Contrats d’Accès aux Soins : des premiers résultats positifs

© JPC-PROD

383 – L’Assurance Maladie tire un premier bilan positif du Contrat d’Accès aux Soins (CAS), puisque, en 2014, les médecins de secteur 2 sont de plus en plus nombreux à adhérer au dispositif et respectent leurs engagements dans une très grande majorité. Résultat : en 2014 le taux de dépassements d’honoraires a baissé tandis que la part des actes effectués aux tarifs opposables a augmenté. 

Accouché dans les forceps, le Contrat d’Accès aux Soins (CAS) est entré en vigueur le 1er janvier 2013. Visant à réguler les dépassements d’honoraires, le CAS propose aux médecins de secteur 2 ainsi qu’à ceux de secteur 1 titrés (notamment chefs de clinique et assistants des hôpitaux) de s’engager pour trois ans à geler, puis réduire progressivement leurs taux moyens de dépassement d’une part et, d’autre part, à respecter un certain taux d’activité à tarifs opposables. Les médecins qui y souscrivent s’engagent également à ne pas pratiquer de dépassements supérieurs  au double du tarif opposable (100 %). En contrepartie de ces engagements, ils bénéficient de la prise en charge par l’Assurance Maladie de leurs charges sociales pour la part des actes effectués aux tarifs opposables, ainsi que d’un alignement de la base de remboursement de leurs actes sur ceux du secteur 1, donc sur la base de 28 euros et non plus de 23 euros.

Combien de praticiens ont été séduits par le CAS et qui sont-ils ? Selon l’Assurance Maladie, ils étaient 11 103 au 31 décembre 2014 à avoir adhéré au CAS, dont 7 767  (70 %) sont des médecins de secteurs 2 et 3 336 sont des médecins de secteur 1 installés avant 2013 et possédant des titres leur permettant l’accès au secteur 2. Au total, ce sont presque 700 contrats de plus qu’en 2013, qui correspondent à 1 180 nouveaux médecins adhérents – dont les deux tiers sont de secteur 2 – et à 494 médecins qui sont sortis du dispositif. Concernant ces sortants, ce sont pour  60 % d’entre eux des médecins qui ont cessé leur activité libérale, dont 44 % pour prendre leur retraite. A la fin de l’année dernière, 32 % des médecins de secteur 2 avaient adhéré au CAS, un taux qui frôle, après deux années de fonctionnement, le tiers qui avait été initialement envisagé – puis abandonné – comme condition sine qua non à l’entrée en vigueur du contrat.

A la fin de 2014, 613 nouveaux installés en secteur 2 ont adhéré au CAS, contre 256 à fin 2013, soit plus de 450 nouveaux installés de plus en un an. L’Assurance Maladie s’en félicite, soulignant que cela « correspond à l’un des objectifs du CAS », à savoir, favoriser l’installation de médecins en secteur 1 ou en secteur 2 en CAS à tarifs maîtrisés. Le nombre des hospitaliers temps plein secteur 2 ayant adhéré au CAS a continué lui aussi de croître, passant de 513 à 537 (+ 74) entre la fin de 2013 et la fin de 2014. Enfin, au cours du premier trimestre de cette année, plus de 310 nouveaux contrats ont été signés. Selon le dernier comptage de la CNAMTS, au 10 avril dernier, 372 contrats avaient été signés depuis le début de l’année, dont 318 concernaient des praticiens de secteur 2. Ainsi, si le Contrat d’Accès aux Soins n’a pas connu un engouement au départ, il séduit, lentement mais sûrement.

Des taux de dépassement en baisse

Mais la grande question est de savoir si le CAS a eu un impact positif sur les pratiques tarifaires, autrement dit s’il a atteint l’objectif de régulation des dépassements d’honoraires pour lequel il a été créé.

Pour la Caisse Nationale d’Assurance Maladie des Travailleurs Salariés (CNAMTS), le bilan est positif. Rappelant qu’avant 2012 et l’avenant 8, le rythme de progression du taux de dépassement des médecins de secteur 2 était d’environ de 8 à 9 % par période de cinq ans et qu’étant de 56 % en 2011 pour les spécialistes, ce taux aurait dû atteindre, à ce rythme, 65 % en 2016, elle indique que depuis 2012, le taux de dépassement des médecins de secteurs 2 décroît, passant de 55,4 % en 2012, à 55,1 % en 2013 et 54,1 % en 2014 (- 1 point).

Dans le même temps, le taux de dépassement des médecins de secteur 2 adhérents au CAS est passé de 28,4 % en 2012, à 27,7 % en 2013 et 24,3 % en 2014 (- 3,4 %), et pour les seuls spécialistes, de 27,7 %, à 26,9 % puis à 23 % l’année dernière (- 3,9 %). Quant aux cardiologues, dont le taux de dépassements se situe parmi les plus bas de toutes les spécialités, il a décrût lui aussi (voir tableaux ci-dessous), passant de 10,4 % en 2012 à 9,4 % en 2014.

A l’inverse, le taux d’actes à tarif opposable a progressivement augmenté, conformément au but recherché, là aussi. Pour l’ensemble des médecins de secteurs 2, il est passé de 32,9 % en 2012 à 34,7 % en 2014, pour les médecins de secteur 2 adhérents au CAS, de 46,2 % à 51,6 % sur la même période (en hausse de 3,6 % l’année dernière) et pour les seuls spécialistes de secteur 2 adhérents au CAS, de 51,9 % en 2012 à 56,4 % en 2014 (+ 3 %).

83 % de contrats respectés

Sur 10 417 médecins ayant opté pour le CAS à la fin 2013, seuls 17 % (1 667) n’ont pas respecté leurs engagements. Pour les 8 750 (83 %) praticiens qui les ont respectés, une première vague de paiement de la prise en charge de leurs cotisations sociales proportionnelle au taux d’activité au tarif opposable a été versée en avril dernier.

Selon les données de la CNAMTS, le montant moyen versé à l’ensemble des médecins de secteur 2 est de 5 500 euros et de 6 950 euros pour les seuls spécialistes. Mais cette moyenne recèle des écarts importants : le versement moyen s’établit entre 3 000 et 4 000 euros pour les pédiatres, psychiatres et gynéco-obstétriciens, entre 7 000 et 9 000 euros pour les gastroentérologues ou les chirurgiens et se situe entre 11 000 et 13 000 euros pour les anesthésistes, les radiologues et… les cardiologues.

En novembre 2012, aux opposants à l’avenant instaurant le Contrat d’Accès aux Soins, Jean-François Rey, alors président des spécialistes confédérés (UMESPE-CSMF), vantait dans nos colonnes (voir Le Cardiologue n°356) les avantages de ce contrat et estimait : « les spécialistes n’ont pas fait leurs calculs ». Apparemment, ils sont de plus en plus nombreux à le faire. A la vue de ce premier bilan du CAS, la CSMF salue « cet accord gagnant pour tous les acteurs ». « Le CAS participe en premier lieu à développer un tarif social, à faciliter un accès aux soins pour tous, estime la confédération, tout en respectant l’indépendance et la pratique médicale. »

Le SML, ne partage pas cette satisfaction, alors même que son ex-président, Christian Jeambrun, a été un fervent partisan du CAS et a ratifié l’avenant 8. Une signature que son successeur, Roger Rua, aurait, il est vrai, volontiers reniée et que l’actuel président, Eric Henry, n’approuve pas davantage. « Un succès ? Les promoteurs du CAS s’en félicitent, le SML beaucoup moins », peut-on lire sur le site du syndicat qui se livre à une analyse très critique du bilan « positif » de la CNAMTS qui sait « manier les chiffres à son avantage ». « Il est facile de dire que les dépassements d’honoraires ont diminué quand on a augmenté le taux de remboursement… La baisse relative des dépassements d’honoraires est là comme prévu, c’est mathématique et sans surprise, persifle le SML. Mais qu’en est-il de la baisse absolue ? »

Plus généralement, le Syndicat de Médecins Libéraux déplore « l’effet secondaire du CAS sur la non-revalorisation des honoraires du secteur 1 ». Sans condamner le CAS, le président du Syndicat National des Spécialistes des Maladies du Cœur et des vaisseaux (SNSMCV), Eric Perchicot, explique lui aussi que le CAS est avantageux pour les spécialistes, mais qu’il n’est pas la solution à « l’indigence » du tarif des actes de base.

Le CAS serait, en quelque sorte, une aubaine pour les médecins ? C’est en tout cas l’analyse qu’en fait l’Observatoire citoyen des restes à charge en santé, qui regroupe le Collectif Interassociatif Sur la Santé (CISS), 60 Millions de consommateurs et Santéclair. Pour lui, la mise en place du CAS « a certes permis de limiter certains excès, mais n’a pas enrayé l’augmentation globale du montant des dépassements d’honoraires des spécialistes ». L’Observatoire note qu’en 2014, plus de 2,8 milliards d’euros ont été facturés aux patients au-delà des tarifs opposables, en progression de 6,6 % par rapport à 2012, sans préciser cela dit la part réelle de reste à charge après remboursement par les complémentaires.

Le CAS a provoqué un effet d’aubaine chez nombre de spécialistes, qui bénéficient à la fois d’une prise en charge d’une partie de leurs cotisations et de la possibilité de facturer – ou de continuer à facturer – des honoraires relativement élevés (jusqu’à 2 fois le tarif de l’Assurance Maladie, en moyenne sur l’ensemble de leur activité), analyse l’Observatoire. L’UMESPE, juge qu’il s’agit là d’une « présentation dévoyée des résultats » du CAS et dénonce « l’absence de prise en charge des compléments d’honoraires des signataires du contrat par les assureurs complémentaires alors qu’ils ont pourtant paraphé l’accord ».

tablo1_600

 

tablo2_600

image_pdfimage_print