Demain le cardiologue sera-t-il hyperspécialiste ou généraliste ?

Les champs d’intervention de notre métier s’élargissent, imposant au cardiologue une vision et une prise en charge du patient de plus en plus globales.

Depuis déjà deux ans, les recommandations de l’ESC sur le diabète mettent en avant deux nouvelles classes thérapeutiques diminuant significativement le risque cardiovasculaire. Dans le cadre de la prévention cardiovasculaire du patient diabétique, le cardiologue doit-il se mettre à les prescrire au même titre que l’activité physique, les antiagrégants plaquettaires, les hypolipémiants ou la revascularisation ? Sachant que la prévalence du diabète ne cesse d’augmenter, que le nombre de médecins généralistes a diminué de 7 % sur 10 ans et que les endocrinologues de ville sont de moins en moins nombreux, la compétence du cardiologue dans ce domaine ne peut que s’élargir.

Dans la maladie athéromateuse, plusieurs études nous permettent de mieux appréhender cette pathologie qui ne se limite plus au cholestérol, et dont la prise en charge devient plus efficiente grâce à l’apport de nouvelles molécules. 

Pour l’activité physique, les recommandations de l’ESC nous imposent l’appropriation de nouvelles connaissances et nous encouragent à avoir une vision moins parcellaire de nos patients.

Enfin, les patients, de plus en plus âgés, nécessitent une approche multidisciplinaire ambulatoire prenant en compte leur environnement médicosocial, et leurs comorbidités.

Cette prise en charge globale, le plus souvent effectuée par les acteurs locaux de proximité de ville doit être le socle de l’activité cardiologique.

La particularité de notre métier est d’être une spécialité médicotechnique, avec une balance toujours équilibrée entre ses deux composantes. Nos prédécesseurs y ont jalousement veillé. L’interrogatoire et la clinique font partie de notre ADN. L’outil technologique doit rester au service du traitement de la maladie dans l’intérêt du malade, et non le contraire, comme on a pu le voir parfois pour la dilatation d’une image coronaire en l’absence de tout signe d’ischémie. La structuration actuelle des services hospitaliers de cardiologie en unités hyperspécialisées pour améliorer l’efficience de la prise en charge n’a plus, comme seul contre-pouvoir, que la cardiologie libérale de ville avec une vision par essence plus globale du patient. 

Sur 183 internes de cardiologie formés par an, seulement 38 le seront en cardiologie générale et ce exclusivement par des stages à l’hôpital. Le rallongement du cursus de l’interne de cardiologie de 4 à 5 ans aurait dû lui permettre d’effectuer un stage en cabinet libéral de ville pour découvrir cette vision globale. Malheureusement, alors que toutes les autres spécialités médicales (hépatogastrologie, pneumologie, endocrinologie…) autorisent un stage de 6 mois à 1 an en cabinet de ville, l’interne de cardiologie n’a comme possibilité qu’un stage facultatif de 15 jours !

Après avoir scindé la cardiologie et le vasculaire en deux internats différents, amputant le médecin cardiovasculaire d’une de ses fonctions, voilà que la formation du cardiologue se résume à la seule rencontre de patients hospitalisés pour des pathologies cardiaques spécifiques ou des actes techniques. 

Si nous ne changeons rien, nous ne serons plus que des techniciens regardant à la loupe un « bout » de cœur et non plus des médecins spécialistes en maladie cardiovasculaire.

Le Syndicat National des Cardiologues défend une cardiologie holistique et a fait de l’année 2021 une priorité pour permettre les stages des internes en cardiologie libérale.

Marc Villacèque
Président du Syndicat national des cardiologues

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