Covid-19 : l’indice ROX permettrait de prédire rapidement la réponse à l’oxygénothérapie à haut débit

Actualités Medscape © 2020 WebMD – Une petite étude publiée le 15 juillet dans la revue Intensive Care Medicine [1,2] par l’équipe du Pr Jean-Damien Ricard (hôpital Louis-Mourier, AP-HP, Université de Paris, Inserm) montre que l’oxygénothérapie à haut-débit, appliquée dès l’admission des patients Covid-19 avec une insuffisance respiratoire, peut éviter le recours à l’intubation dans 30 % des cas. Elle montre également qu’il est possible d’utiliser l’indice ROX(indice qui combine les paramètres respiratoires d’un patient et la quantité d’oxygène qu’il reçoit) pour prédire le recours à l’intubation, permettant ainsi d’identifier précocement les patients pour qui elle sera finalement nécessaire afin d’éviter tout perte de chance pour le patient.

« Dans le service, notre technique d’oxygénation de première intention quelle que soit la gravité de la pathologie est l’oxygénothérapie à haut débit depuis pas mal de temps. Donc, quand l’épidémie de Covid est arrivée, très tôt, nous avons mis des patients sous oxygénothérapie à haut débit, en réanimation pour les plus graves d’entre eux mais aussi, du fait de l’afflux important de patients, en salle de médecine, grâce à une brigade d’étudiants hospitaliers que nous avons formés à la technique et à l’utilisation du score ROX. Nous nous sommes alors rendus compte qu’un certain nombre de nos patients évoluaient favorablement sans avoir besoin d’être intubés. Il faut rappeler tous les inconvénients liés à l’intubation : sédation lourde, curarisation, risque d’infections nosocomiales, hospitalisations et réhabilitations longues…», a commenté le Pr Ricard pour Medscape édition française.

Pour rappel, l’oxygénothérapie à haut débit a d’abord été peu utilisée chez les patients atteints de formes sévères de Covid-19 avec une hypoxémie sévère par crainte de retarder la ventilation mécanique et d’aggraver le pronostic chez certains patients. Mais aussi par peur que le patient contamine le personnel soignant en expirant de l’air. En raison de son caractère non-invasif et suite à des retours de terrain positifs, la technique qui ne figurait pas initialement dans les recommandations officielles a ensuite été largement préconisée. Elle est maintenant couramment utilisée en première intention chez les patients Covid-19 présentant une insuffisance respiratoire aiguë hypoxémique.

L’intubation évitée chez 34 % des patients

 L’étude rétrospective monocentrique, menée par le Dr Noémie Zucman(service de médecine intensive réanimation de l’hôpital Louis-Mourier, AP-HP) en collaboration avec le Dr Jeremie Mullaert  (service épidémiologie, biostatistique et recherche clinique de l’hôpital Bichat, AP-HP) a inclus tous les patients âgés de 18 ans ou plus éligibles, admis en unité de soins intensifs pendant le pic de l’épidémie de Covid-19, présentant une insuffisance respiratoire aiguë hypoxémique liée à une infection par le SRAS-CoV-2 (confirmée par des tests moléculaires) et traités par oxygénothérapie à haut débit comme assistance ventilatoire de première intention. Les caractéristiques des patients et les données liées à l’oxygénothérapie à haut débit ont été recueillies depuis l’admission jusqu’à l’arrêt de l’utilisation ou à l’intubation, ce qui a défini l’échec de la technique. L’indice ROX était enregistré plusieurs fois par jour.

En tout, 62 patients ont été inclus dans l’étude. Leur âge médian était de 55 ans (48–63). Les patients présentaient une hypoxémie profonde au début de l’oxygénothérapie à haut débit [la médiane de FiO2 et de SpO2 était de 0,8 (0,6–1) et 96% (94–98), respectivement] avec une fréquence respiratoire médiane de 25 respirations par minute (21–32). Les paramètres de l’oxygénothérapie à haut débit initiaux étaient: FiO2: 0,8 (0,6–1) et débit de gaz: 50 L / min (40–60).

En tout, 21 patients (34%) ont bien répondu à l’oxygénothérapie à haut débit et ont quitté les soins intensifs, tandis que 39 (63%) ont eu besoin de ventilation mécanique et 2 (3%) sont décédés (ils ont été exclus de l’analyse ultérieure ). La mortalité globale aux soins intensifs était de 17%.

« Ce travail est important parce qu’il montre qu’on peut utiliser l’oxygénothérapie à haut débit chez les patients les plus graves présentant une pneumonie à Covid-19 sans avoir à recourir systématiquement à l’intubation », explique le Pr Ricard

Un score ROX marqueur de la réponse ventilatoire précoce

Un autre intérêt de cette étude est qu’elle montre que l’indice ROX qui combine les paramètres respiratoires d’un patient et la quantité d’oxygène qu’il reçoit, mesuré dans les 4 premières heures après l’initiation de l’oxygénation à haut débit pourrait être un marqueur facile à utiliser de la réponse ventilatoire précoce.

« Ce travail a confirmé l’intérêt de l’indice ROX (publié l’an passé avec un collègue espagnol, le Dr Oriol Roca [3]) dans une population de patients très différente de celle qui a permis initialement de le décrire, ce qui renforce la validité externe de cet outil d’aide à la décision », explique le Pr Ricard qui précise : « nous savions que les patients COVID avaient une fréquence respiratoire un peu plus basse que dans les cas habituels de grippe ou pneumonie grave. Nous nous sommes donc dit qu’il fallait ajuster le score pour cette population de patient ».

Les chercheurs ont pu observer qu’un indice ROX inférieur à 5,37 dans les 4 premières heures de mise en route de l’oxygénothérapie à haut débit était prédictif du besoin ultérieur d’une intubation chez les patients Covid-19 de l’étude.

« Ce score est facile à calculer par les infirmières qui surveillent les patients. Ce qui est intéressant, c’est la dynamique d’évolution de ce score. Il y a tout intérêt à le réaliser régulièrement, toutes les unes à deux heures, pour voir si le patient s’améliore (score qui augmente) ou s’il est en train de se dégrader (score stable ou qui baisse) et ce, afin de ne pas manquer le moment où le patient pourrait nécessiter une intubation », précise le Pr Ricard.

Trois questions au Pr Ricard

Avez-vous eu des cas de contaminations de soignants liés à l’oxygénation à haut débit ?

Il y avait une incertitude sur le risque de dispersion virale accrue avec cette technique puisque les patients expirent librement mais la littérature, notamment sur la première épidémie de SARS-CoV, montre qu’il n’y a pas de dispersion accrue dès lors que l’on met une protection adéquate. De notre côté avec des mesures de protection simples et en aérant bien les pièces nous n’avons pas eu de contamination de soignants.

Est-il parfois trop risqué d’utiliser cette technique en première intention plutôt que la ventilation mécanique  ?

Même si nous avons l’impression que le patient va avoir besoin d’être intubé dans la demi-heure ou dans l’heure, ce n’est pas un facteur qui empêche de pratiquer cette technique puisque nous allons nous en servir pour pré-oxygéner les patients en préparation de leur intubation. 

Quelle place reste-t-il pour la CPAP ?

La CPAP présente l’avantage de délivrer une pression positive supérieure à celle obtenue avec l’oxygénothérapie à haut débit. Elle a comme inconvénient de nécessiter un masque que l’on doit sangler assez fort pour éviter les fuites et la tolérance est bien moindre. Les patients peuvent rester 2, 3, 4, 7 jours sous oxygénothérapie avec des niveaux très élevés d’oxygène de façon remarquablement tolérée alors que la CPAP peut être tolérée 2 à 3 heures maximum. Cela peut être intéressant pour passer un cap ou pour la régulation du flux du patient aux urgences avant d’hospitaliser le patient.

  1. Communiqué APHP. Covid-19 : prédire la nécessité d’un recours à l’intubation dans les formes les plus graves. 4 août 2020
  2. Zucman N, Mullaert J, Roux D, Roca O, Ricard JD.  Prediction of outcome of nasal high flow use during COVID-19-related acute hypoxemic respiratory failure Intensive Care Med, 2020 Jul 15;1-3. doi: 10.1007/s00134-020-06177-1. Online ahead of print.
  3. An Index Combining Respiratory Rate and Oxygenation to Predict Outcome of Nasal High-Flow Therapy. Roca O, Caralt B, Messika J, Samper M, Sztrymf B, Hernández G, García-de-Acilu M, Frat JP, Masclans JR, Ricard JD. Am J Respir Crit Care Med. 2019 Jun 1;199(11):1368-1376. doi: 10.1164/rccm.201803-0589OC. PMID: 30576221<;

Actualités Medscape © 2020 WebMD, LLC – 12 août 2020.

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