Charte de télécardiologie

Le cardiologue dispose de trois types de prothèses électroniques pour le diagnostic et le traitement des troubles du rythme cardiaque : les stimulateurs, les défibrillateurs et les holters implantables. Ces prothèses peuvent faire l’objet d’une télésurveillance ponctuelle à échéance calendaire et/ou continue événementielle.

L’activité de télémédecine, encadrée par le code de déontologie, a fait l’objet de textes législatifs et réglementaires : – Article 78-1 de la loi du 21 juillet 2009 (dite HPST) dédié à la télémédecine et codifié sous l’article L.6316-1 du code de la santé publique (NOR: SASX0822640L); – Loi du 24 décembre 2009 modifiant les articles L.162-3 du code de la Sécurité sociale sur la téléconsultation et L.4113-5 du code de la santé publique sur le partage des honoraires (NOR : BCFX0922820L); – Décret n° 2010-1229 du 19 octobre 2010 relatif à la télémédecine codifié sous les articles R.6316-1 à R.6316-11 du code de la santé publique (NOR : SASH1011044D). Le Conseil National Professionnel de Cardiologie (structure représentative commune à la Société Française de Cardiologie et au Syndicat National des Spécialistes des Maladies du Coeur et des Vaisseaux) et le Conseil National de l’Ordre des Médecins ont jugé opportun de publier cette Charte sur le bon usage professionnel et déontologique de la Télésurveillance des prothèses électroniques implantées en rythmologie.

1. Sur le plan juridique _ Les acteurs de la télésurveillance sont : – le médecin cardiologue qui exerce la télésurveillance ; – le directeur de l’établissement, pour ce qui relève de ses responsabilités propres, lorsque cette télésurveillance se réalise en établissement ; – le patient bénéficiaire de la télésurveillance ; – les tiers technologiques concernés par les aspects techniques de la télésurveillance : industriel fournisseur du système de télésurveillance (transmetteur, centre de service informatique…), réseaux des opérateurs téléphoniques fixes ou mobiles (transit des informations) et autres prestataires de service. – Le médecin doit, conformément à l’article R.4127-71 du code de la santé publique (Ex. article 71 du code de déontologie médicale), organiser les moyens techniques et les ressources humaines destinés à assurer la télésurveillance. En cas de fichiers informatiques destinés à l’organisation et à la gestion de la patientèle suivie en télécardiologie, une déclaration à la CNIL doit être effectuée et une sécurisation des outils informatiques doit être assurée (maintenance, sauvegardes, protection contre les intrusions et antivirale,…). Les échanges électroniques de données doivent se faire par messagerie sécurisée conformément aux principes de l’article R.4127-73 du code de la santé publique (Ex. article 71 du déontologie médicale) ou par le DMP lorsque celui-ci est ouvert. – Le patient, pour pouvoir donner son consentement exprès, doit avoir été clairement informé, par tout moyen, des conditions de fonctionnement de la télésurveillance : -* conditions techniques et mode de fonctionnement du système de télésurveillance proposé ; -* conditions spécifiques et modalités de fonctionnement du centre de télésurveillance (heures/jours d’ouverture, type et pertinence des données recueillies, modalités de télésurveillance, liens avec le médecin traitant et le cardiologue traitant du patient) ; -* respect du secret médical ; -* nécessité pour le centre de disposer des coordonnées téléphoniques (numéros de téléphone fixe et/ou mobile) et postales du patient actualisées ; -* fourniture au patient des coordonnées du centre de télésurveillance, avec les noms et numéros de téléphone des personnes à contacter en cas de problème ; -* information du patient sur la conduite à tenir en cas de problème survenant en dehors des heures de fonctionnement du centre de télésurveillance ; -* engagement du patient à signaler au centre de télésurveillance ses absences prolongées, ses changements de médecin traitant ou de cardiologue traitant, les nouveaux évènements cardiologiques importants le concernant ainsi que les modifications de son traitement cardiologique, notamment antithrombotique (anticoagulants, antiagrégants plaquettaires).

Le tiers technologique doit garantir, par contrat avec le(s) médecin(s) et/ou l’établissement, un accès permanent et informatiquement sécurisé aux données personnelles de santé des patients. Il doit garantir la confidentialité et la protection des données. S’il héberge des données de santé, il doit avoir été agréé au terme des procédures réglementaires prévues et se conformer à cette réglementation. Il doit préciser la conduite à tenir en cas de problème technique avec la transmission et la mise à disposition des données. Il doit assurer le remplacement du matériel obsolète ou non fonctionnel.

2. Sur le plan de la responsabilité médicale _ La télésurveillance est un acte médical à part entière. Comme tout acte médical, la responsabilité du médecin est engagée. Les personnes qui assisteraient le médecin cardiologue dans cette activité doivent avoir été spécialement formées à la pratique. Sur le plan déontologique le médecin est toujours responsable de ses actes quels que soient son statut et la structure où il exerce. Le cardiologue rythmologue (et/ou le centre d’implantation) est responsable du suivi des données techniques et médicales (essentiellement rythmologiques) de la prothèse implantée, transmises par télésurveillance. Il peut les gérer en exclusivité ou en collaboration avec le cardiologue traitant et/ou le médecin traitant, en particulier pour les données non rythmiques. Cette cogestion doit alors être clairement définie, logiquement par voie contractuelle. La responsabilité médicale ne saurait être engagée par une défaillance due à un tiers technologique.

3. Le modèle économique _ Le cadre de rémunération de la télésurveillance des prothèses électroniques implantées n’est pas encore défi ni mais revêt un caractère indispensable au développement et à la pérennité du suivi par télécardiologie.

Le médecin et/ou l’établissement dans lequel il exerce doivent percevoir une rémunération adaptée : _ 1/aux charges structurelles engagées afin d’assurer l’activité de télésurveillance, _ 2/ aux actes de télésurveillance continue et évènementielle réalisés.

En cas de gestion partagée des données au cours de la procédure de télésurveillance elle-même, la rémunération peut être répartie entre les acteurs sur des bases contractuelles dont les points essentiels au regard des bonnes pratiques déontologiques et professionnelles seront préconisés par les instances émettrices de cette charte. Si à la suite d’un événement notifi é par cette télésurveillance, le médecin traitant, le cardiologue traitant ou le cardiologue rythmologue sont amenés à intervenir auprès du patient, ils perçoivent la rémunération correspondant à l’acte réalisé.

4. Les bonnes pratiques _ Les sociétés savantes européennes et américaines ont édité en 2008 des règles de bonnes pratiques en matière de surveillance des prothèses rythmiques implantées ([HRS/EHRA Expert Consensus on the Monitoring of Cardiovascular Implantable Electronic Devices (CIEDs): description of techniques, indications, personnel, frequency and ethical considerations: developed in partnership with the Heart Rhythm Society (HRS) and the European Heart Rhythm Association (EHRA); and in collaboration with the American College of Cardiology (ACC), the American Heart Association (AHA), the European Society of Cardiology (ESC), the Heart Failure Association of ESC (HFA), and the Heart Failure Society of America (HFSA). Endorsed by the Heart)] et les conditions de mise en oeuvre des actes de télémédecine sont par ailleurs définies dans le décret n° 2010-1229, du 19 octobre 2010.

En l’absence d’événement, les patients porteurs d’un stimulateur cardiaque doivent bénéficier d’un suivi systématique tous les 3 à 12 mois (ou plus si cliniquement indiqué) réalisable par télésurveillance calendaire, et d’une consultation annuelle en face à face, les données étant archivées dans leur dossier médical. En l’absence d’événement, les patients porteurs d’un défibrillateur cardiaque doivent bénéficier d’un suivi systématique tous les 3 à 6 mois (ou plus si cliniquement indiqué) réalisable par télésurveillance calendaire, et d’une consultation annuelle en face à face, les données étant archivées dans leur dossier médical. La télésurveillance calendaire peut se substituer à un contrôle en face à face (à l’exception de la visite annuelle au centre de stimulation/ défibrillation), avec rédaction d’un compte-rendu de l’acte adressé au patient, à son médecin traitant et au cardiologue traitant, et archivé dans le dossier médical du patient.

Si des événements télétransmis nécessitent des actes complémentaires, ces actes doivent être justifiés et leur compte-rendu archivé.

En soutien aux organisations locales, on peut envisager la mise en place à l’échelon régional de centres de télésurveillance drainant un volume d’activité permettant d’organiser de façon optimale le suivi des prothèses implantées, conformément aux recommandations. Ces centres de référence assurent la réception des données de télésurveillance et répercutent ces informations, selon leur nature, soit auprès des médecins généralistes et/ou des cardiologues traitants, soit auprès des centres d’implantation. ■

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