Ces caisses qui voudraient nous faire travailler gratuitement

364 – Lors des premières années de la CCAM, nous avions vu une diminution notable des contentieux avec les caisses à propos des facturations d’actes, l’année 2008 ayant marqué le point le plus bas avec aucun litige. Il faut dire que la rédaction des dispositions générales de la CCAM avait tenu compte des conflits d’interprétation de la NGAP, en supprimant ou en modifiant toutes les formulations qui pouvaient prêter à discussion.

 Impression

On constate depuis un ou deux ans une réapparition de ces litiges. Il ne s’agit plus, comme par le passé, de divergences sur l’interprétation des textes mais plutôt, de la part des caisses, d’un déni de la réalité.

Les cardiologues concernés reçoivent des mises en demeure de remboursement d’honoraires « indus », rédigées en style pseudo-juridique destiné à les intimider, avec mise en avant d’un certain nombre d’articles des D.G. de la CCAM qui n’auraient pas été respectés, mais les textes qu’on leur oppose correspondent à des pratiques sans aucun rapport avec celles qu’on leur reproche, de sorte que la citation de ces articles est sans objet, et l’argumentation de la caisse complétement artificielle.

 

Actes d’échographie programmés lors d’une consultation

Les faits. Comme la plupart des cardiologues, le Dr G. programme régulièrement lors de ses consultations des écho-dopplers cardiaques et des écho-dopplers vasculaires. C’est en effet une pratique habituelle des spécialités médico-techniques que de proposer ainsi des examens complémentaires non urgents, nécessaires à l’élaboration du diagnostic envisagé lors de la consultation.

Position de la caisse. Celle-ci conteste la facturation de ces actes d’échographie en se référant à l’article III-3-B-2-d des DG de la CCAM qui précise, dit-elle, que « pour les actes d’échographie, lorsque l’examen porte sur plusieurs régions anatomiques, un seul acte doit être tarifé ». Elle suggère que ces différents actes d’échographie auraient pu être faits dans le même temps, ce qui aurait permis de réduire les frais de transport. Elle réclame le remboursement d’une somme de près de 30 000 euros !

Arguments du Syndicat des Cardiologues. La caisse omet d’ajouter que l’article qu’elle cite est un sous-chapitre du chapitre « Association d’actes techniques ».
La définition de l’association d’actes est explicitée à l’article I-11 de ces mêmes DG de la CCAM qui est ainsi rédigé : « Dans le cadre de la tarification, l’association d’actes correspond à la réalisation de plusieurs actes, dans le même temps, pour le même patient, par le même médecin, dans la mesure où il n’existe pas d’incompatibilité entre ces actes ». Or, les actes d’échographie dont on reproche la facturation ont été pratiqués, ainsi que la caisse l’écrit elle-même, à des jours différents. Ils n’ont donc pas été faits « dans le même temps ». Il ne s’agit donc pas d’une association d’actes au sens des D.G. de la CCAM, et l’article cité ne s’applique pas.
La suggestion de réaliser les différents actes d’échographie dans le même temps que la consultation est incompréhensible car ce type d’association d’actes est interdit par les règles administratives, à moins qu’ils soient faits gratuitement, ce qui est sans doute le souhait de la caisse.

Rappelons quand même qu’il s’agit d’actes plutôt longs comme l’indique le temps de travail qui est précisé dans la CCAM et que   la durée moyenne de la consultation de cardiologie est évaluée à une trentaine de minutes.

Commentaires. Les actes ont été effectués à des temps différents, mais dans le respect des textes, car la réglementation ne permet pas le cumul dans le même temps et l’organisation des cabinets de cardiologie doit s’adapter (sauf urgence) à cette règle. La nécessité de déplacements multiples est due essentiellement à cette réglementation archaïque qui n’existe dans aucun autre secteur d’activité.

 

Actes différents pratiqués en établissement le même jour sur un même malade par des cardiologues différents

Les faits. Des patients hospitalisés à l’hôpital privé A. ont bénéficié d’actes cardiologiques divers (électrocardiogrammes, échocardiogrammes, holters) pratiqués par des cardiologues différents, à des moments différents d’une même journée. C’est une pratique courante, permettant notamment de réduire les durées d’hospitalisation dans les établissements où, habituellement, les cardiologues travaillent en équipe.

Position de la caisse. Celle-ci refuse la prise en charge d’un certain nombre de ces actes, et en réclame le remboursement des honoraires, en s’appuyant sur l’article 11B des D.G. de la NGAP, concernant les actes pratiqués « dans une même séance ».

Arguments du Syndicat des Cardiologues. Depuis l’introduction de la CCAM, en 2005, les actes techniques concernés ne sont plus régis par la NGAP, dont le rappel est sans objet. L’article 1-11 des DG de la CCAM, auquel il convient de nouveau de se référer, précise bien que l’association d’actes correspond à la réalisation de plusieurs actes, dans le même temps, pour le même patient, par le même médecin.  Ici, il ne s’agit pas d’actes réalisés par le même médecin, mais par des médecins différents et, qui plus est, à des temps différents. Les restrictions imposées par les règles d’association ne s’appliquent donc pas.

 

ECG pratiqués par un cardiologue dans un service de soins continus, à la demande des anesthésistes

Les faits. Le Docteur S., cardiologue, pratique, à la demande des anesthésistes, des ECG sur des patients hospitalisés dans le service de soins continus de la clinique de M.. Conformément à la CCAM, il code cet acte DEQP003 et l’anesthésiste code son forfait de réanimation niveau A YYYY015.

Position de la caisse. La caisse conteste la facturation des ECG avec l’argument suivant : « DEQP003-Electrocardiographie sur au moins 12 dérivations. Facturation : ne peut être facturé avec un forfait de réanimation (YYYY015, YYYYY020) ».

Arguments du Syndicat des Cardiologues. Cette affirmation de la caisse témoigne d’une méconnaissance à la fois du dossier et des règles de facturation.

Le forfait de réanimation YYYY015 : Le texte de la CCAM précise que ce code inclut un certain nombre d’actes de surveillance, parmi lesquels ne figure pas l’ECG 12 dérivations. Il s’agit d’une facturation par 24 H et par équipe. Le Docteur S. ne fait pas partie de l’équipe des anesthésistes de l’établissement et c’est à leur demande, pour avis, qu’il est intervenu sur leurs patients

L’ECG 12 dérivations DEQP003 : Le texte de la CCAM prévoit effectivement que le DEQP003 ne peut pas être facturé avec le forfait de réanimation YYYY015, mais, pour sa part, le Docteur S. n’a pas facturé ce forfait, qui l’a été par l’anesthésiste. Il est donc faux d’écrire qu’il a facturé une association d’actes interdite, puisque qu’il n’en a facturé qu’un seul.
En fonction de l’article I-11 des dispositions générales de la CCAM évoqué plus haut, concernant les restrictions de tarification en cas d’association d’actes, l’anesthésiste, qui a codé son YYYY015, ne pourrait pas coder le même jour un DEQP003.
Mais ici, les deux actes n’ont pas été pratiqués par le même médecin, et celui facturé par l’un n’interfère pas avec celui facturé par l’autre.

 

Riposte du Syndicat des Cardiologues

La défense de nos adhérents est assurée par leur Syndicat Régional et le Syndicat National. Nous leur avons fourni tous les éléments d’une réponse argumentée à leur caisse.
Le Syndicat des cardiologues est également intervenu auprès des directeurs de CPAM et auprès de la Caisse Nationale.
Nous attendons le résultat de ces différents échanges.
Nous espérons que les caisses entendront nos explications, mais en l’absence d’avancée, il faudra passer par la voie du contentieux, et engager une action auprès des tribunaux. Dans ce cas, les cardiologues concernés pourraient compter sur l’aide et le soutien de leur Syndicat, mais ce serait un retour en arrière de plusieurs années dans nos relations avec la Sécurité Sociale.

Vincent Guillot