« Cessez de désespérer Billancourt »

326 – L’emballement médiatique a atteint son paroxysme à propos du secteur optionnel et des dépassements d’honoraires avec, pour corollaire, l’ouverture officielle de la chasse au secteur 2, à l’Assemblée Nationale hier et au Sénat ces jours-ci. Aussi importants que soient ces enjeux, il ne faut pas laisser l’arbre des dépassements cacher l’immense forêt des problèmes de financement de notre système de santé.

Sans vouloir dramatiser à tout prix : il est manifeste que le système actuel de solidarité nationale intégrale, à travers l’Assurance Maladie Obligatoire, a atteint ses limites. En cela le principe proposé par le remboursement des dépassements maîtrisés du secteur optionnel par les assureurs complémentaires est parfaitement exemplaire et devra être étendu à tous les praticiens rapidement.

Bien sûr cela se traduira obligatoirement par une plus forte implication financière des cotisants comme le rappelle Jean-Claude Boulmer ([Président de la FNAMOC, première association de patients en cardiologie)] dans un des articles suivants. Mais pour autant, il n’y aura pas de miracle : les dépenses augmentent, il faut en trouver les financements. L’enjeu est de maintenir une justice sociale à travers la mise en place de dispositifs d’accompagnement comme celui de l’aide à l’obtention d’une mutuelle pour les patients qui ne peuvent la financer, à l’exemple de la CMU ou du bouclier social.

Mais de grâce n’incriminons pas toujours les honoraires médicaux : 27 milliards au total pour la totalité des professionnels de santé, dont 13 pour les médecins en 2008. Soit un montant inférieur au déficit prévisible de l’Assurance Maladie prévu en 2010. Travaillerions-nous tous gratuitement que cela ne suffirait pas à le combler. Il est évident que l’encadrement strict voire la réduction de nos honoraires ne saurait être « le » remède miracle qui sauvera notre chère SECU.

Quant à la solution du salariat, plébiscité par les plus jeunes, il n’y a qu’à comparer la productivité et la disponibilité de nos confrères anglo-saxons pour comprendre le coût collectif que cela peut représenter sans pour autant régler le problème démographique.

Mesdames et Messieurs les élus et autres dirigeants cesser de « désespérer Billancourt » (Précisons, pour les plus jeunes, que l’expression « il ne faut pas désespérer Billancourt » est communément attribuée à Jean-Paul Sartre au retour d’un voyage en URSS, pour signifier qu’on est en droit de ne pas dire toute la vérité aux ouvriers sur la réalité du régime soviétique afin de ne pas décevoir ceux qui croient dans le progrès incarné par la patrie de la révolution prolétarienne.) ou vous n’aurez plus aucune vocation libérale. Les conclusions récentes du Conseil National de l’Ordre sont alarmantes, l’exercice libéral ne fait plus recette. Ce sont des mesures incitatives et non répulsives que vous devez proposer pour sauver cette médecine libérale qui fait office de service public efficace, alors que vous déplorez la désertification médicale de vos régions.

image_pdfimage_print