CPTS, assistants médicaux, les médecins sur leurs gardes

Les premiers rounds de négociations conventionnelles sur les Communautés Professionnelles Territoriales de Santé (CPTS) et les assistants médicaux qui se sont déroulés depuis le 16 janvier dernier et doivent se poursuivre jusqu’à début avril, ont provoqué pour l’instant chez les syndicalistes médicaux les plus extrêmes réserves. 

La première négociation, pluri-professionnelle, réunit face à l’Assurance-maladie 48 syndicats représentatifs de 15 professions de santé et doit aboutir début avril à un Accord Cadre Interprofessionnel (ACI) dont l’enjeu est d’en finir avec l’exercice médical isolé et mailler le territoire de 1000 CPTS d’ici 2022, dans « une logique de responsabilité territoriale et populationnelle », comme l’indique la lettre de cadrage de la ministre de la Santé. Concernant les CPTS, les propositions de la CNAM s’articulent autour de cinq grands axes.

  • Le premier a trait à la définition de l’exercice coordonné qui, selon la CNAM revêt deux dimensions : une coordination de proximité et une coordination de territoire.
  • Le deuxième axe vise à définir les missions éligibles à un financement conventionnel. La CNAM propose de distinguer des missions socles et des missions complémentaires (prévention, continuité des soins, qualité et efficience, amélioration des conditions de travail et attractivité dans les territoires). Elle avance trois missions socles, deux sur l’accès aux soins (accès au médecin traitant et accès aux soins non programmés) et une mission sur l’organisation des parcours.
  • Le troisième axe concerne l’accompagnement nécessaire en matière d’outils de coordination, pour lequel l’Assurance-maladie souhaite le développement d’outils numériques « pertinents » et « permettant les échanges sécurisés et traçables des informations ».
  • Pour la rémunération des missions des CPTS (quatrième axe), la CNAM pose le principe d’une « rémunération des CPTS et non des professionnels de santé en tant que participants de la communauté ». C’est la structure qui redistribue ensuite pour indemniser par exemple, le temps passé en réunion. La fonction de coordination « pourrait être rémunérée en tant que telle » avec un montant modulé en fonction de la taille du dispositif. Chaque mission exercée par le CPTS « donnera lieu à une rémunération spécifique dont le montant pourra être pondéré en fonction de l’intensité des moyens mis en œuvre », rémunération qui « pourra être bonifiée au regard de l’atteinte d’objectifs en lien avec les missions réalisées par les CPTS ». Sur ce sujet de la rémunération, le SML rappelle la promesse faite par le directeur de la CNAM lors de son congrès « de ne pas “couper les vivres” aux médecins qui n’auraient pas rejoint une CPTS » et s’inquiète de ce que « le cadrage annoncé semble conditionner une part de la rémunération future au fait d’adhérer à ce type de structure ».
  • Enfin, pour le dernier axe relatif au développement de la coordination de proximité, la CNAM propose de poursuivre les autres dispositifs tels que les Equipes de Soins Primaires (ESP), les MSP ou les centres de santé.

Les spécialistes privés d’assistants médicaux ?

En ce qui concerne les assistants médicaux, la négociation, mono-catégorielle, vise un avenant conventionnel relatif au financement des assistants médicaux qui déterminera les missions attendues, les conditions d’éligibilité des médecins à l’aide financière devant permettre d’en recruter, le niveau de financement par l’Assurance-maladie et les contreparties attendues.
Là encore, l’Assurance-maladie a posé ses orientations. Pour elle, « les assistants médicaux devront être investis de missions spécifiques qui soient distinctes de celles d’aujourd’hui exercées par les auxiliaires médicaux dans leurs activités de soins et des secrétaires administratives exerçant au sein des cabinet médicaux ».
Une première orientation qui ne plaît pas aux médecins. « Le médecin libéral doit garder la mainmise sur l’organisation de son cabinet, et être libre de confier à l’assistant médical des missions administratives et soignantes, selon les besoins de ses patients », réplique la CSMF qui estime que « ce n’est pas dans le cadre de la négociation conventionnelle médicale que des définitions trop précises du contour du métier doivent être imposées car cela deviendrait un carcan inapplicable ». 

Les préalables pour bénéficier de l’aide au recrutement d’un assistant ne conviennent pas davantage aux syndicats médicaux. La CNAM en fixe trois : le travail en mode regroupé, avec un exercice coordonné (ESP, CPTS, MSP, centre de santé) et un engagement à « une augmentation mesurable de la patientèle suivie ». Le zonage retenu par l’Assurance-maladie et l’exclusion du secteur 2 « écartent une partie des médecins spécialistes, autres que les médecins spécialistes en médecine générale », souligne la CSMF pour laquelle les assistants médicaux doivent pouvoir intervenir dans tous les cabinets, sans exclusivité de spécialité ni le mode d’exercice. Alors que les médecins exerçant seuls, surchargés de travail, dans des zones sous denses, sont ceux que la création d’assistants médicaux devrait prioriser pour les soutenir, l’Assurance-maladie fait de l’exercice regroupé un critère d’éligibilité.

une course à l’acte

Enfin, si la CSMF conçoit des contreparties en matière d’accès aux soins pour l’accompagnement financier de la création d’un poste d’assistant médical, la seule augmentation de la patientèle et des consultations lui semble « un objectif contraire » au « souci de qualité » que poursuit aussi la création des assistants médicaux. C’est donc logiquement que la confédération regarde avec réserve l’aide financière « dégressive » telle que souhaitée par Agnès Buzyn, et qui a vocation « à être progressivement compensée par l’accroissement de la file active des médecins ». Le SML voit dans ce mécanisme une façon d’imposer « une course à l’acte » aux médecins qui est « un non-sens ». 

Des réserves exprimées, les deux syndicats sont passés à la colère lors de la réunion du 7 février dernier. La prétention de l’Assurance-maladie à vouloir « quantifier précisément par médecin le nombre de consultations à faire par heure (6 consultations par heure !) et de patients vus par un assistant médical (12 par heure !) » a été estimée « contraire à l’éthique médicale » par la CSMF qui a quitté la séance, tout comme le SML qui juge « sidérant » de vouloir imposer aux médecins « d’assurer jusqu’à 2 256 consultations supplémentaires par an ». 

Les syndicats médicaux ont décidé de formuler une contre-proposition commune qu’ils présenteront lors de la prochaine réunion.

© Christian Schulz

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