension médicale, et le seul pouvoir est l’argent. Je pense aux patients : si nous n’avons pas les moyens de les soigner, et de les soigner quelle que soit leur pathologie, comment fera-t-on ? La loi HPST marginalise les médecins à l’hôpital, et un hôpital sans médecins, ça s’appelle un hospice.

Comment allez-vous réagir ? _ R.B. : Nous sommes en colère, et nous allons rentrer en résistance éthique, et mettre cette colère en actes ! Tous les professionnels de santé à l’hôpital sont concernés, qui n’ont rien fait pour mériter cela. La loi HPST est une erreur profonde de ce Gouvernement, qui ignore totalement le dialogue social. Je pense que les gens sauront utiliser leur bulletin de vote… ■