Crise démographique : les trois contraintes qui grèvent l’avenir de la cardiologie libérale

La situation démographique de la cardiologie n’a certes pas le caractère alarmiste de certaines autres spécialités mais les contraintes spécifiques pesant sur la discipline peuvent alimenter quelques craintes : _ – la féminisation tardive : à ce jour, la cardiologie est l’une des spécialités les moins féminisées qui soit, avec 16 % seulement d’effectifs féminins ; toutefois, les consoeurs sont majoritaires (56 %) chez les moins de 30 ans, laissant augurer d’un phénomène de réduction de l’offre similaire à celui déjà observé dans d’autres disciplines : alors qu’une femme-cardiologue de 50 ans travaille exactement comme un confrère du même âge, ce n’est plus le cas chez les trentenaires, où le mi-temps est une règle souvent observée. Si les jeunes consoeurs conservent cette pratique, l’offre de soins cardiologiques va, mécaniquement, se réduire ; _ – le moindre tropisme pour l’exercice libéral. Le groupe de travail de la spécialité a fait valoir aux experts de l’Observatoire que la carrière libérale ne suscitait plus guère de vocations. Et même plus du tout s’agissant d’un exercice isolé en ville (aucun cabinet de ce genre ne trouve plus de successeur) ; ou fort modestement en cabinet de groupe urbain. L’un des problèmes, pointés par le groupe de travail, est que les internes « n’ont plus de contact avec la pratique libérale alors que les générations précédentes la connaissaient par les stages ou les remplacements ». Aujourd’hui, le jeune cardiologue a d’autant plus tendance à privilégier la carrière hospitalière que l’évolution de la discipline l’y porte (activité interventionnelle à + 10 % par an), le nombre de postes disponibles (15 % de postes non pourvus en établissements publics) et… l’attractivité financière de la fonction ; _ – les contraintes des gardes, en particulier en unités de soins intensifs, sont mieux prises en compte en secteur public (les exigences de repos compensateur imposent des équipes de 6 à 7 cardiologues pour être « viables ») qu’en secteur privé. Selon l’estimation du groupe de travail, le besoin de compétences dans ce seul « créneau » d’activité atteindrait 500 emplois de cardiologues.

Au final, les perspectives portent donc peu à l’optimisme s’agissant des conditions de travail, en ville ou en établissement, tout gain de productivité obtenu sur un secteur se traduisant péjorativement dans l’autre… Ã en croire les représentants de la spécialité, les listes d’attente qu’on déplorait il y a peu de temps encore en cardiologie interventionnelle seraient aujourd’hui résorbées… mais la durée d’obtention d’un rendez- vous en cabinet de ville s’est simultanément allongée. Les nouveaux gisements de productivité sont déjà identifiés : ils ont nom redistribution de l’activité, transfert de tâches… Autant de notions identifiées sous le terme générique de « réseau ». Celui-là même que l’administration a retenu pour financer le système des gardes en USIC.

Les gardes en USIC sont désormais rémunérées 228,68 €

On avait beau l’attendre, la lecture de la circulaire que le directeur de la CNAM, M. Frédéric VAN ROEKEGHEM, vient d’adresser à ses Caisses recèle un authentique motif de satisfaction : elle organise ni plus ni moins que la rémunération des gardes des cardiologues en Unité de soins intensifs. 228,68 € – soit 1.500 de nos ex- Francs – par période de 12 heures, la nuit ou le week-end, voilà de quoi remobiliser les troupes !

Alors que le très médiatique Dr Patrick PELLOUX profitait de la trêve pascale pour ressusciter la guerre public/privé autour des urgences, une autre hache de guerre était enterrée… loin des projecteurs de l’actualité. Les gardes en USIC suffisaient à faire, jusqu’à aujourd’hui, la différence de qualité de vie entre le statut hospitalier public et la pratique privée. Repos de sécurité compensatoire d’un côté, et… rien de l’autre.

Deux événements consécutifs ont contribué à pallier cette injustice : – la menace de grève des chirurgiens de l’été passé d’une part, qui vit les intéressés revendiquer la juste indemnisation de leurs astreintes… ; – la Convention médicale signée le 12 janvier qui voyait les négociateurs exiger – et obtenir de leurs interlocuteurs – satisfaction de la revendication des chirurgiens et de toutes les autres disciplines également mobilisées par les urgences.

…Dont les cardiologues. Un mot sur le prix de 228,68 €par période de 12 heures (nuit + week-end) qui est exigible quelle que soit l’activité de la garde pourvu qu’elle ait été pratiquée en USIC sous contrat avec une ARH. Cette disposition fait l’objet de l’article 8-8 de la Convention. Les honoraires perçus le sont donc en sus de cette indemnisation.

En revanche, son mode de perception est tout à fait original et relève d’une organisation collective que les pouvoirs publics appellent ici « réseau » de professionnels. Au terme de la circulaire VAN ROKEGHEM, il appartient donc aux médecins de l’Unité de soins de passer contrat avec l’URCAM (Union Régionale des Caisses d’Assurance Maladie) ; normalement celle-ci devrait en prendre l’initiative mais rien n’empêche non plus de prendre l’initiative du contact. Les Unions de médecins, sollicitées pour avis sur le texte du contrat, peuvent aussi constituer un intermédiaire pertinent.

Chaque équipe d’USIC désignera donc un mandataire, représentant ses pairs pour signer un contrat avec le directeur de l’URCAM, texte devant être assorti d’un « référentiel » de pratique, fondé à la fois sur des éléments juridiques et scientifiques. Les contrats « remonteront » à Paris pour approbation dans un délai d’un mois et demi, avant de redescendre à l’échelon des CPAM désignées comme organismes payeurs.

C’est aussi au cardiologue-mandataire qu’incombera d’établir chaque mois un tableau de gardes, lequel devra être co-signé par le président de la CME, le paiement intervenant sur un récapitulatif individuel, évidemment signé par l’intéressé. Normalement, les Caisses sont engagées à en assurer le paiement sous 15 jours à compter de l’envoi de l’ensemble des pièces.

La profession – dont le Syndicat – considère que cette disposition est rétro-active depuis le 1er décembre. La circulaire VAN ROEKEGHEM considère, elle, comme un préalable la signature du contrat collectif cardiologues/URCAM. Quoi qu’il en soit, l’important reste que cette disposition ait fini d’être actée simultanément à la mise en oeuvre de la CCAM. Avec la rémunération du C2 aux titulaires du CES, il s’agit assurément d’une des meilleures nouvelles du début 2005.

Jean-Pol Durand

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