Convention AERAS 2011 : Quelles avancées pour les droits du malade ?

341 – Année des patients oblige, la nouvelle convention AERAS (s’Assurer et Emprunter avec un Risque Aggravé de Santé) succède à celle de 2007, et s’applique depuis le 1er mars dernier. Si elle conserve l’essentiel du texte initial, elle apporte néanmoins quelques améliorations notables. La première porte sur l’information et la diffusion de la connaissance de la convention AERAS, encore insuffisante. Ainsi, d’ici à la fin de l’année, le site internet officiel de la convention (www.aeras-infos.fr) sera rénové, et davantage tourné vers l’accompagnement des futurs emprunteurs dans leur recherche d’assurance. Des partenariats d’information vont être créés, notamment avec les médecins. Sur le fond, la convention 2011 offre une meilleure couverture du risque invalidité « spécifique ». L’un des objectifs est de couvrir 60 % des assurés relevant de la deuxième catégorie d’invalidité de la Sécurité Sociale. Le montant des prêts pouvant être obtenus par le dispositif augmente, passant de 15 000 euros à 17 000 euros pour les prêts à la consommation, et de 300 000 euros à 320 000 euros pour les prêts professionnels et immobiliers. Quant au seuil de déclenchement du mécanisme d’écrêtement des surprimes, il est abaissé et ramené de 1,5 à 1,4 point du TEG.

La convention AERAS 2011 crée une commission des études et des recherches, dotée d’un budget de quatre millions d’euros sur quatre ans. Composée de médecins, d’experts de la HAS et de l’INCA, de médecins conseils de compagnies d’assurance et de représentants d’associations de patients, cette commission a pour mission d’objectiver les données sur la mortalité/morbidité des principales pathologies, et de fournir de nouvelles statistiques aux assureurs. Afin d’optimiser la réussite du dispositif, une autorité de contrôle est créée, des indicateurs de suivi seront mis en place et des objectifs indicatifs chiffrés donnés. Enfin, la convention AERAS 2011 marque une évolution vers l’harmonisation des questionnaires médicaux spécifiques par pathologie, ce qui simplifiera les démarches des futurs emprunteurs, qui devaient auparavant interroger plusieurs fois leur médecin pour remplir des questionnaires différents d’un assureur à l’autre.

La notion de droits des malades renvoie en général aux droits des patients à l’égard de leurs médecins ou à l’égard de l’Assurance Maladie. Pourtant, la qualité de malade a des implications juridiques dans de nombreux domaines de la vie sociale [1]. L’une des plus remarquables concerne certainement les droits des personnes atteintes d’un risque aggravé de santé à l’égard des prêteurs et des assureurs. La loi du 31 janvier 2007 relative à l’accès au crédit des personnes présentant un risque aggravé de santé prévoit qu’une convention nationale est conclue entre l’Etat, les associations de consommateurs et de personnes malades ou handicapés et les organisations professionnelles représentant les établissements de crédit et les assureurs. En l’absence de convention, les dispositions visées par l’article 2 de la loi doivent être réglementées par décret [2].

L’avenant à la Convention AERAS en date du 1er février 2011 renforce les droits des personnes atteintes d’un risque grave de santé. Les nouveaux droits ne bénéficient pas rétroactivement aux personnes ayant déjà profité des dispositions anciennes. Il convient de reprendre les principales avancées qu’entérine cet acte entré en vigueur le 1er mars 2011.

L’élargissement de la couverture invalidité 

En matière de prêts immobiliers et professionnels, l’avenant prévoit un engagement renforcé des assureurs qui seront tenus de proposer, à partir du 1er septembre 2011, deux types de garantie invalidité, à condition que la couverture de ce risque soit possible. Autant dire que l’efficacité du dispositif dépendra de ce qu’il faut entendre par la possibilité de couverture du risque invalidité. Si ce critère n’est pas rempli, les assureurs sont uniquement tenus de proposer une garantie Perte totale et Irréversible d’Autonomie (PTIA), laquelle ne suffit pas toujours à obtenir le prêt.

Si la couverture est possible, l’assureur doit proposer une garantie invalidité aux conditions de base du contrat standard avec, le cas échéant, exclusion(s) et/ou surprime, ou une garantie invalidité spécifique au taux de 70 %.

La garantie spécifique constitue l’avancée majeure opérée par l’avenant :

– le taux de 70 % est apprécié par référence au barème d’invalidité annexé au Code des pensions civiles et militaires ;
– la garantie ne comporte aucune exclusion de pathologie [3] ;

les établissements de crédit s’engagent à n’exiger aucune autre garantie s’agissant de la couverture du risque santé. Cependant, l’avenant prévoit une exception qui limite l’efficacité du dispositif puisque ces établissements peuvent refuser d’accorder le prêt si l’examen particulier du dossier ne leur permet pas de disposer d’une garantie raisonnable sur la capacité du candidat à l’emprunt à s’acquitter des annuités d’emprunt.

Contrairement à ce qui avait été envisagé, l’avenant n’impose aucun quota aux assureurs dans l’octroi de la garantie invalidité, ni ne fait de cette garantie une assurance obligatoire dont le tarif est fixé d’autorité par le Bureau central de tarification en cas de refus d’assurance.

Par ailleurs, l’assureur peut procéder à un ajournement en reportant sa décision d’octroyer la garantie invalidité. Au-delà de l’allongement des délais de traitement consécutif à l’ajournement, il arrive que l’assureur prévoie que le refus de garantir l’invalidité remet en cause la garantie décès [4]. L’avenant n’interdit pas cette pratique qui paraît contestable. En effet, si on admet que le candidat puisse accéder au troisième niveau (voir infra) alors même que le refus porte uniquement sur la garantie invalidité [5], le fait qu’il dispose déjà des garanties décès et PTIA pourrait faciliter l’acceptation de son risque par le Pool des risques très aggravés.

L’écrêtement des surprimes

La surprime versée par l’emprunteur est plafonnée en matière de prêts immobiliers liés à l’acquisition de la résidence principale et de prêts professionnels, dont le montant ne dépasse pas 320 000 euros (contre 300 000 auparavant) et si le candidat n’aura pas plus de 70 ans à la dernière échéance du prêt [6]. Notons que les crédits relais n’entrent pas dans le calcul du seuil des 320 000 euros lorsque l’emprunt a pour but l’acquisition d’une résidence principale. En revanche, pour les autres prêts, les encours cumulés de prêts ne doivent pas dépasser 320 000 euros.

Les conditions d’éligibilité au dispositif d’écrêtement liées aux revenus des candidats à l’emprunt ne sont pas modifiées. L’avenant consacre néanmoins deux avancées :
– la partie de la surprime qui dépasse 1,4 point du TEG (contre 1,5 auparavant) est prise en charge par les assureurs et les prêteurs. Les primes d’assurances atteignent rarement de tels montants ;
– la surprime est intégralement prise en charge par les assureurs et les prêteurs au profit des emprunteurs de moins de 35  ans bénéficiaires du prêt à taux zéro renforcé (PTZ+).

Le dispositif à trois niveaux

L’avenant maintient la distinction entre les trois niveaux d’offre d’assurance :

1. Lorsque l’analyse d’un questionnaire de santé conduit l’assureur à refuser un candidat à l’emprunt, le dossier de celui-ci est automatiquement transféré vers un deuxième niveau qui permet le réexamen individualisé de la demande d’assurance.

2. En cas de refus au deuxième niveau, le candidat peut prétendre à un examen de troisième niveau, à condition que le prêt ne dépasse pas 320 000 euros et soit d’une durée telle que l’âge de l’emprunteur en fin de prêt n’excède pas 70 ans.

3. Le troisième niveau est constitué par le « Pool des risques très aggravés » qui est une convention de co-réassurance gérée par le Bureau Commun d’Assurances Collectives (BCAC) par laquelle est déterminée la part d’indemnité prise en charge par le Pool en cas de sinistre, en vue d’alléger l’obligation de l’assureur qui conserve en général 50 % du risque ayant fait l’objet d’un refus aux premier et deuxième niveaux.

Le questionnaire médical

En matière d’assurance décès des prêts à la consommation affectés ou dédiés, l’assureur s’engage à ne pas imposer un questionnaire de santé lorsque le montant du crédit n’excède pas 17 000 euros (contre 15 000 euros auparavant), uniquement lorsque la durée du crédit est inférieure ou égale à quatre ans et que l’emprunteur n’a pas plus de 50 ans.

Le candidat à l’assurance doit alors seulement déposer une déclaration sur l’honneur de non-cumul de prêts au-delà du plafond de 17 000 euros.

Le titre II de l’avenant rappelle que les réponses au questionnaire, lorsque celui-ci peut être imposé, sont strictement confidentielles. En effet, l’analyse du questionnaire est réservée au service médical de l’assureur. Le conseiller bancaire ne doit absolument pas prendre connaissance des réponses, ce qui n’est pas toujours appliqué compte tenu du manque de publicité des règles posées par la Convention AERAS. Il faut conseiller aux emprunteurs de répondre aux questionnaires, non pas en présence du banquier, mais à leur domicile, et de les renvoyer directement au service médical de l’assureur bancaire.

Il faut noter que l’article 5 du titre II de la convention AERAS mentionne : « Un travail d’harmonisation de la formulation des questions ayant le même objet pour les questionnaires de santé de 1er niveau et pour les questionnaires détaillés par pathologie est conduit par les assureurs, en concertation avec les associations. Ce travail est présenté à la Commission de suivi et de propositions, pour avis, avant sa diffusion. »

Il s’agira de mettre en conformité, l’ensemble des questionnaires spécifiques (pour certaines pathologies) édités par les compagnies d’assurances, car ils sont présentés différemment d’une société à l’autre, et sont contestés, de la même façon, entre compagnies. Ceci évitera que le client, questionne plusieurs fois, son médecin.

La prise en compte du progrès médical

Le titre III de l’avenant prévoit la création d’un groupe de travail, rattaché à la commission des études et des recherches AERAS, chargé d’apprécier les risques en assurance des pathologies représentatives des risques aggravés de santé. Ce groupe procède à l’évaluation du progrès médical et met à jour les probabilités de décès ou de rechute pour chaque maladie. Les assureurs s’engagent à prendre en compte les résultats des travaux du groupe dans leur appréciation du risque, et sont tenus d’actualiser les questionnaires de santé au regard des évolutions de la médecine (titre II).

Les fédérations d’assureurs informent la commission de suivi et de propositions de l’impact des travaux publiés par le groupe de travail sur l’accessibilité à l’assurance emprunteur et ses modalités en termes de prix et de garanties proposés.

L’avenant permet ainsi aux commissions instituées par la Convention AERAS d’avoir un droit de regard sur la justification des tarifs d’assurance proposés aux personnes atteintes d’un risque aggravé de santé [7].

Cependant, le dispositif n’impose pas la prise en compte de l’évolution du risque après la formation du contrat. Dans les assurances de choses et de responsabilité, la tarification évolue en fonction de la réduction ou de l’augmentation du risque, ainsi qu’au regard de sa prévention. Dans les assurances de personnes, l’évolution de la prime est le plus souvent inexistante. Il ne paraît pas excessif que, dans le cadre spécifique de la convention AERAS, les assureurs s’engagent à réduire le montant des primes en fonction de l’évolution des thérapeutiques et/ou du respect par l’assuré des indications thérapeutiques, ce qui favoriserait non seulement les droits des malades, mais également la prévention des risques de santé.

[1] Aussi bien en termes de droits que de devoirs. Voir par exemple l’arrêté du 31 août 2010 modifiant l’arrêté du 21 décembre 2005 fixant la liste des affections médicales incompatibles avec l’obtention ou le maintien du permis de conduire ou pouvant donner lieu à la délivrance de permis de conduire de durée de validité limitée.
[2] C. sant. publ., art. L. 1141-2 et suivants.
[3] En 2009, la FFSA et le GEMA ont relevé que les assureurs ont refusé 24 % des demandes d’assurance comprenant une garantie supérieure (incapacité-invalidité) à la garantie PTIA. Dans les autres cas, les assureurs ont accepté de couvrir la garantie incapacité/invalidité dans 22 % des cas aux conditions standard du contrat, dans 51 % des cas sans surprime, mais avec exclusion ou limitation de garanties, et dans 3 % des cas avec une surprime. FFSA-GEMA, Conjoncture septembre 2009, Demandes d’assurance de prêts (convention AERAS), situation à fin juin 2009, p. 3. Les chiffres n’ont pas significativement évolué depuis 2009.
[4] Sur ces pratiques : Rapport d’activité 2008, Commission de médiation de la Convention AERAS, avril 2009, p. 29 et 30.
[5] En ce sens, Rapport d’activité 2008, ibid.
[6] La Commission de médiation AERAS considère que les prêts relais (in fine) et les prêts pour travaux destinés à la résidence principale (en ce sens, voir l’article L. 312-2 du Code de la consommation) sont éligibles au dispositif d’écrêtement des surprimes. 
[7] De plus, l’Autorité de contrôle prudentiel vérifie, dans le cadre de son contrôle des établissements de crédit et des organismes assureurs, le respect de leurs engagements au regard de la convention AERAS.
 

Faire réviser son contrat

Durant la durée du contrat, au bout de deux ou trois ans, on peut conseiller aux patients, par l’intermédiaire de leur cardiologue, de soumettre à nouveau leur dossier à l’assureur. Dans le meilleur des cas, leur pathologie serait reconsidérée et leur prime revue à la baisse.  Mais en aucun cas, même avec une aggravation constatée, il ne pourrait y avoir de révision de la prime à la hausse. Cette soumission médicale pourrait être faite sur le conseil du cardiologue, lui seul connaissant bien la santé de son patient. Il convient cependant de rester prudent et de ne pas donner de faux espoirs à des patients présentant « un ou plusieurs » facteurs de risques aggravés. 

Philippe Thébault Courtier spécialisé en risque emprunteur

 

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