Délais d’attente : premier motif de renoncement aux soins

Il faut attendre de plus en plus longtemps pour obtenir un rendez-vous, particulièrement chez un spécialiste de ville. C’est la principale cause de renoncement aux soins, devant le coût de la consultation.

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© Ivonne Wierink

379 – Le cabinet Jalma, spécialisé dans le domaine de la santé, a publié les résultats de son « Observatoire de l’accès aux soins » pour 2014, réalisé en partenariat avec l’Ifop (1). Des résultats qui viennent corriger quelque peu certaines affirmations données comme des vérités, à commencer par celle ressassée par Marisol Touraine pour imposer l’obligation du tiers-payant généralisée et selon laquelle le coût de la consultation médicale serait le premier motif de renoncement aux soins.

Et bien, n’en déplaise à la ministre de la Santé, le premier motif de renoncement aux soins n’est pas financier mais tient aux délais d’attente pour obtenir un rendez-vous chez un spécialiste de ville ou à l’hôpital. Selon l’enquête Jalma, 67 % des Français ont déjà renoncé à des soins spécialisés compte tenu du délai d’obtention d’un rendez-vous, un pourcentage en augmentation puisqu’en 2011, ils n’étaient « que » 58 % à invoquer ce motif. C’est donc le premier motif de renoncement aux soins, largement devant le coût de la consultation (46 %) et l’éloignement géographique (32 %).

Un délai d’attente rallongé de 20 % en trois ans

Il faut dire que le délai moyen pour l’obtention d’un rendez-vous s’est beaucoup rallongé ces dernières années, s’établissant en 2014 à 51 jours pour un spécialiste de ville, contre 44 jours trois ans plus tôt, en 2011. Et les écarts sont considérables selon les spécialités. Il faut compter en moyenne 111 jours pour avoir un rendez-vous chez un ophtalmologiste (contre 103 en 2011, 57 jours pour un rendez-vous chez un gynécologue (51 en 2011), 50 jours pour une consultation chez un dermatologue (38 en 2011), 42 jours pour consulter un cardiologue (29 jours en 2011), 37 pour un rhumatologue (28 en 2011) et 36 jours pour un ORL (29 en 2011).

Les délais ne varient pas seulement en fonction des spécialités mais aussi selon les régions, les délais pouvant être deux fois plus longs en province qu’en région parisienne. Pour obtenir un rendez-vous chez un cardiologue, par exemple, les délais d’attente varient du simple au triple, avec un délai moyen de 21 jours en région parisienne contre 72 jours en Picardie, Champagne-Ardenne et Bourgogne.

Une des explications à ces variations est la corrélation entre un long délai d’attente et la faible démographie de certaines spécialités. C’est le cas notamment de la gynécologie dans le Sud-Est de la France. Mais cette explication n’est pas pertinente pour l’ophtalmologie, la dermatologie et l’ORL, par exemple. L’attente pour obtenir un rendez-vous chez un ophtalmologiste va de deux mois en Ile-de-France à cinq mois dans le Nord-Pas-de-Calais. Mais la Champagne-Ardenne et la Franche-Comté qui enregistrent la plus basse démographie pour cette spécialité, « n’enregistre pas de délais excessifs », avec des délais oscillant de 104 à 130 jours pour la première et de 130 à 146 jours pour la seconde.

Des Français qui renonceraient à se soigner

Tous soins compris, 70 % de Français déclarent y avoir renoncé (contre 66 % en 2011). Parmi ceux qui évoquent le motif du coût de la consultation, 30 % ont renoncé aux soins de médecine générale (contre 18 % en 2011) et 46 % à consulter un spécialiste (37 % en 2011). Sans surprise, la renonciation aux soins est surtout le fait des populations les plus précaires : 55 % des personnes sans couverture complémentaire ont renoncé à consulter un généraliste et 67 % à consulter un spécialiste, ces pourcentages étant respectivement de 44 % et 60 % chez les personnes bénéficiant de la CMU-C.

Enfin, l’hôpital n’échappe pas  ce phénomène d’allongement des délais d’obtention d’un rendez-vous : il faut patienter 42 jours en moyenne pour une opération chirurgicale programmée et 49 jours pour consulter un spécialiste, soit 9 jours de plus qu’en 2011.

(1) En quête réalisée fin 2014 par questionnaire auprès d’un échantillon de 1 021 personnes représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus.