Les plaintes contre les cardiologues en 2007 : rapport du Conseil Médical du Sou Médical-Groupe MACSF

317 –ATendances chiffrées

En 2007, la sinistralité (nombre de dommages corporels déclarés à l’assureur faisant l’objet ou non de plaintes, pour 100 sociétaires) est relativement stable par rapport à 2006 : 1,79 % pour l’ensemble des 117 456 sociétaires (libéraux ou salariés). Derrière cette apparente stabilité des déclarations, on constate une progression des réclamations ou plaintes formalisées d’emblée par les patients et une diminution des déclarations de prudence faites par les sociétaires (avant que les patients ne fassent une réclamation).

Le taux de condamnations dans les procédures civiles au fond continue de progresser passant à 68 % en 2007, contre 62 % en 2006. Le montant moyen des indemnisations par sinistre fautif en juridictions civiles augmente également : 256 000 € contre 255 000 en 2006.

Pour la cardiologie, la sinistralité reste stable également à 2,43 % (soit 60 déclarations pour 3 118 cardiologues sociétaires) contre 2,2 % en 2006 et 2,4 % en 2005.

On dénombre 6 plaintes pénales (sanctions : amendes, peines de prison avec ou sans sursis), 8 plaintes devant le Conseil de l’Ordre (sanctions : avertissements, interdictions d’exercer la médecine), 14 assignations en référé (sanction : indemnisations), 15 réclamations (démarches à la recherche d’un règlement amiable, pouvant évoluer vers une plainte judiciaire) et 15 saisines d’une CRCI : Commission Régionale de Conciliation et Indemnisation des accidents médicaux (sanction : indemnisations). Cette fréquence élevée des saisines de CRCI s’explique soit par le fait que les accidents en cardiologie sont souvent graves (ce qui est une condition nécessaire pour saisir la CRCI), ou parce que les accidents sont majoritairement aléatoires, sans faute (et qu’une indemnisation par la solidarité nationale est alors possible par la procédure CRCI).

B – Analyse des sinistres déclarés en cardiologie

Erreurs diagnostiques (4 dossiers)

C’est un motif relativement peu fréquent de mise en cause des cardiologues, qui disposent d’un arsenal très riche d’explorations diagnostiques. Le non-diagnostic d’une embolie pulmonaire reste un classique pour les cardiologues qui sont sollicités dans les services de chirurgie non cardiologique. Un dossier concerne un retard de 18 mois au diagnostic d’un dysfonctionnement de pace-maker ! Enfin, les cardiologues réalisant des échographies cardiaques en néonatalogie sont exposés dans le diagnostic des cardiopathies congénitales.

Critiques de la prise en charge, la surveillance ou le traitement (28 dossiers)

Malgré un diagnostic fait correctement, il peut être reproché à un cardiologue de gérer un patient de façon inadaptée : – transport non médicalisé (voiture personnelle ou ambulance) pour une hospitalisation dans le cas d’un syndrome coronarien aigu ; – délai pour la réalisation d’une coronarographie ; – délai pour une hospitalisation pour un anévrysme de l’aorte thoracique se fissurant.

La gestion des anticoagulants ou antiagrégants plaquettaires en péri opératoire (4 dossiers) est malheureusement un motif récurrent de mise en cause des cardiologues depuis plusieurs années. Le cardiologue évalue le risque thrombo-embolique lié à la maladie et explique au patient, au chirurgien ou à l’anesthésiste le rapport bénéfice/risque d’un éventuel arrêt du traitement. Il peut être reproché la stratégie préconisée : type de substitution, surveillance insuffisante, absence de reprise du traitement antérieur. Les conséquences de ces accidents sont souvent lourdes : infarctus du myocarde massif en cas d’arrêt injustifié ou trop précoce des antiagrégants plaquettaires après une angioplastie coronaire, accident vasculaire cérébral après non reprise précoce des AVK sur une ACFA à haut risque (plusieurs millions d’euros, si le handicap nécessite l’intervention d’une tierce personne 24 h/24 h). Dans la pratique, on constate que c’est souvent la mauvaise application de la stratégie par d’autres praticiens qui est à l’origine des accidents.

Une consultation cardiologique pré-opératoire manifestement succincte ou n’envisageant pas d’explorations devant des signes suspects peut aussi être critiquée, surtout si le patient présente un arrêt cardio-respiratoire en per ou post-opératoire, même en l’absence de certitude sur la cause du décès (4 dossiers). Chez un patient devant subir une chirurgie orthopédique du genou, il est critiqué l’absence de recherche d’une artériopathie par le cardiologue, ayant contribué à la survenue d’une ischémie aigue nécessitant une amputation en post-opératoire.

Un cardiologue s’est vu critiqué pour l’indication chirurgicale retenue pour un rétrécissement aortique serrée, au seul motif du décès survenu en post opératoire ! La survenue d’effets indésirables liés à des médicaments (myalgies sous statines et dyspnée asthmatiforme sous bêtabloquant) a fait l’objet de réclamations.

Accidents liés à des procédures invasives

Cardiologie interventionnelle (10 dossiers)

Il a été rapporté 4 dossiers de coronarographies, dont 2 accidents vasculaires cérébraux (un avec cécité) et une insuffisance aortique par lésion d’une sigmoïde provoquée par la sonde de ventriculographie.

Six dossiers concernent des angioplasties coronaires. Trois dossiers sont en rapport avec une blessure coronaire : une dissection extensive aboutissant au décès, une migration d’un ballon lors d’un « kissing balloon » provoquant une perforation avec tamponade, une désinsertion de stent lors d’un guide « trappé », nécessitant un pontage en urgence. Deux autres dossiers sont des infections : un faux anévrysme fémoral se compliquant d’une septicémie à staphylocoque auréus, une endocardite aortique au décours d’une angioplastie par voie radiale (porte d’entrée : lymplangite sur voie veineuse). Il est à signaler depuis quelques années des infections au point de ponction associées à l’utilisation de système de fermeture percutané artérielle avec des conséquences graves : ischémie de membre avec amputation, arthrite de hanche sur prothèse… Dans ces affaires, les experts sont attentifs sur les moyens de prévention (rasage proscrit, douches, badigeonnages antiseptiques) et sur la traçabilité de ces mesures.

Rythmologie interventionnelle (8 dossiers)

Les problèmes liés aux pace-makers peuvent avoir lieu soit à la pose (3) : plaie artérielle nécessitant une reprise chirurgicale, un pneumothorax drainé sans retard, ou un sepsis nécessitant l’explantation du matériel ; soit à distance de l’implantation (3) : rupture de sonde auriculaire 2 ans après l’implantation, micro-déplacement sur une anatomie particulière, ou un défaut de connexion des sondes sur le boîtier.

L’élargissement des indications de rythmologie interventionnelle amène automatiquement une augmentation de la sinistralité. Deux dossiers concernent les ablations par radiofréquence : un décès par hyperexcitabilité ventriculaire et oedème pulmonaire sur ablation d’ACFA (recherche d’un défaut d’information), un problème relationnel au décours d’un succès incomplet d’une ablation d’une voie accessoire.

Explorations habituellement « non invasives »

– Une perforation oesophagienne cervicale haute sur une échographie transoesophagienne. – Chute entraînant une fracture des 2 têtes humérales lors d’une épreuve d’effort sur tapis roulant. Enfin, les cardiologues peuvent faire l’objet aussi de réclamations lors de chute d’une table d’examen, ou dans le cabinet médical !

Conclusions et mesures préventives

On constate que les accidents répertoriés sont souvent la conséquence d’une évolution défavorable d’une pathologie sous-jacente indépendamment de toute faute médicale. Afin d’éviter que les patients ne fassent l’amalgame, il est donc primordial que les cardiologues évaluent précisément l’état cardiologique et informent leurs patients sur la gravité de la maladie et des risques évolutifs avant de leur proposer des soins. Les patients doivent comprendre également les limites thérapeutiques et les risques iatrogènes. Une traçabilité de l’information (note dans le dossier, courriers, document d’information de la SFC) est hautement recommandée pour toutes les procédures invasives, car c’est au médecin qu’il revient de prouver qu’il a informé.

Pour les procédures non urgentes, comme par exemple les ablations par radiofréquence, qui comporte un risque procédural non négligeable, il est important de laisser un délai de réflexion suffisant après une consultation d’information.




Questions diverses posées par des cardiologues

317 – Comment coter un indice de pression systolique (IPS) ?

Il n’existe pas de cotation spécifique.

On pourrait éventuellement appliquer le code EQQM006 (21,12 €), mais à condition de bien en respecter le libellé : « Mesure de la pression intraartérielle d’un membre en au moins 3 points, par doppler transcutané ou pléthysmographie ».

Cet acte ne peut pas être associé à la cotation d’une consultation (CS, CsC ou C2).

Il n’est pas cumulable avec les cotations d’écho-doppler artériel des membres inférieurs qui incluent ce geste.

L’intérêt en pratique courante de ce code est donc limité.

La Cotation C3 + DEQP003 est-elle possible pour un professeur des universités ?

Pour le cumul C3 + ECG, nous disposons, à la suite des sept arrêts de la Cour de Cassation du 14 novembre 1996, obtenus par le Syndicat des Cardiologues, d’une circulaire de mars 1997 du médecin conseil national adjoint : « Cet arrêt de la Cour de Cassation modifie la position de la Caisse Nationale, la cotation C2 ou C3 + K6,5 doit être désormais acceptée pour les cardiologues agissant en qualité de consultant ».

Depuis cette date : • pour la partie en C de la cotation, nous restons sous le régime de la NGAP dont l’article 18 a fait l’objet d’une décision de l’Uncam du 6 décembre 2005 publiée au J.O. du 5 avril 2006 qui précise pour les médecins agissant à titre de consultant : « Professeurs des universités, praticiens hospitaliers en activité dans ces fonctions, agissant à titre de consultant à la demande du médecin traitant ou d’un médecin correspondant du médecin traitant : C 3 » ;

• pour la cotation de l’ECG, nous sommes passés sous le régime de la CCAM, et le DEQP003 remplace le K6,5, mais l’article III-3 des dispositions générales de la CCAM maintient la possibilité de cumul des cotations d’ECG et de consultation, et donc de C2 et de C3.

La cotation C3 + DEQP003 est donc possible pour ceux qui en ont les justifications, mais il faut être professeur des universités, praticien hospitalier en activité dans ces fonctions.

Forfaits de réanimation et actes cardiologiques

Question d’un cardiologue« Ma clinique va ouvrir une structure de soins intensifs post-opératoires pour lequel les anesthésistes pourront bénéficier d’un forfait de réanimation A ou B. Les cardiologues qui y seraient appelés en cas de problèmes cardiologiques post-opératoires pourraient ils y coter leurs actes sans problème ? ».

Réponse – Les forfaits de réanimation A et B sont décrits au chapitre 19.01.11 de la C.C.A.M. La liste des actes inclus dans les codes YYYY015 et YYYYY020 de soins intensifs ne comporte pas ceux que des cardiologues pourraient y pratiquer à la demande des anesthésistes, et notamment des CS08+ECG, ou des échocardiogrammes au lit du malade. NB – Ces forfaits de réanimation A et B ne doivent pas être confondus avec les forfaits de cardiologie niveau 1 (YYYY001) ou niveau 2 (YYYY002) de soins intensifs cardiologiques bien connus des cardiologues qui incluent « les actes habituels d’électrocardiographie ».

Faut-il une lettre du médecin traitant pour coter une MCS ?

La MCS est définie dans l’article 1- 2-2 de la Convention de 2005 : « Pour les autres cas, c’est-à-dire lorsque le médecin correspondant, conventionné à tarifs opposables, reçoit le patient pour des soins itératifs et procède à un retour d’information au médecin traitant, il bénéficie d’une majoration de coordination applicable à la consultation. Cette majoration de coordination est également applicable en cas de séquence de soins nécessitant un ou plusieurs intervenants, c’est-à-dire lors d’un adressage par un médecin correspondant à un autre médecin spécialiste avec information au médecin traitant ».

Il n’est pas nécessaire qu’il y ait une lettre du médecin traitant, les deux conditions nécessaires pour coter la MCS étant : _ • que le patient ait un médecin traitant désigné ; _ • qu’il y ait un retour d’information vers ce médecin.

Holter posé au décours d’un échocardiogramme, le même jour. Comment coter ?

Les deux actes doivent être tarifés à taux plein. En effet, ils ne sont pas pratiqués « dans le même temps » tel qu’il est défini par l’article III-3 des dispositions générales de la nomenclature.

Une décision de la section des A.S. de l’Ordre Régional des Médecins de la région Centre, du 11 mai 1998, pour un cas similaire, confirme que le holter doit être coté à la date du débranchement, et à taux plein.

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Cotations chez les patients de moins de 16 ans

316 – Certaines cotations font référence au parcours de soins, avec en particulier la notion de médecin traitant.

Or, le parcours de soins, tel qu’il est défini par la convention de 2005 (art.1-1-2), concerne les assurés de plus de 16 ans. Qu’en est-il pour les jeunes de moins de 16 ans ?

C2

L’article 1-2-2 de la convention, concernant la rémunération de l’avis ponctuel de consultant (c’est-à-dire le C2), précise que « conformément à l’article 18 de la NGAP, le médecin correspondant rend un avis ponctuel de consultant lorsqu’il reçoit le patient à la demande explicite du médecin traitant ».

Peut-on donc coter un C2 chez l’assuré de moins de 16 ans, puisqu’il n’a pas de médecin traitant au sens de la convention ?

Oui, c’est possible, et la réponse est apportée par le « mode d’emploi du C2 » rédigé par un groupe de travail issu de la commission de hiérarchisation des actes qui indique clairement que « pour les patients âgés de moins de 16 ans, est considéré médecin traitant le praticien qui adresse le patient ».

Il faut évidemment que soient remplies les autres conditions d’application du C2 et notamment : – l’adressage explicite, qui rappelons-le, ne nécessite pas obligatoirement une lettre du médecin qui adresse mais peut faire appel à tout autre moyen de communication ; – la règle des six mois (ne pas avoir reçu le patient dans les 6 mois précédant la consultation et ne pas avoir à recevoir à nouveau le malade dans les 6 mois suivants) ; – adresser au médecin traitant les propositions thérapeutiques et lui laisser la charge d’en surveiller l’application.

CSC + MCC

La MCC a été créée en 2005. Son objectif était de réévaluer la CSC à sa valeur antérieure.

Plutôt que faire simple, à savoir revaloriser la lettre clef CSC elle-même, les caisses ont préférer l’affubler d’une majoration conventionnelle permettant des exceptions.

La première aura été que les cardiologues de secteur 2 ne peuvent pas bénéficier de cette MCC.

L’UNCAM avait également, initialement, décidé d’en exclure les patients jeunes, en précisant que cette majoration de coordination ne s’applique que dans le parcours de soins et donc pas aux moins de 16 ans.

La protestation syndicale a permis de lever cette restriction par l’avenant conventionnel n° 12 du 3 mars 2006 art. 4-4, qui précise après le deuxième alinéa de l’article 7.3. de la convention nationale, est ajoutée la phrase suivante : « Cette majoration (MCC) pourra être cotée dans les mêmes conditions pour les consultations réalisées auprès des patients de moins de 16 ans ». « Cette majoration est revalorisée au 31 mars 2006 à hauteur de 1 € ce qui la porte à 3,27 € ».

à ce jour, la valeur de la MCC est inchangée, ce qui porte la cotation CSC+MCC à 49 € pour les cardiologues de secteur 1, quel que soit l’âge du patient.

CS + MPC +MCS

Le lecteur devra s’accrocher pour ce paragraphe, car on arrive au summum de l’ingéniosité technocratique pour faire évoluer la nomenclature.

Tout le monde s’accordait pour estimer dérisoire le montant du CS (23 €).Là aussi, il aurait été trop simple de faire évoluer le tarif de la lettre-clef elle même. On lui a donc attribué, dans un premier temps, le coefficient de majoration MPC (actuellement de 2 €).

à l’occasion de la convention 2005 il a été créé un second coefficient, lié cette fois au parcours de soins, à savoir la MCS (actuellement de 3 €).

à ce jour, ce que chacun sait, une consultation de spécialiste se cote donc le plus souvent CS + MPC + MCS, soit 28 €, ce petit jeu de combinaison de lettres permettant néanmoins d’introduire des exceptions (cf. articles antérieurs du Cardiologue).

Il se posait un problème pour les assurés de moins de 16 ans, dont les consultations étaient éligibles à la MPC, mais pas à la MCS qui est liée au parcours de soins (rappelons pour nos lecteurs distraits que tout le dispositif « médecin traitant » ne concerne pas les moins de 16 ans).

Or, a priori, on ne voit pas ce qui pourrait justifier une différence de tarif entre la consultation d’un patient, par exemple de 15 ans, et celle d’un de 17 ans.

L’idée géniale a donc été de majorer la MPC du jeune de moins de 16 ans (art. 7-6 de la convention), en lui donnant le nom de MPJ.

Avenant conventionnel n° 12 du 3 mars 2006, art 4-1 : le montant de la MPC applicable pour les patients de moins de 16 ans (« MPJ ») est revalorisé au 31 mars 2006 à hauteur de 1 € ce qui le porte pour le médecin spécialiste à 5 €.

Le cardiologue non rompu aux négociations conventionnelles, sera émerveillé par le résultat de l’équation finale : CS + MPJ = CS + MPC + MCS = 28 € !

Majorations liées à l’âge très jeune du patient

Nous sommes parfois interrogés par des adhérents à ce sujet.

La C.C.A.M. (art. 19.03.02) prévoit effectivement, pour certains actes, des majorations pour les patients de moins de 5 ans, mais il s’agit uniquement des actes de radiographie conventionnelle ou de scannographie, à l’exclusion des actes de radiologie vasculaire et de radiologie interventionnelle.

Cela ne concerne donc pas les cardiologues.

Au total

Certains tarifs applicables aux jeunes patients font l’objet d’une réglementation particulière, se rapportant à la convention, à la C.C.A.M. et à ses dispositions générales. Ils ont du être précisés par des avenants conventionnels qui ont nécessité de longues négociations.

Mais finalement, ces tarifs sont rigoureusement les mêmes, que le patient ait moins ou plus de 16 ans !

Il est tentant d’ironiser, et nous aurions eu du mal à nous en priver, sur cette nécessité de textes lourds et complexes pour aboutir à ce qui paraît être l’évidence et le bon sens.

Il aura fallu néanmoins l’opiniâtreté et la combativité de vos responsables syndicaux pour que, lors de leur élaboration, vos intérêts soient préservés.

Qui a parlé de simplification administrative ?




Défaut d’information : un motif de condamnation en cardiologie ?

315 – Information aux patients : une obligation légale Cela est d’abord une obligation ordinale, puisque le code de déontologie (article 35) rappelle que « le médecin doit à la personne… une information loyale, claire et appropriée sur son état, les investigations et les soins qu’il propose ».

D’une jurisprudence croissante est née la loi « Kouchner » (2002), qui précise dans l’article L1111-2 : « en cas de litige, il appartient au professionnel… d’apporter la preuve que l’information a été délivrée à l’intéressé…Cette preuve peut être rapportée par tout moyen ».

L’information doit être délivrée aux patients et/ou à leurs représentants légaux : parents, tuteurs ou à la personne de confiance.

Contenu de l’information

En cas d’accident, les patients ou leurs conseils (avocats, médecins de recours) se focalisent trop souvent sur l’information des risques liés aux explorations et aux traitements. Alors que pour être complète et loyale, l’information doit aussi porter sur les risques spontanés de la maladie en cas de refus des soins proposés. S’il est souvent difficile d’évoquer ce risque iatrogène, celui-ci est plus facile à faire comprendre et à faire accepter si le risque de la maladie expose à une réduction des fonctions physiologiques ou engageant le pronostic vital à court ou moyen terme, comme cela est le cas souvent en cardiologie.

Les textes attendent des médecins qu’ils informent sur les « risques fréquents et/ou graves ». Bref, il faut presque informer de tout !

Traçabilité de l’information

Dans la mesure où c’est aux médecins de prouver qu’ils ont informé leurs patients, il convient de réfléchir sur les moyens que chacun veut utiliser pour satisfaire à cette obligation.

L’erreur à ne pas commettre est de se bagarrer pour faire signer des documents d’information, sans accompagnement.

La meilleure façon de prévenir les plaintes consiste à avoir un dialogue riche et loyal avec ses patients, concernant les risques potentiels des gestes invasifs envisagés. Il est assez illusoire de vouloir faire apprendre la liste des complications d’une technique au cours d’une consultation. En revanche, il faut être capable de sensibiliser le patient sur un niveau de gravité d’une exploration ou un traitement. Il faut éviter de vouloir banaliser l’acte. Il est préférable d’avancer graduellement en expliquant l’ensemble des étapes de sécurité nécessaire à la réalisation de l’acte. Ainsi, en expliquant d’abord qu’il doit être hospitalisé, puis doit subir un prélèvement biologique, puis voir un anesthésiste, permet d’aborder les différentes complications possibles, en apportant les explications sur les différentes mesures de prévention, ce qui permettra de le rassurer.

La richesse du dialogue avec le patient constitue probablement le meilleur moyen de prévention des plaintes. Malgré cette réciprocité, il ne faut pas oublier que le patient peut décéder ou se trouver dans l’impossibilité de s’exprimer du fait de sa complication. Dépourvu du témoignage sincère de son patient, le médecin se retrouvera seul, confronté à une famille quérulente. Souvent pour ne pas inquiéter leur entourage, les patients ont tendance à taire les discussions qu’ils ont pu avoir avec leur médecin, voir même à garder secret l’organisation d’actes invasifs ou d’hospitalisations. Ces cas de figures permettent de comprendre le bien-fondé d’une démarche systématique de traçabilité.

C’est un faisceau d’arguments qui permettra de faire retenir une présomption d’information.

La première étape est de donner, dans la mesure du possible, un délai de réflexion avant la réalisation de l’acte, quitte éventuellement à consacrer une consultation dédiée à l’information. Ensuite, il faut retranscrire sur le dossier médical tous les éléments d’information qui ont été spécifiés durant les consultations : « explications données sur les risques durant la consultation » ou « remise du document d’information de la SFC » et relever les faits qui témoignent d’une prise en compte des risques spécifiques par le patient : « anxieux », « veut réfléchir », « venu avec une liste de questions, ou un magazine santé ou une page internet ».

Ces éléments peuvent néanmoins être contestés par le plaignant et son statut de victime jouera en défaveur du médecin.

Il est donc préférable d’utiliser des moyens moins contestables. La rédaction d’un courrier au correspondant généraliste ou au praticien qui doit effectuer l’acte invasif, mentionnant l’information des risques (avec des détails) est un bon moyen. La signature du document spécifique d’information de la SFC offre la meilleure des garanties de traçabilité, faisant office d’ « accusé de réception ». Cette signature a évidement peu de sens si le patient ne sait pas lire et qu’il n’est pas accompagné d’une personne susceptible de lui faire la lecture et la traduction (étrangers).

Conséquence d’un défaut d’information en cardiologie

Si le défaut d’information est repris comme un refrain par les avocats dans presque tous les dossiers en responsabilité médicale, il ne débouche pas automatiquement à une condamnation. Il est d’ailleurs assez surprenant de se souvenir que, dans l’affaire étant à l’origine d’un premier arrêt de la Cour de Cassation (25 février 1997) qui impose désormais au médecin de prouver qu’il a informé son patient, le plaignant a finalement été débouté de sa demande d’indemnisation pour défaut d’information (perforation lors d’une polypectomie). Même si le défaut d’information était patent, la Cour de Cassation (20 juin 2000) estimait « qu’informé du risque de perforation M. Hédreul (dont le père était mort d’un cancer du côlon et qui souhaitait se débarrasser de troubles intestinaux pénibles et de craintes pour l’avenir) n’aurait refusé ni l’examen ni l’exérèse du polype, de sorte qu’il ne justifiait d’aucun préjudice indemnisable » !

Ainsi, il faut comprendre qu’à chaque fois qu’un patient n’a pas été informé d’un accident occasionné par un acte médical, le tribunal cherchera à comprendre quels étaient le risque évolutif de la maladie sous jacente, la pertinence de l’acte proposé, la gravité et la fréquence de la complication, mais aussi s’il existe des alternatives acceptables à l’acte proposé. Les juges seront également attentifs à la personnalité de la victime. C’est en étudiant ces différents paramètres, qu’ils détermineront la perte de chance du patient à se soustraire à l’acte proposé, s’il avait reçu l’information adéquate.

Tous les actes invasifs de cardiologie peuvent faire l’objet de réclamations pour défaut d’information. C’est bien entendu la situation clinique qui permettra de déterminer la perte de chance. Si on prend l’exemple d’un accident en rapport avec une coronarographie, les alternatives ne sont pas les mêmes si l’examen a lieu pour un syndrome coronarien aigu ou pour le bilan d’une douleur atypique. Ã la phase aiguë, l’absence d’alternative à l’acte et l’urgence absolue, rendent caduque les demandes d’indemnisations pour défaut d’information. Dans le cadre d’un bilan de douleur atypique, c’est finalement la discussion sur le bien fondé de l’indication plus que le problème de l’information qui peut engager la responsabilité du praticien. Car si la douleur est atypique, mais que le patient rassemble plusieurs facteurs de risque et qu’un test invasif est positif, le refus de l’examen prive le patient et le cardiologue de la possibilité de confirmer la pathologie coronarienne et des perspectives de revascularisation. Même en cas de refus d’une éventuelle revascularisation avant même la coronarographie, l’absence de confirmation de la maladie rendrait malaisée l’instauration à l’aveugle d’un traitement médicamenteux en raison de son potentiel iatrogène, d’autant plus qu’il sera poursuivi pendant des décennies.

Face à un trouble conductif patent, il reste peu de places à une éventuelle revendication d’une perte de chance de pouvoir se soustraire à l’implantation d’un pace-maker.

Conclusion

Outre l’humanisme que l’on attend de lui, le cardiologue a une obligation d’information vis-à-vis de ses patients et doit veiller à assurer une traçabilité de sa délivrance.

En raison de la gravité des maladies sousjacentes, l’information du patient ne devrait pas poser de difficultés au cardiologue qui dispose de suffisamment d’arguments pour convaincre ses patients du bien-fondé des actes qu’il propose. Le défaut d’information occasionne une perte de chance modérée de pouvoir éviter l’acte et donc des indemnisations souvent partielles. Pour autant, lorsque les patients sont victimes d’accidents, l’absence d’information préalable à l’acte est ressentie comme une frustration supplémentaire qui devient alors un moteur pour se lancer dans une démarche contentieuse, préjudiciable pour tous.




Honoraires réglés tardivement, absence de réponse à des demandes d’information : une mutuelle et une Caisse condamnées

314 – Certains organismes de Sécurité Sociale et certaines mutuelles font preuve parfois d’une certaine désinvolture vis-à-vis de demandes des médecins. Cette attitude, très irritante pour les intéressés, est source de frais de relance et de temps perdu. Deux jugements du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Valenciennes établissent qu’il est inéquitable de laisser ces frais à la charge du praticien.

Honoraires réglés tardivement

Rappel des faits

Le 19 juin 2006, le Dr G., adhérent du Syndicat des Cardiologues et exerçant dans le département du Nord, pratique un acte sur une patiente relevant d’une mutuelle de fonctionnaires. Cette mutuelle, comme cela est fréquent pour cette catégorie d’assurés sociaux, bénéficie d’une délégation de l’Assurance Maladie pour le règlement des prestations.

L’acte est pratiqué en tiers payant et une feuille de soins papier est adressée à la mutuelle le 1er juillet 2006 pour règlement en Protocole Accord Local.

En l’absence de règlement, une première réclamation est effectuée par téléphone le 12 janvier 2007 et il est demandé de faxer un duplicata de la feuille de soins, ce qui est fait le jour même.

Le 13 avril 2007, une deuxième lettre de réclamation est adressée par fax à la mutuelle.

Le 4 mai 2007 à l’occasion d’une nouvelle relance téléphonique de notre confrère, il lui est demandé un deuxième duplicata, ce qui est fait une nouvelle fois le jour même.

Le 22 juin 2007, c’est-à-dire un an après la réalisation de l’acte, le Dr G. retéléphone sans succès à la mutuelle. Il tente un dernier appel qu’il confirme par un fax le 17 août 2007, et on lui précise que son appel du 22 juin « a bien été enregistré », mais toujours sans que les honoraires aient été réglés.

Mise en route d’une procédure de contentieux

De guerre lasse, le Dr G. saisit la commission de recours amiable le 6 septembre 2007. Il ne reçoit aucune réponse dans les deux mois, ce qui doit être considéré comme un rejet.

Il saisit alors le 7 novembre 2007 le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociales, avec demande d’une indemnité de 380 € au titre de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Il aura fallu cette ultime démarche pour que la mutuelle se décide enfin, le 27 novembre 2007, c’est-à-dire dix-sept mois après la réalisation de l’acte, à en régler le montant.

Néanmoins, la justice suit son cours et l’affaire est entendue à l’audience du 18 janvier 2008.

Jugement du 14 mars 2008 du T.A.S.S. de Valenciennes

Le tribunal a condamné la mutuelle avec les attendus suivants : « Il résulte des pièces produites que des soins ont été dispensés le 19 juin 2006 par le Dr G., cardiologue, pour un montant de 53,07 € qui ne lui ont été remboursés que le 27 novembre 2007 à hauteur de 53,05 €, alors que la demande avait été formulée dès le 1er juillet 2006. Pour obtenir ce règlement plus de seize mois après la date de la prestation et postérieurement à la saisine du tribunal, le demandeur justifie avoir multiplié les démarches et avoir engagé des frais : téléphone, fax, lettres recommandées avec avis de réception, déplacement à l’audience. Au vu de ces éléments qui caractérisent la nécessité de relance et de procéder en justice pour obtenir règlement d’une créance qui n’a jamais été contestée, il serait inéquitable de laisser à la charge du Dr G. les frais qu’il a été contraint d’engager qui peuvent être évalués compte tenu des diligences invoquées à la somme de 150 €. Il y a lieu de lui allouer cette somme sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Absence de réponse d’une Caisse à des demandes d’information

Ce même Dr G., dont la combativité est redoutable pour les Caisses qui lui cherchent grief, n’avait obtenu aucune réponse de la C.P.A.M. de M. à des demandes répétées d’explications sur des retenues d’honoraires en clinique.

Là aussi, la Caisse a été condamnée pour son mutisme.

Jugement du 3 décembre 2004 du T.A.S.S.de Valenciennes

« Attendu que ce mécanisme de centralisation, s’il a pour objet de rationaliser les paiements informatiques des régimes d’Assurance Maladie, ne dispense pas la Caisse de la justification de l’indu, sollicitée, en l’espèce, à plusieurs reprises par le demandeur, ni de son obligation générale d’information ; …Qu’il est regrettable que le demandeur n’ait pu obtenir cette information qu’après avoir saisi le Tribunal ; …il est fondé à solliciter une indemnité au titre des frais non répétibles qu’il s’est trouvé contraint d’exposer et pour laquelle la Caisse lui paiera la somme de 150 € en application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ».

La plupart des cardiologues n’auront pas l’opiniâtreté de notre collègue pour faire valoir leurs droits.

Les indemnités qu’il a reçues sont modestes et ne compensent pas l’énergie dont il a du faire preuve et surtout le temps qu’il aura passé.

Elles ont néanmoins valeur de symbole et ont le mérite de rappeler à leurs devoirs certains organismes d’Assurance Maladie.




« Les paroles s’envolent, les écrits restent » ou « l’impérieuse nécessité de la traçabilité »

313 – Pourtant, en cas de litige, le médecin aura toujours de grandes difficultés à se justifier en l’absence de trace écrite, face à un patient ou sa famille en colère. Sa seule bonne foi suffit rarement.

Les carences en matière de traçabilité seront illustrées par l’exposé de situations médico-légales typiques et malheureusement récurrentes.

Établissement d’un diagnostic

La détermination d’un diagnostic passe par la collecte d’informations provenant de l’interrogatoire, de l’examen clinique et d’explorations complémentaires. L’inscription directe d’un diagnostic sans détail sémiologique sur le dossier représente une faiblesse pour le médecin si son diagnostic est contesté ultérieurement devant la survenue d’une complication. Dans un cas d’une mort subite survenant trois jours après une consultation, il sera plus facile de convaincre l’expert des tribunaux du caractère atypique d’une douleur et de l’absence justifiée d’exploration si le dossier évoque une « douleur punctiforme sans rapport avec l’effort, durant quelques secondes, sans irradiation ni signe d’accompagnement et reproduite par la palpation d’un point électif ». Si le dossier rapporte uniquement « une douleur atypique », l’expert sera tenté de retenir l’erreur diagnostique. De la même manière, en cas d’accident lié à la réalisation d’une exploration invasive (coronarographie), la description précise des symptômes typiques d’angor instable sera déterminante pour la validation de l’indication de l’examen.

Organisation de la prise en charge

Si un patient décède ou présente un infarctus du myocarde, ou provoque des blessures à des tiers à l’occasion d’une syncope (automobile, accident du travail…) après une consultation cardiologique, l’expert sera amené à s’intéresser de près à la stratégie retenue par le médecin et aux consignes données. Il ne faut surtout pas se contenter de consignes orales, ni de demandes sans donner un délai pour leur exécution. Face à une suspicion d’angor, un cardiologue avait prescrit une épreuve d’effort sans donner de délai. Le patient ne prendra pas de rendezvous immédiatement et présentera un mois plus tard un arrêt cardiaque récupéré avec encéphalopathie anoxique. Il sera reproché au médecin de ne pas avoir fixé de délai pour la réalisation du test, ni donné de consignes de rappel en fonction de l’évolutivité des symptômes. C’est bien souvent les patients les plus indisciplinés qui sont victimes de complications. Le médecin, pour se prémunir de reproches ultérieurs, doit clairement noter dans son dossier, mais surtout dans sa demande, le délai qu’il donne pour l’exécution de l’exploration. Il en est de même pour les demandes d’hospitalisation.

Face aux patients récalcitrants, il ne faut pas accepter trop rapidement leur refus. Par l’obligation de moyen qui pèse sur le médecin, il faut donc chercher à convaincre à tout prix. S’ils s’obstinent, il n’est pas inutile de leur délivrer un courrier de demande d’exploration ou d’hospitalisation pour marquer votre détermination dans la stratégie adoptée, en gardant un double dans le dossier. Le patient prend alors ses responsabilités, en connaissance de cause.

Face à un refus obstiné, il faut alors demander au patient de bien vouloir rédiger une attestation de refus de soins, dans laquelle il reconnaît avoir été informé des risques encourus. S’il refuse de signer, il est impératif de mettre une mention explicite dans son dossier et mettre en oeuvre les moyens (en respectant le secret médical) pour prouver la proposition de soins (lettre aux confrères traitants, ou au patient lui-même). Bien entendu, à l’avenir, et en dehors du contexte d’urgence, il faudra signifier au patient que l’on ne souhaite plus le suivre, si l’on pense que cette situation risque de se renouveler. C’est un des droits reconnus aux médecins par le code de déontologie médicale, à condition de respecter les formes.

Information des patients

Si les médecins savent qu’ils ont une obligation d’information vis-à-vis de leurs patients, ils ne doivent pas oublier qu’il leur revient également de prouver qu’ils ont délivré cette information. Il n’y a pas de règle absolue pour prouver cette démarche. Si une procédure est engagée à la suite d’un accident médical, il ne faut pas avoir la naïveté de croire que tous les patients reconnaîtront avoir été informés. D’abord parce que le choc de l’accident peut avoir entraîné une amnésie antérograde. De plus, la réceptivité des patients au message médical reste très fluctuante. Le contexte même de la procédure fait que les patients, ou leur entourage, ont tout intérêt à nier cette information. Enfin, en cas de décès, les ayants droit à l’origine de la procédure n’ont habituellement pas assisté aux consultations. Les médecins doivent utiliser tous moyens adaptés à la situation pour démontrer leur démarche d’information des patients. Pour être remarquable des patients et comprise par eux, elle doit impérativement débuter par une explication orale. Ensuite, le médecin doit en faire mention dans son dossier personnel puis dans ses courriers aux confrères ou au patient.

Enfin, afin d’être le plus exhaustif, pourquoi ne pas remettre les documents rédigés par la Société Française de Cardiologie (téléchargeable sur le site : www.sfcardio.fr). Faut-il faire signer ces documents par les patients ? Beaucoup y sont opposés et crient haut et fort que « ce document signé n’a pas de valeur légale » ! Quoiqu’en disent ces pourfendeurs, l’apposition d’une signature par un adulte lettré constitue indiscutablement un accusé de réception du document donné. Une fois signé, les patients revendiquent rarement le défaut d’information ! En revanche, sans signature, les plaignants et leurs avocats auront tout le loisir de dire qu’ils n’ont jamais reçu le document et qu’ils n’ont pas été informés !

Défaut de conseil

C’est un domaine encore méconnu des médecins. Les conséquences juridiques du défaut dépendent d’une part du bien fondé scientifique du conseil, mais surtout de la possibilité de mesurer l’effet du conseil. Il sera par exemple difficile de déterminer la perte de chance imputable à un cardiologue, si un patient lui reproche de ne pas lui avoir indiqué d’avoir une activité physique quotidienne ayant pour conséquence un nouvel infarctus dix ans plus tard. En revanche, la perte de chance sera plus facile à évoquer si un patient, ayant une séquelle d’infarctus avec dysfonction ventriculaire et des troubles du rythme ventriculaires mal contrôlés, est responsable d’un accident automobile et qu’il est prouvé que le cardiologue n’avait pas clairement contre indiqué la conduite automobile. Il peut alors être judicieux de signifier systématiquement aux patients ces conseils sur leurs ordonnances : « arrêt du tabac », « conduite automobile contre-indiquée »…

Quel support ?

Aucune règle n’impose le dossier manuscrit plus que l’informatique. Chaque méthode a ses partisans. L’avantage de l’informatique est d’abord le caractère structuré du dossier, permettant peut-être une systématisation de l’interrogatoire et une aide au formatage des données. Ensuite, elle limite le volume physique de stockage nécessaire. Enfin, il est possible de faire une sauvegarde en deux lieux (un au cabinet sur le disque dur de l’ordinateur et un second à distance (société d’hébergement de données ou stockage sur un disque dur externe au domicile du praticien)). Le dossier papier n’offre pas cette possibilité et expose à la perte matérielle du dossier en cas d’incendie, vol ou autre sinistre. Le stockage des dossiers des cliniques peut poser des problèmes surtout lorsqu’une réclamation survient après la fermeture de l’établissement.

Conclusions

Toutes les étapes de la prise en charge médicale sont susceptibles de faire l’objet de critiques. La meilleure défense du cardiologue repose sur une traçabilité systématique du recueil des données, mais également des consignes, informations, conseils et traitements donnés par le médecin. Le recours à un dossier informatisé permet d’aider à l’exécution de cette exigence. Il faut néanmoins organiser une sauvegarde et l’accessibilité du support plusieurs années après l’acte litigieux. Ã défaut d’un support informatique, un duplicata ou une photocopie des pièces sensibles est hautement souhaitable (ordonnances, lettres, refus de soins…) en plus d’une observation médicale prolixe.




Litiges à propos de la nomenclature : baisse régulière du nombre des conflits

313 – C’est à partir du début des années 1980 que le Syndicat des Cardiologues a aidé ses adhérents à déclencher systématiquement des procédures de contentieux vis-àvis des décisions de certaines caisses, qui réclamaient des reversements d’honoraires pour des cotations qu’elles estimaient indues. Les médecins conseils s’appuyaient en général sur des circulaires internes de la Sécurité Sociale qui exprimaient une interprétation particulière et restrictive de la nomenclature ou de ses dispositions générales.

L’un des rôles du Syndicat a été de démontrer devant les tribunaux que ces circulaires n’étaient pas opposables, qu’elles traduisaient simplement la position de l’une des parties, mais qu’elles n’avaient au départ pas davantage de poids que nos argumentations, qui, pour la plupart, ont été confirmées par les nombreux jugements que nous avons pu obtenir.

Le fichier des litiges donnant lieu à procédure est informatisé depuis 1994, ce qui nous permet d’en suivre l’évolution (cf. schéma ci-dessous).

On constate que le rythme est soutenu jusqu’à la fin des années 1990, avec des nombres annuels dépassant 50 jusqu’en 1994, ce qui représentait une ou plusieurs affaires à traiter chaque semaine.

Ces chiffres baissent à partir de 2000, tournant autour d’une vingtaine par an.

On constate un très net décrochage à partir de 2006 (8 litiges) et surtout 2007 (2).

D’une façon générale, la courbe est régulièrement décroissante depuis 1994.

Cette décroissance peut s’expliquer par trois facteurs : – une clarification de l’interprétation des textes, grâce à la jurisprudence que nous avons pu élaborer ; – la rédaction de certains paragraphes des dispositions générales de la C.C.A.M., que nous avons relues à la lumière des litiges de la N.G.A.P., afin d’éviter de nouveaux conflits d’interprétation ; – un changement d’attitude du contrôle médical des caisses.

Élaboration d’une jurisprudence

Celle-ci s’est constituée au fil des années. Notre fichier comporte une vingtaine de types de litiges, mais on peut identifier quelques grands thèmes dont le traitement judiciaire a permis ensuite la raréfaction des conflits. Sans cette action du Syndicat des Cardiologues, notre pratique aurait été profondément modifiée, et il est vraisemblable que nous n’aurions pas pu peser de la même façon sur la rédaction des nouvelles réglementations.

• Acte global _ (années 1980, début des années 1990)

La thèse des caisses était que, lorsqu’un acte important était pratiqué (implantation de pace-maker, coronarographie, angioplastie coronaire), celui-ci était considéré comme « acte global », conformément à l’article 8 des dispositions générales de la nomenclature, et les actes ultérieurs (par exemple, ECG, surveillances monitorisées) pratiqués par d’autres cardiologues, devaient être considérés comme inclus dans la cotation de cet acte global, et donc non rémunérés.

C’était la fin programmée de tout travail d’équipe en clinique, notamment avec l’arrivée de l’angioplastie primaire.

Il aura fallu 54 jugements dont 16 arrêts de la Cour de Cassation pour obtenir la disparition de ce type de litige.

• Actes pratiqués dans une même journée _ (années 1990)

Pour la plupart des caisses, des actes différents pratiqués dans une même journée étaient considérés comme ayant été faits dans la même séance, ce qui entraînait, en application de l’article 11B des D.G. de la nomenclature, une demi-cotation pour l’un des deux, et une gratuité pour les autres actes au-delà de deux. Cette conception très restrictive était un obstacle à la pratique de certains bilans en clinique : 14 jugements, dont 2 arrêts de la Cour de Cassation ont permis de confirmer que des actes pratiqués dans la même journée ne l’ont pas été forcément dans la même séance.

• Cumul C2 + ECG _ (milieu des années 1990)

Les caisses s’y opposaient et c’est grâce à 7 arrêts de la Cour de Cassation que nous avons pu obtenir une circulaire du contrôle médical national mettant fin à ce conflit en autorisant le cumul des deux cotations. Nous ne mentionnons que les contentieux les plus emblématiques, mais nous avons dû en fait intervenir pour la plupart des cotations utilisées couramment en cardiologie. Ces conflits, dont nous sommes aujourd’hui heureusement débarrassés grâce à notre constance, ont souvent été longs et durs. Devant la résistance de certaines caisses, nous avons dû adapter notre stratégie et demander systématiquement des indemnités au titre de l’article 700 du nouveau Code de Procédure Civile. C’est ainsi que le long feuilleton des ECG après implantation de pace-maker a pu trouver son terme après condamnation d’une caisse à verser des indemnités de 5 000 F par acte non remboursé.

Ces différentes décisions de justice ont apporté une clarification que les centrales syndicales (le Syndicat des Cardiologues a participé à ce travail) ont voulu transcrire dans les nouveaux textes lors des travaux préparatoires à la rédaction des dispositions générales de la C.C.A.M., ceci afin de limiter la nécessité de recourir aux tribunaux.

Transcription de l’expérience de la jurisprudence dans les dispositions générales de la C.C.A.M.

• Acte global

L’article I-6 des D.G. de la C.C.A.M. précise que la notion d’acte global concerne uniquement le médecin qui réalise l’acte.

C’est ainsi par exemple qu’après une angioplastie primaire dans un syndrome coronarien aigu, le cardiologue de garde qui prend ensuite en charge le malade peut coter ses honoraires sans risquer de se voir appliquer ce concept.

• Actes dans une même journée

L’article III-3 des D.G. de la C.C.A.M. prévoit désormais la possibilité, sous certaines conditions, de coter plusieurs actes à taux plein dans la même journée.

• Cumul C2 + ECG

Le « mode d’emploi » du C2, rédigé par un groupe de travail issu de la Commission de hiérarchisation des actes professionnels confirme dans son annexe 3 cette possibilité de cumul. Ce sont donc finalement vingt ans de combat syndical qui auront été traduits dans les textes.

Changement d’attitude de l’échelon national du contrôle médical des caisses

Nous ne sommes plus à l’époque où un médecin-conseil national déclarait que tous les médecins étaient des délinquants potentiels (c’est bien le terme « délinquant » qui avait été employé).

La politique actuelle est de traquer les véritables fraudeurs.

Cela n’empêche malheureusement pas encore des dérives locales de harcèlement au niveau de certaines caisses, comme en témoigne une malheureuse affaire récente en Ile de France. Certains succès ne font pas de bruit. Le Syndicat des Cardiologues, par son action permanente, a largement contribué à cette baisse spectaculaire du nombre de conflits à propos de la nomenclature.

Nous n’oublions pas les quelques confrères qui ont quand même été victimes de décisions injustes, mais la tendance générale est bien là.

Ce résultat a pu être obtenu grâce à la fois au travail dans la durée que permet un syndicat comme le nôtre mais aussi à la mobilisation des cardiologues qui, individuellement, ont régulièrement participé eux même à la prise en charge de leurs dossiers avec l’aide de leurs responsables syndicaux.(gallery)




Recommandations : impact sur les cotations

311 – Les cardiologues qui ont accompli leur obligation d’E.P.P. connaissent bien le raisonnement de l’ « Evidence Based Medicine », fondé sur le respect des recommandations. Une telle démarche a pour objectif premier la qualité des soins, mais elle permet aussi de justifier les cotations qui en découlent.

Les recommandations de prise en charge de la fibrillation auriculaire (ACC/AHA/ESC 2006) proposent pour le cardiologue un certain nombre de stratégies, en fonction de l’état du patient. Les cotations peuvent différer en fonction des options prises.

Nous verrons quelques exemples sur deux articles.

Cas clinique n° 1

Homme de 65 ans, diabétique de type 2 et hypertendu, adressé par le médecin traitant pour découverte d’une arythmie. Il s’agit d’un premier épisode de fibrillation auriculaire et il est proposé une tentative de régularisation médicamenteuse, avec éventuellement ensuite choc électrique en cas d’échec. Le trouble du rythme est bien toléré. Il est raisonnable d’envisager un traitement en ambulatoire.

Règles issues de la recommandation à respecter pour le cardiologue

Le simple respect de ces critères va générer un certain nombre de cotations et influer sur leur nature : – évaluation minimale (tableau 6 de la recommandation) : -* historique et examen clinique (traduction en nomenclature : une consultation) -* électrocardiogramme -* échocardiogramme ;

– contrôle de la fréquence cardiaque pendant la période initiale (Recommandation § 8.1.2.1) ;

– anticoagulation d’au moins trois semaines avant le début de la cardioversion pharmacologique (Recommandation § 8.2.7) ;

– prescription ensuite d’amiodarone (Recommandation § 8.1.5.) ;

– tenir compte des délais d’action parfois prolongés de l’amiodarone par voie orale (Recommandation § 8.1.5.4.1).

Protocole proposé dans la lettre au médecin traitant à l’issue de la consultation initiale :

– AVK, et bêtabloqueur, avec modalités de surveillance et d’adaptation bien précisées. Le cardiologue rédige la première ordonnance afin que le traitement soit débuté sans tarder ;

– échocardiogramme programmé, et que l’on préfère, en l’absence d’urgence, différer d’une quinzaine de jours afin de le pratiquer dans de bonnes conditions sur un coeur ralenti ;

– introduction d’amiodarone après au moins trois semaines de traitement anticoagulant. Cette précision est notée dans la lettre lors de la consultation initiale ;

– consultation et ECG de contrôle après au moins quatre semaines d’amiodarone afin de décider de la conduite à tenir en fonction du retour ou non en rythme sinusal.

Actes pratiqués et cotations : – J1 : CSC + MCC ; – J15 : Echocardiogramme (DZQM006) ; – J 50 : CS + DEQP003 + MPC + MCS.

Commentaire sur les cotations :La première consultation : -* pourquoi pas C2 + DEQP003 ? En effet, on peut considérer qu’il s’agit d’un acte de consultant puisque le malade est adressé sur demande explicite de son médecin traitant. Néanmoins, le protocole thérapeutique prévu par le cardiologue implique une consultation de contrôle relativement rapprochée. La règle des six mois ne permet pas la cotation C2. -* la cotation CsC, par contre est tout à fait licite. Il y a eu en effet (article 15-1 des dispositions générales de la nomenclature) un examen du patient, un électrocardiogramme et la rédaction de conclusions diagnostiques et thérapeutiques adressées au médecin traitant. _ Cependant, dans la mesure où le cardiologue a rédigé une ordonnance et qu’il prévoit de revoir le patient, ne risque-t-on pas de parler de « suivi direct » incompatible avec la cotation CsC ? _ Non car : – le libellé de la Csc prévoit que le cardiologue qui cote une CsC « peut procéder à la prescription du traitement en collaboration avec le médecin traitant » ; – l’adaptation du traitement, en particulier celle des AVK, sera faite par le médecin traitant à partir des propositions du cardiologue. – L’échocardiogramme :

Variante possible : en cas d’urgence, l’examen aurait pu être fait d’emblée, lors de la première consultation.

La cotation devenait alors DZQM006 associé à DEQP003 tarifé à 50 %.

En effet : – il ne serait pas possible alors de coter un acte de consultation du fait de la cotation, dans le même temps, d’un échocardiogramme, car seule la cotation d’un ECG est cumulable avec une Cs (Art.III- 3-A des D.G. de la C.C.A.M.) ; – l’ECG, associé à l’écho, peut être coté, mais seulement à 50 %. En effet, « L’association de deux actes au plus, y compris les gestes complémentaires, peut être tarifée. L’acte dont le tarif hors modificateurs est le plus élevé, est tarifé à taux plein, le second est tarifé à 50 % de sa valeur ». (Art.III-3-B-1 des D.G. de la C.C.A.M.). – La deuxième consultation :

Pourquoi ne pas coter une deuxième CsC ?

L’article 15-1 des D.G. de la N.G.A.P. ne prévoit pas de limite de périodicité pour la CSC, et, à la lecture stricte du texte, rien ne s’y opposerait formellement. Toutefois, l’esprit de la cotation CsC, lorsqu’elle a été créée, est qu’il s’agit d’un acte peu répétitif, et dans l’exemple pris ici, il est habituel de coter une Cs (avec MPC et MCS) associée à un ECG.

Peut-on vraiment coter une MCS, puisque cette deuxième consultation est programmée à l’initiative du cardiologue? Oui, car, «lorsque le médecin correspondant, conventionné à tarifs opposables, reçoit le patient pour des soins itératifs et procède à un retour d’information au médecin traitant, il bénéficie d’une majoration de coordination applicable à la consultation » (Convention 2005 art. 1-2-2). Le patient reste en « parcours de soins ».

Les principales caractéristiques de ce cas clinique sont que la cotation C2 est impossible lors de la première consultation, qui est pourtant un acte de consultant, mais aussi que le patient est en « parcours de soins », avec possibilité de demander les majorations conventionnelles qui en résultent. Nous verrons dans un article ultérieur que d’autres situations, avec d’autres cotations, sont envisageables.

|Remarques – L’objet de cet article n’est évidemment pas de donner une information d’ordre médical sur la prise en charge de la fibrillation auriculaire. Le but est simplement d’illustrer, à partir d’une situation clinique imaginée, mais courante, les conséquences sur les cotations, en appliquant à la fois un raisonnement d’ « Evidence Based Medicine » et les règles de la nomenclature.|




L’illettrisme : un facteur de risque d’accidents médicaux

311 – L’analphabétisme (absence d’apprentissage de la lecture) ne représente que la partie émergée de « l’iceberg » de l’incompréhension entre médecins et patients. Il existe une autre portion de la population, qui, malgré une scolarisation, n’a pas intégré l’apprentissage donné. On parle alors d’illettrisme. Après avoir caractérisé cette population aux capacités réduites de compréhension, les répercussions de ce handicap sur les risques d’accidents médicaux seront analysées, afin d’essayer de mieux les prévenir.

Qui sont les illettrés ?

Il convient avant tout de faire la différence entre l’analphabète et l’illettré.

L’analphabète est celui qui ne sait ni lire, ni écrire, soit parce qu’il n’a pas été scolarisé, soit parce que le français n’est pas sa langue. Les carences linguistiques étant flagrantes, il n’est donc pas difficile pour le médecin de le repérer. En revanche, le dépistage du patient « illettré » est plus complexe. Le plus souvent d’origine française, l’illettré a été scolarisé et peut donc avoir un langage parfaitement compréhensible. Le médecin s’adressera à lui, sans imaginer une limitation de ses aptitudes intellectuelles. Être illettré signifie ne pas disposer de compétences de base (lecture, écriture, calcul) suffisantes pour faire face de manière autonome à des situations courantes de la vie quotidienne (faire une liste de courses, lire la notice d’un médicament ou une consigne de sécurité…). La honte est donc un sentiment fréquent qui va le pousser à tenter au maximum de dissimuler ce handicap.

Selon une enquête de l’agence nationale de lutte contre l’illettrisme (www.anlci.gouv.fr), ce handicap toucherait 9 % de la population de 18 à 65 ans. La proportion d’illettrisme s’aggrave avec l’âge, conséquence de l’éloignement avec la période d’apprentissage et l’absence d’entretien des connaissances ; 74% des illettrés ont été élevés dans des familles dont la seule langue était le français. Il va sans dire que le bas niveau socio-économique est une des causes les plus fréquentes d’illettrisme.

Si les difficultés de lecture et d’écriture sont patentes chez l’illettré, le langage oral est également déficient. D’ailleurs, il faut savoir que les tests oraux de dépistage comportent l’écoute d’un bulletin météo et d’un message de prévention routière. Alors, on comprend mieux que si des gens ont du mal à saisir ces informations a priori banales, il y a donc des raisons de s’inquiéter sur la compréhension des informations médicales.

Conséquences de l’illettrisme sur la prise en charge médicale

Si le médecin n’a pas dépisté les illettrés parmi ses patients, il y a toutes les chances que son discours, déjà spontanément un peu technique, soit totalement incompris de ces patients handicapés s’il ne s’adapte pas un minimum. Ainsi, toutes les étapes de la relation médecin/patient seront sources d’erreurs.

Erreurs de diagnostic

Il est évident que l’illettrisme va biaiser la prise en charge médicale dès la tentative d’élaboration d’un diagnostic.

Comment répondre à des questions élaborées et précises d’un médecin ? Dans un premier temps, le patient, s’il n’est pas trop intimidé, va demander au médecin de répéter. Mais si la seconde version n’est pas plus claire, et si surtout le médecin s’impatiente, il est fort probable que le patient va avoir tendance à vouloir répondre ce que veut entendre le médecin, orienté par les quelques éléments séméïologiques qu’il a déjà glanés.

Sur un interrogatoire très dirigiste avec des réponses binaires (oui, non), il est alors rapidement tentant pour le patient de vouloir répondre de façon aléatoire quand il veut dissimuler son handicap. Cet interrogatoire aux réponses faussées a toutes les chances d’aboutir à un diagnostic erroné.

Incompréhension des consignes

Les consignes, pas plus que les questions du médecin, ne sont pas comprises par l’illettré. Cette population est alors coutumière de l’inexécution des examens complémentaires prescrits (but diagnostique ou de suivi des traitements). En cardiologie, il est alors facile d’avoir des hémorragies ou des thromboses lors de la prescription d’anticoagulants, si les INR ne sont pas contrôlés ou si les modifications de doses mal comprises. Les rendez-vous donnés sont manqués, réduisant d’autant plus la capacité du contrôle médical. Combien de patients coronariens ont-ils interrompu leurs traitements à la fin de l’ordonnance, sans envisager un renouvellement, car souvent cela n’a peut-être pas été dit, mais surtout pas compris. La posologie, la répartition sur la journée et les éventuelles interactions médicamenteuses sont sources de iatrogénie, lourdement aggravée par l’illettrisme.

Suivi chaotique

Par l’incompréhension de la maladie et du traitement, ces patients n’intègrent pas la nécessité d’un suivi par leur médecin. Craignant de déranger, mais cherchant au maximum à éviter un contact avec un médecin qu’ils ne comprennent pas, les illettrés auront également tendance à consulter tardivement par rapport à l’émergence de nouveaux symptômes.

S’ils ont eu, de surcroît, un contact médiocre, par une incompréhension réciproque, ils auront alors tendance à vouloir tenter leur chance auprès d’autres praticiens, en espérant une relation meilleure. Ce nomadisme a ainsi toutes les chances d’aboutir à une répétition des explorations dont certaines sont invasives (coronarographie), donc potentiellement iatrogènes.

Conséquences judiciaires

Si les illettrés ont des difficultés pour appréhender leur maladie et ses traitements, ils ont d’autant plus de difficultés pour comprendre la notion d’aléa thérapeutique. Avec parfois des attentes simplistes vis-à-vis de la médecine, ils n’en imaginent pas les limites. Ces éléments doublés d’une relation médiocre avec le médecin font le lit des réclamations judiciaires. Par une vision simple de la justice, ils vont être tentés de déposer plainte au commissariat de police, et donc d’engager une procédure pénale qui n’est pourtant pas la voie la plus adaptée en responsabilité médicale. Elle est en revanche très contraignante et difficile à vivre pour les médecins. C’est une idée fausse de croire que seuls les patients fortunés et socialement élevés font des procès aux médecins, bien au contraire ! Il ne faut pas oublier que les illettrés sont économiquement défavorisés, donc peuvent très facilement bénéficier de l’aide juridictionnelle. Enfin, la gratuité intégrale des nouvelles procédures CRCI (Commissions Régionales de Conciliation et d’Indemnisation des accidents médicaux) offre une autre voie de recours particulièrement simple, puisqu’il n’est pas nécessaire de faire appel à un avocat.

Mesures préventives

La priorité consiste à élaborer une stratégie de dépistage de cette population à risque. Lors de la première consultation, un questionnaire écrit sur des données administratives et les antécédents médicaux permet rapidement de cerner les personnes à l’orthographe aléatoire, signe direct d’illettrisme.

Plus que jamais, le discours doit utiliser un vocabulaire simplifié, loin du jargon habituel et l’interrogatoire doit rester ouvert pour que le patient puisse s’exprimer avec ses mots. Au terme de la consultation, le cardiologue doit vérifier systématiquement la compréhension de ces patients, en leur demandant par exemple qu’ils expliquent ce qu’ils ont compris.

La délivrance de consignes écrites dans un langage simple et lisible peut leur servir à distance de la consultation et éventuellement de se faire aider de tierces personnes (enfants, voisins, pharmacien…). L’ordonnance doit être écrite clairement (idéalement dactylographiée) avec une posologie précise et une répartition sur la journée, avec une mention invitant le pharmacien à retranscrire ces données sur la boîte.

Il faut les inviter à se rendre en consultation, le plus souvent possible accompagnés d’une personne relais, lettrée.

Pour assurer une continuité des soins, lorsque ces personnes sont amenées à consulter en urgence, il est souhaitable de leur remettre systématiquement les comptes-rendus d’explorations, d’hospitalisations ou de consultations et de leur conseiller de les garder sur eux.

Enfin, même s’il s’agit d’une population aux capacités intellectuelles réduites, il ne faut pas pour autant écarter trop rapidement des options thérapeutiques bénéfiques, par crainte d’un suivi difficile. Comme toujours, les magistrats attendent du médecin une obligation de moyens et vérifieront que la démarche médicale s’est faite dans un climat de respect de la personne et de dévouement (art. 2 et 3 du code de la déontologie médicale).

En conclusion

La prévention des accidents médicaux liés à l’illettrisme passe par le dépistage de ces patients, honteux de leur handicap.

Une fois identifiés, le cardiologue doit adapter son mode de communication et sans cesse vérifier la bonne compréhension de son message médical. C’est à ce prix que les médecins se mettront à l’abri de poursuites judiciaires.




Urgences : Situations pratiques

308 – Cas clinique n° 1

Un patient présente un dimanche un « malaise ». Il fait appel en urgence au médecin de garde. Celui-ci, qui n’est pas le médecin traitant habituel, ne constate aucun élément nécessitant une hospitalisation immédiate, mais il conseille quand même de consulter dès le lendemain un cardiologue et rédige une lettre.

Quelle sera la cotation du cardiologue consulté ?

1. C2 + DEQP003, car il y a une lettre du médecin généraliste.

2. CSC + MCC, car le malade n’est pas adressé par le médecin traitant.

Réponse

– La CSC n’est évidemment pas interdite.

– On cotera le C2 qui est plus avantageux et qui est autorisé. Certes, le patient n’a pas été adressé par son médecin traitant, mais il l’a été par un médecin vu en urgence, ce qui est un équivalent du « médecin traitant » au sens de la convention.

Référence – Modalités d’application des nouveaux articles 18 et 18-1 des Dispositions Générales de la NGAP rédigées par un groupe de travail issu de la Commission de hiérarchisation des actes professionnels : « Pour un patient en déplacement, est considéré comme médecin traitant celui qui adresse le patient. Le spécialiste consultant doit alors adresser une copie de la lettre au médecin traitant déclaré. Il en est de même pour un patient vu en urgence ».

Conditions

1. Le malade doit avoir un médecin traitant déclaré.

2. Un double de la lettre du cardiologue doit être adressé à ce médecin traitant.

Cas clinique n° 2

Même situation que le cas n° 1, mais le médecin de garde, débordé par les urgences, n’a pas le temps de rédiger une lettre. Il se contente de conseiller verbalement une consultation chez le cardiologue dès le lendemain.

Le C2 est-il autorisé ?

Réponse – Oui, car la consultation chez le cardiologue ne relève pas de l’initiative du patient, mais a bien été conseillée par l’équivalent du médecin traitant.

Référence – Modalités d’application des nouveaux articles 18 et 18-1 des Dispositions Générales de la NGAP rédigées par un groupe de travail issu de la Commission de hiérarchisation des actes professionnels.

« Il est souhaitable que le médecin traitant expose par écrit sa demande d’avis au médecin consultant, l’objectif étant de valoriser la coordination entre le médecin traitant et le consultant. Toutefois cette demande écrite n’est pas obligatoire. Quoi qu’il en soit, dans la lettre du consultant au médecin traitant, la notion d’adressage doit apparaître clairement. »

Cas clinique n° 3 _ Même situation que le cas n° 1, mais le médecin de garde préfère envoyer immédiatement le patient au POSU cardiologique de la clinique. Le cardiologue de garde, après examen clinique et réalisation d’un ECG, décide qu’il n’est pas nécessaire de garder le malade en hospitalisation. Il rédige une lettre pour le médecin de garde qui l’a adressé, avec double pour le médecin traitant.

Quelle sera la cotation du cardiologue, en gardant le principe de la solution la plus avantageuse et en sachant qu’il est à la clinique, et non à son cabinet ?

1. CSC + MCC.

2. C2 + DEQP003.

3. CS + DEQP003 + MCS + MPC.

4. Autre choix.

Réponse 4 – C2 + DEQP003 + Majoration F (au total : 76,58 €).
En effet :
– Le C2 peut s’appliquer aussi en établissement.
– Il s’agit de la suspicion d’une affection mettant en jeu la vie du patient ou l’intégrité de son organisme et entraînant la mobilisation rapide des ressources humaines et matérielles.
– L’acte est réalisé un dimanche.

La majoration d’acte urgent de dimanche ou de jour férié (19,06 €) peut donc s’appliquer.

Cas clinique n° 4

Il est 19 h 20. La secrétaire du cabinet de cardiologie s’apprête à mettre le répondeur. Un médecin téléphone pour demander une consultation pour le soir même en raison de la survenue d’une douleur thoracique brève chez un coronarien connu et déjà vu cinq mois auparavant. Compte tenu du temps de trajet, le rendez-vous est donné pour 20 heures.

Quelle sera la cotation du cardiologue ?
1. CSC + MCC + Majoration U (74,15 €).
2. CSC + MCC sans majoration de nuit, car l’appel a eu lieu avant 20 heures.

Réponse 1
– La majoration U (25,15 €) est possible car il s’agit de la réalisation « d’un acte non prévu 8 heures auparavant, entre 20 heures et 8 heures pour une affection ou la suspicion d’une affection mettant en jeu la vie du patient ou l’intégrité de son organisme ».

Cas clinique n° 5

Un malade demande à être vu « en urgence » le jour même pour bilan cardiologique pré-opératoire avant intervention pour cataracte. Il doit en effet avoir sa consultation d’anesthésie le lendemain et il est pris de court, car il avait oublié de prévoir sa consultation chez le cardiologue. Celui-ci lui fixe un rendez-vous à la fin de son programme de l’après-midi, à 20 heures.
Il s’agit donc d’un acte fait « en urgence » après 20 heures. Peut-on coter une majoration de nuit U ?

Réponse – Non. En effet, il ne s’agit pas d’une véritable urgence au sens médical du terme.  On peut par contre discuter un DE.

Textes de référence pour les cotations d’urgence

Dispositions générales de la C.C.A.M. (livre III, art. III-2) – « Urgence – Réalisation d’un acte non prévu 8 heures auparavant, entre 20 heures et 8 heures, le dimanche ou un jour férié, pour une affection ou la suspicion d’une affection mettant en jeu la vie du patient ou l’intégrité de son organisme et entraînant la mobilisation rapide des ressources humaines et matérielles ».

Convention« L’urgence est définie comme une situation non prévue plus de huit heures auparavant pour une affection, ou la suspicion d’une affection, mettant en jeu la vie du patient, ou l’intégrité de son organisme, et entraînant la mobilisation rapide du médecin ».