Chiroubles Chatenay 2018 – Beaujolais

Démarche iconoclaste, j’ai dérogé à la tradition familiale plus que cinquantenaire de se fournir en Beaujolais auprès de Rémi Benon (voir Le Cardiologue n°340) en rendant visite au domaine Daniel Bouland. Je dois d’emblée avouer avoir été conquis.

Ce vigneron est installé dans le hameau de Corcelette, siège de l’un des meilleurs terroirs du cru Morgon. Il possède 8 ha, exclusivement plantés en gamay, hérités des vieilles vignes de ses aïeux. D. Bouland représente le vigneron artisanal caricatural du Beaujolais. Il travaille seul (en dehors de quelques saisonniers) dans son vignoble, dont la majeure partie est constituée de vieilles vignes taillées en gobelet, pour certaines centenaires. Ses jeunes parcelles ont été plantées avec des sélections massales de ses ceps les plus anciens. Le vigneron accomplit un travail de titan dans ses vignes, dont beaucoup, très pentues, ne peuvent être traitées que manuellement. Sa science de la taille et de l’ébourgeonnage est remarquable. S’il reste en conventionnel, il n’en limite pas moins les apports chimiques autant que possible. Il utilise des herbicides, car il ne peut laisser pousser l’herbe sur les déclivités très importantes. Les rendements sont naturellement maîtrisés aux alentours de 50 hl/ha par l’âge des vignes. La vendange est évidemment manuelle (obligatoire dans l’AOC) avec des tris méticuleux.

Des cuvées remarquables

Le travail à la cave est, à la fois, simple et particulièrement soigneux. Les cuvées sont toutes vinifiées de la même manière en vendanges entières. Seul, le contenant d’élevage change. Les vins fermentent uniquement en levures indigènes en semi-carbonique selon la méthode beaujolaise traditionnelle. Les macérations durent 10 à 12 jours avec un remontage matin et soir, un pigeage en fin de fermentation. Les vins sont ensuite élevés en cuve inox et en foudre pendant 6 à 9 mois. Daniel favorise la présence de gaz, pour protéger ses vins pendant l’élevage et limiter la quantité de soufre ajouté. Les vins sont soutirés
15 jours avant la mise avec 2 objectifs : ôter le gaz et éliminer la réduction. Les vins sont soufrés à la vendange, puis après malo-lactique, ajustement si besoin à l’embouteillage, sans filtration. Daniel passe beaucoup de temps à la cave comme à la vigne à tous les stades de la vinification, goûte beaucoup et est très attentif à toute évolution n’hésitant pas à multiplier les analyses.

Lors de ma visite, j’ai rencontré un vigneron d’abord peu disert, très anxieux sur son travail et sur le jugement qu’on pourrait y apporter, mais qui se révèle progressivement très sympathique. J’ai goûté de nombreuses cuvées qui me sont toutes apparues remarquables : Côte de Brouilly corsé très aromatique, Morgon impressionnant de richesse, de puissance et pour tout dire envoûtant, mais qui, compte tenu du jeune millésime 2018, restent encore très austères et taniques, nécessitant une garde d’au moins 4 ans. C’est pourquoi je vous propose de déguster son Chiroubles, car cette appellation produit des vins fruités, élégants à boire dès leur prime jeunesse.

Un véritable mur impossible à labourer

Chiroubles, perché à plus de 400 m, est le plus haut des crus du Beaujolais sur un sol de gore (sable granitique peu épais). D. Bouland possède 70 ares en pentes très fortes, un véritable mur, dit-il, impossible à labourer, travaillé exclusivement à la main, traité à l’atomiseur pour contenir l’enherbement. A noter un élevage en cuves fibres, afin de tirer un maximum de fruité en évitant tout apport de bois.

Paré d’une robe pourpre claire aux brillants reflets violines, ce Chiroubles Chatenay du millésime solaire 2018 est une petite merveille d’équilibre et de friandise. Des arômes de fleurs : violette, pivoine, de fruits rouges acidulés : fraise des bois, framboise, cerise burlat, de légères notes de cassis et de prune rouge envahissent le nez et tapissent le palais. Avec cette « patte » de D. Bouland, le vin délivre immédiatement une impression tellement gourmande avec le juste équilibre qui en fait le modèle de Chiroubles. La bouche juteuse, pulpeuse révèle des saveurs très fruitées, d’aériens tanins veloutés. La finale, bien portée par une fine trame acide, reste énergique, croquante et salivante.

Des vins de copains

Les Beaujolais à boire frais et jeunes, tel ce Chiroubles, sont des vins d’ambiance, de copains. Ils escortent gaillardement les mets rustiques et en premier lieu, proximité régionale oblige, les lyonnaiseries de toutes sortes : les saucissons secs : jésus et rosette, les jambons crus, salés ou persillés, les pâtés divers, les terrines, notamment au lapereau ou au foie de volaille. Les classiques de la cuisine lyonnaise seront flattés par sa fraîcheur et son fruité qui équilibrent le gras des plats : tablier de sapeur, sabodet à la vigneronne, gras-double, pied de porc, choux farcis aux épices, andouillette grillée pommes pont-neuf. Un pigeon ou une pintade rôtie, un petit salé aux lentilles, un rôti ou un travers de porc à l’aigre-doux s’accommoderont parfaitement de l’exubérance des parfums de ce Chiroubles qui, de façon plus étonnante, se mariera parfaitement avec un saumon à l’oseille. En fin de repas, le gras d’un reblochon, d’un vacherin crémeux seront équilibrés par la fraîcheur du vin.

Laissons conclure le « gourou » Robert Parker : « Vins succulents… Daniel Bouland offre une interprétation particulièrement gourmande, une concentration fine et une longue finale qui font claquer les lèvres ». Et en terme d’offre, le rapport qualité-prix (10 euros) s’avère exceptionnel.

Daniel Bouland Corcelette
69910 Villie-Morgon