Comment prouver que l’on a satisfait à son obligation d’information ?

279 – 1 – Pourquoi faut-il informer ?

Outre l’humanisme que l’on attend de lui, le médecin a une obligation d’informer, consignée dans le code de déontologie médicale : « le médecin doit à la personne… une information loyale, claire et appropriée sur son état, les investigations et les soins qu’il lui propose » (Art. 35).

La loi KOUCHNER (du 4 mars 2002 : art. L 1111-2) a entériné la jurisprudence selon laquelle : « en cas de litige, il appartient au professionnel… d’apporter la preuve que l’information a été délivrée à l’intéressé… Cette preuve peut être rapportée par tout moyen ».

L’information est délivrée aux patients, mais également aux parents (mineurs), au tuteur ou à la personne de confiance (désignée par le patient), lorsque le patient est inconscient.

En cas de défaut d’information, les plaignants évoqueront la perte de chance pour eux de ne pas avoir pu se soustraire à l’acte incriminé. L’indemnisation sera proportionnelle à cette perte de chance, souvent calculée « à la louche » par les magistrats.

2 – Que doit contenir l’information ?

Elle doit tout d’abord porter sur les risques spontanés de la maladie, mais aussi sur les risques fréquents et/ou graves des différents moyens diagnostiques et thérapeutiques. Pour que l’information soit complète, elle devra préciser les conséquences prévisibles en cas de refus des actes proposés.

Par humanisme, les médecins avaient pris l’habitude d’informer leurs patients avec paternalisme en occultant souvent la gravité des pathologies et des risques des actes proposés. Cette pratique était tacitement acceptée des patients.

Mais, à la moindre complication, ceux-ci faisaient alors valoir leurs droits et soutenaient, sur les conseils de leurs avocats, qu’informés du risque, ils auraient renoncé à l’acte !

Puisque la loi KOUCHNER responsabilise les patients et stipule que : « le médecin doit respecter la volonté de la personne après l’avoir informé des conséquences de ses choix », les praticiens ne doivent surtout plus chercher à faire accepter des actes, en cachant les risques. Bien entendu, le praticien garde le droit de refuser d’appliquer l’option choisie par le patient, s’il pense qu’elle est inadaptée.

3 – Le colloque singulier : le préalable indispensable

La recherche de traçabilité de délivrance de l’information ne doit pas se substituer au colloque singulier. Dans certains cas, il ne faut pas hésiter à proposer une consultation dédiée à l’information.

Si la rareté des complications graves n’incite pas à les évoquer, il ne faut pas oublier que malheureusement, elles feront basculer l’existence de certains patients. L’expérience prouve, que si les risques n’ont jamais été évoqués, le sentiment d’injustice, bien compréhensible face à cette malchance, se transforme volontiers en colère revendicatrice du patient à l’égard de son médecin.

Contrairement à des spécialités plus fonctionnelles, la cardiologie a la chance de gérer des pathologies engageant le pronostic vital, ce qui facilite l’acceptation des actes par les patients.

Il faut donc avoir le courage de parler un langage « vrai » à ses patients, sans pour autant leur dérouler un catalogue de complications, sans les nuancer.

Les formules faciles comme : « ne vous inquiétez pas, ce n’est rien ! » sont à proscrire. On leur préfèrera : « Cet examen (ou traitement), rendu nécessaire par votre état, comporte quelques risques ». La méthode graduelle consiste ensuite à susciter les questions du patient, en lui expliquant la préparation avec toutes les précautions prises et la réalisation du geste.

En prenant l’exemple de la coronarographie, un bon nombre de complications peuvent être évoquées, en demandant au patient s’il est allergique, s’il a des troubles neurologiques, en examinant ses pouls, ses carotides, en lui demandant un doppler, ou un bilan biologique (coagulation, fonction rénale…).

Mais à la fin du colloque singulier, le patient doit avoir été sensibilisé aux complications possibles, en tenant compte de son terrain.

4 – Preuves de la délivrance d’information

Si le contenu du colloque singulier est une affaire entre le médecin et son patient, les moyens de preuves de l’information est plutôt une affaire entre experts, avocats et magistrats !

Parmi les moyens, deux d’entres eux offrent une parade peu contestable : – le courrier du praticien à son correspondant ou à son patient, reprenant les bénéfices et risques, évoqués lors de la consultation ;

– le document d’information de la société savante, signé du patient.

Sans discussion préalable, le document d’information signé peut être mal ressenti par le patient. Cependant, il présente de nombreux atouts, dont il ne faut pas se priver. L’exhaustivité des données (légitimées par la société savante) permettent de suppléer un oubli du praticien. Il permet aussi au patient de réinterroger son médecin sur un point non compris lors d’une consultation. La signature scelle l’accord du patient et dans la pratique, peu de patients osent revendiquer un défaut d’information, quand ils l’ont signé. Il constitue un moyen simple, reproductible et fiable dans un exercice libéral, dont les contraintes démographiques laissent de moins en moins de temps aux praticiens.

Par contre, on s’interdira de le proposer à des patients ne sachant pas lire, à moins qu’il ne soit contresigné d’une « personne de confiance », sachant lire.

Une rumeur, colportée probablement par ceux qui ne veulent pas se résoudre à informer, tente de jeter le discrédit sur les documents d’information signés, en affirmant « qu’ils n’ont pas de valeur juridique ! ». Cela est le résultat d’un amalgame grossier fait entre plusieurs problèmes.

En effet, le but des documents d’information est uniquement de prouver que l’on a satisfait à son obligation d’information, et non pas de servir de paratonnerre contre toutes les fautes médicales. Ainsi, un praticien, qui commettrait une faute : mauvaise indication, technique inadaptée ou gestion défectueuse d’une complication, se verrait bien entendu condamné, même si le patient avait été informé (avec document signé). En revanche, si un patient est victime d’un accident médical aléatoire (sans faute) et qu’il a été dûment informé, le praticien ne sera pas condamné.

La possibilité est aussi faite de remettre le document d’information, sans le faire signer, et de faire mention de cette remise dans le dossier. Cela comporte néanmoins le risque de ne pas pouvoir s’opposer à une possible mauvaise foi du patient (ou ayants droits), qui clamerait la non-réception.

Par ailleurs, un faisceau d’arguments peut être mis en avant pour démontrer la matérialité d’un échange d’informations. Cela repose d’abord sur l’existence d’un délai de réflexion suffisant entre la consultation et l’acte. Ensuite, toute démarche d’information doit être retranscrite dans le dossier: « information donnée », « venu avec une liste de questions », « son oncle a subi la même intervention », « vient avec un magazine de santé ou pages internet sur le sujet ». Les signes d’inquiétude du patient devront également être relevés, puisqu’ils sont le reflet de la prise de conscience des risques : « anxieux », « veut réfléchir »…

Par contre, il faut savoir que le tribunal n’accordera pas plus de crédit à une déclaration sur l’honneur du médecin (ou à un témoignage d’un membre de l’équipe soignante), qu’aux paroles du patient ou de son entourage.

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Preuves de délivrance d’information

– Nombres de consultations et délai de réflexion avant l’acte (hors urgence). – Notes relatives à l’information et l’anxiété du patient (dossier). – Courrier aux correspondants ou au patient, évoquant les risques. – Documents d’information (SFC), signés du patient.|

I N F O F L A S H

|Des cas de thromboses aiguës de stents « actifs », après un arrêt prématuré des antiaggrégants plaquettaires (malgré un traitement par HBPM) font l’objet de plaintes judiciaires. _ Les cardiologues doivent sensibiliser leurs patients, ainsi que leurs médecins à ce problème et doivent recommander de différer les actes chirurgicaux non urgents après la période de sécurité (2 à 6 mois selon le stent utilisé), pour que le bénéfice sur la resténose ne soit pas annulé par des infarctus sur thrombose de stents.|