Démographie : inflation de l’immigration médicale

313 – En attendant, il convient donc de se fier aux statistiques – mêmes imparfaites – des tutelles de l’installation. Et de saluer les efforts de l’Ordre qui, dans le cadre de son « Atlas » des médecins en exercice, a décidé de s’intéresser cette année aux médecins étrangers exerçant en France. Le sujet est d’actualité depuis quelques années, plus précisément depuis que notre pays s’inquiète d’une éventuelle « pénurie » médicale. Et envisage, avec quelques accrocs qui nourrissent parfois la rubrique des faits divers, comme celui d’un ophtalmo hospitalier marocain menacé d’expulsion, le principe et les modalités d’une immigration choisie. Selon le communiqué ordinal : 7 000 médecins diplômés hors de l’Union Européenne – soit une promotion de carabins admis en PCEM2 – pourront accéder au plein exercice de leur métier d’ici 2011.

Première conclusion de l’étude de l’Ordre : la France comptait, au 1er janvier 2007, 8 431 médecins en exercice, de nationalité européenne et extra-européenne, soit 3,5 % de ses effectifs en activité. Avec 260 cardiologues dans cette situation, la spécialité se retrouve « dans l’exacte moyenne ». Les spécialités où les étrangers sont beaucoup plus nombreux sont la médecine générale (9 %), la chirurgie générale (7 %), la pédiatrie (6 %) ; celles où ils sont les moins nombreux (2 %) sont la rhumatologie, la gynécologie-obstétrique, la dermatologie, la médecine du travail.

Cette statistique a de quoi surprendre à première lecture, mais il faut savoir que les rangs des médecins immigrés sont particulièrement importants à l’hôpital : les libéraux ne comptent que pour 30 % pendant que les deux tiers se rencontrent à l’hôpital public, et souvent là où ils étaient initialement venus compléter leur formation. Deuxième observation : l’immigration médicale connaît un phénomène d’inflation relativement récent : entre 2003 et 2006, la croissance des médecins étrangers a été de 24 % ; et ils sont majoritairement plus jeunes que leurs confrères français (66 % ont moins de 50 ans, contre 48 % chez les Français). On sera moins surpris d’apprendre qu’il s’agit d’un phénomène majoritairement masculin (68 %), encore que la féminisation affecte également les flux les plus récents, à l’instar des diplômées roumaines : sur 25 cardiologues de cette nationalité exerçant sur le territoire, 18 sont des femmes !

Le pays d’origine connaît également des variations récentes. On ne sera pas étonné de découvrir que la Roumanie et la Bulgarie, entrées dans la communauté le 1er janvier 2007, se sont d’emblée révélées énormes pourvoyeuses de main d’oeuvre médicale, majoritairement en médecine générale pour les Roumains, assez facilement francophones, et en anesthésie pour les Bulgares.

Le phénomène est donc plus qu’embryonnaire chez les cardiologues où le recrutement se fait majoritairement en Afrique du Nord (Algérie : 25 % ; Maroc : 15 % ; Tunisie : 15 %)… Encore convient-il de rappeler que l’étude de l’Ordre ne tient compte que des médecins ayant conservé leur nationalité et pas des praticiens d’origine, naturalisés après leur arrivée.

Dernière information : où les rencontre-ton ? Ã 38 % en région parisienne, la répartition étant par ailleurs assez inégale selon les régions, les plus accueillantes se trouvant être les mois médicalisées : Nord-Pas de Calais, Picardie, Lorraine, Centre…

Pour l’anecdote : l’exercice cardiologique immigré est aussi peu féminisé que son équivalent domestique, à un taux de 18 %…

Conclusion de l’Ordre : « il est regrettable de constater que si l’augmentation du nombre de médecins étrangers ne résout pas le problème des spécialités en crise, elle contribue largement à… démunir leur pays d’origine de compétences qui leur sont indispensables ». On regrettera pour notre part que l’institution n’ait pas distingué dans sa démarche les migrants « communautaires » (à part les deux derniers pays ayant intégré la CEE) des diplômés non européens ayant transité par la procédure de qualification pour n’avoir pu prétendre à celle de la « reconnaissance mutuelle ».